CAHIER 3
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- 49 - - 50 - - 51 - En quelques jours, la crise à pris la dimension d’une affaire d’État posant une nouvelle fois un problème de santé publique et suscitant la méfiance envers l’agriculture. L’effort de qualité a été indéniable dans ce secteur. J’ajouterai qu’il y a urgence de revaloriser les retraites agricoles. Il faudra encore attendre 2002 pour que les plus petites retraites atteignent le minimum vieillesse. préoccupation. Il importe, devant cette crise, de mettre tout le monde face à ses responsabilités. C’est en mobilisant tous les moyens disponibles que l’on pourra redonner espoir au monde agricole. (Applau-dissements à droite et au centre.) Tous ensemble, consommateurs, scientifiques et acteurs politiques, nous devons réfléchir à notre modèle de consommation et au type de production qui pourrait lui correspondre. C’est l’enjeu du siècle à venir. Le principe de précaution ne doit pas devenir systématiquement un principe d’interdiction généralisée ; les agriculteurs ont besoin, au contraire, de ce que j’appellerais le « principe d’espérance ». Dans notre département, comme chaque fois que les intérêts de nos producteurs sont en jeu et que la qualité de nos produits doit être affirmée, nous savons unir nos efforts pour retrouver l’heureux temps du « Bonheur dans le pré » et dans l’assiette, du « Suivez le bœuf » et de « La vache qui rit » ! Quand on sait ce que l’agriculture et le monde rural ont apporté à la France, les sacrifices consentis, quand on mesure le formidable bond en avant de l’agriculture gersoise depuis trente ans, avec un taux exceptionnel de population agricole – 25 %, le plus important de France – on ne peut décemment accepter que les agriculteurs et les éleveurs soient désignés à la vindicte publique ! Mon département est l’un des tous premiers en matière d’oléagineux. La relance de la filière oléoprotéagineuse devrait nous permettre à terme de nous affranchir de la dépendance visà-vis du marché américain. Je déplore les concessions excessives faites aux États-Unis dans le cadre des accords de Blair House, qui ont entraîné une limitation des surfaces d’oléagineux et de protéagineux, et je souhaite que soient mises en place des aides conséquentes pour relancer ces cultures. De même, il faut aider les éleveurs, à raison de 1 000 francs par tête pour frais de garde, et pour compenser la chute des cours. Je me réjouis de l’adoption par le Sénat d’un amendement que j’ai cosigné, visant l’exonération de l’impôt sur le revenu pour les sommes perçues au titre des indemnisations des pertes de cheptels bovins résultant de l’E.S.B. Il est également indispensable de prévoir à l’égard des viticulteurs des mesures exceptionnelles de soutien face à la concurrence de productions européennes et latino-américaines. Le financement de toutes ces actions repose sur l’État, bien sûr, et sur l’Europe, mais pourquoi ne pas le faire reposer aussi sur un des partenaires essentiel des agriculteurs, qui a largement profité de leur confiance et de leur fidélité, le Crédit agricole ? Cette banque, qui représente aujourd’hui un capital de plus de 500 milliards, est la première banque française, la deuxième banque européenne et la quatrième banque mondiale. Gérée par une technostructure très compétente, elle multiplie ses participations dans tous les domaines. Elle affiche aujourd’hui un résultat net pour 1999 de 15,6 milliards de francs, en hausse de 26,3 %. Cette banque ne peut oublier ses fondateurs. Dans sa structure juridique, elle reste mutualiste, ce qui la protège de toute O.P.A. et de tout rachat. À qui appartient le capital du Crédit agricole ? À côté des actionnaires – le personnel et les représentants des 53 caisses régionales – il y a 5,61 millions de sociétaires, détenteurs des seules parts sociales toujours évaluées à leur valeur nominale d’émission et qui subissent de ce fait un incontestable préjudice. Il faut modifier l’article 618 du Code rural, en rendant aux porteurs de parts sociales la valeur réelle qui leur revient. On pourrait s’inspirer pour cette adaptation du modèle anglais de privatisation des mutuelles. Je ne veux pas remettre en cause le système coopératif, basé sur la solidarité mutualiste, qui a contribué au développement de notre agriculture. Dans une coopérative de production, de collecte ou d’approvisionnement, on n’impose pas aux secrétaires, à chaque opération de vente ou d’achat, un prélèvement de parts sociales. L’apport se fait au moment de l’adhésion ou lorsque la coopérative décide une augmentation de capital. Au Crédit agricole c’est au contraire sur chaque opération nouvelle de prêt que l’on prélève un pourcentage de part sociale. Je voulais, dans cette Assemblée qui est aussi la chambre d’écho du monde rural, vous faire part de cette M. HUCHON. – Représentant d’un département d’élevage, le Maine-etLoire, je ne peux manquer d’évoquer devant vous la situation des éleveurs en détresse. Le plan d’urgence n’a pas convaincu et la façon dont l’E.S.B. a été traitée par les médias, l’information flamboyante et affolante répandue à ce sujet ont provoqué la mévente et la chute verticale de la consommation et des cours. La filière s’est paralysée et le désespoir s’installe. Les trésoreries sont épuisées tandis que tombent les échéances de fin d’année ! L’ambiance est d’autant plus accablante que l’opinion ne manque pas d’en rajouter et de culpabiliser les éleveurs. Ces derniers perdent confiance dans le gouvernement et dans leurs élus dont ils considèrent qu’ils dispensent les promesses avec abondance mais ne les concrétisent qu’avec parcimonie. En même temps que des aides financières, ils attendent du gouvernement qu’il use de son influence pour inverser la tempête médiatique qui a tout dévasté. À entendre certains, nous en serions revenus à l’époque de la peste noire, où les charretiers du roi passaient chaque matin dans les rues enlever les cadavres des habitations… Il n’en est rien ! Et si, malheureusement, nous avons à déplorer deux ou trois victimes, les précautions que vous avez prises – et dont nous vous félicitons et vous remercions, monsieur le Ministre – font que désormais, il n’y a plus aucun risque de contamination humaine et qu’on peut consommer de la viande sans crainte. Il faut le dire et le redire, il faut désintoxiquer une opinion publique malade et, pour ce faire, employer les mêmes moyens que ceux qui ont si bien compromis la situation. Les producteurs de fruits et légumes sont eux aussi en difficulté. Les paysans, en général, se sentent isolés et abandonnés. Dans un pays où la reprise économique bat son plein, ils se sentent écrasés par un système où ils sont les seuls responsables en même temps que les victimes. Ils n’ont plus confiance dans leur syndicalisme, qui compte de moins en moins d’adhérents, et le pluralisme syndical, avec la guerre des chefs qui l’accompagne, les agace profondément. Ils avaient mis en place, il y a quelques décennies, un N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 – 3 - 52 - - 53 - - 54 - système de mutualisme, de crédit, de coopérations qui donnait satisfaction. Hélas, ce système para-agricole a évolué vers le gigantisme et l’exploitant est désormais livré sans protection aux aléas et aux caprices du commerce mondial ! Des éleveurs de mon pays ont trouvé dans un restaurant d’une chaîne nationale de la viande argentine ! À la faveur de quel circuit mystérieux ? Bien évidemment aucune marque d’identification ou de traçabilité… pelle que l’auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente. nance. Le débat, intéressant, long et constructif, a vu se rejoindre les points de vue de droite et de gauche (on juge à droite cette configuration dangereuse) pour encadrer l’habilitation donnée au gouvernement au sujet de Natura 2000. Chaque intervenant aura à cœur de respecter le temps imparti de deux minutes trente afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée. Natura 2000 Une situation aussi trouble amène le désespoir, puis la violence. Il faut éviter d’en arriver là. Le conseil régional des Pays de Loire, à l’initiative de son président et avec la participation des cinq départements, a dégagé d’importants crédits. Les élus régionaux et départementaux attendent une participation équivalente de l’État pour aider à des opérations de dépistage. Monsieur le Ministre, vous ne pouvez rester sourd à cet appel. M. Vecten vous a déjà alerté sur l’attitude et les paroles de votre directeur général de l’enseignement agricole. En un moment pareil, une résurrection de la guerre scolaire serait choquante. L’agriculture n’a pas besoin de cela ! Le système scolaire pluriel instauré par la loi de 1984 doit être maintenu et nous comptons sur vous, monsieur le Ministre, pour couper court à des bruits et à des intentions qui ne peuvent que provoquer le malaise. (Applaudissements au centre et à droite.) La séance est suspendue à midi 50. M. DE MONTESQUIOU. – Ma question s’adresse à Mme Voynet, ministre de l’Environnement. Elle porte sur les derniers rebondissements du feuilleton Natura 2000, vieille histoire qui remonte à 1992 ! (Exclamations à droite.) En 1998, prétextant que c’était trop tôt, vous aviez refusé d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi de M. Le Grand, adoptée par le Sénat, qui aurait transposé cette directive en droit français. Aujourd’hui, selon vous, c’est trop tard puisque vous avez noyé cette directive dans un projet de loi fourretout autorisant le gouvernement à transposer par ordonnance et dans l’urgence plus de 60 directives. Le 25 octobre, notre Assemblée avait refusé que ce texte législatif passe à la sauvette. Mardi, l’Assemblée nationale l’a malheureusement réintégré avec votre assentiment. Je ne perçois pas la cohérence de votre position. J’observe par ailleurs que la proposition de loi présentée par M. Le Grand n’assurait qu’une transposition partielle de la directive. depuis, Mme Voynet a constitué une commission nationale et des commissions régionales associant défenseurs de la nature, élus locaux et associations de chasseurs. Enfin, je vous rappelle qu’une commission mixte paritaire est convoquée mardi prochain au sujet de la loi d’habilitation. Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne transforme pas les zones visées par Natura 2000 en sanctuaires où toute activité humaine serait prohibée. Je précise que les conseils municipaux – ou les organes délibérants des E.P.C.I. seront priés de formuler un avis motivé sur les décisions de classement. En outre, l’arrêté préfectoral de classement sera, lui aussi, motivé. Je pense que le Sénat pourra se rallier à ce dispositif, qui permet à notre pays de satisfaire à ses obligations européennes, car nous sommes menacés de non versement des fonds structurels. (Applaudissements sur les bancs socialistes.) Agenda social européen * ** PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE, VICE-PRÉSIDENT La séance est reprise à 15 heures. Questions d’actualité au gouvernement M. LE PRÉSIDENT. – L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au gouvernement. Je tiens à vous informer que M. le Président du Sénat ne peut présider aujourd’hui la séance des questions d’actualité car il effectue en ce moment même une visite officielle à l’étranger. Conformément à la règle posée par la Conférence des Présidents, je rapN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 M. GOURNAC. – Il n’y en a pas ! M. PASTOR. – La question ! M. DE MONTESQUIOU. – Un jour, c’est trop tôt ; le lendemain, c’est trop tard. Cette directive affecte le droit de propriété. Elle est de première importance pour tous nos concitoyens des zones rurales, en particulier les chasseurs. Vous vous plaignez des tensions qui existent avec eux. Pourquoi avez-vous refusé cette occasion d’ouvrir un dialogue ? (Vifs applaudissements au centre et à droite.) M. QUEYRANNE, ministre des Relations avec le Parlement. – Je confirme que, mardi dernier, l’Assemblée nationale a voté le principe d’une transposition de la directive Natura 2000 par voie d’ordon- Mme BORVO. – Le Conseil européen de Nice qui s’ouvre aujourd’hui marque la fin de la Présidence française. Vous aviez annoncé, en mai, que l’adoption d’un agenda social constituant un programme de travail de l’Union européenne pour les cinq années à venir serait l’une des actions prioritaires de la Présidence française. L’enjeu de cet agenda social est de rééquilibrer la part du social et de l’économique dans la construction européenne. Ses lignes directrices sont séduisantes. On y parle de sécurité, d’égalité ou de lutte contre l’exclusion. Mais l’actualité, c’est la levée de l’interdiction du travail de nuit des femmes, c’est le développement de la précarité, le maintien d’un taux élevé du chômage en Europe, c’est une pression permanente sur les salaires. Le libéralisme progresse en Europe. Vous savez bien qu’il s’accommode mal du progrès social. - 55 - Les dizaines de milliers de toyens de tous pays européens se sont retrouvés à Nice ont primé avec force cette volonté substituer l’Europe de la justice ciale à l’Europe de l’argent. ciqui exde so- Or, nous constatons l’absence d’engagements contraignant les États membres à mener une politique sociale ambitieuse. La charte européenne des droits fondamentaux, qui devrait refléter cette volonté populaire, n’est qu’un accord a minima en deça de notre législation sociale. La France va-t-elle soutenir ces exigences ? Le gouvernement veut-il faire prévaloir au sommet de Nice les conditions d’une Europe de progrès social fondée sur l’intérêt général, sur les droits sociaux et sur les coopérations avec le Sud, plutôt que sur les intérêts particuliers des plus favorisés ? (Applaudissements à gauche.) M. QUEYRANNE, ministre des Relations avec le Parlement. – La Présidence française a la volonté de faire progresser l’Europe sociale. Le Conseil européen de Lisbonne l’avait mandaté en mars 2000, pour parvenir à un accord sur un agenda social européen. Conformément à ce mandat, le Conseil « emploi et politique sociale » du 28 novembre, présidé par Mme Guigou, est parvenu à un accord unanime sur l’agenda social européen. Cet accord sera examiné par le Conseil européen de Nice. Il porte sur l’accès à l’emploi, la protection des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et les discriminations, l’égalité entre hommes et femmes. Il faudra le remplir. La charte des droits fondamentaux était en retard. La France s’est efforcée de débloquer le dossier, notamment grâce aux contacts bilatéraux entretenus par le Président de la République et le Premier ministre avec les responsables des exécutifs communautaires. Le texte qui sera adopté à Nice constituera une avancée importante et sera un socle pour les pays européens. Il est vrai que ce texte n’est pas contraignant, mais des progrès sont possibles. La France les souhaite ! Je pense également que la mobilisation des partenaires sociaux – notamment de la confédération européenne des syndicats – pourra faire progresser l’Europe sociale. La Présidence française s’est toujours attachée à faire progresser l’Europe sociale. (Applaudissements à gauche.) - 56 - - 57 - Commercialisation des bovins Le dernier Conseil national de l’enseignement agricole a décidé sans aucune concertation de priver ces maisons comme d’ailleurs l’ensemble de l’enseignement agricole, des classes de quatrième et de troisième qui constituent leur vivier naturel. De plus, vous bloquez toute contractualisation nouvelle. M. DULAIT. – La loi d’orientation agricole dispose : « Les producteurs organisés peuvent bénéficier de priorités dans l’attribution de l’aide que l’État peut apporter pour l’organisation de la production et des marchés. Les aides décidées sont modulées en fonction du degré d’organisation et des engagements des producteurs ». Dans ce cadre, les éleveurs auront le choix entre deux niveaux d’engagement, particulièrement contraignants, le second encore plus que le premier, puisqu’il serait demandé à l’éleveur de vendre 70 % de sa production à trois acheteurs désignés en début d’année. Cette nouvelle organisation pénalise les éleveurs commercialisant leur production sur les marchés aux bestiaux, car la réduction du potentiel d’acheteurs est incompatible avec la libre concurrence. De nombreuses associations de producteurs dénoncent cette nouvelle organisation. Il n’est pas pensable que le dispositif soit appliqué en l’état ! Monsieur le Ministre, envisagezvous de le modifier ou, au moins, d’en différer la mise en place ? Les acheteurs ne sont pas légion sur les marchés. (Applaudissements au centre et à droite.) M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! La fédération nationale bovine, affiliée à la F.N.S.E.A., est hostile au renforcement des contraintes économiques, souhaité en revanche par les coopératives. J’ai finalement suivi la fédération nationale bovine, qui à l’obligation préférait l’incitation. Habituellement, vous me reprochez d’être trop directif. Aujourd’hui, vous vous présentez à front renversé. Je regrette, mais je préfère l’incitation à la contrainte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes.) Enseignement agricole M. CARLE. – Vingt ans après le gouvernement relance la guerre scolaire. (Vives exclamations sur les bancs socialistes.) Oh !, de façon moins spectaculaire mais plus pernicieuse et malheureusement plus efficace. À preuve, votre intention d’assassiner l’enseignement agricole et à tout le moins une de ses composantes essentielles, les Maisons familiales rurales. (M. Gournac le confirme.) On peut assassiner de manière forte ou de manière douce. Vous avez choisi de priver le corps d’oxygène. (On s’amuse à gauche.) La petite souris agricole effraie-telle à ce point le mammouth qu’il veuille l’avaler ? (Sourires.) Vous assassinez la filière de l’alternance, en la réduisant à une orientation par défaut. Vous avez réduit l’aide à l’embauche au seul niveau V. Pour 2001, le projet de loi de finances va plus loin en supprimant cette aide pour une grande partie des contrats de qualification. L’euthanasie, mais douce et progressive. Prenez garde ! Vous êtes en train de réduire à néant les acquis encore fragiles des professions, des chambres consulaires et des régions. M. Jean Boyer s’en est fortement inquiété il y a deux jours. Aucune réponse ne lui a été apportée. Votre méfiance instinctive envers ceux qui innovent et entreprennent (protestations à gauche), votre aveuglement idéologique (les protestations redoublent), votre souci constant de ne pas braquer certains syndicats de votre base électorale (indignation sur les mêmes bancs), vous conduisentils à remettre en cause un mode d’enseignement qui a compris mieux que d’autres la nécessité de valoriser cette intelligence de la main qui permet à des milliers de jeunes de réussir leur vie professionnelle ? (« Très bien ! » à droite.) Voulez-vous rendre encore plus difficile la situation de nombreux artisans, commerçants, de nombreuses entreprises du B.T.P., de l’industrie, de l’agroalimentaire, des métiers de bouche, qui manquent de personnel qualifié ? Voulez-vous tuer l’enseignement agricole parce qu’il réussit mieux que d’autres ? Voulez-vous tuer la filière de l’alternance parce qu’elle répond mieux que d’autres aux souhaits du jeune et aux besoins de notre économie ? (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre. Lazzis à gauche.) M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Pas plus que l’éducation nationale n’est un mammouth indomptable, je ne compare l’enseignement agricole à une souris mais plutôt à un fier alezan. (Sourires et applaudissements à gauche.) Les N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 - 58 - - 59 - - 60 - organisations syndicales ont jugé que ce budget est le meilleur depuis vingt ans, c’est bien pourquoi il n’y a pas eu de grève à la rentrée. munautarisé pour six mois l’interdiction des farines animales et proposé l’interdiction d’autres matériaux à risque. Le dispositif montant en puissance, on ne fera plus rentrer dans la chaîne alimentaire des bovins de moins de trente mois sans tests. Ceux de plus de trente mois feront l’objet d’une destruction prise en charge à 70 %, c’est l’Union européenne qui supporte à 100 % le stockage. La trésorerie sera avancée par la France et augmentée par l’Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes.) La commission mixte paritaire a élaboré un bon texte. Pourquoi le regrettez-vous ? Vous dites que rien n’a été fait ? En trois ans, nous avons créé 739 postes, plus que pendant les vingt années précédentes ! Certes il en manque encore et si les greffiers ne sont pas pleinement satisfaits, ils savent que nous avons créé 134 postes en 1999, 169 cette année et 405 en 2001, alors qu’en 1997 vous aviez oublié d’ouvrir le concours d’entrée à l’école de greffiers, si bien qu’on n’a pu recruter personne en 1998 ! (Sarcasmes et applaudissements à gauche.) J’ignore qui rallume la guerre scolaire mais je sais bien qui l’éteint. Ç’a été la loi Rocard de 1984 ! J’applique cette loi, toute la loi, rien que la loi. (À droite : « Ce n’est pas la question ! ».) Le budget que je vous présente ouvre 47 classes dans le public et 46 dans le privé. Quel équilibre ! Rien n’étaie vos accusations. (Applaudissements à gauche.) Crise de la filière bovine Mme Yolande BOYER. – La filière bovine traverse une grave crise. En Bretagne, ce sont des milliers d’emplois directs qui en dépendent et depuis cinq semaines la moyenne d’abattage a baissé de 40 %. Je salue, monsieur le Ministre, votre combativité et les résultats que vous avez obtenus à Bruxelles. Tout le monde doit vous en féliciter. Les consommateurs ont besoin d’être rassurés. Les éleveurs et l’ensemble de la filière ont besoin de compensations pour leurs pertes de revenus. Comment allez-vous agir tant en France qu’en Europe ? Quelles aides directes envisagez-vous pour les producteurs et selon quelles échéances ? Le souci de compensation au plus proche du préjudice subi doit nous guider. Quels mécanismes d’intervention mettre en place pour retrouver la fluidité du marché ? Comment généraliser les tests ? Pourrontils être pris en charge par les entreprises elles-mêmes et avec quels contrôles ? Quels moyens pour atteindre l’autonomie de la production en protéines végétales qui va de pair avec le refus des importations de soja transgénique. (Approbation à droite.) Face à la détresse des professionnels, pour assurer l’avenir de la filière en regagnant la confiance des consommateurs, des mesures s’imposent. (Applaudissements à gauche.) M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Oui, la crise est désastreuse pour les éleveurs et pour les salariés des entreprises d’aval. Elle appelle la solidarité nationale et européenne. J’ai toujours dit que les deux plans nationaux que j’ai annoncés devraient s’appuyer sur des mesures européennes. Celles que nous avons obtenues lundi à Bruxelles sont un succès de la Présidence française. (M. Gouteyron : « Le Président de la République avait ouvert la voie ! ».) Sur le plan sanitaire, nous avons comN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 Lundi, l’Agence française de sécurité des aliments rendra son analyse des 15 000 premiers tests. Nous en tirerons les enseignements pour bâtir la suite du programme. Mardi, le comité de gestion réuni à Bruxelles prendra les mesures nécessaires pour répondre concrètement aux besoins. (Applaudissements à gauche.) Réforme de la justice M. FOURNIER. – Les avocats étaient plus de 4 000, vendredi dernier, à défiler devant votre ministère. Partout les barreaux sont en grève, les juridictions s’engorgent, et la justice n’est plus rendue. Le saupoudrage, les quelques mesures que vous avez mises en avant n’ont rien réglé. Personne n’est dupe : les négociations ont été rompues au petit matin. Les avocats ne sont pas les seuls à exprimer leur mécontentement. Les magistrats et les greffiers ne peuvent plus supporter que rien ne soit fait pour permettre que la justice soit rendue de manière décente. Mme Guigou se félicitait de ne jamais proposer de réforme non financée. La réalité est sans appel ! Rien n’a été prévu pour que la loi sur la présomption d’innocence s’applique au 1 er janvier. Après avoir beaucoup promis, Mme Guigou a déserté (« Ho ! » à gauche), laissant ardoises et bombes à retardement. Votre prise de fonction récente n’excuse en rien votre reculade. Vous annonciez, il y a quelques jours encore, que la loi « ne serait pas reportée ». Hier, vous vous êtes reniée en proposant un mécanisme transitoire. Autant dire que vous enterrez la réforme. Ce report nous afflige parce que le gouvernement n’a pris aucune des dispositions nécessaires, et que nos concitoyens en pâtiraient. Que ferez-vous ? (Applaudissements à droite.) Mme LEBRANCHU, garde des Sceaux, ministre de la Justice. – La justice mérite mieux que ça ! Mon objectif est de permettre aux personnes effectuant une courte peine – expression malheureuse, car toute peine est longue –, entre le 1 er janvier et la date où le nouveau dispositif s’appliquera, d’être défendues par des avocats devant la commission d’application des peines. C’est une grande évolution, même si elle reste insuffisante. Il est vrai qu’il faut attendre la prochaine promotion de greffiers. Pour les peines plus longues, la juridiction d’application des peines sera totalement installée en janvier. Quant aux avocats, dans la limite que me laisse mon temps de parole… M. LE PRÉSIDENT. déjà écoulé. – Il est Mme LEBRANCHU, garde des Sceaux. – Alors j’y reviendrai tout à l’heure, car je sais qu’il fait l’objet d’autres questions… (Rires et applaudissements à gauche.) Chasse Mme HEINIS. – La Cour de justice des communautés européennes (C.J.C.E.) vient de se prononcer sur la compatibilité de la loi relative à la chasse de 1998 avec la directive européenne de 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages : pourquoi la Commission de Bruxelles ne s’est-elle pas désistée dès lors que la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, complétée du décret du 1 er août, ont remplacé la loi de 1998 en particulier sur la question litigieuse ? Je regrette l’absence de Mme Voynet. Comment peut-elle considérer que les nouveaux textes fondent une chasse « apaisée », quand les opposants à la chasse multiplient les recours contre le décret d’application et les arrêtés fixant les dates d’ouverture ? - 61 - - 62 - - 63 - La loi du 26 juillet, comme on pouvait le craindre, reste une illusion et les recours permettent de graves difficultés pour la clôture de la chasse ? (Applaudissements à droite.) Mme LEBRANCHU, garde des Sceaux. – Les avocats se sont mis en grève – grève du zèle, pour la plupart – et ils ont manifesté récemment place Vendôme, entre autres lieux. Le problème qu’ils soulèvent ne date pas d’aujourd’hui. je n’ai pas compris comment, une nuit, elles seraient devenues « insuffisantes ». La difficulté est qu’il n’est pas possible de publier de décret tant que les avocats n’auront pas donné leur avis. J’ajoute que le gouvernement entend tenir compte des différences entre territoire. En dépit de difficultés réelles, je compte sortir de cette crise par le haut, grâce à l’accompagnement budgétaire que j’ai obtenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. QUEYRANNE, ministre des Relations avec le Parlement. – Nous nous étonnons comme vous que la C.J.C.E. se prononce sur un texte que le gouvernement et le Parlement français ont en quelque sorte révisé, puisqu’une nouvelle loi est venue le modifier. Mme Voynet avait pourtant demandé à Mme Wallstrom, commissaire européen à l’environnement, de retirer son recours devant la C.J.C.E. M. SCHOSTECK. – Dites-nous qu’il date d’il y a vingt ans ! Mme LEBRANCHU, garde des Sceaux. – Il est particulièrement insupportable, au moment où la croissance économique reprend, de se voir refuser l’accès à la justice pour des questions de moyens. Transposant le principe de protection complète des oiseaux migratoires et le calendrier – 1 er septembre au plus tôt pour l’ouverture, 31 janvier au plus tard pour la fermeture –, notre règlementation est désormais conforme à la directive européenne. Les rares exceptions au calendrier sont toutes justifiées scientifiquement. Il nous reste à adopter un arrêté relatif aux dérogations au calendrier ainsi qu’aux zones de nidification. Quoique la commission soulève des difficultés sur l’échelonnement des dates de chasse pour certaines espèces, le dossier devrait être clos une fois ces derniers textes communiqués. (Applaudissements à gauche.) Henri Nallet, en 1991, a eu cette excellente idée de passer d’une assistance gratuite à un principe d’indemnisation des avocats. Il s’agissait de renforcer la solidarité au sein des barreaux, d’éviter que les avocats novices, les moins expérimentés, héritent des commissions d’office. Aide juridictionnelle Une simple révision des barèmes de l’aide juridictionnelle ne rétablira pas l’équilibre. C’est pourquoi le gouvernement entend réformer l’ensemble du système et qu’il a confié une étude à M. Bouchet, président d’A.T.D.-quart-monde, avec la prospective d’une loi après 2002. Elle exigera beaucoup de moyens. Les avocats veulent qu’on aboutisse avant mars 2000, comme s’ils craignaient une éventuelle alternance. (Rires à gauche, protestations à droite.) C’est incompréhensible car ils ont trouvé des défenseurs sur tous les bancs. M. PLANCADE. – Le gouvernement a engagé une vaste réforme de la justice, avec notamment la loi du 18 décembre 1998 sur l’accès au droit et celle du 15 juin 2000 sur la protection de la présomption d’innocence et des droits des victimes. Le recours aux avocats par les prévenus aux revenus modestes est renforcé par le développement de l’aide juridictionnelle. Le budget de la justice augmente de 17 % en quatre ans, effort sans précédent soutenu par le Parlement. Les avocats, cependant, protestent et appellent à la grève, jugeant insuffisante l’indemnisation de l’aide juridique qui ne couvre plus les charges de procédure. Ils réclament le doublement immédiat de leurs indemnités. La République a le devoir d’aider les pauvres à accéder à la justice. Je suis, madame la Ministre, que vous avez engagé des négociations, avec les avocats, qui viennent d’être suspendues : quelles sont vos perspectives ? (Applaudissements à gauche.) Dix ans ont passé et ce système n’est plus adapté, des différences étant très marquées au sein de certains barreaux – au barreau de Paris par exemple, qui regroupe la moitié des avocats français, certains avocats ne plaident jamais – mais aussi entre barreaux, certains connaissant une forte proportions d’affaires pénales ou familiales avec aide juridictionnelle. Nous avons donc proposé de doubler les indemnités pour les affaires les plus difficiles, divorces pour faute, affaires correctionnelles, expulsions d’étrangers. L’augmentaton de l’aide pour les autres affaires sera échelonnée de 25 à 30 % jusqu’en 2002, dans la perspective d’une nouvelle loi. M. VOIX À DROITE. – Demain, on rase gratis ! Mme LEBRANCHU, garde des Sceaux. – Lundi soir, les avocats jugeaient ces avancées significatives, Pénurie de main d’œuvre M. GOUTEYRON. – (Applaudissements à droite.) La situation de l’emploi s’est bien améliorée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) M. COURTEAU. – Il l’a dit ! M. GOUTEYRON. – Chacun sait bien que cela est dû à la croissance mondiale et européenne. (Exclamations sur les bancs, approbation à droite.) Mais cette situation cache des réalités diverses et souvent peut satisfaisantes. Le nombre de chômeurs dépasse encore deux millions et 800 000 postes ne trouvent pas preneur. La formation des jeunes ne permet pas de faire face à cette distorsion entre l’offre et la demande, entre les besoins des entreprises et les demandes des jeunes qui veulent entrer dans le monde du travail. Cette nuit, le ministre délégué à l’enseignement professionnel reconnaissait que la réduction des effectifs dans l’enseignement secondaire était due, pour les deux tiers, à la contraction du nombre d’élèves dans l’enseignement professionnel. Le paradoxe est insupportable ! Qu’allezvous faire pour y porter remède ? On nous répète à l’envi, dans nos départements, que le bâtiment ne trouve plus de main-d’œuvre. Tandis que les demandeurs d’emplois de plus de 50 ans ont le sentiment d’être abandonnés. Or, un document que vous ne pourrez contester (murmures sur les bancs socialistes), vient d’être publié par le Conseil d’analyse économique, placé auprès du Premier ministre, le rapport Pisani-Ferry, dont la presse s’est longuement fait l’écho. Ses conclusions sont fort intéressantes et au risque de vous ennuyer un peu (on s’impatiente à gauche), elles rejoignent largement les propositions de l’opposition, (rires et exclamations sur les mêmes bancs. On N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 - 64 - - 65 - - 66 - approuve à droite) y compris celles faites au cours de la convention récente sur l’emploi. Si l’on constate une pénurie d’emploi dans certains secteurs, c’est qu’il s’opère un rééquilibrage des rapports de force entre les employeurs et les salariés et ce n’est pas un mal ! (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes.) Cet objectif ne sera atteint que si la P.A.C. est modifiée. Quelles sont les intentions du gouvernement en ce domaine ? M. DELFAU. – C’est une question ou un discours ? M. GOUTEYRON. – Mes questions, les voici ! (« Ah ! » à gauche.) Que pensez-vous des conclusions de ce rapport ? J’aurais aimé m’adresser au Premier ministre mais je sais où il est aujourd’hui. Le gouvernement est-il prêt à assouplir la loi sur les 35 heures, surtout pour les petites entreprises ? (M. Gournac applaudit.) Est-il prêt à assouplir le régime des heures supplémentaires, à les rendre moins chères pour l’entreprise et plus intéressantes pour les salariés ? (Protestations à gauche.) Est-il prêt à lutter contre les trappes à inactivité qui rendent la reprise d’un travail peu attractive ? Est-il prêt à réduire les charges sociales pour encourager les entreprises à avoir recours à l’emploi peu qualifié ? (Applaudissements à droite et au centre.) M. LE PRÉSIDENT. – Comme M. Gouteyron, vous disposez, Madame, de deux minutes et demi… (Rires.) Mme ROYAL, ministre déléguée à la famille et à l’enfance. – Tout d’abord, un grand merci pour l’hommage que vous avez rendu à l’action du gouvernement en faveur de l’emploi (mouvements divers), car s’il existe des tensions sur le marché du travail, c’est bien le signe que le chômage recule. Vous qui croyez dans les lois du marché, vous ne contesterez pas cette évidence. Le bâtiment tés. C’est que engagée par la décidée par le connaît des difficulla relance y a été baisse de la T.V.A. gouvernement ! M. GOURNAC. – Et la tempête ! Mme ROYAL, ministre déléguée. – L’hôtellerie connaît aussi des problèmes de recrutement, autre manifestation classique. Ces secteurs d’activité sont aussi ceux qui traditionnellement payent souvent des salariés précaires (exclamations à droite), et imposent des horaires contraignants. Quand les entreprises rémunèrent correctement leurs salariés, elles en trouvent. N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 La réponse à la pénurie de maind'œuvre se trouve donc dans les camps des employeurs. (Exclamations à droite.) En ce qui concerne la formation, vous avez raison, monsieur Gouteyron, et le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour relancer l’enseignement professionnel mais les régimes ont aussi leur rôle à jouer dans ce domaine. Elles doivent prendre leurs responsabilités ! (Exclamations prolongées à droite.) J’en viens à vos trois questions. La loi sur les 35 heures est promulguée et les décrets sont déjà publiés. Alors, non, nous n’avons pas l’intention d’assouplir cette loi, les exceptions étant déjà prises pour les petites entreprises. Même chose pour les heures supplémentaires. Le dispositif existe et les entreprises bénéficient déjà d’aides nombreuses. (Murmures à droite.) Quant à la sociales, nous en diminuant digne sur les réduction des charges venons de le faire la C.S.G. ! (On s’inmêmes bancs.) Quant aux trappes à inactivité, il appartient aux patrons de répondre aux attentes des salariés ; qu’ils les payent, cette trappe disparaîtra d’elle-même. (Applaudissements à gauche. Protestations à droite.) M. CHÉRIOUX. – Ce n’est pas digne de vous ! VOIX À DROITE. – Sus aux patrons ! Production de protéines végétales M. HETHENER. – Nous nous réjouissons que lors du Conseil agricole, les Quinze se soient ralliées à la proposition de la commission visant à interdire pour au moins six mois les farines carnées pour tous les animaux d’élevage. Ils ont ainsi donné raison au Président de la République. (Applaudissements à droite.) Il faut maintenant substituer aux protéines animales des protéines végétales. Pour cela, il serait nécessaire d’accroître de 30 % la surface cultivée d’oléagineux, soit deux millions d’hectares supplémentaires. Quant au dépistage de l’E.S.B., le Conseil a suivi les propositions de la Commission : interdiction d’utiliser les bovins de plus de 30 mois et généralisation des tests pour les autres. C’est un réel progrès. Encore faut-il que nous connaissions les modalités concrètes de mise en œuvre de cette mesure. Des tests fiables seront-ils disponibles en quantité suffisante ? Comment recrutera-ton et formera-t-on les vétérinaires ? Les contrôles seront-ils harmonisés dans toute l’Europe ? Je ne suis sénateur que depuis peu de temps mais en tant qu’élu local, je sais que les sénateurs ne sont pas des baratineurs. Quand ils rentrent dans leurs départements, ils répondent franchement aux questions qui leur sont posées. (M. Gournac approuve.) Comment comptez-vous, monsieur le Ministre, rassurer les consommateurs et relancer la consommation de viande bovine dans notre pays ? (Applaudissements à droite et au centre.) M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – L’interdiction des farines animales va effectivement accroître les besoins communautaires en protéines végétales. Je ne crois pas que nous soyons limités par les engagements de Blair House, pris en échange de l’attribution des surprimes. Comme l’Europe a décidé à Berlin de supprimer les surprimes, décision que j’ai combattue à l’époque mais qui s’impose désormais à nous, nous nous libérons des accords de Blair House et je suis heureux de voir que c’est la position de la Commission elle-même. Nous en débattrons lundi à Bruxelles. Et rien ne nous empêche de développer la production nationale d’oléoprotéagineux tels que le tournesol et le soja de pays. Nous assisterons donc à une montée en régime dès 2001 ! Quant au programme de tests, sa montée en puissance tiendra compte de l’évaluation du risque faite par l’AFSSA. Nous avons besoin de savoir dans quelles régions les cas sont les plus nombreux, pour quelles catégories de bovins, de quel âge, etc. Nous le saurons lundi. Ensuite, nous pourrons passer de 48 000 tests à plusieurs centaines de milliers, voire plus. Bien entendu, nous allons devoir augmenter le nombre des laboratoires agréés pour les tests - 67 - - 68 - - 69 - de dépistage : ils sont 13 actuellement ; ce chiffre sera doublé. En outre, le recrutement de 300 vétérinaires inspecteurs en deux ans est prévu. ne permet pas de répondre aux besoins, il existe d’autres oléagineux, protéagineux et légumineuses dont on pourrait envisager la production, laquelle aurait, en outre, d’autres effets bénéfiques. connaître le caractère multifonctionnel du métier d’agriculteur. C’est un contrat signé entre l’agriculteur et les pouvoirs publics, qui permet de rémunérer des engagements en faveur de démarches de qualité ou de préservation de l’environnement, de gestion de l’espace et de création d’emplois. Les deux amendements que le gouvernement présentera tout-à-l’heure sur le budget de l’agriculture vont permettre d’engager toutes ces actions. (Applaudissements à gauche.) La séance est suspendue à 16 h 10. * ** Elle est reprise à 16 h 20. Loi de finances pour 2001 (Suite) J’ai déjà évoqué, à plusieurs reprises, les graves intempéries que la France a connues ces derniers mois, et la situation de la SeineMaritime, où les inondations ont causé plusieurs morts. L’agriculture n’est certes pas la seule responsable, mais la suppression des prairies aggrave les choses. En Seine-Maritime, 13 000 hectares de terres sont potentiellement retournables du fait du dispositif actuel d’attribution des primes. Dans les bassins versants, ces terres constituent la cause principale des inondations. Le dispositif actuel, qui a des effets pervers, doit être modifié pour favoriser le maintien et le développement des surfaces en herbe, et inciter à la production des oléagineux et des légumineuses. Agriculture et pêche (Suite) En raison de leur lourdeur et de leur financement insuffisant, les C.T.E. me permettent en aucune manière de répondre aux besoins. M. LE PRÉSIDENT. – L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi des finances pour 2001 adopté par l’Assemblée nationale. Nous reprenons l’examen des crédits de l’agriculture et de la pêche. Devant la gravité de la situation, face aux inquiétudes légitimes des consommateurs et aux préoccupations des agriculteurs confrontés à des échéances incontournables, quelles mesures complémentaires comptez-vous prendre pour la filière bovine ? Quand les tests de dépistage systématique à l’abattage seront-ils opérationnels ? Quand autoriserez-vous les départements et les régions qui le souhaitent, à intervenir ? M. REVET. – Je voudrais vous livrer quelques réflexions et vous poser quelques questions au sujet de la situation difficile que traverse l’agriculture française actuellement, et en particulier la filière bovine. Le constat est sans appel : la crise de l’E.S.B. a eu comme première conséquence la chute de la consommation de viande bovine. Les inquiétudes de nos concitoyens, légitimes, sont injustifiées selon les scientifiques. Elles ont toutefois des conséquences dramatiques pour les producteurs et l’ensemble de la filière. Cette situation justifiait des mesures fortes. La France a décidé la suspension de l’utilisation des farines carnées dans l’alimentation animale, décision reprise à son compte par la Commission européenne qui a élargi cette mesure à l’ensemble des pays européens, à la suite de constats de cas d’E.S.B. en Espagne et en Allemagne. L’approvisionnement en protéines végétales, dont la France et l’Europe sont déficitaires, pose problème. Le moment n’est-il pas venu de s’interroger sur l’avenir de cette production ? Si notre capacité de développement de la culture du soja Lors de précédentes séances de questions d’actualité, vous aviez indiqué que vous profiteriez de la Présidence française pour infléchir les orientations européennes. Quelles évolutions suggérerez-vous pour le dispositif des cultures primables ? Envisagez-vous de favoriser les surfaces en herbe ainsi que la production d’oléoprotéagineux et de légumineuses ? Êtes-vous disposé à lancer des actions qui redonneraient confiance aux consommateurs comme aux producteurs ? Lorsqu’on contrarie la nature, elle se rebelle. Pouvez-vous, monsieur le Ministre, faire passer auprès de ceux qui définissent notre politique agricole, le message suivant : les solutions de bon sens sont souvent les plus simples, et sont toujours les meilleures… (Applaudissements à droite et au centre.) M. LEJEUNE. – Compte tenu des problèmes actuels, les C.T.E. seront amenés à jouer un rôle primordial. Cet instrument novateur, créé par la loi d’orientation agricole, vise à re- Le nombre de contrats conclus à ce jour est inférieur à ce que nous avions espéré. Toutefois, une accélération semble se dessiner ces dernières semaines. Certains parlent d’échec, refusant d’admettre que cette innovation qui ne vient pas d’eux est intéressante. La lenteur constatée au démarrage ne doit pas remettre en cause ce formidable outil de développement au service de l’agriculture. Ce retard est dû au temps pris par la négociation du plan national de développement rural, qui n’a pu être adopté qu’en septembre, et à la complexité du dispositif. Cela ne vous a pas échappé, monsieur le Ministre, puisque vous avez engagé un travail de simplification et d’orientation. Nous vous en savons gré et nous souhaitons que vos efforts en ce sens aboutissent. La dotation du fonds de financement des C.T.E. pour 2000 n’a été, de ce fait, que partiellement consommée. Le projet de budget l’ajuste donc à hauteur de 400 millions pour 2001, mais vous nous avez assuré que les crédits non consommés cette année seraient intégralement reportés sur 2001. Cela permettra de poursuivre la tâche dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, les projets collectifs avancent et un grand nombre sont sur le point de se traduire en contrat-type. Dans mon département, où nous avions eu le plaisir de vous accueillir pour la signature des premiers contrats, le nombre de C.T.E. conclus a triplé ces derniers jours. La modulation va permettre de distribuer des aides financières aux agriculteurs selon des critères qualitatifs et non pas seulement productivistes. Cette mesure va dans le bon sens. En effet, le système qui privilégie la productivité et le profit au détriment de l’environnement et de la sécurité des consommateurs, système qui a trop souvent prévalu, et que nous avions dénoncé, doit être remis en cause. Les éleveurs qui pratiquent l’élevage extensif doivent être, plus que jamais, encouragés. Ils sont très sensibles à l’avenir de la prime à l’herbe : celle-ci doit être défendue et revalorisée. Les agriculteurs sont inquiets pour l’avenir de leur profession, les N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 - 70 - - 71 - - 72 - consommateurs s’inquiètent du contenu de leur assiette et demandent des produits de qualité plus proches du terroir et plus facilement identifiables. Il est donc impératif de favoriser la transparence afin de leur redonner confiance et d’éviter que chaque crise sanitaire prenne des proportions excessives. cette moyenne des trois dernières années. Aussi, seule une faible partie des communes forestières bénéficientelles d’une subvention d’équilibre pour cette année. Le montant total de ces subventions pour l’exercice en cours atteindra 100 millions et se révèle déjà très insuffisant. Les méthodes sylvicoles de la forêt française, ne seront pas radicalement remises en cause ; néanmoins, certains ajustements, précautions et pratiques devraient, à l’avenir, limiter les risques. Bien entendu, on fera appel à la régénération naturelle là où elle est possible et souhaitable, ainsi qu’à la constitution de peuplements mélangés. La régénération naturelle est déjà largement mise en œuvre par l’office dans les forêts communales et, dans le renouvellement des peuplements arrivés à maturité, les plantations artificielles occupent une place très limitée. Au demeurant, elles sont nécessaires pour compléter des régénérations naturelles insuffisantes et pour diversifier les essences, notamment les essences précieuses comme le merisier, l’alisier ou le frêne. En rémunérant l’ensemble des fonctions que remplissent les agriculteurs, les C.T.E. permettront la mutation de l’agriculture française vers une agriculture plus durable et démontreront sa capacité d’adaptation aux nouvelles attentes de notre société. C’est en effet un formidable outil de diversification qui, en privilégiant la qualité, aidera à sortir de la crise actuelle. En ce qui nous concerne, vous pouvez être assuré de notre total soutien. Bien entendu nous voterons votre budget. (Applaudissements à gauche.) M. DELONG. – Mon langage ne sera pas celui d’un énarque, mais plutôt d’un paysan du Danube. Après le poisson avec arêtes, après le rôti avec os que l’on vous a servis dans la matinée, il m’appartiens de vous servir maintenant la salade, en vous parlant de la forêt. Les tempêtes de 1999 ont des conséquences financières importantes pour les communes forestières. Des dégâts qui excèdent deux ou trois années de récolte remettent en cause certains budgets communaux. Or, dans quelques communes, ces dégâts atteignent quinze années de récolte ! Il est indispensable de remédier à ce qui est une véritable détresse. En dépit des aides importantes prévues par le gouvernement, mais qui se révèlent très insuffisantes, les communes devront en effet reconstituer leur patrimoine forestier et, à cette fin, apporter un autofinancement minimum de 20 % sur un total qui peut être évalué à environ 2 milliards et demi de francs étalé sur une dizaine d’années. Des circulaires interministérielles ont précisé les critères d’éligibilité à la subvention d’équilibre. Les commissions départementales ont été mises en place et ont fonctionné correctement en 2000. Le ministère de l’Intérieur, qui a mesuré l’ampleur du désastre financier pour les communes forestières, a accordé une dotation de 200 millions au titre des subventions d’équilibre pour 2000 et 2001. Or, la vente de la majeure partie des chablis durant l’année 2000, en dépit de la forte baisse de leur valeur marchande, a procuré des recettes, souvent supérieures à la reN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 La baisse des recettes provenant des ventes de bois en 2001 rendra éligible à la subvention d’équilibre un nombre de communes beaucoup plus important, davantage encore en 2002 et les années suivantes. D’ores et déjà, on peut affirmer qu’un minimum de 350 millions sera nécessaire en 2001 pour venir en aide aux communes forestières, sachant que la subvention d’équilibre ne constitue qu’une compensation partielle des pertes subies et en aucun cas une indemnisation… Le 23 novembre dernier, la fédération des communes forestières a demandé à M. le ministre de l’Intérieur de faire évaluer les pertes subies par chacune, afin de déterminer les besoins, d’appliquer de manière équitable les circulaires susmentionnées et d’amorcer progressivement le redressement financier des communes sinistrées. Cependant, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche est notre tutelle normale, et c’est donc à lui que nous demandons de coordonner l’action de ses collègues ou de stimuler leur inaction. Les élus des communes forestières s’interrogent sur la tempête de décembre, extraordinaire par sa violence et par son étendue. Comme leurs administrés, les maires se demandent si ce phénomène risque de se reproduire et comment rendre, si possible, les peuplements forestiers plus résistants. Notre fédération a entrepris une réflexion approfondie avec les experts de votre ministère et avec l’Office national des forêts (O.N.F.) pour essayer d’identifier les causes et les conséquences des dégâts occasionnés par la tempête aux forêts communales. Nous sommes bien obligés d’admettre que la nature reste le grand maître de la forêt car jamais l’homme ne pourra implanter ou réimplanter des massifs forestiers capables de résister à des vents dont la vitesse excède 150 km/heure. En revanche, avec l’humilité qu’impliquent les pratiques de la sylviculture, durant 80 à 250 ans, le rôle de l’homme consiste, en forêt, à « imiter la nature et à hâter son œuvre ». Le 6 octobre 2000, lors du colloque d’Épinal, la fédération des communes forestières a énoncé les principes qu’elle entend voir mis en œuvre lors de la reconstitution des forêts. Elle éditera en commun avec l’office, en janvier prochain, une plaquette qui sera présentée à la presse et diffusée dans le grand public. Les modalités de reconstitution des forêts sont actuellement discutées et seront formalisées dans les mois à venir dans une charte commune à la fédération et à l’O.N.F. Cependant, le principal obstacle demeure la méconnaissance de l’évolution climatique des cent prochaines années. Les experts en climatologie ne sauraient nous rassurer tant ils sont pessimistes et contradictoires. Où est la vérité ? En fait, nul ne le sait. En tout cas, pas au fond d’un puits de carbone. Faute de pouvoir influencer les humeurs de la météorologie, les communes forestières ont affirmé à différentes reprises leur volonté de prendre leur part à la lutte contre l’effet de serre. Si les acteurs de la vie économique et tous les Français doivent contribuer à réduire les pollutions, les communes forestières proposent, par une politique dynamique de renouvellement des forêts communales, d’enrichissement des taillis sous futaie et de reboisement de terrains en déprise agricole, de créer des « geysers d’oxygène » improprement dénommés « puits de carbone » sur un million d’hectares en quinze ans. Avec l’aide de l’État, la fédération des communes forestières entend contribuer efficacement, de manière ingénieuse et peu coûteuse, à la fixation du dioxyde de carbone. C’est un service majeur que la forêt peut rendre à la société. Afin que soient financées de façon pérenne toutes les actions en forêt publique, la fédération demande instamment à M. le Premier ministre que le produit de l’écotaxe soit affecté à la forêt à raison au moins de deux milliards de francs par an.