CAHIER 3

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En quelques jours, la crise à pris
la dimension d’une affaire d’État posant une nouvelle fois un problème
de santé publique et suscitant la méfiance envers l’agriculture.
L’effort de qualité a été indéniable
dans ce secteur. J’ajouterai qu’il y
a urgence de revaloriser les retraites
agricoles. Il faudra encore attendre
2002 pour que les plus petites retraites atteignent le minimum vieillesse.
préoccupation. Il importe, devant cette crise, de mettre tout le monde
face à ses responsabilités. C’est en
mobilisant tous les moyens disponibles que l’on pourra redonner espoir au monde agricole. (Applau-dissements à droite et au centre.)
Tous ensemble, consommateurs,
scientifiques et acteurs politiques,
nous devons réfléchir à notre modèle de consommation et au type
de production qui pourrait lui correspondre. C’est l’enjeu du siècle à
venir.
Le principe de précaution ne doit
pas devenir systématiquement un principe d’interdiction généralisée ; les
agriculteurs ont besoin, au contraire, de ce que j’appellerais le « principe d’espérance ».
Dans notre département, comme
chaque fois que les intérêts de nos
producteurs sont en jeu et que la
qualité de nos produits doit être
affirmée, nous savons unir nos efforts pour retrouver l’heureux temps
du « Bonheur dans le pré » et dans
l’assiette, du « Suivez le bœuf » et
de « La vache qui rit » !
Quand on sait ce que l’agriculture et le monde rural ont apporté à
la France, les sacrifices consentis,
quand on mesure le formidable bond
en avant de l’agriculture gersoise depuis trente ans, avec un taux exceptionnel de population agricole –
25 %, le plus important de France
– on ne peut décemment accepter
que les agriculteurs et les éleveurs
soient désignés à la vindicte publique !
Mon département est l’un des tous
premiers en matière d’oléagineux. La
relance de la filière oléoprotéagineuse
devrait nous permettre à terme de
nous affranchir de la dépendance visà-vis du marché américain.
Je déplore les concessions excessives faites aux États-Unis dans le
cadre des accords de Blair House,
qui ont entraîné une limitation des
surfaces d’oléagineux et de protéagineux, et je souhaite que soient
mises en place des aides conséquentes pour relancer ces cultures.
De même, il faut aider les éleveurs, à raison de 1 000 francs par
tête pour frais de garde, et pour
compenser la chute des cours. Je
me réjouis de l’adoption par le
Sénat d’un amendement que j’ai
cosigné, visant l’exonération de l’impôt sur le revenu pour les sommes
perçues au titre des indemnisations
des pertes de cheptels bovins résultant de l’E.S.B.
Il est également indispensable de
prévoir à l’égard des viticulteurs des
mesures exceptionnelles de soutien
face à la concurrence de productions
européennes et latino-américaines.
Le financement de toutes ces actions repose sur l’État, bien sûr, et
sur l’Europe, mais pourquoi ne pas
le faire reposer aussi sur un des
partenaires essentiel des agriculteurs,
qui a largement profité de leur
confiance et de leur fidélité, le
Crédit agricole ? Cette banque, qui
représente aujourd’hui un capital de
plus de 500 milliards, est la première banque française, la deuxième
banque européenne et la quatrième
banque mondiale.
Gérée par une technostructure très
compétente, elle multiplie ses participations dans tous les domaines.
Elle affiche aujourd’hui un résultat net pour 1999 de 15,6 milliards
de francs, en hausse de 26,3 %.
Cette banque ne peut oublier ses
fondateurs. Dans sa structure juridique, elle reste mutualiste, ce qui
la protège de toute O.P.A. et de
tout rachat.
À qui appartient le capital du Crédit agricole ?
À côté des actionnaires – le personnel et les représentants des 53
caisses régionales – il y a 5,61 millions de sociétaires, détenteurs des
seules parts sociales toujours évaluées à leur valeur nominale d’émission et qui subissent de ce fait un
incontestable préjudice.
Il faut modifier l’article 618 du
Code rural, en rendant aux porteurs
de parts sociales la valeur réelle qui
leur revient.
On pourrait s’inspirer pour cette
adaptation du modèle anglais de privatisation des mutuelles.
Je ne veux pas remettre en cause le système coopératif, basé sur
la solidarité mutualiste, qui a contribué au développement de notre agriculture. Dans une coopérative de production, de collecte ou d’approvisionnement, on n’impose pas aux secrétaires, à chaque opération de vente ou d’achat, un prélèvement de
parts sociales. L’apport se fait au
moment de l’adhésion ou lorsque la
coopérative décide une augmentation
de capital. Au Crédit agricole c’est
au contraire sur chaque opération
nouvelle de prêt que l’on prélève
un pourcentage de part sociale.
Je voulais, dans cette Assemblée
qui est aussi la chambre d’écho du
monde rural, vous faire part de cette
M. HUCHON. – Représentant d’un
département d’élevage, le Maine-etLoire, je ne peux manquer d’évoquer devant vous la situation des
éleveurs en détresse. Le plan d’urgence n’a pas convaincu et la façon dont l’E.S.B. a été traitée par
les médias, l’information flamboyante et affolante répandue à ce sujet
ont provoqué la mévente et la chute verticale de la consommation et
des cours. La filière s’est paralysée
et le désespoir s’installe. Les trésoreries sont épuisées tandis que tombent les échéances de fin d’année !
L’ambiance est d’autant plus accablante que l’opinion ne manque pas
d’en rajouter et de culpabiliser les
éleveurs.
Ces
derniers
perdent
confiance dans le gouvernement et
dans leurs élus dont ils considèrent
qu’ils dispensent les promesses avec
abondance mais ne les concrétisent
qu’avec parcimonie.
En même temps que des aides
financières, ils attendent du gouvernement qu’il use de son influence
pour inverser la tempête médiatique
qui a tout dévasté. À entendre certains, nous en serions revenus à
l’époque de la peste noire, où les
charretiers du roi passaient chaque
matin dans les rues enlever les cadavres des habitations… Il n’en est
rien ! Et si, malheureusement, nous
avons à déplorer deux ou trois
victimes, les précautions que vous
avez prises – et dont nous vous
félicitons et vous remercions, monsieur le Ministre – font que désormais, il n’y a plus aucun risque
de contamination humaine et qu’on
peut consommer de la viande sans
crainte. Il faut le dire et le redire, il faut désintoxiquer une opinion
publique malade et, pour ce faire,
employer les mêmes moyens que
ceux qui ont si bien compromis la
situation.
Les producteurs de fruits et légumes sont eux aussi en difficulté.
Les paysans, en général, se sentent
isolés et abandonnés. Dans un pays
où la reprise économique bat son
plein, ils se sentent écrasés par un
système où ils sont les seuls responsables en même temps que les
victimes.
Ils n’ont plus confiance dans leur
syndicalisme, qui compte de moins
en moins d’adhérents, et le pluralisme syndical, avec la guerre des
chefs qui l’accompagne, les agace
profondément. Ils avaient mis en place, il y a quelques décennies, un
N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000 – 3
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système de mutualisme, de crédit, de
coopérations qui donnait satisfaction.
Hélas, ce système para-agricole a
évolué
vers
le
gigantisme
et
l’exploitant est désormais livré sans
protection aux aléas et aux caprices
du commerce mondial ! Des éleveurs
de mon pays ont trouvé dans un
restaurant d’une chaîne nationale de
la viande argentine ! À la faveur
de quel circuit mystérieux ? Bien évidemment aucune marque d’identification ou de traçabilité…
pelle que l’auteur et le ministre
disposent chacun de deux minutes
trente.
nance. Le débat, intéressant, long et
constructif, a vu se rejoindre les
points de vue de droite et de gauche
(on juge à droite cette configuration dangereuse) pour encadrer l’habilitation donnée au gouvernement au
sujet de Natura 2000.
Chaque intervenant aura à cœur de
respecter le temps imparti de deux
minutes trente afin que toutes les
questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission
télévisée.
Natura 2000
Une situation aussi trouble amène
le désespoir, puis la violence. Il faut
éviter d’en arriver là. Le conseil
régional des Pays de Loire, à l’initiative de son président et avec la
participation des cinq départements,
a dégagé d’importants crédits. Les
élus régionaux et départementaux attendent une participation équivalente
de l’État pour aider à des opérations de dépistage. Monsieur le
Ministre, vous ne pouvez rester sourd
à cet appel.
M. Vecten vous a déjà alerté sur
l’attitude et les paroles de votre directeur général de l’enseignement
agricole. En un moment pareil, une
résurrection de la guerre scolaire
serait choquante. L’agriculture n’a pas
besoin de cela ! Le système scolaire pluriel instauré par la loi de 1984
doit être maintenu et nous comptons sur vous, monsieur le Ministre,
pour couper court à des bruits et
à des intentions qui ne peuvent que
provoquer le malaise. (Applaudissements au centre et à droite.)
La séance est suspendue à midi 50.
M. DE MONTESQUIOU. – Ma
question s’adresse à Mme Voynet,
ministre de l’Environnement. Elle porte sur les derniers rebondissements
du feuilleton Natura 2000, vieille histoire qui remonte à 1992 ! (Exclamations à droite.)
En 1998, prétextant que c’était trop
tôt, vous aviez refusé d’inscrire à
l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi de
M. Le Grand, adoptée par le
Sénat, qui aurait transposé cette
directive en droit français.
Aujourd’hui, selon vous, c’est trop
tard puisque vous avez noyé cette
directive dans un projet de loi fourretout autorisant le gouvernement à
transposer par ordonnance et dans
l’urgence plus de 60 directives. Le
25 octobre, notre Assemblée avait
refusé que ce texte législatif passe
à la sauvette. Mardi, l’Assemblée
nationale l’a malheureusement réintégré avec votre assentiment. Je ne
perçois pas la cohérence de votre
position.
J’observe par ailleurs que la proposition de loi présentée par M. Le
Grand n’assurait qu’une transposition
partielle de la directive.
depuis, Mme Voynet a constitué
une commission nationale et des
commissions régionales associant défenseurs de la nature, élus locaux
et associations de chasseurs. Enfin,
je vous rappelle qu’une commission
mixte paritaire est convoquée mardi
prochain au sujet de la loi d’habilitation.
Le texte adopté par l’Assemblée
nationale ne transforme pas les zones
visées par Natura 2000 en sanctuaires
où toute activité humaine serait prohibée. Je précise que les conseils
municipaux – ou les organes délibérants des E.P.C.I. seront priés de
formuler un avis motivé sur les décisions de classement. En outre, l’arrêté préfectoral de classement sera,
lui aussi, motivé.
Je pense que le Sénat pourra se
rallier à ce dispositif, qui permet à
notre pays de satisfaire à ses obligations européennes, car nous sommes
menacés de non versement des fonds
structurels. (Applaudissements sur les
bancs socialistes.)
Agenda social européen
*
**
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
VICE-PRÉSIDENT
La séance est reprise à 15 heures.
Questions d’actualité
au gouvernement
M. LE PRÉSIDENT. – L’ordre
du jour appelle les questions d’actualité au gouvernement.
Je tiens à vous informer que
M. le Président du Sénat ne peut
présider aujourd’hui la séance des
questions d’actualité car il effectue
en ce moment même une visite officielle à l’étranger.
Conformément à la règle posée par
la Conférence des Présidents, je rapN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000
M. GOURNAC. – Il n’y en a
pas !
M. PASTOR. – La question !
M. DE MONTESQUIOU. – Un
jour, c’est trop tôt ; le lendemain,
c’est trop tard.
Cette directive affecte le droit de
propriété. Elle est de première importance pour tous nos concitoyens
des zones rurales, en particulier les
chasseurs. Vous vous plaignez des
tensions qui existent avec eux. Pourquoi avez-vous refusé cette occasion
d’ouvrir un dialogue ? (Vifs applaudissements au centre et à droite.)
M. QUEYRANNE, ministre des
Relations avec le Parlement. – Je
confirme que, mardi dernier, l’Assemblée nationale a voté le principe d’une transposition de la directive Natura 2000 par voie d’ordon-
Mme BORVO. – Le Conseil européen
de
Nice
qui
s’ouvre
aujourd’hui marque la fin de la
Présidence française. Vous aviez
annoncé, en mai, que l’adoption d’un
agenda social constituant un programme de travail de l’Union européenne pour les cinq années à
venir serait l’une des actions prioritaires de la Présidence française.
L’enjeu de cet agenda social est de
rééquilibrer la part du social et de
l’économique dans la construction européenne.
Ses lignes directrices sont séduisantes. On y parle de sécurité, d’égalité ou de lutte contre l’exclusion.
Mais l’actualité, c’est la levée de
l’interdiction du travail de nuit des
femmes, c’est le développement de
la précarité, le maintien d’un taux
élevé du chômage en Europe, c’est
une pression permanente sur les salaires. Le libéralisme progresse en
Europe. Vous savez bien qu’il s’accommode mal du progrès social.
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Les dizaines de milliers de
toyens de tous pays européens
se sont retrouvés à Nice ont
primé avec force cette volonté
substituer l’Europe de la justice
ciale à l’Europe de l’argent.
ciqui
exde
so-
Or, nous constatons l’absence d’engagements contraignant les États
membres à mener une politique sociale ambitieuse. La charte européenne des droits fondamentaux, qui
devrait refléter cette volonté populaire, n’est qu’un accord a minima
en deça de notre législation sociale.
La France va-t-elle soutenir ces
exigences ? Le gouvernement veut-il
faire prévaloir au sommet de Nice
les conditions d’une Europe de progrès social fondée sur l’intérêt général, sur les droits sociaux et sur
les coopérations avec le Sud, plutôt que sur les intérêts particuliers
des plus favorisés ? (Applaudissements
à gauche.)
M. QUEYRANNE, ministre des
Relations avec le Parlement. – La
Présidence française a la volonté de
faire progresser l’Europe sociale. Le
Conseil européen de Lisbonne l’avait
mandaté en mars 2000, pour parvenir à un accord sur un agenda social européen.
Conformément à ce mandat, le
Conseil « emploi et politique sociale » du 28 novembre, présidé par
Mme Guigou, est parvenu à un accord unanime sur l’agenda social européen. Cet accord sera examiné par
le Conseil européen de Nice. Il porte sur l’accès à l’emploi, la protection des travailleurs, la lutte contre
la pauvreté et les discriminations,
l’égalité entre hommes et femmes. Il
faudra le remplir.
La charte des droits fondamentaux
était en retard. La France s’est efforcée de débloquer le dossier, notamment grâce aux contacts bilatéraux entretenus par le Président de
la République et le Premier ministre
avec les responsables des exécutifs
communautaires. Le texte qui sera
adopté à Nice constituera une avancée importante et sera un socle pour
les pays européens. Il est vrai que
ce texte n’est pas contraignant,
mais des progrès sont possibles. La
France les souhaite ! Je pense également que la mobilisation des partenaires sociaux – notamment de la
confédération européenne des syndicats – pourra faire progresser
l’Europe sociale.
La Présidence française s’est toujours attachée à faire progresser l’Europe sociale. (Applaudissements à
gauche.)
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Commercialisation des bovins
Le dernier Conseil national de l’enseignement agricole a décidé sans
aucune concertation de priver ces
maisons comme d’ailleurs l’ensemble
de l’enseignement agricole, des
classes de quatrième et de troisième qui constituent leur vivier naturel. De plus, vous bloquez toute
contractualisation nouvelle.
M. DULAIT. – La loi d’orientation agricole dispose : « Les producteurs organisés peuvent bénéficier de
priorités dans l’attribution de l’aide
que l’État peut apporter pour l’organisation de la production et des
marchés. Les aides décidées sont modulées en fonction du degré d’organisation et des engagements des
producteurs ». Dans ce cadre, les éleveurs auront le choix entre deux
niveaux d’engagement, particulièrement
contraignants, le second encore plus
que le premier, puisqu’il serait demandé à l’éleveur de vendre 70 %
de sa production à trois acheteurs
désignés en début d’année.
Cette nouvelle organisation pénalise les éleveurs commercialisant leur
production sur les marchés aux bestiaux, car la réduction du potentiel
d’acheteurs est incompatible avec la
libre concurrence. De nombreuses associations de producteurs dénoncent
cette nouvelle organisation. Il n’est
pas pensable que le dispositif soit
appliqué en l’état !
Monsieur le Ministre, envisagezvous de le modifier ou, au moins,
d’en différer la mise en place ? Les
acheteurs ne sont pas légion sur
les marchés. (Applaudissements au
centre et à droite.)
M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
La fédération nationale bovine, affiliée à la F.N.S.E.A., est hostile
au renforcement des contraintes économiques, souhaité en revanche par
les coopératives. J’ai finalement suivi la fédération nationale bovine, qui
à l’obligation préférait l’incitation.
Habituellement, vous me reprochez
d’être trop directif. Aujourd’hui, vous
vous présentez à front renversé. Je
regrette, mais je préfère l’incitation
à la contrainte ! (Applaudissements
sur les bancs socialistes.)
Enseignement agricole
M. CARLE. – Vingt ans après
le gouvernement relance la guerre
scolaire. (Vives exclamations sur les
bancs socialistes.) Oh !, de façon
moins spectaculaire mais plus pernicieuse et malheureusement plus efficace. À preuve, votre intention d’assassiner l’enseignement agricole et à
tout le moins une de ses composantes essentielles, les Maisons familiales rurales. (M. Gournac le
confirme.)
On peut assassiner de manière forte ou de manière douce. Vous avez
choisi de priver le corps d’oxygène. (On s’amuse à gauche.)
La petite souris agricole effraie-telle à ce point le mammouth qu’il
veuille l’avaler ? (Sourires.)
Vous assassinez la filière de l’alternance, en la réduisant à une orientation par défaut. Vous avez réduit
l’aide à l’embauche au seul niveau
V. Pour 2001, le projet de loi de
finances va plus loin en supprimant
cette aide pour une grande partie
des contrats de qualification. L’euthanasie, mais douce et progressive.
Prenez garde ! Vous êtes en train
de réduire à néant les acquis encore fragiles des professions, des
chambres consulaires et des régions.
M. Jean Boyer s’en est fortement
inquiété il y a deux jours. Aucune
réponse ne lui a été apportée.
Votre méfiance instinctive envers
ceux qui innovent et entreprennent
(protestations à gauche), votre aveuglement idéologique (les protestations
redoublent), votre souci constant de
ne pas braquer certains syndicats de
votre base électorale (indignation sur
les mêmes bancs), vous conduisentils à remettre en cause un mode
d’enseignement qui a compris mieux
que d’autres la nécessité de valoriser cette intelligence de la main
qui permet à des milliers de jeunes
de réussir leur vie professionnelle ?
(« Très bien ! » à droite.)
Voulez-vous rendre encore plus difficile la situation de nombreux artisans, commerçants, de nombreuses
entreprises du B.T.P., de l’industrie,
de l’agroalimentaire, des métiers de
bouche, qui manquent de personnel
qualifié ? Voulez-vous tuer l’enseignement agricole parce qu’il réussit
mieux que d’autres ? Voulez-vous tuer
la filière de l’alternance parce qu’elle répond mieux que d’autres aux
souhaits du jeune et aux besoins
de notre économie ? (Applaudissements
à droite et sur quelques bancs au
centre. Lazzis à gauche.)
M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Pas plus que l’éducation
nationale n’est un mammouth indomptable, je ne compare l’enseignement agricole à une souris mais
plutôt à un fier alezan. (Sourires
et applaudissements à gauche.) Les
N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000
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organisations syndicales ont jugé que
ce budget est le meilleur depuis
vingt ans, c’est bien pourquoi il n’y
a pas eu de grève à la rentrée.
munautarisé pour six mois l’interdiction des farines animales et proposé
l’interdiction d’autres matériaux à
risque. Le dispositif montant en puissance, on ne fera plus rentrer dans
la chaîne alimentaire des bovins de
moins de trente mois sans tests. Ceux
de plus de trente mois feront l’objet d’une destruction prise en charge
à 70 %, c’est l’Union européenne qui
supporte à 100 % le stockage.
La trésorerie sera avancée par la
France et augmentée par l’Europe.
(Applaudissements sur les bancs socialistes.) La commission mixte paritaire a élaboré un bon texte. Pourquoi le regrettez-vous ? Vous dites
que rien n’a été fait ? En trois ans,
nous avons créé 739 postes, plus
que pendant les vingt années précédentes ! Certes il en manque encore et si les greffiers ne sont pas
pleinement satisfaits, ils savent que
nous avons créé 134 postes en 1999,
169 cette année et 405 en 2001,
alors qu’en 1997 vous aviez oublié
d’ouvrir le concours d’entrée à l’école de greffiers, si bien qu’on n’a
pu recruter personne en 1998 !
(Sarcasmes et applaudissements à
gauche.)
J’ignore qui rallume la guerre scolaire mais je sais bien qui l’éteint.
Ç’a été la loi Rocard de 1984 ! J’applique cette loi, toute la loi, rien
que la loi. (À droite : « Ce n’est
pas la question ! ».) Le budget que
je vous présente ouvre 47 classes
dans le public et 46 dans le privé. Quel équilibre ! Rien n’étaie vos
accusations.
(Applaudissements
à
gauche.)
Crise de la filière bovine
Mme Yolande BOYER. – La filière bovine traverse une grave crise. En Bretagne, ce sont des milliers d’emplois directs qui en dépendent et depuis cinq semaines la
moyenne d’abattage a baissé de 40 %.
Je salue, monsieur le Ministre,
votre combativité et les résultats que
vous avez obtenus à Bruxelles. Tout
le monde doit vous en féliciter. Les
consommateurs ont besoin d’être rassurés. Les éleveurs et l’ensemble de
la filière ont besoin de compensations pour leurs pertes de revenus.
Comment allez-vous agir tant en
France qu’en Europe ? Quelles aides
directes envisagez-vous pour les producteurs et selon quelles échéances ?
Le souci de compensation au plus
proche du préjudice subi doit nous
guider. Quels mécanismes d’intervention mettre en place pour retrouver la fluidité du marché ? Comment généraliser les tests ? Pourrontils être pris en charge par les entreprises elles-mêmes et avec quels
contrôles ? Quels moyens pour atteindre l’autonomie de la production
en protéines végétales qui va de pair
avec le refus des importations de
soja transgénique. (Approbation à
droite.)
Face à la détresse des professionnels, pour assurer l’avenir de la
filière en regagnant la confiance des
consommateurs, des mesures s’imposent. (Applaudissements à gauche.)
M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – Oui, la crise est désastreuse pour les éleveurs et pour les
salariés des entreprises d’aval. Elle
appelle la solidarité nationale et européenne. J’ai toujours dit que les
deux plans nationaux que j’ai annoncés devraient s’appuyer sur des
mesures européennes. Celles que nous
avons obtenues lundi à Bruxelles sont
un succès de la Présidence française. (M. Gouteyron : « Le Président de
la République avait ouvert la voie ! ».)
Sur le plan sanitaire, nous avons comN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000
Lundi, l’Agence française de sécurité des aliments rendra son analyse des 15 000 premiers tests. Nous
en tirerons les enseignements pour
bâtir
la
suite
du
programme.
Mardi, le comité de gestion réuni
à Bruxelles prendra les mesures nécessaires pour répondre concrètement
aux besoins. (Applaudissements à
gauche.)
Réforme de la justice
M. FOURNIER. – Les avocats
étaient plus de 4 000, vendredi dernier, à défiler devant votre ministère. Partout les barreaux sont en
grève, les juridictions s’engorgent,
et la justice n’est plus rendue.
Le saupoudrage, les quelques mesures que vous avez mises en avant
n’ont rien réglé. Personne n’est dupe : les négociations ont été rompues au petit matin.
Les avocats ne sont pas les seuls
à exprimer leur mécontentement. Les
magistrats et les greffiers ne peuvent plus supporter que rien ne soit
fait pour permettre que la justice
soit rendue de manière décente.
Mme Guigou se félicitait de ne
jamais proposer de réforme non financée. La réalité est sans appel !
Rien n’a été prévu pour que la loi
sur la présomption d’innocence s’applique au 1 er janvier. Après avoir
beaucoup promis, Mme Guigou a déserté (« Ho ! » à gauche), laissant
ardoises et bombes à retardement.
Votre prise de fonction récente
n’excuse en rien votre reculade. Vous
annonciez, il y a quelques jours
encore, que la loi « ne serait pas
reportée ». Hier, vous vous êtes reniée en proposant un mécanisme transitoire. Autant dire que vous enterrez la réforme. Ce report nous afflige parce que le gouvernement n’a
pris aucune des dispositions nécessaires, et que nos concitoyens en
pâtiraient. Que ferez-vous ? (Applaudissements à droite.)
Mme LEBRANCHU, garde des
Sceaux, ministre de la Justice. –
La justice mérite mieux que ça !
Mon objectif est de permettre aux
personnes effectuant une courte peine – expression malheureuse, car toute peine est longue –, entre le
1 er janvier et la date où le nouveau dispositif s’appliquera, d’être défendues par des avocats devant la
commission d’application des peines.
C’est une grande évolution, même si
elle reste insuffisante. Il est vrai
qu’il faut attendre la prochaine promotion de greffiers. Pour les peines
plus longues, la juridiction d’application des peines sera totalement installée en janvier.
Quant aux avocats, dans la limite que me laisse mon temps de
parole…
M. LE PRÉSIDENT.
déjà écoulé.
–
Il
est
Mme LEBRANCHU, garde des
Sceaux. – Alors j’y reviendrai tout
à l’heure, car je sais qu’il fait l’objet d’autres questions… (Rires et applaudissements à gauche.)
Chasse
Mme HEINIS. – La Cour de justice des communautés européennes
(C.J.C.E.) vient de se prononcer sur
la compatibilité de la loi relative à
la chasse de 1998 avec la directive européenne de 1979 relative à
la conservation des oiseaux sauvages :
pourquoi la Commission de Bruxelles
ne s’est-elle pas désistée dès lors
que la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, complétée du
décret du 1 er août, ont remplacé la
loi de 1998 en particulier sur la
question litigieuse ?
Je regrette l’absence de Mme Voynet.
Comment peut-elle considérer que les
nouveaux textes fondent une chasse
« apaisée », quand les opposants à
la chasse multiplient les recours
contre le décret d’application et les
arrêtés fixant les dates d’ouverture ?
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La loi du 26 juillet, comme on pouvait le craindre, reste une illusion
et les recours permettent de graves
difficultés pour la clôture de la chasse ? (Applaudissements à droite.)
Mme LEBRANCHU, garde des
Sceaux. – Les avocats se sont mis
en grève – grève du zèle, pour la
plupart – et ils ont manifesté récemment place Vendôme, entre autres
lieux. Le problème qu’ils soulèvent
ne date pas d’aujourd’hui.
je n’ai pas compris comment, une
nuit, elles seraient devenues « insuffisantes ». La difficulté est qu’il n’est
pas possible de publier de décret
tant que les avocats n’auront pas
donné leur avis. J’ajoute que le gouvernement entend tenir compte des
différences entre territoire. En dépit
de difficultés réelles, je compte sortir de cette crise par le haut, grâce à l’accompagnement budgétaire
que j’ai obtenu. (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste.)
M. QUEYRANNE, ministre des
Relations avec le Parlement. – Nous
nous étonnons comme vous que la
C.J.C.E. se prononce sur un texte
que le gouvernement et le Parlement français ont en quelque sorte
révisé, puisqu’une nouvelle loi est
venue le modifier. Mme Voynet avait
pourtant demandé à Mme Wallstrom,
commissaire européen à l’environnement, de retirer son recours devant
la C.J.C.E.
M. SCHOSTECK. – Dites-nous
qu’il date d’il y a vingt ans !
Mme LEBRANCHU, garde des
Sceaux. – Il est particulièrement insupportable, au moment où la croissance économique reprend, de se voir
refuser l’accès à la justice pour des
questions de moyens.
Transposant le principe de protection complète des oiseaux migratoires
et le calendrier – 1 er septembre au
plus tôt pour l’ouverture, 31 janvier
au plus tard pour la fermeture –,
notre règlementation est désormais
conforme à la directive européenne.
Les rares exceptions au calendrier
sont toutes justifiées scientifiquement.
Il nous reste à adopter un arrêté
relatif aux dérogations au calendrier
ainsi qu’aux zones de nidification.
Quoique la commission soulève des
difficultés sur l’échelonnement des
dates de chasse pour certaines espèces, le dossier devrait être clos
une fois ces derniers textes communiqués. (Applaudissements à gauche.)
Henri Nallet, en 1991, a eu cette excellente idée de passer d’une
assistance gratuite à un principe d’indemnisation des avocats. Il s’agissait de renforcer la solidarité au sein
des barreaux, d’éviter que les avocats novices, les moins expérimentés, héritent des commissions d’office.
Aide juridictionnelle
Une simple révision des barèmes
de l’aide juridictionnelle ne rétablira pas l’équilibre. C’est pourquoi le
gouvernement entend réformer l’ensemble du système et qu’il a confié
une étude à M. Bouchet, président
d’A.T.D.-quart-monde, avec la prospective d’une loi après 2002. Elle
exigera beaucoup de moyens. Les
avocats veulent qu’on aboutisse avant
mars 2000, comme s’ils craignaient
une éventuelle alternance. (Rires à
gauche, protestations à droite.) C’est
incompréhensible car ils ont trouvé
des défenseurs sur tous les bancs.
M. PLANCADE. – Le gouvernement a engagé une vaste réforme de
la justice, avec notamment la loi
du 18 décembre 1998 sur l’accès
au droit et celle du 15 juin 2000
sur la protection de la présomption
d’innocence et des droits des victimes.
Le recours aux avocats par les
prévenus aux revenus modestes est
renforcé par le développement de
l’aide juridictionnelle. Le budget de
la justice augmente de 17 % en
quatre ans, effort sans précédent soutenu par le Parlement. Les avocats,
cependant, protestent et appellent à
la grève, jugeant insuffisante l’indemnisation de l’aide juridique qui
ne couvre plus les charges de procédure. Ils réclament le doublement
immédiat de leurs indemnités.
La République a le devoir d’aider les pauvres à accéder à la justice. Je suis, madame la Ministre,
que vous avez engagé des négociations, avec les avocats, qui viennent d’être suspendues : quelles sont
vos perspectives ? (Applaudissements
à gauche.)
Dix ans ont passé et ce système
n’est plus adapté, des différences
étant très marquées au sein de certains barreaux – au barreau de
Paris par exemple, qui regroupe la
moitié des avocats français, certains
avocats ne plaident jamais – mais
aussi entre barreaux, certains connaissant une forte proportions d’affaires
pénales ou familiales avec aide juridictionnelle.
Nous avons donc proposé de doubler les indemnités pour les affaires
les plus difficiles, divorces pour faute, affaires correctionnelles, expulsions
d’étrangers.
L’augmentaton de l’aide pour les
autres affaires sera échelonnée de 25
à 30 % jusqu’en 2002, dans la perspective d’une nouvelle loi.
M. VOIX À DROITE. – Demain,
on rase gratis !
Mme LEBRANCHU, garde des
Sceaux. – Lundi soir, les avocats
jugeaient ces avancées significatives,
Pénurie de main d’œuvre
M. GOUTEYRON. – (Applaudissements à droite.) La situation de
l’emploi s’est bien améliorée. (« Ah ! »
sur les bancs du groupe socialiste.)
M. COURTEAU. – Il l’a dit !
M. GOUTEYRON. – Chacun sait
bien que cela est dû à la croissance
mondiale
et
européenne.
(Exclamations sur les bancs, approbation à droite.)
Mais cette situation cache des réalités diverses et souvent peut satisfaisantes. Le nombre de chômeurs
dépasse encore deux millions et
800 000 postes ne trouvent pas preneur. La formation des jeunes ne
permet pas de faire face à cette distorsion entre l’offre et la demande,
entre les besoins des entreprises et
les demandes des jeunes qui veulent entrer dans le monde du travail.
Cette nuit, le ministre délégué à
l’enseignement professionnel reconnaissait que la réduction des effectifs dans l’enseignement secondaire
était due, pour les deux tiers, à la
contraction du nombre d’élèves dans
l’enseignement professionnel. Le paradoxe est insupportable ! Qu’allezvous faire pour y porter remède ?
On nous répète à l’envi, dans nos
départements, que le bâtiment ne
trouve plus de main-d’œuvre. Tandis que les demandeurs d’emplois de
plus de 50 ans ont le sentiment
d’être abandonnés.
Or, un document que vous ne
pourrez contester (murmures sur les
bancs socialistes), vient d’être publié par le Conseil d’analyse économique, placé auprès du Premier
ministre, le rapport Pisani-Ferry, dont
la presse s’est longuement fait l’écho.
Ses conclusions sont fort intéressantes
et au risque de vous ennuyer un
peu (on s’impatiente à gauche), elles
rejoignent largement les propositions
de l’opposition, (rires et exclamations sur les mêmes bancs. On
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approuve à droite) y compris celles
faites au cours de la convention récente sur l’emploi.
Si l’on constate une pénurie d’emploi dans certains secteurs, c’est qu’il
s’opère un rééquilibrage des rapports
de force entre les employeurs et
les salariés et ce n’est pas un mal !
(Vifs applaudissements sur les bancs
socialistes.)
Cet objectif ne sera atteint que
si la P.A.C. est modifiée. Quelles
sont les intentions du gouvernement
en ce domaine ?
M. DELFAU. – C’est une question ou un discours ?
M. GOUTEYRON. – Mes questions, les voici ! (« Ah ! » à gauche.)
Que pensez-vous des conclusions
de ce rapport ? J’aurais aimé m’adresser au Premier ministre mais je sais
où il est aujourd’hui.
Le gouvernement est-il prêt à assouplir la loi sur les 35 heures, surtout pour les petites entreprises ? (M.
Gournac applaudit.)
Est-il prêt à assouplir le régime
des heures supplémentaires, à les
rendre moins chères pour l’entreprise et plus intéressantes pour les salariés ?
(Protestations à gauche.)
Est-il prêt à lutter contre les trappes
à inactivité qui rendent la reprise
d’un travail peu attractive ? Est-il
prêt à réduire les charges sociales
pour encourager les entreprises à
avoir recours à l’emploi peu qualifié ? (Applaudissements à droite et
au centre.)
M. LE PRÉSIDENT. – Comme
M. Gouteyron, vous disposez, Madame, de deux minutes et demi…
(Rires.)
Mme ROYAL, ministre déléguée
à la famille et à l’enfance. – Tout
d’abord, un grand merci pour l’hommage que vous avez rendu à l’action du gouvernement en faveur de
l’emploi (mouvements divers), car s’il
existe des tensions sur le marché du
travail, c’est bien le signe que le
chômage recule. Vous qui croyez
dans les lois du marché, vous ne
contesterez pas cette évidence.
Le bâtiment
tés. C’est que
engagée par la
décidée par le
connaît des difficulla relance y a été
baisse de la T.V.A.
gouvernement !
M. GOURNAC. – Et la tempête !
Mme ROYAL, ministre déléguée.
– L’hôtellerie connaît aussi des problèmes de recrutement, autre manifestation classique. Ces secteurs d’activité sont aussi ceux qui traditionnellement payent souvent des salariés précaires (exclamations à droite), et imposent des horaires contraignants. Quand les entreprises rémunèrent correctement leurs salariés,
elles en trouvent.
N° 34 – Jeudi 7 décembre 2000
La réponse à la pénurie de maind'œuvre se trouve donc dans les
camps des employeurs. (Exclamations
à droite.)
En ce qui concerne la formation,
vous avez raison, monsieur Gouteyron,
et le gouvernement fait tout ce qui
est en son pouvoir pour relancer
l’enseignement professionnel mais les
régimes ont aussi leur rôle à jouer
dans ce domaine. Elles doivent
prendre leurs responsabilités ! (Exclamations prolongées à droite.)
J’en viens à vos trois questions.
La loi sur les 35 heures est promulguée et les décrets sont déjà publiés. Alors, non, nous n’avons pas
l’intention d’assouplir cette loi, les
exceptions étant déjà prises pour les
petites entreprises. Même chose pour
les heures supplémentaires. Le dispositif existe et les entreprises bénéficient déjà d’aides nombreuses.
(Murmures à droite.)
Quant à la
sociales, nous
en diminuant
digne sur les
réduction des charges
venons de le faire
la C.S.G. ! (On s’inmêmes bancs.)
Quant aux trappes à inactivité, il
appartient aux patrons de répondre
aux attentes des salariés ; qu’ils les
payent, cette trappe disparaîtra d’elle-même. (Applaudissements à gauche.
Protestations à droite.)
M. CHÉRIOUX. – Ce n’est pas
digne de vous !
VOIX À DROITE. – Sus aux patrons !
Production de protéines végétales
M. HETHENER. – Nous nous réjouissons que lors du Conseil agricole, les Quinze se soient ralliées
à la proposition de la commission
visant à interdire pour au moins
six mois les farines carnées pour
tous les animaux d’élevage. Ils ont
ainsi donné raison au Président de
la République. (Applaudissements à
droite.)
Il faut maintenant substituer aux
protéines animales des protéines végétales. Pour cela, il serait nécessaire d’accroître de 30 % la surface
cultivée d’oléagineux, soit deux millions d’hectares supplémentaires.
Quant au dépistage de l’E.S.B.,
le Conseil a suivi les propositions
de la Commission : interdiction d’utiliser les bovins de plus de 30 mois
et généralisation des tests pour les
autres. C’est un réel progrès. Encore faut-il que nous connaissions
les modalités concrètes de mise en
œuvre de cette mesure. Des tests
fiables seront-ils disponibles en quantité suffisante ? Comment recrutera-ton et formera-t-on les vétérinaires ?
Les contrôles seront-ils harmonisés
dans toute l’Europe ?
Je ne suis sénateur que depuis peu
de temps mais en tant qu’élu local, je sais que les sénateurs ne
sont pas des baratineurs. Quand ils
rentrent dans leurs départements, ils
répondent franchement aux questions
qui leur sont posées. (M. Gournac
approuve.)
Comment comptez-vous, monsieur
le Ministre, rassurer les consommateurs et relancer la consommation de
viande bovine dans notre pays ?
(Applaudissements à droite et au
centre.)
M. GLAVANY, ministre de l’Agriculture. – L’interdiction des farines
animales va effectivement accroître
les besoins communautaires en protéines végétales.
Je ne crois pas que nous soyons
limités par les engagements de Blair
House, pris en échange de l’attribution
des
surprimes.
Comme
l’Europe a décidé à Berlin de supprimer les surprimes, décision que
j’ai combattue à l’époque mais qui
s’impose désormais à nous, nous
nous libérons des accords de Blair
House et je suis heureux de voir
que c’est la position de la Commission elle-même.
Nous en débattrons lundi à
Bruxelles. Et rien ne nous empêche
de développer la production nationale d’oléoprotéagineux tels que le
tournesol et le soja de pays. Nous
assisterons donc à une montée en
régime dès 2001 !
Quant au programme de tests, sa
montée en puissance tiendra compte
de l’évaluation du risque faite par
l’AFSSA. Nous avons besoin de savoir dans quelles régions les cas
sont les plus nombreux, pour quelles
catégories de bovins, de quel âge,
etc. Nous le saurons lundi. Ensuite, nous pourrons passer de 48 000
tests à plusieurs centaines de milliers, voire plus. Bien entendu, nous
allons devoir augmenter le nombre
des laboratoires agréés pour les tests
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de dépistage : ils sont 13 actuellement ; ce chiffre sera doublé. En
outre, le recrutement de 300 vétérinaires inspecteurs en deux ans est
prévu.
ne permet pas de répondre aux besoins, il existe d’autres oléagineux,
protéagineux et légumineuses dont on
pourrait envisager la production, laquelle aurait, en outre, d’autres effets bénéfiques.
connaître le caractère multifonctionnel du métier d’agriculteur. C’est
un contrat signé entre l’agriculteur
et les pouvoirs publics, qui permet
de rémunérer des engagements en faveur de démarches de qualité ou
de préservation de l’environnement,
de gestion de l’espace et de création d’emplois.
Les deux amendements que le gouvernement présentera tout-à-l’heure sur
le budget de l’agriculture vont permettre d’engager toutes ces actions.
(Applaudissements à gauche.)
La séance est suspendue à 16 h 10.
*
**
Elle est reprise à 16 h 20.
Loi de finances pour 2001
(Suite)
J’ai déjà évoqué, à plusieurs reprises, les graves intempéries que
la France a connues ces derniers
mois, et la situation de la SeineMaritime, où les inondations ont causé plusieurs morts. L’agriculture n’est
certes pas la seule responsable, mais
la suppression des prairies aggrave
les choses. En Seine-Maritime, 13 000
hectares de terres sont potentiellement retournables du fait du dispositif actuel d’attribution des primes.
Dans les bassins versants, ces terres
constituent la cause principale des
inondations. Le dispositif actuel, qui
a des effets pervers, doit être modifié pour favoriser le maintien et
le développement des surfaces en
herbe, et inciter à la production des
oléagineux et des légumineuses.
Agriculture et pêche
(Suite)
En raison de leur lourdeur et de
leur financement insuffisant, les
C.T.E. me permettent en aucune manière de répondre aux besoins.
M. LE PRÉSIDENT. – L’ordre
du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi des finances
pour 2001 adopté par l’Assemblée
nationale. Nous reprenons l’examen
des crédits de l’agriculture et de la
pêche.
Devant la gravité de la situation,
face aux inquiétudes légitimes des
consommateurs et aux préoccupations
des agriculteurs confrontés à des
échéances incontournables, quelles mesures complémentaires comptez-vous
prendre pour la filière bovine ?
Quand les tests de dépistage systématique à l’abattage seront-ils opérationnels ? Quand autoriserez-vous les
départements et les régions qui le
souhaitent, à intervenir ?
M. REVET. – Je voudrais vous
livrer quelques réflexions et vous poser quelques questions au sujet de
la situation difficile que traverse
l’agriculture française actuellement, et
en particulier la filière bovine.
Le constat est sans appel : la crise de l’E.S.B. a eu comme première
conséquence la chute de la consommation de viande bovine. Les inquiétudes de nos concitoyens, légitimes, sont injustifiées selon les
scientifiques. Elles ont toutefois des
conséquences dramatiques pour les
producteurs et l’ensemble de la filière. Cette situation justifiait des
mesures fortes. La France a décidé
la suspension de l’utilisation des farines carnées dans l’alimentation animale, décision reprise à son compte par la Commission européenne qui
a élargi cette mesure à l’ensemble
des pays européens, à la suite de
constats de cas d’E.S.B. en Espagne
et en Allemagne.
L’approvisionnement en protéines
végétales, dont la France et l’Europe
sont déficitaires, pose problème. Le
moment
n’est-il
pas
venu
de
s’interroger sur l’avenir de cette
production ? Si notre capacité de développement de la culture du soja
Lors de précédentes séances de
questions d’actualité, vous aviez
indiqué que vous profiteriez de la
Présidence française pour infléchir les
orientations européennes. Quelles évolutions suggérerez-vous pour le dispositif des cultures primables ? Envisagez-vous de favoriser les surfaces
en herbe ainsi que la production
d’oléoprotéagineux et de légumineuses ? Êtes-vous disposé à lancer
des actions qui redonneraient confiance aux consommateurs comme aux
producteurs ?
Lorsqu’on contrarie la nature, elle se rebelle. Pouvez-vous, monsieur
le Ministre, faire passer auprès de
ceux qui définissent notre politique
agricole, le message suivant : les solutions de bon sens sont souvent les
plus simples, et sont toujours les
meilleures… (Applaudissements à
droite et au centre.)
M. LEJEUNE. – Compte tenu des
problèmes actuels, les C.T.E. seront
amenés à jouer un rôle primordial.
Cet instrument novateur, créé par la
loi d’orientation agricole, vise à re-
Le nombre de contrats conclus à
ce jour est inférieur à ce que nous
avions espéré. Toutefois, une accélération semble se dessiner ces dernières semaines. Certains parlent
d’échec, refusant d’admettre que cette innovation qui ne vient pas d’eux
est intéressante.
La lenteur constatée au démarrage
ne doit pas remettre en cause ce
formidable outil de développement au
service de l’agriculture. Ce retard est
dû au temps pris par la négociation du plan national de développement rural, qui n’a pu être adopté qu’en septembre, et à la complexité du dispositif. Cela ne vous
a pas échappé, monsieur le Ministre,
puisque vous avez engagé un travail de simplification et d’orientation. Nous vous en savons gré et
nous souhaitons que vos efforts en
ce sens aboutissent.
La dotation du fonds de financement des C.T.E. pour 2000 n’a été,
de ce fait, que partiellement consommée. Le projet de budget l’ajuste
donc à hauteur de 400 millions pour
2001, mais vous nous avez assuré
que les crédits non consommés cette année seraient intégralement reportés sur 2001. Cela permettra de
poursuivre la tâche dans de bonnes
conditions. Aujourd’hui, les projets
collectifs avancent et un grand
nombre sont sur le point de se traduire en contrat-type. Dans mon département, où nous avions eu le plaisir de vous accueillir pour la signature des premiers contrats, le
nombre de C.T.E. conclus a triplé
ces derniers jours.
La modulation va permettre de distribuer des aides financières aux agriculteurs selon des critères qualitatifs
et non pas seulement productivistes.
Cette mesure va dans le bon sens.
En effet, le système qui privilégie
la productivité et le profit au détriment de l’environnement et de la
sécurité des consommateurs, système
qui a trop souvent prévalu, et que
nous avions dénoncé, doit être remis en cause.
Les éleveurs qui pratiquent l’élevage extensif doivent être, plus que
jamais, encouragés. Ils sont très sensibles à l’avenir de la prime à l’herbe : celle-ci doit être défendue et revalorisée.
Les agriculteurs sont inquiets pour
l’avenir de leur profession, les
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consommateurs s’inquiètent du contenu de leur assiette et demandent des
produits de qualité plus proches du
terroir et plus facilement identifiables.
Il est donc impératif de favoriser
la transparence afin de leur redonner confiance et d’éviter que chaque
crise sanitaire prenne des proportions
excessives.
cette moyenne des trois dernières années. Aussi, seule une faible partie
des communes forestières bénéficientelles d’une subvention d’équilibre
pour cette année. Le montant total
de ces subventions pour l’exercice
en cours atteindra 100 millions et
se révèle déjà très insuffisant.
Les méthodes sylvicoles de la forêt française, ne seront pas radicalement remises en cause ; néanmoins,
certains ajustements, précautions et
pratiques devraient, à l’avenir, limiter les risques. Bien entendu, on
fera appel à la régénération naturelle là où elle est possible et souhaitable, ainsi qu’à la constitution de
peuplements mélangés. La régénération naturelle est déjà largement mise en œuvre par l’office dans les
forêts communales et, dans le renouvellement des peuplements arrivés à maturité, les plantations artificielles occupent une place très limitée. Au demeurant, elles sont nécessaires pour compléter des régénérations naturelles insuffisantes et
pour diversifier les essences, notamment les essences précieuses
comme le merisier, l’alisier ou le
frêne.
En rémunérant l’ensemble des fonctions que remplissent les agriculteurs,
les C.T.E. permettront la mutation
de l’agriculture française vers une
agriculture plus durable et démontreront sa capacité d’adaptation aux
nouvelles attentes de notre société.
C’est en effet un formidable outil
de diversification qui, en privilégiant la qualité, aidera à sortir de
la crise actuelle.
En ce qui nous concerne, vous
pouvez être assuré de notre total
soutien. Bien entendu nous voterons
votre budget. (Applaudissements à
gauche.)
M. DELONG. – Mon langage ne
sera pas celui d’un énarque, mais
plutôt d’un paysan du Danube. Après
le poisson avec arêtes, après le rôti avec os que l’on vous a servis
dans la matinée, il m’appartiens de
vous servir maintenant la salade, en
vous parlant de la forêt.
Les tempêtes de 1999 ont des
conséquences financières importantes
pour les communes forestières. Des
dégâts qui excèdent deux ou trois
années de récolte remettent en cause certains budgets communaux. Or,
dans quelques communes, ces dégâts
atteignent quinze années de récolte !
Il est indispensable de remédier à
ce qui est une véritable détresse. En
dépit des aides importantes prévues
par le gouvernement, mais qui se
révèlent très insuffisantes, les communes devront en effet reconstituer
leur patrimoine forestier et, à cette
fin, apporter un autofinancement minimum de 20 % sur un total qui
peut être évalué à environ 2 milliards et demi de francs étalé sur
une dizaine d’années.
Des circulaires interministérielles ont
précisé les critères d’éligibilité à la
subvention d’équilibre. Les commissions départementales ont été mises
en place et ont fonctionné correctement en 2000. Le ministère de
l’Intérieur, qui a mesuré l’ampleur
du désastre financier pour les communes forestières, a accordé une dotation de 200 millions au titre des
subventions d’équilibre pour 2000 et
2001.
Or, la vente de la majeure partie des chablis durant l’année 2000,
en dépit de la forte baisse de leur
valeur marchande, a procuré des recettes, souvent supérieures à la reN° 34 – Jeudi 7 décembre 2000
La baisse des recettes provenant
des ventes de bois en 2001 rendra
éligible à la subvention d’équilibre
un nombre de communes beaucoup
plus important, davantage encore en
2002 et les années suivantes. D’ores
et déjà, on peut affirmer qu’un minimum de 350 millions sera nécessaire en 2001 pour venir en aide
aux communes forestières, sachant
que la subvention d’équilibre ne
constitue qu’une compensation partielle des pertes subies et en aucun
cas une indemnisation…
Le 23 novembre dernier, la fédération des communes forestières a demandé à M. le ministre de l’Intérieur de faire évaluer les pertes subies par chacune, afin de déterminer
les besoins, d’appliquer de manière
équitable les circulaires susmentionnées et d’amorcer progressivement le
redressement financier des communes
sinistrées. Cependant, le ministre de
l’Agriculture et de la Pêche est notre
tutelle normale, et c’est donc à lui
que nous demandons de coordonner
l’action de ses collègues ou de stimuler leur inaction.
Les élus des communes forestières
s’interrogent sur la tempête de décembre, extraordinaire par sa violence et par son étendue. Comme
leurs administrés, les maires se demandent si ce phénomène risque de
se reproduire et comment rendre, si
possible, les peuplements forestiers
plus résistants. Notre fédération a entrepris une réflexion approfondie avec
les experts de votre ministère et avec
l’Office national des forêts (O.N.F.)
pour essayer d’identifier les causes
et les conséquences des dégâts occasionnés par la tempête aux forêts
communales.
Nous sommes bien obligés d’admettre que la nature reste le grand
maître de la forêt car jamais l’homme ne pourra implanter ou réimplanter des massifs forestiers capables
de résister à des vents dont la vitesse excède 150 km/heure. En revanche, avec l’humilité qu’impliquent
les pratiques de la sylviculture, durant 80 à 250 ans, le rôle de l’homme consiste, en forêt, à « imiter la
nature et à hâter son œuvre ». Le
6 octobre 2000, lors du colloque
d’Épinal, la fédération des communes
forestières a énoncé les principes
qu’elle entend voir mis en œuvre
lors de la reconstitution des forêts.
Elle éditera en commun avec l’office, en janvier prochain, une plaquette qui sera présentée à la presse et diffusée dans le grand public.
Les modalités de reconstitution des
forêts sont actuellement discutées et
seront formalisées dans les mois à
venir dans une charte commune à
la fédération et à l’O.N.F. Cependant, le principal obstacle demeure
la méconnaissance de l’évolution climatique des cent prochaines années.
Les experts en climatologie ne sauraient nous rassurer tant ils sont pessimistes et contradictoires. Où est
la vérité ? En fait, nul ne le sait.
En tout cas, pas au fond d’un puits
de carbone.
Faute de pouvoir influencer les humeurs de la météorologie, les communes forestières ont affirmé à différentes reprises leur volonté de
prendre leur part à la lutte contre
l’effet de serre.
Si les acteurs de la vie économique et tous les Français doivent
contribuer à réduire les pollutions,
les communes forestières proposent,
par une politique dynamique de renouvellement des forêts communales,
d’enrichissement des taillis sous futaie et de reboisement de terrains
en déprise agricole, de créer des
« geysers d’oxygène » improprement
dénommés « puits de carbone » sur
un million d’hectares en quinze ans.
Avec l’aide de l’État, la fédération des communes forestières entend
contribuer efficacement, de manière
ingénieuse et peu coûteuse, à la fixation du dioxyde de carbone. C’est
un service majeur que la forêt peut
rendre à la société.
Afin que soient financées de façon pérenne toutes les actions en
forêt publique, la fédération demande instamment à M. le Premier ministre que le produit de l’écotaxe
soit affecté à la forêt à raison au
moins de deux milliards de francs
par an.