Le système éducatif : grandes réformes et réajustements
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Le système éducatif : grandes réformes et réajustements
Le système éducatif : grandes réformes et réajustements Le système éducatif : grandes réformes et réajustements Introduction Au fil des décennies, il s'est agi de constituer une école commune accueillant la totalité d'une classe d'âge jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire et cette idée est devenue la réalité essentielle du système éducatif malgré toutes les difficultés à la faire vivre. © PHOVOIR En réalité dans le monde éducatif, le terme de « réforme » recouvre deux significations : d'une part, des réformes institutionnelles importantes (lois) d'autre part, des modifications pédagogiques et administratives plus modestes (arrêtés, circulaires et notes de service) qui sont rendues quasi obligatoires pour la gestion d'une organisation affectant 15 millions d'élèves et plus d'un million de personnels. 1975, la réforme Haby Cette réforme constitue l'aboutissement d'un processus d'unification et de démocratisation, en instaurant le collège unique. Par la publication de la loi du 11 juillet 1975, René Haby unifie les structures administratives du premier cycle en supprimant la distinction entre CES1 et CEG2, qui deviennent tous des collèges. Il unifie les structures pédagogiques en mettant fin à l'organisation de la scolarité en filières, les sections devenant « indifférenciées ». La répartition des élèves dans les classes s'effectue sans distinction, l'hétérogénéité est établie, des actions de soutien et des activités d'approfondissement sont organisées, le diplôme national du Brevet des collèges sanctionne la formation acquise. Le brevet est obtenu, soit à la suite d'un examen, soit au vu des seuls résultats scolaires du candidat. Mais le collège unique est très vite confronté à des difficultés persistantes car il doit accueillir tous les enfants jusqu'à seize ans tout en préparant une partie d'entre eux à des études longues : c'est là toute l'ambiguïté. La réforme Haby n'a cependant pas réussi à créer un véritable parcours unique : le jeu des options (notamment du grec et du latin, le choix des langues vivantes) a très vite joué, à l'entrée en quatrième, un rôle de filtre. 1982 : « la rénovation du collège unique », A. Savary Face à l'insatisfaction générale concernant le fonctionnement du collège, le rapport « Pour un collège démocratique remis par Louis Legrand, ancien directeur de l’Institut National de la 1 2 Collège d’enseignement secondaire Collège d’enseignement général Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 1 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements Recherche Pédagogique, recherche les voies nouvelles d'une réelle démocratisation pour lutter contre les échecs scolaires et répondre aux nouvelles exigences sociales d'élévation du niveau de culture et de qualification professionnelle de la Nation. Son projet est accueilli comme une nouvelle grande réforme. L'accent est mis sur l'importance du travail en équipe pédagogique et pluridisciplinaire, et l'élaboration de projets éducatifs. L'application de la réforme s'est faite sur la base du volontariat des établissements, ce qui en a réduit considérablement sa diffusion. En 1984, J.-P. Chevènement succède à Alain Savary. Il insiste sur la mission de l'école, la formation générale, l'apprentissage de la lecture, la sélection des meilleurs. Il s'est également beaucoup engagé pour la revalorisation de l'enseignement et du bac techniques. René Monory, ministre de l’éducation nationale de 1986 à 1988, fait quant à lui une première tentative d'unification du corps professoral des collèges par l'arrêt de recrutement de PEGC. 1989 : la loi d'orientation sur l'éducation, dite loi « Jospin » La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 19893, dite « loi Jospin », est une loi qui modifie largement le fonctionnement du système éducatif. Elle se compose d'un article fondamental, l'article premier : « L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances (...) » Six titres constituent le corps de la loi : La vie scolaire et universitaire Les personnels Les établissements d'enseignement Les organismes consultatifs L'évaluation du système éducatif Dispositions diverses Elle est accompagnée en annexe d'un rapport d'orientation. La scolarité est organisée en cycles, trois pour le primaire, trois pour le collège, et des cycles plus ou moins nombreux au lycée selon les filières. Un Conseil National des Programmes est mis en place pour donner des avis sur les programmes scolaires. Les écoles, collèges et lycées sont tenus d'élaborer et d'appliquer un projet d'établissement qui détaille la mise en œuvre des objectifs nationaux et les adapte à la situation locale. La loi précise le statut des Greta en en faisant des groupements d'intérêt public. En ce qui concerne la formation des enseignants, les Instituts Universitaires de Formation des maîtres (IUFM) sont créés. L'objectif de la loi d'orientation du 10 juillet 1989 de « conduire d'ici à dix ans l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du brevet d'études professionnelles (BEP) et 80 % au niveau du baccalauréat » n'a cependant pas été atteint. 1993 : François Bayrou Pour autant, les difficultés continuent de perturber le fonctionnement des collèges. Pour François Bayrou, ministre de l'Éducation nationale, le problème n'est pas que le « collège soit 3 Loi n°89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 2 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements unique, mais uniforme donc injuste. » La réforme du collège4 qu'il met alors en place est la suivante : x le collège est réorganisé en trois cycles (le cycle d'observation en 6e, le cycle central 5e/4e, le cycle d'orientation 3e), x des parcours diversifiés sont mis en place pour les élèves en difficultés, x des études dirigées sont instaurées en 6e et 5e, x les emplois du temps sont modulés sur la semaine, x des enseignements sont prévus en effectifs allégés, x la possibilité de choisir l'enseignement du latin dès la cinquième est prévue. Comme souvent au niveau de l'application des réformes, un rapport de l'Inspection générale datant de mai 1997 fait état de difficultés d'application. Claude Allègre (1997-2000) va succéder à François Bayrou, avec comme ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, Ségolène Royal. Le conflit avec les enseignants conduit à des manifestations en mars 2000 qui contraignent le ministre à remettre sa démission. 1998 : Ségolène Royal : « la réforme des collèges » En décembre 1998, la réforme des collèges lancée par Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, s'appuie sur les conclusions du rapport « Le collège de l’an 2000 » du sociologue François Dubet. Le rapport est favorable au maintien du « collège pour tous », réaffirme son rôle intégrateur, le principe de l'hétérogénéité des classes et refuse une orientation précoce. Le 25 mai 1999, Ségolène Royal présente sa réforme, organisée autour de trois objectifs. la prise en compte de la diversité des élèves : les mesures sont centrées sur l'articulation primaire-secondaire et les classes de 6e et 5e avec un dépistage des difficultés des élèves en début de CM2, une remise à niveau à l'aide d'heures de soutien, un renforcement des études dirigées en 6e et 5e, la diversification des méthodes d'enseignement : favoriser la pluridisciplinarité en créant des travaux croisés en 4e, l'amélioration de la vie de la « maison collège » : il est instauré une « heure de vie de classe », tous les quinze jours, qui donnera lieu à l'élaboration d'une charte des droits et devoirs du collégien. Parallèlement, Ségolène Royal maintient l'enseignement de l'éducation civique au collège et crée une épreuve au Brevet. 2001 : J. Lang et le collège républicain Devant les difficultés persistantes dans les collèges et l'accroissement du malaise des enseignants, Jack Lang, ministre de l'Éducation nationale, décide de prendre des mesures afin de « bâtir un collège pour tous qui soit en même temps un collège pour chacun. » 4 Nouveau contrat pour l’école - 1994 Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 3 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements Le 5 avril 2001, Jack Lang présente le contenu de sa réforme inspirée du rapport Joutard5. Sans modifier les structures du collège, il veut changer les approches pédagogiques pour mieux gérer la diversité des élèves et lutter contre l'échec, notamment par l'évaluation systématique de chaque élève. En 6e est prévue l'inscription dans l'emploi du temps des élèves d'une période d'intégration au nouvel environnement que constitue le collège. Quatre « itinéraires de découverte » ont été mis en place en 5e et 4e (nature et corps humain, art et humanités, langues et civilisations, initiation à la création et aux techniques). En 3e, de nouveaux choix ont été offerts qui se sont traduits par quatre heures par semaine de cours optionnels. Les mesures se sont appliquées dès la rentrée 2001 en 6e, à la rentrée 2002 pour les 5e et 4e et enfin les 3e en septembre 2003. Luc Ferry sera alors nommé ministre de l'éducation nationale jusqu'en 2004. Il met en œuvre, parmi d'autres mesures, un nouveau dispositif de lutte contre l'absentéisme scolaire. Ce dispositif vise à adapter la réglementation à l'évolution des besoins et des pratiques des élèves et de leurs familles. D'autre part, la loi du 15 mars 20046 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, marque la volonté très largement partagée de réaffirmer l'importance de ce principe indissociable des valeurs d'égalité et de respect de l'autre. 2005, François Fillon : la loi d'orientation pour l'avenir de l'école. (2004-2005) La loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École met en œuvre des priorités pour élever le niveau de formation des jeunes Français : faire réussir tous les élèves, redresser la situation de l'enseignement des langues, mieux garantir l'égalité des chances, favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et l'emploi. La loi engage la modernisation de l'Éducation nationale selon trois axes : mieux faire respecter les valeurs de la République, mieux organiser les établissements et les enseignements, mieux gérer le système éducatif. Elle a pour ambition de répondre aux évolutions de la société française et de l'école depuis ces 15 dernières années. C’est la raison pour laquelle la Nation fixe au système éducatif les objectifs suivants : 5 6 que 100% des élèves aient acquis au terme de leur scolarité obligatoire un diplôme et une qualification reconnue que 80% d’une classe d’âge accède au niveau baccalauréat et de conduire 50% de l’ensemble d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur. Rapport sur l’évolution du collège – Philippe Joutard - mars 2001 Circulaire n°2004-084 du 18 mai 2004 Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 4 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements L'égalité des chances ne peut rester un principe abstrait et tous les moyens doivent être mis en œuvre pour la promouvoir. La scolarité obligatoire, concernant les élèves de 6 à 16 ans correspond aux études poursuivies à l'école élémentaire et au collège. Elle garantit l'acquisition d'un socle commun des connaissances et des compétences indispensables à chaque élève. Il s'agit d'instaurer une obligation de résultats qui bénéficie à tous et permette à chacun de développer ses talents et d'atteindre ses objectifs personnels et professionnels. Ce socle se caractérise par : la maîtrise de la langue française, la connaissance des éléments principaux en mathématiques, une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté, la pratique d'au moins une langue vivante étrangère, la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication Le Haut Conseil de l’Education est créé pour donner son avis au gouvernement sur les connaissances et les compétences qui doivent être maîtrisées à l’issue de la formation obligatoire. L'école primaire et le collège, ont chacun, dans le cadre des cycles qui doivent donner du sens à la démarche pédagogique un rôle déterminant : l'école primaire apprend à lire, à s'exprimer oralement, à écrire et à compter. La formation primaire apporte aussi aux élèves des repères en histoire et en géographie sur notre pays et l'Europe, ainsi que les premières notions d'une langue vivante étrangère. Elle développe une démarche scientifique de base, une ouverture culturelle et artistique, une éducation physique et sportive. le collège donne à tous les élèves les connaissances, compétences et comportements indispensables à la poursuite des études, à l'exercice de la citoyenneté et à l'insertion professionnelle future. L'acquisition du socle commun fait l'objet à chaque étape du cursus scolaire d'une évaluation qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité. Le diplôme national du brevet valide la formation acquise à l'issue du collège. Enfin, l'école doit garantir les conditions de l'égalité des droits et des chances aux élèves handicapés quelle que soit la nature de leur handicap. Le choix de scolarité doit être adapté dans le cadre d'un projet personnalisé de scolarisation qui garantit la cohérence des actions pédagogiques. De la maternelle au lycée, le parcours scolaire peut alterner ou combiner différentes modalités, et l'effort d'ouverture de structures de scolarisation adaptées est poursuivi et orienté vers le second degré. Les priorités de X. Darcos : rentrée 2008 Un certain nombre d'orientations prioritaires ont été données pour cette année 2008-2009 : une nouvelle organisation de l'école primaire à la rentrée 2008, avec la suppression des cours du samedi matin dans toutes les écoles maternelles et élémentaires. de nouveaux programmes d'enseignement : la rentrée 2008-2009 voit l'entrée en application, dans toutes les classes, à l'école maternelle et à l'école élémentaire, de nouveaux programmes. La pratique des langues vivantes étrangères est renforcée : l'enseignement d'une langue vivante étrangère est d'ores et déjà généralisé aux classes de Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 5 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements CE2, CM1 et CM2. Son développement se poursuit en classes de CP et de CE1 : il sera achevé à la rentrée 2010. À la rentrée 2008, le déploiement d'enseignants référents contribue à favoriser la cohérence de la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation des élèves handicapés. L'appui et l'aide pédagogique aux enseignants qui accueillent dans leur classe des élèves handicapés sont une priorité de la rentrée 2008. La préparation de la réforme du lycée Le lycée est un élément structurant dans le déroulement de la scolarité des élèves mais il doit mieux correspondre aux attentes des lycéens et aux exigences du temps présent dans son organisation et son fonctionnement. 2009 Luc Chatel et la réforme du lycée Luc Chatel, reprend le dossier de la réforme. Il s'inspire largement du rapport Descoings7. Ses objectifs : réduire les inégalités, mieux préparer les lycéens à l'enseignement supérieur, les associer davantage à la vie de leur lycée et passer d'une orientation subie à une orientation choisie et réversible. Une série de mesures est mise en place parmi lesquelles : l'instauration de stages passerelles et de remise à niveau pendant les vacances scolaires, une classe de première plus générale, du tutorat, un accompagnement personnalisé. Au-delà de la réforme du lycée, plusieurs dispositifs sont mis en place au cours du quinquennat : les internats d'excellence, les ERS (établissements de réinsertion scolaire), le programme ÉCLAIR (Écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite), ou encore le programme « Cours le matin, sport l'après-midi »… Avec une idée fixe : personnaliser les parcours et les solutions. 2012 Vincent Peillon : la loi de refondation de l'École de la République, La loi du 8 juillet 2013 a été votée et promulguée. C'est à présent dans les classes que se joue la refondation. Ses objectifs : permettre aux élèves de mieux apprendre, pour qu'ils puissent tous réussir, et former les citoyens de demain. En savoir plus Eduscol : « Tout savoir sur la loi pour la refondation de l'École » Cinq jours cinq questions à Vincent Peillon La réforme des rythmes scolaires Il s'agit de transférer sur le mercredi matin (exceptionnellement, par dérogation, sur le samedi matin) 3 heures à 3 heures 30 de temps scolaire prélevé sur le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi. 7 Richard Descoings - Préconisations sur la réforme du lycée, Bibliothèque des rapports publics - La documentation Française Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 6 Le système éducatif : grandes réformes et réajustements Cette réforme des rythmes scolaires n'ajoute pas seulement une demi-journée dans la semaine, elle modifie également le temps de chaque journée en augmentant le temps d'activité périscolaire. Les élèves ne resteront pas moins de temps à l'école (ils seront toujours pris en charge à l'école jusqu'à 16h30), mais ils y consacreront moins de temps par jour à des activités d'apprentissage scolaire et plus de temps à des activités périscolaires. Le temps scolaire transféré sur le mercredi matin devra être remplacé les lundi, mardi, jeudi et vendredi par : des activités pédagogiques complémentaires organisées en groupes restreints d'élèves (ces activités devront être organisées par les enseignants), des activités périscolaires d'éducation artistique, culturelle et sportive (ces activités devront être proposées par les communes). En savoir plus Eduscol : la réforme des rythmes scolaires à l’école primaire Conclusion Tandis que la relative rareté des grandes lois de réforme et les lenteurs d'exécution peuvent créer un sentiment d'immobilité, la réalité du court terme est faite d'une suite permanente d'ajustements et de petites transformations. Dans le contexte de la démocratie, les alternances droite/gauche révèlent des proximités parfois surprenantes parce que la continuité de l'État n'autorise pas des bouleversements complets. Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II. Création 2008 - Mise à jour 2014 © rue des écoles Page 7