i. la notion de position dominante

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i. la notion de position dominante
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Fiche à jour au 27 janvier 2008
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Diplôme : MASTER 1
Matière : Droit de la concurrence
Web-tuteur : Cécile FLANDROIS
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I.
LA NOTION DE POSITION DOMINANTE .......................................3
A.
LE MARCHE DE REFERENCE
3
Com., 29 juin 1993, pourvoi n° 91-14295 (extraits)
3
Com., 2 juin 1992, pourvoi n° 90-18224
4
Conseil de la Concurrence, D. n° 96-D-67, 29 octobre 1996
4
B.
MODE D’EXPLOITATION DE LA POSITION DOMINANTE : INDIVIDUELLE OU
COLLECTIVE
II.
5
Com., 9 avril 1996, pourvoi n° 94-13293
5
Conseil de la concurrence, D. n°04-D17, 11 mai 2004
6
Com., 28 janvier 1992, pourvoi n° 9016766
7
Conseil de la concurrence, D. n° 06-D-02, 20 février 2006
7
LES ABUS DE POSITION DOMINANTE........................................9
Date de création du document : année universitaire 2007/08
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2
A.
L’ABUS DE COMPORTEMENT ET L’ABUS DE DEPENDANCE ECONOMIQUE
9
Conseil de la Concurrence, D. n° 07-D-28, 13 septembre 2007
9
Conseil de la concurrence, D. n° 97-D72, 7 octobre 1997
10
Com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-16988
11
Com., 10 décembre 1996, pourvoi n° 95-20931
12
B.
L’ABUS DE STRUCTURE, LA THEORIE DES INFRASTRUCTURES
ESSENTIELLES
13
Conseil de la concurrence, D. n° 96-D51, 3 septembre 1996
13
Conseil de la concurrence, D. n° 06-D-36 du 6 décembre 2006
14
Conseil de la concurrence, D. n° 05-D-59 du 7 novembre 2005
15
02/02/2008 - 18:48:12
09_L_abus_de_position_dominante.doc
2
2/15
3
Selon l’article L 420-2 du Code de Commerce : « Est prohibée, dans les
conditions prévues à l’article L 420-1, l’exploitation abusive par une
entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le
marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent
notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions
de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations
commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se
soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le
fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive
par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance
économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou
fournisseur ces abus peuvent consister en refus de vente, en ventes liées,
en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L 442-6 ou en
accords de gamme ».
I. LA NOTION DE POSITION DOMINANTE
Pour pouvoir parler de position dominante d’un intervenant, il faut dans
un premier temps déterminer le marché sur lequel il intervient et sa
position sur ce dernier.
A. Le marché de référence
Afin de déterminer si l’intervenant mis en cause est en position
dominante, encore faut il déterminer le marché de référence. Il s’agit là
d’une appréciation au cas par cas et la référence notamment à la
substituabilité du produit s’apprécie différemment selon la nature ou les
modalités de commercialisation du produit en cause.
Com., 29 juin 1993, pourvoi n° 91-14295 (extraits)
Mais attendu que si les particularismes géographiques ne peuvent pas à eux
seuls justifier l'existence d'un marché pertinent au sens de l'article 8 de
l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la libre concurrence, l'arrêt relève
que les tuiles et briques fabriquées sur place dans la région alsacienne " ne
sont pas substituables aux autres " du fait de " l'incidence contraignante du
coût du transport " sur des éléments de construction pondéreux et de faible
valeur " intrinsèques " ; que, par ce seul motif, et hors toute dénaturation du
rapport du Conseil de la Concurrence, la cour d'appel a légalement justifié sa
décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
4
La notoriété d’un produit qui pourrait en conséquence être considéré
comme non substituable ne peut cependant lui permettre de constituer à
lui seul un marché
Com., 2 juin 1992, pourvoi n° 90-18224
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 12 juillet
1990) que la société Kenner Parker Tonka France (société Kenner X...)
importe et fabrique des jeux de toute nature, parmi lesquels se trouve le jeu
de société d'origine américaine " Trivial Pursuit " ; que cette entreprise, après
avoir distribué directement ses produits aux grandes surfaces et à des
grossistes liés à elle par des contrats de coopération commerciale, a souhaité,
en 1987, redéfinir son réseau de distribution en limitant à quarante le nombre
des grossistes avec lesquels elle aurait un contrat de concession exclusive ;
que la société Gosme, qui figurait antérieurement parmi les grossistes
pouvant être livrés directement par la société Kenner X..., n'a pas été retenue
comme concessionnaire exclusif ; qu'elle a alors saisi le Conseil de la
Concurrence en alléguant qu'elle faisait l'objet d'une exploitation abusive par
suite de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à
l'égard de la société Kenner X..., au sens du 2 de l'article 8 de l'ordonnance
du 1er décembre 1986, relative à la concurrence ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, qui a constaté qu'il existait en ce
qui concerne le jeu " Trivial Pursuit " des jeux aux mécanismes intellectuels
similaires rendant ce produit aisément substituable, a retenu exactement que
la notoriété d'un jeu ne saurait lui permettre de constituer à lui seul un
marché particulier ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a
décidé que le marché de référence était celui des jeux de société et en a
déduit que la société Gosme ne se trouvait pas dans un état de dépendance
économique au sens l'article 8-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à
l'égard de la société ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt a relevé que l'obligation faite à la société
Gosme de s'adresser à des grossistes agréés pour obtenir le jeu " Trivial
Pursuit ", fût-ce en subissant un léger manque à gagner, n'avait pas empêché
cette société d'exercer normalement son activité ; que la cour d'appel,
répondant ainsi aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié
sa décision ;
Attendu, enfin, que la société Gosme ayant entendu situer son recours sur le
fondement de l'article 8-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et n'ayant
fourni aucun élément de fait entrant dans les prévisions de l'article 7 de
l'ordonnance précitée concernant les actions concertées, ententes ou
coalitions, il ne peut être reproché à la cour d'appel de ne pas avoir examiné
ce grief d'où il n'était tiré aucune déduction juridique ; Que le moyen n'est
fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Conseil de la Concurrence, D. n° 96-D-67, 29 octobre
1996
relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Coca-Cola
Beverages
Considérant que, pour apprécier la substituabilité entre produits, il y a lieu de
prendre en compte, notamment, la nature de ces produits et du besoin qu’ils
sont susceptibles de satisfaire, la stratégie de différenciation des offreurs, les
modes de distribution, le prix d’acquisition par le consommateur, le facteur
géographique et l’existence éventuelle d’une réglementation spécifique ;
Considérant que les boissons au cola ont une composition (tenue secrète mais
contenant des alcaloïdes stimulants, dont des extraits de noix de cola)
spécifique, leur conférant un goût, mélange de café, vanille et caramel,
typique ; que la réunion de ces caractéristiques les distingue des autres
5
boissons gazeuses sucrées, même si certaines boissons au cola sont incolores,
si toutes n’ont pas exactement le même goût et si d’autres boissons
contiennent des alcaloïdes stimulants ; (…)
Considérant que deux biens sont substituables, par leur nature et leur aptitude
à satisfaire les mêmes besoins si, en outre, leurs prix sont voisins de façon
durable ; que les prix des boissons carbonatées sont assez proches, au niveau
des producteurs comme du consommateur final, en tout cas dans la grande
distribution et s’écartent en revanche des prix des autres boissons
rafraîchissantes sans alcool ; que l’étude précitée du Professeur Montet
établit des corrélations entre les mouvements de prix au litre des boissons au
cola et des boissons carbonatées aux fruits ; qu’ainsi le prix moyen des
boissons au cola était en décembre-janvier 1990 plus élevé de 8 % que celui
des autres soft drinks, et de 2,5 % inférieur en décembre-janvier 1993 ; que
dans les hypermarchés les prix des boissons au cola avait une courbe
descendante continue, alors que les prix des autres soft drinks étaient stables
et marquaient des fluctuations saisonnières ; que le coefficient de corrélation
entre les prix de Coca-Cola et ceux des autres boissons au cola vendues sur
le marché français s’élevait à + 0,93, c’est-à-dire voisin de l’unité, et
marquant une liaison forte entre les mouvements de prix des diverses
boissons au cola, alors que le coefficient de corrélation entre les mouvements
de prix de Coca-Cola et ceux des boissons carbonatées aux fruits était de +
0,58 seulement ; (…)
Considérant que la demande des sirops « post-mix » n’émane pas du
consommateur final mais des professionnels (restaurants d’entreprises,
administrations, hôpitaux, casernes, etc.) qui, en raison de leurs avantages
économiques (suppression des tâches de stockage des bouteilles pleines, de
tri et de recyclage des bouteilles consignées, etc.), les préfèrent aux boissons
prêtes à l’emploi dans leur conditionnement d’origine et les utilisent dans des
appareils installés généralement sur des lieux de consommation collective
(bars, cafétérias, cantines) ; que les offreurs de ces sirops mettent à la
disposition de leurs clients un appareil de soutirage spécifique, permettant de
produire une boisson gazeuse prête à la consommation, qu’ils leur vendent
les sirops, dont cet équipement assure le mélange avec de l’eau et du gaz
carbonique, puis la réfrigération, et assurent enfin la maintenance et la
«sanitation » de cet équipement ; que le marché concerné est donc le marché
des sirops « post-mix » au goût de cola dont l'élaboration nécessite
l’installation et la maintenance d’appareils de distribution automatique de
boissons ;
B. Mode d’exploitation de la position dominante :
individuelle ou collective
La position dominante d’une entreprise va être déterminée en fonction
des part de marché qu’elle détient par rapport aux autres intervenants. La
position dominante d’un producteur sur un marché se définit par rapport
à la valeur économique qu’il développe.
Com., 9 avril 1996, pourvoi n° 94-13293
Attendu que la société Pompes funèbres du Sud-Est fait grief à l'arrêt d'avoir
rejeté partiellement son recours, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un
marché, au sens géographique, ne peut, par cela seul qu'il existe au regard du
critère de substituabilité, constituer une part substantielle du marché
intérieur; que la cour d'appel a violé l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986, à tout le moins, entaché sa décision d'un défaut de base
légale au regard de ce texte ; alors, d'autre part, qu'une agglomération ne peut
6
a priori être considérée comme délimitant un marché géographique
constituant une part substantielle du marché au sens de la même disposition
au regard de laquelle l'arrêt attaqué est en toute hypothèse entaché d'un
défaut de base légale; alors, en outre qu'est indifférente pour l'appréciation du
caractère dominant de la position d'une entreprise sur un marché local, la
considération de la position de cette entreprise sur le plan national; qu'en
prenant en compte l'appartenance de la société à un "groupe économique
puissant", la cour d'appel a violé l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986; et alors enfin, ainsi que la société Roblot l'a fait valoir dans
ses écritures, que la répartition des parts d'un marché entre concurrents ne
peut avoir de signification que secondaire; que le critère principal de la
position dominante ne peut être que celui de la possibilité pour une entreprise
de s'abstraire de la pression de ses concurrents; qu'en refusant de prendre ce
critère en considération, la cour d'appel a méconnu l'article 8-1 de
l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt a seulement énoncé, sans se fonder
sur cette seule circonstance, que l'appartenance à un groupe économique
puissant, occupant une position de "leadership" sur le plan national dans un
secteur d'activité, est un indice qui peut, parmi d'autres, être retenu pour
caractériser une position dominante;
Attendu, en second lieu, que la position dominante d'un producteur sur un
marché géographiquement délimité se définit par la valeur économique qu'il
développe par rapport à l'activité considérée; que la cour d'appel ayant
constaté que la société Roblot en détenant le monopole du service extérieur
des pompes funèbres dans l'agglomération des sept communes litigieuses
réalisait la majeure partie des convois funéraires, de 58 % à 68 % selon les
années, outre 5 % réalisés par sa filiale les Pompes Funèbres Azuréennes, a
justifié la position dominante économique que cette entreprise détenait sur
une partie substantielle du marché intérieur;
Attendu, enfin, qu'en relevant qu'étaient admis à l'Athanée de Cannes, dont
elle avait la concession, "dans 90 % des cas les corps des personnes décédées
dans l'agglomération des sept communes", la cour d'appel a également
justifié la difficulté pour les entreprises concurrentes, d'échapper à la position
dominante détenue sur ce marché par la société Roblot;
Conseil de la concurrence, D. n°04-D17, 11 mai 2004
Relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées
par les sociétés AOL Face et AOL Europe
3. SUR LA POSITION DOMINANTE DE WANADOO
42. Sur ce marché résidentiel du haut débit, Wanadoo détient, au 31 mars
2004, une part de marché de 50 % alors que ses concurrents les plus directs
servent, pour Free, 15 % des abonnés, et, pour AOL et Tiscali, 7,5 % chacun.
Par ailleurs, Wanadoo est une filiale du groupe France Télécom, opérateur
historique de télécommunications, qui est, verticalement, présent sur
l’ensemble de la chaîne des services nécessaires à l’accès à Internet et offre
aux utilisateurs une gamme étendue de services de communications. De plus,
le fait que Wanadoo ait pu conquérir 751 000 clients en 2003 avec des prix
plus élevés que ceux de ses concurrents suggère qu’il bénéficie d’un effet de
réputation et d’image de nature à contribuer à lui donner la possibilité de
s’abstraire de la concurrence des autres opérateurs présents sur ce marché.
43. En revanche, depuis plus d’un an, Wanadoo perd des parts de marché au
rythme de 1 point par mois, passant de 62 % en décembre 2002 à 53 % en
décembre 2003. Sur le segment de l’accès par ADSL, Wanadoo a perdu près
de 15 points en moins d’un an, passant de 66 % en mars 2004 à 53 % en
février 2004. La part de conquête de nouveaux abonnés de Wanadoo, 45,8 %
en moyenne en 2003 sur le marché du haut débit résidentiel, et, 42 % et 35 %
respectivement en janvier et février 2004 sur le segment de l’accès par
ADSL, est inférieure à sa part de marché. De plus, le secteur est encore en
7
forte expansion et le développement rapide de nouveaux entrants et de
certains concurrents comme 9Télécom, AliceADSL (filiale de Télécom
Italia), Cegetel et Télé2 France, laisse penser qu’il n’existe pas de barrières
insurmontables à l’entrée sur le marché de l’accès à Internet.
44. En présence d’éléments en sens contraire et sur lesquels seule
l’instruction au fond permettra de prendre parti, et le Conseil estime, qu’au
stade actuel, il ne peut être exclu que Wanadoo occupe une position
dominante sur le marché du haut débit résidentiel.
Lorsque les magistrats recherchent si l’intervenant dispose d’une
position dominante, il y a lieu de tenir compte des moyens financiers qui
sont à sa disposition.
Com., 28 janvier 1992, pourvoi n° 9016766
Vu l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Attendu que pour décider que la société FR3 n'exerçait pas une position
dominante sur le marché dont elle aurait éventuellement abusé l'arrêt retient
que les syndicats n'en apportaient pas la preuve au moyen d'indications
chiffrées concernant le marché spécifique des productions audio-visuelles
destinées " à des usages non télévisuels " ;
Attendu qu'en limitant son contrôle concernant l'existence d'une position
dominante de la société FR3 à une comparaison du chiffre d'affaires de
l'entreprise par rapport à celui de ses concurrents dans le domaine spécifique
des productions audiovisuelles destinées à des usages non télévisuels sans
prendre en considération les avantages financiers et matériels dont la société
FR3 disposait pour promouvoir l'ensemble de ses activités reconnues par la
loi, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte susvisé ;
La position dominante peut être collective. Plusieurs entreprises
présentes sur un même marché peuvent détenir une position dominante
collective s’il existe entre elle une interdépendance les conduisant à
adopter une stratégie coordonnée (Conseil de la concurrence, D. n°98D76, 9 décembre 1998).
La position dominante collective peut être retenue à l’encontre de deux
entités interdépendantes qui intervenant sur un même marché adoptent
une même ligne de conduite. En l’absence de tels liens, la position
dominante collective peut être retenue : la structure même du marché
pouvant mettre en évidence une telle position dominante. Les critères
cumulatifs suivant doivent être remplis : une structure oligopolistique et
la transparence du marché concerné, la possibilité d’exercer des
représailles sur les entreprises ne respectant pas la ligne d’action, la non
contestabilité du marché ou l’absence de compétition potentielle.
Conseil de la concurrence, D. n° 06-D-02, 20 février
2006
Relative à des pratiques relevées dans le secteur des travaux
routiers
A. SUR LA POSITION DOMINANTE COLLECTIVE DES SOCIÉTÉS
ROUTIÈRES
107. Pour démontrer l’existence d’une position dominante collective, il faut
établir que les entreprises « ont, ensemble, notamment en raison des facteurs
de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne
8
d'action sur le marché et d'agir dans une mesure appréciable
indépendamment des autres concurrents, de leur clientèle et, finalement, des
consommateurs » (CJCE, 31 mars 1998, aff. jointes C-68/94 et C-30/95, Kali
& Saltz, pt. 221; TPICE, 25 mars 1999, aff. T-102/96, Gencor, pt. 163), ce
qui peut ressortir de l’examen même des liens ou facteurs de corrélation
juridiques existant entre les entreprises ou de l’examen de la structure du
marché selon les critères dégagés par le Tribunal de première instance des
communautés dans l’arrêt Airtours.
108. L’existence de liens structurels entre des entreprises d’une part, tels que
des liens en capital ou encore des accords formalisés entre elles, et l’adoption
d’une ligne commune d’action sur le marché d’autre part, suffisent à
démontrer l’existence d’une position de dominance collective (CJCE, 16
mars 2000, Compagnie maritime belge ; TPI, 7 octobre 1999, Irish Sugar ;
Cour de cassation, 5 mars 1996, Total Réunion Comores ; cour d’appel de
Paris, 30 octobre 2001, OMVESA ; Cour d’appel de Paris, 4 juin 2002,
CFDT Radio Télé).
109. En l’absence de tels liens, la seule structure du marché peut permettre
de mettre en évidence une position dominante collective, si les critères
cumulatifs dégagés par le Tribunal de première instance dans son arrêt
Airtours du 6 juin 2002 (affaire T-342/99) sont réunis, à savoir la structure
oligopolistique et la transparence du marché concerné, la possibilité
d’exercer des représailles sur les entreprises déviant de la ligne d’action
commune et enfin la non contestabilité du marché ou l'absence de
compétition potentielle.
110. Ici, les liens structurels résultent de la présence des quatre sociétés
routières titulaires des parts des trois centrales ardennaises. La structure
oligopolistique du marché découle de ce que les quatre sociétés, par leurs
trois centrales d’enrobage, couvrent le territoire ardennais et fournissent la
plus grande partie des enrobés de ce département puisqu’elles
approvisionnent en amont leurs quatre associés ou leurs filiales à hauteur de
84,5 % de leurs débouchés et que ces entreprises routières ont emporté,
ensemble ou en groupement avec des tiers, 95,8 % du montant des marchés
recensés à base d’enrobés des deux principaux donneurs d’ordre du
département, la DDE et le Conseil Général, auxquels s’ajoutent des ventes
aux tiers pour le complément.
111. Chacune d’entre elles a une parfaite connaissance des capacités de
production de chaque centrale, de ses coûts, des prix de vente des enrobés
qui sont déterminés à l’unanimité par les quatre associés et enfin des
quantités enlevées par celles-ci ou par ou leur filiale opérationnelle. Il en
résulte une parfaite transparence du marché. Le fait que toutes les décisions
soient prises à l'unanimité élimine toute possibilité de déviation.
112. Par ailleurs, le fait que les centrales offrent le même prix pour les
enrobés aux associés tend à uniformiser le prix d'un bien intermédiaire
(input) qui représente une part importante du coût total. Il en résulte une
homogénéisation des coûts et donc des conditions de concurrence des
routières sur le marché aval des travaux routiers.
113. Compte tenu des barrières à l’entrée existant sur ce marché, tenant
d’une part à l’affectio societatis propre aux sociétés communes et d’autre
part aux difficultés administratives liées à la création d’une centrale nouvelle,
aucune entreprise n’est en mesure de venir contrebalancer la puissance des
quatre routières.
114. Les trois PME Urano, Denys et Richard basées dans les Ardennes qui
participent aux appels d’offres des deux principaux donneurs d’ordre,
Conseil Général et DDE, s’avèrent clientes habituelles des trois centrales
ardennaises des associés.
115. Il résulte de ce qui précède que les sociétés routières associées dans les
trois centrales ardennaises, soit les sociétés Screg Est, Colas Est, Appia et
Eurovia, peuvent être regardées comme disposant d’une position dominante
collective sur le marché de la fabrication des enrobés dans les Ardennes.
9
II. Les Abus de position dominante
L’abus de position dominante, à l’instar des ententes, n’est prohibé que
s’il a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de
fausser la concurrence sur un marché. L’abus de position dominante peut
résulter d’un abus de comportement, d’un abus de structure ou encore
d’un abus de dépendance économique.
A. L’abus de comportement et l’abus de dépendance
économique
L’abus de position dominante peut tenir aux prix pratiqués par cette
entreprise, discrimination, prix imposés.
Conseil de la Concurrence, D. n° 07-D-28, 13
septembre 2007
Relative à des pratiques mises en œuvre par le port autonome
du Havre
a) Sur l’existence d’une discrimination tarifaire de la part du port autonome
du Havre
99. Il est reproché au port autonome du Havre de ne pas avoir appliqué à la
SOGEMA les tarifs négociés avec le concessionnaire du parc de stockage du
MTV pour l’utilisation de l’outillage public géré par le port, lorsque la
SOGEMA a voulu y décharger du charbon et de lui avoir appliqué au
contraire les tarifs publics deux fois plus élevés.
100. Il est également reproché au port d’avoir appliqué ces mêmes tarifs
négociés à la CIPHA lorsqu’elle est intervenue comme simple
manutentionnaire pour des opérations de transbordement direct sans
utilisation du parc de stockage, alors que les tarifs publics ont été, là aussi,
appliqués à la SOGEMA pour ce type d’opération.
101. L’article L. 420-2 du code de commerce mentionne au titre des
pratiques d’abus de position dominante les conditions de vente
discriminatoires.
102. Comme indiqué précédemment, il existe une double tarification pour
l’utilisation des outillages publics gérés par le port autonome du Havre. A
côté des tarifs publics pour l’utilisation de cet outillage au terminal MTV,
des tarifs spécifiques, d’un montant nettement moins élevé, ont été institués
pour favoriser l’activité du concessionnaire dans le cadre de la concession
d’outillage public de stockage et de rechargement du 7 décembre 1983 qui lie
la CIPHA au port autonome du Havre.
103. L’article 3 du contrat de concession stipule : « Le concessionnaire
pourra engager son capital dans des activités autres que la concession. Ces
activités devront être en étroite relation avec celles de la concession, par
exemple : construction et exploitation d’une usine de traitement des
charbons, activités de manutention, valorisation du charbon et autres
activités connexes. »
104. L’article 16 du cahier des charges de la concession, relatif aux
obligations du concessionnaire, poursuit : « Le concessionnaire sera tenu de
mettre les appareils à la disposition du public, non seulement pendant les
jours et heures réglementaires du travail de la douane, mais encore en
10
dehors de ces périodes, de jour et de nuit, quand le travail à effectuer aura
été autorisé par la douane. Lorsque le concessionnaire se chargera de la
manutention, il devra y affecter le personnel nécessaire pour assurer la
bonne utilisation du matériel, conformément aux usages du port. »
105. Ces dispositions établissent que le périmètre de la concession s’étend
seulement au parc de stockage et à son outillage et que la manutention n’y est
pas incluse. La manutention n’est qu’une activité facultative pour le
concessionnaire et elle peut relever soit de la CIPHA, soit d’un autre
intervenant.
106. A cet égard, le titre IV du cahier des charges porte, d’une part, sur les
tarifs de location du parc de stockage et de son outillage (article 26) et,
d’autre part, sur la tarification des éventuelles prestations complémentaires
de la CIPHA comme la manutention (article 31).
107. Par ailleurs, l’annexe spéciale au contrat de concession consacrée aux
conditions d’usage des outillages gérés par le port autonome, prévoit, comme
déjà indiqué : « l’association d’intérêt ainsi établie entre le PAH et la
CIPHA doit comprendre l’application en faveur du concessionnaire d’un
tarif spécial relatif à l’usage de l’outillage public géré par le PAH. Ceci
exposé, il a été convenu ce qui suit entre les soussignés : Article 1er : Le port
autonome s’engage à appliquer les conditions tarifaires définies ci-après à
toute tonne de charbon chargée ou déchargée à l’appontement, destinée aux
installations de la CIPHA.
108. Il se déduit de l’ensemble de ces stipulations du contrat de concession,
en particulier de la dernière et du fait que la CIPHA n’a aucun monopole
pour la manutention, que la tarification spéciale doit s’appliquer à tout
manutentionnaire chargeant ou déchargeant du charbon à l’appontement du
MTV dès lors que ce charbon est destiné aux installations de la CIPHA et
non pas seulement à cette dernière, ou à ses sous-traitants, lorsqu’elle se
charge de l’activité de manutention. Cette tarification spéciale est destinée à
rendre plus attractif le parc de stockage géré par la CIPHA, quel que soit le
manutentionnaire choisi et non à favoriser des opérateurs particuliers.
Une clause prévoyant une clause de priorité peut constituer un abus de
position dominante
Conseil de la concurrence, D. n° 97-D72, 7 octobre
1997
Relative à une saisine présentée par la Société Reebok France à
l’encontre des sociétés Adidas Sarragan France et Uhlsport.
En ce qui concerne la clause conférant un droit de préférence à la société
Adidas, par rapport à ses concurrents à l'échéance du contrat de parrainage
signé avec l'AJ Auxerre,
Considérant que le contrat signé par Adidas avec l'AJ Auxerre contient une
clause aux termes de laquelle le club " accordera un droit de préférence à la
société (Adidas) si à l'échéance de la période contractuelle, celleci accepte de
traiter sur la même base que la proposition écrite définitive de la
concurrence. /Le club notifiera la proposition définitive de la concurrence au
plus tard 90 (quatrevingtdix) jours avant la fin de la période contractuelle par
un courrier recommandé avec avis de réception./La décision de la société
(Adidas) sera notifiée au club par courrier recommandé avec accusé de
réception " ;
Considérant que la clause de priorité dont bénéficiait Adidas à l'issue de la
période contractuelle organisait une asymétrie dans la négociation d'un
nouveau contrat de parrainage de ce club en permettant à Adidas de limiter
artificiellement son risque de perdre le parrainage de ce club ; qu'en effet, par
le jeu de cette clause, Adidas pouvait connaître l'identité et le montant des
11
offres de ses concurrents et avait l'assurance de conserver le parrainage de
l'AJ Auxerre à l'issue de son contrat de parrainage sans avoir à surenchérir
sur l'offre concurrente ; que le fait qu'Adidas ait inséré cette clause, conforme
à son contrat type, dans le contrat la liant à l'AJ Auxerre, alors qu'elle détient
une position dominante sur le marché de la chaussure de football de marque
et qu'elle est liée par des contrats exclusifs de parrainage sportifs avec un
grand nombre de clubs de première et deuxième divisions constitue, un abus
de sa position dominante sur le marché de la chaussure de football de marque
(…) Mais considérant que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986
prohibe les ententes et actions concertées " lorsqu'elles ont pour objet ou
peuvent avoir pour effet " d'empêcher, de restreindre, de fausser le jeu de la
concurrence sur un marché ; que le 1 de l'article 8 de la même ordonnance
prohibe l'exploitation abusive d'une position dominante " dans les mêmes
conditions " ; que, si Adidas a informé le club de sa décision de ne pas mettre
en oeuvre la clause de priorité et s'il n'est pas établi que cette clause a eu des
effets, circonstances qu'il appartient au Conseil de prendre en compte pour
apprécier les suites qu'il convient de donner, il demeure que cette clause avait
pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence ; qu'ainsi,
Adidas a contrevenu aux dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du
1er décembre 1986 ;
Est également sanctionné au titre des pratiques anticoncurrentielles
l’abus d’état de dépendance économique. Il y aura abus si l’intervenant
victime n’est pas en mesure de trouver une solution alternative
équivalente.
Com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-16988
Attendu que la société Concurrence fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son
recours, à l'exception d'une de ses demandes concernant une clause
contractuelle de la société JVC déclarée anticoncurrentielle, alors selon le
pourvoi, d'une part, que la cour d'appel qui, tout en constatant que la marque
JVC était " de grande notoriété ", et avait une part prépondérante ou
importante du marché des camescopes ou magnétoscopes, n'a pas recherché
si, compte tenu de la situation de ce marché et des intérêts propres d'un "
discounter ", le recours à d'autres produits substituables, en ce qu'il interdisait
au distributeur de présenter à sa clientèle un assortiment des produits des
marques notoires incontournables en matière de matériel vidéo, et en ce qu'il
laissait aux concurrents la possibilité de réaliser des marges élevées sur des
marques protégées, n'entraînait pas pour lui de tels inconvénients qu'en serait
gravement compromise sa capacité compétitive, n'a pas justifié sa décision,
au regard de l'article 8-2 de la loi du 1er décembre 1986 ; et, alors d'autre
part, que l'abus de dépendance économique peut consister notamment en
condition de ventes discriminatoires ou anticoncurrentielles ; qu'en énonçant,
au soutien de sa décision, que n'était pas établie la baisse significative de la
vente des produits similaires toutes marques confondues, et qu'un refus
d'approvisionnement n'était pas en cause, sans rechercher si l'état de
dépendance économique dans lequel se trouvait la société Concurrence
n'avait pas privé cette entreprise de la possibilité de refuser les conditions
tarifaires anticoncurrentielles et discriminatoires imposées par le fournisseur,
et la liberté d'adopter le système de vente concurrentielles qu'elle entendait
promouvoir, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard
de l'article 8-2 et 8 dernier alinéa de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que si l'existence d'un état de
dépendance économique s'apprécie en tenant compte de la notoriété de la
marque du fournisseur, il convient également de tenir compte de l'importance
de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires du revendeur
ainsi que de l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres fournisseurs des
produits équivalents, la cour d'appel, par une décision motivée et souveraine,
12
a relevé qu'aucun refus de vente n'avait jamais été opposé à la société
Concurrence et qu'il existait d'autres produits substituables à la marque JVC,
ce qui était établi par l'examen du chiffre d'affaires de la société ne faisant
pas apparaître une baisse significative de la vente des produits similaires ;
qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait
pas à effectuer de recherches complémentaires, a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Com., 10 décembre 1996, pourvoi n° 95-20931
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société
Somaba, opérateur de manutention portuaire, a demandé, à partir de 1984, à
M. X..., travailleur indépendant, puis à la Société de travaux portuaires
(STP), constituée par lui, d'effectuer des opérations de réparation de
conteneurs appartenant à des armateurs en relation d'affaires avec la société
Somaba ; que cette entreprise, dans le cadre de ces relations de soustraitance, a mis à la disposition de la société STP un emplacement sur le
terre-plein qui lui était loué par le port autonome du Havre ; que la société
STP a constaté depuis 1992 une baisse d'activité très sensible et a reçu le 8
février 1993 une lettre recommandée de la société Somaba lui demandant de
libérer le local dont elle disposait avant le 31 mars 1993 pour en permettre
l'occupation par la société Ateliers de Normandie, nouvelle locataire à la
suite de la restructuration des terminaux de l'Océan et de Normandie ; que la
société STP, estimant que cette éviction, ainsi que le fait que les surfaces de
terre-plein sur lesquelles pouvaient être réalisées les réparations de
conteneurs avaient été louées à d'autres sociétés de maintenance,
condamnaient définitivement son activité, a assigné devant le tribunal de
commerce la société Somaba aux fins de la voir condamner à lui verser une
indemnité pour abus de position dominante, ce par application de l'article 8.2
de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Attendu que, pour déclarer que la société Somaba avait abusé de la situation
de dépendance économique dans laquelle la société STP se trouvait à son
égard, l'arrêt énonce que la société STP justifie avoir été dans l'impossibilité
de trouver, d'une part, un emplacement sur la zone portuaire et, d'autre part,
d'autres commandes de réparation de conteneurs sur le site du port du Havre,
et que, de surcroît, l'importance de la part des commandes de la société
Somaba dans le chiffre d'affaires de la société STP et l'impossibilité pour
cette dernière de trouver d'autres entreprises susceptibles de fournir des
commandes équivalentes caractérisent l'état de dépendance économique dans
laquelle se trouve, à l'égard de la société Somaba, la société STP, qui ne
dispose d'aucune solution équivalente ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que " les
parties " n'étaient " liées par aucun écrit et par aucun engagement formel
d'exclusivité ", tant en ce qui concerne l'emplacement portuaire sur lequel la
société STP travaillait que pour les prestations en matière de réparations de
conteneurs qui lui étaient demandées par la société Somaba, la cour d'appel,
qui n'a pas vérifié de façon concrète si la société STP était, par le fait de la
société Somaba, dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés sur le
marché local concurrentiel de la réparation des conteneurs ou si elle avait
négligé de s'assurer de solutions de substitution, n'a pas donné de base légale
à sa décision ;
13
B. L’abus de structure, la théorie des infrastructures
essentielles
Conseil de la concurrence, D. n° 96-D51, 3 septembre
1996
Relative à des pratiques de la Sarl Héli-Inter Assistance
Considérant, en application de ces principes et des principes généraux du
droit de la concurrence qui visent à préserver le jeu de la concurrence sur les
marchés, que constituerait une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir
pour effet de fausser le jeu de la concurrence et prohibée par les dispositions
de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le fait, pour l'exploitant
d'une structure essentielle, de refuser de façon injustifiée l'accès de cette
dernière à ses concurrents ou de ne leur permettre cet accès qu'à un prix
abusif, non proportionné à la nature et l'importance des services demandés,
non orienté vers les coûts de ces services et non transparent, leur interdisant
ainsi de faire des offres ou de réaliser des marchés dans des conditions
compétitives avec les siennes ; que, de même, constituerait une pratique
anticoncurrentielle le fait pour l'opérateur d'une structure essentielle de
mettre en oeuvre une discrimination de prix visant à s'imputer des charges
d'accès à la structure qu'il gère moindres que celles qu'il tarifie à ses
concurrents ;
Considérant, au cas d'espèce, que la S.A. Jet Systems a pris contact à la fin
de 1994 ou au début de 1995 avec la Sarl Héli-Inter Assistance pour
connaître les conditions auxquelles elle pourrait bénéficier de certains
services sur l'hélistation de Narbonne nécessaires pour la bonne exécution du
marché de fourniture de transports sanitaires héliportés du centre hospitalier
de Narbonne dont elle avait été déclarée attributaire ; que, par lettre en date
du 6 Janvier 1995, et suite à ces entretiens préliminaires, elle a demandé à la
Sarl Héli-Inter Assistance de lui indiquer, dans le cas où elle ne procéderait
pas à la location de l'hélicoptère de cette dernière société pour assurer les
transports sanitaires d'urgence du centre hospitalier de Narbonne, le tarif
mensuel qui lui serait appliqué pour chacun des services suivants :
stationnement de l'appareil, branchement électrique et PTT, aire de lavage,
livraison du carburant, bureau de permanence pour le pilote, accès aux
sanitaires ; qu'elle demandait également le coût de ces mêmes prestations en
cas de location de l'appareil de la Sarl Héli-Inter Assistance (…)
Considérant que par lettre en date du même jour le gérant de la Sarl HéliInter Assistance a répondu à cette demande en faisant part de "ses meilleures
conditions", lesquelles consistaient en un forfait mensuel de 40.800 F hors
taxes pour l'ensemble des services demandés, l'emplacement de l'appareil
étant à déterminer, les frais de branchement électriques et de PTT et les
consommations restant à la charge de la S.A. Jet Systems et les autres
services étant disponibles aux heures de bureau ; qu'il est constant que cette
offre ne comprenait ni décomposition service par service comme le
demandait la S.A. Jet Systems ni évaluation du coût de ces services au cas où
cette dernière société aurait loué l'appareil de Héli-Inter Assistance ; (…)
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl Héli-Inter Assistance a
abusé de sa position dominante et de la situation de dépendance dans laquelle
la S.A. Jet Systems se trouvait à son égard en lui imposant une tarification
forfaitaire injustifiée et discriminatoire ; que cette pratique pouvait avoir pour
effet de restreindre la concurrence en empêchant la S.A. Jet Systems
d'assurer dans des conditions financières justifiées et des conditions
techniques acceptables l'exécution du marché de fourniture des transports
sanitaires d'urgence héliportés dont elle avait été déclarée attributaire ; que
cette pratique a pour objet et peut avoir pour effet d'inciter l'hôpital de
Narbonne à dénoncer le marché passé avec la S.A. Jet Systems pour le
service de transports sanitaires héliportés de ce centre, ce marché étant
14
renouvelable annuellement par tacite reconduction pour une période
maximale de trois ans, et de dissuader ce centre hospitalier d'attribuer ce
marché à toute société autre que la Sarl Héli-Inter Assistance ; que, d'ailleurs,
lors de la séance du Conseil, le directeur adjoint de l'hopital n'a pas caché la
difficulté qu'il pouvait avoir à faire jouer la concurrence dans les
circonstances ci-dessus relatées et le risque encouru en continuant de faire
assurer le marché par la S.A. Jet Systems ; que la pratique de la Sarl HéliInter Assistance est ainsi prohibée par les dispositions de l'article 8 de
l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Conseil de la concurrence, D. n° 06-D-36 du 6
décembre 2006
relative à des pratiques mises en oeuvre par la société civile de moyens
Imagerie Médicale du Nivolet
d) Sur l’absence d’infrastructure essentielle pour qualifier l’abus
151. Dans leurs observations orales lors de la séance du 28 février 2006, les
défendeurs ont soutenu qu’aucun abus ne peut être constaté dès lors que les
équipements gérés par la SCM du Nivolet ne sont pas considérés comme des
facilités essentielles et que cette absence de qualification ôte toute
justification aux atteintes à la propriété privée que constituerait l’immixtion
du droit de la concurrence dans la gestion de l’équipement radiologique dont
ils sont propriétaires.
153. Ensuite, l’existence d’une atteinte à la concurrence doit être constatée
indépendamment de la notion d’infrastructure essentielle, comme ceci ressort
de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juillet 1994, société Elf Antar
France et Total Réunion Comores. Cet arrêt confirme la décision du Conseil
de la concurrence n° 93-D-42 du 19 octobre 1993, où étaient en cause deux
sociétés titulaires d’un droit d’occupation d’une partie de l’aéroport en vertu
d’une convention passée avec la chambre de commerce et d’industrie de la
Réunion et propriétaires d’installations de stockage et de distribution de
carburéacteur au sein d’un GIE. Ces sociétés s’étaient abstenues de répondre
à la demande d’une société tierce qui demandait à utiliser les installations en
qualité de simple passeur ou de membre du groupement. La cour d’appel a
considéré qu’en s’abstenant de répondre à ces demandes, les sociétés mises
en cause avaient créé artificiellement une barrière à l’entrée de la société
tierce sur le marché. Ces pratiques, constitutives d’une entente au sens de L.
420-1 du code du commerce, étaient également constitutives d’un abus de
position dominante comme ayant été mises en oeuvres par des entreprises
bénéficiant d’une position dominante sur le marché de référence. Cette
analyse a été confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 mars
1996.
154. Cette jurisprudence considère donc comme un abus de position
dominante le fait, pour les propriétaires ou gestionnaires d’un équipement
qui leur donne une position particulière en tant qu’offreur sur le marché, de
refuser l’accès ou de donner un accès discriminatoire à l’équipement en
cause, sans pour autant invoquer la théorie des facilités essentielles, ni les
risques d’atteinte au droit de propriété. Cette solution a d’ailleurs été
confirmée par la cour d’appel de Paris dans son arrêt, Société des abattoirs de
Laval du 22 février 2005.
155. Au cas présent, l’autorisation administrative nécessaire à l’exploitation
d’un scanner ou d’une IRM constitue une barrière à l’entrée sur le marché
des examens de scanner et d’IRM réalisés par les radiologues libéraux. (…)
160. Les docteurs T..., R... et S... n’avaient donc aucune chance d’obtenir,
pour eux seuls, l’une de ces autorisation d’exploiter un scanner ou une IRM.
161. Or, ces trois médecins étant installés dans la zone 1 dite de Chambéry,
ils doivent pouvoir effectuer des examens de scanner et d’IRM sur place pour
15
répondre aux besoins de leurs patients et des médecins prescripteurs, compte
tenu du taux de migration quasi-inexistant de ces patients vers les zones
géographiques voisines. Il existe en effet une très forte corrélation entre la
situation géographique des centres d’examen et celle du cabinet du praticien
installé à l’intérieur de cette zone de chalandise qui regroupe 60 % de la
population du département de la Savoie.
162. Ainsi qu’il a été vu aux points 93 à 102, la SCM Imagerie Médicale du
Nivolet est en position dominante sur le marché des examens de scanner
réalisés à titre libéral pris en charge par le régime général de la sécurité
sociale, dans la zone géographique correspondant au bassin de santé de
Chambéry-Aix-les-Bains. En limitant l’accès des docteurs T..., R... et S... de
manière discriminatoire au scanner du Nivolet, pour lequel aucun compromis
n’a pu être trouvé à ce jour, sans pouvoir invoquer des considérations
objectives justifiant un traitement différent de celui réservé aux autres
médecins extérieurs à la SCM et à ceux qui sont membres des trois SCM
associées, elle dresse une barrière artificielle à l’entrée de ces médecins sur
ce marché et abuse ainsi de sa position dominante au sens de l’article L. 4202 du code du commerce (…)
Conseil de la concurrence, D. n° 05-D-59 du 7
novembre 2005
relative à des pratiques mises en oeuvre par la société France Télécom dans
le secteur de l’Internet haut débit
2. SUR LE GRIEF D’AVOIR SOUMIS L’ACCÈS DE SES CONCURRENTS
À SON RÉSEAU LOCAL
INJUSTIFIÉES (GRIEF N° 1)
A
DES
CONDITIONS
RESTRICTIVES
116. La notification de griefs et le rapport d’instruction reprochent à France
Télécom (grief n° 1) de n’avoir autorisé l’accès des opérateurs à son réseau
que dans des conditions restrictives injustifiées, les seules offres de gros leur
étant proposées étant les offres de revente en gros des produits de France
Télécom destinés aux FAI. Mais les offres de revente en gros des produits de
France Télécom, correspondant à l’option 5, ne sont constitutives de
conditions restrictives injustifiées que parce qu’elles sont restées les seules à
être proposées, dès lors que l’offre de connexion en mode ATM n’a pas été
ouverte du fait du refus d’accès à l’infrastructure essentielle que constituent
la boucle locale et son prolongement. Le grief n° 2 doit donc être confondu
avec le grief n° 1 examiné ci-dessus. Il ne s’agit pas d’une pratique distincte.
126. La pratique reprochée à France Télécom a consisté à refuser l’accès de
ses concurrents au point de branchement de l’option 3 (entre DSLAM et
Broadband Access Server), en s’abstenant d’ouvrir le service de l’option 3
du 9 novembre 1999 au 1er décembre 2000, puis, une fois le service ouvert,
en maintenant l’effet de ciseau tarifaire entre le coût de ce service et celui de
l’option 5. Cette pratique a permis à l’opérateur téléphonique France
Télécom de préempter le marché de gros de fourniture du service Internet
ADSL, de s’y maintenir en position de quasi-monopole, et de contraindre le
marché de détail des services Internet ADSL. Les FAI concurrents de
Wanadoo ont été tributaires des tarifs de l’option 5, dont France Télécom
détenait l’exclusivité, et contraints par les caractéristiques de débit imposées
par France Télécom dans la conception de leurs offres de détail. Cette
pratique a été poursuivie pendant près de trois ans, malgré les injonctions du
Conseil et les avertissements donnés par l’ART dans ses avis et décisions sur
le caractère anticoncurrentiel de ce comportement.
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