Le diagnostic du cancer de la prostate
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Le diagnostic du cancer de la prostate
Le diagnostic du cancer de la prostate Le diagnostic du cancer de prostate à un stade précoce la Le cancer de la prostate est actuellement le plus fréquent et la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme, et la première après 70 ans. Ces données brutes qui peuvent paraître inquiétantes, méritent d’être nuancées. L’âge de détection du cancer de la prostate est de plus en plus bas. La population d’hommes de plus de 50 ans représente, en France, environ huit millions de personnes. On estime que 40% d’entre elles, soit environ trois millions, présentent des cellules cancéreuses dans leur prostate, mais un petit nombre seulement verra ces cellules cancéreuses devenir un cancer qui grossit et les menacent. Le développement potentiel de ces cellules dépend de leur agressivité : sur ces trois millions d’hommes, on estime que 20% d’entre eux, soit six cent mille, présentent des cellules suffisamment agressives pour pouvoir se développer. Le cancer de la prostate évolue généralement lentement, sur plus de 10 à 15 ans avec un développement qui reste longtemps local, limité à la prostate ou sa région. Ces chiffres sont à rapprocher de l’espérance de vie, que l’on estime en France, pour une personne de 70 ans, d’environ 12 ans. Ces données éclairent les constatations épidémiologiques. Si le cancer de la prostate est une cause importante de décès par cancer chez l’homme âgé, cette mortalité reste relativement faible, si on la compare au très grand nombre de cancers prostatiques latents, puisque plus de 90% d’entre eux mourront d’une autre cause. Enfin, il faut garder à l’esprit que sur les 270.000 hommes qui décèdent chaque année en France, toutes causes confondues, le cancer de la prostate est responsable de 9.000 décès. 1-La question du dépistage L’intérêt d’un dépistage collectif organisé fait l’objet depuis de plusieurs années de nombreux débats. Une étude prospective européenne (ERSPC), initiée en 1993 a été réalisée dans le but de répondre à cette interrogation. Elle a porté sur une population de plus de 160 000 hommes de 55 à 69 ans avec un recul moyen de près de 10 ans. La moitié des patients avaient bénéficié d’un dépistage systématique (PSA annuel) l’autre moitié n’en avait pas eu. Les résultats viennent d’être publiés en Mars 2009 dans le prestigieux New England Journal of Médecine : l’étude a montré, après 9 ans, une diminution de 27% de la mortalité par cancer de prostate dans la population ayant bénéficiée d’un dépistage. Le fait de réaliser le diagnostic n’implique pas automatiquement l’indication d’un traitement mais permet de proposer une prise en charge adaptée à chaque patient (surveillance ou traitement spécifique). Forts de ces conclusions, la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Institut National du Cancer (INCA) et l’Association Française d’Urologie (AFU) vont, dans les prochains mois, contribuer à définir une nouvelle politique de santé publique concernant les recommandations de dépistage et de prise en charge du cancer de prostate. Chez qui faut-il évoquer précocement le diagnostic ? Le seul facteur prédisposant connu est la présence, dans l’ascendance directe ou dans la fratrie, d’un cancer de prostate. Dans cette population « à risque » une surveillance particulière peut être proposée à partir de 40 ans. En dehors de ce cas particulier, rien ne justifie a priori un dépistage systématique et répété. Chez un homme en bonne santé qui le souhaite, une évaluation à partir de 50 ans est une pratique recommandable ; si tout est normal une évaluation régulière peut ensuite être proposée jusqu’à 75 ans. Passé cet âge, une surveillance ne se justifie plus, car si tout a été normal jusque là, le risque d’apparition d’un cancer de la prostate et d’en souffrir dans l’avenir est très faible. Comment évoquer précocement le diagnostic ? Deux examens sont utiles : Le toucher rectal permet de palper la partie de la prostate qui bombe dans le rectum. A un stade précoce, sans entraîner aucun symptôme, le cancer de prostate peut se présenter comme une petite induration de la prostate, mais qui n’a rien de spécifique. Il est pratiqué à la consultation, est indolore et permet d’apprécier le volume et la consistance de la glande prostatique. L’adénome de la prostate (hypertrophie bénigne) est lisse, souple et régulier. Le cancer de la prostate se traduit par une zone ferme, dure ou un nodule. Le dosage de l’antigène prostatique spécifique (en anglais PSA : prostatic specific antigen). Cet antigène est une protéine normalement sécrétée par les cellules de la prostate, et l’on peut établir une corrélation approximative entre le taux de l’antigène détecté dans le sang et le volume de la prostate. Un certain nombre de situations non cancéreuses peut faire augmenter le taux de l’antigène, de façon transitoire comme une infection de la prostate, une poussée évolutive d’un adénome de la prostate, ou même la pratique assidue de la bicyclette, ou de façon définitive comme l’adénome de la prostate, puisque le nombre de cellules prostatiques est augmenté. Les cellules cancéreuses sécrètent dans le sang environ 10 fois plus d’antigène que les cellules prostatiques normales : un déséquilibre entre le taux de l’antigène dosé dans de bonnes conditions et le volume de la prostate peut ainsi devenir un élément de suspicion de la présence de cellules cancéreuses. Mais les méthodes de dosage sont nombreuses et de sensibilités différentes. Un dosage légèrement élevé est difficilement interprétable et certainement pas spécifique du cancer. Il peut être parfois nécessaire de répéter ce dosage dans des conditions connues. L’Echographie de la prostate isolée n’a pas de valeur d’orientation diagnostique suffisante. 2- Le P.S.A. : Qu’est-ce que c’est ? Le PSA (Prostatic Specific Antigen ou antigène spécifique de la prostate) est une protéine qui est sécrétée par les glandes de la prostate. Une partie du PSA passe dans le sang où il peut être dosé par un prélèvement dans une veine. On dose le PSA total ou global ainsi que le taux de PSA libre circulant dans le sang. Comment calcule-t-on son taux ? Le PSA existe dans le sang sous 2 formes : liée à une protéine et libre (non lié à une protéine). Le PSA total est la somme des 2 PSA lié et libre. Il existe plusieurs méthodes de dosage, ce qui doit rendre très prudente l’interprétation du taux du PSA total. La majorité des dosages indique une norme à 4 ou inférieure à 4ng/ml ; d’autres une norme à 2,5 ou inférieure ; beaucoup plus rarement, la norme est à 5 ng/ml. Cette disparité de mesures rend très difficile la comparaison de 2 dosages successifs effectués dans 2 laboratoires différents. C’est pourquoi il est important d’effectuer les prélèvements dans le même laboratoire ou à défaut avec la même technique. Il faut retenir qu’un dosage isolé lorsqu’il est modérément élevé (4 à 10 ng/ml) ne veut rien dire en soit. En effet, en fonction de l’âge et de l’augmentation de volume de la prostate, le dosage augmente régulièrement sans qu’il y ait forcément de cancer. Le taux de PSA libre exprimé en % du taux global de PSA peut inciter à réaliser des biopsies s’il est bas (inférieur à 12 %). A quoi sert le dosage ? Toutes les maladies de la prostate peuvent augmenter le taux de PSA, le cancer, un adénome de la prostate, une infection aiguë de la prostate (prostatite). Certaines manipulations prostatiques peuvent aussi élever le taux, telles que : une cystoscopie ou une fibroscopie vésicale, les biopsies de la prostate à l’aiguille. En revanche, le toucher rectal, malgré ce qui a été souvent dit, n’élève pas le taux de l’antigène de la prostate de façon significative (tout au plus, il l’augmentera de 0,1 à 0,4 ng/ml, ce qui est à considérer comme négligeable). A quel âge faut-il le faire ? Compte tenu des données acquises de la science, la règle commune est aujourd’hui de faire pratiquer un dosage du PSA à partir de 50 ans et ce une fois par an jusqu’à 75 ans. Chez les hommes qui ont des antécédents de cancer de prostate familiaux (au moins deux membres de la famille), un dosage du PSA à partir de 40 ans peut être proposé. A 75 ans ou au-delà il devient discutable de faire pratiquer un dosage du PSA. En effet, la fréquence du cancer est à partir de cet âge très importante, mais heureusement l’immense majorité des cancers de la prostate chez l’homme âgé sont de toutes petites tumeurs qui ont peu de risque d’évoluer. Tenter de rechercher ces cancers expose à toute l’angoisse d’un diagnostic, alors que très probablement il n’y aura pas de traitement réellement utile à proposer sauf bien sûr si le malade présente des symptômes. En pratique Lorsqu’un premier dosage du PSA est fait et que le taux est un peu au-dessus de la norme, il faut premièrement s’assurer qu’il n’y a eu aucune manipulation prostatique ou aucune infection aiguë dans les deux mois qui précèdent. Il faut ne pas hésiter à faire pratiquer un nouveau dosage du PSA 15 jours plus tard, puis si le taux reste élevé, discuter avec votre médecin qui verra s’il y a lieu de demander une consultation à un urologue. Si le taux au 2e dosage reste audessus de la normale, il pourra être discuté de l’utilité de réaliser des biopsies de la prostate à la recherche d’un cancer. Attention : Le Finastéride (Chibroproscar) utilisé dans le traitement de l’adénome de la prostate baisse le taux de PSA d’environ 50%. Le PSA après traitement L’antigène spécifique de la prostate est un des éléments de surveillance du cancer de la prostate. Après prostatectomie radicale le PSA doit redescendre à un taux de 0,1ng/ml ou moins. Un dosage annuel est ensuite suffisant. Après traitement par rayons, le taux minimal de PSA qu’il faut atteindre n’est pas encore bien défini. Après traitement hormonal, le taux de PSA redescend à des valeurs basses, variables selon chaque homme en 1 à 3 mois. La réascension du taux du PSA après traitement par chirurgie radicale ou par radiothérapie indique la présence d’une récidive locale de la maladie ou le développement de métastases, même en l’absence de tout symptôme. Il faut savoir que : cette réascension est presque toujours lente et ne signifie pas obligatoirement qu’il faille changer de traitement, le traitement d’un homme atteint d’un cancer de la prostate ne doit pas être modifié uniquement sur une variation du dosage du PSA qui resterait modérée. En cas de traitement hormonal, la réascension du taux de PSA peut être due soit à une reprise de la maladie, soit à un effet secondaire au traitement anti-androgène. Dans ce cas, lorsque l’on supprime le médicament en cause, le PSA peut redescendre. Conclusion Le taux de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) doit être interprété avec prudence lorsque qu’il reste modérément élevé au-dessus de la normale. Il n’y a jamais d’urgence à entreprendre des biopsies et il est préférable de répéter le dosage du PSA lorsque sa valeur est un peu au dessus de la normale car des variations individuelles du taux sont fréquentes. Lorsque le cancer de la prostate est traité, l’évolution peut être suivie par un taux de PSA en sachant qu’il est inutile de le répéter mois après mois. Il faut des intervalles de plusieurs mois pour se rendre compte exactement de l’évolution du taux. Enfin, le taux d’antigène de la prostate ne résume pas à lui seul la maladie cancéreuse prostatique. Les décisions médicales à prendre dépendent d’un ensemble de facteurs et non pas du seul résultat d’un examen biologique. 3-Comment faire le diagnostic ? La preuve définitive de la présence d’un cancer ne peut se faire qu’en analysant du tissu prostatique. Devant la présence d’éléments de suspicion, l’Urologue pratiquera des biopsies de la prostate. Cet examen, fait en consultation et sans anesthésie, consiste à prélever plusieurs « carottes » très fines de tissu prostatique à travers le rectum, en contrôlant le site des différents prélèvements par une échographie prostatique. Ces biopsies sont réalisées à l’aide d’un pistolet qui rend l’opération pratiquement indolore. Un traitement antibiotique est prescrit pour diminuer le risque d’une infection prostatique (3% des cas). L’examen microscopique des fragments prélevés peut alors permettre d’infirmer ou de confirmer le doute. En présence de cellules cancéreuses, cet examen apporte également des renseignements indispensables sur l’agressivité potentielle de ces cellules, en appréciant le volume de la tumeur cancéreuse, et l’importance des modifications des cellules cancéreuses par rapport aux cellules prostatiques normales. C’est uniquement en possession de tous ces renseignements, complétés au besoin par des examens radiographiques spécialisés (scanner, scintigraphie osseuse, IRM), que l’urologue peut proposer un projet thérapeutique adapté au patient et à sa maladie, cas par cas, en tenant compte d’une part des désirs personnels du patient, de son âge et de son état de santé, et d’autre part des critères d’agressivité potentielle de sa tumeur. a- Les examens radiologiques : L’échographie A quoi sert l’échographie dans le diagnostic du cancer de la prostate localisé ? Par voie abdominale, l’échographie ne permet pas de visualiser correctement la prostate. Par voie rectale, l’échographie est plus précise, elle permet de bien cerner les contours de la prostate. Les zones dites hypo-échogènes que l’on peut voir dans la prostate lorsqu’elles sont isolées, c’est à dire sans anomalie au toucher rectal ou sans une élévation du PSA ne doivent pas être considérées comme des zones suspectes. Les zones dites hyper-échogènes n’ont aucune valeur diagnostique. Conclusion L’échographie par le rectum ne peut être considéré comme un élément premier du diagnostic au même titre que le toucher rectal ou le dosage du PSA. L’échographie a comme intérêt principal de permettre une bonne visée des biopsies de la prostate. Le scanner abdominal et pelvien (TDM) Cet examen permet la découverte des ganglions iliaques et obturateurs lorsqu’ils sont volumineux. Nous ne le pratiquons que lorsque le dosage du PSA est supérieur à 20ng/ml, sauf exception. La résonance magnétique nucléaire (IRM) Cet examen, réalisé par voie abdominale ou endo-rectale, n’apporte pas plus d’éléments que le scanner en terme d’extension de la maladie à distance. Elle est par contre souvent utile pour préciser une éventuelle atteinte ou un franchissement de la capsule prostatique. La scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse est un examen radiologique qui permet de détecter l’existence de métastase, c’est à dire de localisation secondaire d’un cancer au niveau des os. Le cancer de la prostate peut entraîner ce type de métastases. La technique est simple. Elle consiste à injecter dans une veine un produit radio-actif qui ira se fixer électivement sur les os. 3 à 4 heures après l’injection dans la veine, vous revenez pour être placé sous une gamma caméra qui va photographier votre corps et retrouver les zones où le produit radio actif s’est fixé. L’examen n’est pas douloureux, il est simplement long. Il n’y a pas de complication notable connue. L’interprétation des images peut être difficile car la fixation du produit radio-actif ne se fait pas uniquement sur les zones où il y a des cellules cancéreuses. La plupart des maladies osseuses, telles que l’arthrose, les séquelles de traumatisme, les maladies inflammatoires des articulations, etc., fixent aussi le produit radio actif. L’interprétation de la scintigraphie osseuse doit donc être prudente, notamment lorsqu’il y a peu de zones de fixation. L’examen peut être répété sans problème, voire complété, en cas de doute, par un scanner centré sur les zones osseuses suspectes. b- Les biopsies de la prostate La pratique du toucher rectal systématique chez l’homme à partir de la cinquantaine et l’apparition du dosage de l’Antigène Spécifique de la Prostate (PSA : Spécific Prostatic Antigen) favorise la détection des cancers de la prostate à un stade plus précoce qu’auparavant. Mais seules les biopsies permettent de savoir s’il existe ou non un cancer de la prostate en prélevant des petits morceaux de la glande pour les analyser au microscope. Faut-il une préparation ? Compte tenu du passage de la sonde d’échographie par le rectum, il est préférable d’entreprendre un traitement antibiotique de courte durée. Il n’est pas indispensable de réaliser un lavement. Faut-il être à jeun pour l’examen ? Les biopsies se font à la consultation sous anesthésie locale et il n’est pas nécessaire d’être à jeun pour l’examen. Vous êtes installé sur le côté gauche, cuisses fléchies sur le ventre. L’urologue pratique un toucher rectal puis place la sonde d’échographie dans le rectum. Il repère sur l’écran de l’échographe, la prostate et réalisera à l’aide d’un petit pistolet ultrarapide monté d’une aiguille très fine, six biopsies situées à des endroits différents de la prostate. L’une dans la partie haute de la prostate appelée »base », une autre dans la partie moyenne de la prostate appelée » médiane » et une dans la partie basse de la prostate appelée »apex » et ce, de chaque côté droit et gauche. Eventuellement, des biopsies des vésicules séminales qui s’abouchent dans la glande prostatique seront pratiquées. Ces biopsies durent quelques minutes et ne sont pas très douloureuses. Dans tous les autres cas, les hommes interviewés ont dit qu’ils avaient bien supporté la biopsie et qu’ils seraient prêts si nécessaire à en pratiquer de nouveau. Dans les heures et jours qui suivent, il est possible de voir apparaître quelques émissions de sang dans le rectum (rectorragies), par le canal de l’urètre (urétrorragies) ou dans le sperme (hémospermie). Ces signes n’ont aucun caractère de gravité. Ils se tasseront spontanément sans aucun traitement. Risque-t-on une infection ? Le risque d’une infection de la prostate après les biopsies est réel. C’est pourquoi on utilise des antibiotiques qui entourent la biopsie de la prostate. Malgré le traitement antibiotique, il se peut dans 2% des cas que de la fièvre survienne dans les heures ou jours qui suivent les biopsies. Il s’agit d’une fièvre qui est en général élevée à 39 – 40 avec frissons, comme une grippe. Dans ce cas, voyez votre médecin ou votre urologue pour un changement d’antibiotiques. Peut-on réaliser les biopsies sous anticoagulants ? Les hommes qui sont sous traitement anti-coagulant ou sous aspirine pour une maladie de coeur ou des vaisseaux doivent arrêter leur traitement avant les biopsies afin d’éviter le risque d’hématome. A quoi servent les biopsies ? Leur intérêt est double : Elles seules permettent de confirmer l’existence ou non de cellules cancéreuses dans la prostate. En analysant le nombre de biopsies positives sur le nombre total de biopsies réalisées, en analysant l’aspect des cellules cancéreuses retrouvées, on peut avec une certaine précision connaître l’agressivité du cancer et savoir si il est localisé à la prostate ou s’il a déjà dépassé sa capsule. Ces renseignements sont importants pour déterminer le meilleur traitement à adopter face à la maladie. Institut Mutualiste Montsouris – Urologie– Fiche Info Patient – Auteur : Professeur Guy Vallancien – 2010