Construire une maison en bois pour Points-Cœur
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Construire une maison en bois pour Points-Cœur
Construire une maison en bois pour Points-Cœur Août/septembre 2005 Mai/Juin 2006 Association Coup de pouce humanitaire contact : Martin Guespereau - 06 64 96 05 20 / [email protected] Table des matières Table des matières 1 Résumé des deux missions 2 Editorial 4 Notre partenaire : l'association Points-Cœur 7 La Roumanie, un terroir très européen 11 Une ville, des systèmes en transition 11 Le bois aux racines de l’architecture roumaine 12 Et Dracula ? 12 L’équipe : quelques paroles des volontaires 13 Les chantiers 15 La construction de la fuste 15 La peinture de la porte 28 L'atelier photos 28 Notre vie sur place 30 Les rencontres incroyables sur le chantier avec les Roumains et les Tziganes 30 Louis accompagne les filles de Point-Cœurs pour un après-midi d'apostolat 33 La balade du WE 36 Budget 39 L’association "Coup de pouce" 40 Billet d'humeur 41 1 Résumé des deux missions 12 volontaires de Coup de pouce sont partis le 22 août 2005 pour 15 jours dans le Point cœur de Deva pour construire une maison traditionnelle en rondins de bois. 8 volontaires sont revenus à Deva le 21 mai 2006 pour terminer la fuste en 15 jours. Coup de pouce est une association humanitaire qui vient en aide à des projets de développement de long terme. Points-Cœur est une association catholique. Elle envoie des volontaires appelés "Amis des enfants" vivre pendant 1 à 2 ans la vie de quartier des plus déshérités. Ils sont une présence d’amitié et de réconfort des plus isolés. A Deva, en Transylvanie, quatre jeunes filles partagent une vie communautaire et se dévouent spécialement auprès des Tziganes. 2 3 Editorial "Douze gratte-papiers citadins en diable partent à la conquête de l'art de la fuste"… Vous non plus vous n'aviez jamais entendu le mot "fuste" auparavant ! La fuste est une maison de rondins, du style de celles que nous avons tous admirées en regardant La petite Maison dans la Prairie, ou plus roumainement une maison de campagne traditionnelle avant les errances du génie des Carpates. Cette construction typique est un projet longuement mûri par le Point cœur installé à Deva (Roumanie) depuis maintenant plus de dix ans, et elle a enfin commencé à surgir de terre le 23 août 2005, au fond d'un jardin de Transylvanie. Points-Cœur est une association catholique, implantée dans les points du monde où les plus démunis ont besoin d'une présence amicale, paisible et priante. A Deva, les plus démunis sont souvent les enfants Tziganes, qui depuis des années ont pris l'habitude de venir jouer avec les volontaires de Points-Cœur qui leur ouvrent leur maison. C'était depuis longtemps le moment d'élargir les activités de cette communauté : fort de l'expérience indienne l'été dernier, Points-Cœur a demandé à Coup de Pouce de venir cet été dans cette région moins exotique mais au moins aussi attachante, pour un des chantiers les plus techniques de sa jeune histoire, la construction d'une deuxième maison de volontaires. L'aventure a commencé avant le départ en Roumanie, pour trouver un exemple de fuste terminée et visitable, pour obtenir des conseils pratiques, pour lancer à distance les demandes de permis de construire, pour décider comment transporter des tronçonneuses en avion en plein plan vigipirate rouge… elle a continué sur place, avec la quête des rondins parfaits (pas coniques, pas tordus, pas trop courts, pas trop lourds… et surtout disponibles avant la Saint Glinglin !), de l'huile de chaîne, des chevilles de bois. Elle a continué aussi avec les palabres interminables que nous tenions ensemble sur la manière de nous y prendre pour transformer un tas de bois en maison solide et accueillante, sur l'ordre dans lequel tracer les entailles, les joues, les gorges, la profondeur des unes et la courbure des autres, avec les questions métaphysiques sur la fabrication du compas à double niveau à bulle… Un enthousiasme indéfectible nous a tous transformés en bûcherons et ébénistes, architectes et négociants, hommes de peine et artistes. Pendant ce temps, les voisins et amis de PointsCœur participaient… ou regardaient notre affaire avec un scepticisme qui diminuait au fur et à mesure que montaient les étages de notre belle maison ; les enfants guettaient le moment où nous allions distribuer les appareils photos et organisaient des défilés de mode, fiers comme des Artaban en herbes au moment où nous leur confiions les planes pour écorcer les troncs. Drôle de contraste entre nos techniques ancestrales remises au goût du jour et l'environnement urbain de béton ! Ce fut l'occasion de découvrir de nouveaux amis, comme Zoly, intrigués puis portés par cette entreprise un peu folle… de renforcer la confiance mutuelle entre les familles qui nous hébergeaient et Points Cœur… de confirmer l'immense amitié et la disponibilité sans faille d'Attila – le protecteur efficace et adorable du Points Cœur de Deva. Ce fut aussi l'occasion de faire naître une mystérieuse alchimie entre nous, à tel point que de retour en France, 4 nous n'avons pu passer la première soirée sans nous retrouver à égrener des souvenirs d'anciens combattants ! Ces belles missions nous ont permis également de tisser une très profonde amitié avec les Amies des Enfants de Deva : c'est sans nul doute pour elles que nous sommes presque tous revenus continuer la construction de cette maison d'accueil au printemps 2006. Le défi est de taille : il faut terminer les murs, faire la charpente et poser le toit avant de repartir. La fleur à la tronçonneuse, nous affirmons que ce sera faisable car maintenant, nous connaissons un peu le métier… Nous revoilà donc partis en vieux briscards, avec nos tronçonneuses, nos perceuses, un palan et sa chaîne, des tirefonds, des casques anti bruits, des sangles à cliquet et autres compas à double niveau à bulle pour lester les sacs à dos. 24h de traversée de l'Europe plus tard, nous retrouvons notre fuste, au milieu d'un jardin d'herbes folles que viendra faucher un voisin. La reprise est enthousiasmante, nous avançons presque aussi vite que prévu grâce à l'aide abondante des voisins et amis du point cœur, agréablement impressionnés par notre retour et entraînés par notre passion. Le temps que le bruit se répande de notre présence, et nous retrouvons avec joie (et soulagement !) Zoly, hercule au grand cœur ; les Rafi, tziganes très proches des Amies des enfants, viennent aussi nous aider en famille, ainsi que quelques autres voisins et amis d'amis hongrois, roumains ou tziganes. Même le vol de notre tronçonneuse de compèt et la mort au champ d'honneur de sa suppléante n'émousseront pas notre volonté de tout terminer. Et rapidement, après une séance de travail de nuit pour monter le pignon, arrivent les heures magiques où l'on pose les panes, la faîtière, les tasseaux, les lattes, la bâche de super S9 pour l'étanchéité, les contre-tasseaux, et enfin… les tuiles ! La maison n'aurait sans doute pas été terminée sans les coups de main, le carnet d'adresse, les conseils avisés, l'énergie et la disponibilité, bref le soutien indéfectible d'Attila. Et elle n'aurait pas été aussi formidable sans la présence attentive des "point-cœurettes" ; nous avons chamboulé un peu leur jardin, beaucoup le rythme de leurs journées, énormément le niveau sonore de leur vie quotidienne… Pour retrouver notre chère fuste et tous nos amis Roumains, il ne nous reste plus qu'à attendre avec impatience le jour de l'inauguration c'est en bonne voie, nous venons de recevoir le permis de construire ! 5 . Le point de vue de Sœur Isabel, Visiteuse du Point cœur de Deva : Pourquoi Points-Cœur a-t-il fait appel à Coup de Pouce ? Depuis quelque temps déjà, nous avions le projet "d'agrandir" un peu notre Point coeur pour permettre aux Amies des enfants (c'est ainsi que nous appelons les jeunes qui vivent dans le Point cœur) de s'isoler un peu leur jour de repos, pour offrir un toit à nos hôtes de passage et éventuellement pour pouvoir accueillir des garçons (et peut-être même des prêtres) dans la communauté. Notre amour pour le pays, notre souci de plonger dans sa culture et notre désir que cette maison soit comme un petit ermitage nous ont incités à envisager la construction d'une maison en bois, dans le style roumain. C'est tellement plus beau ! Les premiers contacts que nous avons alors pris pour avancer dans ce sens n'ont pas été très concluants. Notre projet pouvait même sembler un peu irréalisable, mais le Père Thierry de Roucy, notre fondateur, a continué d'y croire ! C'est en 2004 que nous avons connu Coup de Pouce. Une équipe est venue nous aider à construire une maison en Inde, où nous sommes également présents. La maison a tenu bon ! Mais nous avons surtout beaucoup apprécié votre présence toute donnée et toute simple, votre audace, votre façon de travailler et d'entrer dans la culture et les manières du pays. Alors, il est devenu soudain évident que seul Coup de pouce pouvait relever le défi roumain !! La maison de Nemili, construite en 2004 dans la région de Madras par Coup de pouce 6 Notre partenaire : l'association Points-Cœur La communauté de Points-Cœur, "Pour que soit reconnue la dignité des pauvres et des enfants du monde entier… " "Les Points-Cœur veulent être de petits foyers disséminés dans le monde entier, de simples refuges d'amour et de tendresse, où chaque enfant (de la rue) pourra être aimé, accueilli, écouté, respecté, bref regardé d'un regard qui communique l'ardeur de l'amour." (Charte de Points-Cœur) Points-Cœur a été fondée en 1990. Elle offre à des jeunes de tous pays et de toutes conditions la possibilité de vivre pendant au moins 14 mois au sein d’une petite communauté, dans un quartier particulièrement défavorisé, en Europe ou à l’étranger. S’appuyant sur une vie de communauté et de prière, les volontaires de Points-Cœur, appelés "Amis des enfants", cherchent à accueillir et écouter les enfants et les familles en détresse, tels qu’ils sont ; à leur apporter une présence d'aide et de soutien ; à tisser des liens d’amitié et de confiance en allant à la rencontre des personnes délaissées ou souffrantes, là où elles vivent ; à être un relais entre la rue, les familles et les structures sociales locales. Aujourd'hui, l’action de Points-Cœur rejoint aussi des personnes, des pays ou des situations dont la misère est plus cachée, comme à New York. Elle œuvre pour faire reconnaître les droits des personnes grâce à son statut consultatif auprès de l’ONU. Certains Amis des enfants, au terme de leur mission, ont demandé à s'engager davantage dans l'œuvre PointsCœur, à travers une consécration : ce sont les membres de la fraternité Molokaï. D'autres ont voulu continuer à vivre, au cœur de leurs obligations professionnelles et familiales, de l'esprit et de la grâce de l'œuvre : ainsi a été fondée la fraternité SaintMaximilien-Kolbe, ouverte à toute personne désirant vivre de ce charisme de compassion. 7 Points-Cœur à Deva Deva est une petite ville de Roumanie, dans le département de Hunedoara, le plus occidental de la Transylvanie. Il est imprégné de l’histoire de la Roumanie, banale et omniprésente, d’un pays qui se sort lentement du rabot communiste. Même si le niveau de vie et le pouvoir d’achat sont bas, la pauvreté n’est pas d’abord matérielle. Elle n’est pas criante comme dans la plupart des pays d’implantation de PointsCœur. Elle est muette, cachée, fruit de l’oppression si longue des esprits et des cœurs. Le communisme a miné le pays et les meilleurs experts anti-mines seraient incapables de les enlever. Les Points-Cœurs, eux, arrivent dans ce contexte avec les mains vides et un cœur qui ne veut transmettre que ce que Dieu y dépose. Points-Cœur est implanté à Deva depuis une dizaine d'années. Il y a actuellement "Les points cœurettes" et Sœur Isabel leur visiteuse sont les jeunes filles du Point cœur de Deva, avec un cœur grand comme ça ; toutes ont pris un engagement pour une vie communautaire, une vie simple pour mieux accueillir les personnes auxquelles elles ouvrent leur porte. Quelle énergie n'ont-elles pas déployé pour avoir le permis de construire, trouver le bois et le matériel qui nous manquait, les hommes pour nous aider à travailler ou à décharger le bois ? Combien de kilomètres n'ont-elles pas parcouru pour trouver l’essence, l’huile ou les chaînes pour les tronçonneuses, les chevilles de bois ? Toujours pleines d’idées pour varier les menus bien sûr excellents - je pense que beaucoup d’entre nous n’aurons jamais autant mangé de "fait maison" – chacune d'elle faisait attention au coup de pompe de chacun des coups de pouciens et restait toujours prête à chauffer un bon thé, ou à apporter le reste du dessert du déjeuner… sur place quatre volontaires qui sont des jeunes filles françaises. Elles vivent leur mission de compassion et de consolation en accueillant au Point cœur tous ceux qui viennent et en partant en "apostolat", c'est-à-dire en visite chez leurs amis. Elles ont pour amis entre autres les tziganes qui sont les personnes les plus pauvres de la société roumaine. Voici des extraits de lettres de certaines d'entre elles décrivant leur vie et quelques uns de leurs amis : "Les familles tziganes habitent au commencement de notre rue. Je découvre avec passion 8 leurs coutumes, leur mode de vie. Ne prenez pas certains prénoms tziganes pour des surnoms, ils risqueraient de se vexer. Que c'est bon de voir le sourire de Darius, les grimaces de Mafiot (qui signifie mafieux), la beauté de Tasia, les boucles des cheveux de Prapad (qui signifie ravage), l'élégance de Teresa, les caprices de Specula ! Darius est le premier à arriver au Point cœur et le dernier à le quitter. Il s'abreuve à cette source d'amour qu'essaie d'être notre Point cœur. Il habite avec ses cousins. Sa mère ne veut pas s'en occuper. Son père est en prison et ses grands-parents sont en France pour gagner de l'argent." "Alis est une autre de nos fidèles. Depuis l'été, déjà, Ciocolata, sa cousine l'envoyait avec sa sœur Maria mendier dans les rues de Deva. Depuis quelques semaines, ce n'est plus seulement la journée qu'elle doit mendier mais aussi le soir, dans le froid et l'obscurité. Elle part donc le matin le ventre vide et reste ainsi à la Piatsa (le marché) jusqu'à ce qu'elle ait récolté 50000 lei puis rentre chez elle les remettre à sa cousine." "Ce qui nous fait le plus mal est de voir des enfants roumains ne voulant pas entrer dans le Point cœur parce qu'il y a des enfants tziganes à l'intérieur, de même que les enfants hongrois avec les enfants roumains et tziganes et inversement !" . Nous avons l'occasion lors de notre mission Coup de pouce de voir combien le Point cœur est facteur d'unité puisque nous y avons vu des Hongrois, des Roumains et des Tziganes réunis pour une fête et devisant amicalement… … et même une maman tzigane consoler dans ses bras un petit enfant hongrois ! 9 Le point de vue de Sœur Isabel, Visiteuse du Point cœur de Deva : Qu'est-ce que les voisins et les amis du Point cœur de Deva ont pensé du projet que Points-Cœur a confié à Coup de Pouce en Roumanie? Nos amis nous ont d'abord pris pour des fous. Comme je l'ai dit, notre projet leur semblait complètement irréalisable : pourquoi construire en bois, en employant les méthodes traditionnelles ? Ils avaient un peu de mal à percevoir le sens de tout cela et n'ont rien fait pour nous encourager. Quand l'équipe de Coup de pouce est arrivée, nos voisins ont d'abord observé. Ce qui a été fantastique, c'est que certains, sans pour autant être convaincus par notre projet, n'ont pas hésité à venir nous aider. Voir tous ces jeunes français se donner si gratuitement et avec autant d'enthousiasme pour construire dans leur pays ne les laissait pas indifférents. Au fur et à mesure des jours (et du travail en commun), ils ont compris que c'était du sérieux et ils ont constaté que la maison prenait forme. Finalement, ils n'ont pu qu'adhérer et c'est d'une certaine façon devenu leur projet aussi. Ils n'ont pas caché leur reconnaissance et leur admiration pour tous ces jeunes français qui croient en leur pays, qui en perçoivent la beauté et la grandeur bien plus qu'eux-mêmes. Aujourd'hui, nous constatons qu'à travers tout cela, leur amitié avec Points-Cœur s'est approfondie. Elle s'est enrichie aussi : dans leur coeur habitent de nouveaux visages, ceux des 15 coups de pouciens ! 10 La Roumanie, un terroir très européen Une ville, des systèmes en transition Le train qui arrive de Bucarest traverse de vastes et denses forêts avant d’arriver à Deva. La ville est dominée par une citadelle du XIIIème siècle construite sur une colline, réserve naturelle, d’où se détachent les quatre lettres blanches de DEVA à la manière de celles d’Hollywood… La nature entoure cette ville avec la forêt Bejan et l’arboretum Simeria, qui comptent des espèces du monde entier. Pourtant le visage actuel de Deva est moins façonné par l’histoire ou la nature que par son passé industriel minier et par le système communiste des dernières décennies. Le lieu emblématique de Mintia est plus connu ici pour sa centrale thermique que pour son site de fouilles archéologiques d’un port romain. Alors que tant de villes communistes ont changé radicalement de visage depuis quelques années, Deva a gardé ses grands bâtiments gris massifs, ses statues de sportifs en bronze aux carrefours. Avant d’arriver dans la ville, le train passe dans une de ces grandes zones de barres de béton lézardées et désertes comme à l’approche de la quinzaine d’autres villes traversées depuis Bucarest. La gare est bordée par une ancienne porcherie investie par des tziganes qui y habitent depuis plusieurs années maintenant. La période communiste a laissé aussi des traces dans l’état d’esprit des personnes rencontrées : mieux vaut chercher son chemin que chercher à acheter un disque à poncer le bois… dans un cas vous découvrirez la gentillesse des Roumains et dans l’autre leur faible motivation pour être le meilleur vendeur du mois… Pour vous déplacer dans la ville vous emprunterez les bus de la centrale de Mintia : elle fut un des employeurs principaux de la ville et a encore un réseau de bus officiellement dédié aux employés mais qui assure aujourd’hui les transports en commun de la ville… et les fins de mois du chauffeur… 11 Le bois aux racines de l’architecture roumaine La construction traditionnelle roumaine a fait la part belle au bois. S’il n’est pas protégé, l’habitat traditionnel continue de représenter l’essentiel des constructions des villages ruraux. Et les chefs d’œuvre sont nombreux, témoignant d’une ingéniosité fertile. Les portes et fenêtres s’ornent parfois de motifs végétaux. La maison typique est faite de madriers ronds ou équarris, empilés et emboîtés en leurs extrémités en queue d’aronde. Le bois a également séduit les bâtisseurs d’églises. L’époque communiste et singulièrement celle de Ceausescu (19741989) a néanmoins tenté de mettre un coup d’arrêt à la construction en bois et d’imposer la "maison bloc" plus conforme à son esthétique. Ce régime tenait en total discrédit le style de vie et l'habitat paysans, discrédit qui s'est traduit par une politique de "systématisation" des villages qui prévoyait de raser la moitié des 13 000 villages du pays et de les remplacer par 558 centres agro-industriels. Coup de pouce a désormais une longue histoire de construction de maisons simples, en briques d’Inde (été 2004), en pierres du Hoggar (hiver 2004) ou en parpaing de Djibouti (hiver 2003) et du Burkina Faso (hiver 2004). Le principe est de respecter les pratiques de construction locale. C'est pourquoi nos plans sont co-établis avec des ingénieurs locaux, les matériaux traditionnels des maisons villageoises sont repris, comme les outils et les échafaudages. La maison en bois est donc une nouvelle page technologique pour Coup de pouce. Nous avons pris contact auprès d’entreprises spécialisées dans la construction de chalets en bois en Savoie pour recueillir les secrets du métier et acquérir les réflexes idoines. Nous sommes prêts ! Et Dracula ? Dracula est sans conteste le plus célèbre des Roumains… Même si la réalité historique n'a pas grand-chose à voir avec ce que rapporte le roman de Bram Stoker (1897) ! Dracula tient son nom de son père, le prince de Valachie Vlad II Dragul - "Dragul" pour "Dragon", nom d'un ordre très chrétien dont il était membre. Dracula, de son vrai nom Vlad III Tepes, succède à son père en 1456, dans un bain de sang comme il arrivait souvent à ce moment. Il gagne le délicat surnom de "Vlad l'Empaleur" dans sa résistance aux Ottomans. La légende noire qui entoure ce personnage haut en couleurs est le fruit de la propagande du roi de Hongrie Matei Corvin, à qui il refusa de très longues années de prêter allégeance et dont il resta plus tard longtemps le prisonnier. Vlad Tepes va ensuite soutenir son voisin le roi de Moldavie, Etienne le Grand (dit "l'athlète de Dieu" par le Pape de l'époque), dans la lutte contre les Ottomans. C'est là qu'il trouve la mort en 1476. Ce héros de l'histoire roumaine est maintenant l'objet d'un culte touristique du pire effet, il n'est pas une échoppe qui ne vende son portrait noir et sang à côté d'œufs délicatement peints, de spécimens de broderie ou de faïences bleues et blanches. 12 L’équipe : quelques paroles des volontaires Nicolas - 32 ans Membre de l'association Points-Cœur depuis 1994, j'ai passé deux ans au Sénégal et cinq au Brésil. Je suis depuis un an revenu en France pour m'occuper de la communication de l'association Points-Cœur. Accompagner le projet Coup de Pouce en Roumanie, c'est pour moi la grande joie à la fois de me retrouver à nouveau "sur le terrain", et à la fois celle de devenir acteur à mon tour de cette coopération entre nos deux associations. Chrystel - 29 ans Communiquer, m’exprimer au travers d’une action concrète et durable, voici la chance que m’ont donné de vivre mes deux missions "Coup de Pouce" précédentes. Je récidive à nouveau avec le plus grand plaisir et une certaine impatience car une mission CPH est avant tout une aventure humaine où donner et recevoir prennent toute leur grandeur. Après le projet en Inde de l’été dernier, je me réjouis de venir à nouveau en appui à Points-Cœur dont le charisme confère une dimension particulière à la mission qui est encore nouvelle façon de rencontrer le Christ. Martin – 30 ans Avec coup de pouce ça marche à tous les coups : 15 jours c’est peu dans une vie mais on s’en souvient toujours et l’amitié qui naît entre nous tous est cimentée plus solidement encore que nos maisons. Quand je me suis proposé pour organiser cette mission, je voulais relever le défi technologique de construire une maison en rondins de bois. La mission a totalement dépassé mes espérances. Laetitia – 25 ans J'ai aimé les rencontres avec les amis du Point cœur, l'après-midi de jeux avec les enfants du quartier de Grigorescu (ancienne porcherie transformée en habitations), les courses dans les magasins de tronçonneuse... et j'ai bien sûr adoré "planer" (c'est-à-dire écorcer les troncs d'arbre sur le chantier) ! Ce qui m'a marquée, c'est l'amitié avec les filles du Point cœur et l'unité qui régnait dans notre groupe. Amaury - 29 ans Voulant de longue date partir en mission humanitaire et ayant plusieurs fois participé à des petits "chantiers" entre amis ou en famille (pour par exemple repeindre un appartement), j'ai été séduit par le concept de Coup de pouce dès qu'on m'en a parlé. Comme m'a souvent répété un oncle cher : "Les vacances des uns sont le travail des autres" ! 13 Anne – 29 ans Je bosse comme assistante de direction depuis 6 ans et suis contente de renouveler 5 ans après un premier voyage de 3 mois un Inde, une expérience "humanitaire", cette fois-ci pour un projet bien organisé. Pourquoi la Roumanie ? Parce que ce n’est pas trop loin, c’est un pays européen et donc une population qui nous est relativement proche, et que j’ai été amenée à côtoyer dans le cadre d’une association d’aide aux personnes de la rue des enfants roumains… Tout cela me donne vraiment envie de connaître le pays de l’intérieur. Enfin c’est aussi la chance de passer un peu de temps dans un Point cœur, avec des gens qui donnent deux ans de leur vie au service des plus pauvres. Caroline - 31 ans Travailler ensemble pour construire une maison, il n'y a pas vraiment de plus belle manière de faire connaissance. Travailler ensemble, c'est surmonter ensemble les difficultés, chacun à sa manière ; construire permet d'avancer concrètement sur de bonnes bases ; une maison, c'est un lieu de vie. Et mener cette mission pour Points-Cœur nous a permis de vivre cela en vérité… Je reviens avec des souvenirs extraordinaires, des amis véritables, et une terrible envie de remettre ça ! Amaury – 27 ans Je suis officier de marine depuis 1997, affecté sur une frégate à Brest à partir du mois de juillet. Ce projet m’enthousiasme, car il m’offre une chance d’aller à la rencontre d’une population qui, bien que proche géographiquement, possède une culture et une histoire (notamment récente) bien différentes de la nôtre. Le projet lui-même facilite la rencontre avec les Roumains en nous faisant travailler ensemble, et à leur demande, à un ouvrage commun. Et le travail manuel soutenu donne la satisfaction de la journée bien employée ! Enfin, je me réjouis de côtoyer les membres de l’association Points-Cœur, qui vivent là-bas une mission très belle, entièrement tournée vers l’écoute des autres et la charité. Soisic - 35 ans Des amis étant rentrés enchantés de leur mission Coup de pouce, je me suis sentie attirée pour vivre cette expérience. La mission pour aider le Point cœur de Deva m’a séduite, car une de mes amies rentre d’un Point cœur en Argentine. Cela va me permettre de mieux comprendre ce qu’elle a vécu et d’apporter une participation humaine et concrète pour aider cette belle œuvre. Louis - 35 ans Quitter momentanément la fuste de Deva pour une après-midi d’apostolat avec Points-Cœur fut une extraordinaire expérience de compassion avec la pauvreté des bidonvilles, la joie de jouer avec les enfants. Leurs éclats de rires, leur plaisir à nous faire découvrir tout leur univers (la grand-mère édentée, le jeu de carte, la cabane dans les arbres, la cascade d’une rivière au fond d’une grotte, les danses indiennes) resteront à jamais gravés comme une des plus fortes journées de ma vie. 14 Les chantiers Nous rejoignons le Point cœur de Deva alors que son activité bat son plein et que la maison est devenue trop petite. La petite communauté a donc pris la décision de construire au fond de son jardin une nouvelle petite maison en bois sur le modèle traditionnel roumain, là où ne poussent aujourd’hui que broussailles. Attila est un entrepreneur local dans le bâtiment. Il s’est aussi pris d’affection pour cette petite communauté de Points cœur et a souvent sorti d’affaire, avec une dextérité d’ange gardien, les Amies des enfants quand un problème technique de tuyau percé ou de mur affaibli leur est brusquement apparu. Il est sur place notre "homme à débrouiller les situations inextricables" et met à notre disposition ses compétences et ses contacts. La construction de la fuste C'est le chantier principal, celui sur lequel nous allons passer le plus de temps et d'énergie. Nous devons construire une maison de 45m² avec quatre murs en bois (percés d'une porte et de fenêtres) et un mur interne de soutènement en briques, une charpente et un toit en tuiles de bois. La maison doit reposer sur une dalle de béton préparée avant notre arrivée afin que la prise du béton soit finie et que le sol soit prêt pour poser les premiers rondins. Dans cette entreprise, nous devons être aidés par des ouvriers et voisins roumains, qui doivent notamment nous transmettre leur maîtrise de cet art de la fuste dont nous n'avons qu'un bref savoir 100% livresque. C'était la théorie… 15 Voici les lieux à notre arrivée… En fait, il va donc nous falloir faire couler la dalle, trouver et acheminer le bois, et surtout passer du bouquin à la réalité… Étape n°1 donc, poser la maison sur une dalle de béton. Le but est d'avoir au sol une surface plane et stable sur laquelle appuyer les murs. Nous arrivons en même temps que les ouvriers et les camions, qui vont nous faire un soubassement en béton armé de près d'un mètre de haut ! En vrais "bleus", nous n'avions rien vu venir et nous n'avions pas réagi lorsque le 4ème camion avait commencé à vider sa benne… 16 Étape n°2 ensuite, trouver le bois. Nous sommes allés deux fois "au ravitaillement" dans des scieries des alentours de Deva. La première fois, nous sommes glorieusement revenus avec une dizaine de fûts… dont pas un seul assez long pour faire le long côté de la maison, ce qui a tout de suite rendu obligatoire une option technologique : le poteau, dans lequel s'encastrent les deux extrémités des rondins, et sur lequel nous passerons de très nombreuses heures. L'achat du bois. Pas de mission sans matériel. Trouver du bois était plus qu'un impératif ! Après de nombreux coup de téléphone et d'ordres et de contre-ordres, nos 20m3 sont enfin localisés… Dernier élément dans cette gestion de stock, son déplacement… Comment trouver un camion ? Grâce à Attila notre bienfaiteur et son bras long bien évidemment ! Il convainc le chauffeur que le bois nous attend, et le dépôt que nous envoyons un camion, et le tour est joué… Sur place, au dépôt de bois, quel n'est pas l'étonnement du gérant de voir débarquer des touristes qui veulent choisir leurs bouts de bois un à un et emporter un cubage limite négligeable ! La négociation est serrée, mais 4 heures après, le bonhomme tombe lui aussi sous le charme de la fuste et de notre projet, et il accède finalement à notre demande. Les bois sélectionnés, un tracte-pelle dit "éléphant" charge avec allégresse nos 15 tonnes de bois. Nous regardons les manœuvres avec amusement, sans réaliser que pour le déchargement il n'y aura pas d'éléphant… 17 Ce qui est magique, comme à chaque mission coup de pouce, est que la confiance suffit et le problème s'évapore. Nous n'étions finalement pas notre poignée de volontaires pour décharger mais bien le double, amis de PointsCœur ou simples passants dans la rue. Étape n°3, préparer le bois. Une fois à terre, rien ne ressemble plus à une grume qu'une autre grume. Le cahier de comptes de notre trésorier nous imposait de fabriquer maison et charpente avec les 60 troncs que nous venions d'étaler dans le jardin, hors de question de prendre les rondins au petit bonheur la chance ! Nous commençons par numéroter et caractériser chaque tronc : mesures à tous les bouts et dans toutes les dimensions, description de ses irrégularités, "conicité", prise en compte de son éventuelle torsion et de sa nodosité… le tout saisi dans une base de données du dernier cri, du papier blanc et des crayons de couleur ! Le bois fait à partir de là l'objet d'une comptabilité très élaborée suivant les normes roumaines en vigueur. Les maîtres d'ouvrage exigent une parfaite rectitude des murs et des côtés opposés à la même hauteur tous les deux étages, légère gageure ! Nous compensons la croissance des troncs en les rangeant tête bêche et en jouant sur les diamètres… Ces données enregistrées et traitées dans nos ordinateurs portables (nos feuilles de papier et nos têtes…), nous communiquons aux planeurs le n° des troncs à planer pour l'étage n+1 et un bon de montage pour couper les fûts à la bonne dimension et les disposer au bon endroit. Étape n° 4, préparer les rondins C'est tellement simple dans le livre…. Et tellement plus stressant au moment de commencer à découper le bois ! Nous partons de loin, puisque la question de départ est de choisir quelle technique d'encastrage des rondins nous allons 18 appliquer…. Une fois ce choix cornélien posé sur la "tête de chien", nous tâchons de l'appliquer à notre début de fuste, d'où des conciliabules sans trêves ni reproches… Ca y est, nous nous lançons. Nous commençons par planer (écorcer) le tronc choisi ; cela semble enfantin… mais c'est épuisant ! Puis nous plaçons le rondin plané et coupé à la bonne longueur à sa place définitive pour choisir dans quel sens nous allons gérer sa torsion ou les nœuds disgracieux. Ensuite, nous dessinons les joues, nous les coupons et les ponçons. Puis nous dessinons la pré-entaille qui permetta de stabiliser le rondin sur les rondins du dessous. Et nous la découpons à l'aide de notre outil de précision favori, la tronçonneuse. (Il ne faut pas perdre de l'esprit qu'entre chaque opération, il faut soulever les 450 kg de bois, les tourner et les retourner et les re-retourner pour tracer des formes dessus et dessous et les découper, en prenant soin à chaque fois de ne pas "faire tourner la croix" = ne pas oublier les repères de verticalité et d'horizontalité marqués à l'extrémité de chaque tronc. Eh, c'est que fustier, ça ne s'improvise pas !) 19 Un chantier high tech faisant appel… à notre débrouillardise, comme en témoigne un des outils clef du chantier, le compas traceur "fait main" par Martin. Descriptif technique : simple compas auquel on ajoute les deux bulles d’un niveau pour vérifier la verticalité et l’horizontalité. Aussi précieux à la construction que la tronçonneuse, il sert à tracer les courbes pour épouser au mieux la forme du tronc du dessous. Il faut en premier lieu déterminer l’axe le plus adéquat du tronc pour obtenir une maison la plus régulière possible -et oui, vous n’avez pas idée mais les arbres sont loin de pousser tout droit ! Après avoir déterminé l’écartement du compas, on cale l’horizontale et la verticale, et voilà le compas qui entre en action pour caresser le bois d’un côté avec la pointe sèche et de l’autre avec un feutre pour dessiner les lignes que les rois de la tronçonneuse auront la joie de suivre pour faire gorges et entailles. Nous pouvons retourner encore une fois le rondin, le caler correctement, et révéler les artistes qui sommeillent en nous pour dessiner l'entaille définitive ("la gueule"). Pause technique : qu'est-ce que cette fameuse "entaille" ? c'est tout simplement le trou du rondin qui viendra s'encastrer dans les rondins du dessous. Elle est appelée aussi "gueule" car en séchant, le bois se rétracte et la "gueule" se resserre comme deux mâchoires autour des rondins du dessous, contribution supplémentaire à la solidité de l'ensemble de l'édifice. De la précision de son tracé et de sa sculpture dépend donc la stabilité de la fuste : si elle est trop large, il y aura du jeu entre les rondins… Toujours avec notre compas, dans le même élan nous traçons la gorge. La gorge est une large bande de bois découpée tout le long du tronc, qui suit les moindres aspérités du tronc du dessous pour les faire rentrer dans le creux du tronc du dessus. Et nous re-tronçonnons. Pour plus d'étanchéité, nous garnissons cette gorge de laine de roche avant de la retourner définitivement sur le tronc de l'étage inférieur. 20 Nous stabilisons le tout, et nous posons pour la postérité : nous venons de terminer le premier rondin du premier étage, et nous sommes déjà jeudi… 25 Étape n° 5, prendre de la hauteur Mine de rien, maintenant que nous avons compris ce qu'il fallait faire et l'ordre dans lequel faire se succéder les opérations, nous avançons de plus en plus vite ! Nous atteignons bientôt l'altitude des fenêtres, donc à tout ce qui précède il faut ajouter la quête infructueuse, puis la fabrication des chevilles de bois pour tenir les rondins. Et percer les trous des chevilles avec une grosse aiguille, et enfoncer les chevilles… … et monter bidons… un échafaudage sur 21 Et monter, monter toujours ! 22 Le poteau, ouvrage d’art de la fuste Réalisation de haute technologie, le poteau épouse la forme naturelle du rondin du dessous et coulisse pour s’adapter au tassement de la fuste. Une prouesse de dessinateur et de réalisateur, que nous devons à Amaury. Il séparera à tout jamais la porte de la fenêtre. Étape n° 7, monter les pignons Les pignons (hauts des murs de forme triangulaire) sont trop hauts pour être fabriqués par les alpinistes que nous sommes devenus. Nous les construisons donc au sol et les montons en bloc avec le palan et toute nos forces coalisées. Pour les stabiliser et renforcer le toit, nous construisons un mur de refend dans les hauteurs ; Xavier le sculptera délicatement à la tronçonneuse ensuite pour lui donner une forme d’arc parfait. 23 Étape n° 8, la charpente et le toit Il est temps désormais de mettre la fuste à l’abri d’un grand toit débordant. Transformés en compagnons charpentiers, nous faisons appel à un maître de l’art pour être initié et profiter de ses échafaudages et outils de pointe. A notre grande surprise le charpentier arrive sans autre outil que les notres. Qu’à cela ne tienne, nous voici dans les airs avec lui, à califourchon sur les pannes et autres faîtières, à fixer les chevrons, la volige, l’isolant, les contre-lattes, les lattes et enfin les tuiles. A ce stade, les curieux du voisinage sont bien nombreux à venir voir le chantier. Nous les transformons tous en maillon de la chaîne de tuiles et le toit est rapidement couvert et prêt pour sa première pluie. Avec notre charpentier, le hongrois est devenu la langue officielle du chantier – à parité avec le langage des mains. 24 25 Étape n° 9, tenir le rythme Nos journées commencent tôt et se terminent tard. Elles sont jalonnées par les deux pauses matinale et vespérale autour d'un thé revigorant et de tartines de Nutella ou de petits biscuits locaux. Qu'il pleuve, qu'il vente, nous travaillons. Le plus compliqué est de ne pas glisser dans les mares de boue que sont devenus nos chemins de passage dans le jardin… Heureusement, la sciure produite par tonnes sur le chantier comble rapidement le bourbier, et le soleil revient parfois ! Et régulièrement, il faut entretenir nos outils et faire place nette sur notre chantier pour y voir clair. 26 Quand la technique vous lâche : après le vol de notre puissante drujba (tronçonneuse), c’est au tour de la drujba roumaine de défaillir. Un segment bloqué, plusieurs heures d’opération à cœur ouvert en compagnie du suspect numéro 1 du vol de la première tronçonneuse. La Drujba finit par redémarrer Le plus difficile est de rester sérieux toute la journée ; d'ailleurs nous n'y parvenons pas toujours… Et tout se termine dans un grand éclat de rire ! C'est un chantier qu'on a fait avec un casque sur les oreilles, il n'y a donc pas grand chose d'autre à dire… 27 La peinture de la porte Chantier n°2 de la première mission, le relookage du portail d'entrée. D'un vert usé et maculé de rouille, il n'a pas fière allure. Pour lui redonner un petit air joyeux, nous le repeignons en bleu vif. De prime abord, rien de palpitant. Mais il faut prendre en compte les araignées qui prennent un malin plaisir à se prendre les pattes dans la peinture fraîche, pour dessiner de charmants basreliefs. Il faut aussi considérer que nous avons confié la première couche aux enfants, ce qui donne une curieuse palette de couleurs et de coups de brosses, avec une quantité de peinture exactement partagée entre la partie inférieure du portail, l'herbe des alentours et les bras de tous les participants au paint-ball. La seconde couche est moins artistique, moins rigolote, mais plus systématique et –surprise !- plus efficace pour redonner au moins 10 ans d'espérance de vie à ce joli portail. Et cela nous aura bien occupés en attendant l'arrivée du bois ! L'atelier photos En 2005, grande première pour Coup de Pouce, l’ensemble des missions de l’été a mené une activité commune : un atelier photos. L’objectif de cet atelier, mené en partenariat avec la Fnac, a été de présenter au public parisien l’association Coup de pouce à travers un support photographique réalisé au cours des missions, de Roumanie, du Burkina, du Burundi et de la Colombie. La particularité de cette exposition photographique qui s'est tenue à la Fnac Saint-Lazare du 26 Septembre au 14 octobre 2005 reposait sur son principe : tous les clichés avaient été pris par nos partenaires locaux et non par les volontaires. C’est avec leur culture et leur regard que le public découvrait l’association Coup de Pouce. 28 En pratique, cet atelier a été encadré dans chaque mission par un volontaire de Coup de pouce, amateur averti dans le secteur de la photographie. Un grand merci à nos partenaires, la Fnac et le groupe PPR, pour leur soutien à ce projet. ………….………. ……..………….… …………..…………. 29 Notre vie sur place Coup de pouce… ce n’est pas que le coup de pouce. C’est aussi une façon peu commune de découvrir un pays de l’intérieur, par le biais des mille et une occasions de rencontres créées par le chantier. L’équipe du Point cœur, par sa maîtrise de la langue et sa disponibilité de chaque instant, nous a servi d’interprète tout au long du séjour, et nous a permis de belles rencontres. Les rencontres incroyables sur le chantier avec les Roumains et les Tziganes Nous avons été tous étonnés de la richesse des rencontres, à plusieurs points de vue. Toutes n'ont pas été inattendues – Points-Cœur a déjà des amis à Deva ; mais toutes ont témoigné d'une surprenante envie de connaître l'autre et de partager des moments ou un état d'esprit, ou même des valeurs. Il est sans doute étonnant pour une personne dont les conditions de vie matérielle sont difficiles, d'imaginer qu'un jeune occidental puisse choisir de venir partager ces conditions de vie et travailler gratuitement pour elle pendant ses vacances… mais c'est sans doute ce qui rend compréhensibles les liens qui se tissent entre les volontaires et les gens sur place. Notre mission paraît irrationnelle, trop ambitieuse pour le temps et les moyens dont nous disposons, et finalement l'énergie et l'enthousiasme seuls permettent de donner vie au projet. Éveiller la curiosité Sans conteste, nous avons commencé par intriguer les rares Roumains qui passaient le portail. Nous avions du bois, mais de technique point et de méthode encore moins ! Mais notre zest d'inconscience séduit aussi d'autres passants, motivés par un projet qui rompt la monotonie quotidienne et fait naître un peu d'espoir. Zoli par exemple, est venu d'abord un peu par hasard décharger notre camion de bois ; et les jours suivants, il a quitté son travail plus tôt pour venir nous aider à manier la tronçonneuse et ajouter lui aussi son rondin à l'édifice. Nous ne parlions pas la même langue, pourtant l'esprit qui nous animait était identique, et son aide simple, joyeuse et amicale a entretenu notre motivation. 30 L'immense avantage de notre chantier un peu fou est que nous avons besoin des autres pour avancer. Imaginez : il est 5h du soir ; vous voyez arriver un immense camion chargé de troncs d'arbres énormes ; vous êtes onze paires de bras. Même pas peur, vous commencez à décharger le camion, avec force éclats de rire… et ahanements car, mine de rien, chaque tronc pèse aussi lourd que tous ses porteurs ! À la pause du 5è tronc, vous avez dépassé la première heure de travail, il vous reste 45 autres troncs, et vous n'êtes plus de toute première fraîcheur… La solution s'impose : faire appel aux bonnes volontés qui passent dans la rue. Après une séance de recrutement rapide et surréaliste, l'on voit débarquer une demi-douzaine d'hommes de tous âges, Tziganes ou Roumains, qui acceptent sans trop comprendre pourquoi de tapisser leur tee-shirt de résine et de sueur, de patauger dans la boue, et de trimballer une dizaine de tonnes de bois à bout de bras. Au Point cœur, on ne connaissait presque personne de ces ouvriers de la deuxième heure ; on ne les reverra plus sur le chantier, mais on se souviendra longtemps de leur coup d'épaule… Comme l'a fait remarquer Sœur Isabel, visiteuse du Points-Cœur, c'est lorsque nous demandons de l'aide que nous sommes le plus proche de l'Autre : nous ne sommes plus le riche étranger qui arrive avec une solution toute faite et le bonheur clé en main, nous sommes comme tout le monde, nous devons travailler et restons parfois impuissants. Les amis des Amis sont nos amis Toutes les rencontres ne sont pas le fruit du hasard. Les coups de pouciens ont aussi fait la connaissance des amis de Points-Cœur : les Rafi, en particulier Braia, Dimitri, Ludovic et Marco ; c'est une famille tzigane nouée par une longue amitié au Point cœur, et il ne se passait pas beaucoup de jours sans leur visite et leur aide pleine de joie ; Dimitri aura laissé un peu de peau attaché à la chaîne de la tronçonneuse, Braia un des sourires les plus éclatants de l'exposition à la FNAC, et Ludovic des souvenirs de road-movie en Dacia bicolore… Il faut aussi parler de Marie et Jean, les hôtes hongrois des coups de pouciennes de la première année et des coups de pouciens de la seconde ; francophiles et francophones, ils sont représentatifs d'une part très importante de la population de la Roumanie, hongroise de langue et de tradition, roumaine depuis les traités de paix de la première guerre mondiale ; discuter avec eux était passionnant, car on touchait du 31 doigt une des causes des guerres européennes des siècles passés, cette difficulté à faire coïncider nationalité et frontière, et tous les corollaires de cette situation des minorités si délicates à gérer pour un État de droit. La famille Chelariu hébergeait les garçons pour la première mission : imaginez une famille méthodiste de quinze enfants, partageant son existence entre quatre pièces au premier étage d’un bloc de béton et une ferme aux environs de la ville. Ajoutez dans les quatre pièces une grand’mère, et deux pièces libérées pour faire de la place aux Français… Vous aurez une idée de l’hospitalité roumaine. Il faudrait encore évoquer les allers-retours à la nuit tombée, ou le jour à peine levé, la découverte de la ville roumaine qui s’éveille ou s’endort, de ses chiens errants, du sourire de ses enfants et de l’air résigné des Tziganes… Ce chantier nous a dévoilé aussi une parcelle de l'indéfectible soutien d'Attila ; Attila est un entrepreneur roumain, ami de tous les coups durs et de tous les moments heureux pour les générations d'Amies des enfants qui se succèdent à Deva depuis des années. Il aplanit toutes les difficultés matérielles, connaît toutes les astuces pour accélérer l'obtention d'un permis de construire, trouver de la laine de roche, louer un camion de 12 m et son chauffeur, faire l'ambulance… Quelle que soit l'heure, il est disponible et joyeux, il a la force de ceux que rien ne décourage, on peut toujours compter sur lui, protecteur efficace et adorable du Point cœur de Deva. Et les enfants bien sûr… Ils sont la première raison d'être de Points-Cœur, qui les accueille chaque jour et va à leur rencontre. Les enfants furent, tout au long du séjour, des auxiliaires aussi utiles qu’espiègles Le jeu avec les enfants est le moyen privilégié par Points-Cœur pour entrer en contact avec des personnes qui n'ont pas forcément envie d'étaler leur misère devant des yeux étrangers... et il est absolument impossible de ne pas être sincères et vrais dans ce contact, comme ont pu le constater les coups de pouciens partis une après-midi en apostolat dans les anciens kolkhozes ou dans les bidonvilles tziganes. Les conditions de vie et d'hygiène épouvantables n'entament en rien la fierté des hommes et la grâce des femmes, et cette volonté inébranlable de rester dignes. Il est attendrissant de voir comme partout les petites jeunes filles minauder et se pavaner devant les appareils photos, les petits garçons gonfler leurs biceps pour montrer que la plane, pfff, facile pour eux. On ne peut s'empêcher de sourire lorsque les enfants 32 "font le mur" pour entrer chaparder quelques grains de raisin pas mûr sur la vigne sauvage qui court sur la façade de la maison. Impossible de ne pas s'attacher à eux, même si leur trop plein de vie est sans doute épuisant pour les Amies des enfants ! Notre dîner d’adieu Ce dîner s’impose à la fin de chaque mission pour dire à nos hôtes notre gratitude : l’équipe du Point cœur se charge des invitations (plus compréhensibles en roumain qu’en langage des signes), et tous les participants au chantier se retrouvent, quelques jours avant la fin de notre séjour, autour d’un grand feu dressé dans la cour du Point cœur. La tzuika coule à flot, même si la mesure dont font preuve les Français fait l’étonnement des Roumains présents : question d’habitude, sans doute… C'est également l'occasion d'échanger des cadeaux, comme ce morceau de tôle délicatement sculptée de fleurs et de motifs géométriques traditionnels, échantillon de la gouttière que sont en train de créer des Tziganes pour la nouvelle maison. Et les petites filles profitent de la fête pour dénouer les cheveux des coups de pouciennes et leur tresser des nattes savamment nouées à la manière tzigane. En un mot, ces soirées amicales nous ont permis de sentir qu’un chantier de quinze jours pouvait suffire à semer quelques graines d’amitié et de bonne entente. A nous maintenant de les entretenir ou d’en conserver le souvenir lumineux… Jusqu’à la prochaine visite ! Louis accompagne les filles de Point-Cœurs pour un après-midi d'apostolat Deva une belle après-midi d'août. Je laisse momentanément le chantier de notre maison en bois pour partir en apostolat. Il y a le choix : la ville ou le bidonville. Je pars au bidonville avec Lydie, une Amie des enfants. La banlieue variée Nous passons dans les quartiers cossus où les immenses et rutilantes villas avec piscine/tennis ressemblent davantage à des paquebots de luxe qu'à notre maison de rondins. Juste en face, la cité : les cages à lapins d'immeubles vétustes au métal rouillé sortant du béton, le linge pend aux fenêtres, les enfants jouent au ballon dans les flaques entre les carcasses de Dacia défoncées. Nous nous éloignons encore un peu, et là... La petite maison dans la prairie La campagne, l'herbe verte et en haut de la colline, une première cabane, faite comme les suivantes de bois, de contreplaqué et de tôles ondulées. Nous nous approchons. Le chien aboie, se fait taire. Deux enfants jouent aux cartes assis sur un tonneau. Lydie prend des nouvelles auprès de leur mère et lui demande l'autorisation d'aller jouer avec eux et ceux d'une deuxième famille. Avec cet accord nous partons à quatre vers la deuxième famille. 33 Les Misérables En route nous passons devant une maison "en dur" mais constituée d'une unique pièce de trois mètres sur trois dans un état de délabrement effroyable. La porte est ouverte sur le lit où gît une femme, grand-mère de certains enfants, et à ses pieds un homme révulsé, les jambes sur le lit, la tête au sol et les bras en croix. Manifestement il est saoul et cuve en somnolant. La femme a un œil crevé, nous montre sa jambe droite gangrenée en nous parlant de sa misère : elle ne touche plus les allocations et n'a plus de quoi manger. Elle nous désigne ce que j'avais pris pour l'écuelle du chien : une assiette à même le sol de terre battue, remplie de pain et d'eau et nous explique que c'est sa nourriture pour la semaine. La femme me fait un sourire édenté et engage avec moi un discours surréaliste : « -T’es marié avec Lydie ? –Non ! -C’est ta petite amie ? –Non ! -T’as quelque chose contre les Roumaines ? – Non ! –Alors je vais te présenter mes filles pour que tu en épouses une ! » Éclat de rire général et nous prenons congé. L’amitié virile Nous montons un petit chemin et à notre vue les enfants accourent. Nous nous rendons chez eux. Leur mère fait la lessive en tordant du linge dans une bassine. Nous sommes invités à entrer dans la baraque pour voir une scène émouvante : une toute jeune fille de 15 ans donne le sein à son fils né quelques semaines plus tôt. Nous ressortons jouer avec quatre enfants. Un garçon de 10 ans, Piotr, se prend immédiatement d’amitié pour moi : il ne me quitte plus des yeux et dès que je croise son regard, un immense sourire illumine son visage d’une oreille à l’autre. Je sens qu’il me prend pour un homme référent et qu’il m’admire. Il veut tout m’expliquer : le cochon, les oies, le jeu de carte. On fait une partie, mais je ne comprends rien : les cartes ne sont pas les nôtres. Le 2 c’est 2 sacs de blé (jusque là, ça va), le 3 ce sont deux cerises (là ça commence à se gâter), le 4 c’est une pomme etc… Bref, on abat les cartes les unes après les autres et au bout de la première partie Piotr déclare qu’il a perdu et je dois lui donner un gage. Tous les enfants applaudissent. Il déclare que le gage c’est 10 pompes à faire. Il se met en position et fait ses pompes puis vient me montrer ses bras musclés. Je rends mon jugement "frumos !" et tous s’esclaffent. Nous devons partir immédiatement de la cour pour laisser y entrer le cheval efflanqué et sa chariote de foin. En plein verger Les enfants nous emmènent à leur "cabane". Une jeune fille de 13 ans nous explique qu’elle est triste parce que sa copine de 14 ans ne jouera plus avec elle car elle va se marier le samedi suivant. "-Et ça lui fait plaisir de se marier ? -Ah ça non alors !". Nous montons à l’arbre de la cabane et Piotr veut aller avec moi jusqu’à la dernière branche pour me montrer son royaume : un verger de pêchers qui s’étend à perte de vue. Piotr me démontre au passage qu’on est les plus courageux car les filles ne sont pas montées aussi haut. Nous descendons faire une course dans les pêchers en nous tenant la main. Une fille prête ses tongs à son amie pieds nus. Piotr me montre qu’il est le plus rapide. 34 Les jeux d’enfants Photo d'Amaury jouant à l'avion avec les enfants Nous traversons une carrière de granit en nous cachant des ouvriers pour atteindre, de l’autre côté, un sentier menant à une rivière que nous remontons jusqu’à une grotte. Les enfants sont ravis de nous montrer comment ils escaladent jusqu’à une cascade de 4 mètres de chutes. J’arrose Piotr qui n’en revient pas de mon audace et une bataille d’eau s’organise. Ravis et bien trempés, nous redescendons jusqu’à la carrière. Là, Piotr demande à ses deux amies Tziganes de faire "les indiennes". Ayant vu des feuilletons Indiens à l’eau de rose, les jeunes filles qui ressemblent à l’Esméralda de NotreDame de Paris réalisent avec une perfection exceptionnelle une danse du ventre sous nos yeux ébahis et nos applaudissements. Pourquoi jeter la pierre ? Nous continuons notre chemin jusqu’à une mare où nous faisons un concours de ricochets. Piotr nous demande de garder des pierres avec nous car il en faut pour faire fuir les chiens sur le chemin du retour. Ces chiens errants sont dangereux et attaquent les hommes. Les enfants en sont manifestement terrifiés. Je suis donc missionné pour passer avec Piotr en premier. Nous croisons alors un ouvrier de la carrière qui ressort, une faux à l’épaule, de son lopin de terre grand comme une chambre de bonne. Il nous explique que les Tziganes ont empoisonné les six chiens errants. En effet, arrivés devant la maison d’une famille nous sommes obligés de nous tenir le nez pour ne plus respirer, tant l’odeur de puanteur du chien en pourriture est insoutenable. A vomir. Le chien en décomposition est depuis plus d’une semaine sur le bord du chemin, devant la porte d’une maison où vit une famille entière et personne ne se charge de l’emporter plus loin ni de l’enterrer. Nous quittons les enfants dans les éclats de rire sur une "ronde de l’ours". Une expérience de vie Cette après midi d’août 2005, dans le bidonville de Deva, en vivant des instants extrêmement intenses dans le tréfonds de misère humaine et dans la légèreté de la joie innocente des enfants, je crois avoir compris les plus belles grâces de la présence aimante de Points-Cœur à travers la compassion pour les plus pauvres et les jeux des enfants. 35 La balade du WE D'Anne de Prév', notre reporter en direct de Roumanie Samedi 27 août – 18 h. L’heure a sonné où, heureux de quitter le chantier pour une journée afin de découvrir ce pays qui nous accueille, mais aussi tristes de laisser à Deva "Sœur Is’" et nos "Points cœurettes", nous prenons place dans le minicar loué pour l’occasion en direction de Sighisoara. Nous arrivons de nuit dans cette cité médiévale la mieux préservée de Transylvanie. A l’origine fondée par les Romains, la ville s’est développée aux XIIème et XIIIème siècles lorsque les rois de Hongrie (également rois de Transylvanie), font appel aux Saxons pour coloniser une partie de la Transylvanie et en exploiter les richesses minières. C’est aussi dans cette ville qu’habita Vlad Tepes, un célèbre Vovoïde de Valachie, plus connu en occident grâce aux innombrables versions des aventures du Comte Dracula qu’il a inspirées. Nous nous dirigeons vers la citadelle fortifiée, rescapée des folies destructrices de Ceausescu et classée par l’UNESCO, à la recherche d’un restaurant pour goûter aux spécialités locales parfois un peu déroutantes… Après une nuit réparatrice, nous sommes prêts à découvrir, cette fois de jour, la citadelle perchée. Tout d’abord une messe en roumain, une fois n’est pas coutume, nous permet de nous plonger dans des méditations parfois proches de la somnolence. Nous nous perdons ensuite sous un soleil radieux dans des rues pavées bordées de maisons de toutes les couleurs que domine la célèbre Tour de l’horloge. Les œufs peints de la Bucovine. Les oeufs peints sont une tradition très ancienne en Roumanie dans toutes les provinces mais surtout dans le nord du pays, en Bucovine, où les dessins sont particulièrement complexes. La technique est celle de la cire d'abeille. Les œufs utilisés pour la décoration sont le plus souvent les œufs de poule, mais aussi de cane, d'oie ou d'autruche. Beaucoup de ces œufs sont réalisés pour la fête de la Pâque orthodoxe, ils sont exposés dans les églises et les monastères ; chaque maison a son panier d'œufs décorés. Certains d'entre eux sont même vendus, d'autres sont exposés au Musée de l'artisanat de Radauti (Bucovine). Cet artisanat est une tradition qui se perpétue de mère en fille, depuis des générations elles préparent les œufs de Pâques. 36 Une visite de la place du marché nous permet de faire un peu plus ample connaissance avec l’artisanat local et notamment les fameux œufs peints de Roumanie. Nous en profiterons comme il se doit pour rapporter notre trophée de mission, un magnifique œuf. **** Nous repartons alors dans notre car direction Birthan, un petit village situé à une trentaine de kilomètres de Sighisoara. Également classé par l’UNESCO, ce village est l’exemple le plus typique des forteresses érigées au XVIème à l’époque de la réforme Luthérienne pour se défendre de l’avancée ottomane. Ainsi Birthan se compose d’une structure urbaine avec de nombreuses maisons dominées par une église fortifiée qui servait de refuge aux populations menacées. Cette impressionnante église fortifiée est flanquée de quatre tours construites vers 1520 sur les fondations de l’ancienne construction qui date du XVème siècle et entourée de trois épaisses rangées de murs soutenus par de massifs contreforts. Au cœur de la campagne roumaine, nous découvrons la vie paisible et traditionnelle d’un village où les agriculteurs transportent encore leurs bois sur des charrettes tirées par des chevaux, où le laitier distribue le lait dans de grands bidons tirés par un âne, où l’éboueur vide tranquillement ses poubelles dans une grande cuve sur roues… Alors qu’en "centre ville" les maisons en dur avaient l’air assez cossues, à la sortie du village apparaissent de fragiles habitats en torchis. C’est là qu’habitent les Roms, toujours en marge du reste de la population. Leur vie est bien simple (voire très pauvre) dans cette jolie campagne vallonnée, vu les maisons qui les abritent ; mais ça ne les empêche pas de venir nous voir, sûrement étonnés d’apercevoir ces touristes égarés, et de nous ouvrir leur source, de nous donner les pommes de leur jardin, et de nous ramener sur le chemin que nous cherchions pour partir nous dérouiller les jambes à travers prés et bois. 37 **** Notre dernière étape, déjà sur le chemin du retour, est Sibiu, ancienne colonie romaine fondée sur un site néolithique et maintenant chef lieu de district. Cette ville a conservé un caractère pittoresque grâce à son architecture baroque d’influence saxonne. Elle a été désignée à l’unanimité avec Luxembourg par le Conseil des ministres européens de la culture comme capitale européenne de la culture pour 2007. Notre passage éclair à Sibiu, davantage pour nous restaurer que pour apaiser notre soif de culture (!) s’est soldé par une course folle dans les rues inondées de la ville, chassés par des pluies diluviennes de la terrasse du restaurant où nous avions trouvé notre bonheur. C’est donc trempés mais heureux que nous reprenons la route de Deva, ravis de retrouver le Point cœur et ses habitants et de reprendre le chantier, la tête pleine de beaux souvenirs ! 38 Budget Le budget de la mission est décomposé en deux : - Le budget « chantier », financé par Coup de Pouce. Le budget « frais de vie », entièrement financé par les volontaires. Il comprend le voyage (billets d’avion, train), les frais de vie sur place (nourriture essentiellement ; le logement étant assuré par des amis du point cœur) et le week-end passé sur place. Lors de la première mission, le budget « chantier » (3000 €) avait permis de couler la dalle de béton, d’acquérir le bois et de monter les huit premiers tours de rondins (pour treize tours au total jusqu’à la panne sablière). Le budget accordé par Coup de Pouce pour la seconde mission (1500 €) a permis d’acheter : - le nécessaire pour le toit : bardage, isolation et planches de soutien des tuiles, les outils et consommables pour le chantier : essence pour les tronçonneuses, huile de chaîne, chevilles, sangles à cliquet, vérin…) les portes & fenêtres Le financement des tuiles a été réalisé par Point Cœur (800 €). Frais de vie sur place 44% Toiture 17% Huisseries 10% Tuiles 19% Divers Chantier 10% Part volontaire 44% Financem ent CPH 37% Financ. Point Cœur 19% Au total, le chantier – dalle de béton, murs, toit (y/c isolation et tuiles), portes et fenêtres – se chiffre à 5300 € pour les deux missions confondues. Point Cœur financera entièrement la suite du projet. 39 L’association "Coup de pouce" Coup de pouce choisit des acteurs du développement, partenaires de confiance pour notre association, qui mènent des actions de terrain de long terme. Coup de pouce leur propose de recevoir une aide ponctuelle en organisant des missions de volontaires, qui viennent contribuer à la réalisation de leurs projets. Ces projets concernent de nombreux domaines comme la santé, l’éducation ou le social. L’association "Coup de pouce humanitaire" rassemble des volontaires qui partent aider des projets de développement dans le monde entier Les missions rassemblent de 8 à 12 volontaires et durent 15 jours. Il s’agit avant tout d’une aide physique dans les différents travaux qui impliquent au maximum les populations locales : construction d’écoles, rénovation de dispensaires, formations pédagogiques, installation de réseaux d’ordinateurs, etc. C’est pour les volontaires une belle occasion de donner de leur temps pour vivre une aventure humaine utile. Depuis 5 ans, 19 coups succès dans différents Sud, en Europe et en volontaires sont déjà différentes missions ! de pouce ont été menés avec pays d’Afrique, d’Amérique du Inde. Au total, près de 130 partis et repartis dans les Les actions humanitaires sont très nombreuses de par le monde. Qu’elles soient menées par les plus grandes ONG ou par des acteurs locaux indépendants, toutes sont signe d’espérance. Nombreux sont les volontaires, jeunes ou moins jeunes, qui souhaitent "faire de l’humanitaire" , mais ne peuvent y consacrer que le temps de leurs vacances et non plusieurs années comme "l’humanitaire" l’exige aujourd’hui. Coup de pouce humanitaire propose de canaliser ces forces vives pour leur permettre de soutenir ponctuellement des actions de développement de long terme. De nombreux projets sont en cours de préparation, dont 4 nouveaux projets cet hiver au Brésil, à Madagascar et au Burkina. Coup de pouce Humanitaire est une association à but non lucratif régie selon la loi de juillet 1901. Le bureau est composé de : Gonzague de Pirey (Président), Arnaud Schwebel (Trésorier) et de Maxime Renaudin (Secrétaire). www.cdepouce.com 40 Billet d'humeur Il est des années qui se terminent sans que l’on ait le sentiment d’avoir grandi d’un seul centimètre en humanité. Parfois, pourtant, en un seul jour, on est saisi de l’impression que le mystère de l’humanité, sa beauté, se dévoilent à nos yeux. C’est le souvenir que je garde de cette quinzaine à Deva. Grâce à Coup de Pouce. Grâce à Points-Cœur. Grâce à la Roumanie et aux Roumains. Grâce à Dieu. Le projet ne manquait pas d’ambition : construire une maison en rondins de bois, ou fuste, en quinze jours. Le très faible nombre d’artisans fustiers en France (un quinzaine) atteste que cette technique de construction ne s’improvise pas. Pourtant, il en faut davantage pour faire fléchir Coup de Pouce. On se rappelle de notre chef de mission, au cours du long trajet en train vers Deva, discourant inlassablement, comme à son habitude, des mille et un détails techniques qu’il faudrait avoir à l’esprit, et nous faisant part de ses questionnements concernant le type de charpente à choisir, la qualité des tuiles et la forme des gouttières. Finalement, les murs de notre maison ne furent même pas achevés ! Semi-échec me dites-vous ? Mais vous n’avez donc rien compris ? Laissezmoi vous expliquer… Chaque jour à Deva, nous vivons plusieurs journées. Journées d’action, passées à éplucher l’écorce d’interminables troncs, à tailler le bois avec une précision de chirurgien, à déplacer des fûts d’une demi tonne, jamais à la bonne place, à débattre sur telle ou telle question architecturale. Journée de rencontres, aussi. Avec les familles roumaines, qui nous accueillent chez elles, malgré l’extrême exiguïté de leur domicile. Avec les filles du Point cœur, qui témoignent de la puissance de l'amitié dans leur quotidien. Avec tous leur amis venus nous aider sur le chantier. Une fois de plus se renouvelle le constat que c’est souvent chez le plus pauvre que l’on trouve le plus de générosité et de simplicité. "Nos amis les plus pauvres ne sont pas ceux qui s’interrogent sur la raison de notre présence parmi eux" nous confie une fille du Point cœur, "elle leur est naturelle. Nous sommes là pour eux, pour être avec eux, dans la simplicité". A Deva, nous apprenons à profiter de l’instant présent, chose que le parisien pressé ne sait plus faire. Sinon, quelle monotonie ! C’est ainsi que l’on vit au Point cœur. Et puis, bien sûr les rencontres au sein de notre groupe, où nous découvrons avec émerveillement les talents des uns et des autres. Pour autant, le chantier lui-même fut tout sauf un simple prétexte, ou une activité périphérique négligeable : c’est avec la fierté des grands bâtisseurs que nous avons vu notre maison s’élever peu à peu, à mesure que nous résolvions d’innombrables difficultés techniques. Au bilan nous laissons un chantier dont l’inachèvement n’est là que pour nous donner l’occasion de revenir poursuivre cette aventure, humaine avant tout. En avant pour les inscriptions ! Il n’y aura pas de place pour tout le monde ! 41
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Construire une maison en bois pour Points-Cœur
Août/septembre 2005
Association Coup de pouce humanitaire