DE CUIR ET DE SOIE
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DE CUIR ET DE SOIE
anne glauser DE CUIR ET DE SOIE DANS UN PETIT VILLAGE AU-DESSUS DE MORGES ET DES VIGNES DE LA CÔTE VAUDOISE, LOIN DES GRANDES VILLES EUROPÉENNES OÙ ELLE S’EST FORMÉE, ANNE GLAUSER PROFITE DU CALME DE SON COCON CAMPAGNARD POUR « COUPER, ASSEMBLER, CRÉER DE LA LÉGÈRETÉ, MONTRER UN PEU DE NUDITÉ, JOUER LA SENSUALITÉ, EN OPPOSITION À LA RIGUEUR ET À LA SOLIDITÉ, DANS UN ESPRIT TOUJOURS ÉQUILIBRÉ ». Par Mélanie Marullaz - Photos : Blaise Glauser Anne Glauser 128 septembre 16 st-ce le fait de sa voix claire, de son petit nez retroussé ou de sa frange mutine ? A 33 ans, Anne Glauser garde un air enfantin. Ses créations, elles, sont pourtant très affirmées, très « femme ». “J’aime bien casser les codes, porter une robe de soirée avec des Doc Marten’s, faire contraster le dur et le doux, ou marier, sur une pièce, un côté très fermé avec un dos plus dénudé.” Sa marque de fabrique, le fil rouge de ses collections, c’est le cuir, allié à la soie pour des robes de soirée, ou vieilli, velouté, en perfecto. Comme une revendication de sa formation italienne. anne glauser VOIR MILAN ET S’OUVRIR Après l’école de couture de Lausanne et une Matu artistique à Vevey, la jeune Anne se cherche. Elle suivrait bien sa compatriote Agnès Boudry, de Collection 66, au Studio Berçot, à Paris - qui a également vu passer, entre autres, Isabel Marant, Stella Cadente ou Lolita Lempicka. Mais l’école est chère pour elle qui préférerait économiser afin de voyager. Alors elle enchaîne les petits boulots, vente, boulangerie, dog - ou baby-sitting. Jusqu’au jour où elle reçoit un message, “dont l’origine m’est, aujourd’hui encore, inconnue…” présentant l’Istituto Marangoni à Milan. Signe du destin ? Son book sous le bras, elle part pour la tumultueuse capitale de la mode. “Je ne me suis jamais sentie aussi perdue de toute ma vie qu’en arrivant à Milan, se rappelle-t-elle. Je ne parlais pas Italien, c’était loin de chez moi et très cher, mais j’ai tout de suite su que c’était là que je voulais apprendre.” Au sein de l’Istituto, la sélection est sévère, près de 50% des étudiants sont éliminés au bout de la 1ère année, et l’écrémage se poursuit ensuite avec âpreté. Mais, avec l’aide de son dictionnaire, Anne s’accroche. “Ça a été trois années très dures. J’étais hyper concentrée, je traduisais tous les cours… mais l’école nous donnait de la visibilité, régulièrement, Dolce et Gabbana ou Armani venaient piocher dans le contingent de jeunes talents.” A l’examen final, à l’occasion d’un défilé dans le Teatro Versace, Anne présente trois tenues et se fait repérer par la marque italienne Ring. Elle y décroche un contrat « collections » de 2 ans. “On était deux et on touchait à tout, collections hommes ou femmes, choix des matières, accessoires, contacts avec les fournisseurs… on partait du cintre et on allait jusqu’à l’habit fini, c’était très formateur et ça m’a permis de me dire que je pouvais me lancer.” À COUP DE TALONS Anne rentre de Milan en 2008, mais il lui faudra encore 5 ans de rencontres infructueuses, détours et déconvenues avant de lancer sa marque. Le déclic se fait grâce au concours jeunes créateurs « Talons Aiguilles », organisé par l’association étudiante de mode de l’EDHEC (Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Roubaix). Elle s’y présente sans trop y croire mais remporte une formation à la fédération française du prêt-à-porter, ce qui la décide définitivement à se mettre à son compte. Aujourd’hui, elle cumule encore petits boulots alimentaires et création, mais aime cet équilibre, sans pression. Elle gère aux aurores les contacts avec Shanghaï, où un atelier allemand s’occupe de sa production : “Le made in Suisse est quasiment impossible, il faudrait faire du luxe ; et là, j’ai trouvé un atelier qui accepte de faire de petites quantités, moins de 10 pièces, ce qui serait impossible en Europe. Dans l’idéal, je voudrais que ce que je crée se vende bien, mais je ne rêve pas de grosses commandes, car je ne pourrais pas les assumer.” Une modestie sur laquelle on peut difficilement gl(au)ser… + d’infos : www.anneglauser.ch 130 septembre 16