DE CUIR ET DE SOIE

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DE CUIR ET DE SOIE
anne glauser
DE
CUIR
ET DE
SOIE
DANS UN PETIT VILLAGE AU-DESSUS DE MORGES ET DES VIGNES DE LA CÔTE VAUDOISE, LOIN
DES GRANDES VILLES EUROPÉENNES OÙ ELLE S’EST FORMÉE, ANNE GLAUSER PROFITE DU
CALME DE SON COCON CAMPAGNARD POUR « COUPER, ASSEMBLER, CRÉER DE LA LÉGÈRETÉ,
MONTRER UN PEU DE NUDITÉ, JOUER LA SENSUALITÉ, EN OPPOSITION À LA RIGUEUR ET À LA
SOLIDITÉ, DANS UN ESPRIT TOUJOURS ÉQUILIBRÉ ».
Par Mélanie Marullaz - Photos : Blaise Glauser
Anne
Glauser
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st-ce le fait de sa voix claire, de son petit nez retroussé ou
de sa frange mutine ? A 33 ans, Anne Glauser garde un air
enfantin. Ses créations, elles, sont pourtant très affirmées,
très « femme ». “J’aime bien casser les codes, porter une robe de soirée
avec des Doc Marten’s, faire contraster le dur et le doux, ou marier,
sur une pièce, un côté très fermé avec un dos plus dénudé.” Sa marque
de fabrique, le fil rouge de ses collections, c’est le cuir, allié à la soie
pour des robes de soirée, ou vieilli, velouté, en perfecto. Comme une
revendication de sa formation italienne.
anne glauser
VOIR MILAN ET S’OUVRIR
Après l’école de couture de Lausanne et une Matu artistique à Vevey, la
jeune Anne se cherche. Elle suivrait bien sa compatriote Agnès Boudry,
de Collection 66, au Studio Berçot, à Paris - qui a également vu passer,
entre autres, Isabel Marant, Stella Cadente ou Lolita Lempicka. Mais
l’école est chère pour elle qui préférerait économiser afin de voyager.
Alors elle enchaîne les petits boulots, vente, boulangerie, dog - ou
baby-sitting. Jusqu’au jour où elle reçoit un message, “dont l’origine
m’est, aujourd’hui encore, inconnue…” présentant l’Istituto Marangoni
à Milan. Signe du destin ? Son book sous le bras, elle part pour la
tumultueuse capitale de la mode. “Je ne me suis jamais sentie aussi
perdue de toute ma vie qu’en arrivant à Milan, se rappelle-t-elle. Je ne
parlais pas Italien, c’était loin de chez moi et très cher, mais j’ai tout de
suite su que c’était là que je voulais apprendre.” Au sein de l’Istituto, la
sélection est sévère, près de 50% des étudiants sont éliminés au bout
de la 1ère année, et l’écrémage se poursuit ensuite avec âpreté. Mais,
avec l’aide de son dictionnaire, Anne s’accroche. “Ça a été trois années
très dures. J’étais hyper concentrée, je traduisais tous les cours… mais
l’école nous donnait de la visibilité, régulièrement, Dolce et Gabbana
ou Armani venaient piocher dans le contingent de jeunes talents.” A
l’examen final, à l’occasion d’un défilé dans le Teatro Versace, Anne
présente trois tenues et se fait repérer par la marque italienne Ring.
Elle y décroche un contrat « collections » de 2 ans. “On était deux et
on touchait à tout, collections hommes ou femmes, choix des matières,
accessoires, contacts avec les fournisseurs… on partait du cintre et on
allait jusqu’à l’habit fini, c’était très formateur et ça m’a permis de me
dire que je pouvais me lancer.”
À COUP DE TALONS
Anne rentre de Milan en 2008, mais il lui faudra encore 5 ans de
rencontres infructueuses, détours et déconvenues avant de lancer
sa marque. Le déclic se fait grâce au concours jeunes créateurs
« Talons Aiguilles », organisé par l’association étudiante de mode de
l’EDHEC (Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Roubaix). Elle
s’y présente sans trop y croire mais remporte une formation à la
fédération française du prêt-à-porter, ce qui la décide définitivement
à se mettre à son compte. Aujourd’hui, elle cumule encore petits
boulots alimentaires et création, mais aime cet équilibre, sans
pression. Elle gère aux aurores les contacts avec Shanghaï, où un
atelier allemand s’occupe de sa production : “Le made in Suisse est
quasiment impossible, il faudrait faire du luxe ; et là, j’ai trouvé un
atelier qui accepte de faire de petites quantités, moins de 10 pièces,
ce qui serait impossible en Europe. Dans l’idéal, je voudrais que ce que
je crée se vende bien, mais je ne rêve pas de grosses commandes, car
je ne pourrais pas les assumer.” Une modestie sur laquelle on peut
difficilement gl(au)ser… + d’infos : www.anneglauser.ch
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