nosferatu - Théâtre des Marionnettes de Genève
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nosferatu - Théâtre des Marionnettes de Genève
Théâtre des Marionnettes de Genève Dossier presse – saison 2012 - 2013 NOSFERATU Un spectacle du Bob Théâtre Rennes (F) en coproduction avec le Théâtre Lillico Rennes (F) Du 28 NOVEMBRE au 9 DÉCEMBRE 2012 Adaptation, mise en scène et interprétation : Denis Athimon et Julien Mellano Musique : Olivier Mellano Lumière : Alexandre Musset Théâtre des Marionnettes de Genève 3 Rue Rodo | 1205 Genève Réservations : 022 807 31 07 ou www.marionnettes.ch ~ 60 minutes Adultes, ados 1 Le spectacle 1. L’histoire Deux croque-morts, Hermann et Ulrich sont attablés, la mine réjouie : La peste sévit en Europe, les affaires sont florissantes, tant « l’hécatombe creuse les tombes ». En se curant les dents, les deux compères racontent les aventures de Hutter - le jeune clerc de notaire du Nosferatu de Murnau. Noir. Et lumière : c´est le début de la narration, une débauche d´ampoules électriques campe les personnages pour retracer une histoire terrifiante. Revenons en arrière, à une époque sombre et austère. En 1838, Hutter, un jeune clerc de notaire, quitte sa petite Nosferatu. Photo du spectacle ville bourgeoise de Viborg, port tranquille, en y laissant sa jeune épouse, Ellen, pour aller conclure une vente avec un châtelain des Carpates. Sur son chemin s’accumulent rencontres menaçantes et mauvais présages. En Transylvanie « un endroit sombre, mystérieux et séduisant tout à la fois », il parvient tard dans la soirée au château où l’accueille le comte Orlock qui semble être le croisement d’une chauve-souris et d’une gousse d’ail. Après, ça se gâte. Les initiateurs du spectacle décliné en chapitres se sont tout d’abord laissés aller à l’envie simple de raconter une histoire horrible, à l’envie d’une rencontre sur le plateau, à l’envie de partager des méthodes de travail et des partis pris, à l’envie d’être un peu méchant, à l’envie de ne pas trop faire de concessions pour un public préjugé – à lui faire confiance. Epidémie, mort, pompes funèbres : le spectacle emprunte son énergie à ses prédécesseurs. Les inspirations proviennent ainsi d’un peu partout. Des côtés désuets du film "Nosferatu" de Murnau, de l’émotion du roman "Dracula" de Bram Stoker, de la classe de Bela Lugosi, de la vivacité du Dracula de Coppola, de l’ambiance pesante et de la fin tragique du "Nosferatu" d’Herzog et enfin, de l’étrangeté du "Vampyr" de Dreyer. Le tout dans le cadre particulier du théâtre d’objet, en s’attachant à conserver une proximité avec le public pour que les sensations circulent. On Cris dans le noir, lumière diaphane qui dévoile plus qu’elle ne montre… Les personnages euxmêmes sont fabriqués à partir d’ampoules électriques, la lueur vacillante qui les habite trahit leurs émotions dans l’aventure terrifiante qu’ils sont condamnés à vivre. Quand ils y survivent. Le Bob Théâtre a déjà présenté avec bonheur au Théâtre des Marionnettes de Genève, "Princesse K" et "Démiurges" notamment avant d’y créer "James Bond… Fin de série" en janvier 2013. 2 2. L’envie de raconter Dracula, ce vampire qui refuse de mourir renaît chaque fois de ses cendres. Que pensez-vous avoir apporté à la figure de Nosferatu avec votre version qui fut nominée aux Molières ? Denis Athimon : Nous avons tenté d’y insuffler distance décalée et dérision amusée. Dans sa comédie horrifique emplie d’une atmosphère gothique et envoûtante, Le Bal des vampires, Roman Polanski a exploré cette veine de parodie irrésistible des films d’épouvante. Le dénouement du film et son refus du happy end ouvrent l'histoire vers une captivante et terrifiante perspective de voir le monde dominé par les buveurs de sang. Preuve que le film n'est pas qu'une simple comédie, mais aussi et avant tout un hommage appuyé à tout un pan du cinéma fantastique. Nosferatu. Photo du spectacle Le Bob Théâtre a picoré dans chacun des univers cinéma découvert. De la vivacité de Francis Ford Coppola aux éclairages de Murnau en passant par l’étrangeté de Klaus Kinski dans le rôle-titre de Dracula pour Nosferatu, fantôme de la nuit signé Werner Herzog. D’où un mixte de ce qui nous plaisait dans chacun de ces films et de tant d’autres, dans l’espoir de réussir à faire prendre notre sauce en ménageant beaucoup de recul et en riant de nos personnages de préposés à la mort. Avec Julien Mellano, vous interprétez deux croque-morts nécrophiles. Comment vous sont venus ces personnages échangeant des propos de table, sortant d’un repas ? Ces deux narrateurs ont surgi au terme de l’écriture du scénario. Une épidémie de peste a dévasté l’Europe au 19e siècle, suscitant une hécatombe mortelle que l’histoire lie avec l’arrivée du vampire sur sol continental. C’est clairement signifié dans le film de Murnau. Qui s’occupe dès lors le plus intimement des défunts si ce n’est la figure du croque-mort ? C’est moins d’ailleurs ici un clin d’œil à la série culte Six Feet Under, qu’une manière de travailler à partir de ces fonctionnaires de la mort et de l’ensevelissement. La surprise vient du fait de pouvoir raconter une histoire de vampire à l’aide d’ampoules. Cet objet symbolise la vie diurne et l’empire nocturne. La prise électrique, elle, fait deux incisives idéales pour l’aspect prédateur de la créature avide d’énergie vitale. 3 Et pour ce qui est du clerc de notaire se rendant en Transylvanie ? La pièce est ici relativement fidèle au roman de Bram Stoker en se basant sur ce personnage se rendant dans l’Est Européen pour y conclure une affaire immobilière. Le traitement de son périple truffé de périls est ici essentiel. En se souvenant de cet épisode du voyage génialement traité dans le film de Murnau, on voulait que cette dimension apparaisse. La question était : comment réaliser un travelling cinéma sur un plateau de théâtre. D’où l’astuce proposée dans Nosferatu. Nosferatu. Photo du spectacle Si le spectacle peut donner l’impression, par instants, d’un film d’animation qui se réalise en direct, le traitement est voulu proche du cinéma, y compris dans l’écriture du story board avec champs et contre-champs. Le passage à des pièces successives d’un plan à l’autre est tissé de transitions qui rythment une mise en scène voulue vive et rapide. Vous explorez la peur sur différents plans en instaurant un climat par le son de vos voix déformées. A deux comédiens manipulateurs, nous interprétons l’ensemble du casting. C’est par l’ambiance sonore, ciselée comme dans l’univers fantastique par Olivier Mellano, que la dimension anxiogène se renforce. Ce créateur sonore était présent avec nous sur le plateau tout au long de la création, permettant ainsi un rapport quasi organique entre l’action jouée ou suggérée et sa traduction en musiques et bruitages, au gré de toute une palette sonore. 3. Inspirations cinématographiques Les sources s’affirment parmi quelques perles filmiques. Ainsi l’expressionniste Nosferatu de Murnau, la cruauté romantique et véloce du Dracula de Coppola, l’étrangeté apocalyptique du Nosferatu signé ’Herzog et enfin, l’onirisme tourmenté qui imprègne le Vampyr de Dreyer. Tour d’horizon. Nosferatu de Murnau, un film expressionniste Film aux multiples aspects, Nosferatu, une symphonie de la terreur (1921) est un poème métaphysique dans lequel les forces de la mort ont vocation - une vocation inexorable - d'attirer à elles, d'aspirer d'absorber les forces de vie, sans que n'intervienne dans la description de cette lutte aucun manichéisme moralisant. La mort se nourrit de la mort et le sacrifice d'Ellen est nécessaire pour que le non-mort puisse mourir à son tour, car il faut qu'il meure pour que l'équilibre de l'univers soit préservé. 4 Sur le plan formel, la part la plus originale du film est ce par quoi il s'éloigne de l'expressionnisme et le dépasse. D'abord il y a l'importance donnée à la nature qui sera bannie du credo expressionniste. L'intrigue de Nosferatu baigne au contraire dans une variété saisissante d'extérieurs réels qui en accroît la portée et le romantisme magique. Ces extérieurs sont souvent filmés avec une utilisation extraordinaire de la profondeur de champ. Ensuite Murnau se livre ici totalement à son goût de la polyphonie et du contrepoint, autant sur le plan dramatique que cosmique. Ainsi par exemple, les séquences du voyage de retour de Hutter évoluent sur quatre plans parallèles. Attente d'Ellen, folie de Knock, progression de Hutter vers la ville, progression du bateau envahi par la peste. Tout au long du récit, le film abonde en métaphores, en digressions (qui n'ont rien d'accessoires) mettant en cause les différents règnes : végétal, animal, humain et, pourrait-on dire, surhumain. Les cours du professeur Bulwer (alias le professeur Van Helsing) sur la plante carnivore et sur le polype translucide, l'araignée que contemple Knock (appelé Renfield dans le roman de Stoker), la hyène et les chevaux affolés à la veille de la Saint-Georges scandent ponctuent, émaillent la trajectoire sanglante du vampire. Cette présence de la nature et cette polyphonie témoignent dès Nosferatu d'une conception du cinéma comme art total qui ne cessera de s'amplifier à travers toute l'œuvre de Murnau. Les poètes surréalistes en ont fait leur film culte. Jacques Lourcelles Nosferatu, fantôme de la nuit signé Herzog : la force du Mal Le film s'envisage clairement comme un remake de l'original tout en le parsemant d'éléments qui en font un film beaucoup plus pessimiste et cynique. Une phrase de Herzog est suffisamment éloquente : « Nous n'avons pas de pères mais que des grandspères ». En effet, la fidélité de Herzog envers Murnau est là, présente. Mais une différence fondamentale les dissocie : Murnau était un enfant de l'Empire Bismarckien finissant dont l'éclosion artistique surviendrait en pleine République de Weimar. Herzog met en boîte des plans où l'humanité est noyée dans l'immensité minérale des Carpates, en ayant bien en tête les chefs-d'œuvre picturaux de Caspar David Friedrich. Cependant, Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) est indubitablement la réappropriation d'un film insurpassable par un cinéaste allemand hanté par l'héritage du nazisme. Film elliptique et contemplatif, Nosferatu… prend une dimension historico-analytique dans le miroir déformant qu'il engendre avec Murnau. L'optimisme presque cathartique de Nosferatu. Photo du spectacle l'Avant-garde allemande au lendemain de la Grande Guerre face à l'alarmisme désabusé d'un Herzog reflétant la culpabilité d'une nation enfoncée dans les tréfonds de la décadence nazie il n'y a pas si longtemps. Ce sentiment latent se manifeste dans la mise en scène de Herzog par un côté volontiers surnuméraire des éléments maléfiques, notamment dans l'invasion de rats porteurs de la peste (brune ?) donnant lieu à des scènes d'apocalypse glaçante non pas par leurs effets horrifiques mais par leur froideur confinant à la 5 fin de tout. A ce titre, la représentation du comte Dracula par Klaus Kinski s'avère plus nuancée. Prédateur cadavérique chez Murnau, il apparait ici comme une incarnation du Mal sur la fin, victime de son état. De la même manière, l'ombre du vampire, expressionniste et puissante chez Murnau, s'avère être à la fois l'extension du Diable et la manifestation d'une souffrance ici quand Dracula cherche à posséder plus que le sang de Lucy Harker. Quitte à en oublier les rayons perçants du jour. Sauf que Murnau, en pionnier animé par un sentiment cinématographique de pureté, espérait de toutes ses forces que le Mal soit vaincu une bonne fois pour toutes. L'Histoire a rappelé à Herzog qu'il ne demande qu'à ressurgir. Plus fort que jamais. Jacques Lourcelles Vampyr ou l’étrange aventure de David Gray de Dreyer, dire l’indicible L'approche poétique du surnaturel choisie est loin de l'expressionnisme allemand ou du fantastique gothique qui sera celui de la Hammer. Dreyer et son directeur de la photographie Rodolf Maté souhaitaient une image très contrastée pour souligner, dans la dialectique ombre contre lumière, la lutte entre les forces du bien et du mal. De retour du laboratoire, ils eurent la mauvaise surprise de visionner une image surexposée et voilée. Ils décidèrent de garder cette lumière diffuse qui renforce l'atmosphère d'irréalité du film. Dreyer excelle là dans la capacité à filmer l'invisible. A l'image du héros, David Gray, qui traverse le film (1931) dans un état ahuri, l’opus se situe dans la zone incertaine du demi-sommeil, celle du rêve ou plutôt un cauchemar dans lequel vient s'égarer un voyageur imprudent et distrait. Les audaces visuelles sont nombreuses. Dans la scène d'enterrement, le point de vue est celui de David Gray, allongé dans son cercueil et qui voit défiler en contre plongée, par l'ouverture vitrée, le paysage extérieur qui mène au cimetière. Les jeux avec les ombres vont jusqu'à celles des farfadets qui dansent sur l'herbe. La caméra, toujours en mouvement, dessine des cadres toujours très précis et travaillés. Patrick Zeyen Dracula de Coppola, un amour au-delà de la mort Le sang c’est la vie. Dans son œuvre, Dracula, Francis Ford Coppola adapte le roman éponyme de Bram Stoker. Sensationnel et intemporel, Dracula est un classique du cinéma. Année 1462 : la chute de Constantinople. Les turcs musulmans envahirent l’Europe et s’attaquèrent à la Roumanie. La chrétienté était menacée. Mais en Transylvanie, un chevalier de l’ordre du Dragon, nommé Dracula, remporta la bataille. Le croyant mort à cause d’un message des turcs, sa femme, Elisabeta, se suicida en se jetant dans le fleuve. La loi de Dieu est irrévocable : l’âme d’Elisabeta ne peut pas être sauvée puisqu’elle a mis fin à ses jours en se suicidant, Elisabeta est désormais damnée. Dracula qui se sentit dupé d’avoir servi Dieu pour rien se mit à renier Dieu et son Église. Il but le sang sacré. Le sang est la vie, il en fera sienne pour venger la damnation d’Elisabeta dans les ténèbres. Ainsi naquit la malédiction du vampire. 1897. Jonathan Harker, jeune notaire anglais, rejoint Dracula, qui veut acheter le site de l'Abbaye de Fairfax, à Londres. Il remplacera son prédécesseur, Renfield, revenu fou et enfermé maintenant dans 6 l'asile du docteur Seward. Harker quitte donc sa promise, la douce Mina. Il est effrayé par le comte et ses réactions imprévisibles. Quand ce dernier aperçoit un portrait de Mina, il reconnaît en elle son Elisabeta et n'a plus qu'une idée, la rejoindre. Il retient Jonathan prisonnier, part avec ses fidèles Bohémiens pour Londres, où il commence à étendre son pouvoir. Sa première victime est Lucy, l'amie de Mina. Puis il se présente, sous des traits rajeunis, à la fiancée de Jonathan, séduite par cet être tourmenté, même si elle garde son amour pour celui qui est toujours loin, livré aux compagnes de Dracula. La maladie de Lucy empire. Ses proches font appel au fameux professeur Van Helsing, pittoresque savant chasseur de vampires. La chasse commence, et Lucy y perdra la vie. Mais l'amour de Dracula pour Mina est tel qu'il refuse la jeune femme. Menacé par Van Helsing et ceux qui veulent le détruire dont Jonathan, revenu à Londres - le comte repart vers son pays. Après une course-poursuite à travers l'Europe, Dracula est détruit, non par ses ennemis, mais par Mina qui, ultime preuve d'amour, le délivre en lui enfonçant un pieu dans le cœur et en lui coupant la tête. C’est avec brio que Coppola mène tout le déroulement, du début à la fin. Sa palette d’acteurs a apporté la vie à son adaptation. Les effets spéciaux sont simples mais ont contribué à accentuer la touche d’étrangeté à son œuvre, le tout en harmonie avec une musique pesante juste comme il faut. De quoi bien vieillir éternellement. L’introduction, expliquant l’origine de la damnation de Dracula, innove par rapport au livre original. 4. Une légende marionnettique On l’aura compris, cette légende truffée de mystères et d’effets surnaturels raisonne avec les qualités propres à la marionnette. Une marionnette posée par terre est la plus apte à jouer la mort, à plus forte raison quand elle est dans une boîte. Cela n’enlève pas la possibilité d’une résurrection potentielle : une marionnette n’est ni vivante, ni morte. Aspire-t-elle un peu de l’énergie du marionnettiste pour prendre vie ? Ou est-ce le marionnettiste qui en dépense beaucoup pour donner l’illusion ? Les éclairages savamment dosés – comme l’étaient ceux du film de Murnau, source d’inspiration de la pièce – contribuent à faire régner l’atmosphère tendue. Cris dans le noir, lumière diaphane qui dévoile plus qu’elle ne montre. Une marionnette n’est ni vivante ni morte. Les personnages eux-mêmes sont fabriqués à partir d’ampoules électriques, la lueur vacillante qui les habite trahit leurs émotions dans l’aventure terrifiante qu’ils sont condamnés à vivre. Quand ils y survivent. Bien entendu, raconter une histoire d’épouvante quand on veut s’adresser aussi à un jeune public n’est pas innocent. En cette période d’insécurité – paraît-il – le Bob Théâtre s’applique donc à dédramatiser l’affaire. Ce qui ne signifie pas que « tout finira bien et qu’ils auront beaucoup d’enfants ». Parce que des fois, quand même, il n’y a pas de quoi rire. 7 5. Bram Stoker, la plume de Dracula Le 20 avril 1912 mourait, à l’âge de 64 ans, Bram Stoker. D’abord enfant maladif devant garder la chambre une grande partie de ses jeunes années, cet écrivain irlandais est devenu mondialement célèbre suite à la sortie en 1897 d’un roman renouvelant le mythe du vampire. Dracula est publié pourtant dans l’indifférence de la critique. Mais Oscar Wilde (Le Portrait de Dorian Gray) affirme avec aplomb que Dracula est le plus grand roman du siècle. Nul doute que la bibliothèque de Stoker se composait d’ouvrages qui ont, sans doute, conditionné l’histoire du comte sanguinaire tels Carmilla de Sheridan, Frankenstein de Mary Shelley ou The Vampyre de John Polidori à qui est attribuée la paternité du vampirisme. En 1876, Bram Stoker fait la connaissance d’un acteur célèbre, Sir Henry Irving, surnommé « l’homme vampire » qui lui inspirera le physique de Dracula. Stoker travaille dix ans sur son œuvre majeure, s’inspirant notamment de l’histoire réelle de Vlad Tepes, Vlad l’empaleur, Nosferatu. Photo du spectacle l’un des personnages les plus sanglants de l’histoire roumaine. S’intéressant par le menu à la géographie et à la topographie de la Transylvanie, Il accumule la documentation la plus précise sur nombre de légendes, dont l’histoire d’un chevalier extrêmement cruel et violent, surnommé Drakul. Il a tout son temps depuis que son théâtre a brûlé et fermée pour cause de difficultés financières. Selon Matei Cazacu, auteur d’un ouvrage de référence sur Dracula, Bram Stoker se serait largement inspiré du roman de Marie Nizet, Le Capitaine Vampire, sorti en 1879. Mais même s’il y a eu plagiat, c’est bien la plume de Stoker qui permit à Dracula de devenir ce vampire qui, de nos jours, hante encore l’inconscient collectif. 6. Eternel Dracula La puissance du vampire tient à ce que personne ne croit en son existence. Bram Stoker, Dracula La première décennie des années 2000 aura connu, après le premier centenaire de la publication du roman de Bram Stoker (1847-1912), Dracula, en 1997, un intérêt croissant pour le prince des ténèbres et autres vampires. Ainsi le succès international du film de Catherine Hardwicke, Twilight-Fascination, tiré du roman best-seller de Stephenie Meyer et ses suites ; l’attribution du grand prix du Festival du film fantastique de Gérardmer au film de vampires Morse, du Suédois Tomas Alferdson ; le succès des séries télévisées True Blood et Moonlight… La deuxième décennie s’ouvre donc sous les meilleurs auspices pour les passionnés de vampires. 8 Mais, justement revenons à l’origine de cet engouement pour les vampires, retournons à l’œuvre matrice de toutes les autres, le personnage central de cette folie vampirique qui déferle sur la planète, à intervalles plus ou moins réguliers, depuis 1897, date de la parution de cette véritable « bible » vampire, l’ouvrage de la littérature fantastique du 19e siècle : Dracula de Bram Stoker. Il y a toujours une nouvelle actualité sur le thème récurrent des vampires et en particulier de Dracula. On n’en finit jamais avec les mythes, et surtout pas avec celui-ci ! La preuve en est que plus de cinq cent films ont été tournés d’après cette terrible histoire de vampire, depuis le Nosferatu muet de Friederich Wilhelm Murnau, en 1922… Réunion de deux mythes complémentaires, Faust et Don Juan, Dracula représente les deux plus grands fantasmes de l’humanité : l’immortalité (Faust) et la séduction imparable (Don Juan). Alliant aux attraits du second les pouvoirs diaboliques du premier, le vampire Dracula fut aussi, à sa façon, dans les années 60, une figure de la libération des mœurs… Aujourd’hui encore, Dracula symbolise d’autres courants, la résistance à une pensée unique, la persistance de l’individu face au rouleau compresseur de la masse dominante, une sorte de contrepensée dans laquelle toutes les minorités (intellectuelles, politiques, ethniques…) peuvent se retrouver. Et ce n’est pas non plus un hasard si les gothiques, dans leur soif de romantisme noir et de littérature décadente, ont trouvé en lui la meilleure des représentations : car Dracula est un libre-penseur qui vit selon ses propres codes, sans se référer aux lois du plus grand nombre. Il porte en lui sa propre religion, son propre système politique, en d’autres termes, la révolte et la fierté des indomptables, et à ce titre il demeure d’une étonnante modernité, ce qui explique son succès permanent et récurrent. Quand les autres vivent en troupeaux, lui affirme, du haut de sa superbe, sa solitude millénaire. Depuis plus d’un siècle, Dracula est sans doute la créature qui stimule le plus notre imaginaire. Tour à tour machiavélique, diabolique, pathétique, solitaire, dangereux, séduisant, troublant, il n’en finit pas de dérouler pour nous et en nous, la palette infinie des sentiments humains. Il est tout à la fois le symbole de nos peurs et de nos inhibitions les plus secrètes, comme celui de nos aspirations les plus intimes, de nos désirs enfouis, de nos lâchetés profondes comme de nos courages possibles… Démon pervers et polymorphe ou nouveau messie ; la vision du personnage dépend de chacun… A lire et à voir ses exploits, il nous parait plus vivant dans son éternité forcée que nous ne le sommes dans notre petite existence d’humains. Alain Puzzuoli 7. Rendez-vous avec le vampire Ainsi une jeune mère au foyer du fin fond des Etats-Unis, du nom de Stephenie Meyer, a dépoussiéré le mythe, rajeuni ses protagonistes et rendu vampirophiles des millions de lectrices adolescentes ou plus âgées. Un lycéen – d’apparence – beau comme une statue grecque, romantique à mort et dingue amoureux de sa voisine de paillasse en classe, la touchante Bella Swan. Un monde sépare ces deux-là, mais l’amour ignore les conventions. Il triomphe de tous les obstacles : raciaux, sociaux… Twilight, c’est Roméo et Juliette à la sauce fantastique. Edward et Bella forment le couple modèle d’une génération. Revenons à ce vampire qui ne dort pas, va au lycée, vit en plein jour et s’abreuve de temps à autre du sang d’animaux sauvages. 9 C’est ce qu’il y a de formidable avec les mythes. Ils sont utilisables à l’infini. Chaque créateur peut y aller de ses inventions et, ainsi, la légende s’épaissit, se perpétue, évolue, s’enrichit. Le mythe du vampire est un work in process, comme disent les Anglo-saxons. En cours de fabrication. Il l'est depuis l'Antiquité. Voire l'origine de l'homme. La tradition hébraïque donne à Adam, le supposé premier homme de la création, une femme précédant Eve. Appelée Lilith, elle devient rapidement une démone, selon les textes, suçant le sang des nourrissons dans leur berceau. L'Antiquité est parsemée de Nosferatu. Photo du spectacle figures mythologiques avides de sang et de chair, séductrices et bourreaux d'hommes innocents, suceuses d'énergie vitale. À mettre sur le compte de la misogynie et d'une civilisation phallocrate ou pas, ces créatures s'avèrent presque exclusivement être des femmes. Par la suite, le christianisme joue un double rôle. Il met le sang au centre de son culte en vénérant celui versé par Jésus-Christ sur la croix. Les disciples le boivent sous la forme symbolique du vin. En second lieu, cette religion dissocie le corps de l'âme de chaque homme. Après la mort, le corps disparaît et l'âme subsiste. Celle des pécheurs non repentis peut être condamnée à errer dans un entre-deux qui n'est ni le monde des vivants ni celui de l'au-delà. Les vampires appartiennent à cette catégorie, avec la particularité d'avoir conservé leur enveloppe charnelle. Ils sont des « revenants en corps ». Le 14e siècle est marqué par les premières grandes épidémies de peste. Les populations cherchent à tout prix à limiter la contagion. Ainsi, elles enterrent les morts à toute vitesse. Parfois avec tellement de hâte que les prétendus décédés ne le sont pas le moins du monde… Enterrés vivants, ces individus luttaient pour s'extraire de leur cercueil. Au passage, ils abîmaient leurs mains et les blessaient jusqu'au sang. Dévorés par la faim, rongés par la soif, ils commençaient à manger leur propre chair, à se désaltérer de leur propre sang. La peste a fait le lit d'une foule de croyances. Quand un mal, une maladie dépassent l'entendement et l'étendue des connaissances du moment, la superstition semble la seule réponse des populations. La figure du vampire est maintenant bien installée. Et les suspects toujours plus nombreux. Certains noms restent dans l'histoire. C'est le cas de Gilles de Rais ou Vlad Tepes. Ils ont en commun d'avoir été de grands criminels du 15e s. et eu « l'honneur » que des écrivains du 19e s. les immortalisent comme vampires. Joris-Karl Huysmans (Là-Bas), pour le premier, et Bram Stoker (Dracula), pour le second… Le vampire est d'abord fascinant parce qu'il interroge sur le sujet, au centre de la vie humaine, qu'est la mort. L'homme, toujours en recherche d'excellence, en volonté de surpassement, ne peut-il imaginer plus grande supériorité que celle de vaincre son inéluctable fin ? Les vampires sont la meilleure métaphore sur l’angoisse des hommes et leurs interrogations sur la vie. Delphine Gaston 10 8. Les objets mis en jeu L’objet d’art est par définition le crocodile empaillé. Je ne veux pas empailler le crocodile. Alfred Jarry Pendant longtemps, le seul théâtre en Occident à utiliser des objets, à les mettre en jeu, fut le théâtre de marionnettes. Mais depuis ces trente dernières années, d’autres objets que des marionnettes ont envahi la scène théâtrale, à l’exemple d’ailleurs des galeries ou des musées qui exposent depuis longtemps des objets remettant en cause l’image qu’on se faisait de l’objet d’art. Pour le différencier, mais souvent aussi pour l’exclure de celui de marionnettes, on a appelé ce théâtre, théâtre d’objet. Dénomination pratique, qui permet de mettre dans le même sac des objets dont la nature et l’utilisation scénique sont pourtant radicalement différentes. On ne peut plus dire actuellement que le théâtre de marionnettes est celui qui anime La mise en jeu d’objets utilisés des objets articulés, créés pour être manipulés, alors que le théâtre d’objets comme des marionnettes, mettrait en scène des objets trouvés, détournés, bricolés, mais sans être d’autres comme des fétiches. spécialement conçus pour être manipulés. La mise en jeu d’objets utilisés comme des marionnettes, d’autres comme des fétiches, d’autres encore comme des objets fonctionnels mais répondant à d’autres exigences que celles pour lesquelles ils ont été conçus, rend impossible le maintien d’une distinction rigide entre ces deux courants théâtraux. Il serait plus intéressant de se dire que dans le théâtre existe désormais un secteur grandissant où le jeu avec les objets, s’appuyant ou non sur l’animisme, engendre d’autres types de rapports avec l’acteur et le spectateur que ceux qu’a jusqu’à présent développé le théâtre. Il faut se battre pour que le théâtre qui a privilégié jusqu’à présent l’acteur serviteur d’un texte, en ne considérant les objets que comme des accessoires, accueille cette manière de vivre autrement l’acte théâtral. Roland Shön 9. L ’ a c te u r e t l’ o bje t m a n ipu lé Il est impossible de jouer en dehors de son corps. L'acteur commence donc à échauffer ses muscles, à étirer ses articulations, il maîtrise le souffle qui porte sa voix, apprend que tel geste (ou absence de geste) provoque telles ou telles sensations, que chaque attitude fait résonner un espace, que chaque mouvement a une couleur, une genèse et un accomplissement. Il s'agit d'une gymnastique tant mentale que physique. J'articule le corps et l'esprit jusqu'à reconstituer leur unité. C'est la première manipulation. Si je ne maîtrise pas ce premier "outil", je ne saurais prétendre à mon rôle de manipulateur. Une histoire de hasard Une fois ce premier outil intégré (mais toujours à travailler), il s'agit avec des riens de créer tout. Loin de 11 faire l'apologie d'un théâtre "pauvre" (terme malheureusement devenu péjoratif, le "rien" est d'abord une contrainte de choix et de rigueur artistique. À chaque texte, à chaque thème correspond un matériau. Il existe une alchimie étrange entre une histoire et sa matière de base. À l'unité de fond d'un texte théâtral, d'un livret d'opéra, d'une trame, d'une adaptation correspond une unité de forme spécifique à chaque "histoire". Cela peut être des cailloux et des peaux de chamois (Grandir), des légumes (Ubu), un décor comestible (Hansel et Gretel). L'objet est plus qu'un seul élément, c'est un ensemble de matériaux constitué qui correspond à un parti pris esthétique mais aussi dramaturgique. Cela constitue pour le travail d'improvisation une contrainte irréversible. C'est la résistance perpétuelle du matériau qui accule le comédien et le metteur en scène à guetter en permanence l'incongru, l'irrésistible, l'inconscient, le hasard. Apprendre à désapprendre L'acteur manipule l'objet, l'objet manipule l'acteur : c'est une dialectique exigeante mais ludique, un jeu d'aller-retours incessants dans lequel le metteur en scène joue le rôle d'arbitre, de meneur de jeu. Une fois que ça a "pris", il n'a plus qu'à s'effacer et à laisser la place aux seuls comédiens-manipulateurs. Lorsqu'on ne distingue plus le comédien du manipulateur, le pari est gagné. Spectacle de marionnettes, théâtre de figures, théâtre d'objets, spectacle visuel: on ne polémique plus sur des étiquettes, des tiroirs et des catégories. On apprend à désapprendre, on oublie les stéréotypes, les tics de langage, on élague, on ponce pour tomber sur des figures mythologiques qui enfin nous ramènent au conte. Alors, assis dans la pénombre... Jean-Louis Heckel 10. L a C o m pa g n ie B o b T h é â tr e Elle existe. Un constat que l’on peut faire remonter aux alentours de 1998, date de la création de « Du balai » ; d’autres spectacles ont suivi, on n’en apprendra guère davantage des principaux intéressés qui cultivent le mystère comme d’autres le font avec les radis. A la différence près qu’avec les radis, pour autant que vous appréciiez les racines, vous ne resterez pas tout à fait sur votre faim. A lire le parcours de la compagnie (Hans et Greutel, 2000 ; Nosferatu, 2003, Démiurges, 2007, Princesse K, 2009) on peut toutefois déceler un penchant pour l’effroi et le morbide, tant qu’il porte au rire. A moins qu’il ne s’agisse là encore d’un stratagème pour tromper une peur refoulée depuis l’enfance : les contes de Grimm ont terrorisé Denis Athimon. Ce qui ne manque pas de laisser quelques traces. P rinc es s e K Il était une fois. Il était mille fois. C’est l’histoire d’une princesse qui vit dans un castel entouré d’une sombre forêt. Ses parents, le roi et la reine, sont proches du peuple, ouverts. Ses deux frères, Lainé et Boitar, sont cools aussi. La vie est belle là-bas, elle y est douce, le climat clément, la nature généreuse, les oiseaux chatoyants, les ours bonhommes. Le drame se dessine. Au sein même de cette famille royale modèle, se dissimule un traître. Assoiffé de pouvoir, ce dernier anéantit sa propre famille pour s’installer sur le trône. Seule la princesse survivra en se sauvant. Elle n’aura alors de cesse de venger les siens. Grâce à sa rencontre avec un as des arts martiaux, Maître Koala, la fifille parviendra-t-elle à décupler ses forces ? Et, à son tour, prétendre au trône ? Sur scène, bijoux et accessoires jaillissent d’un précieux coffret sous les doigts habiles d’un savoureux majordome conteur. Qui s’adonne à l’humour décapant et à une inventivité apparemment sans limites. Cette tragédie de la vengeance donne libre cours à une férocité débridée qui retourne à la fois au théâtre shakespearien et au cinéma de genre, du film de sabre et de kung-fu en passant 12 par le manga animé et les comics, Princesse K donne libre court à ses fantasmes les plus délirants, pour célébrer l’évasion par le rêve Pour Princesse K (k comme « kill », « tuer » dans la langue de Shakespeare), nous voici projeté en plein XVIe siècle. Quelque part dans un beau château breton. Un majordome nous narre par le menu l’histoire rapportée par ses aïeux depuis des générations. Ce conte déjanté façon délire médiéval fait alterner à merveille complots chuchotés et combats rapprochés, chorégraphiés façon "Kill Bill", le film de Tarantino. Le comédien manipulateur nous plante, avec une remarquable énergie, une galerie de personnages, dont l’incarnation tient souvent à un simple objet. Ces objets symboliques qui apparaissent et disparaissent au gré d’une écriture haletante. Pour dire le désarroi d’une famille royale aux prises avec une multitude de sentiments issus du côté obscur de la farce ! Démiurges Comme pour toute création : au début il n’y a rien. Enfin presque, puisqu’il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour créer quelque chose ou simplement constater qu’il n’y a rien. Et comme à deux on n’est jamais seul, le Bob Théâtre envoie non pas un, mais deux Démiurges, deux artisans de l’univers selon Platon, deux créateurs tout puissants sur le plateau vide du théâtre selon Bob. Là, ils déploient toute leur énergie et leur fougue pour construire un monde idéal, truffé de poésie, gonflé de bonheur et tapissé de joliesses inouïes. Et, par un beau samedi matin, nos deux compères font naître une ultime créature, un peu à leur image et douée d’une subjectivité qui leur sera fatale. Ce nouvel être va remettre en cause le chef d’œuvre que les Démiurges venaient d’achever pour l’accueillir. Mais comme c’est eux les plus forts, ils décident de repartir à zéro et de devenir les impitoyables gardiens du néant… Déconstruction et construction à l’image d’un univers qui ne se fait pas en un jour. Horaires des représentations R eprés enta tions publiques NOSFERATU Mer Novembre Jeu Ven Sam Décembre Dim Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 --19h00 --19h00 --19h00 --19h00 --17h00 Relâche --19h00 --19h00 --19h00 --19h00 --19h00 --17h00 Nosferatu. Photos du spectacle libres de droits à télécharger sur : www.marionnettes.ch – presse – images. Pour des informations complémentaires : Bertrand Tappolet Théâtre des Marionnettes de Genève 3, rue Rodo - cp 217 - 1211 Genève 4 tél. +41 22 807 31 04 mobile +41 079 517 09 47 e-mail [email protected] 13