Les investissements directs étrangers en Tunisie en 2015

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Les investissements directs étrangers en Tunisie en 2015
Les investissements directs étrangers en
Tunisie en 2015
Résumé
L’attractivité de la Tunisie a enregistré un fléchissement depuis la fin des années 2000, alors qu’elle
attirait traditionnellement de nombreux investissements directs étrangers dans le domaine des
industries de transformation. Ces dernières années, à l’image de l’exemple français, principal
investisseur en Tunisie hors secteur de l’énergie, les investissements ont plutôt concerné des
extensions d’entreprises déjà installées.
1. L’attractivité de la Tunisie s’érode depuis la fin des années 2000, avec une
évolution sensible de la composition des investissements
Les statistiques de stock d’Investissements Directs Etrangers (IDE) disponibles sont très différentes.
En y intégrant l’ensemble des secteurs, les statistiques fournies par les Nations-Unies (CNUCED)
recensent, pour 2014, un stock de près de 30 Mds€, soit 65% du PIB ; pourcentage stable depuis la
révolution en 2011. A titre de comparaison, au Maroc, le stock d’IDE s’élevait à plus de 50 Mds€ et
près de 50% du PIB. La FIPA (Foreign Investment Promotion Agency) en charge plus
particulièrement des investissements tunisiens dans le secteur industriel a reconstitué des séries
statistiques hors énergie, hors services financiers et hors distribution. Elle avance un stock d’IDE de
l’ordre de 9,5 Mds€ début mai 2015.
D’après les données de la FIPA, les flux entrants d’IDE s’élèvent tous secteurs confondus à un peu
moins d’1 Md€ en moyenne par an depuis 2011, 910 M€ en 2015 ; montant en retrait par rapport à
ceux enregistrés avant la révolution. Selon la FIPA, l’énergie est le secteur qui a le plus bénéficié
des IDE ces dernières années : la moitié des flux d’IDE entrants sur la période 2011-2014, même si
cette proportion est en déclin compte tenu de l’épuisement des réserves énergétiques en Tunisie et
du ralentissement de l’attribution des permis d’exploration dans les années récentes. Le secteur
industriel représente traditionnellement un quart des flux d’IDE, avec une montée en puissance des
industries électriques et électroniques et des « autres industries » (automobile et aéronautique,
principalement), au détriment de la filière textile-habillement. La baisse de l’importance relative du
secteur énergétique s’est faite au bénéfice du secteur des services dont la part est passée de 15%
à 23% (dynamisme du secteur financier et des télécommunications et malgré un secteur du tourisme
de moins en moins attractif). La part des IDE dans le secteur agricole, fermé aux étrangers, reste
marginale. Les premières estimations fournies pour 2015 sont conformes à cette structure, avec
toutefois un secteur des services légèrement moins dynamique.
Les dernières données de stock disponibles fournies par la FIPA correspondent au début du mois
de juin 2015.1 Les investissements en provenance du Golfe sont importants : plus du tiers en
consolidant la position des Emirats Arabes Unis (25% du total) et celle du Qatar (10%). L’Union
Européenne (UE) est toutefois légèrement devant si l’on consolide le stock d’investissements de
chaque pays. La France est ainsi le second investisseur avec 1,4 Md€ et 16% du stock
d’investissements étrangers, suivie par l’Italie avec 8%, l’Espagne et l’Allemagne avec des parts
légèrement supérieures à 5%. Le bilan en termes d’emplois est très différent : la France (près de
135 000 emplois), l’Italie et l’Allemagne (plus de 60 000 chacun) représentent près des deux-tiers
des emplois contre environ 3% pour les pays du Golfe cités précédemment. Cela tient à la nature
des secteurs : émiratis et qatariens ont principalement investis dans les télécommunications (plus
de 90% du montant investi) alors que les investissements européens se concentrent dans des
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Stock comptabilisé hors investissements dans le secteur des hydrocarbures, des services financiers et de la distribution comme
indiqué précédemment. La FIPA n’a pas reconstitué les données historiques de stock pour ces secteurs.
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secteurs intensifs en main d’œuvre et moins capitalistiques : textile et habillement (France, Italie et
dans une moindre mesure l’Allemagne), industrie mécanique, métallique et métallurgique (France
et Italie), électrique et électronique (Allemagne), matériaux de construction (Espagne et Allemagne)
et services informatiques (France).
L’évolution de la répartition des pays investissant en Tunisie est marquée par le repli des flux dans
le secteur de l’énergie. Les pays impliqués dans ce secteur sont en recul à l’image de la GrandeBretagne (30% des IDE par an sur la période 2007-2010 mais plus que 12% sur la période 20112014), de l’Italie de 15 à 10% sur les mêmes périodes) et des Etats-Unis (de 7 à 2% sur les mêmes
périodes). Cette tendance est infirmée toutefois par l’Autriche compte tenu des investissements
récents d’OMV dans le secteur (désormais 12% des flux d’IDE dans la période récente). Outre
l’Autriche, l’évolution la plus spectaculaire est celle du Qatar (13% des flux dans la période récente)
suite à leur montée dans le capital de la filiale locale de la Qatar National Bank en 2013 et dans celui
de l’opérateur de télécommunications Tunisiana désormais rebaptisée Ooredoo (acquisition de 15%
supplémentaire du capital par Qatar Telecom pour environ 290M€ en 2012). La France reste
l’investisseur de référence dans les industries manufacturières et les services avec 15% des flux.
Selon les premières estimations, en 2015, la France est le premier investisseur brut hors énergie
(environ 130 M€ et près du tiers des investissements, en augmentation de 25% par rapport à 2014),
devant les Emirats Arabes Unis (environ 15%), le Qatar (9%) puis l’Italie, l’Allemagne et Malte (entre
8% et 7% chacun).2
2. La France reste le premier investisseur étranger hors énergie, tandis que les
investissements tunisiens en France se développent lentement
2.1. Une forte présence française dans tous les secteurs d’activité
Avec 15% des IDE entrants, la France est le premier fournisseur d’investissements étrangers tous secteurs
confondus sur la période 2011-2014. Avec un stock d’IDE de près d’1,4 Md €, la France représente environ 1
300 implantations qui pourvoient 135 000 emplois en Tunisie.
Les investissements français en Tunisie reposent encore largement sur des délocalisations qui évoluent peu
à peu vers des modèles de colocalisation. Les IDE français se concentrent principalement dans le secteur des
industries manufacturières (52% des investissements sur la période 2010-2014), pour beaucoup sous statut
totalement exportateur (régime off-shore), parmi lesquelles on dénombre quelques unités industrielles de
3 000 salariés (Zodiac, Sagemcom), des sites de 500 à 1 500 salariés (Stelia, Bic, Faurecia, SEA Latelec,
Valéo) et une majorité de PME et entreprises familiales de moins de 500 salariés. Ils sont aussi très présents
dans le secteur des services (37%), orientés vers l’export (comme les centres d’appels à l’image de
Teleperformance) ou bien orienté vers le marché tunisien : banques (BNP via UBCI, SoGé via UIB, BPCE via
BTK, CIC-Crédit Mutuel), assurances (Groupama, Gras Savoye), grande distribution (Carrefour, Géant
Casino, Total) ou télécommunications (Orange). Se développent aussi des services à plus forte valeur-ajoutée
(banque d’affaires Oddo, consultant Eurogroup). La présence directe française sur le marché tunisien
concerne aussi les produits pétroliers et gaziers (Air Liquide, Total et sa filiale Huchinson), la pharmacie
(Sanofi, Pierre Fabre, Servier, Ceva), le tourisme (Air France KLM, Club Med, Accor), l’agro-alimentaire
(Bongrain et Danone avec des sociétés communes avec le groupe tunisien Délice).
Deux tendances sont à encourager : les investissements orientés vers le développement du marché intérieur
tunisien étant entendu que le modèle d’accords avec des partenaires locaux par exemple via des franchises
(comme c’est le cas dans le secteur de la distribution : automobiles, grande distribution) peut venir renforcer
le rôle des IDE et celui de développements conjoints vers les marchés tiers. L’alliance franco-tunisienne pour
le numérique aujourd’hui articulée autour de binômes franco-tunisiens peut correspondre à ses différents
2 A ce stade, pour 2015, la FIPA ne fournit que des chiffres hors énergie. Les données définitives pour 2015 seront disponibles prochainement.
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modèles : colocalisations pour satisfaire les marchés développés conformément aux objectifs de la politique
tunisienne dans ce domaine ; développement sur le marché local ; enfin conquête de marchés tiers et
notamment l’Afrique et le Moyen Orient.
2.2. Les investissements tunisiens en France se développent lentement
Les IDE tunisiens en France sont encore modestes mais le potentiel d’investissements croisés est manifeste.
Selon les données de la Banque de France, en 2013 la Tunisie détient un stock d’IDE de 83 M€ en France
(125 M€ si l’on intègre les flux passant par des pays-tiers). On constate un regain d’intérêt récent : groupe
plasturgique PEC, El Badr, Vermeg (logiciels bancaires), présence et plusieurs prospects dans l’agroalimentaire (Groupe CHO avec la filiale de distribution Médolio) ou encore les technologies de l’information et
de la communication (Cynapsys, Oxia et Proxym), etc.
Des outils se développent en vue d’encourager une politique d’investissements croisés entre les deux pays
malgré une réglementation des changes en Tunisie encore contraignante. La création d’un fonds conjoint
entre BpiFrance et la Caisse des Dépôts Tunisienne (CDC) en février 2016 pour un montant de 20 M€
constitue une première étape en ce sens.
3. Face à la perte d’attractivité, le pays met en œuvre une refonte du cadre
règlementaire afin d’attirer les investisseurs étrangers
Actuellement, le régime tunisien des investissements est régi par le Code d’incitations aux investissements
datant de 1993. Le code couvre la plupart des secteurs, à l’exception des mines, des hydrocarbures, de
l’énergie, du secteur financier et du commerce intérieur qui sont régis par des réglementations sectorielles.
D’un point de vue général, le régime des investissements est basé sur une dichotomie entre un secteur
offshore (entreprises totalement exportatrices) ouvert et un secteur onshore (destiné à servir le marché local)
relativement fermé pour les investisseurs internationaux. Dans le secteur onshore, les investisseurs font face
à plusieurs séries de barrières qui compliquent et limitent parfois l’investissement étranger : restrictions à
l’exercice de certaines activités, restrictions à la participation étrangère, restrictions à l’emploi de personnels
étrangers, etc.
Dans les prochains mois, le régime des investissements tunisien pourrait connaitre des modifications
substantielles avec l’adoption d’un nouveau code des investissements, actuellement en discussion à
l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), ce projet de nouveau code comporte un certain nombre
d’avancées : il est largement simplifié, il consacre le principe de la liberté d’investissement, il doit permettre
d’éliminer un certain nombre de barrières et il simplifie certaines procédures (propriété foncière, emploi de
cadres étrangers, transfert de devises, etc.). Cependant, il comporte un certain nombre de risques, et
notamment le possible retour de la plupart des barrières à l’investissement contenu dans le code actuel sous
la forme de réglementations sectorielles. Il est par ailleurs porteur d’incertitudes (en matière de fiscalité,
d’incitations à l’investissement, de gouvernance, etc.) qui peuvent à court et moyen termes décourager
l’investissement.
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