Zibeline n°35 en PDF

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Zibeline n°35 en PDF
Du 17/11/10 au 15/12/10 | un gratuit qui se lit
La création
en danger
35
Evénements
Les Rencontres d’Averroès
La décentralisation, rencontre avec Hubert Colas
Rencontre avec Véronique Gens, Musée Cantini
Ensemble Télémaque
Le BNM, l’ENSDM
4, 5
6,7
8
9
10, 11
Théâtre
Lenche, Point de Bascule, Bernardines
Merlan, Criée, Cie L’Individu
Minoterie, Bancs publics,
Gymnase, Centaure, Vitez
Avignon, Port-de-Bouc, Nîmes
Au programme
12
13
14, 15
16, 17
18 à 22
Danse
Ballet d’Europe, Istres
GTP, Pavillon Noir
Château-Arnoux, Dansem
Au programme
23
24
25
26 à 28
Arts de la rue/Cirque
Port-Saint-Louis, Arles, Lieux Publics,
Draguignan, Gap, Toursky, Istres
30, 31
Musique
Au programme
GTP, Quatuors, Solistes
Opéra de Marseille, de Toulon, lyrique
Contemporaine, Actuelles, Jazz
Au programme
32 à 34
36 à 39
40,41
42, 43, 44
45
Jeunesse
Evénements
Droits des enfants, Festival de l’imaginaire
Au programme
Sainte Maxime, Massalia, Momaix, Toulon
GTP, Fos, Aubagne, Avignon, Pays d’Aix
Livres, disques
46, 47
50
52, 53
54, 55
56
57, 58
Cinéma
Montpellier, Image de Ville, Région
Apt, Gardanne, l Tous Courts
AFLAM, Prix CMCA, CineHorizontes
Rendez-vous d’Annie, semaine asymétrique
59
60
61
62, 63
Arts visuels
Au programme
Nouveaux lieux à Marseille
Art-Cade, Ateliers de Visu
Musée Ziem, Instants vidéos
Toulon, Marseille, Trans-en-Provence
64, 65
66
67
68
69
Livres
Rencontres
Littérature, arts
70 à 73
74 à 83
Histoire
Centre Aixois des Archives départementales
Orange, Arles
Les Mardis du MuCEM
84
85
86, 87
Philosophie
Echanges et diffusion des savoirs, UPR
88, 89
Techniques et Sciences
Les prestidigitateurs attirent le regard ailleurs pour escamoter à
leur aise. Le remaniement ministériel est un tour de passe-passe
qui ne changera rien à la politique qui fait tant souffrir les
Français. Si, il la durcira, l’épuration RPR étant censée nous faire
avaler de force la réforme des retraites, et toutes les mesures
qui altèrent le tissu social dans un pays riche. Passe-passe,
passera. La réforme est votée, désespérant un peu plus ceux qui
vivent de leur travail et voient leur quotidien s’assombrir aussi
vite que leurs horizons. Et d’autres lois, plus insidieuses, passent
inaperçues, témoins d’un mépris général envers les citoyens
administrés : réforme des collectivités territoriales, votée, fin
des emplois aidés, voté, fin de l’ISF, voté…
Et la culture ? Frédéric Mitterrand reste, on s’en doutait. Le tour
de passe-passe de son Ministère est plus sidérant encore : après
avoir appauvri les structures culturelles, les collectivités qui les
financent et les artistes qui les font vivre, le Ministère prétend
que les institutions sont peuplées d’intellectuels élitistes qui
refusent de partager la culture avec le peuple. Mitterrand, celui
qui, des paillettes dans les yeux, mythifia les stars et les princesses, nous parle maintenant sans rire d’échec de la démocratisation
culturelle ? Coupe les crédits de la création ?
Un rapport programmatique du Ministère, intitulé La culture pour
chacun, désigne clairement l’ennemi : «Le véritable obstacle à une
politique de démocratisation culturelle c’est la culture elle-même.»
Son auteur réfute l’ambition d’«adhérer à un consensus intellectuel» (la culture pour tous) et veut «inclure les cultures populaires
pour lutter contre les antagonismes religieux et communautaires.»
Est-ce à dire que les Musulmans ne peuvent produire que de la
culture populaire ? Qu’ils n’ont pas d’intellectuels ? Et qu’entend-il
par populaire, lorsqu’il veut nommer dans les instances décisionnelles «des personnalités de premier plan ayant un fort potentiel
médiatique» ? Le foot ? le luxe ? les people ? les blockbusters ? Les
banlieues ne lisent pas plus Kateb Yacine que Flaubert !
Ça passera ? Le monde culturel subit la dégradation sociale
générale, souffre des attaques contre l’économie associative
augmentées des agressions spécifiques contre les intellectuels et
les artistes, et du mépris affiché des œuvres de l’esprit. Il n’est
pas sûr qu’il s’en relève un jour, et l’auteur du rapport est
conscient de lancer «un plan qui installe les conditions d’une
possible irréversibilité».
Froid dans le dos ?
AGNÈS FRESCHEL
Le laser, Au programme
90, 91
Rencontres
92, 93
Adhérents
L’ère du mépris
94
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04
ÉVÉNEMENTS
RENCONTRES D’AVERROÈS
Sous le signe d’Averroès s’installe et les Tables Rondes s’annoncent
Averroès écolo ?
«environnement», il en fait partie, en dépend et le détermine. Il s’agira donc d’élargir l’horizon commun,
avec Nicole Petit-Marie, paléo-climatologue, JeanChristophe Victor géographe concepteur des quelques
minutes de télé les plus intelligentes du PAF (Le
dessous des cartes, Arte), Jean Pierre Dupuy, philosophe qui pense la catastrophe pour qu’elle n’advienne
pas, et de nombreux témoins d’expériences particulières éclairantes : Andrea Ferrante, agrobiologiste
italien, le navigateur Titouan Lamazou, le président
de Slow Food Piero Sardo, Mohamed El Faiz un
historien de l’agronomie et des jardins arabes, Henri
Luc Thibault, directeur du Plan Bleu des Nations
Unies... Pour penser successivement La Mer, La Terre,
et L’Avenir, les 26 et 27 nov, au Palais des Congrès.
Sous le signe persistant
Sous le signe d’Averroès continue jusqu’aux Tables rondes, et au-delà … Avec la Cie Mal Pelo aux Bernardines
(voir p 25), une rencontre à Aubagne entre Thierry Fabre et Elias Khoury, parrain de la Fête du livre de Toulon
(voir p 70), des rencontres littéraires, du théâtre en arabe, une création de Dris Ksikes à la Minoterie (voir p18),
une évocation de Levi-Strauss, des projections… et le concert de clôture à l’Espace Julien (voir p 45). Parce
que, pour les organisateurs des Rencontres, penser la Méditerranée passe aussi par l’expérience sensible… A.F.
Jusqu’au 19 déc
www.rencontresaverroes.com
Rêverie silencieuse
Alger, Beyrouth, Marseille, Naples…
autant de Paysages sensibles
cartographiés au MuCEM à l’occasion
des 17e Rencontres d’Averroès
Tel le promeneur solitaire, contemplatif et philosophe,
on arpente les «chapitres» de l’exposition-parcours en
laissant notre regard divaguer entre les dessins et les
cartes de Mathias Poisson (matière première du projet
initial), quelques œuvres de la collection du Frac et
des photographies de l’Atelier de l’image. Trois points
de vue révélateurs des différentes manières d’appréhender
la question du paysage méditerranéen contemporain
qui composent «un bouquet singulier» selon Thierry
Fabre. Quel est le poids de l’histoire ? L’art contemporain peut-il s’abstraire de cette histoire ? l’exposition
introduit les fondements du MuCEM qui dédiera cette
salle d’exposition au XXIe siècle et à la création contemporaine afin de créer un lien, une passerelle, avec le
futur musée ethnographique…
En attendant, Mathias Poisson détient les clefs de l’exposition, privilégiant cinq thématiques en regard de
son travail plutôt qu’une linéarité géographique. Désirs
d’horizons autour de la figure romantique et toujours
prégnante de la ligne d’horizon ; Visions subjectives
ou comment les artistes s’approprient les lieux, les
malaxent, les difforment ; Matières de villes dont la
densité et la topologie sont si viscéralement désordonnées (Marseille, Naples…) ; Espaces ouverts aux
hommes qui se les réapproprient dans leur intimité ;
Territoires convulsés habités par d’étranges occupants
(tank, bunker, navire…). Une traversée par temps clair
des œuvres de Traquandi et Bustamante (regards
subtils), Zineb Sedira (au MAC dès le 18 nov), Pauline
Fondevila (évocation post-romantique), J.L. Garnell,
Valérie Jouve ou Ito Barrada (territoires incertains)
et tant d’autres encore.
Par bonheur les méandres de la circulation réservent
des surprises. Bifurcations, retours, surplombs et
échappées belles sont fortement conseillés pour que
les œuvres dialoguent au-delà des espaces circonscrits, et que l’esprit réinvente son propre paysage
mental.
Le
cavaliere de
l’apocalypse
Draquila l'Italie qui tremble © X-D.R
Voilà que les Tables Rondes des 17e Rencontres surprennent ! Tournant habituellement autour de questions
historiques, politiques, économiques, philosophiques,
voire religieuses ou esthétiques, elles n’ont jamais
emprunté le début même de cette voie-là. Rarement
évoquée la mer, peu abordées les sciences et techniques, jamais la pollution, la protection, l’agriculture…
Est-ce que, au-delà des enjeux politiciens, l’écologie
serait réellement devenue une politique, c’est-à-dire
une manière d’envisager l’organisation des rapports
sociaux de la cité future ?
La liste des invités promet évidemment des débats qui
se tiendront loin des platitudes «environnementales»
habituelles produites par la société de consommation
et ses divers «Grenelle» : l’homme ne vit pas dans un
Sabina Guzzanti continue de dénoncer dans un brûlot
féroce, courageux et pugnace, le système Berlusconi.
Dans le documentaire Draquila l’Italie qui tremble, elle
relate avec force témoignages, la gestion de la
reconstruction de l’Aquila, après le séisme du 6 avril
2009. Une catastrophe qui sonne le glas de la dérive
de l’Italie, coincée dans un imbroglio de scandales.
Une ville d’art anéantie (308 morts, 70 000 sans
abris), qui devient la farce d’El Cavaliere, et lui donne
l’occasion racoleuse de reconstruire son image
«comme si Dieu lui avait tendu la main». «L’opération
tremblement de terre, un triomphe» que la réalisatrice
démonte jusqu’à la révélation, effarante, de la gestion
ultra militarisée de la Protection Civile, «un bras de
l’état» au-dessus des lois, qui aurait pu intervenir
avant le séisme, mais a préféré s’immiscer dans la
reconstruction plutôt que protéger la population.
Censure, manipulation, absence d’opposition, un tiers
de la population non relogée, des millions gaspillés
alors que le gouvernement parle d’une gestion
miraculeuse. Une ville antique sacrifiée à la popularité
populiste d’un homme et un pays qui vit «une
dictature de la merde». Les Abruzzes, c’est pas si loin
de chez nous…
DELPHINE MICHELANGELI
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Paysages sensibles
jusqu’au 19 déc
Fort St-Jean (accès par la tour d’Assaut)
04 91 59 06 99
www.mucem.eu
Draquila l’Italie qui tremble
a été projeté à l’Utopia d’Avignon
du 3 au 16 nov
Panorama Naples Marseille Alger © Mathias Poisson
Croisements
Dans le cadre des Rencontres d’Averroès,
les Salins avaient invité Francesco
Tristano, Murcof, Bachar et Rami
Khalifé pour des expérimentations
sonores, des ponts entre classique, jazz,
musique contemporaine, électro, improvisation. La fugue de Bach sera le point
d’ancrage, symbole des croisements de
lignes, interprétation émouvante des
deux claviers en écho : Francesco Tristano et Rami Khalifé, inspirés.
Murcof aux manettes impulsait les
sons synthétiques en mariant les
effets, puis laissait au percussionniste-chanteur, Bachar Khalifé, et aux
pianistes une totale liberté dans des
improvisations, parfois rythmées, mais
qui manquaient d’audaces harmoniques
et mélodiques. Des sons percussifs sur
le piano, en hommage à Cage, des
boucles répétitives minimalistes en
hommage à Reich, la performance dans
une lumière tamisée manquait de corps.
On ne décollait pas vraiment, entre impros agressives mais convenues, motifs
aux couleurs impressionnistes, mais
qui restaient sans surprise linéai-res et
binaires. Un immense crescendo amenait une lumière plus chaude. L’audace
restait dans Bach et son art de la
fugue !
Francesco Tristano © Giraudel
Un beau thème rythmé, suivait, tango
progressif sur de grandes plages de
cordes et de sons assistés par un sage
Murcof aux commandes numériques
assurant des liens électroniques essentiels. Il fallut attendre la Cérémonie
pour la Marche des turcs de Lully pour
se lever un peu d’une écoute polie :
belle adaptation, chaque musicien prenant le relais, le thème se noyant,
ressurgissant sans cesse dans des
styles divers, colorés par la voix et
deux pianistes au sommet de leur art.
Fugue, relais, passage, héritage, prolongement, concert-symbole dans un
bel échange qui manquait quelque
peu… d’écriture ?
YVES BERGÉ
Ce concert a été joué aux Salins,
Martigues, le 10 nov
Un monde fragile
Le 12 nov, à la Maison de la Région, se sont ouverts Les Ecrans d’Averroès, à l’initiative
du CMCA, de l’INA et des Rencontres d’Averroès : cinq films sur les problèmes
d’environnement. C’est le film de Virginie Linhart et d’Alice Le Roy, Ces catastrophes qui
changèrent le monde, qui a été présenté par Alice Le Roy.
Si le thème des rencontres d’Averroès
est cette année Méditerranée, un monde
fragile ?, le documentaire, de construction très classique, est né de l’envie
de raconter l’histoire des luttes écologiques à l’échelle de la planète.
Le Smog sur Londres, en 1952, qui fit
des milliers de victimes, fut la première alerte écologique ; la pollution
chimique aux USA avec le DDT et la
première loi sur les pesticides datent
de 1964. Les images d’archives où l’on
voit les gens «vaporisés» avec ce produit toxique en toute inconscience
ont fait frémir la salle, tout comme les
images terribles des victimes de la
contamination au mercure de la baie
de Minamata en 1956, par l’entreprise
chimique Chisso.
La deuxième moitié du XXe siècle a été
ponctuée de catastrophes résultant
d’une course effrénée au développe-
ment et au profit : naufrages du Torrey
Canyon en 1967, de l’Amoco Cadiz en
1978, de l’Erika en 1999 avec leurs
marées noires meurtrières, nuage toxique à Bhopal qui a fait plus de 25 000
morts dans le centre de l’Inde en
1984, explosion nucléaire à Tchernobyl en 1986… Les images d’archives
et les témoignages se succèdent,
faisant froid dans le dos. La voix off
d’Emma de Caunes énumère, commente, pointant à la fois les échecs de
gouvernements, sommets de Rio, de
Kyoto et les victoires des citoyens qui
luttent. Le constat est terrible : déforestations pour exploiter le bois ou
pour cultiver de l’huile de palme, déplacement par des multinationales
d’usines polluantes dans des pays du
tiers-monde, réchauffement climatique et ses conséquences. Si le débat
qui a suivi montre qu’on peut mener
des combats citoyens, comme en ont
témoigné Daniel Vuillon, créateur des
AMAP et Michel Partage de l’association EAU qui œuvre pour la gestion
publique de l’eau, on n’en reste pas
moins sous le choc !
A.G.
Vous trouverez d’autres
comptes-rendus des événements placés Sous le signe
d’Averroès dans nos différentes
rubriques : Dansem p 26,
Festival du film africain d’Apt
p 59, exposition L’autre bord
p 67, Mardi du MuCEM avec
Predrag Matvejevitch p 87.
06
ÉVÉNEMENTS
LA DÉCENTRALISATION | RENCONTRE AVEC H.COLAS
Le marteau,
le clou et l’enclume
Photo Region - JP Garufi
Un débat sur L’avenir de la décentralisation a eu lieu le 25 oct
à l’Hôtel de Région. Il réunissait, à l’initiative de son Président,
trois députés et un professeur de droit public, toutes tendances confondues
«C’est le même marteau qui frappe, mais on en a
raccourci le manche.» Ainsi s’exprimait Odilon
Barrot1 au XIXe siècle à propos de la déconcentration, citation souvent utilisée pour différencier
cette dernière de la décentralisation. Si d’un bond
historique on transpose cette métaphore au contexte
actuel, peut-on conclure que la Ve République,
après avoir accordé aux collectivités territoriales une
certaine autonomie dans l’usage de leur marteau,
s’évertue à en tenir à nouveau le manche ?
C’est en tout cas ce que Michel Vauzelle, Président
du Conseil régional PACA, a laissé entendre. Pour
l’élu socialiste, la réforme des collectivités prévue
par le gouvernement est une manœuvre du Président Sarkozy qui souhaite «aspirer le pouvoir à
l’Elysée» et «émietter celui des échelons territoriaux»
trop orientés à gauche à son goût.
Rappelons qu’en France, depuis les lois de décentralisation portées par Gaston Defferre en 1982, le
Conseil régional est élu au suffrage universel, et
dégagé de la tutelle du Préfet : ledit Préfet étant
pour sa part un fonctionnaire déconcentré, c’est-àdire celui qui tient le marteau raccourci de l’État.
Différence cruciale qui permet de saisir les enjeux
de cette réforme controversée, votée par l’Assemblée nationale le 3 novembre, mais dont les mesures
phares sur les Conseillers Territoriaux avaient été
rejetées par le Sénat en juillet. La réforme, adoptée
après des remous au sein de l’UMP, doit être
réexaminée pour qu’une commission paritaire
Assemblée-Sénat établisse un texte commun, ce
qui promet d’être complexe…
La décentralisation a été dès son origine porteuse
de grands espoirs, les lois Defferre étant relatives
aux «droits et libertés des Communes, Département
et Régions2». Elles ont été pensées pour donner aux
collectivités territoriales les moyens d’exercer une
démocratie au plus près des citoyens, et de mener
notamment une politique culturelle autonome.
Les promoteurs de la réforme actuelle, représentés
lors du débat par Michel Piron, député UMP, reprochent principalement à cet échelonnement des
compétences d’être une usine à gaz, coûteuse et
redondante. Ils proposent de regrouper les conseillers départementaux et régionaux au sein d’une
même structure, sorte d’hydre à deux têtes, en supprimant au passage un bon tiers de leurs sièges.
GAËLLE CLOAREC
1
(1791-1873) Avocat, spécialiste en retournement
de situation, pour ne pas dire de veste
2
Loi n° 82-213 du 2 mars 1982
Les «30 glorieuses»
de la décentralisation
Bientôt treize ans qu’un Socialiste préside le Conseil
régional PACA. Nul doute qu’il ait voulu marquer les
esprits en doublant le débat sur l’avenir de la décentralisation en France d’une exposition intitulée
Notre Région, notre avenir, 30 ans de décentrali-
Le Provençal - Michel Vauzelle et Gaston Defferre en Mairie d'Arles
Question de proximité
C’est pourtant par un constat réaliste que Michel
Vauzelle a conclu : «Quand on a affaire à des populations en souffrance, il est difficile de les intéresser
à cette réforme.» En cette période de tension sociale exacerbée, la décentralisation ne passionne
que les politiques : il est temps de nous demander
quel marteau nous prend pour un clou, et quelle
main le manie.
Paradoxalement, ils envisagent la création «optionnelle» d’un nouvel échelon territorial : la Métropole,
pour les grandes aires urbaines de plus de 450 000
habitants.
Marylise Lebranchu, députée socialiste du Finistère, juge le projet mal ficelé et dangereux. Elle
souhaite son réexamen et la révision du mode de
scrutin, sous peine de «voir se déchirer le tissu
social.» De très nombreux maires partagent sa position : à gauche comme à droite, ils sont soucieux
de préserver leur fragile indépendance politique et
économique.
sation. Il n’est pas évident qu’il y parvienne.
De Gaston Defferre au Général de Gaulle, nombre
de figures publiques des décennies passées ont été
exhumées des archives de La Provence pour être
livrées à la curiosité du citoyen. Or les cimaises de
l’Hôtel de Région attirent plus de visiteurs
lorsqu’elles donnent à voir les œuvres de Reza ou
Salgado, plutôt que le visage et l’ardeur de nos
personnalités politiques.
Le commissaire de l’exposition, Alain Minguam, a
fait ce qu’il a pu pour rendre attractif et pertinent
ce parcours retraçant 30 années de décentralisation.
Mais les témoignages d’actions régionales menées
dans les domaines de la culture, l’éducation, ou la
formation, l’usage de vidéos, les portraits en couleurs plutôt réussis de Cyril le Tourneur d’Ison
n’enthousiasment pas les foules. Pour autant, cela
n’enlève rien à l’intérêt de l’initiative, qui vise à
présenter dans une perspective historique le service
public de proximité afin de prévenir son démantèlement.
G.C.
Notre Région, notre avenir : 30 ans de décentralisation
Jusqu’au 30 décembre
Hôtel de Région, Marseille
04 91 57 52 78
www.regionpaca.fr
Disparaître, ou pas
À l’heure où Montévidéo lutte pour
pouvoir ouvrir à nouveau ses portes,
Hubert Colas reprend le Livre d’Or de
Jan au Gymnase, qui a coproduit le
spectacle créé au Festival d’Avignon
2009 (voir zib’21)
Zibeline : On est heureux d’entendre à nouveau un
texte de vous à Marseille…
Hubert Colas : Oui, cela fait longtemps ! La saison
dernière à La Criée on devait monter Sans faim 1 et 2,
mais on ne l’a pas fait pour des raisons budgétaires.
Le texte évoque un absent.
La disparition d’un être cher, proche, d’une sorte de
figure rêvée de l’artiste. Ce sont les autres qui
l’évoquent, de façon contradictoire : notre société
a tendance à mythifier l’artiste mort. Mais il est
aussi question de la disparition de l’artiste dans la
société, de son absence de rôle, de ce qui disparaît
quand un artiste meurt.
Il a un côté christique, votre Jan.
Comme tout créateur. Faire de l’art n’est pas s’approcher de Dieu mais, dans notre manière de
penser, la création reste une faculté divine, un acte
mystique.
Aucun rapport avec le Livre de Jean, l’Apocalypse ?
Si vous voulez ! Je n’y ai pas pensé quand j’écrivais,
j’ai choisi le prénom pour sa neutralité exotique,
puis il est apparu qu’il correspondait à certaines
figures d’artistes, à certaines références... Donc il y
a un rapport, certainement.
Malgré son thème le Livre d’Or de Jan est assez
hilarant par moments… Avez-vous voulu ce ton
comique ?
Je parlerai plutôt d’humour que de comique. De
dérision. Le rire naît de situations de connivence,
d’absurdités partagées, et non de gags destinés à
se moquer, à rire aux dépends… Mais Le livre d’Or
est néanmoins plus comique que mes autres textes.
Peut être parce que le thème, la mort, est suffisamment sinistre pour que ce ton-là soit nécessaire.
Pour parler de choses moins drôles, où en est
Montévidéo ?
Pour l’heure le lieu est fermé. Sans date de réouverture prévue : il faut que les travaux soient
effectués pour que la commission de sécurité nous
autorise à rouvrir, et on a besoin de 350 000 € de
travaux pour que le lieu soit mis aux normes. À ce
jour nous en avons moins du tiers. Nous avons
rendez-vous le 17 nov avec la DRAC, le CG, le CR et
la Ville pour tenter de résoudre la situation. Mais
pour l’instant ma compagnie (Diphtong ndlr) et le
GRIM (scène de musiques improvisées dirigée par
Jean-Marc Montera ndlr), ainsi qu’Actoral, une manifestation reconnue aujourd’hui nationalement, sont
sans lieu d’accueil.
Comment en êtes-vous arrivés là ?
Peu à peu… Le lieu n’a pas assez de subventions,
depuis le début il vit d’emplois aidés, des loyers
que Diphtong et le GRIM lui payent. Comme les
subventions stagnent et que les emplois aidés sont
arrivés à terme, nous sommes en grande difficulté
depuis trois ans. Et comme nous n’avons pas les
aides suffisantes pour investir dans le lieu, il n’a
jamais été aux normes. Montévidéo n’est pas vétuste mais les normes européennes de sécurité nous
imposent d’avoir plusieurs sorties, des balustrades
plus hautes, des dégagements, un accès handicapés, des sanitaires. Tant que cela ne sera pas fait
nous ne pourrons pas rouvrir : il s’agit donc de
savoir si les collectivités jugent que le lieu doit
continuer à vivre… Mais peut-être traversons-nous
simplement, après 10 ans, une crise de maturité ?
En tous les cas il est clair que sans aide exceptionnelle Montévidéo ne se relèvera pas.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Le Livre d’Or de Jan
Du 7 au 11 déc
Le Gymnase, Marseille
0 820 000 422
www.lestheatres.net
© Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon
08
ÉVÉNEMENTS
ENTRETIEN AVEC VÉRONIQUE GENS | MUSÉE CANTINI
L’art du legs
Veronique Gens © M. Ribes & A. Vo Van Tao - Virgin Classics
Il est bientôt midi dans l’amphithéâtre de la Timone, le 12 oct… un jour de grève nationale ! Mais
Véronique Gens est sur le qui-vive : elle fait travailler un quatuor tiré de Don Giovanni à de jeunes
chanteurs aux aguets. La soprano les guide en vérifiant le texte, invite à reprendre la polyphonie en
scindant les couples Anna/Ottavio et Elvira/Leporello,
demande de «moins» chanter…
On apprend avec tristesse la mort de Joan Sutherland ; on se souvient d’elle, merveilleuse dans Lucia.
On songe alors que si ces maîtres-là ne transmettent pas leur art… il se perdra ! C’est peut-être ce
qui a poussé Véronique Gens à soutenir le projet du
baryton Cyril Rovery : fonder une troupe de chanteurs dans la région afin d’y monter des ouvrages,
tout en perfectionnant leur science au contact des
personnalités du monde lyrique.
Après une courte pause, deux barytons s’époumonent
dans l’Air du Champagne. Là, ce sont les accents,
coups de boutoir du séducteur que la diva demande
de marquer, en jouant le texte, en s’amusant… On
donne le meilleur de soi ! Il en sera ainsi jusqu’au
cœur de l’après-midi, au pas de charge, avant que
Dame Gens n’attrape miraculeusement son unique
vol pour Paris…
Zibeline : Animez-vous souvent de telles master
class ?
Véronique Gens : Sur le travail d’une seule œuvre,
c’est la première fois. Si j’ai accepté de participer à
ce projet c’est que je connais bien Don Giovanni,
ayant chanté Donna Elvira des dizaines de fois dans
le monde, dans des mises en scène différentes.
Comment avez-vous organisé le travail ?
Les chanteurs de la classe étaient de niveaux diffé-
rents, mais tous très demandeurs ! J’ai donc insisté,
non pas sur la technique, mais sur l’interprétation
des rôles en plaçant les personnages dans les différentes situations de l’ouvrage. L’expérience était
intéressante, y compris pour moi !
Vous venez de l’école baroque. C’est dans ce sens
que vous avez fait travailler les musiciens ?
Oui ! L’interprétation de Mozart a définitivement
évolué aujourd’hui, grâce aux «baroqueux». On
n’imagine plus de chanter Mozart comme dans le
passé, avec le poids d’une tradition révolue. Si j’ai
été choisie pour ce travail spécifique sur Don
Giovanni, c’est justement parce que je n’envisage
pas les choses comme une artiste sortant du
conservatoire.
Qu’entendez-vous par le «poids des traditions» ?
Aujourd’hui on entend mieux les choses. Les tempi
étaient plus lents autrefois, on n’a plus envie
d’entendre certains ports de voix…
Avez-vous assisté aux représentations du Don
Giovanni à Aix cet été ?
Oui, bien sûr, je chantais au Festival cet été (Alceste ndlr). Je ne parlerai pas de la mise en scène,
on en a dit assez ! Mais Louis Langrée à la direction
du Freiburger Orchestra… c’est comme cela que
j’envisage l’interprétation de Mozart !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JACQUES FRESCHEL
Hérold n’est pas fatigué
Pour le centenaire de la naissance
de Jacques Hérold, le musée Cantini
offre au peintre surréaliste une
rétrospective allant des débuts
parisiens aux années soixante
Parce qu’il n’est pas aujourd’hui le plus connu,
l’exposition du musée Cantini a le grand mérite de
nous faire redécouvrir les œuvres de celui qui fut
un des fervents acteurs du surréalisme, et qui
trouva aussi refuge aux heures les plus sourdes
dans la cité marseillaise.
Le jeu permit probablement aux artistes réfugiés à
Marseille lors de la seconde guerre mondiale de
garder le moral en attendant leur espère-visa à la
villa Air-Bel sur les hauteurs de la Pomme. C’est là
que Breton et quelques autres, dont Jacques Hérold,
ont réinventé le Tarot en Jeu de Marseille. On nous
offre ici un très bel ensemble de ces dessins
originaux complétés de cadavres exquis et d’autres
dessins collectifs, dont le musée possède une belle
collection avec bien d’autres peintures et sculptures. L’exploration de l’irrationnel et du rêve permit
à ces révolutionnaires d’inventer plusieurs méthodes, passées dans le commun pour les unes, que
Jacques Hérold prolongea singulièrement dans ses
peintures et ses sculptures : les Germinations
(1930-34), Ecorchés (1934-38), surtout les Cristallisations (1938-48) inspirées des réflexions de
Hegel sur le cristal, apparaissent comme constituer
la formalisation plastique du principe de condensation cher à l’inconscient freudien.
Expliquez-vous !
C’est parce que cette exposition est complète et
pertinente qu’elle aurait mérité un traitement plus
didactique. Il aurait permis au visiteur de croiser les
Jacques Herold, Les Tetes, 1939, huile sur toile, 81x85 cm, Fnac-Mnam
depot 1987, Musee Cantini, Marseille © Jean Bernard
œuvres et les documents présentés avec les questionnements sous-jacents : l’œuvre d’Hérold dans le
Surréalisme (il était considéré par ses pairs comme
un des théoriciens les plus authentiques du mouvement), la période Marseillaise, les expérimentations
poétiques et littéraires, l’après Surréalisme… En
fond de salle, une vidéo concernant moins l’artiste
que son ami Yves Tanguy en devient anecdotique. En
choisissant un parcours linéaire sans guère de repères, l’exposition provoque une déambulation
flottante pour le visiteur qui saura compenser en
choisissant d’être guidé, ou par l’indispensable
lecture du catalogue richement documenté (textes
du commissaire de l’exposition Christine Poullain
sur la période marseillaise, de C. Dauphin et R.-H.
Iché pour les relations au surréalisme) et comportant une iconographie exceptionnelle. Et comme
prolongement naturel, il tirera bénéfice de l’accrochage du premier étage pour retrouver une
sélection du fonds surréaliste du musée avec les
œuvres de Brauner, Ernst, Masson, Seligmann, Miro
ou Matta.
CLAUDE LORIN
Jacques Hérold et le Surréalisme
jusqu’au 17 janvier
Musée Cantini, Marseille
04 91 54 77 75
www.marseille.fr
ENSEMBLE TÉLÉMAQUE
ÉVÉNEMENTS
09
Résolument
contemporains !
Jean-Marc Fabiano © Agnes Mellon
Des voyages musicaux proposés par
Télémaque en compagnie
de compositrices et compositeurs
des XXe et XXIe siècles ?
Voilà qui a de quoi séduire...
Durant un mois, différents lieux marseillais vont accueillir concerts, démonstrations et ateliers, esquissant
le portrait de la musique de notre temps, sans négliger
les compositeurs fondateurs. Raoul Lay, qui dirige
l’ensemble depuis 16 ans, a toujours à cœur de défendre la musique contemporaine en la mettant à la
portée de tous. C’est ainsi qu’il a présenté pendant
plusieurs années des Portraits lors desquels il expliquait simplement les partitions avant de les diriger.
Aujourd’hui Télémaque va plus loin en proposant deux
journées d’ateliers pédagogiques de composition pour
enseignants et adolescents, qui montreront comment
noter la musique au moyen de graphiques, sans être
musicien (17 et 18 nov à Montévidéo). Une rencontre
autour de l’accordéon (le 30 nov à L’Alcazar) mettra
en lumière la virtuosité de Jean-Marc Fabiano, et au
placard ceux qui vouent l’instrument à la musette !
L’histoire de la musique sera abordée en trois ateliersconcerts (16, 23 nov et 7 déc, L’Alcazar) pour ouvrir
des portes : la musique des «penseurs» avec Schoenberg comme chef de file, puis Boulez : celle des
«instinctifs» qui s’attachent à l’énergie et la pulsation
comme Stravinsky, enfin la musique des «sensuels»
et des «coloristes» derrière Debussy et Ravel. La
Bibliothèque accueillera également une exposition
d’Agnès Mellon (voir couverture), qui traque ces musiciens depuis 8 ans (jusqu’au 7 déc).
En même temps, trois concerts (voir p.32) : Compositrices de l’ailleurs (le 17 nov au Point de bascule),
Les pinceurs d’âme (le 19 nov, La Magalone) et Le
rêve de l’homme-oiseau (le 26 nov, aux Bernardines).
Avec trois créations dont une commande (PierreAdrien Charpy), et trois premières françaises. Et
lorsqu’on lui demande si Télémaque veut revenir au
concert, Raoul Lay s’exclame «Nous en avons toujours
fait ! Mais à présent que nos productions scéniques
avec le théâtre, la danse ou le cirque ont fidélisé un
public nombreux, nous voulons faire le pari du concert.
Il est temps que ceux qui voient de la danse ou du
théâtre contemporain aient la curiosité d’écouter de la
musique sans danser, sans spectacle, sans texte. Nous
voulons revenir à cette expérience-là, et rassembler sans
filet un public pour écouter de la musique en création.»
CHRIS BOURGUE
Le mois des compositeurs
jusqu’au 7 déc
04 91 39 29 13
www.ensemble-telemaque.com
Open space
Mise en bouche réussie pour
l’ouverture du Mois des Compositeurs
C’est à la Minoterie le 10 nov qu’a débuté la grande
entreprise de musique contemporaine sous l’impulsion
de Raoul Lay, directeur musical de l’Ensemble
Télémaque. Guide de cette première soirée, le chef
d’orchestre et compositeur a déroulé un accueillant tapis
rouge à ceux qui trouvent le «concert type» soporifique
et formalisé. Emmené dans un parcours entre des
œuvres variées, l’auditoire nombreux a été conquis
par les surprises musicales, invité à se déplacer et
participant à une spatialisation inhérente à la musique
contemporaine. Après un extrait vidéo du délirant
oratorio burlesque Desperate Singers, la toujours
surprenante et virtuose Sequenza III de Bério fut
magistralement interprétée par la soprano Brigitte
Peyré. Rires, cris, chuchotements, gloussements…,
rien n’effraie la chanteuse «comédienne», rompue à
l’écriture et aux désidératas fantasques du compositeur italien. Rejointe par le trompettiste Gérard
Occello, elle fit découvrir, et apprécier, la musique
décoiffante et pleine d’humour du compositeur newyorkais Max Lifchitz, joué pour la première fois en
Europe. Heureuse initiative, comme celle d’inviter le
public à débattre, autour d’un verre et d’agapes partagées, sur ce monde sonore moderne qui se dévoile et
se comprend. Car Télémaque continue à défendre la
création musicale contemporaine, qui peut tout à fait
s’apprivoiser !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
10
ÉVÉNEMENTS
LE BNM | L’ENSDM
Sur tous les fronts de mer
Métamorphoses © Agnès Mellon
Frédéric Flamand est nommé à la direction de la Biennale de Danse de Cannes!
Une belle marque de reconnaissance pour
le directeur du Ballet de Marseille, à qui l’on
reproche parfois de manquer de rayonne-
ment, oubliant qu’il a trouvé il y a quelques
années une compagnie sans répertoire,
usée par les conflits, et qu’il a su peu à
peu la relever sans coupes sombres dans
la chair, ni soubresauts spectaculaires.
Le Festival de Danse de Cannes n’est pas
une mince affaire : nommé après un appel
d’offres qu’il a remporté grâce à un projet autour des nouvelles mythologies,
Frédéric Flamand devra en 2011 puis en
2013 organiser une semaine d’une manifestation d’envergure qui se déroule sans
discontinuer, au rythme de plusieurs
spectacles par jour, dans quatre grandes
salles, dont l’immense Palais des festivals (2500 places). Son prédécesseur
Yorgos Loukos a su donner à cette Biennale qui existe depuis 1993 une dimension
internationale et une reconnaissance critique et publique unanime, propulsant
en quelques éditions cet événement au
rang des festivals de danse les plus prestigieux. Frédéric Flamand compte s’inscrire
dans ses traces et créer une nouvelle dynamique autour du rapport du corps aux
nouvelles technologies, en particulier à
l’image mouvante dans ce temple du
cinéma…
Le lien avec Marseille qu’il continuera à
diriger ? Flamand veut en profiter pour
nouer des relations entre l’ENSDM (voir
ci-contre) et la célèbre Ecole Rosella
Hightower, faire venir des chorégraphes
de la Région parmi la programmation internationale, occuper la salle de La Bocca
avec des formes innovantes. Car cette
nomination lui donnera l’occasion de
poursuivre sa recherche sur les technologies et l’architecture, les rapports entre
les corps plongés dans la virtualité, éloignés de la chair mais rattrapés par les
mythes comme une mémoire ancienne…
Et si 2011 donnera l’occasion de reprendre le répertoire du BNM, qui est déjà
venu 4 fois à Cannes depuis que Frédéric
Flamand le dirige, 2013 sera l’occasion
d’une grande création… Pour fêter les
20 ans, et bâtir des ponts entre Cannes
et la Capitale Culturelle !
AGNÈS FRESCHEL
Duos, et plus
Le Ballet National de Marseille a une nouvelle fois invité
ses danseurs à chorégraphier librement des pièces courtes. Ils ont écrit beaucoup de duos. Celui de Yasuyuki
Endo et Noémie Ettlin s’inspire d’une légende du
Théâtre Nô, insistant sur l’aspect passionnel et destructeur de la relation amoureuse, dans une lumière noire
et un décor de papiers souples et métallisés… Anton
Zvir offre à Yoshiko Kinoshita et Mario Giotta un duo
qui tend vers le pas de deux, et s’interroge sur la douceur des sentiments et des corps, s’enroulant aux sons
d’un piano solo. Malgorzata Czajowska et Gabor Halasz
s’adonnent à un jeu étonnant de mains et de bras unis.
Enfin Mario Giotta et Angel Martinez Hernandez
Ouverture 16 © Agnès Mellon
proposent un duo énergique, jouant sur une vidéo en
noir et blanc, des projections d’ombres et un poème en
espagnol incitant à l’aventure.
Dans un registre plus critique, Noémie Ettlin s’amuse
avec des laitues et un caddie de supermarché en compagnie de 2 autres danseurs : ils galopent frénétiquement
dans les rayons pour se retrouver entassés dans le caddie tandis que gisent les laitues réduites en charpie.
Quant à Marcos Marco il propose une danse théâtralisée
avec cinq interprètes, se risquant dans le public, poussant de la voix, ce qui permet d’admirer les qualités
vocales et théâtrales d’Angel Martinez Hernandez. Ouverture prometteuse ; même si certaines propositions
sont encore incomplètement abouties on apprécie une
fois de plus la liberté de ces recherches.
CHRIS BOURGUE
À venir
Avant de partir à Mulhouse et Bruxelles, le BNM fait une
étape alpine sur une scène nationale qui l’accueille presque chaque année : à Gap ils danseront la dernière création
de Flamand, La vérité 25 fois par seconde, une pièce
âpre en gris et blanc, en verticalité d’acier et d’échelles
envolées comme autant d’impasses vers un ciel vide…
Le 23 nov
04 91 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Le BNM accueille dans les murs de son grand studio deux
chorégraphes bien connus de la région : Thierry Niang
y reprend Au Zénith, qu’il avait créé lors du festival les
Musiques (voir ZIB’28), et Miguel Nosibor y crée avec
sa compagne Aller-Retour, une pièce sur le partage, le don
de soi et la relation amoureuse.
Ouverture 16 s’est donné au studio du BNM
les 22 et 23 octobre
Les 10 et 11 déc
04 91 327 327
www.ballet-de-marseille.com
Métamorphosés
La pièce que Frédéric Flamand a conçue en 2008 avec
les frères Campana est sans doute la plus attrayante de
ses œuvres : colorée, peuplée de gadgets d’une ingénuité
remarquable, elle reprend quelques figures mythologiques et plusieurs métamorphoses d’Ovide -Méduse,
Actéon ou Arachné-, greffe ses avatars contemporains
et travaille sur l’hybridation, représentée dans le décor
et les costumes par des éléments refabriqués à partir
de matériaux de récupération. Très cohérente et spectaculaire, la pièce a gagné en maturité d’exécution lors
des tournées internationales, et les nouvelles recrues du
Ballet s’y révèlent absolument enthousiasmantes, élevant le propos et les corps très au-dessus du sol ! La
création de Thierry Malandain est plus décevante : le
chorégraphe néoclassique si exigeant avec les inter-
prètes de son propre ballet Biarritz n’a pas su retrouver
l’allant qu’il avait insufflé aux interprètes «classiques»
du BNM lorsqu’il leur avait fait danser Sextet : le romantisme délicat de Berlioz, le langage subtil et précis
du chorégraphe exigent des interprètes qui savent mesurer et retenir chaque geste, et les pas de deux sensuels
mais acrobatiques nécessitent un coulé et des placements impeccables. Sans cela pas de véritable grâce, et
sans grâce ces Nuits d’été parurent douloureusement
surannées… Dommage : Malandain peut sans nul doute
métamorphoser aussi ces danseurs-là du Ballet.
A.F.
Les Nuits d’été et Métamorphoses ont été dansés
à l’Opéra de Marseille du 14 au 16 oct
ENSDM 2010 © Delcey
L’École nationale supérieure de danse
de Marseille est depuis mai dernier habilitée
à délivrer le Diplôme national supérieur
professionnel
Sur la pointe
des chaussons
Ce projet mis en œuvre par le directeur de
l’ENSDM, Jean-Christophe Paré, en collaboration avec l’université de Toulon
(Ingémédia - Unité de formation et de
recherche en Sciences de l’Information
et de la Communication) a pour objectif
d’aider «les artistes d’aujourd’hui à utiliser
les nouveaux outils médias en les réinvestissant dans leurs pratiques.» C’est
également «une plus grande visibilité
pour l’école, un facteur de reconnaissance et de valorisation et un plus pour la
formation initiale.» On peut ainsi entrer
dès 8 ans et en sortir à 22 ans !
D’une durée de 3 ans, ce cycle associe
formation artistique professionnalisante
et études universitaires, et débouche sur
l’obtention du DNSP de niveau III et
d’une licence universitaire. C’est un grand
pas dans la formation des danseurs qui,
à 18 ou 22 ans, ont rarement moins de
10 ans de danse derrière eux et du mal à
envisager leur avenir. Quand ce n’est pas
leur reconversion… D’où la nécessité d’une
formation diplômante qui les ouvre à d’autres pratiques, dans leur métier ou d’autres
domaines. À ce titre «le DNSP permet
d’identifier l’ensemble des compétences
d’un danseur» souligne J.-C. Paré qui dès
cette année travaille avec Toulon sur des
projets chorégraphiques alors que les
danseurs-étudiants ne développeront les
relations danse/image qu’en 3e année.
Déjà le chorégraphe Hervé Robbe les
accompagne durant 4 semaines autour des
notions d’appropriation de l’image et de
sa relation au corps ; au printemps Agnès
Noltesius, ex-danseuse chez Forsythe,
travaillera sur l’improvisation et la composition développés dans les années 70.
Frédéric Flamand, directeur du Ballet
national de Marseille, est très impliqué
lui aussi, particulièrement sur la transmission du matériel chorégraphique.
Ces jeunes venus des quatre coins de la
planète, 15 cette première année, pourront donc suivre une double orientation
chorégraphique («formation néo-classique
d’aujourd’hui et danse contemporaine»
précise J.-C. Paré), et repérer de nouvelles
écritures, de nouvelles techniques et de
nouveaux outils. Avec l’ESDC Cannes Rosella Hightower, l’ENSDM est le deuxième
établissement en région à délivrer le
diplôme sans qu’il y ait mise en concurrence : «à chaque fois ce sont des projets
singuliers et des philosophies différentes.»
À Marseille, les nouvelles technologies de
l’image font leur entrée sur la pointe des
chaussons.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Journée portes ouvertes de l’ENSDM
le 4 déc : visite des studios,
présentation publique des ateliers
en cours (tous niveaux confondus)
soirées partagées avec le BNM
les 16, 17 et 18 déc
ENSDM, Marseille 8e
04 91 32 72 86
www.ecole-danse-marseille.com
12
THÉÂTRE
LENCHE | POINT DE BASCULE | BERNARDINES
Il blague ?
La conference © Mathieu Bonfils
Idéologiquement le texte de Christophe Pellet est
au moins contestable. Son monologue confond allègrement l’État français et son gouvernement, renoue
avec la tradition rance du génie propre des nations,
imagine un Esprit Français fondamentalement (naturellement ?) différent de l’Esprit Allemand… qu’il dédouane
en partie du «désastre», auquel il se serait livré par
contamination admirative de l’esprit révolutionnaire
français, hélas dégradé par Napoléon. On a déjà lu ça
dans Céline, qui n’est pas politiquement la meilleure
référence. Mais ces amalgames rapides (pas faux,
donc) sont proférés sans blaguer par Thomas Blaguernon, un personnage contradictoire, profondément
blessé, au milieu d’autres énormités antinomiques,
mais qui souvent visent très juste. En particulier
quand il pointe l’illusion qui règne dans le milieu
théâtral : les centres dramatiques et autres maisons
nationales ne sont pas des bastions de résistance
mais des lieux de pouvoir, menés par des directeurs
qui, au moins en partie, servent la politique de ceux
qui les ont placés là.
En dehors de cette affirmation décourageante pour
ceux qui croient encore aux vertus émancipatrices
de l’Art, La Conférence est très drôle, caustique, et
d’une belle autodérision. Les salves ironiques fusent,
mordantes, contre les maisons d’édition, les critiques
Sortir du ça
Le théâtre n’est pas anodin, et c’est ce
qui fait sa nécessité. Mettre des amateurs dans les positions d’humiliation
où les plonge Rémy Yadan est irresponsable. Par respect pour les
personnes entraînées dans cette exhibition, nous ne détaillerons pas comment
chacun de ces êtres humains a été
ridiculisé, montré dans ses failles : il
faut être naïf, ou sadique, pour croire
qu’ils sortiront indemnes de cette mise
à nu publique de leurs régressions. Qu’ils
soient volontaires n’y change rien : la
parole des maîtres peut entraîner les
hommes vers des actes avilissants dont
ils se préserveraient seuls. S’exhiber en
train d’éructer, de suffoquer, de régresser au stade de nourrisson, de
pousser des cris d’animaux, de jouer à
dramatiques (si si, très juste), les auteurs dramatiques, et le défaut de beauté. Puis la saucisse de
cheval et les plats en sauce : cela surtout, l’absence
de désir de beauté.
Renaud-Marie Leblanc, qui n’était pas monté en
scène depuis une quinzaine d’années, s’y avère un
comédien précis et inspiré, comme le sont ses mises
en scène. Extraverti, boudeur, piquant, absent, son
personnage s’exhibe dans la diatribe sans donner les
véritables clefs de son désespoir, sensible pourtant.
Avec un fauteuil, un imper, un couloir de lumière et un
peu de Mahler (juste ce qu’il faut de génie allemand…),
le comédien tient la scène pendant plus d’une heure,
empoignant un texte prolifique qui répète ses thèmes
et variations : un beau challenge pour un come back,
comme dirait l’esprit ricain.
AGNÈS FRESCHEL
La Conférence mise en scène par R. M. Leblanc
et Vincent Franchi a été créée
au Théâtre de Lenche du 26 oct au 6 nov.
À venir : la Cie Didascalies and Co crée un autre
texte de Christophe Pellet, Erich von Stroheim,
au Merlan (voir p. 18).
Sacrifice
la démence, exhiber ses tares physiques, et laisser pleurer un nouveau né
sur scène, tout cela fait outrepasse les
tabous dont nous avons besoin pour
construire notre humanité. Sans compter l’inintérêt puissant du propos, et
l’ennui généré par tout ce rien régressif
enchaîné sans timing…
On connaît des comédiens professionnels, des artistes, qui ont été massacrés
par l’exhibition répétée de leurs voyages
en démence ; il faut au moins préserver
les amateurs des metteurs en scène
prométhéens.
AGNÈS FRESCHEL
Tout va pour le mieux qu’il soit possible
a été créé au Point de Bascule,
Marseille, les 29 et 30 oct.
© X-D.R
© Fabrice Duhamel
Tous tant qu’ils sont est un petit bijou d’achèvement impromptu : c’est à partir
d’un projet à plusieurs voix que Xavier Marchand met en scène ce texte de
Suzanne Joubert. Une Petite enfermée dans l’arrière boutique d’un supermarché
super discount y fait entendre sa voix, puis celle de tous les autres employés, dont
elle rapporte précisément les propos sans camper tout à fait les personnages.
Une histoire d’enfermement et de misère au milieu de sacs plastiques que la Petite
essaie vainement de recycler, promise à un sacrifice dont la prémonition apparaît
dans le nom même du magasin : L’Abondance sacrifiée (ça ne s’invente pas, la
chaîne a existé). Cet ancrage dans le réel économique des petits employés
débouche soudain, par éclairs et par cycles, sur des réminiscences d’Iphigénie, un
bouc tragique qui passe, un désir fou d’être comédienne et de sortir enfin hors du
trou où elle est enfermée… La langue subtile est portée avec force, talent, nuances
et mesure par Edith Mérieau, qui scande les mots tout en insufflant un phrasé
presque naturel aux détours alambiqués des phrases, avec une rare maîtrise du
tempo… Elle est servie par une mise en scène économe, qui ménage cependant
quelques très beaux effets de lumière et d’espace. Jamais gratuits, et toujours
dans le sens de la lisibilité du texte.
A.F.
Tous tant qu’ils sont a été crée aux Bernardines
du 15 au 20 oct
LE MERLAN | LA CRIÉE | CIE L’INDIVIDU
Petits arrangements
avec les vivants
THÉÂTRE
13
Encagez-vous…
quelles viennent successivement se percher trois
comédiennes épatantes. Tout d’abord, l’épouse
Susan Taylor (Jézabel d’Alexis), la copine du bureau
(Julie Recoing) et la mère (Catherine Hérold). Puis
d’autres, incarnées par les mêmes. Elles parlent tour
à tour de Richard, éclairant chacune un profil du
personnage qui se dessine ainsi en mosaïque, et se
dévoilent en même temps. Puis, très naturel, Arnaud
Cathrine lui-même intervient, balançant de très
théâtrales paroles, d’une langue parfois crue d’une
grande efficacité, évoquant celle de Sarah Kane, qui
intervient d’ailleurs comme narratrice en un hommage de l’auteur.
Après la lecture Arnaud Cathrine plaisante, affirme
qu’il voulait «provoquer (sa) maman» ! Et comme
Flaubert il s’exclame : «Ces femmes, c’est moi !»
La Criée propose régulièrement des rencontres
autour d’un texte et d’un auteur contemporain. Atmosphère intimiste et mise en lumière et en bouche
des mots… Ninon Brétécher a eu l’envie de faire
entendre un roman d’Arnaud Cathrine : La disparition
de Richard Taylor. Roman à plusieurs voix féminines
et donc à plusieurs points de vue. Le plateau est
occupé par trois hautes chaises d’arbitre sur lesArnaud Cathrine © C.-Helie-Gallimard
CHRIS BOURGUE
Mise en espace présentée le 21 oct à la Criée
À lire
La disparition de Richard Taylor-Arnaud Cathrineéd. Verticales 2007 et Gallimard 2008
À venir
lecture-opéra du 1er roman de Violaine Schwartz
La tête en arrière le 9 déc par l’auteure
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriée.com
Chez eux
Pour fêter ses cinq ans la Cie l’Individu conviait le
public à une soirée faite d’intimités. Individuelles,
comme le nom de la compagnie, programmatique,
l’indique. Littéraire, comme il ne le dit pas, même si
on le comprend vite : les noms des auteurs apparaissent juste à côté des titres, juste avant le nom de
l’acteur, qui précède encore celui du metteur en
scène. Et c’est bien comme cela qu’on pense, à
L’Individu, à contrecourant des productions actuelles.
D’autres lignes de force jalonnent le parcours, indiquant qu’une esthétique s’élabore : Notre Dallas, Le
di@ble en bouche et les deux textes créés ce soir-là
tournent autour des mêmes tentatives de définition
d’un moi autour d’une sexualité, et d’un rapport
procréateur ou dévorant au monde.
Guillaume, écrit par Jérôme Lambert pour Guillaume Clausse, introduit dans un flux achronique de
pensées, de souvenirs et de projections, d’un être
Guillaume © X-D.R
homme qui se pense chien, d’un sujet violent qui se
rêve objet dominé et raconte, en un récit qui retombe
à la fin sur ses pattes inaugurales, une scène traumatique, ponctuée de quelques autres, avant/après,
comme autant d’explications ou de sorties possibles.
La langue est imagée de sensations et de surgissements, et Guilllaume Clausse maîtrise formidablement
sa lecture à table, qui se préserve de la théâtralité,
mais laisse errer les images entre ses bras qui se
soulèvent.
Le deuxième texte, de Charles-Eric Petit, est une
variation violente autour de la mort d’Actéon -celui
qui, ayant vu Diane nue, fut transformé en cerf puis
mis à mort par ses chiens. Métamorphose abondamment récrite et commentée, où il est question de sexe
bien sûr, et de dévoration encore, le supplice d’Actéon étant l’endroit exact où le sujet regardant se
transforme en victime animalisée… Le texte de Petit,
déstructuré, s’attache à décrire la violence de la punition des dieux, en construisant une analogie avec
les bombardements du monde. La mise en scène
efficace et le comédien très incarné, permettent au
texte d’exister comme un cri… à nuancer sans doute
dans l’écriture.
Quant au concert de Thomas Cerisola, intitulé Je
suis un cerf, il conclut une soirée chaleureuse sur un
certain malaise : se référer à certains textes de
Bataille isolés de ses saisons en enfer (ma putain mon
cœur je t’aime comme on chie) n’est pas fait pour
déclencher le consensus.
AGNÈS FRESCHEL ET AUDE FANLO
© Agnes Mellon
La visite proposée par Michaël Cros est inquiétante:
lorsque vous pénétrez dans l’aile droite du musée
Longchamp, cerné par une énorme mâchoire de
squale et un éléphant sombre qui, derrière la porte,
lève la trompe sans barrir, immédiatement l’absurdité
glauque du projet muséal autour de la conservation
du vivant/mort vous introduit dans le propos. Le lieu
a du sens, et tout Marseillais de plus de trente ans y
a rencontré des animaux en cages plutôt décatis, et
des empaillés qui ne valaient pas mieux… Mais à
l’étage d’autres chocs vous attendent. Là il ne s’agit
plus d’animaux exposés mais d’hommes, vivants,
entièrement recouverts de combinaisons noires renvoyant aux expositions coloniales, à l’animalisation
de l’homme africain… des entomologistes masqués
manipulent les corps, et les mannequins aussi, qui se
confondent avec les chairs dissimulées et parfois
immobiles. Dans le hall d’entrée, des iPad exposent
des écriteaux de zoos –ne pas nourrir les animaux- et
des vitrines de mannequins ; dans la salle des caméras vous captent passant, morcellent et dédoublent
votre image, la décomposent comme dans une chronophotographie High Tech. Dans les vitrines les corps
bougent lentement, performent, se pendent, se ligotent, s’exposent, s’offensent. Mangent des arachides,
tandis que les entomologistes surveillent, notent,
replacent, expérimentent. Votre place de spectateur
observé, sollicité, appelé à se déplacer pour suivre
les performances, vous amène à parler bas, à baisser
le regard, à sourire à peine aux autres visiteurs… puis
à vous lasser d’un univers qui se dévoile un peu trop
vite, pour ménager trop lentement ensuite ses changements. Une expérience trouble donc, à resserrer.
A.F.
Zoomorphe de Michaël Cros
a été présenté du 28 oct au 4 nov
au Museum d’Histoire Naturelle de Marseille,
dans le cadre de la programmation du Merlan
14
THÉÂTRE
MINOTERIE | BANCS PUBLICS | GYMNASE | CENTAURE | VITEZ
Passe-muraille
Saluons la finesse de l’équipe de Julie Kretzschmar,
initiatrice des Rencontres à l’Echelle : plaquette programme élégante, à la signalétique efficace, et aussi
affiche malicieuse, hommage léger aux curiosités fondatrices qui poussent diaboliquement à aller voir chez les
autres !
C’est à Istres que le solo de Hamid Ben Mahi a posé
hip hop une des problématiques de cette 5e édition (voir
p23) : laisser au mot «tension» toute sa dynamique créatrice. La soirée d’ouverture marseillaise aux Bancs Publics,
le 13 nov, a parfaitement illustré cet «esprit d’entreprise
fragile». Deux projets diversement aboutis réunissaient
en un chiasme parfait un musicien français (Aurélien
Arnoux) et un égyptien chorégraphe (Mohamed Shafik),
une française chanteuse (Emilie Lesbros) et un
violoniste algérien (Kheireddine M’Kachiche). Energie
débridée mais répétitive, décibélisme hyper expressionniste convenu pour le premier duo ; reptations souples
et jetés vigoureux témoignent d’une belle maîtrise
technique... qui malheureusement exhibe un peu trop
ses intentions. La rencontre a lieu, en revanche, évidente et partagée par un public conquis, entre la voix et le
violon, l’arabo-andalou jazzé et la musique contemporaine,
la chanson tout simplement et le rythme qui fait danser !
MARIE-JO DHÔ
Meetic.med, M. Shafik © X-D.R.
À venir
Entre temps se seront croisées des lectures : ne pas
manquer l’hommage au journaliste algérien assassiné
(pléonasme ?) Saïd Mekbel, le 18 nov ni Les Borgnes
(voir p 19) du passionnant et vivant Mustapha Benfodil
le 26 nov. Du théâtre : une pièce du même auteur De
mon hublot utérin… bla bla bla présentée en étape de
création à la Friche le 19 nov. Des projets pluridisciplinaires autour du travail de Soeuf Elbadawi, auteur et
metteur en scène comorien le 20, 21, 22 nov dans des
cités des quartiers Nord et à l’Ecole Centrale de Marseille.. .et bien d’autres propositions détaillées sur le site
des rencontres... et la si jolie plaquette !
Les rencontres à l’échelle
Jusqu’au 27 nov
Les Bancs Publics
04 91 64 60 00
http://lesrencontresalechelle.com
Bien sûr, il y a une suite en ce lieu : clôture alléchante le
27 nov avec Ramallah mon amour, film vigoureux de
Natacha Musléra suivi de la performance festive de
quatrE (au féminin) Vraoums habilement déjantées.
Intérieur damassé bourgeois
Aller voir un Goldoni est toujours un plaisir. Celui-ci
tourne depuis plus d’un an, a fait dernièrement étape à
Sète et Nîmes avant de s’arrêter au Gymnase. Le
barbon y est interprété par Robert Hirsh, 85 ans dont
plus de 60 ans de carrière, et il est entouré de Claire
Nadeau et Clémentine Célarié, ce qui garantit le succès
public de cette production privée du Théâtre Hébertot :
La Serva amorosa remplit, et ravit, la salle. Faut-il s’en
réjouir ? On préfèrerait mieux que le public soit aussi
facile à convoquer sur la création de Hubert Colas (voir
p 7), mais cette intrusion dans l’intimité bourgeoise du
XVIIIe siècle ne manque pas de charmes. D’abord, avant
tout, parce que le texte de Goldoni fonctionne comme
une mécanique rigoureuse et intelligente, explorant le
fond des cœurs sans sacrifier au rythme comique,
faisant entrer la comédie dans l’ère de la psychologie et du féminisme- comme en France un certain
Marivaux. Ensuite parce que Robert Hirsch, sémillant
vieillard, entretient avec le personnage une proximité
troublante, une fragilité émouvante qui nous fait
comprendre ses renoncements face à la virago qu’il a
épousée en secondes noces. Sa mémoire même le
lâche, son cœur le fait souffrir, et il y a quelque chose de
«vrai» dans ses mains qui retombent lassées, ou
s’accrochent aux jupes de sa femme…
D’autres dans la distribution sont épatants, Lélio le bel
idiot, Arlequin le valet imbécile. Mais les personnages
de demi-caractères sont nettement plus convenus,
hésitant entre un jeu réaliste et comique, empêtrés dans
le décor trop chargé, dans des costumes trop riches,
dans des sous-textes qui échappent parfois…
L’ensemble passe, bien, mais ce n’est pas du grand
théâtre, et il nous prend l’envie de susurrer au public
rassemblé : allez quoi, soyez moins frileux, partez
explorer d’autres univers, les horizons nouveaux sont
les seuls qui brillent vraiment…
La Serva amorosa
Jusqu’au 20 nov
Le Gymnase, Marseille
0820 000 422
www.lestheatres.net
Valise en carton
«Paris est plus près de Bou Saada que La
Mecque... La géographie, c’est comme la
famille, une question de proximité !» Voilà
à peu près ce que claironne spirituellement et invariablement M.Meffren,
l’instituteur toujours bien français, en
septembre 62, à ses élèves des hauts
plateaux algériens… Finalement il n’y a
que les chiffres qui soient arabes alors ?
Mohamed Kacimi a 7 ans et vit à El
Maleh dans une famille de lettrés au
cœur d’un village quelque peu épargné
par la guerre (l’autorité naturelle d’un
grand-père tenant en respect les forces
françaises, nous précise l’auteur dans
l’entretien qui a suivi la pièce). L’Indépendance de juillet va paradoxalement
sonner le glas d’une fabuleuse liberté pour
l’enfant, et sa compagne Nadia ; la fiction
commence où ne s’arrête pas non plus
l’autobiographie ; et Alger 1962 est franchement un beau texte de théâtre qui
territoires, un peu l’âme du spectacle
avec la musique composée par Rachid
Guerbas et jouée en direct par Stefano
Genovese ; mais aussi une trop vieille
métaphore en forme de valise tirée par
Nadia (Valérie Grail) en partance pour
l’autre rive sur un quai marseillais ; le dialogue avec Gharib l’exilé (Zakaria Gouram,
qui semble endosser le rôle tant il bute
sur les mots) n’offre pas les moments
d’intensité attendus : la passion est dans
les mots, pas dans les voix ni dans les
gestes ; dommage : il était si beau le regard noir du grand-père sur l’affiche !
MARIE-JO DHÔ
© X-D.R.
puise la force de son écriture dans l’effroi
des années 95 et sait dire finement la
désillusion intime au cœur de la liesse
populaire, signe avant-coureur d’autres
catastrophes… Qu’en reste-t-il sur le plateau ? Un dispositif séduisant de simplicité:
un mur-rideau de la mémoire où glissent
les images / photos et cartes / visages et
Alger 62 de Mohamed Kacimi a été
donné à La Minoterie
du 4 au 7 novembre
La pièce est publiée chez Actes-Sud
Papiers
Idéalisme de la pensée
matérialiste
Peut-on vivre sans utopie ? Il est encore difficile d’évoquer l’URSS avec objectivité,
on a vite fait d’opposer, avec raison mais manichéisme, totalitarisme d’avant et
liberté retrouvée. Mais l’ère soviétique n’était-elle pas aussi celle de l’illusion ? Il
s’agit ici de comprendre le grand mensonge qui exploita le rêve d’une vie meilleure
pour tous. À l’oubli programmé de cet idéal, Sveltana Alexievitch oppose une
analyse attentive et sensible des êtres, et interroge l’Histoire par l’observation de
l’histoire des gens.
Trois personnages sont mis en scène. Leur point commun ? chacun a voulu se
donner la mort, non par mauvaise conscience, mais à cause de la chute de l’idéal
qui les a fait vivre. La mort de l’utopie à laquelle ils ont tout sacrifié revient à les
exclure, d’ailleurs, leurs enfants les condamnent, le monde les ignore… Peut-on
vivre dans un univers où l’individualisme détruit toute volonté de progrès général?
En analysant le passé, l’auteur nous renvoie aussi une image insatisfaisante du
monde capitaliste contemporain… L’adaptation et la mise en scène de Nicolas
Struve sont remarquables de vérité et exempt de tentation réaliste : décor sobre,
délimitation minimale des espaces, les trois acteurs ne se rencontrent jamais.
Chacun se livre à un long monologue, sur le ton de la confidence, de la confession,
reformulant des souvenirs avec une sincérité émouvante et juste, humour aussi…
© X-D.R. Un jeu d’une sobre et
bouleversante intensité.
Du très grand théâtre !
MARYVONNE COLOMBANI
Ensorcelés par la mort
de Sveltana
Alexievitch/Nicolas Struve
a été donné au théâtre
Antoine Vitez
les 9 et 10 nov
Deux corps, une âme...
temps. NASDAQ, texte surprenant sur
les traders, traîte de la violence du
monde de la Bourse. Après la performance un court métrage nous emmène
dans Istanbul. Ces formes courtes se
nomment Poèmes Centaures et s’inscrivent dans le vaste projet de Flux,
parcours nocturne dans plusieurs villes
européennes, mélange de films, de poèmes, de performances, qui change de
forme en changeant de lieu devenant
chaque fois oeuvre unique. L’intégrale
en sera présentée en juin dans plusieurs lieux de la campagne Pastré. À
suivre...
Le Théâtre du Centaure abrite des
êtres mythiques, mi-homme, mi-cheval,
qui nourrisent l’imaginaire des spectateurs. On ne s’étonnera donc pas de
leur affluence et de la présence de
nombreux enfants, parfois effrayés
lorsque Yudishtira, l’étalon lisutanien
noir, fonce sur le public et s’arrête pile.
Bête magnifique que l’on devine concentrée et tendue tant la performance
présentée demande un travail minutieux. Manolo dit un texte de Fabrice
Melquiot, son complice depuis long-
CHRIS BOURGUE
© Frederic Chehu
Poème Centaure N°2
s’est donné le 13 nov
à la Campagne Pastré, Marseille
Poème Centaure N°3
le 11 déc
04 91 25 38 10
www.theatreducentaure.com
16
THÉÂTRE
AVIGNON
Lorsque deux artistes qui se connaissent bien, l’un habitué des sunlights,
l’autre de la feuille blanche, se retrouvent sur scène, que se racontent-ils ?
Des histoires de femmes partagées, de
bouteilles avalées et d’au revoir manqués. Des chansons improvisées
(presque) et des tubes revisités (quasiment). C’est ainsi que Stéphan Eicher
et Philippe Djian ont eu envie d’éprouver en public leur complicité (15
ans à fabriquer des chansons ensemble). La dernière représentation de leur
Concert Littéraire a emballé le public
du Chêne Noir, allié à celui de la scène
de musiques actuelles des Passagers
du Zinc (partenaires de la soirée). «On
finit sur scène des chansons qui n’avaient
jamais trouvé de maison», explique le
ténébreux chanteur, qui s’amuse à «ta-
cler» les «dirigeants» de notre pays qui
font le choix, comme les paroles de l’auteur, de «commencer avec quelque
chose de très sombre pour forcément
aller vers la lumière.» Djian, debout (il
ne cessera de réclamer le tabouret sur
lequel son comparse est assis), mesure (approximative) au bout des santiags,
lit donc ses textes (quelques extraits
de son nouveau roman, et certains succès 1000 fois réentendus mais gagnant
ici en saveur). Sa voix sans musicalité
notable le rend un peu timide sur la
chansonnette, puis l’écrivain pour l’occasion slameur, est rejoint par Eicher,
guitare électro acoustique blanche,
looper discret mais efficace, et franchement plus à l’aise. Sa voix aux accents
suisse-allemands opère et charme la
salle, sa conscience littéraire à ses
Stephane Eicher et Philippe Djian © Daniel Infanger
Chaises musicales
côtés. Deux niveaux d’expression qui
s’imbriquent et se fondent, pour leur
plus grand plaisir. DE.M.
Le Concert Littéraire s’est joué
au théâtre du Chêne Noir, Avignon,
le 15 oct
Des voyants aveugles
Les douze batailles d'Isonzo © X-D.R
Le dramaturge anglais Howard Barker, signataire
du théâtre de la Catastrophe, sait faire entendre les
voix en marge et éclater les tabous. Dans La
Douzième bataille d’Isonzo, Camille Carraz et Alain
Cesco-Resia se sont emparés du dialogue illusoire
et bouillant entre deux aveugles, Tenna et Isonzo. La
jeune fille vient de se marier avec un très vieil
homme, qui célèbre ses douzièmes noces. Se donne,
dans une joute brûlante de désir, une infernale et
torride bataille sur leur différence d’âge, leur union
non consommée et leur cécité. Les deux comédiens
se sont jetés, les yeux fermés et avec un sublime
panache, dans l’écriture exigeante et libre de Barker,
où argot et lyrisme se juxtaposent dans une langue
rythmée et viscérale. Ils se mettent eux-mêmes en
scène avec audace et talent, comme deux traînées
de poudre (ou de sable, à l’image de la scénographie
sobre et juste). Provocations, mensonges et aveux
autour de l’obscur objet du désir rebondissent et
nous embarquent, d’abandon en obsession, dans un
tourbillon poétique et cruel. La nudité devient l’enjeu
À bout de
souffle
© X-D.R
Occident de Rémi De Vos n’est pas
drôle. Même si l’on se surprend à sourire, réflexe de défense gênée devant
le miroir cynique que nous tend la pièce.
C’est une comédie noire et désespérée, un cruel «je t’aime moi non plus»
entre deux êtres déchus et déçus, à
qui ne restent que de pathétiques in-
éclairé et les rôles dominant/dominé s’inversent
dans une lutte de corps et d’esprit entre Tenna «qui
ne veut pas rester une rumeur» et Isonzo qui reste
«une éponge au regard fixe». «Je ne suis pas aveugle,
j’ai simplement fermé les yeux» lui avouera-t-il, faisant
basculer la jeune fille (et les spectateurs) dans du pur
fantasme, chacun intoxiqué dans sa propre obscurité.
C’est cru, dérangeant, drôle parfois, diablement érotique et de cris en corps perdus, nous reste l’image
de cet étrange couple et de son impossibilité longtemps gravée dans la rétine. Un seul petit regret? La
lumière aurait mérité plus de recherche.
DE.M.
La Douzième bataille d’Isonzo
s’est jouée au Théâtre des Halles
du 4 au 7 nov
sultes pour partager leur solitude. Dans
une scénographie étouffante de vide,
un couple (Stéphanie Marc et Philippe Hottier, impeccables) englué dans
un quotidien sans âme joue un huis
clos de désamour tristement fataliste.
Ils ne savent plus s’aimer ni se quitter
et comblent l’abandon physique par le
vertige de la parole. Un couple non
identifié qui chaque soir se retrouve,
par habitude ou masochisme, pour une
joute ordurière. Lui s’agite, éructe, enrage, croit résister à ses illusions en se
noyant dans l’alcool, le racisme ordinaire et l’insulte à «sa femme». Elle
semble les avoir perdues (ses illusions),
lasse, immobile mais fidèle au rendezvous rituel quand il lui confesse ses
bassesses parano et sa descente extrémiste. Elle rentre dans son infernal
jeu pour attiser sa jalousie et se conten-
ter de ses sordides «je t’aime» éplorés.
Passés les «putain, salope, je vais te
buter, connard, ta gueule» qui servent
le propos (!), le lieu du drame se situe
au cœur même du langage, pas dans
l’intrigue. Une mécanique verbale parfaitement au point, accentuée par la
redondance d’intermèdes (sous Vivaldi
et dans le noir), qui démontrent le processus d’aliénation, sans issue. Un
théâtre de paroles, à vif et sans ménagement, mis en scène par Dag
Jeanneret qui nous plonge dans
l’enfer d’un couple à bout de souffle.
DELPHINE MICHELANGELI
Occident de la compagnie In Situ
s’est joué au Théâtre des Halles,
Avignon, les 14 et 15 oct
AVIGNON | PORT-DE-BOUC | NÎMES
THÉÂTRE 17
Un triangle brun sur le cœur
Le Balcon a confié son ouverture de saison à la Cie Mémoires Vives pour deux représentations, combles, de
Samudaripen, les recettes étant reversées à la Fondation
Abbé Pierre. Dirigée par Yan Gilg, la compagnie alsacienne
poursuit son travail de transmission des mémoires avec
cette pièce chorégraphique sur la persécution séculaire des
nomades en Europe et leur extermination durant l’holocauste. Créé à l’initiative de Mickaël Stoll, le spectacle
marie deux chants de liberté : jazz manouche et danse hip
hop. Derrière un mur de tulle en barbelés, quatre danseurs
jouent ces prisonniers gitans voués à la mort (épatants,
notamment dans les solos), accompagnés par un slameur
qui scande l’horreur (Yan Gilg, également à la mise en scène)
et trois musiciens hautement véloces. Sous une orchestration savante de lumières et de projections vidéo, ces talents
conjugués soulèvent le voile du Samudaripen, génocide (en
langue romanès) des Tziganes internés par Vichy, déportés
et exterminés pendant le régime nazi. Très documenté, le
spectacle abonde de références historiques, d’images
d’archives, de témoignages bouleversants, et retrace un pan
l’extrême, mais jamais gratuitement.
Le discours Gaullien «Nos nations aujourd’hui unies vous assureront un
avenir digne» signale amèrement notre
échec. Au final, tous passent devant
les barbelés pour interroger le silence
du «monde de la culture» dans le problème actuel des Roms : «On se
mobilise pour l’annexe 8 et 10, mais pas
quand il y a des vies humaines en jeu»...
Raccourci démagogique étonnant, une
lutte n’excluant généralement pas
l’autre, et le monde culturel n’étant pas
spécialement muet à ce propos !
DE.M.
Samudaripen de la cie Mémoires
Vives s’est joué au théâtre du Balcon,
Avignon, les 15 et 16 oct
© X-D.R
de l’histoire passé sous silence (la culture gitane préfère ne
pas parler de ses morts) en nous confrontant à une mise en
perspective dérangeante. La corde sensible est tirée à
Devoir de mémoire
© X-D.R
Il se souvient de tout Abraham.
D’ailleurs il n’a plus que ça, le souvenir,
là, dans l’antichambre de la mort, à
Auschwitz. Sa mémoire va tous les
convoquer, les chers disparus, ceux qui
ont accompagnés son enfance en
Pologne, puis son départ pour la Hongrie ; sont là aussi sa chère Rosele, et
les sept enfants qu’elle lui a donné,
Yankle, son meilleur ami et «meilleur
tailleur du monde» avec lequel il devise
inlassablement de l’amour, du judaïsme,
de nourriture et même d’extraterrestre
(et quels savoureux dialogues !)… Michel
remonte le temps dans un sens et
dans l’autre pour finalement s’arrêter
sur la fin inéluctable, avec une infinie
pudeur.
Jonasz, d’une voix tantôt puissante,
tantôt suppliante ou moqueuse est
chacun d’entre eux, y compris en chansons. Mais il est surtout Abraham, ce
grand-père juif Polonais qu’il n’a pas
connu mais dont il éclaire quelques
moments de vie avec tendresse, lucidité et humour. Michel Jonasz dit vouloir
«rendre hommage aux musiques qui ont
joué un rôle essentiel dans [sa] vie artistique», en l’occurrence la musique
tzigane avec des compositions originales enregistrées à Budapest. Seul
sur scène, il fait défiler les années,
DO.M.
Abraham a été joué au Sémaphore,
à Port-de-Bouc les 20 et 21 oct,
et au Théâtre de Fos le 22
Théâtre théorique
© Bellamy
Écrit par Gertrude Stein en 1936,
Listen to me est un texte complexe,
abstrait, qui, à l’image de l’artiste
avant-gardiste, cubiste, qu’était la
poétesse et dramaturge américaine,
s’interroge sur les genres, le processus
de création et surtout l’expérience de
l’écriture. À ce titre, Listen to me illustre
les doutes, les interrogations de l’auteur face à son texte théâtral. Difficile
de «raconter» ce dont il parle exactement tant les mots qui le composent
semblent se vider de tout sens,
inlassablement répétés… En guise de
personnages des «caractères», numérotés de 1 à 9, s’invectivent, se
répondent autour du sens des mots et
ponctuent les interventions de ceux qui
sont nommés, identifiés, Doux Wiliam
et Lilian. Eux se cherchent, traversent
les actes, rendant chaotique une
éventuelle progression dramatique. La
comédienne Emma Morin a conçu son
spectacle avec un dispositif scénique
simple reposant sur de magnifiques
monochromes projetés sur un écran,
qui signalent les différents actes et
jouent encore un peu plus du contraste entre le sonore et le visuel, et sur
des déplacements réduits. Mais cette
pièce de théâtre qui n’en est pas une
devait-elle être portée sur scène, alors
même qu’il ne s’agit que de matérialiser la langue ? À moins que le son,
seul, prime, et que l’avalanche de mots
qui anesthésie leur sens suffise à
signifier… Paradoxal…
DO.M.
Listen to me a été joué à l’Odéon,
à Nîmes, le 4 nov
18
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Ciel,
un Labiche !
L’Egrégore se met à Labiche ? Au vaudeville ? Certes,
région du théâtre en langue arabe paraît une évidence : plus d’un marseillais sur dix est arabophone…
Mais ce n’est pas tout : les théâtres du Maghreb, du
Liban, de Palestine, d’Egypte aussi, ont hérité de
dramaturgies différentes, anciennes, d’un rapport au
conte oralisé que le théâtre «occidental» a oublié
depuis les Grecs. Une tradition d’un théâtre d’objets
très différent du nôtre y est très vivace… et bien sûr
les textes contemporains, écrits ou non en Arabe,
nous rapportent des conflits politiques qui sont au
cœur de notre histoire de Méditerranéens.
Plusieurs raisons donc de suivre ce cycle proposé par
le Système Friche Théâtre et placé Sous le Signe
d’Averroès. Bien sûr tout est surtitré ou bilingue, et
vous pourrez y voir une pièce Syrienne mise en scène
par un tunisien sur un amour impossible (les 17 et 20
nov), le monologue fou d’une mère qui cherche le
cadavre de son fils dans les décombres d’une ville
anonyme qui ressemble à Beyrouth (le 18 nov), les
cauchemars d’une enfant palestinien (les 19 et 20
nov), mais aussi la création de Julie Kretzschmar
et Thierry Niang d’un texte de Mustafa Benfodil,
dans le cadre des rencontres à l’échelle (le 19 nov) ,
une rencontre sur la dramaturgie arabe contemporaine à l’Alcazar (le 17 nov) et un buffet libanais le 20
nov entre les deux pièces…
mais avec un esprit particulier : dans le tout petit
espace du mini théâtre, la mécanique comique de la
Station Champbaudet, où les portes claquent et où
les intérieurs bourgeois sont plus bousculés que les
halls de gares, devrait donner le tournis, augmenté par
un piano omniprésent, et les 9 comédiens qui s’entrecroisent… D’ailleurs la critique du bourgeois
présente dans Labiche est hélas encore (à nouveau ?)
d’actualité : leur peur de manquer, et leur inculture,
sont redevenus monnaie courante. Seule leur
pratique de l’adultère a changé ?
Théâtre Arabe contemporain
Jusqu’au 20 nov
La Friche
04 95 04 95 93
www.lafriche.org
Medee © Raynaud de Lage
En
Arabe
Barbare
La nécessité de faire venir à Marseille et dans la
La station Champbaudet
Du 23 nov au 23 déc (sauf le 1er et le 3 déc)
Le Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
le 3 déc
Théâtre du Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
La Médée d’Euripide mis en scène par Laurent
Fréchuret est enfin à Marseille ! Mais, reporté l’an
dernier, il n’en reste que 5 dates, dans la petite salle…
Catherine Germain en épouse trahie et mère
infanticide doit être subjuguante, d’autant que
Fréchuret n’a gommé ni sa magie noire, ni l’horreur,
ni la dimension politique de son hurlement contre
l’exil et la dépossession…
Ciel,
un amant !
C’est avec un vaudeville d’aujourd’hui reprenant le
Médée
Du 1er au 4 déc
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
>
trio d’hier qu’Eric Lassous a triomphé sur les
boulevards parisiens, ses comédiens étant tous
nominés aux Molières, et lui décrochant finalement
celui du meilleur auteur francophone. La recette du
trio bourgeois sur canapé est éprouvée, et Jean-Luc
Moreau à la mise en scène et en mari cocu de très
mauvaise foi ne l’est pas moins. Divertissant ?
Le duo Dau et Cautella dans Sacco et Vanzetti d’Alain
Guyard mis en scène par François Bourcier est
nettement plus surprenant : les deux comiques trouvent dans cette pièce éminemment politique le ton
juste des innocents persécutés, parce qu’ils sont
étrangers, mais aussi parce qu’ils sont anarchistes…
Salut
public
Notre Terreur, création du collectif D’ores et déjà
emmené par le très talentueux Sylvain Creuzevault,
enferme neuf hommes en un huis clos qui retrace les
dernières de Robespierre d’après les minutes de son
procès… Un questionnement sur notre histoire, mais
aussi sur l’exercice du pouvoir aujourd’hui, et sur la
possibilité d’un théâtre politique neuf et vif défendu
par de jeunes gens (hommes ?).
L’illusion conjugale
Les 19 et 20 nov
Sacco et Vanzetti
Les 10 et 11 déc
Le Toursky
0 820 300 033
www.toursky.org
De mon hublot uterin... © Emilie Petit
Exubérant
Alfredo Arias est de retour avec un spectacle de
cabaret sur Miguel de Molina et Eva Peron. Deux
destins singuliers qui se sont croisés, deux icones
autant haïes qu’adulées, populaires, mal pensantes,
l’un persécuté par le franquisme, l’autre traitée de
pute du pouvoir… Un cabaret trans, et forcément
haut en couleurs, surprenant coloré et sulfureux,
comme Arias sait les concevoir… Avec, entre autres,
Sandra Guida et Alejandra Radano, sublimes dans
Divino Amore…
Tatouage
Du 19 au 25 nov
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Emmurés
Un événement à la Minoterie : la pièce du journaliste
et écrivain Driss Ksikes, qui a fait grand bruit lors
de sa création au Maroc en 2008, sera créée en
français (langue d’écriture de Driss Ksikes qui l’avait
lui-même traduite en arabe dialectal pour les représentations marocaines). Pièce sur l’enfermement et
la soumission volontaire, elle rassemble 6 comédiens
dans un lieu imaginaire, Uterus originel qui est aussi
une non-terre… Le texte parle de politique, de religion
et de sexe très librement : Driss Ksikes, qui a renoncé
au journalisme, affirme que l’art reste le seul territoire
de liberté au Maroc…
Il/Houwa
Les 3 et 4 déc
La Minoterie
dans le cadre des Rencontres d’Averroès
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
>
Il-Houwa © X-D.R.
Notre Terreur
Du 14 au 18 déc
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
THÉÂTRE 19
Mordoj, en particulier avec sa dernière création
L’Éloge du poil, étrange confession d’une femme à
barbe. Après un mois de résidence au Merlan elle
créera donc Adieu Poupée, (La femme sans passé)
qu’elle a conçu à partir d’un monologue écrit par
François Cervantès pour elle. À partir de sa passion
des poupées, images paradoxales de femmes qui ici
sont tordues, rapiécées, inachevées, et dans
lesquelles elle transfère ses affects. Un texte qu’elle
a travaillé «comme on travaille un numéro de cirque»…
celui de la liberté absolue. Qui ne respecte pas celle
de l’autre, qui agit et pense selon son seul désir… Le
projeter dans un road movie contemporain
réactivera-t-il le mythe ? C’est le pari de JeanCharles Raymond (Cie La Naïve de Pertuis), qui
met en scène la pièce de Molière dans un univers
très seventies animé par les Doors.
La femme sans passé
Du 18 au 25 nov
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
>
Dom Juan
Du 7 au 11 déc
Le Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée, le
Théâtre Vitez est partenaire de l’Université de
Provence et de Marseille Provence 2013 et propose,
avec les étudiants en théâtre de l’Université et de
jeunes acteurs algériens, un atelier mené par
Kheireddine Lardjam sur Les Borgnes, pièce écrite
par Mustapha Benfodil. Sur entrée libre.
À
nus
Renaud-Marie Leblanc poursuit son exploration de
l’écriture de Christophe Pellet (voir p 12) en mettant
en scène un texte cru, qui se demande, en acte,
comment représenter le sexe sur un plateau. Erich
von Stroheim, interdit au moins de 18 ans, est joué par
trois des meilleurs jeunes comédiens de la région :
Julien Duval, Guillaume Clausse et Marie Domprier
rapporteront, nus, 16 «tranches» de vie sexuelle,
interrogeant le corps et le désir dans notre réalité
économique et politique, et dans l’espace de la
représentation.
© X-D.R
Amoureux
Sami Frey seul en scène, dans un texte qu’il a choisi
et mis en scène lui-même… Il faut dire que ce Premier
amour lui tient à cœur. Ce texte de Beckett, qui l’a
pensé comme un récit autant que comme un
soliloque, est le premier qu’il a écrit en Français. Son
rapport étrange à la langue, ce tissage indémêlable
d’humour et de désespoir, ce personnage bourru et
mesquin qui nous ressemble, tout Beckett y est.
Avec, inhabituellement, un vrai discours sur le
sentiment amoureux…
Erich von Stroheim
Du 10 au 17 déc
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Concepts ?
© X-D.R
Premier amour
Du 23 au 27 nov
Jeu de Paume, Aix
0820 000 422
www.lestheatres.net
les 19 et 20 nov
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
du 15 au 18 déc
CNCDC Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
Vaincues
Le viol est une pratique courante dans les pays en
La philo est délirante ? La raison est folle ? c’est en
tous les cas les prolégomènes du spectacle de la Cie
4 litres 12, bien connus en Lorraine pour leur esprit
pétillant et leur sens de la dérision intelligente…
Réfléchir et rire ensemble ? autour d’un gorille ? en
miroir ? drôle de programme !
Folisophie
Jusqu’au 20 nov
Le Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Kheireddine Lardjam © X-D.R.
Poupées
Libertin
Soliloques
On a eu l’occasion de découvrir le travail de Jeanne Don Juan fut, avant d’être la figure type du séducteur,
guerre, en particulier pendant les reconquêtes ou
libérations. Les femmes de Berlin vaincu et occupé
par l’armée Rouge n’y échappèrent pas plus que les
Italiennes, les Bosniaques, les Tchéchènes, les Rwandaises. Dans Une femme à Berlin Isabelle Carré
incarne les souffrances d’une femme allemande
après la chute du régime Nazi. Elle s’appuie pour cela
sur un journal authentique, anonyme, écrit en 1945.
Une femme à Berlin
Du 13 au 18 déc
Jeu de Paume, Aix
0820 000 422
www.lestheatres.net
Les Borgnes
Le 25 nov à 19h
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
20
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Toujours en été
avec un hommage vibrant au groupe Téléphone, à
Rasteau le 11 déc. Mais avant cela, Frédéric Chiron
se coulera dans les mots de Prévert pour un Fatras
jubilatoire (à Savoillans le 19 nov), tandis que le
comédien Roland Peyron jouera A plein gaz, un texte
écrit pour lui par le prolifique auteur marseillais Serge
Valetti (à Sablet le 26 nov, à Faucon le 27 et à
Travaillan le 3 déc). Les vendanges s’annoncent
belles cette année encore…
À ceux qui se demandent si l’arrière pays est toujours
animé hors saison, le festival d’automne Après les
vendanges, organisé par l’association Les Ateliers
du Regard, prouve chaque année depuis 11 ans que
la culture en milieu rural n’est pas uniquement estivale. Ainsi, 9 villages du Haut Vaucluse –Vaison,
Séguret, Villedieu, Sablet, Faucon, Rasteau, Savoillans,
Violès et Travaillan- répondent présents pour proposer une programmation éclectique basée sur la
musique et le théâtre, et ce jusqu’au 11 décembre.
Après Bernard Lubat et le groupe Les Yeux Noirs
reçus en début de festival, un autre grand nom de la
musique fera sensation : Marc Perrone et son accordéon diatonique, accompagné de Marie-Odile
Chantran à la vielle à roue, au chant, à la danse et
aux percus, seront à Vaison le 4 déc. Toujours en
musique, le groupe Hygiaphone clôturera le festival
DO.M.
Festival Après les vendanges
Jusqu’au 11 déc
Haut Vaucluse
04 90 28 58 62
www.lesateliersduregard.org
© Kevin Louviot
Odyssée
Transformée
Humaniste
Marie-Pierre raconte les mardis où elle rend visite à Adaptée pour la scène par François Chaumette, La
Chute d’Albert Camus est mise en scène par
Raymond Vinciguerra et interprétée avec force,
intelligence et dérision par Philippe Séjourné. De son
lieu d’exil, un bar d’Amsterdam, Jean-Baptiste Clamence se présente en tant que juge-pénitent, qui
s’accusera lui-même avant de pouvoir juger les
autres; de son passé il raconte tout, douloureusement.
Sur la scène, sur deux grands panneaux-écrans, une
création vidéo de F. Mouren-Provençal représente les
images mentales de cette confession.
son père, veuf depuis peu, avec lequel elle part, à
Monoprix, faire les courses pour la semaine. Là les
regards moqueurs détruisent autant que les mots de
ceux qui l’ont connue «avant». Parce qu’avant MariePierre était Jean-Pierre, ce que personne n’accepte,
et encore moins son père, personnification de
l’intolérance et de la castration… Michel Didym met
en scène Jean-Claude Dreyfus sur le texte
d’Emmanuel Darley.
© Jean-Louis Fernandez
Premier volet du Sang des promesses, la tétralogie
d’une nuit proposée par Wajdi Mouawad au Festival
d’Avignon 2009, Littoral est la pièce qui nous entraîne
le plus loin sur les rivages croisés de l’imaginaire et de
l’intime. 8 comédiens œuvrent autour du personnage
de Wilfrid, parti sur les traces de ses ancêtres pour
retrouver le fondement même de son existence et de
son identité. Un voyage initiatique sur l’exil, la
transmission, et le passage de l’enfance à la réalité de
la vie d’adulte. Inoubliable.
Le Mardi à Monoprix
Les 23 et 24 nov
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
du 26 au 28 nov
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
La Chute
Le 25 nov à 20h30
Théâtre de la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
>
Festivités
Littoral
Les 26 et 27 novembre
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
© X-D.R.
Noirceur
La cie Subito s’installe à l’Odéon avec un spectacle
construit spécialement pour ce lieu : Requiem pour
Miss Blandish est un polar-oratorio déambulatoire qui
lorgne vers les clubs de jazz américains, tiré de
l’œuvre noire de James Hadley Chase, Pas
d’orchidées pour Miss Blandish. Au cœur du dispositif,
le public suit le rapt de cette fille de milliardaire au
plus près, suivant pas à pas les comédiens, la
chanteuse de blues et la danseuse au gré des
nuances d’une musique qui mêle improvisations et
bruitages de film. Le film de Robert Aldrich (1971)
sera par ailleurs projeté au Sémaphore le 24 nov.
© Eric Didym
Requiem pour Miss Blandish
Les 1er et 2 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
La 12e nuit après Noël, le roi des fous entraîne ses
sujets dans une fête effrénée, la Nuit des rois… Le
chef-d’œuvre de Shakespeare est ici revisité par
Nicolas Briançon qui situe son intrigue dans
l’Angleterre des années 30, plus propices aux folles
envolées burlesques que la période élisabéthaine. De
mensonges en travestissements, de quiproquos en
rebondissements les malentendus seront levés pour
que triomphe… l’amour !
La Nuit des rois
Le 14 déc à 20h30
Théâtre de la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
THÉÂTRE
21
Foisonnant
Vigilance
Dans un univers où tout semble normal et maîtrisé,
Viscéral
Encore Une maison de poupée ! Celle de l’auteur et
où le quotidien glisse sur les membres d’une famille
à la coiffure de Playmobil, il suffirait de pas grand
chose pour que tout dérape. Comme souvent dans
l’univers de Calaferte dont est tirée La Bataille de
Waterloo que met en scène Patrick Pelloquet,
directeur du Théâtre régional des Pays de la Loire. Le
grain de sable viendra de la voisine, Madame Ondula,
qui se promène toujours en culotte brodées… Quel
rapport avec le titre ? Si seulement quelqu’un se
souvenait de la date de la défaite napoléonienne !
Jusqu’où va se nicher la folie ?
metteur en scène argentin Daniel Véronèse est
tellement différente : rebaptisé Le développement de
la civilisation à venir, le texte d’Ibsen est ici ciselé à
l’extrême -chaque mot, chaque respiration, chaque
silence résonnent- pour mieux faire entendre la vérité
des personnages. Au plus près de leur quête, Daniel
Véronèse passé maître dans l’art de décortiquer
l’âme humaine revisite cette pièce sur l’émancipation
des femmes. Sans esbroufe ni artifices.
Pacifique
© X-D.R.
La Bataille de Waterloo
Le 26 nov à 20h30
Espace Gérard Philippe, Port-St-Louis
www.scenesetcines
Le Cartoun Sardines prend l’air du temps présent en
s’intéressant à l’œuvre de Brecht. Leur toute nouvelle
création, Un homme est un homme, écrite par le
dramaturge allemand pendant la montée du nationalsocialisme, dénonce les ravages exercés par la
propagande et la manipulation des masses qui
peuvent faire d’un homme un assassin.
Témoignage
Avec Sale août Serge Valletti écrit une comédie triste
en quatre actes à la mémoire des ouvriers italiens
massacrés à Aigues-Mortes en 1893. Un humour,
doublé d’une nostalgie secrète, caractérise l’auteur
qui fait revivre cette Histoire à la manière «d’un
vaudeville macabre». Et Patrick Pineau, en fin
connaisseur, réincarne avec sa troupe Monsieur
Fournier et sa veuve, l’ingénieur, le professeur
d’histoire… 4 femmes et 7 hommes archétypes des
«bons français»…
Un homme est un homme
le 19 nov à 20h30
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
© Vincent Muteau
Attention, «tentative de défroissage du mythe»
annoncée ! C’est bien d’Antigone dont il s’agit, mais
la cie Les Anges au Plafond revisite l’histoire avec des
marionnettes en papier et lui donne un souffle, une
profondeur qui éclairent les actes des protagonistes.
Les marionnettes de Brice Berthoud sont manipulées
par la comédienne Camille Trouvé qui fait aussi les
voix de chacun, accompagnée par la bande-son
continue de deux violoncelles. Le mur construit à la
demande du roi Créon résistera t-il ?
Une Antigone de papier
Le 3 déc à 20h30
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Le développement de la civilisation à venir
Le 7 déc à 20h30
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
le 10 déc à 20h30
3 Casino, Gardanne
04 42 65 77 00
www.ville-gardanne.frv
Sale août
Les 25 et 26 nov à 20h30
Théâtre Molière, Sète
04 67 74 66 97
www.theatredesete.com
Épicurien
Difficile de résister à la tentation de s’asseoir au
Le 3 déc à 20h30
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.com
banquet tellement il est fabuleux ! Plaisir du texte et
du saut de puce entre les auteurs, gourmandise du
verbe, joie des acteurs à troquer le costume de
Cyrano ou d’Ophélie, bonheur du spectateur à porter
un toast à la puissance de la fabulation et de
l’imaginaire… On s’abreuve sans perdre une goutte à
tant d’intelligence et de brio.
Du 15 au 18 déc
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
En janvier à La Colonne, à Miramas,
à Châteauvallon, à Ollioules…
>
Le Banquet fabulateur
Les 26 et 27 nov à 21h
La Distillerie, Aubagne
04 42 18 19 89
www.aubagne.com
vaudeville d’Eugène Labiche, Un pied dans le crime,
montée par Jean-Louis Benoit avec Philippe Torreton
et Dominique Pinon, repose sur un cas de conscience
délicat : un juré, bourgeois de son état, est appelé à
juger un crime dont il est l’auteur, ce qui d’emblée
fausse tous les rapports… C’est tout le génie de
Labiche que l’on retrouve dans les relations
alambiquées et vachardes que les uns avec les autres
entretiennent… La Criée accueillera la pièce en mars,
dans sa grande salle retrouvée.
Un pied dans le crime
Le 20 nov à 20h30
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
© Pierre Grosbois
Conscience
Injustement oubliée et méconnue, la comédie-
Algébrique
Michel Raskine monte la pièce la plus jouée et le plus
commentée de Marivaux, Le Jeu de l’amour et du
hasard… La plus «glaciale et… brève, quasi mathématique» selon lui. Du coup il choisit trois duos de comédiens
qui n’ont plus vingt ans pour faire entendre ou réentendre, différemment peut-être, la petite musique de
Marivaux. Celle qui chante les péripéties du cœur
amoureux. S’appuyant sur leur maturité et leur
expérience il révèle les replis de leurs personnages
dans une mise en scène décapante.
Le Jeu de l’amour et du hasard
Le 7 déc à 20h30
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
22
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
En famille
Musical
Assoiffé
Jean-Paul Farré revient au Chêne Noir avec Les 12 Serge Barbuscia opère avec J’ai Soif un travail de
© Jean-Louis Fernandez
Après Bouli Miro et Bouli Redéboule, Fabrice Melquiot
poursuit avec Wanted Pétula les aventures de cet
incroyable gamin, myope et quelques kilos en trop,
créé en 2002. Devenu presque adolescent, amoureux
de sa cousine Pétula Clark soudainement disparue
dans l’espace, il va vivre d’innombrables aventures
burlesques et poétiques pour la retrouver. Emmanuel Demarcy-Mota met en scène cette histoire
qui s’adresse à l’enfance de chacun, des petits et des
grands. À voir en famille pour réfléchir et rire.
Wanted Pétula
Les 23 et 24 novembre
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
pianos d’Hercule, un spectacle qui a reçu le Molière
du Théâtre musical en 2010. Il sera ce pianiste
délicieusement déjanté, qui n’a de classique que la
queue de pie, en pleine analyse farfelue de l’unique
sonate d’un compositeur méconnu. Une savoureuse
alliance de théâtre, de musique et d’humour dans un
univers burlesque, onirique et poétique. Unique en
son genre.
Les 12 pianos d’Hercule
Les 9 et 10 décembre
Chêne Noir, Avignon
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
J’ai soif
Les 3 et 4 décembre
Le Balcon, Avignon
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
Mensonge
?
Digressions verbales et autres délires jubilatoires Cantate
attendus sur la scène des Halles. Christian Mazzu- Le compositeur Eric Breton crée une cantate pour
chini sera complètement Mythomane dans un
florilège de textes de Serge Valletti. Des textes
démontés et regonflés en forme de sketches, brodés
de pépites inédites autour de son thème de prédilection. Un pamphlet poético-burlesque incisif.
d’écriture des Z’Habitants en 2004 dans la région du
Lubéron avec la complicité de la Scène nationale de
Cavaillon, puis poursuivi cette aventure dans le Lot
et en Dauphiné, en livrant parfois quelques étapes
d’une belle force émotionnelle. Elle s’est inspirée des
lieux de vie d’hôtes inconnus qui, le temps d’une
immersion poétique, désertaient leur habitation. 14
maisons visitées ont ainsi donné naissance à de
courts textes théâtraux qu’elle livrera dans les bars du
territoire de Cavaillon.
Fratrie
La compagnie la Lanterne qui regroupe un collectif
d’artistes issus des conservatoires de musique et de
danse d’Avignon, après quelques jours de résidence
à la Fabrik’Théâtre, présentera son projet À l’origine
de nos tourments. Marie Clavaguera Pratz et
Vincent Clavaguera donneront corps et voix à
Electre et Oreste, accompagnés par la plasticienne
Sarah Medalel, pour mettre en résonance avec le
monde dans lequel nous vivons la relation d’un frère
et d’une sœur. Du vécu ?
Les Z’HAbitants
Du 7 au 11 décembre
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
drôleries et d’humour avec Georges Feydeau, l’un
de ses auteurs de prédilection et un texte qui reste
toujours d’une étonnante actualité. Le metteur en
scène avait déjà monté cette pièce en 1987 avec «un
soupçon de prétention» dit-il, et s’attache dans cette
nouvelle version à la merveilleuse mécanique du
texte. Pour rire de la petitesse des hommes, plutôt
que d’en pleurer, autour du député Ventroux, de sa
femme en tenue légère et de son adversaire
Monsieur Hochepaix.
Mais n’te promène donc pas toute nue
Du 18 novembre au 5 décembre
Chêne Noir, Avignon
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
chœur à 8 voix, dans la lignée des grands oratorios,
d’après l’œuvre de G.E. Lessing. L’histoire de trois
hommes qui, dans la Jérusalem des croisades se
voient réunis par un lien inattendu, sera interprétée
par le Chœur Lusciana (surtitrage du texte chanté)
et contée par Jean-Denis Vivien. Une œuvre
puissante et captivante.
Nathan le Sage
Du 19 au 21 novembre
Le Chien qui Fume, Avignon
04 90 85 25 87
www.chienquifume.com
>
Mythomane
Les 9 et 10 décembre
Les Halles, Avignon
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Lecture
L’auteur Catherine Zambon a débuté le projet
Vaudeville
Gérard Gélas revient dans une comédie pleine de
mémoire ouvert sur plusieurs chants, pour faire jaillir
l’humanisme, l’amour et la lumière. Autour des 7
dernières paroles du Christ en croix de Haydn (interprétées par Roland Conil au piano) et Est-il un homme
de Primo Levi, et au plus profond de leurs supplices,
surgit la même parole : j’ai soif. Deux œuvres majeures en dialogue qui scrutent notre monde intérieur
et questionnent les atrocités commises par l’homme.
© A. Offredo
L’origine de nos tourments
Les 26 et 27 novembre
La Fabrik’Théâtre, Avignon
04 90 86 47 81
www.fabriktheatre.fr
Récital
Une pépite au Balcon ! Cathy Heiting, alias Katia
Von Bretzel, cantatrice «un peu hystérique à l’occasion» et son compère pianiste Jonathan Soucasse,
alias Ingmar Bruteson, livrent avec Bizet était une
femme un récital jubilatoire de grands airs d’opéra. Ils
retracent d’une façon très personnelle et humoristique le parcours des compositeurs, de Carmen à
Duke Ellington en passant par Gershwin et le gospel.
Une découverte à savourer.
Bizet était une femme
Le 27 novembre
Le Balcon, Avignon
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
Pas
féministe ?
Première étape de présentation de la prochaine
création du théâtre du Kronope : une soirée lecture
«non féministe mais féminine» avec Joëlle Richetta
et Elsa Stirnemann autour de Carmen. En attendant
la répétition publique du 8 mars (journée de la femme
oblige) et le spectacle final les 31 mars et 1er avril.
Lecture autour de Carmen
Le 9 décembre
La Fabrik’Théâtre, Avignon
04 90 86 47 81
www.fabriktheatre.fr
BALLET D’EUROPE | ISTRES
DANSE
23
Laboratoire central
Scène nue, ossatures du théâtre visibles, les corps s’étirent, s’échauffent, une
arabesque naît, une courbe s’ébauche,
rires, chuchotements… Les spectateurs
s’installent, l’ensemble est uni par la
même lumière crue… Concentration des
mouvements qui isolent les artistes
malgré cette intimité étrange, comme
si nous étions initiés aux mystères
mêmes de la création, dans un silence
où seuls les frottements des corps sur
le tapis de danse, les respirations, se
laissent entendre. Nous sommes conviés à un stade embryonnaire de l’œuvre,
étape de la résidence technique des
artistes à Istres. Emanuel Gat explique sa démarche, fait travailler des
danseurs qui ne se ressemblent pas,
plonge jusqu’à retrouver l’essence même
du mouvement. Dans 10 mois les musiques seront différentes, les pas de
deux (superbes) ou les ensembles (ma-
gnifiques) trouveront d’autres formes…
La danse, comme l’écriture, se pratique avec une gomme et des ciseaux !
La résidence accorde aux artistes du
temps pour réfléchir, Emanuel Gat la
présente comme un privilège. La présentation des états du travail mené fait
partie du cahier des charges : on se
demande si les commanditaires pourront dans le futur rester aussi éclairés,
et si la belle liberté accordée aux artistes sera toujours comprise comme
une nécessité ! E. Gat affirme avec
force la spécificité du langage chorégraphique, «la danse n’est pas une
façon de dire quelque chose que l’on
pourrait dire en mots, c’est un langage
qui ne dit rien hors de lui-même… comme la musique, la danse traduit des
idées non verbales… tout est dans le
mécanisme, danse et mouvement…»
On admire la fascinante liberté accor-
Brilliant Corners © X-D.R
dée aux danseurs, responsables dans
l’élaboration de la chorégraphie. Un
premier bonheur pour les spectateurs,
et l’attente d’un autre, rendez-vous pris !
Brilliant Corners a été brillamment
esquissé au théâtre de l’Olivier, Istres,
le 21oct
MARYVONNE COLOMBANI
J’habite les lieux de ma métamorphose
© Laurent Philippe
Poursuivant son travail autour de la parole, du mouvement et de l’enfermement, Hamid Ben Mahi adapte
le roman de l’écrivain, poète et journaliste algérien
Hamid Skif, La Géographie du danger. Une chorégraphie qui s’appuie sur ce récit émouvant d’un
clandestin, immigré, expatrié, terré dans une chambre de bonne depuis quatre ans, étranger qui,
lentement, meurt. Seul dans un magnifique décor
anxiogène, Hamid Ben Mahi parle, il est cet être
apeuré, aculé qui sait trop bien quelle fin l’attend :
des gestes saccadés du corps soumis aux images
stroboscopées de l’explosion trop longtemps réprimée, la danse se fait urgente, le corps se disloque, les
mouvements sont amplifiés par une musique puis-
sante et hypnotique, et les mots qui résonnent…
tandis que les lumières magnifiques d’Antoine Auger
soulignent et révèlent ce corps meurtri jusqu’à le
transformer en ombre diminuée.
La chorégraphie d’Hamid Ben Mahi, qui dit danser
pour ne pas rester immobile et parler pour plus rester
silencieux est de celles qui impriment longtemps la
rétine, et les oreilles.
DO.M.
La Géographie du danger a été dansée le 10 nov
au Théâtre de l’Olivier, Istres, dans le cadre
des Rencontres à l’échelle (voir p 14)
Les âges de la danse
Le Ballet d’Europe parvient une fois encore à remplir
l’Opéra de Marseille, durant les vacances… Il faut dire
que cette compagnie chorégraphique reste fidèle à
sa qualité : les danseurs récemment recrutés ont acquis en quelques mois le répertoire de
Jean-Charles Gil, et participé à la
nouvelle création avec autant d’allant,
d’ampleur, de qualités techniques et
d’enthousiasme que leurs aînés : visiblement ceux-là passent leurs matinées à
la barre, le reste en répétition, et ça se
sent.
One more time repose toujours sur la
même course hors d’haleine, les mouvements d’ensemble réglés au cordeau,
les corps poussés à l’extrême de leur
vitesse et de leurs tensions. Reposant
sur deux crescendos successifs qui prennent à peine le temps de redescendre
entretemps, la pièce épate et déchaîne
des salves d’applaudissements…
Autrement pareil est plus contestable :
au titre, peu accrocheur, correspond l’idée d’une
danse qui, pour cerner la même émotion intangible,
cherche ailleurs ses moyens expressifs. Non plus dans
la virtuosité et l’exubérance de la jeunesse, mais dans
l’arrondi, l’impulsion dosée, le contact. À ce titre JeanCharles Gil revient sur scène : à plus de 50 ans, celui
qui disposait de moyens physiques exceptionnels en
a gardé trace, non dans la souplesse ou le ballon
mais dans l’intensité émotionnelle, qui
Autrement pareil © Agnes Mellon
repose justement sur des éléments des regards ? un essoufflement ? une
manière de toucher l’autre ?- difficiles à
cerner. Reste qu’il dissimule ses
manques et amène ses danseurs vers
son économie (forcée) de gestes, alors
qu’il pourrait les laisser suivre leur
chemin propre, en continuant sans
fard le sien, empreint de l’expérience
d’une vie jusque dans le discret
empâtement des chairs.
AGNÈS FRESCHEL
One more time
et Autrement pareil ont été dansés
à l’Opéra de Marseille le 29 oct
24
DANSE
GTP | PAVILLON NOIR
Visions du futur
Suivront mille ans de calme © JC Carbonne
Pourquoi aller en Russie, rencontrer le Bolchoï,
croiser ses ors et son classicisme ? Pourquoi puiser
dans l’inspiration bouddhique recyclée de Subodh
Gupta (scénographie), l’électro désincarnée de
Laurent Garnier, les costumes dénudants d’Igor
Chapurin, tout en revenant à une écriture rapide,
oblique, époustouflante, des ensembles rectilignes et
froids, à peine entrecoupés de tableaux lyriques et
sensuels ? C’est qu’Angelin Preljocaj nous parle de
l’Apocalypse et qu’il la situe là, aux frontières de l’Est,
vers les sept églises d’Orient, dans l’émiettement des
nations qui furent communistes, l’abandon des dieux
indiens, le sang versé partout, la pulsation,
l’inorganique, l’électronique, Gomorrhe…
Suivront mille ans de calme n’est pas une illustration
des visions et allégories de Jean dans l’Apocalypse,
même si l’on y croise des anges, le Livre scellé, des
fléaux, des cavaliers et deux agneaux. La pièce de
Preljocaj, comme le petit livre de Jean, décrit le
présent, pense le passé, prédit l’avenir, littéralement
et analogiquement. À côté des figures empruntées
par l’apôtre pour décrire son histoire (Néron, la
dépravation et la guerre) et prédire l’avenir (la fin du
monde et le pardon), on y voit les nations
d’aujourd’hui enchaînées, s’agitant sans but, lavant
leurs drapeaux à grande eau au soir des jugements,
effaçant leurs crimes, prenant des poses d’une
crudité extrême, provocantes, très politiquement
incorrectes : la Russie ne s’y est pas trompée, qui a
interdit qu’on y lavât son drapeau.
Quant à la danse… les onze interprètes du Ballet
Preljocaj côtoient miraculeusement les corps rompus
au classicisme du Bolchoï, tandis que ceux-ci jubilent
visiblement d’emprunter d’autres voies. Les quelques
duos lents (merci Bach !) sont d’une beauté poétique
poignante, les grands mouvements en quinconce,
fugués ou à l’unisson, sont exécutés avec un
ensemble fascinant. Un Preljocaj grand cru, à fort
tanin.
AGNÈS FRESCHEL
Suivront mille ans de calme
a été créé au Bolchoï en sept 2010,
puis dansé à la Biennale de Lyon et à Chaillot.
Il sera en mars 2011 à Draguignan et Montpellier.
Du 17 au 24 nov
Grand Théâtre de Provence, Aix
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Insensé
Action !
Parallèlement à la tournée apocalyptique, le Ballet Preljocaj continue de danser
Empty Moves, pièce entrée au répertoire en 2003, et programmée régulièrement
dans des salles plus petites. Ce quatuor est accompagné par la voix de John Cage
syllabant des Empty words devant un public italien médusé, et qui le manifeste de
plus en plus bruyamment au long des 70 longues minutes de sa prestation. Le
propos du compositeur ? Rendre la parole abstraite, la détacher du signifié. Le
propos du chorégraphe ? Montrer que la danse aussi peut s’attacher au signifiant,
c’est-à-dire au geste, sans rien connoter d’autre que sa propre écriture. Le résultat
est étonnant d’inventivité chorégraphique : les assemblages inédits se succèdent,
le mouvement prend un incroyable coulé, invente des successions combinatoires
fascinantes, sculpte l’espace entre les corps. Puis le public de Cage se fait
entendre, les corps sourient, se regardent, ayant compris depuis les années 70
que l’abstraction est une utopie…
Tant pis on vous raconte
la fin, c’est trop bien : trois
jeunes gens (d’où sortentils ceux-là ? ) rejouent à
l’infini des rires et des cris
une même scène où l’on
se jetterait par exemple
dans le vide mais stop, arrière, play, replay… pendant
que les trois interprètes
de Last Meadow sur le
devant de la scène se font
applaudir pour leur époustouflante prestation. Il est
grand temps de partir mais pas facile
de tourner le dos à un show qui continue ! Délicieux malaise instillé depuis
le début (ce mot a-t-il un sens ? on
doute, on doute !) par l’ambiance toute
d’ombre et de lumière, de silence brumeux troublé par la profusion d’une
somptueuse bande-son et la présence
presque brutale du trio de danseurs qui
crève l’écran.
Le blouson rouge Fureur de Vivre et le
front couronné de blondeur boudeuse
font de Michelle Boulé micro en mains
-«Seul, seul, je suis seul...»- un James
Dean postiche si évident que l’on a un
peu honte d’y prendre tant de plaisir, à
cette fantasmagorie libre et pétante
d’énergie autour de l’idole absolue du
désarroi sexy (américain ?) ; mixture,
texture et tempo d’enfer : éclats de
voix, gémissements distordus venus de
A.F.
Empty moves a été dansé au Pavillon Noir, Aix
du 20 au 23 oct
Empty Moves © Agnès Mellon
Last Meadow © Ian Douglas
l’Est d’Eden, triangle familial et amoureux ; Tarek Halaby porte robe, barbe
noire et bras au ciel ; Miguel Guttierez,
le chorégraphe, zigzague en père faiblard.
Le plateau est submergé de musique :
courses folles à travers le Requiem de
Mozart, galopades débridées avec Madonna ou reptations vigoureuses ; désir
fragile, émotions surexposées, gesticulation tragique des corps qui se donnent
massivement (move move movie) entre
aerobic métaphysique et night-club déjanté. Vulgaire ? Efficace ! On ne peut
même pas faire la fine bouche quand
on sait que «Last Meadow» désigne
métaphoriquement la congestion
cérébrale !
MARIE-JO DHO
Last Meadow a été présenté
au Pavillon Noir les 5 et le 6 nov
CHÂTEAU-ARNOUX | DANSEM
En caractères grâces
Alea © Agnes Mellon
Michel Kelemenis et sa compagnie
présentaient au Théâtre Durance trois
poèmes chorégraphiques : Disgrâce,
une confrontation gestuelle pour cinq
danseurs créée en mai 2009 ; That
Side, brillant solo féminin de Caroline
Blanc, une création déchirée et déchirante sur un ailleurs intérieur. Et Aléa,
réécriture d’un quatu-corps oppositionnel de 2005 réordonné en croisements,
rencontres, éloignements d’un septuple
corps de ballet qui n’a plus rien d’aléatoire. Une gestuelle que télescopent
les échos musicaux électroacoustiques
de Christian Zanessi pour questionner la complexité du rapport à l’Autre
dans le parti pris d’une écriture volontairement précise, rigoureuse de
l’enchaînement. La ponctuation de
l’ordre gestuel est accentuée par l’aspect naturellement syncopé du support
musical électroacoustique, et la sobriété minimaliste des costumes,
comme pour laisser toute sa place au
mouvement. Seuls quelques poursuites et rais de lumière font décor à
l’ouvrage, projetant des ombres pariétales aux murs noircis de la scène. La
rigidité recherchée du trait chorégraphique est parfaitement servie par la
perfection de copiste des danseursgymnastes de la compagnie. Ainsi la
confrontation et le télescopage des
phrases gestuelles se trouvent magnifiés dans un extrémisme volontaire qui
pourrait se percevoir comme un fait
autocratique… rigueur qui interpelle,
interroge, ne peut laisser indifférent
mais dont la sécheresse peut laisser
parfois le spectateur sur une soif
d’apaisement.
YVES BERCHADSKY
Disgrâce, That Side et Aléa
ont été dansé le 22 oct
au Théâtre Durance
Dense émotion
DANSE
25
Danse, aime
La 13e édition de Dansem a débuté,
après le préambule des Questions de
danse de Michel Kéléménis, avec une
création d’Hélène Cathala, La Jeune
fille que la rivière n’a pas gardée. Un
solo qui ne manque pas de qualités belle présence irradiante d’une danseuse
qui joue quelque chose entre la proie
et l’ombre, intéressant dispositif de
sons déclenchés par le mouvementmais signe aussi les difficultés d’un
genre coincé dans une économie qui
l’aliène : les compagnies de danse
contemporaine vivant avec des moyens
misérables, les solos expérimentaux
centrés sur l’expression d’un moi
souffrant ou marginal se succèdent.
Celui-ci a pris le temps d’une certaine
écriture. Mais que dit-il, sinon sa propre difficulté à être ?
Emblématique de Dansem ? Sur certains points certainement : depuis 14
ans l’Officina propose un festival qui
multiplie les événements et irrigue le
territoire, a fait connaître de nombreux
artistes méditerranéens aujourd’hui
programmés partout. Mais ses moyens
ne permettent pas de financer des
créations ambitieuses : L’Officina et
Dansem ont en tout 137 000 euros de
subventions. Alors ils se débrouillent,
avec talent : ils tissent des partenariats
nombreux avec les théâtres qui cofinancent les spectacles accueillis et les
intègrent à leur propre programmation
(le Bois de l’aune à Aix, Arteum à
Châteauneuf-le-Rouge et La Roque
d’Anthéron entrent cette année dans
la danse…) ; mais si l’Officina paie les
artistes, leurs cachets, leurs déplacements, ils n’achètent pas vraiment
les spectacles, et ne peuvent garantir
des séries…
Une économie précaire qui apparaît
dans la programmation, fondée sur de
très nombreux solos ou duos, et des
formes programmées une ou deux fois,
qui ne permettent pas aux œuvres
d’atteindre une maturité et installent
comme un choix esthétique le concept
d’«œuvre en cours».
Malgré cela la programmation de Dansem reste passionnante ! Parce qu’elle
est conçue par de vrais amoureux de la
danse contemporaine, qui connaissent
leur terrain méditerranéen et sont reconnus à ce titre par leurs pairs : ainsi
les Bernardines s’engagent financièrement pour accueillir quatre formes
de la Cie Mal Pelo, le Théâtre Durance,
qui accueille en résidence la Cie
Tecnologia Filosofica, se donne les
moyens de programmer une création
de 8 danseurs, de même que le Théâtre d’Arles qui accueille un quintette,
la dernière création d’Ambra Senatore. En dehors de cela il faut noter la
présence de Nacera Belaza à la Minoterie : la chorégraphe reste fidèle à
Dansem qui l’a programmée bien avant
ses succès… Et puis toutes les créations des compagnies de la région : Ex
nihilo, Montaine Chevalier, Carol
Vanni, le Collectif KO.com de Manon Avram trouvent avec Dansem un
soutien indispensable pour continuer à
créer tant bien que mal dans un
contexte économique désastreux…
Parce que tous aiment la danse !
AGNÈS FRESCHEL
Dansem
Jusqu’au 17 déc
04 91 55 68 06
www.dansem.org
Cet instant là © Fabio Melotti
Le rêve dansant de Pina Bausch sculpte le geste émotionnel dans la matière brute
du mouvement adolescent. Modelage à l’âge du corps à cœur. Matière sensible
bouleversée et bouleversante. À l’aube des sensualités, s’éveille en touches
pointillistes l’accord à l’Autre. L’intelligence écorchée accouche de poésie
sensible. Chorégraphie d’une humanité subtile et parfumée. Une façon de respirer
et sentir l’amour de la vie !
Y.BC
Les rêves dansants,
sur les pas de Pina Bausch,
un film de Anne Linsel
et Rainer Hoffman,
sorti le 13 oct
Les Reves dansants,
sur les pas de Pina
26
DANSE
AU PROGRAMME
Traces
Hollywoodien
Museum
Marco Boccherini danse son histoire. Seul. Mis en Olivier Dubois, après avoir surpris douloureusement Laurent Pichaud propose un parcours chorégraavec un Faune très personnel, s’attache à un autre
mythe du spectacle, moins lourd et sulfureux. Mais
Franck Sinatra est-il seulement sirupeux ? La voix
hollywoodienne emmène le duo Olivier Dubois/Marianne Descamps vers des contrées insoupçonnées,
loin du glamour en noir et blanc, au pied des escaliers
que l’on parcourt en claquettes…
scène par Bruno Deleu, ce solo autour de la mémoire
d’un homme à terre qu’un deuil habite s’anime peu à
peu…
Le Storie de Italo
Du 18 au 20 nov
Théâtre du petit Matin, Marseille
04 91 48 98 59
http://cie.campo.free.fr
L’homme de l’Atlantique
Le 23 nov
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Hip hop
symphonique
Décidément le parcours de Kader Attou n’a rien
d’attendu : premier chorégraphe issu du hip hop
promu directeur d’un centre chorégraphique national,
il délaisse depuis longtemps déjà non les techniques
de mouvement du hip hop, mais ses rythmes binaires
et ce qui le rattache au rap. En faisant danser ses
interprètes sur la musique souvent très poignante de
Gorecki, compositeur contemporain mort le 12 nov
dernier, il emmène Accrorap encore plus loin : sa célèbre Symphonie n°3 (dite des Chants plaintifs) pour
soprano et orchestre a des accents d’un romantisme
exacerbé, que le chorégraphe rend par des costumes
aux rougeurs dévoilées, et des envolées tristes, et
superbes…
Nîmes, y propose au terme d’une résidence de création une pièce pour huit (très beaux) danseurs. Une
création au titre qui sonne comme une antiphrase :
Tout va bien dit les batailles, le monde qui se
déglingue au son des marches militaires, évoque
l’époque noire où le Nazisme montait à travers Kurt
Weill, le Kubrick de Full métal Jacket, les insultes
hurlées pour mieux soumettre les esprits et les faire
marcher au pas.
© M. Lidvac
>
Che Malambo
du 10 au 12 déc
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
les 13 et 14 déc
Scène Nationale de Sète
04 67 74 66 97
www.theatredesete.com
Le 16 déc
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
le 17 déc
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
© Kader Attou
Hip
hop sur canapé
Au Pavillon noir c’est la petite pièce tout public de
© Yves Petit
Kader Attou qui montrera l’étendue du talent de ses
danseurs. Proche du cirque, acrobatique, théâtrale,
masculine, parcourant autour d’un canapé des souvenirs d’enfance mêlant les histoires qu’on raconte à
celles que l’on a vécues, la pièce est d’une énergie
folle…
Tout va bien
Les 8 et 9 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
>
Une danse acrobatique et masculine venue d’Argentine… Partout où il passe, Che Malambo entraîne
les spectateurs dans sa folle énergie tellurique, liée à
la tradition des gauchos mais plongée dans une
énergie d’aujourdhui, et une musique qui bat, interprétée en live.
>
Une notre trace
Du 24 au 27 nov
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Soumission
Alain Buffard, nouvel artiste associé au théâtre de
Spectaculaire
Symfonia piesni Zatosnych
les 26 et 27 nov
04 90 78 64 64
Scène Nationale de Cavaillon
www.theatredecavaillon.com
le 3 déc
Scène Nationale de Sète
04 67 74 66 97
www.theatredesete.com
Petites histoires.com
Du 15 au 18 déc
Pavillon noir, Aix
0811 020 111
www.preljocaj.org
phique au cœur du Museum d’histoire naturelle de
Nîmes. Un parcours d’une heure (de 14h à 20h)
forcément insolite, entre vivant et naturalisé, mort et
artifice, qui joue aussi sur les comportements liés au
musée : ceux des visiteurs, des gardiens, des
épousseteurs. Des animaux ?
© Marc Domage
Blancheur
et reflets
Peeping Tom est certainement l’une des cies les
plus dérangeantes de la danse contemporaine belge.
Travaillant autour d’univers déboussolés, au bord de
la crise, et de relations humaines atypiques, trop
violentes ou trop tendres, déplacées, chacun des
spectacles de la Cie marque profondément ceux qui
les voient. Ici il s’agit de six personnages, comédiens
danseurs, qui vivent dans des mobil homes enneigés
et traversés d’apparitions fantastiques…
Le théâtre d’Arles programme également, dans le
cadre de Dansem (voir p 25), un quintette féminin sur
la gémellité, le miroir, la ressemblance, d’Ambra
Senatore.
32, rue Vandenbranden
Le 30 nov
Passo
Le 14 déc
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
28
DANSE
AU PROGRAMME
Road-movies
L’Iceberg porte un regard sur le monde et ses
hop encagé exposant Nos Limites sociales, physiques, émotionnelles. Un spectacle qui vise juste et
frappe fort, s’adressant à tous par son urgence et la
virtuosité brutale de sa danse.
mutations. Spectacle de cirque chorégraphié, conçu
par la chorégraphe Florence Caillon et l’auteur
journaliste d’investigation Denis Robert, il s’agit
aussi d’un road-movie existentiel qui traite, entre bd
et polar, des instabilités, des manipulations, de notre
rapport au pouvoir, de la domination de la finance, des
relations humaines au sein d’un monde chaotique.
Le théâtre Durance accueille et coproduit également,
dans le cadre de Dansem (voir p 25), la création de
la Cie Italienne Tecnologia Filosofica autour
d’Orphée et Eurydyce : Der augenblick dort, que l’on
peut traduire par cet instant-là, mais aussi le temps de
cligner les paupières. Un regard de trop…
>
Le Ballet Biarritz de Thierry Malandain vient
danser son mix à la fois «magique» et «magnifique»
de Petipa, Ivanov et Tchaïkovski : les plus belles
pages, sublimées et tendues à l’extrême, comme
envolées et passée sous la loupe, de Casse Noisette,
La Belle au bois dormant et Le Lac des cygnes. Il y est
question de féérie bien sûr, mais chez le chorégraphe
néoclassique celle-ci passe toujours par la fascination
de la performance impossible, et la perfection
presque inhumaine du geste. Une danse rare, étrange
et questionnante.
3
Trois
La scène conventionnée de Draguignan accueille la
>
Nos limites © Renaud Vezin
L’iceberg
Les 2 et 3 déc
Der Augenblick dort
Le 10 déc
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
© stephanie Jaume
Nos limites
Le 26 nov
Théâtre de Fos
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
© Olivier Houeix
Grillages
Féerique
La Cie N’Possee reprend un beau spectacle de hip
Magifique Tchaïkovski suites
Le 4 déc
Carré Léon Gaumont, Ste Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Just to dance
Le 26 nov
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Changement
© X-D.R.
dernière création de Héla Fattoumi et Eric
Lamoureux, conçue pour trios danseurs Congolais,
trios danseurs Japonais et trois danseurs de leur CCN
de Caen. Echanges, regards, relations, la danse
commune se fonde sur la rencontre d’énergies
différentes, et une musique live de Camel Zekri entre
improvisation et écriture.
Afro
américain
Raphaëlle Delaunay dans Bitter Sugar revisite l’histoire de la «revue nègre» en confiant le plateau à 5
danseuses noires qui, sur des standards jazz des
années 20 et 30 mais aussi sur de l’électro ou la voix
peu sirupeuse de Billie Holliday, interrogent cette période étrange de l’histoire Noire. Où la beauté des corps
était magnifiée, tandis que l’oppression la plus injuste
et violente régnait. Vous avez dit amer et sucré ?
Bitter sugar
Le 10 déc
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
© Philippe Savoir
Jérôme Thomas nous avait habitués à des fééries
circassiennes, surenchères de jonglage absolu
agrémenté d’une belle inventivité de décors et de
costumes… Libellule et papillon, s’oriente plus
franchement vers la danse, à partir de l’idée de
métamorphose introduite par un solo du metteur en
scène en cocon. Le spectacle fait un peu défilé
d’effets à la longue, mais ravira les mirettes qui
aiment à s’émerveiller…
Libellule et papillons
Le 18 déc
Carré Léon Gaumont, Ste Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Rosas
chante
Un événement de plus à Châteauvallon : le CNCDC
programme mine de rien la création 2008 d’Anne
Teresa de Keersmaeker. Celle où les danseurs de
Rosas ont collaboré avec le groupe pop rock soul
Zita Swoon. Les choristes dansent, les danseurs
prennent les micros en une fusion intelligente des
sons et des corps, des pratiques… Car il n’est rien de
plus musical que la danse de Keersmaeker.
Dancing with the sound hobbyist
Le 3 déc
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
30
ARTS DE LA RUE
PORT-SAINT-LOUIS | ARLES | LIEUX PUBLICS
Sont pas frileux les artistes !
Pour sa deuxième édition, la manifestation Carrément à l’Ouest, toujours
sous l’impulsion de Scènes et Cinés et
du Citron Jaune, s’est installée dans le
quartier Ambroise Croizat, entre pavillons, immeubles et surface commerciale.
Malgré le froid (oui, il fait froid mioctobre !) et les annulations (la faute
du vent pour le duo Hautes-pointures
des Colporteurs et une blessure pour
la cie Jeanne Simone) le public était au
rendez-vous. Bravant le Mistral, le duo
poétique Tarina des Colporteurs s’est
élancé, funambules aussi virtuoses sur
la terre ferme que sur leur filin composant leur structure en étoile qui
semble flotter dans l’espace. Léger
sourire aux lèvres Elle trottine, saute,
natte ses cheveux comme si de rien
n’était, tandis que Lui, plus sérieux, la
regarde, et commence à la suivre… La
rencontre se fera après quelques très
beaux moments de poésie suspendue,
Les Colporteurs © D.M.
de danse dans les airs, d’étreintes
poignantes…
À quelques pas de là attend la savoureuse Hélène Pirenne, alias Lorgnette,
devant une palissade ingénieusement
bricolée. On s’installe fissa, elle rigole
pas Lorgnette. En apparence du moins…
Avec force onomatopées, personnages
de chiffon et gestes suggestifs, elle
raconte Le Petit Chaperon rouge. Enfin,
SON petit Chaperon rouge, une vision
très personnelle et hilarante adoptée à
l’unanimité ! Elle prend le temps de
consulter le livre, faudrait pas se trom-
per dans l’ordre des saynètes, de
fustiger la mère-grand qu’elle trouve au
lit avec le chasseur, de balader le
chaperon, et, surtout, d’enfiler le costume du loup qui lui va comme un gant.
Jouissif ! Puis, en fin d’après-midi,
Solita s’avançait avec, dans sa petite
carriole, tout son univers d’exilée espagnole qu’elle exposait à ce pays d’accueil
enfin trouvé. Sous une banderole de
bienvenue elle se raconte : la guerre,
«que mierda !», sa famille, la religion,
son amour, son pays, qu’elle chante et
danse, ses espoirs… et l’Espagne, dont
les poncifs appuyés par cette drôle de
clown provoquent le rire malgré tout.
On prend rendez-vous pour l’année
prochaine ?
DO.M.
Carrément à l’Ouest a eu lieu à PortSaint-Louis du 13 au 16 oct
Juste pour rire !
Quand la rue manifeste
Droits dans leurs grandes chaussures de clowns, les Cousins vont se mettre au
travail. En tous cas c’est ce qu’ils promettent, avant de partir faire autre chose bien
sûr. Enfin du moins René le répète, «Au travail !», parce que Julot, lui, aimerait bien
se poser un peu, sur un coin de chaise par exemple, après avoir suspendu son
pardessus sur le facétieux porte-manteau à bascule… Il y en a du travail dans ce
numéro de clowns qui revisitent leurs classiques : gags basés sur l’accumulation,
la répétition, le jonglage d’assiettes qui mène au carnage ménager, la malle à
malice qui garde son mystère, les verres d’eau recrachés par cinquante jets brefs,
les bretelles capricieuses, les ballons qui s’envolent… Rien n’est inconnu dans ce
répertoire et pourtant tout semble frais et fin : en dignes héritiers des personnages
les plus marquants d’une tradition circassienne un rien évaporée, ou de héros
disparus du cinéma burlesque tels les Marx Brothers, Keaton ou Chaplin, René et
Julot réinventent les gestes et les situations, jusqu’au concert interactif humide et
maîtrisé de bout en bout !
En ce contexte de conflit social Small
is beautiful s’est poursuivi avec un
peu moins de succès. Comme si l’art
de la rue trouvait un prolongement naturel dans la contestation publique, qui
du coup lui volait ses troupes… À Aubagne il y eut moins de monde qu’on
aurait cru, à Martigues à peine plus, et
la venue du Collectif Berlin, coproduite par le Merlan et les Rencontres
d’Averroès, s’avéra peu spectaculaire :
les dispositifs vidéos, environnés ou
non de performances, emmenaient
vers des portraits de villes très bien
construits mais lointains, tandis que
sur les trottoirs marseillais s’accumulaient les tas malodorants des reliefs
de nos vies intimes, et que dans les
manifs les gorges s’égosillaient, inventant des slogans anciens. La rue,
occupée à se révolter, à s’engorger, à
occuper l’espace, n’était plus attentive
à ces petites choses qui, grâce à Lieux
Publics, déstabilisent régulièrement
son quotidien routinier…
La Sirène du 3 déc fleurait encore
cette révolte-là. La loi votée, les poubelles ramassées, les sirènes des
bateaux bloqués retentissant moins
fréquemment au lointain maritime, la
vie banale semblait reprendre ses droits,
et le rituel du premier mercredi du mois
rassembla le public habituel… qui se
trouva face à une manifestation de
carton ! Des manifestants très réalistes, dessinés à l’échelle et affublés de
DO.M.
Ça va pas se faire tout seul a été joué au CDC
de Saint-Martin de Crau dans le cadre de Cirque
et Entresorts
© Vincent Muteau
pancartes aux slogans ravigotants,
revigorants, métaphysiques, d’aphorismes drôles qui claquaient comme
autant de trouées dans le réel, interrogeaient finement le rapport de la psyché
au social. Le plus éclairant étant sans
doute : Quand j’ai la tête dans le sac,
mon surmoi est-il dedans ou dehors ?
Ou (plus politique ?) Une chaussette
propre est une chaussette qui ment.
La performance qui visait à verbaliser
tout cela, et à entraîner un mouvement
collectif du public, fut moins heureuse
que cette installation. C’est que la rue
ne s’y trompe pas, et ne se laisse entraîner que dans ce qu’elle souhaite:
décidément manifester n’est pas jouer.
AGNÈS FRESCHEL
Small is beautiful s’est déroulé
jusqu’au 23 oct. La sirène
de novembre a été proposée
par les Cubiténistes le 3 nov.
À venir
La prochaine sirène est confiée à
Nicolas Cante, qui va disposer 12
pianos désaccordés sur le parvis, et
tenter de vous faire trouver un accord
-non tempéré- avec la sirène d’alerte…
qui sonne faux bien sûr !
Mekanik kantatik
Le 1er dec à midi tapante
Parvis de l’Opéra de Marseille
www.lieuxpublics.fr
Contemporain
Avec Traces, le collectif de cirque québécois Les 7 doigts de la main livre
un cocktail à la croisée du cirque, de la danse, du dessin et de la musique.
Un cirque ingénieux et original, à dimension humaine, qui régénère l’acrobatie traditionnelle en l’associant au meilleur de la culture urbaine : tout est
prétexte à la performance, à la prise
© OCDphoto
de risque, aux tours de forces acrobatiques entre mâts chinois, skateboard,
ballon de basket dans un esprit résolument jeune et pétulant. Une pure
énergie qui, en prime, jongle aussi
avec la musique : de l’électro à la
salsa, de Radiohead à Gonzalès.
Traces
Les 12 déc
Théâtres en dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
les 15 et 16 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Regarde
Zimmermann & de Perrot ont travaillé pour Chouf Ouchouf (regarde, regarde encore !) avec le groupe acrobatique de Tanger. Le résultat produit
une merveille d’acrobatie et des étincelles de magie pure. Ancré dans la réalité du Maroc, le spectacle amène l’exploit acrobatique au plus près d’une
émotion qui s’appelle poésie. Chant, danse, musique accompagnent les numéros d’équilibre de ces acrobates hors pairs qui revendiquent leur identité
avec humour et virtuosité.
Chouf Ouchouf
Les 10 et 11 déc
Théâtre La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Brouillard
Nebbia est le dernier spectacle de la
Trilogie du Ciel, une production du
Cirque Eloize et du Teatro Sunil.
L’imagination du metteur en scène
Finzi Pasca atteint des sommets
poétiques. Les acrobates sont également acteurs, danseurs, chanteurs
et musiciens. Dans un écrin de fan-
taisie et de lyrisme, les tableaux présentés sont toujours associés à un
rêve. Pour rire, réfléchir et pleurer.
Nebbia
Du 3 au 5 déc
Théâtre le Toursky
0820 300 033
www.toursky.org
Virtuoses
Accompagnée de trois solistes lyriques (soprano, baryton et haute-contre), la
fanfare Les Grooms, bien connue des amateurs de festivals de rue, revisite l’opéra
d’Henry Purcell, le Roi Arthur. Dynamitant tous les codes habituels de la
représentation, les musiciens de la fanfare n’ont besoin ni de partitions, ni de
décors, encore moins de chef d’orchestre pour réinventer la trame de l’opéra,
jouant pour et avec le public cette histoire d’amour et de rivalité avec virtuosité et
beaucoup d’humour.
Un Roi Arthur
Le 11 déc à 19h
Théâtre de l’Olivier
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
32
MUSIQUE
AU PROGRAMME
Olympe «Années folles»
La production du festival d’Aix 2009 Orphée aux
Enfers fut une bonne surprise ! On peut (re)découvrir
l’Opéra bouffe d’Offenbach dans la région en cette
fin 2010, emmené par la jeune et talentueuse troupe
d’acteurs-chanteurs pour un moment de fraîcheur,
enthousiaste et pétillant !
L’«Olympe» d’Yves Beaunesne s’étage dans un
hôtel particulier parisien des années trente où trône
un Jupiter à bretelles, caricature de président U.S, et
sa cour qui «fout le camp» : Vénus «vamp», Diane
chasseresse à la Feydeau, Minerve en «bourge» à la
Valérie Lemercier, Junon hystéro, Mercure échappé
du Tour de France manœuvrant sa bicyclette, Cupidon «gavroche», Pluton dandy plus félon que nature…
© E. Carecchio
et le passeur John Styx, poivrot à la mémoire courte.
Pauline Courtin incarne une Eurydice, soubrette
gouailleuse, poupée-jouet d’une farce douce-amère,
tandis qu’Orphée (Julien Behr), si peu pressé d’aller
chercher sa «moitié» aux Enfers, possède quelque
chose d’un félibrige à la Mistral… Le tout sous l’objectif voyeuriste d’une «Opinion publique» paparazza
avant l’heure.
Les dialogues parlés réactualisés font «mouche»,
comme l’air du même nom ou celui des «baisers»,
jusqu’au Can-can final, cocasse et habilement
«escamoté»… L’humour et la fantaisie dominent, le
tout dirigé par Samuel Jean !
JACQUES FRESCHEL
Orphée aux enfers
Les 24 et 26 nov. à 20h et le 21 nov. à 14h30
Opéra de Toulon
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Le 10 déc. à 20h30 et la 12 déc. à 15h
Grand Théâtre de Provence, Aix
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Bel canto
Le Théâtre de Nîmes propose à ses
fidèles de faire quelques kilomètres vers
Montpellier pour assister aux représentations de Semiramide de Rossini. Sûr
que cette production de l’Opéra de
Berlin avec l’Orchestre et les Chœurs
nationaux de Montpellier et Bordeaux attirera un large public, bien
au-delà des frontières de l’Hérault et
du Gard ! Le jugement hâtif de Stendhal (Vie de Rossini - 1830) sur l’opéra
créé à Venise en 1823 a heureusement
fait long feu : le qualifiant de «germaniste», le jeune écrivain prétendait, avec
une mauvaise foi légendaire, qu’il ne lui
avait «fait aucun plaisir». On s’accorde
La maledizione…
aujourd’hui à en vanter les vertus musicales, les prouesses vocales jadis
surmontées par Sutherland ou Caballe.
C’est la soprano Laura Aikin qui assure
le rôle-titre sous la baguette d’Antonino Fogliani dans une mise en scène
de Kirsten Harms.
J.F
Sémiramide
Le 28 nov. à 15h et le 30 nov. à 20h
Opéra Berlioz Le Corum
Montpellier
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.org
Après La Tosca l’an dernier, la Scène
Nationale de Sète accueille les Chœur
et Orchestre philharmonique Giuseppe Tartini de Rome pour un
chef-d’œuvre populaire de Verdi :
Rigoletto. Malgré l’immoralité du
séducteur le Duc de Mantoue, la jeune
Gilda l’aime ! Par malheur («Ah, la maledizione !»), son père le bouffon bossu
Rigoletto, pour venger son honneur,
commet involontairement l’irréparable…
L’opéra, tragique au possible, inspiré
du drame romantique Le Roi s’amuse
de Victor Hugo, recèle des airs parmi
les plus appréciés du répertoire lyrique,
dont le fameux : «La donna e mobile».
Les trois principaux rôles ont été
marqués par les plus grandes voix : de
Pavarotti (le Duc) à Callas (Gilda) ou
Gobbi (Rigoletto)… La troupe transalpine est dirigée par Tulio Gagliardo
dans une mise en scène d’Antoine
Selva.
J.F.
Rigoletto
Le 28 nov à 15h
Théâtre Molière Sète
04 67 74 66 97
http://theatredesete.com
Jean-Frederic Neuburger © Kortney Roy
Longue balade
nocturne et romantique…
René Martin essaime sa Folle nuit nantaise dans
des dimensions moins pléthoriques, comme à Nîmes
où il propose au public noctambule (et endurant)
d’appréhender les compositeurs de la génération
1810 : Chopin, Schumann, Liszt et Mendelssohn.
Deux pianistes aux talents très différents proposent,
en cinq concerts d’une petite heure chacun, un «trip»
autour d’opus des ces piliers romantiques. Brigitte
Engerer, pianiste à la technique généreuse, héritière
des grandes écoles de piano franco-russes, et Shani
Diluka dont le toucher subtil donne à ses interprétation une dimension poétique rare, se relayent dans
les Harmonies poétiques et religieuses de Liszt, des
Nocturnes et Ballades de Chopin, des Romances sans
paroles de Mendelssohn… Elles jouent également
avec le Quatuor Voce le Quintette en mi bémol de
Schumann ou une transcription du 2e concerto de
Chopin.
JACQUES FRESCHEL
Folle Nuit
Le 5 déc. concerts à 15h, 17h, 19h, 21h et 22h30
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.org
MUSIQUE 33
Composer avec le passé
Le mois que Raoul Lay consacre à la
composition musicale (voir p 9) se
poursuit avec un concert intitulé les
Pinceurs d’âme où la harpiste Lydia
Laurent et le guitariste Philippe
Azoulay entrelacent leurs cordes pincées aux sonorités des instruments de
l’Ensemble Télémaque au grand complet : un programme mêlant des opus
de Ravel, Roussel, Villa-Lobos à ceux
de deux jeunes brésiliennes Tatiana
Catanzaro et Valéria Bonafé et un
hommage à Robert Coinel (le 19 nov. à
La Magalone - 04 91 39 29 13).
Une semaine après, on assiste à la
création de deux «Concertos» modernes. Pierre-Adrien Charpy dans Le rêve
de l’homme-oiseau reprend l’effectif
instrumental d’Octandre de varèse, et
Raoul Lay propose crée un concerto
pour piano fait de glissements harmoniques : un Glam concerto dédié à
Maurizio Kagel, qui se souvient aussi
du Double concerto pour violons (Yann
Le Roux-Sédes et Jean-Christophe
Selmi) de Bach. Deux œuvres de
«l’école marseillaise» de composition à
découvrir dans une mise en perspective originale qui portent à 9 le nombre
de pièces créées durant ce mois de la
composition (le 26 nov aux Bernardines - 04 91 24 30 40).
Après les penseurs (Boulez, Schoenberg), les deux épisodes suivants,
instructifs et pédagogiques, de l’Histoire de la Musique (à l’Alcazar,
entrée libre) mettent en lumière les
instinctifs (Stravinsky, Riley, Prokofiev… le 23 nov à 18h) et les sensuels
(Ravel, Messiaen, Dutilleux…le 7 déc.
à 18h). Jean-Marc Fabiano invite aussi
le public à découvrir les formidables
possibilités modernes de l’accordéon,
bien loin de l’image «musette» qu’il
véhicule parfois (le 30 nov. à 18h).
J.F.
Lydia Laurent © Agnes Mellon
Le Mois des Compositeurs
jusqu’au 7 déc
Marseille
04 91 39 29 13
www.ensemble-telemaque.com
Harmonies phocéennes
Nemanja Radulovic St Victor © Eric Manas
Après les représentations du «Grand-opéra» Samson
et Dalila de Camille Saint-Saëns, chef-d’œuvre du
genre, qui se poursuivent avec Olga Borodina et
Torsten Kerl dans les rôles-titre sous la direction
d’Emmanuel Villaume (les 23 et 26 nov à 20h et le
20 nov à 14h30), on attend la venue du prodige du
violon Nemanja Radulovic qui jouera le Concerto
de Barber avec l’Orchestre Philharmonique (dir.
Guy Condette). On entend également l’Ouverture de
Candide de Bernstein, la Suite «A symphonic Picture»
de Porgy and Bess de Gershwin et la Symphonie n°4
commandée par la Ville de Marseille au compositeur
marseillais Nicolas Mazmanian (le 2 déc. à 20h).
On n’oublie pas les formidables concerts de Musique de chambre donnés dans la luxueuse salle du
Grand-Foyer. On y découvre (pour quelques euros)
des solistes de haut-vol, issus de l’Orchestre de
Marseille démontrant l’excellent niveau technique
et expressif de la phalange municipale. Un program-
me Brahms fait entendre ses deux grands Sextuors à
cordes avec Roland Muller, Alexandre Amedro
(violon), Magali Demesse et Xavier Franck (alto),
Jean-Eric Thirault et Odile Gabrielli (violoncelle –
le 27 nov. à 17h).
On y découvre un programme pour vents de Janacek
(Mladi – septuor), Bizet (Suite de Carmen – nonette)
et la Petite Symphonie de Gounod avec Jean-Marc
Boissière (flûte), Armel Descotte et Bernard
Giraud (hautbois), Didier Gueirard et Pascal Velty
(clarinette), Stéphane Coutable et Hervé Issartel
(basson), Julien Desplanque et Philippe L’Orsa
(cor – le 11 déc à 17h).
JACQUES FRESCHEL
Opéra de Marseille
04 91 55 11 10
www.opera.marseille.fr
Noëls tournants
18 ans que le CG des Bouches-du-Rhône organise
la tournée Les Chants de Noël ! Dans son église de
village ou de quartier, tout un chacun (près de 17000
personnes) peut accéder à des concerts gratuits, de
haut niveau, et élargir son propre champ culturel. 55
spectacles sont annoncés pour cinq productions
différentes : la moitié à Marseille le reste dans les
communes du département.
La Maîtrise des Bouches-du-Rhône dirigée par
Samuel Coquard nous embarque dans un conte
imaginé autour de la Nativité. On entend a capella
des mélodies ancestrales illustrant le mystère de
Noël et une Flûte enchantée qui sert de fil conducteur au récit, commente l’action, dialogue et surplombe
les voix angéliques.
Juan Carmona guitariste emblématique de la
nouvelle génération flamenca réunit des artistes espagnols pour nous faire partager la célébration d’un
Noël Andalou au travers de «Villancicos» et la danse
de Carmen Lozano.
Les Corses de Barbara Furtuna mixent leurs voix
au trio marseillais Multitudes (violon, guitare et contrebasse) pour un voyage méditerranéen au gré de
berceuses, hommage à la Vierge, chants sacrés et
chaleureux de la Nativité.
La compagnie Les Bijoux Indiscrets propose un
Noël baroque inspiré par la féminité. Des compositrices Antonia Bembo, Bianca Maria Meda, Xaveria
Peruchona, Isabella Leonarda… servies par Edwige
Parat (soprano), les violons de Stéphanie Erös,
Béatrice Linon, le violoncelle d’Etienne Mangot et
Claire Bodin au clavecin.
Ariel Ramirez, compositeur argentin des Misa Criolla
et Navidad nuestra catholiques et Raúl Barboza,
accordéoniste et interprète de la culture animiste des
indiens Guarani, invitent à des Noëls Argentins.
Entre théâtre et musique, par L’Atelier du possible.
JACQUES FRESCHEL
Les Chants de Noël du CG13
du 3 au 23 déc
www.culture-13.fr
34
MUSIQUE
Orgue
Mezzo
Schumann
Louis Robilliard joue Liszt, Widor, Franck et Fauré sur le
Cavallé Coll historique du 124 rue Paradis.
MARSEILLE. Le 18 nov. à 20h30 Eglise St-Joseph
Angelika Kirchschlager chante des Lieder de Schubert
avec l’Orchestre de chambre de Bâle (dir. Paul McCreesh)
qui joue également la Symphonie n°2 de Brahms.
AIX. Le 27 nov. à 20h30. GTP
Brigitte Engerer interprète le Concerto pour piano de
Schumann en compagnie de l’O.L.R.A.P. (dir. Laurent
Petitgirard) qui joue aussi sa 1re symphonie.
AVIGNON. Le 3 déc. à 20h30 Opéra-Théâtre.
Bois
Fabrice Ropolo présente De Jean-Sébastien Bach à
Michel Portal sur ses flûtes traversières, bansuri ou
clarinette basse, passe de la gigue irlandaise au raga
indien, de Piazzolla à Marin Marais…
MARSEILLE. Le 20 nov à 20h30
Eglise Notre-Dame du Mont
04 91 54 76 45
www.musiqueandco.com
Egalement le 10 déc. à 20h30 avec Pierre Grivolla à
La Magalone
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.com
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Maître Guy
Cristina Ortiz
Le trompettiste Guy Longnon a marqué la scène jazz
hexagonale avant la vie musicale locale où, au Conservatoire Barbizet, il créa la première classe de jazz en…
1963 ! Combien d’élèves sont ressortis animés de ses
cours ! On se réunit sous l’impulsion d’Yves Laplane pour
rendre hommage au vieux maître, homme si généreux et
passionné…
MARIGNANE. Le 27 nov. à partir de 20h30
Théâtre Molière Entré libre
La Brésilienne joue le 4e Concerto pour piano de
Beethoven avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon (dir.
Darell Ang) qui interprète aussi la Sinfonietta de Poulenc.
TOULON. Le 7 déc. à 20h30
Française
Trio
Debussy, Ravel, Saint-Saëns, mais aussi Louise Farrenc
et Théodore Dubois sont à l’honneur pour un Week-end
Musique française.
ARLES. Le 20 nov. à 17h Nouveaux Talents - entrée libre
et le 21 nov. à 11h Duo Memtanu/Gastaldi.
Les frères Joubran sont légataires de la tradition du oud,
rehaussée de compositions originales et d’improvisations.
Palestiniens à l’écoute du verbe de Mahmoud Darwich,
ils se sont placés À l’ombre des mots de l’écrivain. Cet
hommage vibrant, à travers des textes écrits peu de temps
avant sa mort, chante la Palestine, la douleur et la paix.
GAP. Le 30 nov à 20h30. Théâtre de la Passerelle
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Orgue & voix
Cyril Rovery (baryton), Marie Noëlle Grini-Grandval
et Christophe Guida aux claviers.
LES-PENNES-MIRABEAU. Le 21nov. à 16h30
Pèlerins
L’ensemble La Fenice (dir. Jean Tubéry) et Ariana
Savall (soprano et harpe) nous guident sur le Chemin de
St-Jacques de Compostelle avec des répertoires
européens du XVIIe siècle.
MARSEILLE. Le 25 nov. à 20h30. Festival de St-Victor
04 91 05 84 48
www.chez.com/saintvictor
Trip acoustique
Les Acousmonautes présentent : Voyage en
Acousmonef. Des œuvres de Francis Dhomont, Marc
Favre, Vincent Carinola et Jean-Marc Duchenne
présentées en multiphonie avec un dispositif original de
diffusion spatialisée du son.
AIX. Le 26 nov. Acousmobilo-concert à 16h, 17h, 19h et
20h (15 personnes par voyage)
Le son en mouvement conférence à 18h Fondation
Vasarely
04 42 20 01 09
www.lesacousmonautes.net
Arménie
Hommage au fabuleux joueur de doudouk Levon
Minassian. Accompagné de musiciens proches, il mêle
les sonorités plaintives de l’instrument, si prompt à
exprimer la profondeur de l’âme caucasienne, à toute une
poésie révélée par de Michael Lonsdale, Richard
Martin et Kelly Martins.
MARSEILLE. Le 26 nov. à 21h. Théâtre Toursky
0 820 300 033
www.toursky.org
04 90 82 81 40
www.operatheatredavignon.fr
Chopin 1
Jean-Claude Pennetier et le Quatuor Renoir donnent
les deux Concertos de Chopin pour piano et transcription
pour quatre cordes.
MARSEILLE. Les 30 nov. et 2 déc. à 20h30
Fac. de médecine La Timone.
SMCM 04 96 11 04 60
Clôture
L’Orchestre de Chambre de Toulouse, Cécile
Laroche (soprano) et Rany Boechat (alto) dirigés par
André Bernard interprètent le Stabat mater de Pergolèse,
la Suite de Don Quichotte de Telemann et le Triomphe de
l’Amour de Lully… pour clore le festival.
MARSEILLE. Le 2 déc. à 20h30. Festival de St-Victor
04 91 05 84 48
www.chez.com/saintvictor
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Piano
David Fray joue Mozart (Sonate en ré majeur et Fantaisie
en do mineur) et Beethoven (Sonates «Waldstein» et
«Pastorale»)
AVIGNON. Le 7 déc. à 20h30 Opéra-Théâtre.
04 90 82 81 40
www.operatheatredavignon.fr
Violoncelle
Sonia Wieder Atherton (violoncelle) et Bruno Fontaine
(piano) jouent Britten, Piazzolla et des chants juifs
traditionnels…
ARLES. Le 12 déc. à 11h.
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Accordéon
Richard Galliano swingue d’ordinaire sur les standards
de jazz ou tangue sur Piazzolla. Mais au Grand théâtre il
jouera des transpositions de fameuses partitions de Bach
en s’entourant de Sébastien Surel et Saskla Lethiec
(violons), Jean-Marc Apap (alto), Eric Picard
(violoncelle) et Stéphane Logerot (basse).
AIX. Le 14 déc. à 20h30. GTP
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
«Convergences»
Chopin 2
Cycle de concerts bâti sur la confrontation de duos :
Lucie Antunes (percussions) et Joël Versavaud
(saxophone), Xavier Charles (clarinette) et Jean-Léon
Pallandre («phonographiste»), Agnès Pyka et MarieLaurence Rocca (violons) au service d’opus de Xenakis,
Stockhausen, Berio… Avec également une création
électro-visuelle de Patrick Portella, une rencontre autour
du Gamelan balinais et une version filmée de l’opéra arabe
Zajal de Zad Moultaka.
MARSEILLE. Du 2 au 10 déc. GMEM
Richard Martin clôt l’année Chopin en grande pompe
avec Dang Thaï Son qui joue avec l’Orchestre de
chambre de Toulouse (dir. Claudio Cruz) les deux
merveilleux Concertos pour piano du franco-polonais.
MARSEILLE. Le 14 déc. à 21h. Théâtre Toursky
04 96 20 60 10
www.gmem.org
Procès
Caroline Sageman incarne la pianiste mystificatrice
Joyce Hatto dont le mari publia une centaine de CD qui s’avèreront, après sa mort en 2006, des faux piratés à d’autres
pianistes. Elle joue Mozart, Tchaïkovski et Debussy, avant la
tenue de son procès par Solange Brun (l’accusatrice) et
Jacques Di Costanzo(l’accusé) sur un texte de Gérard Abrial.
MARSEILLE. Le 3 déc. à 20h15 Pullman Palm Beach 06 14 88 19 24
[email protected]
0 820 300 033
www.toursky.org
Noël baroque
Les Festes d’Orphée présente Grands motets
Provençaux en Noëls : Dixit de Auphand et Magnificat
de Dupertuys agrémentés du Concerto fatto per la notte
di Natale de Corelli & la Suite n° I de Boismortier pour trois
flûtes.
AIX. Le 15 déc. à 20h30 Temple rue de la Masse
04 42 99 37 11
www.orphee.org
36
MUSIQUE
GTP
Grands concerts
au grand théâtre
Au loin coule une rivière
Zhu Xiao-Mei © Julien Mignot
Les trente variations Goldberg de J.S Bach représentent sans conteste un sommet
de la littérature pour clavier. Chacune de ces pièces, microcosme de la puissance
créatrice du compositeur allemand, derrière une simplicité apparente, dévoile la
complexité de cette écriture baroque tardive : les variations s’enchaînent,
mécanique céleste, artefact d’un modèle divin, découpant le temps au gré des
fluctuations agogiques. Fluidité de la musique, limpidité de l’œuvre, jamais «Bach»
(le ruisseau en allemand) n’aura aussi bien porté son nom ! Zhu Xiao-Mei, seule
face à son piano, releva le défi d’immerger le public du GTP dans cet ouvrage si
intimiste. Pianiste chinoise à la technique admirable, aux pianissimi d’une beauté
crépusculaire, la pékinoise osa une interprétation tout en retenue, méditative,
splendide mais un peu hermétique ; une lecture quasi contemplative qui avait du
mal à s’accorder aux dimensions de la salle : à redécouvrir entre amis dans le
secret d’une alcôve.
Modigliani aurait sans doute apprécié que ce quatuor porte son nom ! Le
tempérament double de l’artiste, fougueux et virulent, réservé et charmant se
retrouva sous les archets insensiblement indisciplinés de ces jeunes
instrumentistes. La légère surbrillance du premier violon, le jeu un peu forcé du
violoncelliste furent superbement tempérés par le son patiné, tout en rondeur, de
l’altiste et de son comparse violoniste. Cet ensemble, pépite encore un peu brute,
une fois policé par le temps s’affirmera comme un des spécialistes du genre. Le
programme présenté en cette soirée fut placé sous le signe de la dualité : de
l’introspection sonore du mouvement lent du quatuor de Debussy, proposé en
bis, à l’opus 76 du maître Haydn d’une modernité déconcertante en passant par
les deux quatuors op 13 et 80 de Mendelssohn, le public du GTP put apprécier la
ductilité de la palette de ces artistes. Le syncrétisme de l’adagio non lento du
quatuor en la m du jeune Félix à la croisée des styles -baroque, classique- et des
techniques d’écriture -contrapuntique, harmonique- résume à lui seul ce concert
qui fut, à bien des égards, décoiffant !
Quatuor Modigliani © Andrew French
Quatre garçons dans le vent
CHRISTOPHE FLOQUET
Ces concerts ont été donnés le 12 et le 19 oct
Armide enchanteresse
tiens ton cœur perfide ! L’alternance binaire-ternaire,
typique des suites, les entrées fuguées, les lignes
planantes des cordes, les appuis du clavecin et les
OFJ baroque - Paul Agnew © Sylvain Pelly
Un fil conducteur, Armide (issu de la Jérusalem Délivrée du Tasse), un orchestre talentueux, l’Orchestre
Français des Jeunes Baroque, un chef enthousiaste, le pétillant et so british Paul Agnew, une
soprano sensible à la belle technique, Emmanuelle
de Negri promettaient un concert de qualité qui fut
alourdi cependant par des longueurs : le choix du
Concerto Grosso n°3 de Haendel, et de la symphonie
La Reine de Haydn, se justifiait assez peu, malgré
l’admiration qu’avait Marie-Antoinette pour cette
œuvre (d’où son nom !).
Puis le chef rappelle les maléfices de la magicienne
Armide qui change les chevaliers en animaux et tombe amoureuse de Renaud après avoir voulu le tuer. La
Suite extraite de la tragédie Armide de Lully donne
toute sa force au drame : belles couleurs de cordes,
interventions nettes des bois, la soprano maîtrise les
phrases amples et les affects baroques si variés ,
appogiatures, ornements, trilles : Traître, attends, je
soli des bois, sont de très belle facture.
On retrouve de nouveau haine et pitié dans la Cantate
Armida abandonnata de Haendel, chant haletant et
planant. E. de Negri nous offre un air de Graun, compositeur baroque dont l’opéra Armida n’avait jamais
été joué depuis la création ! Al fin è in mio potere :
belle ligne de chant et mélodie d’une étrange beauté.
Puis l’Air Odio, furore, dispetto, extrait d’Armide de
Haydn, est une bourrasque de vocalises, même si la
soprano manque d’une marge plus convaincante dans
les aigus pour rivaliser avec un orchestre déchaîné
de jeunes insouciants, dirigés avec complicité par un
chef très présent. Un concert audacieux où le thème
et ses variantes se suffisaient largement à euxmêmes.
YVES BERGÉ
Ce concert a eu lieu le 4 nov au GTP
QUATUORS
MUSIQUE
37
Quatre Tchèques
Décidément l’équipe de la
Société de Musique de
Chambre de Marseille a
du nez ! Depuis l’annonce
de la venue du Quatuor
Zemlinsky à la Timone,
ces quatre cordes
tchèques ont remporté le
1er Prix du Concours
International de Quatuors
à cordes de Bordeaux en
juillet 2010. De fait, le 9
novembre, on a découvert
leur beau travail sur les
sonorités s’appuyant sur
une grande cohésion. Ces
disciples des Talich,
Kocian et Prazak ont le
sens de l’effet, des
contrastes, joués à plein archet comme dans le
fameux Quatuor «Les Dissonances» de Mozart, doublé
d’une tension dynamique sans relâchement.
L’ensemble laisse aussi un espace essentiel au
dessin mélodique individuel surgissant de la
polyphonie. Il en fut ainsi dans le Quatuor n°1 op.4
d’Alexander von Zemlinsky, œuvre à l’esprit épique,
l’écriture élégante et une expression singulière. Un
Réviser son Bach
On ne peut nier la belle qualité du
concert Bach to the future donné au
GTP sous la houlette de Jean-François Zigel. Ni la justesse du propos, ni
l’irréprochable prestation des artistes…
Inventif, original dans l’approche de Bach,
le programme a su ménager des surprises, loin des lieux communs. Il ne
s’agissait pas de montrer la postérité
de Bach et de présenter des œuvres
qui s’en inspirent, mais d’analyser
quelques morceaux, puis d’improviser,
et d’interpréter sur des instruments
contemporains ou non du père de la
«polyphonie infinie et infiniment renouvelée». Pratique de l’invention, sonorités
électroniques, claviers, piano ou Fender Rhodes, grande Bourbonnaise et
petite berrichonne, grand célesta… Cet
ensemble hétéroclite était au service
d’un propos : la plasticité et l’intemporalité de la musique de Bach. Un quatuor
chanté (soprano, alto, ténor, basse)
rythme le spectacle, en charmants
intermèdes, ainsi que les passages
récurrents d’une danseuse papillon
aux grands voiles, Raphaëlle Boitel.
Curieusement, c’est elle qui recevra
les applaudissements les plus enthousiastes ! Parce qu’elle apporta les seuls
réels reliefs du spectacle ? On gardera
en mémoire la belle sensibilité de
l’ensemble et la phrase de Cioran citée
en exergue, «sans Bach, Dieu ne serait
pas grand-chose»…
© X-D.R
compositeur sous-évalué par rapport aux deux
Viennois qui l’encadrent historiquement : Gustav
Mahler et Arnold Schoenberg ! Les musiciens ont
enfin cueilli dans leur jardin quelques bouquets de
Bohème signés Dvorak et Smetana, pour nous les
offrir en bis. Dans ces cas-là on remercie…
JACQUES FRESCHEL
Trois fois quatre
M.C.
Bach to the future
a été donné au GTP le 14 oct
Jean-Francois Zygel © Philippe Gontier - Naive
Trois quatuors à cordes en un week-end pour à la
Chapelle du Méjan à Arles ! Le Prazak le vendredi 23
octobre et le Cuarteto Casals et le Quatuor Alma le
dimanche 25 ! Une programmation somme toute traditionnelle : Haydn, Debussy, Mendelsshon pour
l’Alma. Mais se lassera-t-on jamais de La jeune fille et
la mort interprété par le quatuor éponyme du grand
Pablo ? Après Mozart (K 421) quoi de mieux que ces
sublimes variations pour mesurer l’épure de cette
formation, puis Bartok (n°4) pour admirer sa géométrie et son évolution déjà annoncée par Debussy…
Le Quatuor Prazak quant à lui se centrait sur l’école
Tchèque après une incursion Russe et orientalisante
chez Borodine (n° 2 en ré
majeur) : doublures délicates, imitations, tissu dense
au sein d’une forme sonate
éternellement stable et
paradoxalement génératrices de combinaisons
thématiques et de timbres
éternellement
renouvelées. Le quatuor
Tchèque joue alors sur du
velours dans la mélodie
du célèbre Nocturne et
confirme sa filiation identitaire avec Le Quatuor
Slave de Dvorak. Cinq
pièces facétieuses de
Schulhof rappellent le
potentiel idiomatique qu’il
reste à exploiter dans ce type de formation au XXe
siècle, et aujourd’hui. Prazak assure et en a sous la
touche.
On ne se lasse pas des fondamentaux : Rejcha (compositeur franco-tchèque du XVIIIe siècle) et deux
compatriotes de Bohème interprétés en bis rassurent, et confirment la prolixité et la variété du genre
pour les amateurs du carré magique.
P.-A. HOYET
Quatuor Prazak © Guy Vivien
38
MUSIQUE
SOLISTES
Prodige en ouverture
Augustin Dumay © Luc Jennepin
bonheur évident, et une vraie musicalité, l’orchestre
a joué la Symphonette pour orchestre de chambre de
Haïm Permont, compositeur israélien né en 1950,
puis la Pavane de Gabriel Fauré, toujours grandement
appréciée du public, ainsi que la Symphonie n°1 de
Bizet. Et l’ouverture de la Pie voleuse de Rossini en
bis a fait merveille !
Et malgré quelques aléas, et la lourdeur d’interventions au micro avant chaque œuvre pour annoncer
des changements de programme, Scharovsky a
dirigé avec maestria : sous sa baguette, chaque
œuvre fut sublimée.
C’est avec une pièce majeure du répertoire pour
violon que la saison avignonnaise a débuté :
Augustin Dumay, dont la renommée n’est plus à
faire, a littéralement hypnotisé le public. Son
interprétation du concerto en Ré de Beethoven fut
bouleversante, tout en noblesse, poésie et virtuosité,
qualités qu’il est rare d’entendre réunies. Composée
à l’intention du virtuose Franz Clement en 1823,
l’œuvre fut longtemps réputée injouable, mais a
trouvé en Augustin Dumay un interprète merveilleux,
longuement et chaudement bissé. À ses côtés, le
chef invité du Philharmonique de Rio, Yeruham
Scharovsky, a paru en communion totale avec les
interprètes…. L’Olrap aurait-il trouvé un nouveau
guide avec le succès de la récente tournée en Corée?
Car le triomphe de cette seconde partie de soirée n’a
pas pour autant fait d’ombre à la première : avec un
CHRISTINE REY
Ce concert a eu lieu à l’Opéra d’Avignon le15 oct
On tourne !
Silence… La main sur la touche glisse avec la sensualité d’un félin et la nef de St
Victor chavire au rythme syncopé de quelque tango de Gardel ou du maître du soir.
Quelques minutes plus tôt, Laurent Korcia vibrait à la faveur d’un Duo de Kodaly
ou d’une Passacaille obstinée de Haendel, avant qu’un sourire lumineux de Charlot
(«Smile» des Temps modernes) nous conduise tendrement du ciné muet à la
bobine parlante, par le swing de Weeping Willow tiré d’Un Roi à New York… Plus loin,
son fameux Stradivarius le «Zahn» (1719) mariera ses pulsations à l’accordéon de
David Richard pour un arrangement du fameux thème de la série Mission
impossible…
Korcia a bâti un programme où les musiques de films ont la part belle. La forme
y est originale, en crescendo, mixant les genres, les époques, d’un Duo hongrois
de violons signé Bartok à l’Eté radieux de Vivaldi dans lequel le virtuose concerte
brillamment avec le Quatuor Voce. Ainsi, sur l’écran bleu imaginaire, les mélodies
de Morricone (Cinéma Paradiso) ou Grapelli (Les Valseuses) ont éclairé nos nuits
blanches et la toile tombée du 7e Art… Coupez !
Laurent Korcia
© Lisa Roze
JACQUES FRESCHEL
Ce concert a été donné le 10 nov à Saint Victor, Marseille
Le chant du piano
Abdel Rahman El Bacha © Paul Louis
Il existe, pour chaque instrument et à chaque époque,
des interprètes d’exception. Assurément, Abdel
Rahman El Bacha, pianiste franco-libanais, est de
ceux-là. Il ne fallait donc pas manquer sa sublime
prestation au Palais Neptune. En effet, dans un
programme généreux concentré sur… 16 œuvres de
maturité écrites durant les 8 dernières années de la
vie de Chopin, l’interprète a su donner en expert au
public venu en masse la pleine mesure de son
immense talent. On le sentait habité par l’œuvre du
brillant pianiste romantique au point que difficulté
technique et musicalité, habillées d’une apparente
décontraction, semblaient indissociables. Toute la
finesse de son jeu au touché tantôt velouté, tantôt
incisif, s’est révélée aux auditeurs en mettant en
valeur les mélodies et les raffinements harmoniques
subtils de partitions monumentales telles la Polonaise
op.44, la Fantaisie op.49 ou la Troisième ballade
op.47, pour ne mentionner qu’elles. Dans ces œuvres
aux mélodies inoubliables surgissant d’un puissant
magma sonore, le compositeur avait laissé libre cours
à son imagination débridée, parfois violente, parfois
lyrique et poétique, nécessitant une virtuosité
incroyable : le pianiste s’en est emparé avec une
aisance confondante, saluée in fine par des
applaudissements nourris et deux rappels honorés
dans une forme d’extase finale, qui laissait sans voix.
ÉMILIEN MOREAU
Ce concert a eu lieu le 10 nov dans le cadre du Festival
de musique de Toulon et sa région
La maîtrise du sublime
On connaît la qualité des artistes invités par le Festival international des
Nuits pianistiques, mais il est des
soirs où il faudrait trouver de nouveaux
tours pour qualifier la performance de
certains artistes. La salle Tino Rossi
des Pennes Mirabeau, comble, a
connu le privilège d’écouter Liouba
Timofeeva. Les chevilles du piano luimême, commandé spécialement à Paris,
en perdirent la tête et l’instrument dû
être accordé dès le deuxième morceau !
La maestria sans faille de cette immense pianiste, son interprétation subtile
et sensible, son impressionnante virtuosité semblent si naturels que l’on en
oublierait les prouesses. Toute la technique est au service de l’expression, de
la musicalité, du sentiment, sans cette
sensiblerie cette affectation romantique si faciles à convoquer dans Liszt
ou Chopin ! Chaque phrase, chaque
note est libre et inspirée. Le programme suit une progression intelligente, le
Scherzo de Chopin vient après les études qui permettent de le comprendre ;
la deuxième partie suit l’histoire et
progresse en difficulté : à Schubert
(Impromptu et Moment Musical) succèdent le célèbre Rêve d’Amour de Liszt
et l’Étude la Leggierezza, éclate ensuite
la puissance tempétueuse des préludes de Rachmaninov avant Prokofiev,
bouleversant de romantique modernité.
Démontrant que la musique se trouve
dans les choses les plus simples, elle
accorda au public transporté deux
rappels, Rêverie de Schumann et la
Lettre à Elise. Simple ? Sublime.
De Tartini à Sarasate
La belle salle voûtée du Château de
Trets accueillait quant à elle le duo
Andréa Cardinale (violon) Alessandro Magnasco (piano). La connivence
des deux artistes est éprouvée, avec
plus de quatre cents concerts en dix
ans ! Si la première partie avec l’interprétation du Trille du Diable de Tartini,
la sonate 23 en la mineur de Beethoven, semblait hésitante, avec un violon
trop sec, nerveux, la sonate 105 en La
mineur de Schumann commençait à
donner la véritable dimension des deux
artistes, un piano virtuose et somptueux, et un violon qui s’affermissait.
Mais c’est avec la romance andalouse
de Sarasate que le violon prenait enfin
son envol, comme transformé, avec une
interprétation vive, rapide, enjouée. La
musique devenait alors spirituelle, et la
danse espagnole de Granados s’enchaîna avec un meilleur aplomb. Ces
artistes généreux eurent la gentillesse
de céder par trois fois aux nombreux
rappels d’un public converti. À noter
particulièrement la superbe romance
de Rachmaninov, le violon libéré donnait enfin la mesure de son talent.
MARYVONNE COLOMBANI
Ces deux concerts étaient
donnés le 7 nov et le 23 oct
dans le cadre des Nuits
pianistiques
Liouba Timefeeva
© K. Sakayori
40
MUSIQUE
OPÉRA DE MARSEILLE | OPÉRA DE TOULON
Du souffle à l’opéra
Bertrand Chamayou © Thibault Stipal - Naive
La saison des concerts symphoniques de l’opéra de
Marseille se devait de rendre hommage à Chopin,
bicentenaire oblige. Le Concerto pour piano n°2 en fa
mineur était interprété par Bertrand Chamayou,
Artiste de l’année 2010 aux Victoires de la Musique :
pianiste éclectique et très talentueux, il propose un jeu
ample et sans emphase, sensible mais sans mièvrerie,
un legato sublime dans le Maestoso, une technique
éblouissante dans l’Allegro. Dans les trilles résonnantes
du Larghetto, le pianiste semblait caresser le clavier tout
en restant en contact avec l’énergie du contrepoint
imprimé par un orchestre très concentré… Chamayou
vit la musique, regard tourné vers Evelino Pidò, chef
élégant et fougueux.
Puis L’Ouverture du Freischütz de Weber, où les thèmes
de l’opéra apparaissent, donna l’occasion à l’orchestre
philharmonique de Marseille de jouer sur diverses
palettes : élans éclatants du tutti initial, thème dansant
en dialogue entre cordes et cuivres, nerveux, d’un beau
lyrisme. La 41e symphonie de Mozart dite «Jupiter»
clôturait ce concert. La foi dans le progrès, la francmaçonnerie, la sagesse et la vertu animent le combat du
compositeur contre l’obscurantisme : l’énergie
incroyable de la fugue finale semble déconnectée du
réel -parfaitement rendu par la clarté, la lisibilité des
thèmes et des entrées successives, le souci du chef et
des musiciens de respecter les motifs principaux et de
colorer les motifs secondaires. Un an avant la prise de
la Bastille, le génial Amadeus délivrait un message fort
avec cette Symphonie… de la Liberté !
YVES BERGÉ
Ce concert de l’orchestre philharmonique a eu lieu le 22
oct à l’Opéra de Marseille
Ouvertures…
Natif de Marseille, le pianiste Cyprien
Katsaris mérite d’être plus largement
reconnu, à la hauteur de son talent,
immense. Plein d’énergie et de subtilité,
il a été longuement applaudi le 6 nov à
l’Opéra de Marseille. Transcendant de
virtuosité dans un second concerto pour
piano et orchestre de Liszt, pièce
techniquement redoutable et truffée de
Orchestre philharmonique de Marseille © X-D.R.
pièges, l’invité de marque (pour la
première fois !) dans sa ville fait également chanter son clavier avec une douceur
incroyable. Ovationné après cette performance concertante, le locataire d’un soir,
modeste et ému d’un tel retour dans son bercail, se livra en guise de rappels à
l’exercice favori des compositeurs qu’il affectionne et qu’il sert avec talent :
l’improvisation sur des thèmes d’opéras.
De Samson et Dalila de Saint-Saëns bientôt donné entre ces murs au Tannhäuser de
Wagner, le génial improvisateur régala un public aux anges, tout heureux de vivre ce
que pouvait ressentir l’auditoire aux mêmes places 150 ans plus tôt. Avant et après ?
N’occultons pas la prestation de grande qualité de l’orchestre philharmonique de
Marseille et la direction pleine de vitalité du toujours apprécié Louis Langrée. Inspiré
de la ballade du poète allemand Bürger, le poème symphonique Le chasseur maudit
de Franck offrit de belles couleurs et un festival d’interventions solistes des plus
descriptives, à l’inverse de la symphonie en ré mineur, musique pure par excellence,
à la masse orchestrale large et généreuse, remarquablement rendue par l’orchestre.
Pour son premier concert de saison, le Festival de Toulon a choisi une fois encore
de confier la direction de l’orchestre de l’opéra au chef italien Giuliano Carella.
C’est devant un Palais Neptune presque comble qu’ils se sont produits dans un
programme consacré au XIXe siècle.
La première partie commençant avec l’ouverture de La scala di seta, opéra en un
acte, était comme souvent chez Rossini, une mise en oreille électrisante, pleine de
fougue et de virtuosité orchestrale. Elle fut poursuivie par l’incontournable Concerto
pour violon op.35 de Tchaïkovski dont la partie de soliste était confiée pour
l’occasion à la merveilleuse Akiko Suwanai. Cette virtuose japonaise à la technique
parfaite, au service d’une remarquable
musicalité jouant sur un stradivarius ayant
appartenu à J. Heifetz, a laissé l’auditoire
totalement conquis avant la pause.
À la reprise, l’orchestre et son chef interprétaient la 4e symphonie de Beethoven.
Faisant suite à une intégrale du répertoire
symphonique du compositeur entreprise
la saison passée, cette interprétation aux
accents viennois, aérienne, ciselée et
dévoilant une architecture ionique aux
proportions parfaites achevait ce concert
inaugural de fort belle manière.
Akiko Suwanai © Leslie Kee
La leçon de piano
EMILIEN MOREAU
Ce concert a eu lieu le 21 oct à Toulon
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Question de programme
Nina Uhari et Augustin Bourdon © X-D.R.
Le public en a eu pour ses 5 ¤ le 23 octobre à l’Opéra
de Marseille ! C’est que l’affiche relevait davantage de
la soirée de gala pour mélomane chevronné que du
récital «en matinée», dont l’usage veut que l’on y
entende d’ordinaire des programmes plus «divertissants». Des trois superbes Sonates proposées, on aurait
conservé la lumineuse Fa majeur de Mendelssohn, dont
le profond Adagio, au chant simple et nostalgique,
récolte à lui seul mille louanges. On aurait nécessairement gardé, en couronnement, le chef-d’œuvre de
Franck, la Sonate en la majeur, dont le fameux thème
cyclique sonna avec suavité dans la luxueuse salle
marbrée.
À la ferveur lyrique et vibrante du violon d’Augustin
Bourdon, joué à pleines cordes, la pianiste Nina Uhari
a apposé un pathos placide au tragique résigné. Cette
entente sensible a convenu à la palette romantique du
programme, comme à la ferveur déchirante de la «Grande Sonate» n°2 op. 121 en ré mineur de Schumann
(qu’on aurait toutefois pu réserver pour un autre
récital…). Usant délibérément de la sourdine, la pianiste
au jeu puissant parvenait heureusement à ne pas trop
déséquilibrer le duo dans l’acoustique réverbérante du
Foyer. Peut-être aussi que les musiciens auraient pu
placer en ouverture le Grand duo concertant de Liszt
tombé en fin d’agape comme une cerise, certes virtuose, mais un peu fade sur un gâteau chargé. On au-rait
que mieux apprécié le bijou d’Arvo Pärt livré en bis !
JACQUES FRESCHEL
LYRIQUE
MUSIQUE 41
Divine Thaïs
Pour son ouverture de saison, l’opéra
de Toulon a programmé en ce début
d’octobre Thaïs de Jules Massenet, un
incontournable du répertoire lyrique
français du XIXe siècle
Sur un livret dont le thème fondateur est le mythe de
la rédemption, sujet qui pour l’époque était sans
doute sulfureux, le compositeur a construit un opéra
autour du rôle-titre dans la plus pure tradition des
divas comme l’avait fait aussi Bizet pour Carmen.
L’analogie ne s’arrête pas là si l’on songe également
à l’exotisme, valeur chère au public de l’époque, à la
situation géographique du récit en Egypte par
Anatole France, dans le roman dont est
maladroitement adapté le livret. Les conditions du
succès lyrique étaient à ce prix, et aujourd’hui l’intérêt
d’un tel ouvrage réside avant tout dans le choix des
interprètes.
Autant le dire tout net, la distribution vocale de cette
représentation était enthousiasmante, aidée par une
mise en scène dynamique et efficace qui offrait aux
personnages un espace de mouvement traduisant
idéalement leurs doutes respectifs, tandis que la
sobriété des décors tranchait avec la richesse des
costumes magnifiquement mis en lumière.
L’orchestre et les chœurs, impeccables, portaient
Ermonela Jaho dans le rôle de Thaïs, au vibrato
ample dans le grave et aux aigus cristallins, incarnant
une héroïne crédible et très convaincante, à l’instar
© Frederic Stephan
de Franck Ferrari qui était lui aussi parfait en
Athanaël, son rédempteur, aidé par une voix
puissante de baryton au timbre profond et grave. Le
public a donc légitimement rendu aux artistes les
honneurs qu’ils méritaient pour cette superbe
production.
Thaïs était représentée
à l’Opéra de Toulon du 12 au 19 oct
EMILIEN MOREAU
l’offertoire, les croisements entre le grégorien, De
Pérotin, Arvo Pärt, Messiaen, Duruflé et Escaich luimême (œuvres et improvisations) ont pu rappeler
combien l’écriture d’aujourd’hui se nourrit de ses
prédécesseurs lointains. Avec une spatialisation
scénique qui joue de l’emplacement des différents
tuyaux de l’orgue, l’échange méditatif et contemplatif
devint tout à coup coloré, litanique, captivant un
public nombreux admiratif de cet «office» singulier,
conscient du privilège d’avoir assisté à un moment
unique.
C’est sur l’orgue fraîchement restauré de l’église des
Réformés que l’organiste Thierry Escaich,
interprète, improvisateur et compositeur reconnu, a
conduit un Office imaginaire le 8 nov. Avec le
concours de l’ensemble vocal Sequenza 9-3, de la
pianiste Claire-Marie Le Guay et sous la direction
artistique de Catherine Simonpietri, ce grand
moment musical spirituel était à l’origine destiné à
célébrer le 1100e anniversaire de l’abbaye de Cluny.
Véritable traversée dans le temps, miroir entre le
monde médiéval et l’écriture contemporaine, de
l’introït au sanctus en passant par le graduel ou
AGNÈS CONDAMIN
Thierry Escaich © Sebastien Erome
Dialogue des siècles
Orientalisme
© X-D.R.
Le 5 nov le Comœdia à Aubagne avait la bonne
idée de reprendre l’opéra exotique de George Bizet
Djamileh, créé au couvent des Minimes de
Pourrières durant l’été 2009 pour l’Opéra au
village. Formation réduite d’orchestre -on y remarquait la belle prestation du violoncelle, de la clarinette
et du basson joué par Cylia Travier-, costumes
chatoyants, décors bien agencés installaient le
spectateur dans une atmosphère de Contes des Mille
et une nuits. La mise en scène de Bernard Grimonet imprimait à l’ensemble un bon rythme même si
la distribution de la création n’avait pas été complètement reconduite. La jolie voix de Yete Quieroz
faisait oublier les faiblesses du chœur qui se rattrapait
par un jeu de mimiques cocasses. On ne peut que
saluer le dynamisme de l’association l’Opéra au
village qui sait promouvoir des œuvres peu jouées,
voire oubliées, mais veut aussi les accompagner dans
la durée !
M.C.
42
MUSIQUE
CONTEMPORAINE | JAZZ
L’arbre ne cache pas la forêt
Musicatreize était sur les planches du Gymnase le 4 nov pour faire découvrir la très belle musique
du compositeur contemporain finlandais Tapio Tuomela
Antti Puuhaara © Hannu Vaisanen
Sixième et avant-dernier conte musical
commandé à un compositeur contemporain, Antti Puuhaara nous plonge dans
l’univers mystérieux et fantastique de
la forêt finlandaise. Déjà donné en partie en version concert, la représentation
scénique est une réussite. Aurélie
Hubeau joue sur une dualité du chœur,
arbres prenant tour à tour l’identité
d’un personnage. Manipulant lui-même
sa marionnette de marchand riche et
méchant, le comédien Olivier Boudrand projette sa voix avec clarté et
en français à travers des images créant
une atmosphère chimérique alors que
le chœur de 12 solistes chante en finnois le monde magique et ténébreux
de la forêt. Avec une écriture subtile,
colorée et pleine d’effets vocaux et
instrumentaux (accordéon, harpe, cla-
rinette, violon, alto et violoncelle) sous
la direction précise de Roland Hayrabedian, la quête du jeune Antti et son
voyage vers des contrées hostiles a
trouvé dans cet opéra de chambre
proche du théâtre le terrain idoine à sa
prospection vers l’idéal. En présence du
compositeur, l’auditoire a su apprécier
ce concentré scénique et musical qui
emmène vers un univers lointain et plein
de surprises. On souhaite donc à cette
forme
ensemble/chœur/marionnettes, qui a
signé le succès La jeune fille aux Mains
d’argent de Télémaque, de concourir
sur de nombreuses scènes à la popularisation de la musique contemporaine.
FRED ISOLETTA
Brecht et Dessau étaient
les invités d’un cabaret allemand
du 10 au 16 nov à La Criée
Quand la mise en musique des textes de Brecht est
évoquée, c’est tout de suite à Weill que l’on pense,
reléguant au second rang la fructueuse collaboration
qu’a entretenue le dramaturge avec le compositeur
Dessau. C’est justement ce duo qui était à l’honneur,
la comédienne Nada Strancar revisitant avec
succès l’esprit du cabaret allemand sur des musiques
tantôt populaires, tantôt avant-gardistes et musichall, Dessau ayant durant toute sa carrière exploré
différents styles d’écriture. Accompagnée par un trio
original composé de François Martin au piano,
Jean-Luc Manca à l’accordéon et Guillaume
Blaise aux percussions, notre Mère Courage pouvait
placer la tessiture grave de sa voix, parfois proche du
parlé dans l’esprit outre-Rhin sur des textes plus
acerbes les uns que les autres, regorgeant d’humour,
de métaphores et de double sens sarcastiques. Et
même si elle est avant tout comédienne et non
chanteuse, ce qui pourrait choquer quelques oreilles
puristes, l’atmosphère créée n’est certainement pas
si éloignée du cabaret berlinois des années 30…
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Nada Strancar © Christian Ganet
Berlin express
Double Je
Vertigo Songs et Las Hermanas Caronni étaient
en concerts le même soir au Forum de Berre…
Perrine Mansuy © Dan Warzy
Regards croisés, mixité des genres, double jeu singulier sous le regard d’Aphrodite :
je, ce soir, était une femme. Ouverture de la soirée par le quartet Vertigo Songs
de Perrine Mansuy : jeux d’ombres et de lumières entre la pianiste et les autres
musiciens ; jeux de mots portés par la voix chaleureuse de Marion Rampal quand
le texte devient matière, le sens devient son ; jeu de scène affirmé, plasticité de
la gestuelle, quand ses mains invitaient le percussionniste -Jean-Luc Difraya- et le
guitariste -Rémy Decrouy- à venir communier dans cet univers ouaté. Mais jeux
de rôles aussi quand le clavier devient voix : mélodies colorées, harmonies
modales entre un return to forever de Corea et le trio magique de Keith Jarrett ;
un bel univers métissé bannissant les frontières stylistiques, pourtant un peu
monochrome à la longue, posant trop souvent des gestes rituels érodés (jeu dans
le piano, samples…).
Entrée en scène des sœurs jumelles Caronni : «jeu mêlé» de celles nées sous le
signe du tango dans une Argentine multiculturelle où les mélodies teintées de
nostalgie vagabondent entre tangos et milongas. Deux voix à l’unisson, vibrantes
et sensuelles, portées par la rondeur du violoncelle en conversation avec la
clarinette, se nouent et se dénouent au gré des regards ; duo de femmes
majuscules sous l’égide de la grâce et de la beauté. Le grand jeu, simplement, en
toute féminité.
CHRISTOPHE FLOQUET
ACTUELLES | JAZZ
MUSIQUE
43
Profession ? Diva du jazz !
répertoire de la grande dame est épatant de chaleur,
d’humour aussi, et le public, inévitablement mis à
contribution, tape des mains. Un concert très
agréable qui a su instaurer un climat très intime, alors
que la grande salle était comble !
D.W.
Ce concert a eu lieu le 2 nov à l’Auditorium du Palais
du Pharo à Marseille dans le cadre de la
programmation de la Criée
CD : When you know Label Blue Note EMI
Le ton est donné
Le concert des High Tone au Cabaret Aléatoire s’est
déroulé à guichet fermé le 6 nov, devant une jeunesse
marseillaise en transe et captivée. Hypnotique, le collectif lyonnais a inondé la salle d’un dub puissant et
efficace, flirtant par moments avec une jungle enivrante, emportant sur son passage un public tout en
vibrations. Un cocktail électro réussi qui célèbre le
dernier album du groupe et faisait vite oublier la lon-
Showman explosif
gue attente à l’entrée. Servi par un visuel en adéquation
avec cette musique urbaine parlant à la fois le langage
de l’esprit et du corps, le concert entrait en résonance parfaite avec ce lieu, cette friche. Un triptyque de
montages vidéo répétitifs très graphiques happait
sans relâche dans ce monde virtuel, ce monde où le
son et l’image, de concert, parlent directement au corps.
PASCALE FRANCHI
Elle est libre
Jeanne
Libre, taquine et douée assurément. Jeanne
Cherhal est un électron qui s’est plongé une
année en autarcie volontaire, pour enregistrer
son nouvel album Charade (avec l’unique
complicité de l’ingénieur du son Yann Arnaud). 11
chansons reliées par un fil conducteur, une charade
en quatre étapes, écrites, composées et entièrement
interprétées par cette jeune pousse qui dépoussière
la variété française. Pour passer de la galette à la
scène, elle s’est entouré des 4 musiciens de la Secte
Humaine (ex-little Rabbits sur la tournée de Philippe
Katerine) qui apportent un son pop rock incontestable et parviennent tout juste à faire le poids contre
le flot de féminité que déverse la chanteuse. Si
l’homme est le sujet central de ses charades, exit le
prince charmant, elle évoque sans complexe les nondits de l’amitié homme-femme (En toute amitié), ses
doutes sur le mariage (Lorsque tu m’as), les ruptures
amoureuses (Hommes perdus), les angoisses de la
vie quotidienne. Les «obsessions» d’une «girly» devenue femme qui assure le show, usant et abusant de
jolis jeux de jambes pour séduire un public à
l’évidence sous le charme. Des textes qui se diluent
parfois mais ouvrent aussi de beaux espaces
notamment avec Le Tissu ou la métamorphose d’une
«femme fantôme, linceul et monochrome» et Un trait :
danger qui rappelle son engagement pour les sans-
Diane Reeves © Christian Lantry
Romero Lubambo et Russel Malone sont deux
grands maîtres de la guitare qui symbolisent d’une
certaine façon les Amériques. L’une, pour le jazz, le
blues, et l’autre, pour la bossa-nova et les rythmes
cubains. Ils sont les fidèles compagnons de route de
la chanteuse Dianne Reeves lorsqu’elle se produit
dans cette formation restreinte. Une introduction par
les deux guitares démarre en dialogue rapide,
rythme/chorus et vice-versa. La chanteuse entre en
scène et instantanément sa présence charismatique
subjugue le public. La main gauche bouge et semble
placer la voix dans l’espace, des graves aux aigus,
avec une aisance et une justesse remarquables. La
couleur profonde de cette voix aux harmoniques
riches explore le chant africain, cubain, brésilien, le
blues, le jazz, avec une pointe de fado peut-être... Le
Dans un Cabaret Aléatoire chauffé par une foule au
diapason, Jazz en Ville accueillait le 11 oct Aloe
Blacc, auteur du célèbre I Need a Dollar. Show à
l’américaine, soul and r’n’b aux influences variées,
l’ex-rappeur d’Emanon est devenu aujourd’hui un
chanteur multi-instrumentiste et qui rappelle Keziah
Jones… dont il aurait pris le meilleur. Repéré aux
États-Unis avec son titre-phare par la série How i Meet
Your Mother et en France par le générique du Grand
Journal, le Californien n’en est pas à son premier coup
d’essai ! 2 albums solo et 11 opus avec les rappeurs
d’Emanon. Le public de la Friche le retrouvait dans la
même configuration que 4 ans auparavant, dans une
ambiance électrisée par le groupe TY (Special Kind
Of Fool) qui a offert en première partie un show de
grande qualité malgré quelques problèmes de
réverbération.
JULES PIGNOL
Vie à deux
papiers.
Une Jeanne Cherhal un poil
vampirisante, mais absolument
talentueuse.
DE.M.
Ce concert a eu lieu
le 5 nov à Cavaillon
Elle se produit aussi
le 8 déc à 20h30
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
© Tania et Vincent
Avec quatre représentations par semaine (du jeudi
au dimanche), Vis à Vies va investir la scène marseillaise, en l’occurrence celle du nouveau Théâtre des
Chartreux. Le spectacle (déjà reconnu) qui s’intitule
Récréation sera perméable aux invitations surprise
piquantes... On peut effectivement dire que Clef de
Scène a mille fois raison de soutenir la pétillante
chanteuse Myriam Daups et son acolyte compositeur et multi-instrumentiste Gérard Dahan pour un
voyage musical et poétique plein d’humanité surfant
entre humour et émotion. D’ici là, n’hésitez pas à découvrir ce duo vivifiant sur la scène de la Manare à
Sainte-Mitre-les-Remparts (27/11) avec leur nouveau
spectacle Au Coin de la Rue, une avant-première
avant la tournée de 2011.
F.I.
Récréation
du 2 au 31 déc
Théâtre des Chartreux, Marseille
04 91 50 18 90
www.visavies.fr
44
MUSIQUE
ACTUELLES
La scène du monde
La 19e Fiesta des Suds a déroulé son dance floor du 15 au 23
oct dans une ambiance festive
Dans un théâtre urbain relooké, la Fiesta
a vu défiler dans ses couloirs à ciel
ouvert pas moins de 50 000 fidèles
tout au long des six soirées. Avec un
éclectisme toujours plus assumé, le
déambulatoire géant en perpétuel
mouvement aura fêté la future réconciliation des Zebda, toujours prompt à
faire danser une foule marseillaise clairement fan de ses messages. Youssou
N’Dour et son maillot de l’OM peut en
dire autant, en osmose avec un parterre acquis à sa cause au pied de la
grande scène extérieure.
Les toujours très smarts Gotan Project
ont quant à eux hypnotisé une foule
d’adeptes à coups d’électro-tangos,
sans surprise mais si soyeux et langoureux ! De retour d’une autre époque,
l’icône Joe Jackson a contenté ses
fans dans un show tranquille derrière
son clavier, prouvant qu’il avait pris
bien peu de rides même si son goût
jazz rock laisse parfois de marbre. Ce
qui n’est pas le cas d’Arno le rebelle,
en forme ou méforme on ne sait, mais
habité par la scène pour un corps à
corps déjanté.
Mais question réchauffement de salle
digne d’une pompe à chaleur, la révé-
lation Bonaparte en connait un rayon.
Le petit suisse Tobias et sa troupe forte
d’une quinzaine de membres en a fait
voir des vertes et des pas mûres aux
parents accompagnés de leur progéniture à une heure de grande écoute.
Car le show de Bonaparte n’est pas à
mettre entre toutes les mains…
Cabaret dégénéré expressionniste aux
costumes et masques surprenants, les
titres punk électro du collectif suisse
allemand roi de l’underground berlinois
s’accompagnent d’une mise en scène
mêlant burlesque et provocation bien
dénudée, dans un délire Dada qui
appelle quelques explications…
Zibeline : Pourquoi porter un nom
pareil ?
Tobias : Il n’y a que les français pour
s’interroger là-dessus, et Bonaparte je
trouve ça très beau comme nom, étonné même qu’aucun groupe ne porte
ce nom-là. Les anglophones y voient
d’ailleurs un jeu de mot assez coquin…
La scène fait-elle figure d’exutoire ? où
sont vos limites ?
On a un cadre, et selon les endroits où
nous jouons, comme au Maroc par
exemple, le cadre se fait plus restreint.
Après, chacun dans son rôle peut
Bonaparte © Agnès Mellon
improviser dans les limites fixées. Ce
qui est important c’est l’échange avec
le public. On adore le live !
N’est-il pas difficile de concevoir un
album (voir Zib’34) quand on attache
autant d’importance à la performance
scénique ?
Quand je compose mes chansons, je
les transpose directement sur scène
dans ma tête. Je sais où je veux en
venir rapidement. C’est un tout, et pas
simplement un disque de chansons.
D’où viennent toutes ces idées
farfelues ?
La concision du devin
Wayne Shorter © Dan Warzy
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Over booké
C’est ce qui s’appelle avoir un agenda chargé ! Après
Yann Tiersen qui présentera son nouvel album Dust
Lane aux couleurs rock electro teintées de synthés
analogiques (le 23/11), ce sera au tour du truculent
et attendu Tricky d’attirer les foules sur la scène du
Cabaret Aléatoire (le 26/11). Avec son neuvième
opus Mixed Race, l’agitateur tatoué revigore un trip
hop qui ne somnole jamais, relevé par les collaborations multiples et variées (Björk / Emilie Simon…). À
ne pas rater, de même que la scène bien française d’un
rock prometteur autour de Kaolin et Les Shades (2/12).
F.I.
www.cabaret-aleatoire.com
© X-D.R
L’art du saxophoniste Wayne Shorter est aussi exceptionnel que son parcours, et la Fiesta des Suds a
accueilli son quartet pour notre plus grand plaisir :
Danilo Perez au piano, John Patitucci à la contrebasse et Brian Blade à la batterie ont offert non pas
de la musique jazz grand public mais plutôt un climat,
une matière sonore. Une musique élaborée, très
intellectuelle, à la fois simple et dense. Un surgissement, après une longue alchimie de préparation,
s’opère entre basse, batterie et piano. Le saxophone
entre pour pousser vers un paroxysme, conclure ou
relancer, toujours de façon épurée et concise, poussant après des préliminaires discontinus vers des
conclusions extatiques. Wayne Shorter dit être à la
recherche d’une perfection qu’il qualifie de «Golden
Mean». Un peu comme un maître de la peinture
compose avec le nombre d’or.
Nous sommes comme une troupe :
nous recueillons des vieux costumes
de théâtre et en fabriquons aussi.
Comme pour les vidéos et le graphisme : chacun apporte une pierre à
l’édifice. Nos voyages nous servent
aussi à piocher des idées. En fait
Bonaparte n’est pas un style, c’est une
attitude.
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le 21 oct
durant la Fiesta des Suds
A lire
Les singularités flottantes de Wayne Shorter
de Stéphane Carini
Coll. Birdland, Editions Rouge Profond
Concert exceptionnel de Rabih Abou Khalil Quartet
en clôture des tables rondes d’Averroès,
le 27 novembre à 20h30 à l’Espace Julien
AU PROGRAMME
AIX
Théâtre et Chansons : Coko, Tango des
organes se départageant le corps de l’homme
(27 et 28/11)
04 42 27 37 39
www.theatre-et-chansons.com
ARLES
Cargo de nuit : Luke (27/11), Kaolin (3/12),
Beat Torrent (4/12), Juan Rozoff, Soulist
(10/12), Raoul Petite (17/12)
04 90 49 55 99
www.cargodenuit.com
AUBAGNE
Théâtre Comoedia : Le Cabaret des
Hérétiques par le Théâtre du Maquis (18/11),
Drum Cat (23/11), Agnès Jaoui, y el Quintet
Official (3/12)
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
AVIGNON
Théâtre des Halles : Récital Jacques Bertin
(16/12), Et toi tu marcheras dans le soleil…
récital de Isabelle Bloch-Delahaie (17/12)
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Les Passagers du Zinc : Pony Pony Run
Run, In the club (19/11), Hindi Zahra, Smod
(20/11), Rodrigo y Gabriela (26/11), Gaetan
Roussel, JP Nataf (27/11), Israel Vibration
(29/11), Lilly Wood & The Prick, La Maison
Tellier (3/12), Les Shades, Eldia (10/12), La
Caravane passe, Fatum Fatras (11/12)
04 90 89 45 49
www.passagersduzinc.com
BARJOLS
La Tannerie : Venez danser au bal des idoles:
après le spectacle Sex Symbol, Autopsie
(20h45), bal 80’s revival avec Dj Why am i
Mister Pink ? (20/11, 21h15)
04 94 59 74 60
www.latannerie.fr
BERRE L’ETANG
Forum des jeunes et de la culture : ciné
musique avec la projection de O’ Brother de
Ethan et Joel Cohen, suivi du Carolina
Chocolate Drops (18/11 à 18h30 et 21h30),
Bertrand Belin (11/12)
04 42 10 23 60
www.forumdeberre.com
ISTRES
L’Usine : U-Roy (21/10), Hocus Pocus,
Smooth (30/10), Rod Taylor and the positive
roots band (5/11), Kaly live dub (6/11)
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
Théâtre de l’Olivier : Revolver (24/11)
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
MARSEILLE
Cabaret Aléatoire : Soirée citoyens
citoyennes, In bed with citizen (19/11), This is
not music (20/11), Yann Tiersen, Lonski &
Classen (23/11), Jahcoozi, Dreadzone, MC2,
Human E.T Crew (25/11), Tricky (26/11),
Fool’s Gold, 340ML (30/11), Kaolin, Les
Shades (2/12), Osaka Monaurail, DJ’s et
danseurs (3/12), Dub station #12 (11/12)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
Dock des suds : Tiken Jah Fakoly (20/11),
Shox case de Toko Blaze (25/11), Soprano
(26/11), Raphaël (30/11)
04 91 99 00 00
www.dock-des-suds.org
Espace Julien : Robert Francis (25/11),
Mary’s Dream (26/11), Rabih Abou Khalil,
Yuval (27/11), Israel Vibration & Roots Radics
band (27/11), BB Brunes (30/11), Grupo
Compay Segundo (3/12), The Divine Comedy
(5/12)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
La Mesón : Carte blanche à Manu de Barros
(jusqu’au 20/11), Pop in south avec El Poulpo,
Kid Francescoli et Mina May (19/11), From
sound to noise : Bdubd Monaural & friends
(20/11), Nini Dogskin présente Le Cabaret
Zazou (3/12), We used to have a band (4/12),
carte blanche à Enrique Santiago (10 et
11/12)
04 91 50 11 61
www.lameson.com
MAUBEC
La Gare : Zouinglangbaoum (19 et 20/11),
Ernst Lavolé, L’Orchestre Tout Puissant Marcel
Duchamp (26/11), La Mal Coiffée (3/12),
Session slam n’jam (10/12), Ce monde autour
de moi, collectif ça compte pour l’ouïe
(12/12), OK Bonnie, N’Relax (17/12)
04 90 76 84 38
www.aveclagare.org
OLLIOULES
Châteauvallon : The volunteered slaves
(4/12)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
SAINTE-MAXIME
Le Carré : Jacques Higelin (11/12)
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
SALON-DE-PROVENCE
Portail Coucou : Papet J et Rit (20/11),
Dissonant Nation, The Belmondos (27/11),
The Toasters (3/12)
04 90 56 27 99
www.portail-coucou.com
TOULON
Oméga Live : Pigalle, Bat Point G (19/11),
Eiffel, Kami (20/11), Moussu T e lei Jovents,
Papet J et Rit (4/12), Zut (7/12), Bertrand
Belin, Red The Nightcrawler (10/12)
04 98 070 070
www.tandem83.com
AIX
29/11 Carla Bley-Andy Shepperd-Steve Swallow
– Songs with Legs
Grand Théâtre de Provence
04 42 91 69 69
www.grandtheatre.fr
AVIGNON
12/11 Fantastic Merlins with Kid Dakota
19/11 Gildas Boclé trio
26/11 Renza Bô 5tet
03/12 Barret-Lazarevitch-Allouche Trio
04/12 Big Band de René Bottlang au Conservatoire du Grand Avignon
09/12 Jazz Story N°2-Electrique : Miles Davis
1968-1975.
10/12 Sébastien Paindestre trio (1re partie)
suivi de Abdelhaï Bennani trio (soirée dans le
cadre de Jazz en Scènes)
17/12 Trio Grande invite Matthew Bourne suivi
par le 4tet Vidal-Léandre-Cappozzo-Chevillon
Ajmi
04 90 86 08 61
www.jazzalajmi.com
BRIANÇON
19/11 Lucilla Galeazzi (chant social italien)
26/11 Meditrio L’échappée belle par l’ensemble de Jean Marc Montera
Théâtre Le Cadran
04 92 25 52 52
www.theatre-le-cadran.com
CHATEAU-ARNOUX/ SAINT-AUBAN
20/11 Motion trio et Terem 4tet
11/12 Meditango Comptoir de Buenos Aires
Théâtre Durance
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
DRAGUIGNAN
23e édition du Festival de Jazz organisé
par le Jazz Club Dracénois.
16/12 Denise Gordon & her «Gumbo Zaïre»
invite Patrick Artero et Thierry Ollé trio.
17/12 Henri Texier Horizon Nord-Sud 5tet avec
Sébastien Texier, Francesco Bearzatti, Manu
Codjia, Christophe Marguet... Incontournables.
18/12 Four Tones (en 1re partie) suivi de John
Paul Hammond (blues).
04 94 50 59 50
www.theatresendracenie.com
MARSEILLE
Nomad’ Café
02/12 Trio Campaoré Hamadouche Théron
16/12 JP Nataf
04 91 62 49 77
www.lenomad.com
Cité de la Musique-Auditorium
1er et 2/12 Lionel Damei «des monstres d’infinie
solitude»
Cité de la Musique - La Cave
15/11 Gildas Boclé Trio
22/11Jazz en Scène (Jam-session-scène ouverte)
6/12 Jazz en Scène (Jam-session-scène ouverte)
13/12 Trio Peace
04 91 39 28 28
pages.citemusique-marseille.com
MUSIQUE 45
Cri du Port
16/11 Ben Sidran 4tet – Dylan different
18/11 Caraib to Jazz 4tet
02/12 Kirk Lightsey (piano solo)
09/12 Handprint Duo avec Fr. Arnold et Manu
Codjia (1re partie) et Arthur Kell 4tet (Une soirée
dans le cadre de Jazz en scènes... à ne pas
manquer)
04 91 50 41 51
www.jazzenscenes.com
La Criée
Cabaret Jazz, rendez-vous mensuel dans une
ambiance feutrée après le spectacle en cours.
Entrée libre, consommations payantes.
12/11 à 21h30 José Caparros, Paul Pioli,
Olivier Truchot, Philippe Le Van
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Roll’ Studio
ouverture des portes à 18h00, concerts à
18h30
20/11 Electric Lady 5tet
27/11 Duo Campaore – Hosdikian
04/12 Robert Pettinelli trio
11/12 RTF3 Reno-Tonton-Fayçal trio
19/12 Swinging Papy’s
04 91 64 43 15
www.rollstudio.fr
Inga des Riaux
19/11 Phocea trio
25/11 Zwazz Serge Dupire 4tet
26/11 Bruno Barkats Trio
06 07 57 55 58
www.inga-des-riaux.com
Station Alexandre
27/11 Ensemble Swingendo- spectacle
Hollywood Gershwin
04 91 00 90 00
www.station-alexandre.org
18/11 Omri Mor Trio - Andalou Jazz Project
Atelier des arts de Sainte Marguerite
04 91 26 09 06
MIRAMAS
18/11 Mariannick Saint Céran
08/12 Anteprima présente Manu Katché 4tet
04 90 50 05 26
www.scenesetcine.fr
VITROLLES
27/11. Renza Bô 5tet
11/12 If Duo avec Bruno Angelini & Giovanni
Falzone et le quintet TP4.
Moulin à Jazz / Domaine de Fontblanche
04 42 79 63 60
www.charliefree.com
ON THE RAILS !
Un voyage musical avec la Compagnie Nine
Spirit :
à bord du IDTGV N°2918 Marseille-Paris le
19/11 à 13h28 Raphael Imbert Trio
à bord du IDTGV N°2911 Paris-Marseille le
21/11à 20h16 Raphael Imbert Trio
CAHIER JEUNESSE
Délices d’Alice
Alice et Lewis tissent le fil invisible, comme l’envers d’une broderie,
de l’exposition La Forêt de mon rêve conçue par Fotokino
Minots & Co
superficielle dans laquelle l’exposition aurait pu se
laisser entraîner : transfiguration des enfants une fois
sortis du bois, la femme dans sa relation à l’animalité,
la nature inquiétante et rebelle à l’homme, le rêve, la
psychanalyse et l’inconscient. Ni corpus théorique ni
analyse, l’inventivité a la part belle.
Drink Me © Polixeni-Papapetrou - Courtesy Galerie LMD
Dress Lamp Tree, 2002 © Tim Walker
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le catalogue (Éd. Silvana Editoriale Spa, Milan, 22 euros) est
agrémenté d’un petit livret détachable réunissant les
photographies d’Aline Ahond et les textes de Pascale Petit
qui ponctuent le parcours.
La Forêt de mon rêve
jusqu’au 27 février 2011
Galerie d’art du Conseil général, Aix-en-Provence
04 42 93 03 67
www.culture-13.fr
exemple autour du spectacle Jeune
pousse avec des ateliers «main verte»,
au pop up et au kirigami si joliment
utilisés dans C’est pas pareil !, ou encore
à la pratique photographique en lien
avec Tête de lune. Puis à leur tour ils
feront l’apprentissage du regard de
l’autre quand ils exposeront leurs
Jeune pousse © Helene Dattler
Avec Minots Marmaille & Cie, le
Théâtre de Lenche conjugue durant
près de deux mois (9 déc-22 janv)
spectacles, ateliers pédagogiques et
artistiques, expositions à destination du
jeune public. Histoire d’éveiller sa
curiosité ou de la satisfaire…
Pari gagné avec des propositions
(conte musical, théâtre de papier,
théâtre d’objets, théâtre-danse,
chanson) et des thèmes (la différence,
la discrimination, l’identité, la prise de
risques, l’évolution de l’homme) servis
par des compagnies qui ont l’art de
parler aux «minots» : Les Racines du
vent, Clandestine, Anima théâtre,
Piccola velocità, Muriel de Mars. Cinq
univers dont le pouvoir évocateur leur
permettra de développer leur propre
imaginaire, de s’initier à la création sous
toutes ses formes. À l’art du jardin par
Home Coming © Kiki Smith - Courtesy Galerie Lelong
On connaissait le talent de chef d’orchestre de
Laterna magica (voir p 47), peut être moins celui de
commissaire d’exposition : c’est désormais chose faite
avec La Forêt de mon rêve. Touffue, dense, colorée,
créative, on pénètre dans cette selva oscura avec la
même curiosité naïve qu’Alice : «Vraiment, vraiment !
Comme tout est bizarre aujourd’hui !». Et l’on aime
s’y perdre et se faire peur car le conte puise aux
sources du fantastique, des ténèbres, de l’imaginaire,
de l’effroi et des fées. Partant du postulat qu’il y a
quelque chose de l’autre côté du miroir, Nathalie
Guimard et Vincent Tuset-Anrès invitent à la
découverte de pépites, médiums et époques
entremêlés avec brio. Comme l’installation in situ de
Pamen Pereira, This is a Love Story, en guise
d’introduction, clin d’œil aux objets volants de Mary
Poppins dans le roman de Pamela Lyndon Travers ;
les photographies de Tim Walker dont les couleurs
pastel accentuent l’illusion fantastique ; les gravures
de Kiki Smith directement inspirées de la figure du
loup dans le Petit Chaperon rouge ; les irrésistibles
impressions pigmentaires de Polixeni Papapetrou,
une découverte ! Des perles encore avec un dessin
de Louise Bourgeois et une gravure de Gustave
Doré.
La réussite de l’exposition tient autant à la qualité des
œuvres qu’à la scénographie, ludique et intelligente :
une cabane en bois intime et chaleureuse, et lieu de
bascule vers une autre réalité, plus inquiétante cellelà, des projections incrustées dans les zones de
passage, des murs colorés jusqu’au noir intense,
l’écran caché dans le placard et la bibliothèque en
épilogue. Mais également à la richesse des thèmes
abordés avec profondeur, loin de l’anecdote
propres travaux à la librairie Histoire
de l’œil, à la bibliothèque du Panier, à
l’Alcazar et à l’Espace culture.
Voici donc une manifestation qui
dépasse le stade de la seule
«consommation» de spectacles (Tête
de lune, C’est pas pareil…, Ikare, Jeune
pousse, À cloche-pied) pour entraîner
les enfants et leur famille dans une
pratique artistique tout à la fois ludique
et conviviale.
M.G.-G.
Minots Marmaille & Cie
Théâtre de Lenche et Mini Théâtre,
Marseille 2e
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
MAV | LATERNA MAGICA
SPECTACLES 47
Citoyen écolo
Ce jour-là, ils sont une dizaine d’enfants d’un centre aéré
(association Habonim-Dror à Castellane) à franchir la
porte de la Maison de l’architecture et de la ville Paca.
Pas du tout impressionnés par la solennité du lieu car
l’atelier-exposition leur est tout particulièrement destiné.
N’en jetez plus ! Et habitez écologique a été conçu et
produit par la Cité de l’architecture et du patrimoine à
Paris sous une forme pédagogique, ludique et
interactive : de «l’écologie participative» en somme…
Guidé par une médiatrice culturelle, le groupe s’assoit au
cœur du dispositif en bois pour une introduction sur les
énergies, leurs processus de transformation et leurs
différentes utilisations : lecture et décryptage des cartels,
des mots-clefs et des chiffres lumineux, analyses des
photos et réactions. Le débat est animé et les enfants
semblent déjà très sensibilisés à la protection de leur
environnement. La seconde partie du parcours récréatif
se complique quand il leur faut quitter la sphère familiale
pour penser à l’échelle universelle. «Que peux-tu faire
pour la planète ?» interroge l’animatrice qui aborde le
transport écologique «doux», la déforestation («stop la
pub !»), l’éclairage («baisse ta conso») ou les emballages
(«ménage ta planète») à travers un jeu de questionsréponses, de manipulations et de slogans. Une heure
plus tard direction l’atelier : là les enfants mettent la main
à la pâte et construisent une brique à partir de
matériaux recyclables : carton, papier et plastique.
N’en jetez plus ! © MAV PACA
Bientôt un mur tout entier et pourquoi pas une maison
écologique naîtra de leur imagination, de leur réflexion
et de leur apprentissage de la création collective…
Exposition jusqu’au 15 décembre,
ateliers sur inscription
MAV Paca, Marseille 6e
04 96 12 24 13
www.ma-lereseau.org/paca/
M.G.-G.
Du coq à l’âne
L’invité d’honneur de la 7e édition de Laterna Magica
est l’auteur de bande dessinée Belge Benoît Jacques,
autour duquel gravite une constellation de propositions : Fotokino aime surprendre, piquer la curiosité,
croiser les disciplines, faire voyager les spectateurs et
jeter des passerelles entre les artistes. Au cœur de la
manifestation consacrée à l’illustration, le parcours
entre 4 lieux à Marseille et Toulon met en lumière
son œuvre iconoclaste, entièrement articulée autour
du livre qu’il conçoit de A à Z, édite et diffuse luimême et dont il signe aussi la charte graphique…
Benoît Jacques, selon le directeur artistique Vincent
Tuset-Anrès, a «beaucoup de talent, d’imagination et
d’énergie !». Pour preuve sa participation à une
rencontre à l’Alcazar (25 nov), à un workshop aux
ABD Gaston Defferre («Je ne sais pas dessiner» les
25 et 26 nov). Et, cerise sur le gâteau, la sortie pour
l’occasion d’un Alboum à colorier à l’image de l’ensemble de son travail : loufoque !
Laterna Magica ouvre grand la fenêtre sur le monde
de l’image. Sous l’angle du merveilleux et du magique
avec deux expositions à Aix : La Forêt de mon rêve à
la galerie du Conseil général 13 (voir p 46) et Matières à rétroprojeter à la Cité du livre, en partenariat
avec le Centre Pompidou. Ou celui de la musique
avec Partitions imaginaires qui mêle partitions et
images inspirées de la musique, formes et mélodies…
La manifestation explore durant un mois les expressions graphiques les plus diverses : celles de jeunes
illustrateurs comme Noémie Privat et les Carnets du
théâtre dessiné (La Friche, du 4 au 24 déc) et celles
d’artistes réputés comme Kitty Crowther (Territoires partagés, du 27 nov au 23 déc). Sans oublier
l’image animée et le spectacle vivant : films rares,
muets ou inédits, classiques et contemporains, cinéconcert, spectacles et installation vidéo… Une
programmation conçue «dans un grand souci de
qualité pour que tous s’y retrouvent, particulièrement les
enfants qui ne sont pas des idiots…».
M.G.-G.
© kitty
Plan de Marseille © Benoit Jacques
Laterna Magica
du 25 nov au 24 déc
Marseille, Aix, Toulon
Fotokino
09 50 38 41 68
www.fotokino.org
Crowth
er-bru
no sa
lamon
e
50
JEUNESSE
DROITS DES ENFANTS | FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE
Enfants ignorés ?
Mauvais traitements, exclusion, manque de soins : c’est le quotidien
de 2 millions d’enfants en France. La Défenseure des Droits des Enfants
se bat pour que cela change !
La fonction de Défenseure des Droits des Enfants a
été créée en 2000 pour gérer les problèmes
spécifiques des mineurs dans le cadre de la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant
(CIDE). Aujourd’hui cette institution indépendante
est menacée par le gouvernement de dilution dans
une institution généraliste de Défense des droits.
© Princesses oubliees ou inconnues, Rebecca Dautremer - Gauthier-Languereau
Projet de loi qui nie la spécificité du droit des enfants
défendue par l’UNESCO et instaurée par la CIDE.
Dominique Versini, Défenseure depuis 2006, a
dénoncé en octobre les points faibles de nos
politiques de lutte contre la précarité et l’exclusion.
Alors que l’objectif des Nations Unies est de réduire
d’ici 2020 la pauvreté, en France 2 millions d’enfants
vivent dans des familles qui ont moins de 950 euros
par mois ! Dominique Versini s’attache aussi à
préserver les liens familiaux, la scolarité, notamment
celle des Rom, à offrir des soins sanitaires, veiller au
contenu d’un projet de Code de justice pénale pour
les mineurs, à s’intéresser aux lois sur l’adoption... La
tâche est vaste. Les conclusions des récentes
concertations seront remises au Président de la
République et au Parlement à l’occasion de la
Journée internationale des droits de l’enfant, le 20
nov. On attend la suite...
Dans le cadre de la promotion des droits de l’enfant,
les Jeunes Ambassadeurs de la Défenseure des
enfants (JADE) apprennent leurs droits aux enfants
et adolescents. Âgés de 18 à 25 ans, ils sont recrutés
dans le cadre du service civique et participent à
l’information des jeunes. En 4 années près de 40 000
enfants ont eu accès à ces informations. Ils y
apprennent que les enfants ont des droits
spécifiques… CHRIS BOURGUE
www.defenseurdesenfants.fr
correspondante territoriale :
Andrée Milliet 06 83 23 57 31
Les Journées des Droits des enfants donnent lieu
à de nombreuses manifestations
La ville d’Aubagne fait partie du réseau «Ville
amie des enfants» avec l’UNICEF. C’est dans ce
cadre que se tiennent les Journées du livre de
jeunesse. Au pro-gramme : une exposition de
l’illustratrice Rébecca Dautremer, mise en lumière
de jeunes maisons d’édition encore peu connues,
spectacles, ateliers..., une cinquantaine d’auteurs et
autant d’éditeurs ! Un accent particulier est mis sur
le droit des enfants avec le thème Des enfants, des
toits et des droits. Animations, débats et un lâché
de ballons avec des messages d’enfants
complèteront ces journées bien remplies.
Du 18 au 21 nov
Centre de Congrès Agora
http://aubagnevillelecture.over-blog.com
La ville de Gardanne, également «Amie des
Enfants», organise une journée La culture de la paix
le 20 nov de 14h à 17h30 au gymnase Léo Lagrange.
Pour mieux vivre ensemble et œuvrer pour la Paix
avec jeux, arts plastiques, projections...
http://www.ville-gardanne.fr/Les-20-novembrejournee-des-droits
Couleurs Cactus organise pour la 4e année
consécutive son opération 1, 2, 3...soleil ! Elle
s’inscrit dans le cadre de la semaine de Solidarité
internationale mais dure un mois. Au programme
expos de photos, films documentaires et de fiction
avec un hommage à Paul Carpita. De nombreux
lieux du centre ville de Marseille seront investis
pour parler du droit des enfants, d’éducation et
échanger avec les artistes participants, car
l’association met l’art en avant pour parler de
l’Enfance.
Du 15 nov au 15 déc
06 98 72 29 07
www.couleurscactus.blog4ever.com
L’imagination
au pouvoir !
Le pays d’Aix s’est animé en ce début
d’automne d’une vague bruissante et
magique peuplée d’êtres étranges :
sorciers, dragons, korrigans, vampires
et autres personnages venus de
mondes extraordinaires ont fait escale
aux Pennes-Mirabeau, à Rognes et à
Lambesc. Concert, rencontres, lectures,
débats, projections cinématographiques, spectacles déambulatoires,
«Murder Party» se sont succédés
durant quatre journées au cours desquelles les amateurs de littérature
fantasy ont eu le bonheur de rencontrer leurs auteurs favoris : le
sombre Sire Cedric dont le roman De
chair et de sang vient d’être primé au
festival de Cognac, Christine Féret
Fleury et sa trilogie complète Atlantis,
Ange (scénaristes à succès alias Anne
et Gérard Guéro, invités par la librairie
de Provence) avec son roman somptueux Ayesha, La légende du peuple
turquoise, Pierre-Louis Besombes et la
série initiatique de Spiris sans compter
Eric Boisset, Claude Ecken et tant
d’autres. Correspondant à cet esprit
de fantasy, on pouvait même assister à
Lambesc à des débats sous une
yourte, et à des spectacles de contes
ou à un concert «fantastic». Une belle
initiative qui amène une littérature
populaire et très prisée des jeunes
hors des grands centres, et permet la
diffusion d’une culture de qualité dans
des villes oubliées. La force de l’imagination y a trouvé une réalisation
concrète !
MARYVONNE COLOMBANI
Le Festival de l’imaginaire du Pays d’Aix
s’est tenu du 20 au 24 oct
52
SPECTACLES
AU PROGRAMME
Qui dit Massalia…
Vivante
L’île fantastique du capitaine Nemo © Benoît Bonnemaison-Fitte
Théâtre d’objets, musiques, dessins et film d’animation ponctuent l’automne de Massalia. Dès 18 mois,
les tout-petits seront happés par les fantaisies poétiques et ludiques de Thérèse Angebault et Isabelle
Kessler dans Qui dit gris, dernière «petite forme»
d’une compagnie fidèle à Massalia, Les Jardins insolites
(25-28 nov). On quitte cet univers à la Prévert pour
celui non moins touchant de Vincent Malone programmé au Z festival de Zik jeune public à Six-Foursles-Plages (1er déc) : Massalia emmène son public en
bus depuis La Friche jusqu’à l’Espace Malraux avec la
complicité de son alter-ego varois le PôleJeunePublic.
Par petites touches d’humour noir et de provocations Vincent Malone dit Le Roi des papas n’a pas son
pareil pour chanter par le menu les petits soucis de
la vie quotidienne… Chanson toujours avec Muriel
de Mars dans À cloche-pied hop hop hop (6-8 déc)
pour une première collaboration avec le Cri du Port :
ou comment amener les enfants de 0 à 7 ans à écouter des «poèmes très doux» mis en musique à l’ac-
Poète
Dans le cadre du Momaix, Bérangère Vantusso met
en scène de la poésie, des textes de Valérie Rouzeau,
Carl Norac, Jacques Roubaud pour ne citer qu’eux, et
des illustrations, entre autres, de Stéphane Poulin et
Kitty Crowther. La Trafiquante, Lara Bruhl, avec son
double marionnette, se promène, telle Alice, dans cet
univers de mots et de formes.
La Trafiquante
dès 6 ans
7 déc 19h
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
Transmettre
Meme pas morte © X-D.R
Même pas morte
dès 8 ans
8 déc 15h
Le Carré, Sainte-Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Nour
dès 12 ans
7 déc 20h30
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
M.G.-G.
Théâtre Massalia
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
Contes
Avec Ali Baba et les 40 voleurs (voir Zib’31), la Cie La
Cordonnerie nous avait déjà emportés avec elle
dans son road-movie en rase campagne ; elle revient
à Draguignan pour La Barbe Bleue (23 nov), «adaptation infidèle du célèbre conte de Charles Perrault».
Avec toujours Samuel Hercule à la réalisation (film
muet), acteurs, bruiteurs et musiciens au pied de
l’écran pour raconter l’histoire de Judith et sa sœur
Anne en route vers le mystérieux château de Barbe
Bleue… De la poésie bien sûr, mais avec ce petit
regard «décalé» qui est la signature des artistes. Le 15
déc, place à Une vendeuse d’allumettes d’Andersen
dont L’Escabelle-Cie théâtrale offre une version
contemporaine, sans texte mais avec de drôles de
langages sonores, de petits pas de danse, masque et
objets.
La Barbe-Bleue
dès 6 ans
23 nov 20h30
Une vendeuse d’allumettes
dès 7 ans
15 déc 15h
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
>
D’un sujet naturellement grave - l’exil de la jeune
Vesna et sa tentative de réapprendre à vivre dans sa
famille d’adoption -, Judith Depaule a fait un spectacle
frais, sensible et délicat. Sur le plateau une
marionnette en 3D manipulée au sol et deux acteurs
en chair et en os : un mélange équilibré entre virtuel
et réel qui permet aux jeunes spectateurs de
ressentir de l’empathie pour la petite fille tout en
prenant de la distance.
C’est l’histoire de Nour ElYacoubi, 27 ans, aînée d’une
fratrie de 9 enfants algéro-marocains nés en France,
que racontent les 5 comédiens du GdRA dans ce 2e
volet d’une trilogie consacrée à la Personne. La sienne
et celle de ses parents, de «la transmission familiale
des langues et des cultures», basée notamment sur
des faits réels puisés au cours d’entretiens avec des
habitants du quartier de Griffeuille, à Arles, lors de
résidences de création, mais aussi de Marseille, Calais,
Périgueux… Avec, comme toujours dans leur travail,
des images et des sons qui aliment la parole.
cordéon, aux maracas, à la clarinette ou transformés
par la magie du kazoo.
Massalia s’invite à Laterna Magica (voir p 47) à travers
le travail de l’artiste plasticienne Noémie Privat qui
s’est plongé dans l’obscurité des spectacles pour les
«croquer». Crayons et atelier mobile de gravure ne
l’ont pas quittée, aujourd’hui elle dévoile dessins et
film d’animation réalisés autour du spectacle Le plus
beau village du monde de Galafronie (4-19 déc). Place
enfin aux tribulations du bricoleur d’images Benoît
Bonnemaison-Fitte et du compositeur Philippe
Gelda pour L’île fantastique du capitaine Nemo, une
histoire dessinée et musicalisée en direct par Diucan
(16-18 déc).
Une vendeuse d’allumettes © Arnaud Hussenot-Desenonges
SPECTACLES
53
L’automne du PoleJeunePublic est
délibérément musical ! Après le cinéconcert Le Fantôme de l’opéra à
l’Opéra de Toulon, place au premier Z,
festival de Zik jeune publik. Éclaté dans
6 communes varoises et réalisé en
partenariat avec Tandem, le festival
affiche un programme éclectique en
compagnie de 6 artistes. Des chansons
et des spectacles avec The Nino’s et
son tour du chant en hommage au
«fantasque grand blond», David Sire
dont le spectacle raconte les
tribulations de la vie de famille,Vincent
Malone et son Roi des papas un brin
canaille et provocant, Pascal Parisot qui
n’a pas son pareil pour mettre Les
pieds dans le plat… Changement de
style avec les groupes Ganpol & Mit et
Juicy Panic qui mêlent pop et
électronique, musique et graphisme,
jouets et circuits modifiés dans leur
«spectacle-manège» Carton park.
Dépaysement sonore et visuel garanti.
Le mot de la fin sera celui de Fred,
Francis et Phil, les trois chanteurs du
groupe Zut qui fait se trémousser le
jeune public sur des rythmes de ska,
rock, reggae et swing. Un concert festif
à vivre debout comme «les vrais
concerts»…
M.G.-G.
Z, festival de Zik jeune publik
du 28 novembre au 7 décembre
PôleJeunePublic, Le Revest
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic;com
Tréteaux
Carton Park © Laurent Guizard
Musicalement vôtre
Lutins verts
Acoustique
Virginie Robinot, Philippe Gilhet et Alain Negrel
nous plongent au cœur de situations cocasses mêlant
humour débridé et poésie sans frein. Un voyage théâtral et musical mis point par François Lamy et
Teatropera pour (re)découvrir des instruments acoustiques, en l’occurrence le hautbois, le basson et la flûte.
Un concert pour «jouets, objets et choses à bruits».
Voilà un spectacle de Pascal Ayerbe, accompagné par
deux acolytes, qui devrait emballer petits et grands
enfants : son univers à la Tati croise la musique, le
théâtre et le cirque et compose une poésie simple
avec les objets du quotidien.
© F.Mouren-Provensal
De quel bois je me chauffe
dès 8 ans
16 déc 19h
Théâtre Comoedia,Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
>
Le Médecin malgré lui mis en scène par Andonis Vouyoucas tourne depuis 4 ans, rassemblant les publics
de tous les âges autour de cette vive farce de Molière,
enlevée et simple, quintessence de son art comique.
Une bande de comédiens formidables tient la scène
de bout en bout, avec juste quelques accessoires et
décors sortis de panières, comme au temps du
théâtre de tréteaux.
Trio pour un p’tit pois
dès 5 ans
11 déc 18h30
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Trio pour un p'tit pois © Maron Bouillie
Clownerie
Benoit Devos et Xavier Bouvier, alias Albert et
Baudoin, se lancent dans une grande démonstration
de leurs talents. Acrobatie, mime, danse rythmeront
avec humour et dérision les numéros. Une heure de
rire, sans paroles, avec deux fois rien. En 2009, la
compagnie Okidok a obtenu le grand prix du jury au
Milano Clown Festival pour son travail clownesque.
Le Médecin malgré lui
26 nov 21h
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
Qui a une Faim de loup ? Le Petit Chaperon rouge, qui
rêve de s’émanciper, refuse de rentrer dans le rang
comme le lui demande sa mère, quitte à ressembler
à sa grand-mère, une «vieille folle dégénérée»… Ilka
Schönbein donne du conte une version moderne,
interprété par une Laurie Cannac mi-humaine mimarionnette.
Faim de loup
dès 8 ans
16 déc 19h
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Slips inside © Matti Salmi
Affamée
>
Slips inside
26 nov 20h30
Forum de Berre
04 42 74 00 27
www.forumdeberre.com
54
SPECTACLES
LE CARRÉ | LES SALINS | MASSALIA
Gagner le Nord
extraverti inutile un propos et une
mise en scène (Philippe Boronad) tout
à fait efficaces. Un spectacle à
recommander cependant à toutes les
consciences adolescentes, qui ne
connaissent souvent de l’écologie que
sa tendance culpabilisante, et non sa
critique profonde du productivisme.
AGNÈS FRESCHEL
Artefact © Olivier Baco
La Cie Artefact a conçu une fable
écologique qui évite les bons
sentiments. Fondé sur la catastrophe
réelle de 2006 - un oléoduc s’était
fissuré, entrainant la fermeture
progressive de Prudhoe Bay, et les
excuses publiques de BP - Alaska
forever retrace le cupide cercle vicieux
qui entraîne un dirigeant capitaliste, pas
plus cynique qu’un autre et ancien
amoureux des vastes étendues glacées,
à laisser éclater des pipelines hors
d’usage, submergeant les villages Inuit
de millions de litres de pétrole brut…
De très bonnes idées président à la
création : l’Alaska, territoire poétique, y
apparaît grâce au chant d’une femme,
un tambour, des luminescences
boréales, des contes Inuit de corbeaux
et de baleines ; tandis que l’agressivité
de l’entreprise pétrolière est portée
par des jingles, des images d’archives,
extraits de JT, et projections en très
gros plan du visage du dirigeant
cynique, incarné par un François
Cottrelle très inspiré. Ses deux
Alaska forever a été joué le 22 oct
à Châteauvallon et le 9 nov
au Théâtre Durance. Il sera repris
au Carré Sainte Maxime,
où la Cie Artefact est en résidence,
le 20 nov
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
comparses, danseur et musicienne,
furent moins convaincants le soir de
l’avant-première, appuyant d’un lyrisme
Reflets d’Odyssée
Arabiyetna © Giorgio Colombo
Le spectacle inaugural du festival de Théâtre arabe en
Région (voir p18) s’adressait aux enfants, et leur parlait
vraiment ! Français et Arabe s’entremêlaient pour
raconter comment la Famille Tombola rencontre le
vieil Ulysse, amnésique, et font remonter à sa
mémoire ses exploits anciens, jusqu’à ce qu’il
retrouve sa vieille Pénélope qui avait recommencé à
l’attendre dans le silence… L’histoire est jolie, et les
trois comédiens dynamiques jouent, chantent,
content, réinventent les scènes en marionnettes
discrètes et en objets pauvres et ingénieux : une flûte,
un papier de soie qui sort du chariot à roue, deux
plumeaux colorés qui les rehaussent et voilà Ithaque !
Le cyclope porte un masque de plongée et hache
menu… des poivrons colorés, les sirènes un paquet
Les envoleurs d’humour
Ils ne manquent pas d’idées les deux zigotos de BP Zoom, et même s’ils ne parlent
pas - tout au plus quelques injonctions - ils savent très bien se faire comprendre !
Leur langage très poétique, est basé sur des regards, des mimiques, des postures,
appuyé par une bande-son qui reprend de grands standards entraînants, dont A
Wonderful World qui donne son titre au spectacle. Philippe Martz et Bernie Collins
piochent dans divers univers - théâtre, cirque et cinéma - pour inventer Mister B
et Mister P, pile et face complémentaires d’un même personnage, l’un gaffeur et
timide, l’autre professoral et désabusé, tous les deux fragiles face à leurs «exploits»
: d’un voyage en montgolfière/carton, au saut en élastiques suspendus aux cintres,
sans oublier le lâcher d’avions en papier sur le public subjugué qui s’en donne par
la suite à cœur joie, les deux clowns révèlent autant qu’ils s’en amusent les états
d’âmes des pauvres humains que nous sommes. But Wonderful quand même !
A Wonderful World a été joué
au Théâtre des Salins, à Martigues,
les 28 et 29 oct
© X-D.R
DOMINIQUE MARÇON
de chips tentateur, le chariot ambulant se transforme
en vaisseau spatial, tout décolle, juste par la grâce du
verbe, de l’humour et de l’imaginaire. Les enfants
suivent sans s’interroger, dans les deux langues, on
entend dans le public une mère qui avec son enfant
fredonne tout bas la berceuse arabe que la
comédienne chante… Une simplicité sans artifice
qu’Éric Deniaud, le metteur en scène, a su retrouver
au Liban, en travaillant sur l’épopée fondatrice
méditerranéenne, et l’art des conteurs.
A.F.
Arabiyetna a été joué au Daki Ling, Marseille,
du 11 au 13 nov dans le cadre
de la programmation du Massalia
JEU DE PAUME | PÔLEJEUNEPUBLIC | TANDEM
SPECTACLES 55
Au pays de Pacamambo
Pacamambo © Vincent Lucas - Le Facteur d'images
Comment parler de la mort aux enfants ? En créant
un hymne à la vie ! C’est le parti pris de Wajdi
Mouawad, l’auteur de Pacamambo, magnifié par la
mise en scène de Marie Provence (Cie Méninas). Au
plus près de son écriture franche qui évoque la
mort «avec sa face de citrouille écrasée», la nomme
dans sa crudité, avec l’odeur et la décomposition des
corps, elle crée une subtile mise en lumière pour
différencier le passé, le présent et l’imaginaire et abolir
les espaces entre le réel et le pays de la mort joliment
nommé «Pacamambo, le pays de toutes les lumières».
Elle balaye tout effet démonstratif pour se concentrer
sur le jeu - très juste - des acteurs, la petite Julie qui
restera plusieurs jours aux côtés du cadavre de sa
grand-mère Marie-Marie à la douceur enveloppante ;
son Chien dont la drôlerie opère comme un sas de
décompression ; la Mort, pas féroce pour un sou ; et
la psy, illustration psychorigide du monde des adultes
et élément déclencheur de l’histoire. Car jusque-là
Julie refusait de raconter les jours qui ont suivi sa
Fantaisie minimaliste
Sur cette Piste là, trois fois rien. Seulement 2 grands
costauds aux biscotos saillants, 1 Monsieur Loyal longiligne et 1 mini blonde aussi fine que mutine. Des
physiques contrastés d’où naît l’esprit comique, renchéri par les situations, le jeu théâtral et clownesque
du quartet qui a pour tout agrès ses propres corps.
Pas besoin de décorum, juste un soupçon de fantaisie, une pincée de tendresse et le tour est joué, leur
inventivité et leur souplesse font le reste ! Acrobaties,
sauts et portés les plus fous ou les plus périlleux s’enchaînent et se succèdent au millimètre sur le tempo
d’un banjo, d’un trombone ou d’une contrebasse car
tous sont aussi d’excellents musiciens… Les figures
réalisées mains à mains sont de véritables prouesses,
les scènes souvent espiègles et le combat malicieux
parce qu’inégal entre la frêle voltigeuse finlandaise et
M.G.-G.
Pacamambo a été créé le 5 nov
au Théâtre du Jeu de Paume
à Aix-en-Provence
tesse de masquer son extrême tension derrière une
légèreté et une facétie contagieuses, et une musique
omniprésente. Musique liée à la gestuelle, les sons
aux corps, pour faire oublier le danger au public.
Comme tout est bien qui finit bien, la fêle jeune fille
parvient même à terrasser - gentiment - les trois «zigotos». Mais le plus beau dans cette Piste-là c’est de
les regarder, sans qu’ils aient besoin de raconter des
histoires, monter leur corps jusqu’au ciel, juste pour
toucher les étoiles.
M.G.G.
La piste la, Cirque Aital 2© Christophe Raynaud de Lage
ses acolytes aussi forts que des bœufs. Comme dans
ce duo irrésistible où le lutteur démarre en douceur,
danse agile et souple, pour finir en combat de catch,
hilarant ! Heureusement, le Cirque Aïtal a la délica-
L’actuel a une histoire !
L’association Tandem, labélisée scène de musiques
actuelles (SMAC) proposait aux collégiens et lycéens
de l’agglomération toulonnaise un concert pédagogique retraçant «l’histoire des musiques actuelles
du blues à nos jours». A priori, la mission consistant
à résumer un siècle de musique en 1 heure 15 semblait périlleuse voire impossible mais, sans prétention
aucune, les deux intervenants présents sur scène se
sont acquittés de la tâche avec beaucoup d’aisance !
L’exercice était bien rodé tant du point de vue
technique que musical puisque alternaient avec
fluidité des extraits vidéo et des prestations live à la
ferveur communicative, le tout dans une ambiance
chaleureuse et décontractée. Qu’il s’agisse de blues,
de folk, de rock and roll ou même de reggae,
l’ingénieur du son de l’association, alias Colonel Nico
et Poupa Claudio, connu pour avoir été l’auteur de
tubes raggamuffin, ont su mettre en valeur avec talent
et professionnalisme les différentes caractéristiques
de ces musiques nées jadis, et qui nous sont pourtant
toujours contemporaines. En définitive, même si le
disparition, gardant enfouies dans son cœur ses
heures passées à défier la mort… Wajdi Mouawad
traverse toutes les secousses et les interrogations de
l’âme humaine face à l’inéluctable et, s’adressant aux
enfants, illustre ainsi le rite initiatique du passage de
l’adolescence à l’âge adulte. Tragique mais pas triste,
poétique mais pas larmoyant, animé d’une petite
flamme intérieure (la même qui illumine le cœur des
personnages), le spectacle capte l’attention du jeune
spectateur sur des notions aussi complexes que
l’absence, le trou noir, la peur, la séparation grâce à
des gestes doux et tendres, de vieilles valises
rassurantes, des flacons de parfum embaumants et
toujours les frétillements cocasses du Chien. C’est
tout simplement lumineux.
résumé semblait un peu rapide en termes historiques,
il n’en était pas moins complet : la fin de la séance
était consacrée aux musiques plus récentes que sont
le rap et l’électro, complétant ainsi ce voyage
panoramique dans la sphère des musiques populaires
du 20e siècle.
ÉMILIEN MOREAU
Du blues à nos jours a tourné dans l’agglomération
toulonnaise du 20 oct au 10 nov dans le cadre du 14e
Forum des musiques actuelles de Toulon
Concert pedagogique Du blues a nos jours © X-D.R
La Piste-là a été joué du 15 au 30 oct à Toulon,
programmation PôleJeunePublic Le Revest
Bout d’chanson
Les chansons de Michel Melchionne ont peutêtre bercé vos enfants… On l’a retrouvé dans la
chaleureuse petite salle de Théâtre et Chansons,
avec le spectacle créé en 2008, Chansons bouts
de crayons. Décor coloré, crayons de mousse, tout
doux pour une écriture poétique, une guitare,
rythme soutenu, tempi variés, les enfants restent
captivés, certains fredonnent les airs, reprennent
les couplets en chœur. Délicatesse du Petit Prince,
voyage avec le Dragon de Chine ou le Nautilus,
l’alouette chante dans le ciel bleu, le Pivert a la
tête à l’envers, et le roi de Chuchotis Chuchota
fait toujours rire avec sa toute petite voix…
Michel Melchionne mène ses spectateurs dans
un monde de fantaisie délicieux, et montre que
l’on peut écrire et chanter pour les enfants de
manière intelligente.
M.C.
Chansons Bouts de Crayons a été donné le 17 oct
à Théâtre et Chansons dans le cadre de Mômaix
56
SPECTACLES
COMŒDIA | THÉÂTRE GOLOVINE | GTP | FOS
Souvenirs, souvenirs
Album photo © Alice Piemme
Le Comedia à Aubagne ouvre sa
saison jeune public avec une petite
forme, Album photos, de la compagnie
Belge Orange sanguine. Un conte
d’une heure porté à bras le corps par
l’auteur et comédienne Jeannine
Gretler, éloquente, grimaçante et
mimesque. Simplement vêtue d’une
robe et d’un collant noirs, elle ouvre
son album de souvenirs avec
gourmandise sur quelques accords de
guitare pour le refermer au son d’un
violoncelle. Entre les deux, sa mémoire
ne flanche jamais qui, bouleversant la
chronologie dans un heureux
désordre, se souvient de mille et une
anecdotes, passe en revue sa famille,
fait resurgir les situations les plus
ordinaires : vacances au ski, visite chez
les grands-parents, premier copain,
rentrée des classes… Le spectacle
projette les enfants à cent à l’heure
dans le miroir grossissant de leur réalité
Vous êtes des héros !
Christelle et Yourik Golovine, comédiens, danseurs
et fondateurs de la Cie Les Eponymes, ont créé Carnet
de voyage en forêt enchantée, à partir des photographies oniriques d’Alexandra Merer. Un premier
spectacle jeune public réussi, qui touche les enfants.
Accompagnés par le danseur butô Emmanuel
Sandorfi, les compères inventent une (petite)
déambulation interactive sur fond de (petit) message
écologique. En préambule, enfants et parents sont
invités à revêtir robes de fée et capes de sorcier pour
aider la Fée Éry à retrouver la mémoire. Les bouts de
chou sont sous le charme de cette drôle de clochette
qui les engage à «jouer». De l’autre côté de la porte,
dans la forêt, la gigantesque Lucy Ole a perdu la vue,
l’ami Démuz n’a plus d’ouie, «a vu tant d’horreur que
ses chansons sont des pleurs» (effectivement) et le
Lutin Nô ne sent plus rien. Les enfants deviennent
les «magiciens du présent», de véritables petits héros
qui sont les seuls à les aider. Ils accomplissent leur
mission en chantant et dansant, certains intimidés,
d’autres plus téméraires, avec des étoiles dans les
yeux. Un spectacle qui plonge les enfants au cœur du
dispositif et qui distille avec finesse et modestie, un
début de petite conscience écolo. Une aventure à
voir avec des yeux d’enfants, pour ne pas sentir les
limites naïves du discours «le monde est si joli, il
faudrait mieux le regarder» : après tout, ils ont raison.
DE.M.
Carnet de voyage en forêt enchantée
s’est joué du 23 au 26 oct
au Théâtre Golovine, Avignon,
dans le cadre d’une programmation
de «l’Eveil Artistique des Jeunes Publics»
Carnet de voyage
en foret enchantee
© X-D.R
sans jamais les laisser décoller : la
comédienne endossant tous les rôles,
même celui du chien Pepsi !, sa
performance scénique phagocyte tout
échappatoire vers un ailleurs, une
illusion, un imaginaire. Heureusement
le mélange du français, du suisse
allemand et de l’anglais donne du relief
à cette évocation banale d’un
quotidien banal mais malgré tout on
ploie sous l’avalanche de paroles et de
bruitages que rien ne semble arrêter.
Pas même un silence ni quelques
notes de musique live bien trop rares.
M.G.-G.
Album photos a été joué
au Comœdia à Aubagne
les 27 et 28 oct, et sera repris
au Théâtre de Fos-sur-Mer
le 18 janv
Contes
à l’école
Nasreddine Hodja, le sage du village
s’avance entre les grillons et une légère
darbouka. Malin, roublard, il sait tourner
toutes les situations à son avantage ;
seul son fils réussit à le prendre à son
propre piège avec une délicieuse
histoire de loukoums empoisonnés…
Les yeux brillant de gourmandise, le
public nombreux d’enfants (cinq
centres aérés bénéficiaient de ce
spectacle) est conquis, se passionne,
s’intéresse, participe… Agnès Pétreau
et Brigitte Quittet savent varier les
rythmes, interprètent tous les
personnages, créent un monde drôle,
vivant, chatoyant, s’accompagnent
d’instruments variés. Les histoires
brèves et denses s’enchaînent en
pirouettes légères. Un feu d’artifice qui
sait tenir jusqu’au bout un public
d’enfants peu habitué au théâtre. Car il
y a là-dedans toute la sagesse des
clowns…
M.C.
Contes sur les chemins de l’Orient
par la Senna’ga Compagnie,
a été joué à l’école La Mareschale,
Aix le 27 oct
De Retour chez Gripari
Les 20, 21 et 22 nov
Trets, Pourrières, Venelles
www.sennaga.com
LIVRES/DISQUES 57
Mother Marie !
Deux d’un
coup !
Les enfants ont été gâtés au GTP lors
de la matinée du 17 oct. Roland
Hayrabédian, qui affirme son goût
pour les contes, reprenait deux pièces
que l’on connaît bien dans la région,
dans lesquelles un récitant (François
Castang) explique et raconte ce que
disent les instruments. Une première
partie truculente et enlevée, la superbe Revue de Cuisine du compositeur
tchèque Bohuslav Martinu, «ballet
pour instruments», (texte de Christophe Garda) dans laquelle les amours
tendres de monsieur Chaudron et
madame Couvercle sont perturbées
par les manigances de la coquette
mademoiselle Moulinette qui cherche
à impressionner le mauvais garçon
qu’est Torchon… Monsieur Balai remet de l’ordre… tout cela avec des
airs des années folles, charleston, tango,
jazz…Visiblement, les instrumentistes
s’amusent, les facéties des ustensiles
réjouissent la salle, le public enfantin est
conquis… il en va de même avec Le
Petit Tailleur de Tibor Harsanyi, hongrois, qui fit partie avec Martinu de
l’École de Paris au début du XXe. On
retrouve les aventures rocambolesques du petit tailleur si fier d’avoir tué
sept mouches d’un coup et qui devra
affronter des géants, un sanglier digne
de celui des travaux d’Hercule et une
licorne pour obtenir la main de la princesse… Un moment musical de toute
beauté, les sept instrumentistes s’en
donnant à cœur joie. Et la preuve une
fois de plus que les enfants ont le droit
de prétendre à la qualité dans des
spectacles qui enrichissent et affinent
leur goût. On se prend à rêver que les
générations ainsi formées échapperont
aux soupes médiatiques !
Zibeline : Comment avez-vous été amenée à réaliser
ce projet d’ouvrage pour la jeunesse ?
Marie Drucker : C’est simple… Jean-Philippe
Biojout m’a contactée pour les éditions Bleu nuit,
sachant que je suis une passionnée de musique
classique. J’ai été intéressée par ce projet d’accession
à la musique, avec la nostalgie que j’ai des ouvrages
que j’écoutais moi-même, enfant, comme Le Petit
Ménestrel… J’ai été séduite par ces histoires originales
de musiciens, mais j’ai néanmoins tenu à m’impliquer
directement dans la co-direction artistique. C’est ainsi
que j’ai soumis une réécriture des histoires avec ma
touche personnelle. Enfin il y a les illustrations de
Valérie Lenoir qui a un talent fou !
Avez-vous des souvenirs précis d’ouvrages pour
enfants qui vous ont marquée ?
Oui, une histoire en 33 tours que j’aimerais bien
retrouver qui s’appelait Peter Elliot et le Dragon : cela
me fascinait.
D’où vient votre passion pour la musique classique ?
Mon père était vice-président de RTL et j’ai eu la
chance d’avoir ainsi accès à de nombreux disques. J’ai
écouté un peu toutes les musiques, mais suis venue
à la musique classique par le rock ! avec les Beatles, les
Stones, les Clash…
Quelles sont les premières musiques classiques qui
vous ont procuré des émotions ?
Je crois que comme un peu tout le monde c’est
d’abord Mozart qui m’a fascinée.
Parlez-nous un peu de ces ouvrages !
Les deux premiers sont consacrés à Haydn et Ravel.
Quatre autres sont en projet. Ce sont des histoires
loufoques et anachroniques où l’humour prime. Je
voudrais que cela plaise aussi aux parents… comme
aux grands frères.
Vous êtes vous-même narratrice. C’est nouveau pour
vous ce rôle de comédienne ?
© X-D.R
Les éditions Bleu nuit lancent
une nouvelle collection de livresdisques qui racontent la musique
à travers des anecdotes liées à la vie
des grands compositeurs.
Avec Marie Drucker comme
narratrice, mais aussi comme auteur…
Oui ! et c’est un bon souvenir ! Jean-Philippe qui est
un artiste lyrique m’a bien aidée. C’est lui aussi qui
s’est principalement chargé du choix des musiques.
Avez-vous personnellement une pratique de la
musique ?
Je voudrais me remettre à la guitare. J’ai joué du piano
et c’est un regret pour moi de ne plus pouvoir
travailler la musique faute de temps. Je me console en
allant aux concerts.
On vous voit chaque année aux Victoires de la
Musique, cérémonie qui offre à un public large un
accès à la musique classique. Cet aspect pédagogique
vous tient-il à cœur ?
Je n’osais pas aborder ce sujet, mais je pense
effectivement que l’art doit être mis à la portée de
chacun, et que l’éducation musicale de la jeunesse
doit se faire le plus tôt possible.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JACQUES FRESCHEL
Marie Drucker sera à Marseille pour une dédicace
de La Perruque de Joseph Haydn, premier livre disque
de la «Collection Les histoires musicales imaginaires»
à la Fnac Bourse le 26 nov à 17h et 20h
MARYVONNE COLOMBANI
Souvenirs à partager
Le Petit Tailleur et La Revue de cuisine
ont été donnés au GTP le 17 oct
Francois Castang,
recitant
© Radio France,
Ch. Abramowitz
Qui ne connaît les aventures facétieuses du
petit Nicolas ? Le succès en est tel que le livre a
inspiré film et série animée, et certaines caricatures… Les éditions Gallimard ont repris par tranches,
en format poche les tribulations inédites du petit
héros (IMAV éditions 2006). Le septième volume
paraît comme un avant-goût des fêtes, Le Petit
Nicolas, c’est Noël ! On y retrouve avec plaisir de
délicieuses bouffées de jeunesse, la prose légère de
ces confidences, justifications, chantages, problèmes
de bonbons et d’arithmétique, lettre au père Noël,
aide diligente à maman (qui s’en passerait bien !),
distribution des prix… et puis, il y a les camarades
du petit Nicolas, Alceste et son éternel goûter,
Agnan, le chouchou de la maîtresse, Clotaire,
Geoiffroy, Eudes, Rufus, Joachim, Maixent, réunis
par exemple dans une inénarrable partie de rugby :
les All Blacks ont intérêt à bien se tenir ! C’est drôle,
vivant, un délicieux parfum
d’enfance que l’on retrouve avec plaisir.
M.C.
Le Petit Nicolas,
c’est Noël !
Sempé/Goscini
Éd. Gallimard, Folio
Junior 6 euros
58
LIVRES
Livres d’enfants, livres de grands…
Jolie collection au format de poche que la Junior
d’Actes Sud : papier épais, police de caractères
claire, illustrations intelligentes, textes écrits avec
finesse sur des thèmes sensibles lorsque l’on a 9
ans : découverte des autres, acceptation de soi…
Foin du diktat de la silhouette gracile qui semble de
rigueur, à fortiori pour l’exercice de la danse.Tout le
monde se moque de Margot parce qu’elle est
grosse, d’une «famille de gros»… Elle va jusqu’à s’affubler de tous les surnoms devant le miroir, afin de
se préparer à les accepter, à en rire, lorsque, inévitablement, on se moquera d’elle. Trouvera-t-elle
l’activité qui l’épanouira ? Arrivera-t-elle à considérer
son corps «comme son ami et non son ennemi» ?
La danse de l’éléphante de Jo Hoestlandt nous fait
découvrir un personnage attachant, qui, contrairement aux autres ne cherche pas (enfin !) à se
transformer en une autre, mais à trouver sa voie, sa
place, comme elle est… Les illustrations de Camille
Jourdy se donnent en écho au texte, simples et
expressives, comme celles qu’esquisse Glen
Cha-pron pour Un papillon d’hiver de Richard
Couaillet.
Tom se sent bien solitaire, avec des parents
tellement absorbés par le travail qu’il n’a plus
l’impression de les intéresser. Les jeux, les DVD, ne
comblent pas le manque d’amour… et lorsque les
vacances arrivent, un horizon d’ennui se
profile. Il a 20 euros en poche, et
part… Retrouvera-t-il ses parents ?
Qui va-t-il rencontrer ? Un
parcours initiatique où chacun
gagne en humanité. Une fable
poétique pour apprendre à
grandir… Les livres y aident
merveilleusement non ?
MARYVONNE COLOMBANI
La danse de l’éléphante
Jo Hoestlandt, Camille Jourdy
Actes Sud Junior,
7 euros
Nom de nom !
L’auteure et illustratrice Anne
Delbos aime jouer sur les mots !
Après Mots pour maux, Nom de nom
paraît aux éditions L’Initiale à Marseille,
nouvel album jeunesse et tour du
monde en seulement 15 stations.
Même si les critères de choix nous
échappent, décliner des mots
(subjectifs ?) pour dire leur histoire,
leur étymologie, évoquer leurs
différents usages est une aventure
réjouissante. Et les métamorphoser
en images est une réussite. De A
comme alarme à S comme sucre, on
apprend que café vient de «cafeh»
apparu en 1651 en Turquie et qu’il
est aussi une liqueur apéritive en
Éthiopie («qahwah»), que «loustic»
signifie rigolo en allemand («Lustig»)
ou encore que robot fut utilisé par
l’écrivain tchèque Karel Kapel dans un
roman de science-fiction («robota»).
Mais tout cela ne serait pas très
amusant si Anne Delbos se contentait
d’en décrypter l’usage ou le sens, non,
elle donne aussi une leçon de
géographie. L’album est construit
comme un atlas avec, en vis-à-vis, une
carte du monde en couleurs avec
l’indication du pays d’origine et un
tableau-montage d’images, de photos,
de dessins qui sont autant de
Grandir et apprendre
Les tout-petits adoreront l’histoire de Lola,
inconsolable car elle a perdu son doudou, un beau
patchwork de 22 carrés colorés. Ses parents collent
des affiches dans le quartier pour le retrouver, des
voisins ramènent des carrés et le patchwork se
reconstitue. Lola fait ainsi la connaissance de Lili et
abandonne le doudou pour le vélo et sa nouvelle
amie. Tout cela est rassurant et joyeux comme les
couleurs acidulées des illustrations de Natacha
Sicaud. Le texte d’Irène Cohen-Janca choisit le
dialogue et la musique des mots, pour raconter une
histoire qui apprend à grandir.
Pour les plus grands un coffret sur la montagne : ils
découvriront la genèse des reliefs et les noms des
cailloux, apprendront à choisir leur équipement de
randonnée, à fabriquer un périscope, pour observer
les animaux sans être vus, et un clinomètre, pour
mesurer les pentes. Mais aussi à reconnaître les
rapaces en plein vol grâce aux formes de la queue
Un papillon d’hiver
Richard Couaillet,
Glen Chapron
Actes Sud Junior,
7 euros
drapeaux imaginaires d’un monde à
réinventer. Alors, si «les mots aiment
voyager», il n’y a pas une minute à
perdre…
M.G.-G.
Anne
Delbos
était
l’invitée
de la librairie
À l’encre
bleue
à Marseille
le 7 oct dernier
et des ailes, les fleurs alpines, les différents
mammifères. Un livret leur contera les légendes des
montagnes, et un plan leur permettra de mouler
des briques de neige pour construire un igloo ! On
retrouve dans tous les coffretsdécouvertes des éditions
Petite Plume de carotte les illustrations de
Christian Voltz, son
bonhomme de cailloux
et de carton. Des coffrets avec guide, recueil,
livret et plan. On en redemande !
CHRIS BOURGUE
Nom de nom
Anne Delbos
Éd. L’Initiale, collection
L’utile,
11 euros
Le doudou de Lola
Irène Cohen-Janca, Natacha Sicaud
Éd. Du Rouergue, 13,50 euros
Ma boîte à trésor : la montagne
Frédéric Lisak, Christian Voltz
Éd. Petite plume de carotte, 16,50 euros
RÉGION | IMAGE DE VILLE | MONTPELLIER
CINÉMA
59
Le Court de la région
Le 4 nov, la Région proposait la première d’une série de projections des
films qu’elle a soutenus. La soirée, La
Région suit son court, était consacrée
au court métrage : on a pu voir cinq
films et rencontrer certains réalisa-
Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar
teurs. Nous avons déjà dit tout le bien
que nous pensons des Enfants dans
les arbres de Bania Medjbar et le peu
d’intérêt du Détour de Cristina Ciuffi.
La Réparation de Julien Boustani et
Cecilia Ramos nous montre un vieil
homme qui, réparant des poupées
an-ciennes, retrouve sa sœur, perdue
depuis des années. Si on croit peu au
scenario, le jeu de Serge Merlin est
intéressant. Quant à Jérôme
Bleitrach qui a produit d’excellents
films, il vaudrait mieux qu’il continue
dans cette voie. Son Changement de
cap est raté !
Très réussi en revanche Le corps noir,
premier film, projeté pour la première
fois, de notre collaborateur Rémy
Galvain. Noir, comme le costume du
protagoniste, un pickpocket taiseux
dans la tradition d’un polar marseillais, obsédé par les photos de ville
enregistrées dans l’appareil qu’il a
volé. Noir, comme un corps physique
idéal absorbant la lumière sans la
réfléchir jusqu’au dénouement malicieux qu’on ne dévoilera pas. Arrêts
sur images dans la dynamique d’un
itinéraire, superposition des cadrages, des regards, métaphore discrète
de la création et de sa réception. Une
heureuse surprise !
ANNIE GAVA ET ÉLISE PADOVANI
Les tours font leur cinéma
Image de Ville s’est ouvert tout naturellement par
un sommet du burlesque américain, Safety Last
(1923), où Harold Lloyd, acculé à se surpasser dans
une société marchande sans filet, gravit la façade
d’un gratte-ciel. Le skyscraper symbole de puissance architecturale naît à Chicago à la fin du XIXe
siècle au même moment que le cinéma. S’inspirant
de la vie de Frank Lloyd Wright, King Vidor dans Le
Rebelle (1949) exalte cette modernité radicale à
travers l’idéalisme forcené d’un architecte, présenté
dans la dernière séquence du film, à contre-ciel,
seul au sommet du building new-yorkais qu’il
construit.
Le cinéma hollywoodien fait de la verticalité urbaine
un cadre et un mythe. Batman, Spider-Man, King
Kong s’élançant d’un étage à l’autre, bousculent
l’horizontalité de la lecture ; le regard s’élève ou
sombre dans la faille des rues. Plongées, contre-
plongées, vertige des travellings, réfraction de la
lumière, les tours font leur cinéma !
Lors de la soirée inaugurale, Jean Nouvel, invité
d’honneur, a opposé les verticalités en dialogue avec
le paysage et l’histoire à celles du chaos capitaliste
de Shanghaï, tours guerrières «autistes» écrasant
l’individu et son passé. Alain Fleischer a lu un texte
dense sur la dramaturgie de la verticalité, fondement de la civilisation. La soirée tours-infernales
proposée au Renoir, puis les onze courts métrages
de onze réalisateurs de nationalités différentes sur
le 11 septembre, ont permis de passer de la fascination de Babel au cauchemar des châteaux de
cartes qui s’écroulent. Des peurs pour-de-rire aux
peurs pour-de-vrai. Mégapoles des solitudes, on a
revu avec plaisir le Tokyo de Sofia Coppola dans
Lost in translation en 2003 et le Paris de Blier dans
Buffet froid en 1979 : La Défense à peine érigée,
désert d’espaces bétonnés où résonne le délicieux
non-sens des dialogues. Pour sa 8e édition, le festival
aixois, à travers débats, documentaires, fictions a
exploré un sujet passionnant aux vertigineuses
contradictions.
ÉLISE PADOVANI
Harold Lloyd dans Safety Last
En passant par Montpellier…
250 films, 23 pays de la Méditerranée, 9 jours de
cinéma et de rencontres, la 32e édition du Cinemed
de Montpellier vient de se terminer. Et si le Festival
semble avoir pris cette année un tournant plus
«glamour» grâce à la présence de nombreuses
stars, on n’en découvre pas moins des films internationaux à l’avenir fragile. Ainsi le 1er long métrage
de la Géorgienne Rusudan Pirveli, Susa, qui a
obtenu le prix du soutien à l’export, ce qui lui permettra peut-être d’être distribué. Susa, superbement
interprété par Avtandil Tetradze, est un jeune
garçon qui travaille dans une distillerie clandestine
et qui est régulièrement racketté. Il vit avec sa mère
et attend que son père revienne et change leur vie.
Pendant une heure vingt, nous partageons, dans des
paysages gris, son quotidien triste, égayé par le
kaléidoscope qu’il a fabriqué et on est scotché à ce
visage fragile, cette ténacité tranquille.
Tout aussi cabossés par la vie, les protagonistes du
film du Serbe Srdjan Koljevic, The woman with the
broken nose : un chauffeur de taxi réfugié bosniaque, sa cliente qui se jette du haut du pont, lui
laissant un bébé sans nom, une enseignante qui n’a
The woman with a broken nose de Srdjan Koljevic
pas fait le deuil de son fils renversé par les parents
d’un de ses élèves, amoureux d’elle, une pharmacienne qui ne s’est pas remise de la perte de son
amour de jeunesse, toutes ces vies se croisent pour
dessiner le portrait de Belgrade dans l’après-guerre.
Sans oublier le pont qui relie la ville nouvelle à
l’ancienne, toujours embouteillé, symbole de la
situation de l’ex-Yougoslavie.
À la fois drôle et touchant, le film a obtenu le Prix du
jeune public.
Parmi les nombreuses avant-premières que le
public de Cinemed a pu découvrir, le deuxième film
d’Audrey Estrougo, Toi, moi, les autres, une comédie musicale très réussie dont nous reparlerons à
sa sortie en salles…
ANNIE GAVA
www.cinemed.tm.fr
60
CINÉMA
APT | GARDANNE | TOUS COURTS
Vive Africapt !
Durant une semaine Cinémovida Apt n’a pas
désempli ! Les places sont courues dans ce festival
reconnu pour la qualité de sa programmation, et ses
rencontres entre les réalisateurs et le public,
conduites par Olivier Barlet. Le soir de l’ouverture,
malgré les deux projections successives, certains
Moloch Tropical © Marie Baronnet – Velvet Film 2009
sont repartis sans voir le dernier film de MahamatSaleh Haroun, Un homme qui crie, un film sensible
qui montre comment en pleine guerre civile, un père
trahit son propre fils. Comme dans Bye Bye Africa,
Abouna, ou Daratt, saison sèche, Mahamat Saleh
Haroun met en scène le motif de la disparition dans
son style épuré. Superbe !
Parmi les courts métrages présentés le lendemain,
on retiendra On ne mourra pas d’Amal Kateb, une
histoire de tire-bouchon sur fond de terrorisme à
Oran en 1994. Le réalisateur a participé à une table
ronde intéressante qui réunissait de jeunes
réalisateurs et des responsables de formation
autour de questions de production et de diffusion
dans un contexte économique et politique difficile.
Tout aussi passionnante la leçon de cinéma de
Raoul Peck, directeur de la FEMIS, après la
projection de son dernier film Moloch Tropical. Le
cinéaste haïtien a évoqué son parcours personnel,
son besoin de revenir en Haïti, ceux qui l’ont
influencé : Chris Marker pour son engagement,
Kieslowski pour son art de l’épure. Il a parlé de ses
doutes, de ses succès et de son engagement
politique : «Le cinéma qui n’a pas d’impact sur la vie
est déficitaire.» En 1994 et 95 il fut ministre de la
culture de Jean-Bertrand, le temps de connaître les
rouages du pouvoir et d’approcher celui que tout le
monde reconnaît dans le personnage du héros de
Moloch Tropical, superbement interprété par
Zinedine Soualem. Tourné dans la citadelle du roi
Christophe, symbole de la seule nation créée par
une révolution d’esclaves victorieux, le film raconte
le dernier jour de règne d’un président grotesque,
obsédé sexuel et populiste, qui ne veut rien
comprendre malgré les mises en garde de sa femme,
la belle Sonia Rolland. Le Président jouera jusqu’au
bout la farce tragique du pouvoir et en deviendra
fou…
ANNIE GAVA
Pellicules d’automne
La 22e édition du festival de cinéma de Gardanne
apportait comme chaque année une programmation
riche et éclectique : des rendez-vous d’auteurs avec
le public qui venaient faire partager leur expérience
passionnée (Khaled Benaïssa, Pascal Boucher,
Mariana Otero, Mohamed Soudani, Frédéric
Chaudier), et de nombreuses avant-premières.
Comme le revigorant Benda Bilili de Renaud Barret et
Florent de La Tullaye, qui montre que même dans les
pires situations, (il s’agit d’une histoire vraie : les
personnages sont handicapés, vivent à Kinshasa,
dorment dans la rue), le talent peut éclore (et avec
quelle force !) ; ou Ce n’est qu’un début de Jean-Pierre
Pozzi et Pierre Barougier, qui répond à certains
ministres qui affirmaient que l’école maternelle n’était
qu’une histoire de couches culottes : la philo en
moyenne et grande section, c’est possible et quel
enrichissement ! ou encore le très beau Nostalgie de
la lumière de Patricio Guzman (voir zib’32).
Ces trois films ont d’ailleurs été plébiscités par le
public : certes, ils entraînent dans des voyages
lointains, mais surtout, ils parlent de transmission, fil
conducteur de cette édition qui accordait une belle
unité à la vaste sélection d’œuvres venues du monde
entier, Corée (superbe Mother), Israël, Roumanie,
Espagne (dont le bouleversant Rabia), Italie (La nostra
vita en ouverture), Inde (avec une soirée Bollywood),
Égypte, Russie, Géorgie, Turquie, États-Unis,
Argentine, Chili, Kirghizistan, Islande, France et un bel
hommage au cinéma algérien (le superbe film de
Rachid Bouchareb, London River, sait évoquer deux
personnages en quête de leurs enfants après les
attentats de Londres, avec un ton juste, et une
puissance d’émotion rares). De l’émotion encore avec
Sur les pas de Pina Bausch, où la chorégraphie
permet aux jeunes danseurs de plonger en euxmêmes et de se comprendre (voir p25). Impossible de
rendre compte de ce joyeux foisonnement dans lequel
le rire aussi prenait sa place avec des films comme
Potiche ou Mourir ? Plutôt crever. Ce qui est une
Ce n'est qu'un debut de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier
manifestation profondément réjouissante fréquentée
par un public nombreux, passionné, connaisseur qui
prouve que le cinéma d’auteur peut être rentable… Le
cinéma de Gardanne accomplit un travail remarquable
en ce sens à l’année. Merci !
MARYVONNE COLOMBANI
Festival d’automne de Gardanne
a eu lieu du 20 oct au 2 nov
Vacances, dessous et fanfare…
C’est reparti pour Tous Courts, le festival du court dans tous ses états…
Le 29 nov au Centre des Congrès d’Aix la 28e édition s’ouvre avec le traditionnel programme Courts
par excellence, où vous verrez, entre autres, Chienne
d’histoire de Serge Avedikian, La Baie du Renard de
Grégoire Colin, Amal d’Ali Benkirane… La soirée se
poursuit en fanfare avec les 18 musiciens de La
Banda Du Dock.
Dès le lendemain commencera la Compétition Internationale, une soixantaine de films venus de 24 pays,
répartis en 11 programmes, «courts métrages qui
riment avec découverte, expérience, différence, un
cinéma fait d’Humanités», sous le regard bienveillant et critique du Jury, Elisabeth Depardieu, Ali
Benkirane, Grégoire Colin, Gilles Alonzo et Francis
Gavelle, de la Semaine Internationale de la Critique.
Il est à parier que, comme à son habitude, cette compétition révèlera de jolies surprises.
Courts en liberté aborde cette année les vacances
dans le cinéma, un voyage dans le siècle, des Lunettes féériques d’Emile Cohl en 1909 à Comme un
drapeau déchu de Samuel Domingo en 2010, en
passant Du Côté de la côte d’Agnès Varda en 1958
ou La Garoupe de Man Ray en 1937. Vous continueAmal d’Ali Benkirane
rez le voyage, en Grèce, avec les Carnets de Paola
Starakis du Centre du Cinéma Grec qui permettra
de revoir l’amusant Ela na sou po de Katerina Filiotou, puis en compagnie de Francis Gavelle, Alice et
moi de Micha Wald et un dernier Carnet proposé à
l’Agence du Court Métrage.
La Nuit du court, le 3 déc à partir de 23h, sera coquine ! Une Nuit «sans dessous dessus» avec
(presque) au hasard, Ma culotte de Blandine Lenoir
ou Des majorettes dans l’espace de David Fourrier.
Pour ceux qui aiment l’envers du décor, un atelier
sur la musique de film, le 2 déc à la Cité du Livre,
avec le compositeur Yves de Bujadoux. Et aussi, Du
Court au long, la soirée des producteurs de la Région… Et pour la soirée de clôture, le 4 déc à 19h30
au Mazarin avec le palmarès de la compétition
internationale, n’oubliez pas de réserver !
ANNIE GAVA
AFLAM | PRIX CMCA | CINÉHORIZONTES
CINÉMA
61
Fantômes libanais
Du 19 oct et jusqu’au 20 nov Aflam
propose au public de la région PACA
un gros plan sur les cinéma(S) du
Liban. Cinéma pluriel par sa diversité,
l’identité multiple de ses réalisateurs
(trices), exilés ou non, toutes générations confondues, marqués par les
guerres successives ou le souvenir du
sang versé. Cinéma-thérapie, «démocratique dans un pays qui ne l’est
pas». Films politiques, toujours très
personnels.
Ainsi les deux premiers longs métrages de Maroud Badgadhi. Beyrouth ô
Beyrouth (1975), travail de fin d’études
où se lisent tout l’amour du réalisateur pour la capitale libanaise alors
intacte, et sa vision sans concession
d’une société clanique au bord de
l’explosion. Un film rare, prémonitoire,
tout en ruptures et en ellipses où, à
côté des types sociaux -la bourgeoise,
le militant et le professeur chrétien-,
danse au-dessus de l’abîme un fou
pasolinien. Abîme ouvert par Petites
Guerres (1982) dans un Beyrouth en
ruines «plus becqueté que dé à
coudre». Film grinçant au propos
décapant d’un anticonformisme salutaire et désespéré. Qui tue ? Pourquoi ?
On ne le sait plus. Les héros stendhaliens piégés par leurs désirs
contradictoires, dépassés par une
situation tragique et grotesque, se
perdent irrémédiablement. Générations sacrifiées. Crimes que la société
après la réconciliation officielle paraît
vouloir oublier et que les jeunes réalisateurs dénoncent.
Contre l’amnésie, des documentaires
autobiographiques recueillent patiemment les témoignages familiaux
réticents. Simon El Habre dans The
one man village suit son oncle
Semaan revenu vivre à Ain el-Halazoun vidé et détruit par la guerre civile.
On y découvre par bribes les drames
de chacun, une douleur pudique
The One man village de Simon El Habre
bouleversante. Grand moment d’émotion aussi lors de la présentation de
Chou Sar (Que s’est-il passé ?) de De
Gaulle Eid au bord des larmes. Son
film censuré raconte le retour du
réalisateur au village natal dans lequel vit toujours, protégé par l’amnistie,
l’assassin de sa mère «exécuté à
blanc» par un plan-fixe insoutenable.
Le Liban à travers son cinéma semble
hanté de fantômes en quête de paix.
ÉLISE PADOVANI
Massilia loca
C’est le 5 nov, au cinéma le Prado, que s’est ouverte la
9e édition du festival du cinéma espagnol à Marseille, en
présence de Lola Duenas. L’actrice, prix d’interprétation
à Cannes en 2006 pour Volver d’Almodovar, présentait
Yo, tambien d’Alvaro Pastor et Antonio Naharro. Si le
film flirte dangereusement avec les poncifs qu’imposent
l’évocation de la situation des trisomiques dans notre
société, la justesse d’interprétation du duo de comédiens
évite au film de basculer dans la mièvrerie redoutée.
Cette réussite, ajoutée au sourire communicatif d’une
Carlos Saura © A. G
première invitée de marque, lançait idéalement le
festival.
Car des représentants prestigieux du cinéma espagnol,
il y en eut ! Fernando Trueba fut à l’honneur le 7 nov où
trois de ses films étaient projetés en sa présence. Lors
de la soirée de clôture, Carlos Saura, le réalisateur aux
40 films, présentait son dernier opus, Io, Don Giovanni.
Retraçant la naissance du célèbre opéra de Mozart,
Saura signe une mise en scène ambitieuse et
malicieuse, faite de décors peints et théâtralisés, où il
choisit judicieusement une mise en abîme sur le
processus de création plutôt que l’aspect historique,
intraitable depuis le chef-d’œuvre de Forman.
Comparée à ces ténors, la sélection officielle fut inégale
mais représentative de la création espagnole. La famille
et ses secrets furent souvent au centre des débats : Tres
Dies amb la familia de Mar Coll, Elisa K de Jordi Cadena
et Judith Colell, La Isla interior de Dunia Ayaso et Félix
Sabroso, ou encore Amores locos de Beda Docampo
Feijoo, décryptent avec plus ou moins de réussite
l’influence familiale sur les comportements sociaux.
Ce sont pourtant des œuvres moins ancrées dans le
réalisme social qui ont emporté les faveurs du public et
du jury, présidé par Blanca Li. Map of Sounds of Tokyo de
Isabel Coixet, qui suit Sergi Lopez dans la tentaculaire
capitale japonaise, fut récompensé par le jury. Le dernier
film de Trueba, El baile de la victoria, joli portrait de deux
voleurs libérés de prison par le retour de la démocratie
au Chili, reçut lui le prix du public. Le jury de la soirée
courts métrages organisée à l’Espace Julien le 10 nov
fut unanime en primant El Orden de las cosas des frères
Esteban Alenda, grand gagnant d’une sélection plutôt
pauvre. Des prix conformes aux prévisions, mais ce beau
panorama de 28 films et la bonne fréquentation des
salles assurent de la santé de la production espagnole.
Et de beaux lendemains pour CineHorizontes.
REMY GALVAIN
Création
audiovisuelle
Le Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen,
créé en 1994 par le CMCA -Centre
Méditerranéen de la Communication
Audiovisuelle, pré-sente une sélection
des meilleurs documentaires et
reportages que producteurs et réalisateurs ont consacré aux enjeux, à
l’histoire et au patrimoine de la
Méditerranée. La 15e édition se tiendra à Marseille du 28 au 30 nov et
seront présents les 32 finalistes du
Prix parmi les 244 réalisateurs qui ont
envoyé leurs reportages et documentaires.
Le 1er déc à 11h, une rencontre-débat
aura lieu au Palais de la Bourse sur la
production audiovisuelle dans l’espace
euro méditerranéen. Des projections
publiques seront proposées à la Maison de la Région et à l’Alcazar, les 29
et 30 nov ainsi que le 1er déc. L’occasion de découvrir des films que vous
n’aviez pu voir comme Mon Oncle de
Kabylie de Chloé Hunzinger ou Nous,
Princesses de Clèves de Régis Sauder.
04 91 42 03 02
www.prixcmca.wordpress.com
62
CINÉMA
RENDEZ-VOUS D’ANNIE
Cabrières sur courts
Dans le cadre du mois du documentaire, le 17 nov
à 19h sera projeté au cinéma Le Méliès à Portde-Bouc Fin de concession de Pierre Carles, un
film enquête sur la privatisation de TF1.
Madagascar, carnet de voyage de Bastien Dubois
Du 18 au 21 nov, à Cabrières d’Avignon, l’association Cinambule propose la 17e édition de Court
c’est court !, trois jours consacrés au court métrage : 10 programmes, 21 séances, 81 films et
une installation vidéo, Avant la sculpture, du
Suédois Kim Warsen qui sera présent, tout comme l’écrivain Mac Lim Wilson, qui assistera à la
séance consacrée à l’Irlande. Une programmation, Courts en Méditerranée, permettra de
voir Phone Story de Berivan Binevsa, prix du public
à 13 en Courts de FFM, ou Promenade de Sabine
El Chamaa (voir Zib’ 34).
Dans le programme Premiers courts, ne ratez
pas Madagascar, carnet de voyage de Bastien
Dubois et, dans les différents Panoramas, les
multi primés Logorama, Oscar du CM, et Donde
esta Kim Basinger d’Edouard Deluc.
Les documentaires, la séance Courts en docs,
concoctée avec Et Doc !, un collectif citoyen d’Avignon, le cinéma expérimental, l’animation avec
Courts animés dont Le Silence sous l’écorce de
Joanna Lurieet Don’t go de Turgut Akaciksont aussi
04 42 06 29 77
www.cinemeliesportdebouc.fr
proposés à Cinémômes. Tout le Court est à
Cabrières !
Court c’est court
Du 18 au 21 nov
Cabrières d’Avignon
04 90 74 08 84
http://cinambule.free.fr
À Digne, loin des mondes
Ulzhan de Volker Schlondorff
Les Rencontres Cinématographiques de Digneles-Bains et des Alpes de Haute-Provence
proposent au public de découvrir des films
d’aujourd’hui, tout en retrouvant le cinéma de patrimoine, et «les œuvres qui témoignent de la
nécessité du lointain pour mieux appréhender le
réel.» En ouverture, le 22 nov, Des hommes et des
dieux de Xavier Beauvois ; le lendemain à 16h30,
Simon du désert de Luis Buñuel, suivi de Thérèse,
voyage extatique d’Alain Cavalier. À 21h, vous
aurez le plaisir de voir Olivier Gourmet dans
Robert Mitchum est mort, présenté en avant-première, en présence de leurs réalisateurs, Olivier
Babinet et Fred Kihn. Le 25 à 14h, c’est avec
Suzanne Hême de Lacotte, spécialiste de l’œuvre
de Gilles Deleuze, que vous pourrez revoir la
Palme d’Or 1984, Paris, Texas de Wim Wenders.
À moins que vous ne préfériez passer un moment
à Rome avec l’Eclipse d’Antonioni ? ou faire un
beau voyage initiatique au cœur des steppes d’Asie
centrale avec Ulzhan de Volker Schlöndorff ?
Rencontres Cinématographiques
Du 22 au 25 nov
Digne-les-Bains
04 92 32 29 33
www.unautrecinema.com
Femmes au fil du temps
L’association Les Chantiers du cinéma propose,
lors de son 9e Festival Portraits de femmes qui a
pour thème cette année «Au fil du temps», une
vingtaine de longs métrages venus d’une douzaine de pays, projetés à Toulon du 29 au 31 nov ; à
Six Fours du 2 au 4 déc et à La Seyne du 6 au 11
déc, avec en plus, la nuit du court métrage le 10
déc à 20h.
L’inauguration aura lieu à la Seyne le 6 déc à 19h
avec le film de Julie Bertuccelli, L’Arbre, adapté
d’un roman de Judy Pascoe, qui raconte l’histoire
d’une fillette qui croit que l’arbre du jardin abrite
l’esprit de son père.
En clôture, le 11 déc à 20 h 30, Benda Bilili de R.
Barret et F. de la Tullaye, la belle aventure d’un
groupe de musiciens congolais invalides.
Entre les deux, vous pourrez voir Poetry de Lee
Chang-Dong, Vincere de Marco Bellocchio, El
L'Arbre de Julie Bertuccelli
Greco de Iannis Smaragdis, l’épopée d’un artiste
peintre au XVIe siècle ou Entre nos mains de
Mariana Otéro.
Les Chantiers du Cinéma
04 94 09 05 31
www.festivalportraitsdefemmes.fr
Le 17 nov à 14h30 aux ABD Gaston-Defferre,
projection de courts métrages d’animation, en
présence d’Alexios Tjoyas, illustrateur, et de
Thomas Azuelos, dessinateur de bandes dessinées : L’oiseau Do de Henri Heidsieck et Chienne
d’histoire de Serge Avédikian.
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
Le 18 nov au Cinéma Renoir à Martigues, les Instants Vidéo proposent un Ciné-buffet-concert :
Filmer la musique. À 18h30, Les couleurs du prisme, la mécanique du temps, en présence de la
réalisatrice, Jacqueline Caux, et à 21h L’homme
à la caméra de Dziga Vertov, en concert live avec
Philippe Le Van, David Dupeyre et Philippe Festou,
David Carion, Gérard Murphy et Gérard Guérin.
Cinéma Renoir
04 42 44 32 21
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Du 20 au 23 nov, l’Institut de l’Image à Aix fête les
200 ans de la bibliothèque Méjanes (voir p 70) et
propose un programme, Autour du livre… ; l’occasion de (re)voir Fahrenheit 451 de Truffaut,
d’après le roman d’anticipation de Ray Bradbury ;
des courts réalisés par Resnais, Moullet et Van
der Keuken ; pour les plus jeunes, Brendan et le
secret de Kells de Tomm Moore ; et pour tous Le
Destin de Youssef Chahine, magnifique fresque
sur Averroès, les arabo-andalous, la traduction et
la passation de l’écrit.
Autour du livre…
Institut de l’Image, Aix
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Le 22 nov à 20h, le cinéma Variétés et le CE de la
région PACA proposent la projection du documentaire de Luc Joulé et Sébastien Jousse, Cheminots,
en présence de Luc Joulé et de l’historien Robert
Mencherini. Un voyage au cœur de la SNCF, qui
donne la parole aux cheminots, leur permet d’exprimer leurs doutes, leurs craintes à l’heure de la
libéralisation et de l’ouverture à la concurrence.
Le 24 nov à 20h projection en avant-première d’Un
balcon sur la mer en présence de la réalisatrice
Nicole Garcia et de l’un des acteurs, Jean
Dujardin. Dans le sud de la France, Marc, agent
immobilier, marié et père de famille, rencontre
une femme dont le visage lui est familier. Il pense
reconnaître Cathy, l’amour de ses 12 ans dans
une l’Algérie de la fin de la guerre d’indépendance…
Les Variétés
04 96 11 61 61
CINÉMA 63
Cinéma Asymétrique
Les projections de Sous le signe
d’Averroès continuent dans plusieurs cinémas de la région. Le 25
nov à 20h30, Soirée Thalassa, en
ouverture des tables rondes des
Rencontres d’Averroès, au cinéma
les Variétés : Gaza, une plage sous
embargo ; Méditerranée : une mer
tropicale ? D’un littoral à l’autre : la
double vie de Benidorm. La soirée
se déroulera présence de Georges
Pernoud, producteur de Thalassa,
Titouan Lamazou, François Jacquel ,
directeur du CMCA et Thierry Fabre.
Les Variétés
04 96 11 61 61
www.rencontresaverroes.net
Le 25 nov à 20h, en partenariat avec
le cinéma Prado, l’association Cinépage propose Atlantic City de Louis
Malle avec Burt Lancaster et Susan
Sarandon.
Cinépage
04 91 85 07 17
www.cinepage.com
Le 26 nov à 20h30, à l’Alhambra,
projection d’Entre les mains en présence de Mariana Otero.
Le 12 déc de 10h à 19h, la 2e édition
de La Fabuleuse Fabrique du Cinéma propose des rencontres, des
ateliers et des animations. À 17h30
avant-première d’Une vie de Chat,
un film d’animation d’Alain Gagnol
et Jean-Loup Felicioli. Dino, un
chat, partage sa vie entre deux maisons. Le jour, il vit avec Zoé, la fillette
d’une commissaire de police, la nuit,
il escalade les toits de Paris en compagnie de Nico, un cambrioleur d’une
grande habileté…
Le 4 déc à 17h30, dans le cadre du
mois du documentaire, à l’Alhambra
Cinémarseille, projection d’Un long
cri mêlé à celui du vent en présence
de la réalisatrice, Julie Aguttes : à
Marseille, il y a ceux qui travaillent
sur le port et les autres.
Le 3 déc, dans le cadre de Laterna
Magica, Fotokino propose Chang, un
ciné-concert avec Uli Wolters aux
saxophones, percussions, objets sur
le film de Cooper et Shoedsack, les
créateurs de King Kong.
Le 23 nov à 20h30 dans le cade de la
manifestation Marseille retrouve le
Nord, projection de Bamako d’Abderrahmane Sissako en présence
d’Aminata Traoré.
Alhambra Cinémarseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
Dans le cadre de la 4e édition de 1,2,3
soleil pour les Droits de l’enfant, le
19 nov à 9h30, à la Maison de la
Région, hommage au cinéma de
Paul Carpita : Des lapins dans la
tête et La grenouille. Sera projeté
aussi Le vol des sens, film réalisé
par des enfants dans un atelier de
Peuple et Culture Marseille.
Couleur Cactus
06 98 72 29 07
couleurscactus.blog4ever.com/
Du 30 nov au 5 déc au Palais Longchamp aura lieu la 4e édition du
Festival Miroirs et Cinémas d’Afriques : plus de 25 films venus d une
douzaine de pays, des tables rondes,
une exposition d’art plastique.
Afriki Djigui Theatri
04 91 08 49 39
www.djigui.org
Les mardis de la Cinémathèque proposent, à 19h, au CRDP, le 23 nov, Au
royaume de cieux de Julien Duvivier ;
le 30, Quai des Orfèvres de Clouzot ;
le 7 déc, Le Général de la Rovere de
Rossellini et le 16 déc un cinéconcert : Flamenco de Carlos Saura
sera précédé d’un concert de
Kambiz Pakadan, guitariste flamenco
d’origine iranienne.
La Cinémathèque de Marseille
04 91 50 64 48
Du 22 au 29 nov se tiendra au Polygone étoilé la 6e Semaine
Asymétrique. Zibeline a interrogé un de ses fondateurs,
Jean-François Neplaz, dont le film Alpini vient d’être
projeté à la Friche.
Zibeline : Pourquoi ce nom ?
Jean-François Neplaz : L’asymétrie
est une figure naturelle, à l’inverse
de la symétrie ; pour marcher, il faut
un déséquilibre.
Qui organise cette semaine ?
Des collectifs issus d’Ipotesi Cinema
(une école de cinéma créée en 1982
par Ermanno Olmi, ndrl), et l’équipe
de Film Flamme à Marseille, auxquels
s’associent des cinéastes indépendants, allemands, belges et chiliens.
Cinéastes indépendants ? On n’a
plus trop l’habitude d’entendre ces
termes en France !
Effectivement, en France, le terme a
disparu après les années 80. Et le
paradoxe est que, si les collectifs
français sont menacés de disparition, on assiste à l’émergence de
nouveaux cinéastes qui ont un vrai
DÉSIR de cinéma.
Que va-t-il se passer durant cette
Semaine asymétrique ?
Comme les années précédentes on
va se rencontrer, voir des films, en
parler, parler de CINÉMA, pas seulement entre nous, avec le public
aussi. Et l’on va poser des questions
politiques : quelle place pour le cinéma des jeunes réalisateurs face au
cinéma industriel ? Qui donne les
aides aux cinéastes actuellement ?
Quand ces aides, en PACA, ont été
créées, le président Vauzelle s’était
engagé à un dialogue et à une participation des cinéastes de la région
aux commissions. C’est ce qui s’est
passé, mais au fil du temps cela n’a
plus été le cas ; les services culturels décident en s’alignant sur les
critères du CNC. Les bourses de recherche ont disparu. Dans la région
beaucoup de cinéastes font des
films ; ils en vivent… plus ou moins
bien ! Il faut qu’ils soient réintroduits
dans l’économie sociale. Nous voulons
redonner ses lettres de noblesse à
ce cinéma de création qui est aussi
important que le cinéma industriel.
Quels seront les moments forts de
cette semaine ?
Par exemple, nous allons montrer le
film que Mario Brenta a tourné ave
Karine Devillers, Calle de la pietà,
une chronique entre réel et imaginaire de la dernière journée de la vie
du Titien. Brenta n’avait plus rien
tourné depuis Barnabo delle montagne en1994 et nous avons réuni les
deux. Et bien sûr plein d’autres films.
Il n’y a pas de sélection pour la
Semaine Asymétrique. Celui qui veut
montrer son film le propose et on en
parle tous ensemble. On parle de
cinéma.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA
04 91 91 58 23
www.polygone-etoile.com
Du 8 au 21 déc, l’Institut de l’Image
propose de revoir l’œuvre délicieuse
d’Ernst Lubitsch, «Le prince de la
comédie américaine» : Trouble in
Paradise ; Design for Living avec Gary
Cooper, Fredric March, Miriam
Hopkins ; La 8e femme de Barbe
Bleue ; Ninotchka avec Greta Garbo,
présenté par Marc Cerisuelo, professeur d’Histoire et d’Esthétique du
cinéma, et le 13 déc à 20h un festival
de comédies subtiles The Shop
Around The Corner ; To Be or Not to
Be ; Le ciel peut attendre et son
dernier film, La Dame au manteau
d’hermine.
Institut de l’Image
Cité du livre, Aix
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Jean-Francois Neplaz
© Niccolo Manzolini
64
ARTS VISUELS
AU PROGRAMME
Vœux d’artistes
Vœux d’artistes est devenu au fil du temps le rendez-vous des artistes et des amateurs sensibles
à la même cause : aider les enfants en soin dans les services d’oncologie, d’hématologie,
de radiothérapie et de chirurgie infantile à La Timone. La 17e édition, parrainée par lacomédienne
Marianne Epin et le nageur Camille Lacourt, réunit 111 artistes (dont 56 nouveaux) durant 11 jours
pour la vente d’œuvres au prix unique de 111 euros.
M.G.-G.
Vœux d’artistes
du 18 au 28 novembre
Maison de l’artisanat et des métiers d’art, Marseille 1er
www.voeuxdartistes.org
© Danièle Torrent
M.G.-G.
Supervues 2010
10, 11 et 12 décembre
Hôtel Burrhus, Vaison-la-Romaine
04 90 36 00 11
www.supervues.com
Frederic Guinot presente par la Galerie Martagon © X-D.R
Chambres avec vue
L’Hôtel Burrhus affiche complet, inutile d’insister ! Sauf pour les 35 artistes exposés
dans les chambres qui ouvrent la porte aux amateurs, collectionneurs et galeries le temps
d’un week-end inattendu. Car Supervues est une mini-foire d’art contemporain intime
et conviviale qui mêle artistes et associations d’ici (Voyons Voir, Frac, Galerie du Tableau,
Videochroniques, galerieofmarseille) et d’ailleurs…
Esprit des lieux
Explorateur des faces cachées des villes des pays de l’Est ou de Chine,
Bogdan Konopka s’est immergé dans les paysages des Hautes-Alpes
à l’invitation du théâtre La Passerelle. De ses longues conversations
muettes avec les murs, une chapelle, un ancien hôtel, ce qu’il nomme
«la ville invisible», ses photographies «miniatures» réalisées
à la chambre gardent la trace, muette elle aussi et hors du temps.
M.G.-G.
Beauté mortelle, balade photographique en pays alpin
Bogdan Konopka
du 30 novembre au 8 janvier
Galerie du théâtre, La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Usine Badin, Gap © Bogdan Konopka
Bons motifs
Fruit d’une longue expérience (le peintre est né en 1935) l’œuvre de
François de Asis puise l’essentiel entre tradition et modernité : travail sur
le motif et chevalet dans le paysage méditerranéen : Sainte Victoire (au
pied de laquelle est installé son atelier), Isle-sur-La Sorgue, Italie, Grèce ;
exploration des problématiques et des marges de la figuration, profondeur,
plein/vide, blanc de la toile comme élément plastique, transparence
cherchent à structurer l’espace pictural.
C.L.
L’Arbre, la Jourdane, l’Atelier d’Aix
Peintures de François de Asis
jusqu’au 24 décembre
Galerie Vincent Bercker, Aix
04 42 21 46 84
L’Arbre, la Jourdane,
l’Atelier d’Aix,
peintures de François de Asis
© X-D.R
ARTS VISUELS
65
Détournement
Invité par le musée Gassendi à dialoguer avec ses collections permanentes pour «mieux nous
désorienter, nous déshabituer des lieux», Olivier Grossetête s’en donne à cœur joie.
À l’instar de son Bateau ivre (2003), il renverse le rapport d’échelle entre les œuvres
et leur environnement, joue avec les formes, les structures, les matières, détourne les objets,
jongle avec les mots et leur polysémie. Bref relève le défi «à main levée».
M.G.-G.
Pont flottant,
Olivier grossetete
© Olivier Grossetete
pour l'exposition
À main levée
au musée Gassendi,
Digne
À main levée
Olivier Grossetête
jusqu’au 30 novembre
Musée Gassendi, Digne-les-Bains
04 92 31 45 29
www.musee-gassendi.org
M.G.-G.
Des éléphants et des hommes
Jean-François Mutzig
jusqu’au 28 novembre
Fondation Carzou, Manosque
04 92 87 40 49
www.fondationcarzou.fr
Tribal
Des elephants et des hommes © Jean-Francois Mutzig
Pachydermique
Cela fait 20 ans que Jean-François Mutzig vise le monde à travers son objectif, plus particulièrement
l’Asie et son animal mythique, l’éléphant. Plus que sa puissance et sa monumentalité,
c’est sa relation à l’homme qu’il ausculte. Journaliste-reporter (il expose à Visa pour l’Image
à Perpignan), Jean-François Mutzig dépasse la photo animalière pour livrer des portraits
qui font de l’éléphant une «sculpture» vivante.
Fidèle à la galerie Sordini, Pierre Ribà rassemble ici un corpus d’œuvres récentes, sculptures-reliefs
totemiques à l’aspect brut, faussement fragiles, d’une extrême complexité. Le geste est celui de
l’artisan, les formes sont épurées, les tonalités sourdes et monochromes, les titres majestueux :
Reine de la nuit, Déchirure de printemps, Gueule cassée… En bronze ou en carton, ses pièces ont
«le charme primitif de la modernité».
M.G.-G.
Le Major,
Pierre Riba
© X.D-R
Œuvres récentes
Pierre Ribà
du 23 novembre au 23 décembre
Galerie Sordini, Marseille 1er
04 91 55 59 99
www.galerie-sordini.com
Maya Schweizer, photographie pour le projet d'exposition au 3bisf, Aix, 2010
Histoires de…
Réel et fictions, représentation mentale et images concrètes, confusion
et éclaircissement, fragment et reconstruction, histoire personnelle,
familiale et société, individu et thérapie sociale inspirée des travaux
de Franz Fanon en particulier travaillent la démarche de Maya Schweizer.
Photos, vidéos, dessins rendront compte de sa résidence de création in
situ et de l’atelier public.
C.L.
Présent, passé, fiction à venir
Maya Schweizer
du 25 novembre au 16 décembre
3bisf , Aix
04 42 16 17 75
www.3bisf.com
66
ARTS VISUELS
NOUVEAUX LIEUX À MARSEILLE
Où ça ?
De nouveaux lieux à Marseille !
Alors que certains ont déjà baissé le rideau
(Rlbq, Insulaire), jouent sur le fil
(Buysellf ?), ou envisagent la délocalisation
(Bonneau-Samames?) un ailleurs se crée.
Ou se réinvente…
Une première
1897. Nadar, l’emblématique maître de la photographie, installe au 77 de la
Canebière un studio, dont a hérité la famille Detaille. Jusqu’à aujourd’hui
l’établissement commercial exposait ponctuellement de la peinture. Dans
l’espoir d’une éventuelle conversion de l’atelier en musée, et tout en
poursuivant la valorisation du richissime fonds familial de Nadar, Gérard et
Hélène Detaille ont fait le pari d’ouvrir aujourd’hui une galerie indépendante
dédiée à la photographie. L’ancienne fabrique d’allumettes du quartier
Périer accueillera pour son premier évènement une sélection de 70 tirages
de Sabine Weiss couvrant la période des années parisiennes à aujourd’hui.
Cette grande figure de la photographie humaniste avec Doisneau, Isis, ou
encore Willy Ronis, sera présente lors de l’inauguration le 25 nov, à partir de
18h30. C.L.
Galerie Detaille
5-7 rue Marius Jauffret, Marseille 8e
04 91 53 43 46
www.detaille-photo.fr
Exposition inaugurale de la galerie Stammegna en cours d'accrochage © Claud Lorin/Zibeline
Anciens et Modernes
L’enseigne réputée de Marc Stammegna glisse de la rue Breteuil pour se
rapprocher du quartier des antiquaires. Dans ce nouvel espace de 500m2
entièrement rénové avec le concours de l’architecte Chantal Costamagna,
le galeriste poursuivra ses activités de vente et expertise spécialisées dans
l’École provençale et Monticelli, les bronzes (Barye, Bugatti) et objets
décoratifs. «Je veux aussi développer le département art moderne avec des
artistes comme Zao Wou-Ki, Hartung, Buffet, César qui seront présentés
dans l’exposition d’ouverture». Des valeurs sûres pour une clientèle déjà
acquise ou à conquérir installée entre les Alpilles et Nice pendant que 60%
du chiffre d’affaire de la galerie se réalise à l’étranger. L’art contemporain est
accueilli à la Fondation Monticelli (Klasen jusqu’au 19 déc). Cette année
marquera aussi une étape importante pour l’entreprise marseillaise qui
représentera en région la première maison de vente aux enchères française,
Artcurial. La galerie s’offre ainsi une visibilité agrandie à l’échelle nationale
et internationale. C.L.
Galerie Stammegna-Artcurial Associé
18-22 rue Edmond Rostand, Marseille 6e
04 91 37 46 05
www.galerie-stammegna.fr
Paris, 1952, photographie de Sabine Weiss exposee a la galerie Detaille, novembre 2010 © Sabine Weiss
Tous ensemble
Promouvoir l’art contemporain à Marseille n’étant pas une sinécure, mieux vaut jouer la carte du
collectif. Après l’expérience Vol de Nuits (Confrontation[s] 1), Mireille Batby poursuit son travail
de réflexion de croisement des genres et des pratiques collectives contemporains. Espace
d’accueil (derniers jours pour l’exposition Mélanie Terrier avec les Instants Vidéo), Grands
Terrains (Labelmarseille, m2k13, VillesAllantVers, DesignTheFutureNow) se veut un vivier de
pensée et de conception de projets implanté dans le quartier de la Plaine. Un lieu où
interviendront photo, vidéo, musique expérimentale, culture numérique, sciences, intégration des
publics amateurs et spécifiques. La saison 2010-2011 se développera sous le signe de l’Intrus.
Parmi les prochaines propositions : Anonymatx avec l’École d’art d’Aix, les Trobaïritz sur la
question de la parité, et Confrontation[s]2.
CLAUDE LORIN
Les Grands Terrains
8 rue Vian, Marseille 6e
09 54 20 15 85
http://grandsterrains.fr
Installation et objets video de Melanie Terrier aux Grands Terrains © C. Lorin/Zibeline
ART-CADE | ATELIERS DE VISU
ARTS VISUELS
67
Bord à bord
«D’un rivage, en effet, il y a toujours
un autre rivage. Une rive appelle
l’autre rive. Un bord renvoie à un autre bord»… et si cet autre bord était
le Maghreb «généralement associé
à l’immigration et à l’identité» ?
Dépassant cette vision réductrice,
Seloua Luste Boulbina a conçu
l’événement Autre bord #1 où s’entrecroisent des rêves d’ailleurs à
travers la photographie et la vidéo,
les deux vecteurs les plus pertinents
pour rendre compte de la création
contemporaine en Afrique du Nord.
Directrice de programme au Collège
international de Philosophie, la commissaire d’exposition a également
souhaité faire entendre la parole de
penseurs et d’écrivains, invités parfois au coeur des dispositifs comme
le dramaturge algérien Mohamed
Kacimi qui fit le 4 nov une lecture
piquante de L’Orient après l’Amour
(Éd. Actes Sud) sur fond de vidéo de
Kader Attia… une fois la bande son
éteinte !
Kader Attia, figure internationale
installée à Berlin, développe ici une
nouvelle série des Rochers carrés,
parallèle troublant entre le béton
des cités parisiennes et la plage de
son enfance à Alger, et une vidéo
intimiste, Couscous aftermaths, en
hommage aux femmes de son pays.
Geste rituel autour d’un couscous
improbable, où les fragments de
miroirs et les sacs poubelle remplacent la graine de couscous et les
plats traditionnels en terre…
Sur le même bord de la Méditerranée, le monde peut lui aussi
changer, et les points de vue des
artistes aussi. Mouna Karray, un
pied en France l’autre en Tunisie,
jette sur les murs abandonnés de
Sfax un regard distancié : dans un
style classique irréprochable elle
s’interroge sur les transformations
irrémédiables du paysage urbain,
les murs érigés (série Murmurer)
qui sont autant de frontières entre
les espaces de vie.
Produite pour l’occasion l’installation multimédia de Dora Dhouib,
Muslimofmydream.com, réagit à un
phénomène social nouveau : celui
du public musulman pris comme
cible de l’Internet avec l’émergence
de sites de rencontres communautaires. Déployés aux quatre coins du
monde, ils cherchent l’âme sœur,
parlent arabe, français, anglais, se
dévoilent sous le voile ou derrière une
photo volée. Ils sont tous différents.
Rochers Carres, 2009, serie photographique, courtesy Kader Attia, Sharjah Art Foundation,
galerie Christian Nagel (Berlin & Cologne)
N’est-ce pas le fondement même de
la manifestation que de souligner
toutes les subjectivités qui habitent
ces rivages ?
M.G.-G.
L’Autre bord #1, projet réalisé
avec les Rencontres Place
Publique, Les Rencontres
d’Averroès, l’École supérieure des
Beaux-arts de Marseille et l’École
d’art d’Aix-en-Provence
jusqu’au 7 décembre
Galerie des Grands Bains douches
de la Plaine et galerie Montgrand,
Marseille
Art-Cade
04 91 47 87 92
www.art-cade.org
Coup de sirocco
Accueillie en 2001 à l’Atelier de visu avec Rives, la photographe Dolorès
Marat revient avec une série récente, inédite et toujours en cours : Sirocco.
Un tour des paysages, des architectures et des hommes du pourtour méditerranéen, particulièrement des villes mythiques où le temps semble s’être
définitivement arrêté. Petra en Jordanie, Rome l’antique ou le grand désert
blanc balayés par ce vent venu de terres chaudes. Figés, les rives et les
visages sont intemporels, fixés à leur tour par un objectif que l’on imagine
discret… Dolorès Marat marche, regarde et photographie comme pour révéler l’intériorité des choses qui l’entourent : scènes insolites, fragment de
mur, traces animales. De cette mosaïque d’images furtives naissent d’apaisantes sensations, des formes évanescentes et des visions abstraites. Des
photographies couleur comme des tableaux, un paysage de Millet, les cieux
de Turner, dont le grain velouté est la marque de
Palmyre © Dolores Marat
fabrique : la photographe utilise depuis toujours,
et exclusivement, le procédé de tirage Fresson
(charbon) qui donne à ses images cette densité
étonnante. Le regard y pénètre, s’enfonce, se perd,
imagine de multiples scénarios face à une œuvre
débarrassée de toute fonction descriptive. Sirocco
n’est pas une cartographie de plus du monde
méditerranéen mais bien une restitution subjective de ses propres émotions.
Dolorès Marat sera présente à l’Atelier de visu du
28 nov au 5 déc pour animer un workshop ouvert
à tous, dans la limite des places disponibles.
Projection des travaux le 4 déc à l’issue de
l’atelier.
M.G.-G.
Sirocco
Dolorès Marat
jusqu’au 3 décembre
Atelier de visu, Marseille 6e
04 91 47 60 07
www.atelierdevisu.fr
68
ARTS VISUELS
MUSÉE ZIEM | INSTANTS VIDÉO
L’émotif du paysage
Le musée de Martigues, créé en 1908 en hommage à l’œuvre de Félix Ziem s’est constitué au fil
du temps une importante collection où se joue la
question du paysage. En contrepoint à cette
histoire de l’art (expos Ziem, les Orientalistes, les
Fauves…) le musée ouvre son champ artistique en
programmant régulièrement des artistes contemporains. En s’attachant à la période des Signes-Paysages
qu’Olivier Debré commença à la fin des années
cinquante, l’exposition rend compte de cette posture particulière de la peinture non-figurative face
au paysage (les bords de Loire, Japon…) où la sensation prévaut sur la représentation. «…Je traduis
l’émotion qui est en moi devant le paysage, mais
pas le paysage» rappelait volontiers le peintre. À
y regarder de près, plus proches du sublime que
du mysticisme de Mark Rohtko (que rencontra
Olivier Debré), certaines peintures gardent la trace
matérielle des évènements survenus lors des
séances réalisées sur le motif (sans chevalet) :
myriade d’impacts de pluie, coulures, brins d’herbe conservés tels quels par le peintre dans la
couche picturale. La réalité s’inscrit comme par
effraction douce dans ces espaces bien vite qualifiés d’abstraits où l’on pressent brumes, strates,
orages, opacité ou clarté de l’air, humidité, chaleur ou fraîcheur matinale, dissolvant sujet, objets,
motif, scène et codes picturaux pour faire apparaître un autre monde…
Olivier Debre, Rouge des Hauts, 1959 © Andre Morain
Les Signes-Paysages d’Olivier Debré
suggèrent leurs infinis sublimes
au musée Ziem. À confronter avec
la collection permanente
«Le peintre ne doit pas seulement peindre ce qu’il
voit devant lui, mais aussi ce qu’il voit en lui-même».
Olivier Debré aurait-il repris à son compte l’invitation de son prédécesseur romantique Gaspard
David Friedrich pour formaliser ce qu’il désignait
par abstraction fervente ? Une belle conférence
du regard pour aujourd’hui, où chaque espace de
la planète semble connu, car cartographié et
google-mapisé.
Autour de l’exposition plusieurs manifestations
sont à porter dans votre agenda en novembre et
décembre (voir p 92). CLAUDE LORIN
Signes-Paysages
Olivier Debré
jusqu’au 23 janvier
Musée Ziem, Martigues
04 42 41 39 60
www.ateliermuseal.net
Dépl(o)iements
La première exp(l)osition avait eu lieu l’année dernière sous le signe deleuzien. Pour la 23e édition des Instants Vidéo, Giney
Ayme ventilait six propositions dans autant de lieux marseillais
Les Instants Vidéo numériques et
poétiques se dépli(o)ent à chaque
édition tel le mycélium de l‘univers
mycologique. Du long travail en réseau souterrain émergent à la bonne
saison en maints lieux nombre de
propositions qui vont jusqu’à outrepasser l’hexagone. À Marseille le
projet (((Sur vol))) de Giney Ayme a
été conçu en six actes (le plasticienpoète est aussi performeur) qui se
répondent dans l’espace et le temps
du festival, jouent de différents
médiums - photo, vidéo, poésie,
son/musique, numérique, performance - et convoquent plusieurs
comparses - Florence Pazzottu,
Fred Dumond, Fred Griot, Philippe
Boisnard. Selon l’exigence de chaque intervention.
À partir de cet éclatement conçu
comme une règle du jeu, Giney
Ayme a tenté le double pari de
l’éparpillement et de la cohérence
(co-errance) en fondant sa réflexion
sur la découverte d’une liasse de
plans représentant la cité phocéenne. Puis pour paradoxalement
brouiller les pistes il a extrait de ces
repères géographiques des possibles conceptuels : confrontation/
mimétisme du normé et du naturel
(une écorce de platane s’intègre dans
Giney Ayme, Sur vol #1 Ecarts, vue partielle de l'exposition La Traverse,2010 © C.Lorin/Zibeline
un plan) ; extraits vidéo et photo
réinjectés d’une proposition dans
l’autre, d’un lieu à l’autre ; perspectives ramenées à des plans fixes
et mouvements de passants ; fragment littéraire (Le Premier Homme,
Camus) traité en vidéo puis comme
matière textuelle… Au final, un sentiment imparfait de fragilité, signe
(et interpellation) sous lequel étaient
placées les Rencontres d’Averroès
rejointes par ces 23e Instants Vidéo
qui avaient choisi Edouard Glissant :
«Dans le panorama actuel du monde,
une grande question est celle-ci :
comment s’ouvrir à l’autre sans se
perdre soi-même ?».
CLAUDE LORIN
(((Sur vol)))
Giney Ayme
jusqu’au 20 nov
«Ecarts», La Traverse
«Vous êtes ici», Espace Culture
www.instantsvideo.com
ARTS VISUELS 69
TOULON | MARSEILLE | TRANS-EN-PROVENCE
Marges russes
Dans le cadre des
Littorales (voir p 72),
l’Atelier Vis-à-Vis
présentait pour la
première fois en France
une passionnante
sélection de livres
d’artistes russes
Bien que soit reconnue la préséance
historique des livres futuristes italiens
et russes tel l’almanach Sadok sudej
(Bien juger) de 1910, l’influence des
œuvres d’Apollinaire et Marcel Duchamp (Olga Khan, Pogarsky/Yuran,
Evgeny Trelkov…) le livre d’artiste
contemporain en Russie constitue un
phénomène assez récent d’une vingtaine d’années dont cette exposition
nous a offert un condensé éclectique
mais bien trop succinct. Mikail Pogarsky commissaire de cette sélection
avec Viktor Lukin rappelle que bon
nombre de ces artistes sont issus des
écoles d’art et de design comme de
l’univers de la poésie. «Pour moi, le
Inquiétante étrangeté
livre d’artiste n’est pas un simple
recueil d’informations. C’est un outil
où l’artiste peut mixer différentes disciplines comme le graphisme, la
sculpture, la photo, le design, le numérique et peut faire appel à tous les
sens !». Ainsi Hôtel son livre-paquet
de cigarettes imprimées à fumer ou In
vinas veritas, bouteille de vin, papier
mâché, emboîtage bois de Valerij Orlov.
Peut-on espérer que l’initiative de Danièle Ubeda, excellente mais réduite à
quelques vitrines et deux journées,
puisse trouver dans le futur un format
d’ampleur suffisant, qui a l’avantage
d’outrepasser la thématique méditerranéenne en vogue actuellement ?
Nous reste la très documentée
publication des éditions de l’Atelier
Vis-à-Vis sur le sujet (voir p 82). C.L.
© Karen Knorr, Ledoux's Reception, courtesy galerie Les Filles du Calvaire
Les XIIIes Rencontres de l’Edition de
Création -Book Project
International/23 Artistes du Livre
Russes- ont eu lieu les 30 et 31 oct
www.ateliervisavis.com
Suzdalev © X-D.R
À Toulon, la photographie fait rage :
Florence Henri est à l’Hôtel des arts,
la Maison de la photographie offre une
carte blanche à Bernard Plossu*, le
Musée d’art déploie sur deux étages
une partie de sa collection et la série
Fables 2004-2007 de Karen Knorr.
Dans une espèce de va-et-vient entre
les débuts pictorialistes jusqu’aux expressions contemporaines, conceptuelle,
expérimentale et plasticienne. Parcourir les salles sous le «regard» de
Cartier-Bresson, Kertész, Ronis, Riboud,
Gilbert and George, Tosani et… Karen
Knorr est une expérience revigorante.
On se dit que le Musée d’art n’a pas
froid aux yeux qui fait entrer le loup
dans la bergerie ! Avec audace il intègre la photographie animalière et
«baroque» de l’artiste allemande au
sein même de son institution, ce fameux «espace de la haute culture»
dont elle perturbe les codes : a-t-on
jamais vu les salles d’apparat du Château de Chambord habitées par des
animaux empaillés ? Karen Knorr,
10 ans
de peinture
poétique
Près de Draguignan, les inondations du 15 juin
auront eu raison de la galerie Remarque installée à
Trans-en-Provence depuis 1999. «Trop de dégâts et
de lourdes pertes» qui ont fait baisser les bras de
Stéphanie Ferrat, plasticienne et poète, et de son
complice Jean-Pierre Sintive (Éditions Unes).
Noyées ou fortement endommagées les gravures,
les photographies, les lithographies, les estampes
stockées depuis toutes ces années, sans compter la
collection de 39 livres illustrés, petits tirages de 33
exemplaires numérotés, qui faisaient sa fierté… Car
© X-D.R
la galerie Remarque, unique en son genre, c’était ce
dialogue chuchoté entre un artiste plasticien et un
poète, une exposition couplée avec une édition.
Jamais l’une sans l’autre et toujours en présence
des poètes qui, le soir du vernissage, faisaient
résonner leurs propres mots couchés sur Vélin
d’Arches. Une «rencontre intime» entre l’art
fascinée par la taxidermie, place ses
volatiles et ses gibiers dans un décorum ostentatoire, entourés de meubles,
d’objets et de tentures précieux, comme s’il s’agissait de portraits officiels.
Dans ses tirages impressionnants
(122 x 152 cm), d’une qualité technique
parfaite, elle révèle le moindre détail
d’une dorure, d’un tableau (dans le
tableau), d’une broderie, d’un plumage. Et écorne au passage les rapports
de l’homme à l’animal quand elle l’introduit dans l’espace romantique de
lieux habituellement protégés de sa
profanation ! Mais ne sommes-nous
pas dans un musée, là, à regarder un
blaireau hargneux nous montrer les
dents ?
M.G.-G.
(*) à l’occasion de son exposition Berlin
au Centre d’art Le Moulin à La Valette
jusqu’au 16 janvier 2011
Musée d’art, Toulon
04 94 36 81 01
www.toulon.com
contemporain et l’écriture dont le dernier rendezvous aura été celui de Gilles du Bouchet avec D’une
obscurité, l’éclaircie de Pierre-Yves Soucy. Un titre
prémonitoire qui pourrait laisser espérer une
résurrection… Mais faute de lieu, Stéphanie Ferrat
et Jean-Pierre Sintive s’interrogent sur la poursuite
de l’aventure éditoriale : «A-t-elle encore du
sens ?»…
L’éclaircie viendra peut-être de la présence de la
galerie - en tant qu’éditeur éclairé - dans les salons
d’ici et d’ailleurs : après En matière de livres à la
Ferme des Arts à Vaison-la-Romaine, le Marché de
la poésie de Paris l’invite cet automne à bras ouverts
et organise des «lectures solidaires» auxquelles les
artistes, fidèles compagnons, ont déjà répondu
présent.
M.G.-G.
www.galerieremarque.blogspot.com
70
LIVRES
RENCONTRES
La mer blanche
Malmené par les intempéries de juin, le déroulement
du Prix des lecteurs du Var aura connu quelques
soubresauts mais sera néanmoins décerné lors de la
Fête du livre de Toulon dont il est l’un des momentsclefs (19, 20, 21 nov). Après une préselection de sept
ouvrages, seul le jury présidé par Elias Khoury a fait
son choix en tentant de se mettre dans la peau du
lecteur non professionnel. Celui habituellement drainé
par la médiathèque départementale de Draguignan,
fortement endommagée (plus de 120 000 ouvrages
détruits), n’étant plus en mesure de fonctionner…
Sept romans donc, qui illustrent la richesse de la littérature méditerranéenne contemporaine dont la Fête
du livre fait entendre la voix. Ou plutôt les voix car le
programme affiche - en dehors de la présence de 350
auteurs sur les stands des éditeurs et libraires - un
calendrier serré de rencontres et débats. Avec l’auteur
libanais chrétien Elias Khoury dont l’œuvre sera présentée le 19 nov au Théâtre Comedia par Thierry
Fabre (Les Rencontres d’Averroès) et lue par le comédien Charles Berling, accompagné par le violoniste
Amy Flammer. Elias Khoury visiblement ému de
présider ce jury quand il sait «combien il est difficile
d’écrire un beau roman» et qui a découvert «qu’il y a,
autour de la mer blanche, un genre commun, un espoir
de communication». Avec l’Italienne Anna Luisa Pignatelli, lauréate du Prix des lecteurs du Var 2010
pour Noir toscan, dont la comédienne Anne Alvaro
lira quelques extraits sur scène le 20 nov.
Témoignages et débats animeront le chapiteau, déjà
bruissant des 50000 visiteurs attendus chaque année,
autour des conditions d’exercice des métiers du livre
ou de la place du livre et de l’édition de part et d’autre
Elias Khoury (chemise blanche), president du jury du Prix des lecteurs du Var © X-D.R
de la Méditerranée. Professionnels, journalistes et
écrivains de Tunisie, du Liban, d’Italie, d’Algérie et de
France évoqueront ensemble la littérature et l’écriture
(formes communes ? lieux communs ? spécificités et
différences) tandis que Théo Klein et Ahmed Youssef
présenteront leur ouvrage Conversation aux sources du
conflit Israélo-Arabe.
À côté des adultes en grande conversation, les enfants
assisteront à des concerts, écouteront des contes et
participeront à des ateliers d’écriture sur un thème
pacificateur : «Mers et terres en méditerranée, horizons
de partage».
M.G.-G.
Fête du livre de Toulon
www.fetedulivreduvar.com
Le Phénix des Allumettes
Le 16 novembre, la Méjanes aura
atteint l’âge vénérable de 200 ans ! Un
bicentenaire qui est fêté avec moult événements du 16 au 21 nov, voire plus
longtemps pour les expositions.
Après d’indispensables travaux réalisés
cet été, la bibliothèque revêt ses atours
et ressort ses fonds pour proposer, notamment, une exposition de «quelques
pépites d’un trésor comptant plus de
200 000 livres et manuscrits», inestimables chefs-d’œuvre. Accueillis dans
l’ancienne salle de lecture de la bibliothèque (l’actuelle salle Pavillon de l’Hôtel
de ville), l’exposition comprend donc
des pièces historiques, des ex-libris de
grands donateurs, des manuscrits plus
modernes de Zola, Cézanne… à voir
jusqu’au 30 déc.
D’autres expos (du 20 nov au 30 déc)
complètent l’histoire du lieu : des photos de Marie-Pierre Florenson sur les
lecteurs et les lieux, Des visages et des
livres ; des documents d’époque sur
l’usine d’allumettes et sa fameuse cheminée ; des documents rares et précieux
issus des collections de la Méjanes sur
de grands moments de l’art lyrique ;
une évocation d’Albert Camus, une
autre de Saint-John Perse…
Durant le week-end, des ateliers met-
Exposition Des visages et des livres, La Mejane © MP.Florenson
tent en avant les coulisses du livre, la
calligraphie (avec Henri Mérou), la
pâte à papier et l’écriture sur de vieilles
machines ; de courts spectacles animent
différemment le lieu : la Cie Grand Bal
et ses Haïkus chorégraphiques, le jazz
funk des Accoules Sax, la Cie La Rumeur et son Piano voyageur. Et aussi
des conférences, des jeux, la création
d’un timbre à l’effigie de la Méjanes, la
publication d’un abécédaire, 200 ans en
26 lettres, de A comme Allumettes à Z
comme Zut, ça ferme… Un feu
nouveau ?
DO.M.
Bicentenaire de la Méjanes
Du 16 au 21 nov
Bibliothèque Méjanes, Cité du Livre,
Aix
04 42 91 98 88
www.citedulivre-aix.com
Un salon à Marseille
Zibeline avait posé sur la première édition
d’Écrimed un regard dubitatif : se présentant comme un événement sans précédent
alors que les écrivains invités étaient passés
peu ou prou dans des rencontres littéraires
de la région, entamant des partenariats
avec des médias peu littéraires et tenant
conférence dans un hôtel de luxe la manifestation s’annonçait mal… mais s’était
plutôt bien déroulée, drainant du monde,
et occasionnant quelques tables rondes intéressantes.
La deuxième édition repose sur la présence de quelques grands écrivains : aux
côtés de Tahar Ben Jelloun et Amin
Maalouf on trouvera Boualem Sansal,
Maria Efstathiadi, Robert Sole, Gonzalo Tavares, Michel del Castillo,
Joumana Hadad, Jacques Ferrandez…
bref des romanciers incontournables, et
quelques poètes, dramaturges et essayistes
représentant chacun un des pays du
pourtour méditerranéen. Les échanges se
déroulent en journée, durant le week-end,
dans le cadre des Docks de la Joliette
puisqu’ils sont parrainés par Euroméditerranée. Les quatre tables rondes
autour de problématiques allant de l’usage
de la langue française à la littérature comme vecteur de paix sont complétées par
des cafés littéraires plus intimes, autour
d’une œuvre, des contes pour enfants,
une exposition photographique d’Olivier
Monge.
L’édition s’annonce riche donc, mais continue de se tenir en même temps que les
Tables Rondes d’Averroès (voir p 4 et 5),
et à quelques jours du grand Salon du
Livre de Toulon (voir ci-contre) consacré… aux écritures méditerranéennes.
Guy Teissier dans son éditorial se réjouit
«qu’Euroméditerranée parraine aujourd’hui le grand évènement littéraire qui
manquait encore à Marseille». Le succès
répété des Littorales par exemple (voir p
72) devrait inciter les organisateurs à
mesurer leur enthousiasme, afin qu’il reste
fécond.
AGNÈS FRESCHEL
Écrimed
Les 27 et 28 nov de 10h à 18h
Docks de la Joliette
www.salonecrimed.fr
Tahar Ben Jelloun, Guy Teissier,
Daniel Hermann Pierre Assouline
seront presents a Ecrimed 2010
© X-D.R
Zibeline a du Prix !
Vous trouverez dans ces pages, les éditions précédentes et l’édition suivante des critiques
des divers prix littéraires 2010. Nous vous les re-recommandons, ainsi que bien d’autres
qui n’ont pas été couronnés…
Prix Goncourt : Michel Houellebecq La carte et le territoire Flammarion. Zib’ 35
Goncourt des Lycéens : Mathias Énard Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants Actes Sud.
Zib’ 34
Prix Renaudot : Virginie Despentes Apocalypse bébé Grasset. Zib’ 35
Prix Renaudot Poche : Fabrice Humbert L’origine de la violence Livre de Poche. Zib’ 35
Prix France Télévisions : Jérôme Ferrari Où j’ai laissé mon âme Actes Sud. Zib’ 34
Prix de l’Académie Française : Eric Faye Nagasaki Stock. Zib’ 36
Prix Médicis : Maylis de Kerangal Naissance d’un pont Verticales. Zib’ 33
Prix Médicis Étranger : David Vann Sukkwan Island Gallmeister. Zib’ 31
Prix Femina : Patrick Lapeyre La vie est brève et le désir sans fin POL. Zib’ 33
Prix Drouot : Minh Tran Huy La double vie d’Anna Song Actes Sud. Zib’ 22
Prix des Droits de l’Homme, Prix Joseph Kessel: Florence Aubenas Le quai de Ouistreham
L’Olivier. Zib’ 29
Prix Roland Bonelli : Vincent Borel Antoine et Isabelle Sabine Wespieser. Zib’ 36
Prix du Livre du Tourisme : Encyclopédie du Littoral, Les rivages du Conservatoire Actes Sud. Zib’
32
Prix des Lectrices de Elle : Véronique Ovaldé Ce que je sais de Vera Candida L’Olivier. Zib’ 23
Prix des Librairies Initiales, Prix des Libraires : Laurent Mauvignier Des hommes Minuit. Zib’
24
Prix RTL - Lire : Kim Thuy Ru Liana Levi. Zib’ 34
Prix France Culture - Télérama : Elisabeth Filhol La Centrale POL. Zib’ 29
Vous pouvez télécharger nos éditions antérieures sur le site www.journalzibeline.fr
72
LIVRES
RENCONTRES
Les Littorales 2010 © Juliette Luck
Littoralement autres
Malgré les intempéries exceptionnelles, malgré les vacances, la date imposée et pas forcément idéale, la 3e
édition des Littorales a permis l’émergence, au cœur
de Marseille, d’un festival littéraire ambitieux. Destinées à donner toute leur place aux libraires dans la
réflexion sur le monde et la société, ces nouvelles Littorales, se sont «musclées» comme l’a déclaré Molly
Fournel, présidente de l’association Libraires à Marseille. Musclées, mais pas alourdies. Pour le plus grand
plaisir des amateurs d’une littérature de qualité et de
débats vivants.
Une ambition affichée
Le rendez-vous annuel des libraires marseillais et de
leurs lecteurs se démarque des traditionnels salons du
livre qui se bornent souvent à organiser quelques rencontres dédicaces et à donner succinctement la parole
aux auteurs invités, dans un brouhaha lassant. Bien
sûr, les Littorales proposent elles aussi des stands, le
weekend sous chapiteaux, où les écrivains peuvent
dialoguer avec leurs lecteurs et signer leurs ouvrages,
où les libraires orientent, conseillent. Un espace
commercial indispensable au soutien des librairies
indépendantes. Et plaisant car riche de rencontres
personnelles. Mais c’est loin d’être tout ! Cette année
tout particulièrement.
Le choix d’une thématique n’est pas étranger à l’évolution du festival vers une réflexion approfondie sur la
littérature contemporaine, romanesque en particulier.
Moi, et les autres, un thème suffisamment large pour
favoriser la diversité des approches, et en même temps
une ossature qui tient la manifestation, lui confère une
unité.
La journée de réflexion organisée le 29 oct à la BMVR
Alcazar, une des nouveautés de cette édition, a ainsi
permis de cerner un certain nombre de notions ou de
mettre en perspective les formes et tendances du
roman d’aujourd’hui, que les rencontres des jours
suivants ont illustrées.
Nouvelles écritures du réel
Moi, les autres et le roman
L’intervention inaugurale de Dominique Viart a magistralement tordu le cou au cliché tenace d’une
littérature française autofictionnelle et nombriliste.
Dans une allocution brillante, car érudite mais
limpide, l’universitaire, spécialiste entre autres de
Pierre Michon et de François Bon, coauteur de l’anthologie La littérature française au présent, a replacé
œuvres et tendances dans leur contexte, insistant en
particulier sur le tournant des années 80 et la fin de ce
qu’il est convenu d’appeler «les 30 glorieuses» ; c’est
cette mutation socio-économique qui a, selon lui,
remis le réel et la société au centre de l’écriture romanesque, d’une manière évidemment très différente de
celle des grands romans du XIXe siècle. On assiste ainsi
au grand retour de livres sur le monde du travail, qui
alertent sur ses dérives langagières et révèlent une
attention renouvelée des romanciers au quotidien et
au collectif. La vulgarisation de la psychanalyse ayant
d’autre part conduit à une sorte d’ «impossibilité autobiographique» (du moins sous la forme traditionnelle),
il a fallu «chercher d’autres voies pour se saisir soimême», d’où l’émergence de plusieurs types de récits
où le moi se cherche à travers autrui : récits de filiation
(La place d’Ernaux, Les vies minuscules de Michon,
Lambeaux de Juliet…) fictions biographiques ou relecture fictionnalisée de faits divers comme l’affaire
Romand dans L’Adversaire d’Em-manuel Carrère…
il s’agit toujours de «se projeter dans la vie d’un autre
pour se connaître soi-même». C’est «dans l’entrelacs
du moi et des autres qu’apparaît la figure intéressante».
Et dans la position interrogative, sur soi, sur les autres,
sur le monde, que se place la littérature. Rien à voir donc
avec une quelconque posture nombriliste… Une remarquable conférence qui n’a hélas été suivie que par
un public clairsemé. Jour de travail pour les uns,
congés de la Toussaint pour les autres. Dommage, elle
donnait des clés pour les rencontres à suivre et une
vraie cohérence à l’ensemble.
Ouverture au cinéma, clôture en BD, soirée musicale
tzigane, l’exploration des liens entre l’intime et le collectif a dépassé le champ de la seule littérature. Celle-ci
est pourtant restée au cœur des débats. Et du Jeudi du
Comptoir, proposé au gourmand Thé dans l’encrier,
au Comptoir littéraire établi cette année dans l’ambiance élégante de La Bo[a]te, il a été question du
roman actuel au-delà du thème choisi pour la présente
édition.
Statut du personnage, hybridation du genre, engagement de l’écrivain et surtout, surtout, importance de
la forme. Maylis de Kérangal, qui vient de recevoir le
Prix Medicis, a parlé de «saisie», de «captation du réel»,
évoqué l’enjeu de la description qui fait avancer le récit
et de son travail à bras le corps sur la matière des mots.
Vincent Engel a rappelé la formule de Ricoeur selon
laquelle le roman opère «une mise en forme du temps»
et insisté sur le peu d’intérêt de la narration anecdotique. Qu’ils donnent la parole à un singe comme
Tristan Garcia ou à un chœur de salariés comme
Nathalie Kuperman, qu’ils recherchent, à la manière
de Soazig Aaron, une écriture proche de la voix, les
écrivains invités aux Littorales ont rendu palpable leur
métier de travailleurs des mots et leur passion pour
une littérature active, non retranchée. Ils ont permis
aussi de mesurer le regain de vitalité d’un genre un
peu vite enterré en France !
FRED ROBERT
La 3e édition des Littorales
a eu lieu à Marseille du 27 au 31 oct.
Les romans évoqués sont chroniqués
dans le Zib’ 34 ou dans les pages suivantes
Escales, le retour
© X-D.R
Les Escales en Librairie ont repris !
L’opération, financée par le Conseil général 13 et destinée à soutenir la librairie
indépendante, offre aux lecteurs du département des rencontres régulières,
dans et hors Marseille. En octobre, c’est
le Mexicain David Toscana qui était
accueilli, dans le cadre également des
Belles Latinas et en avant-première de
2011, année du Mexique en France.
Toscana n’est pas inconnu : invité à la 2e
édition du festival CoLibris en 2009, il
y avait présenté son premier roman traduit en français, El ultimo lector. Cette
édition française, il l’avait «gagnée» en
tant que lauréat du prix Antonin Artaud, que notre partenaire le libraire et
éditeur marseillais Jacques Aubergy a créé au Mexique sur le modèle des prix
littéraires français. Pour cette première Escale de la saison, le romancier présentait
son 2e ouvrage traduit, Un train pour Tula (voir p 76). Ce roman, comme le
précédent, est un hommage plein de clins d’œil à la littérature classique, le
Quichotte de Cervantes en tête. Dans la lignée de l’auteur espagnol, dans celle aussi
des grands Sud-Américains, Borges, Cortazar, Toscana propose, dans cette histoire
qui s’enchevêtre toute seule (car où est la vérité ?), une réflexion sur la fiction. Un
jeu également puisque, a-t-il déclaré, «c’est au lecteur de jouer avec le roman», afin
que celui-ci ne soit pas seulement un récit mais une authentique «expérience». Car,
selon Toscana, on ne lit pas des romans pour s’évader mais au contraire «pour
s’immerger totalement dans la vie réelle». Vaste programme…
FRED ROBERT
David Toscana a été reçu
le 13 oct au Cercle Rouge.
La rencontre était organisée par
l’association Libraires à Marseille
et la librairie L’Écailler.
À lire : El ultimo lector
et Un train pour Tula,
tous deux édités chez Zulma
Écrire à La Marelle
Il faut laisser son véhicule sur le parking devant la Cartonnerie, s’éloigner des
studios, du skatepark, emprunter un escalier entre deux palissades, tout près de la
voie ferrée, et voilà, on y est. L’ancienne villa du directeur général de la Seita, une
belle maison de maître un peu décatie, ne se contentera plus désormais de regarder
passer les trains. Elle reprend du service pour la promotion de la littérature
contemporaine. Initié par Jean-Claude Izzo, soutenu par Philippe Foulquié, le
projet n’est pas nouveau, et la Villa a déjà accueilli écrivains et troupes de passage.
Mais aujourd’hui La Marelle a l’ambition de devenir LE lieu des projets d’auteurs.
Au rez-de-chaussée, de part et d’autre du vestibule, les bureaux des Éditions du Bec
en l’air et ceux de l’Association Des Auteurs Aux Lecteurs (ADAAL) ; à l’étage,
un grand appartement qui pourra facilement héberger un ou plusieurs écrivains.
Dans un tel espace, inscrit dans l’hyper centre marseillais et au cœur du bouillonnement culturel de La Friche, place donc à l’écriture, mais aussi aux rencontres
avec les habitants, les lec© X-D.R
teurs, et les différentes
disciplines. Ne reste qu’à
arranger encore un peu les
lieux et dès le 1er trimestre
2011, La Marelle accueillera son premier invité,
François Beaune, actuellement en résidence à
Manosque (voir Zib’34).
À suivre…
FRED ROBERT
74
LIVRES
LITTÉRATURE
Les fées
Dans le vaste conte de la vie, les fées distribuent inégalement leurs bienfaits. Les protagonistes du nouveau
roman de Marie-Sabine Roger, Vivement l’avenir, ont
été singulièrement oubliés. Elles ne se sont certainement pas posées sur le berceau de Roswell, en fait
Gérard, handicapé, d’une laideur presque parfaite…
D’ailleurs si l’on s’indigne de l’abandon des chiens lors
des vacances, on imagine sans peine l’oublier le temps
d’une escapade… Les autres personnages, moins marqués physiquement, sont aussi en marge, sur des voies
sans issue… Monde terne, où l’avenir semble improbable et gris, une manière de CCD perpétuel où rien
ne tient. Monde dérisoire et absurde dans lequel on
peut essayer de combler un canal avec des cannettes de
bière, où l’on s’enlise dans la boue des jours… Et puis,
il y a le récit, double, voix de Cédric qui accumule les
échecs, et d’Alex, trentenaire androgyne, aux allures
d’ado, personnage attachant avec sa vision généreuse
du monde, ses images, sa capacité d’écoute… Il y a
aussi le style de M-S. Roger, son sens de la formule,
son ton juste épousant avec délicatesse les propos des
héros. Le lecteur se laisse emporter avec bonheur dans
cette fable pétrie d’humanité ; la fin tient du conte, on
n’en est pas dupe, mais on en est reconnaissants à
l’auteur qui refuse d’enfermer ses protagonistes de
même que ses lecteurs dans un monde où la noirceur
triompherait. Mais en rien mièvre.
MARYVONNE COLOMBANI
Vivement l’avenir
Marie-Sabine Roger
Éd. Du Rouergue, Coll. La brune, 19 euros
Puzzle polyphonique
C’est l’histoire de Jean, 33 ans et quelques médailles,
qui rentre du front en 1919, assailli de cauchemars
terribles dans lesquels il revit les circonstances de la
mort de Charles, son compagnon de guerre. C’est
l’étonnante histoire d’amour de Jean et d’Amandine à
laquelle il a appris à marcher quand il avait 11 ans et
qu’elle n’était qu’un bébé ; séduit, il avait décidé qu’il
l’épouserait quand elle aurait l’âge. C’est aussi l’histoire
du frère cadet, de ses enfants, des terres, et des familles
anéanties par les ravages des 2 guerres. Et surtout un
récit qui se développe sans chronologie linéaire en plusieurs voix, parenthèses imbriquées qui s’enchevètrent…
Une véritable polyphonie qui séduit par ses phrases
amples qui laissent parfois sans souffle. Une petite
anonyme interroge Amandine et recueille peu à peu
l’histoire de Jean en même temps qu’elle fait l’ap-
Second Life
Journaliste et romancière, Rosa Montero signe «une
fable pour adultes» qui laisse dans son sillage un sentiment de malaise mêlé à de l’embarras. Instructions pour
sauver le monde -tout un programme !- nous égare tant
l’auteur inventorie les sentiments et liste les événements avec d’infinis détails réalistes, moult descriptions
méticuleuses et autres énumérations minutieuses. Sur
fond d’histoires étranges, de rencontres hasardeuses et
de coïncidences tirées par les cheveux, le récit vagabonde, s’éparpille. Sa structure épouse la pratique
journalistique (dans l’accumulation des données) et la
construction romanesque (dans la mise en place des
scènes et le rythme des dialogues) sans jamais prendre
corps et émouvoir. À de trop rares occasions, on aurait
aimé s’attacher aux héros… à Daniel, médecin
désenchanté qui croit à sa renaissance via le jeu vidéo
Second Life ; à Mathias, taxi noctambule depuis le
décès de sa femme et cœur généreux ; à Cerveau la
vieille scientifique alcoolique ; à Fatma la jeune
prostituée africaine. Leur solitude désespérée occupe
tout l’espace de ce «conte philosophique» dixit les
prentissage des mots. Puis l‘adulte qu’elle est devenue
se désigne «écrivain» et recueille les récits de la veuve de
Charles après ceux d’Amandine. L’écrivain parle de la
petite à la 3ème personne, se livrant à une sorte de dédoublement, tandis que l’auteure, Soazig Aaron,
s’intéresse à la transmission de la transmission: comment devient-on écrivain ? Loin d’être dérouté le
lecteur suit avec délectation les détours, les chemins
de traverse et même les impasses du récit. Et l’on se
plaît à reconstituer le puzzle.
CHRIS BOURGUE
La sentinelle tranquille sous la lune
Soazig Aaron
Éd. Gallimard, 18,90 euros
éditions Métailié. Sauf qu’en refermant le livre, on se
demande en quoi il est philosophique.
Rosa Montero prend tout son temps pour dessiner ses
personnages, décrire leurs vies, décortiquer leurs
angoisses, leurs doutes, le lecteur sachant par avance
qu’ils finiront bien par se croiser et que là, vraiment,
commencera le roman. Mais on est déjà bien las, et
l’écriture nourrie d’expressions toutes faites ne facilite
pas sa digestion : «C’était le seul fil dont il disposait pour
dévider l’écheveau emmêlé de son esprit»… Quant au
titre, il reste une énigme, à moins de nous projeter à
notre tour dans Second Life ?
M.G.-G.
Instructions pour sauver le monde
Rosa Montero
Éd. Métailié, 20 €
L’ouvrage a été sélectionné pour le Prix des lecteurs
du Var 2010 qui sera décerné à la Fête du livre
de Toulon (voir page 70)
LIVRES
75
Une autobio de trop ?
Un récit d’enfance, au cœur du mai 68 parisien…
Claude Arnaud livre avec Qu’as-tu fait de tes frères ? un
roman qui est à peine une fiction, tant il est nourri
directement de son expérience. L’enfance puis les
premières années d’une jeunesse mouvementée sont
exposées sur le ton du témoignage, et on y rencontre
de beaux personnages, en particulier ses frères aînés
emportés par l’air du temps. Les relations fraternelles,
l’ambiance familiale, puis le contexte historique, en
Corse pendant l’enfance, puis à la Sorbonne et dans
divers milieux gauchistes en mai et après, dessinent un
décor qui pourrait être passionnant, si la structure du
roman était un peu plus travaillée : les digressions n’en
finissent pas, les considérations générales à l’emporte
pièce succèdent à des confessions crues mal amenées,
et le livre est sans véritable vision politique, sinon la
pratique du remords distancié. L’anorexie, la drogue,
le militantisme, la bisexualité, la mort de la mère,
l’autoritarisme du père, tout est effleuré sans qu’on
comprenne jamais comment le narrateur fonctionne,
même si lui seul parle. Quant à l’écriture, qui ménage
des passages bien tournés, elle est visiblement mal
relue : il y a même des coquilles, voire des fautes, une
porte qu’on ouvre «grande», des solécismes. Étrange
chez Grasset…
AGNÈS FRESCHEL
Qu’as-tu fait de tes frères ?
Claude Arnaud
Éd. Grasset, 19 euros
Bosnie : avant et après
Velibor Colic, invité cette année aux Littorales, est né
et a grandi quelque part au milieu des montagnes de
Yougoslavie. Avant le désastre qui a assassiné sa ville, a
mis un «ex» devant le nom de son pays, l’a fait soldat,
déserteur, et réfugié. Son dernier roman, et son
deuxième en français, évoque cet «avant» avec une
gravité espiègle et poignante. Dans une forme à la fois
fragmentaire et fluide, le récit autobiographique réunit
des instantanés de vie, portraits, saynètes et anecdotes
qui retracent la jeunesse de l’auteur, jusqu’au seuil de
l’âge adulte et de la guerre. L’école et le foot, les
copains et les villageois aux surnoms savoureux, les
portraits de famille, les premières filles, le présage
sinistre du service militaire. C’est hilarant et tendre
comme un petit Nicolas qui aurait grandi dans un
monde multiethnique, fait des rapiècements de
l’Histoire, où l’instituteur est monténégrin, le
boulanger juif, l’épicier albanais, et où il n’y a pas
encore à choisir entre Jésus et Tito, entre le
catholicisme païen des mères et le communisme
patriotique du père . Car l’Histoire, la religion, la
dictature, avant de montrer leurs vrais visages,
s’accumulent par bribes dans les yeux de l’enfant en
autant de vignettes kitsch qu’il aurait réunies dans une
tragique et burlesque collection de paninis.
Alexander Hémon est bosniaque aussi, réfugié aux
Etats-Unis, où il se trouvait lorsque la guerre a éclaté.
Le projet Lazarus entrecroise avec un art brillant du
montage et un humour noir décapant deux récits
symétriques d’extermination et d’émigration, à la
confluence de la fiction, du fait divers et de
l’expérience autobiographique. Lazare Averbuch,
jeune juif ukrainien, fuit en 1903 les pogroms de
Kichinev et émigre à Chicago, où il se fait abattre par
le chef de la police locale, qui l’accuse d’agitation
anarchiste. Un siècle plus tard, Vladimir Brik, écrivain
bosniaque émigré à Chicago, traverse les Balkans pour
ressusciter Lazare par l’écriture de sa vie, tout en
remontant vers son propre passé. Il est accompagné
de Rora, jeune photographe bosniaque musulman,
personnage énigmatique et hâbleur, qui lui raconte le
siège de Sarajevo, ses massacres et ses crapuleries. Les
destins croisés de ces personnages construisent une
réflexion distancée, ironique et sombre sur les
répétitions terribles du XXe siècle, et le déracinement
de ceux qui les ont traversées.
Voilà donc deux livres magnifiques, qui se lisent en
miroir : deux auteurs qui ont choisi d’écrire dans leur
langue d’adoption, qui tressent leur histoire
personnelle et l’Histoire, quand la vie sans amarre de
l’expatrié à la recherche d’une
origine perdue gravite autour du
point obscur de la guerre et de
l’impensable horreur, dans son avant
et dans son après. Deux romans
dans lesquels la logique absurde de
l’Histoire construit et défait les vies,
et où l’humour est l’élégance de la
douleur.
AUDE FANLO
Jésus et Tito
Velibor Colic
Gaïa éditions,
17 euros
Le projet
Lazarus
Aleksandar
Hémon
Éd. Robert
Laffont,
22 euros
76
LIVRES
LITTÉRATURE
Extinction du domaine de la lutte
Plus vrai que, aussi vrai que, trop vrai pour… Le
roman d’entreprise est en passe de devenir un
genre, avec sa machine à café et ses gobelets brûlants,
ses délégués syndicaux, son DRH menaçant et
lointain, sa restructuration sans plan social, son
méchant repreneur et ses employés dubitatifs, blessés,
plutôt boule au ventre que poing levé. Malgré son titre
un peu lourdaud le dernier roman de Nathalie
Kuperman fait mouche et tisse une chronique de
l’horreur (même pas, juste un peu) économique, à
peine une tragédie malgré le chœur et les
protagonistes, loin des grands soirs et des matins qui
chantent ; un opéra de chambre peut-être : prélude
silencieux, montée des périls et des voix en trois volets,
efficace dramaturgie de la catastrophe : Menace /
Dérèglement / Trahison. Juste un sale moment vu de
l’intérieur d’un groupe de presse-jeunesse, un weekend, une conscience après l’autre ; déménagement,
management, rachat, restructuration ...
Ces mots pourraient «claquer comme un coup de
révolver au milieu d’un concert» si l’auteur pour faire
mentir Stendhal n’avait su façonner ses personnages
avec l’air du temps de manière strictement nécessaire:
fragilité, failles, contradictions, peurs intimes,
inconscients malmenés essentiellement liés à ce
présent-là. Agathe Rougier et ses concours de poupées,
Muriel au double patronyme et Ariane Stein la mal
partie «je ne bougerai pas !» qui déroulera pourtant le
fil de la traitrise… Des individus et une fonction
(Direction Générale) moteur de la fiction : ambition
et indignité, sursaut de conscience ou plongée «dans
les eaux glacées du calcul égoïste»; un roman vrai porté
par une langue rythmée, vive, précise, sensible à l’écho
sonore, que l’on se surprend à murmurer. Réalisme
pas mort !
MARIE-JO DHO
Machine infernale
Le nouveau roman de Fabrice Humbert, auteur
remarqué de L’origine de la violence paru en 2009,
s’inscrit dans le registre tragique. Tragique le titre, La
fortune de Sila ; car si des fortunes se jouent, se gagnent
et se perdent dans ce roman de la globalisation et de
la «financiarisation» du monde, en ce qui concerne
Sila, l’Africain émigré devenu serveur à Paris puis
maître d’hôtel à Miami, le mot est à prendre dans son
sens originel de «destinée». Tragique aussi le prologue
d’où tout le livre découle : dans un grand restaurant
parisien, un serveur noir se fait fracasser le nez par un
riche client américain pour avoir rappelé à l’ordre son
jeune fils qui gênait le service. Ce geste violent initial
et surtout l’absence de réaction des témoins de la scène
auront des répercussions inéluctables sur tous les
protagonistes que le roman va suivre : le couple
d’oligarques russes, la famille américaine, les deux
traders français, le serveur agressé. Dès cette scène
Et Tula?
Roman fantôme qui s’ouvre sobrement par «Un
ouragan balaya la ville» et reste béant à l’infini sur un
dernier mot au bord du gouffre, Un train pour Tula a
de quoi piquer la curiosité, exciter les papilles et faire
clignoter les yeux : c’est du Mexicain ! ay ! et David
Toscana connaît sur le bout des doigts son nécessaire
bréviaire latino. Tout y est conforme à ce qu’un lecteur
averti attend d’un auteur nourri de Garcia Marquès
et Borgès : une ville disparue mystérieusement au 12e
siècle ressuscitée pour les besoins de la chronique
hilarante d’une modernité déréglée et bancale ; un
vieux sans âge, Juan Capistran le bien nommé, qui
raconte sa vie à un magnétophone et à un narrateur,
arrière-petit-fils désigné dont le roman s’écrit sans
véritable maîtrise, comme à son insu.
Les personnages et les situations s’engendrent les uns
les autres dans une mise en abyme pas très légère («hé
bien voilà ce que je vais écrire, ai-je dit...»). Les récits se
inaugurale, métaphore du monde actuel, la
mécanique est en place, prête à dérouler son fatal
compte à rebours jusqu’aux déflagrations finales.
Tragiques enfin les personnages soumis à ce destin.
Pourtant, on est loin de l’emphase ou du pathétique.
Humbert porte un regard des plus neutres sur les gens
et les événements qu’il décrit. Dans un style qu’il
souhaite «invisible», il consigne la violence et le
cynisme de ce monde. Effet glaçant garanti.
FRED ROBERT
La fortune de Sila
Fabrice Humbert
Éd. Le Passage, 18 euros
F. Humbert et M. de Kerangal étaient les invités du
Jeudi du Comptoir spécial Littorales au Thé dans
l’encrier, sur le Cours Julien à Marseille.
trouent, s’interpénètrent (le viol est bien sûr fondateur
!) avec contamination identitaire («Il ne voulait plus
devenir Juan alors que moi j’étais en train de le devenir»).
Une quête bien traditionnelle, non pas de Dulcinée
mais de Carmen, nom même de l’amour impossible,
se déroule dans un dispositif d’écriture ruban de
Möbius encombré de fausses pistes, d’échos et de
miroirs, qui lassent assez vite malgré des figures
vigoureuses comme le père Nicanor prêtre-assassin ou
Fernanda la matriarche. La virtuosité fragmentée
n’assure finalement pas le vertige espéré… Quant à
aimer Carmen, c’est une autre histoire!
MARIE-JO DHO
Un train pour Tula
David Toscana
Traduit par François Michel Durazzo
Éd. Zulma, 19,50 euros
Nous étions des êtres vivants
Nathalie Kuperman
NRF /Gallimard, 16,90 euros
LIVRES
77
Des prix pour les maudits
Signe de leurs concessions à des sujets plus
consensuels, de leur ralliement au conformisme ou
récompense méritée de leur talent ? La question a déjà
été largement débattue. Le Goncourt pour Houellebecq, le Renaudot pour Despentes ! Sans même un
scandale… Enfin la reconnaissance suprême pour ces
deux écrivains plus souvent connus pour leurs
attitudes et déclarations provocatrices que pour leurs
livres. Ce qui est fort regrettable, car leurs romans
portent sur le siècle des regards affûtés, quoique pas
toujours politiquement corrects… ni très réconfortants.
Desperate babies
Les inconditionnels ont été déçus par le 7e roman de
Virginie Despentes. Or, pour avoir quelque peu
gommé son côté trash, la quadra rebelle n’en reste pas
moins, dans Apocalypse bébé, la pourfendeuse tonique
de toutes les bien-pensances, dans une prose percutante, en prise directe avec l’époque, et pleine d’un
humour ravageur. Car ce road book, qui relate les
péripéties de la filature d’une ado disparue et conduit
un tandem improbable de privées de Paris à Barcelone
(et retour), est drôle. En dépit de toutes les existences
ratées qu’il croise, des violences subies ou exercées qu’il
met en scène et de la vision désenchantée qu’il
propose, c’est un régal de lecture pour qui apprécie les
«formules qui tuent» et la maîtrise écrite de l’oralité.
Despentes déploie son talent de styliste au fil d’une
narration finement orchestrée entre le «je» de Lucie, la
détective reine de la lose, et toute une série d’autres
points de vue, offrant au lecteur une galerie de
portraits réjouissants qui n’épargnent personne.
Rageuse et tendre, l’écrivaine brosse le tableau d’une
époque à la dérive. Et tire la sonnette d’alarme avec
l’énergie du désespoir…
Inventaire avant fermeture
La carte
et le territoire
Michel
Houellebecq
Éd. Flammarion,
22 euros
Apocalypse bébé
Virginie Despentes
Éd. Grasset,
19 euros
FRED ROBERT
Manuel d’écologie littéraire
«Je suis parti dans les bois parce que je désirais vivre de
manière réfléchie, affronter seulement les faits essentiels de
la vie, voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu’elle avait
à m’enseigner, et non pas découvrir à l’heure de ma mort
que je n’avais pas vécue.» Considéré comme un des
pionniers de l’écologie, célèbre pour son traité sur la
Désobéissance civile, critiqué par les positivistes, traité de
un american par Mac Carthy, mais inspirateur de
Gandhi, Martin Luther King, John F. Kennedy et, en
France, admiré de Giono puis redécouvert en mai 68,
Henry D. Thoreau (1817-1862) fut l’auteur de
nombreux ouvrages et en particulier de la vaste somme
que constitue Walden ou la vie dans les bois, paru en
1854. De son expérience de 2 ans dans une cabane
isolée à quelques miles de Concord, Massachusetts, au
bord du lac Walden, Thoreau a tiré ce que Michel
Granger appelle «une sorte de monographie encyclopédique et écocritique détaillant les composantes du
paysage». S’ajoute à cela une évidente ambition littéraire que la toute nouvelle édition, traduite par Brice
Matthieussent, préfacée par Jim Harrison, relue,
Chez Houellebecq, pas de hargne. Juste un constat :
«Le monde est ennuyé de moy,/ Et moy pareillement
de lui.» ; l’épigraphe de Charles d’Orléans donne le
ton. C’est parce que l’existence individuelle, affective
et sociale se résume à presque rien que «la carte est plus
intéressante que le territoire». Cette théorie, Jed
Martin, l’artiste personnage central du roman, l’illustre
en exposant des tirages agrandis de cartes Michelin.
Après la période des photographies de pièces et
d’outils et avant celle des tableaux consacrés aux
métiers simples puis aux grands du monde, stars de
l’art et des médias en tête. «Donner une description
objective du monde», tel semble aussi le projet
littéraire de Michel Houellebecq qui disait il y a peu :
«J’observe l’époque, j’écris des livres». Pour lui comme
pour son double plasticien, l’art paraît la seule raison
d’être. Alors pourquoi ne pas s’en donner à cœur joie ?
Non content d’aligner avec un détachement comique
et terrifiant les descriptions de lieux (aéroports,
supermarchés et autres villages pittoresques), d’objets
(voitures, appareils photos numériques…) ou de
personnalités, Houellebecq se met en scène dans le
récit, en solitaire vieillissant, dépenaillé et alcoolique.
Il s’offre même une mort des plus gore, jouant ainsi de
son destin comme du genre de sa fiction, qui quitte un
moment le biopic pour flirter avec le policier. Comme
d’habitude, Houellebecq étonne. Et séduit par sa
langue, classique, très maîtrisée, mâtinée de cynisme et
d’ironie, dans la lignée des moralistes du Grand Siècle.
Dont il semble partager le pessimisme et le sens de la
vanité des choses.
annotée et postfacée par Michel Granger, met en
évidence. Offrant ainsi une belle occasion de
redécouvrir cet Américain hors normes dont la lecture
propose un véritable art de vivre, à la manière d’un
Montaigne ou du Rousseau des Rêveries… Car
Thoreau ne se contente pas de décrire le lac, les arbres,
les animaux, les bruits et les couleurs qui peuplent sa
solitude volontaire. Il propose une philosophie de la
frugalité et un mode de vie en harmonie avec la nature,
dont les actuels adeptes de la décroissance ne pourront
qu’applaudir l’intuition…
FRED ROBERT
Walden
Henry D. Thoreau
Traduit de l’américain par Brice Matthieussent
Éd. Le mot et le reste, 23 euros
B. Matthieussent et M. Granger présenteront
cette nouvelle édition de Walden le 27 nov
à la BMVR Alcazar à Marseille.
78
LIVRES
LITTÉRATURE
Les affres de la ménagère
La ménagère de moins de quarante ans, modèle et
cible de toute culture VRP qui se respecte sans nous
respecter, canon de la consommatrice sollicitée par les
organismes de sondage, ne semble pas a priori soulever
d’autres intérêts… Mais comme Balzac avait évoqué
la femme de trente ans Eléni Yannakaki s’attache aux
pensées de Maria, bientôt quarantenaire. Et exemple
de réussite pour une «fille de plombier», études brillantes, épouse d’un architecte réputé, mère de trois
enfants au foyer, maison spacieuse au luxe confortable… Réalisation d’un rêve de petite fille dans la
splendeur des contes traditionnels ? Les apparences
sont bien opaques… Pourquoi cette frénésie quasi
névrotique du ménage, chasse aux moindres
impuretés, même invisibles, ce souci du secret, des
apparences toujours sauves ? Le roman suit la
construction d’une tragédie classique, unité de temps,
de lieu, d’action… le récit couvre une journée, Maria
s’affaire au ménage… En un long monologue qui
glisse du je à la troisième personne, cette femme
célèbre l’anniversaire de la mort de Petros, son
amant… fantasmes de salle de bain, histoires de
cafards d’îles grecques ou athéniens, d’une aile de ces
insectes, tenace au mur… vodka, coups de téléphone
qui alimentent réflexions, retours sur le passé,
angoisses… interrogation lancinante sur le regard des
autres. Un petit bijou d’humour et de cruauté, au titre
si faussement angélique, Les Chérubins de la
moquette… À mettre en scène ?
MARYVONNE COLOMBANI
Les Chérubins de la moquette
Eléni Yannakaki, traduction Marie Desmeures
Éd. Actes Sud, Coll. Lettres grecques, 22 euros
La princesse de Clèves de Beyrouth
Avec un titre si délicieusement XIXe, impressionniste
à souhait, on imagine un ouvrage à la Renoir… En
effet, de nombreux chapitres brossent de charmants
tableaux : scènes sur le pont d’un bateau, jardinage,
fleurs, boudoir, lettres, bibelots, livres, réminiscences,
et l’adorable grand-mère… Mais le fond du paysage
choisi est tragique : la guerre au Liban, les bombardements de Beyrouth, le génocide kurde, et des secrets,
un passé qui se dévoile, lentement, par recoupement
de lettres, de témoignages, et l’élucidation des vies
entrelacées, des énigmes, de ces destins particuliers
passés au tamis de l’histoire qui sépare, désunit,
disperse, rassemble…
Se façonne ainsi peu à peu un personnage complexe et
attachant. La narratrice découvre un être dont elle ne
connaissait qu’une facette, une grand-mère qui perdit
Silence de mort
«Depuis des jours, et pour combien de jours encore,
Dominique Hardenne marchait.» La première phrase
du livre donne le ton. Rescapé d’une guerre bizarre de
laquelle il n’a rien vu, le soldat-paysan Dominique
Hardenne rentre chez lui, couvert d’une épaisse
combinaison qui le protège des radiations mortelles
émises par des bombes dévastatrices, épuisé, affamé,
et seul. Arrivé chez lui il se rend compte qu’une de ces
bombes a momifié, vitrifié les corps, ceux de tous les
habitants, laissant intactes les habitations. Saisis à
l’heure de la messe ils sont tous regroupés à l’église.
Que fait-on lorsqu’on est seul au monde, dans un état
de «bannissement éternel» ? Comment vit-on sans les
autres, dans un quotidien fait de souvenirs, avec pour
seule compagne sa mémoire ? Dominique Hardenne
fait ce qu’il sait faire : il travaille la terre dans l’espoir
fou qu’un jour quelque chose repousse, il coupe du
son mari à trente et un ans, et s’accrocha à une
promesse, et à sa capacité d’aimer. De tout aimer, des
animaux aux êtres humains, avec une délicatesse
généreuse et émouvante. Têtue, elle refuse de quitter
Beyrouth sous les bombes, malgré les injonctions de
ses enfants. Dans une langue fluide, toute de retenue,
des phrases brèves procédant par touches, Hyam
Yared nous offre un très beau roman, qui tient à la fois
de l’intime et de la fresque historique. À lire comme
un long poème, et un hymne à la vie.
M.C.
Sous la tonnelle
Hyam Yared
Sabine Wespieser éditeur, 21 euros
bois, sachant que «tant qu’il serait vivant il n’échapperait
pas aux morts ; il avait intérêt à s’y habituer s’il voulait
conserver sur eux cet avantage.» Dans un va-et-vient
constant entre monologue de la vie présente et
évocation des souvenirs, Vincent Engel livre un récit
oppressant, dans un style simple au rythme lancinant,
qui rend la parole de cet homme vivace, malgré la
situation. Jusqu’au terme du roman, alors que se
referme son univers sur cette impossible vie, flirtant
avec la folie à chaque page, chaque mot, chaque
pensée…
DO.M.
Le Mariage de Dominique Hardenne
Vincent Engel
Éd. Jean-Claude Lattès, 17,50 euros
LIVRES 79
Christ et châtiment
Ce magnifique roman autobiographique, porté à la
scène et à l’écran, partout traduit, récompensé, est réréédité aujourd’hui par Agone. Peu de récits
contemporains possèdent le pouvoir de nous faire
adhérer à ce point à une histoire et des personnages
pourtant entrevus ailleurs. Face à face ou plutôt corps
à corps avec Erik, nous revivons une Vipère au poing
suédoise et compulsive jusqu’à la description
minutieuse des objets servant à frapper, meurtrir,
égratigner ou trouer la peau de l’autre.
Mais de ce fait le récit constitue, par son contenu
latent, un étonnant monument à l’érotisation de la
violence.
Car La Fabrique de violence exerce une fascination qui,
comme toute fiction étayée sur nos zones sombres,
ressortit d’une jouissance en totale opposition avec le
contenu manifeste, anti-violent, du récit. Erik y campe
à la fois le héros parfait (Aryen) d’une épopée de
l’adolescence et l’agneau de Dieu d’un roman de
formation – ici plus justement de la déformation
extrême. Jan Guillou plonge son héros, déjà violenté
et violent, dans un pensionnat Upper-class à l’idéologie nazie. Cette école prestigieuse exhorte les élèves
de lycée à «éduquer» les collégiens grâce à un système
de punitions/humiliations. Mais en réponse aux
banales rosseries pratiquées par d’authentiques barons
à l’encontre de petits bourgeois sans titre, notre jeune
héros, régulièrement battu par son père, va générer
une violence terrifiante. Du coup, en pleine dialectique du couteau qui monte, les jeunes fascistes
s’élanceront après la sauvagerie d’Erik, qui souffrira
puis rendra coup pour coup jusqu’à porter un masque
noir et terrifier le campus. Le lecteur, lui, prend fait et
cause, évidemment, pour la victime-bourreau. Surtout
quand il venge son ami Pierre Tanguy un juif faible,
pacifiste et très brillant.
Tous ces clichés contribuent à ce qu’Erik, au fond,
demeure impossible. Sauf peut-être, pour finir, avec
le père ?
ÉDOUARD BARTHÉLÉMY
Déferlantes bleues !
Coup de mistral et déferlantes d’azur du côté du cours
d’Estienne d’Orves avec la parution d’un livre de belles
images sur Marseille. Signe particulier : le parti-pris de
la couleur bleue qui sert de fil conducteur (rouge ?)
tout au long des pages. Camille Moirenc, le
photographe, confie son affection particulière pour les
photos de nuit ; il a cherché à saisir ces instants où la
lumière bascule entre chien et loup, à la tombée du
jour ou au clair de l’aube, merveilleux moments où la
mer et le ciel se confondent. Beaucoup de photos ont
été prises à bord d’un hélicoptère, proposant des points
de vue inhabituels sur le port, les phares, les digues.
La rédaction du texte de présentation a été confiée à
Jean Contrucci qui évoque avec poésie tous les bleus
de Marseille, mettant en valeur la douceur
insoupçonnée de cette ville souvent qualifiée de
violente...
CHRIS BOURGUE
Marseille la ville bleue
Texte Jean Contrucci, photographies Camille Moirenc
Éd. Jeanne Laffitte, 36 euros
Agenda Marseille 2011
Éd. Jeanne Laffitte,12 euros
L’important, c’est d’aimer !
L’Olivier fait paraître les Œuvres Complètes de
Raymond Carver. Le projet s’ouvre sur l’édition en
diptyque de deux versions d’un même livre : sous le
titre Parlez-moi d’amour, le recueil qui a assuré sa
célébrité à Carver, après des années de misère et
d’alcoolisme, mais au prix de remaniements et de
coupes drastiques imposées par un éditeur envahissant, Gordon Lish. Au moment de la parution,
Carver avait supplié en vain ce dernier de rétablir sa
version : c’est chose faite à titre posthume, sous le titre
Débutants.
Les nouvelles rassemblent les rêves déchus de
l’american way of life. Des banlieues pavillonnaires aux
ranchs perdus, c’est la même réalité banale et navrée :
pauvreté, divorce, alcoolisme, deuil. Sans misérabilisme, et sans romantisme ni hystérie du désespoir,
Carver dresse le portrait de gens ordinaires comme
hébétés par leur malheur, qui ne peuvent plus avancer
ni reculer, mais dérivent sans comprendre dans leurs
vies défaites. Il décline toutes les façons d’aimer - sa
femme, ses enfants, ses parents, ses copains - et
l’impossibilité de conserver ce don, dans le chassécroisé entre ceux qui commencent et ceux qui finissent
d’aimer.
Si la version expurgée tire les nouvelles du côté de
l’expérimentation littéraire, de l’abstraction philosophique ou de la brutalité elliptique, la version
originelle n’a rien pour autant de sentimentaliste. Oui,
la prose de Carver déborde de sentiments et d’émotions, mais avec une rudesse, une concision, une
simplicité brute qui trouvent les mots que ces personnages ne savent pas prononcer, et qui donnent une
densité palpable à la neutralité de la douleur, comme
aux instants suspendus des minuscules grâces. En
version courte ou en version longue, l’important, c’est
d’aimer !
AUDE FANLO
Débutants
Raymond Carver
Éd. de l’Olivier, 15 euros
La Fabrique de violence
Jan Guillou
Éd. Agone, 23 euros
80
LIVRES/DISQUES
MUSIQUE
Sans carnaval
Jean Tenenbaum
J.F.
Nuit et brouillard, La montagne, Potemkine, Maria, La femme est l’avenir de
l’homme, Aimer à perdre la raison, Que
serais-je sans toi… Ces fameux titres
évoquent les thèmes chers à Jean Ferrat,
son histoire, ses engagements, son ambassade populaire de la poésie d’Aragon, au fil d’une carrière (en particulier
entre 1965 et 1980) qui a marqué la
chanson française à l’instar de Ferré,
Brassens ou Brel… La biographie
mûrie par Daniel Panchenko retrace
la vie de Jean Tenenbaum, enfant marqué par la mort de son père en déportation, puis celle d’un homme engagé,
chanteur romantique et rebelle, qui prit
tôt l’Ardèche pour pays d’adoption. On
suit aussi, en parallèle, un bout d’histoire de notre pays, de 1930 à 2010.
L’œuvre de Camille Saint-Saëns (18351921) est considérable. Sa burlesque
ménagerie sonore Le Carnaval des animaux, une pochade musicale que le
compositeur lui-même avait tendance
à taire, tend à dépareiller à côté de
Samson et Dalila (qui sera joué en novembre à l’Opéra de Marseille) ou des
Concertos pour piano et orgue. Jacques
Bonnaure, dans cet ouvrage synthétique comme sait les concocter Actes Sud,
décrit la mosaïque artistique et complexe de la France à l’époque du musicien,
dont le langage s’appuie sur une ferme
tradition. L’auteur fait aussi la part entre
la figure «officielle» et l’homme «secret»
tout en disant l’essentiel sur sa longue
vie et son œuvre. La préface est signée
par le pianiste Jean-François Heisser.
Saint-Saëns
Jacques Bonnaure
Éd. Actes-Sud/Classica, 18 euros
JACQUES FRESCHEL
A walking shadow
«La vie n’est qu’une ombre qui passe» (Macbeth), dont
le plus littéraire des compositeurs français a voulu
coucher lui-même la trace sur le papier à seule-ment
45 ans, lassé de lire «des notices biographiques pleines
d’inexactitudes et d’erreurs». Si habile dans ce rôle,
Hector Berlioz se bat contre tous dans ses Mémoires
comprenant ses voyages en Italie, en Allemagne, en
Russie et en Angleterre. Pleines de passions et d’anecdotes sur l’artiste, son œuvre, son temps et surtout le
Paris romantique, ces chroniques d’une vie rééditées
avec soin chez Symétrie sont agrémentées d’une
préface du musicologue Alban Ramaut et reçoivent
des références bienvenues en regard des nombreuses
citations littéraires dont est friand un des compositeurs les plus controversés de l’histoire. Lui qui disait
avec une pointe d’ironie «il faut collectionner les
pierres qu’on vous jette, c’est le début d’un piédestal !».
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Mémoires
Hector Berlioz
Éd. Symétrie, 14,80 euros
Art et pouvoir
Ce livre suit le parcours de l’exposition Lénine,
Staline et la musique qui, dans le cadre de l’Année
France-Russie, s’est ouverte le 12 octobre à la Cité de
la Musique de Paris et que l’on peut voir jusqu’au 16
janvier. Les éditions Fayard participent à une
thématique entamée avec Le IIIème Reich et la
musique (expo 2004) traitant des rapports que les
musiciens entretiennent avec les dictatures. Des
photos, archives, gravures, affiches, peintures et
partitions sont commentées en deux grands volets :
Utopies, et Réalisme socialiste de la révolution de
1917 à la mort de Staline en 1953. On y traite des
avant-gardes et de l’art pour le peuple, de
Chostakovitch et Prokofiev, du cinéma et du goulag…
Savant et passionnant !
JACQUES FRESCHEL
Lénine, Staline et la musique
Éd. Fayard / Cité de la musique
Jeune talent
Voilà une jeune artiste comme savent les dénicher les
Gambini. Née en 1987, Paloma Kouider a hésité
entre des études de lettres et l’amorce d’une carrière
de pianiste pour laquelle elle possède des dons
indéniables (de son premier récital à 10 ans à sa
«Révélation classique» de l’Adami en 2008).
Chambriste à la tête bien faîte et aux doigts sûrs,
Paloma Kouider a une prédilection pour Beethoven.
Elle joue avec naturel et articulation, goût, sans
emphase, deux Sonates qui conviennent à son
tempérament : la n°9 en mi majeur op. 14 n°1 et la
«Pastorale» 15ème sonate en ré majeur op.28. Avec
beaucoup d’aplomb, la musicienne joint au
programme deux brillantes Rhapsodies hongroises de
Liszt : un contraste gagnant!
J.F.
CD Lyrinx LYR 271
Jean Ferrat
Daniel Panchenko
Éd. Fayard, 20,90 euros
DISQUES 81
Dame Teulières
Les Marseillais se souviennent de Geneviève TeulièresSommer qui fut longtemps violoncelle solo de l’Orchestre
de l’Opéra et professeur au Conservatoire de musique. Cette
artiste, issue de la grande école du violoncelle français, fut
l’élève d’André Navarra au CNSM de Paris et enseigne
actuellement à l’E.N.M de Paris et à la Guildhall School of
Music de Londres. Chez Lyrinx, où elle a déjà gravé de
nombreux trios (avec le Trio Gabriel Fauré), elle ajoute un
brillant enregistrement de la Sonate de jeunesse op.6 de
Richard Strauss et celle, superbe mais peu jouée, d’Edouard
Lalo. En compagnie de l’excellent pianiste Daniel Adni, elle
fait chanter son instrument avec un lyrisme puissant et
profondément romantique.
J.F.
CD Lyrinx LYR 268
Jeunes phénomènes
Les quatre jeunes du Quatuor Modigliani ont, en peu
d’années, fait leur place au panthéon des formations du
genre. Cette saison, on les entend à plusieurs reprises : à
Marseille (25 janv SMCM), Avignon (8 mars Opéra).
Mais c’est à Aix qu’ils ont débuté leur périple méridional
avec l’opus 76 n°4 «Lever de soleil» de Haydn, réussite de
leur avant-dernier disque, et les Quatuors en la mineur
op.13 et fa mineur op. 80 de Mendelssohn. Ce sont justement ces deux opus que les Modigliani gravent sur leur
instrument italien gracieusement prêté (fin 16e à fin 18e).
On est toujours aussi surpris par leur maturité (ils ont à
peine plus d’un siècle à eux quatre !), leur cohésion, générosité naturelle, lyrisme, leur goût sûr…
JACQUES FRESCHEL
CD Mirare MIR 120
Les Modigliani étaient au GTP à Aix le 19 oct (voir p 36)
Vintage groovy
Qui se cache derrière la rythmique de Ben l’Oncle Soul et la
section cuivre d’Hocus Pocus ? Pas besoin de le savoir pour
mordre à l’hameçon Electro Deluxe et à son 3e album intitulé
Play. Le quintette parisien retourne aux sources avec un pied
sur la planète groove et l’autre sur sa voisine la soul, pour un
balancement très vintage saupoudré d’un hip hop très cool.
Coloré et cuivré comme jamais, ce nouvel opus respire la
bonne humeur à travers un swing onduleux empreint de
langage jazz. Quatorze titres qui réussissent le pari de
One man band
Derrière les platines à faire sa cuisine ou plutôt à la console de
son Symphonic Orchestra, Benoît Rault alias Ben n’a besoin
de (presque) personne pour livrer les dix titres de son nouvel
album Island on a roof, fraichement posé dans les bacs.
Arrangeur, auteur, compositeur, interprète, producteur,
réalisateur ou multi-instrumentiste, rien n’effraie ce one man
band des temps modernes dont le nouvel opus surfe entre
pop suave et nappes organiques, créant des ambiances feutrées
planantes minimalistes qui pourraient nous faire croire à la
composer avec la pure tradition rétro, sans pour autant tirer
les ficelles de la redondance, sachant poser sur le dance floor
d’aujourd’hui un son original.
F.I.
Play
Electro Deluxe
Musicast
résurrection de Graham Parson. La musique du Ben’s
Symphonic Orchestra fait revivre la pop song aux couleurs
d’aujourd’hui.
F.I.
Island on a roof
Ben’s Symphonic Orchestra
Tatave music
New Luke
Dix ans déjà que Luke traverse le paysage du rock français.
Mais pour ce cinquième album intitulé D’autre part, il est
question de nouveau départ. Recentré sur lui-même mais à la
recherche de nouveaux sons et arrangements, Luke a peaufiné
calmement les onze titres qui composent ce très bel album. Il
revigore un rock français en manque de renouveau et parfois
d’inspiration. Riffs corrosifs d’une guitare saturée mais
également ballade à la sèche tout en subtilité, la musique de
Luke s’apprécie aussi en concert où le ton se veut moins
feutré ! Une virée en Arles au Cargo de Nuit pour récolter les
fruits de cette seconde décennie rock’n roll ? Il y sera le 27 nov
à 21h30.
F.I.
D’autre part
Luke
Jive Epic - Sony Music
82
LIVRES/ARTS
Attention objets sensibles
La collection de livres d’artistes de La Fabrique
sensible, à Arles, s’enrichit de deux nouvelles productions consacrées l’une à Marie-Paule Bilger (1159),
l’autre à Françoise Vadon (sans titre). Même petit
format carré, même jaquette en carton double
épaisseur et pourtant deux opus dissemblables, chacun
étant le fruit d’une rencontre avec les artistes autour de
l’objet édité. 1159 est réalisé à partir de dessins au
crayon recouverts de cire, format 8,05 x 9 cm : MariePaule Bilger y développe un abécédaire formel
(portraits animaliers) et chromatique (rouge, noir, gris
et blanc exclusivement) ponctué de citations bilingues.
Penser au plus près de l’apocalypse, Désenchantement du
monde, Catastrophisme éclairé, Vivant : autant de cris
d’alarme sur les espèces éteintes ou en voie
d’extinction dans le monde… 1159 au total ! Avec un
minimum de mots, des références aux organismes
mondiaux et une dédicace, l’artiste parvient à la pointe
de son crayon à nous sensibiliser au «catastrophisme
éclairé».
À mille lieux de là, l’univers pictural de Françoise
Vadon est hautement coloré, pimpant presque, et à la
manière des Intérieurs à la fenêtre ouverte d’un Matisse
ou Dufy, elle saisit la fragilité et la poésie du quotidien,
la beauté des choses simples. Le tout imprégné d’une
sagesse asiatique, les peintures ayant été réalisées entre
2007 et 2010 au Japon et en Chine. Superpositions de
motifs, chatoiement des couleurs, cadrages décalés,
perspectives écornées : on entre sur la pointe des pieds
dans l’intimité de l’artiste sans trop oser la déranger…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
1159, Marie-Paule Bilger, 20 euros
Françoise Vadon, 15 euros
Éd. La Fabrique sensible
À fleur de peaux
Il est des livres d’art que l’on aime feuilleter, que l’on
expose, qui font partie des beaux objets, et il y a ceux
qui nous entraînent dans une réflexion esthétique et la
dépassent, parce qu’ils nous poussent à observer et
dessinent des perspectives originales, parce qu’ils nous
amènent à réfléchir le monde. Ainsi du dernier
ouvrage des éditions Plaine Page, Les Entre Peaux,
Barjols des tanneurs aux artistes.
Les anciennes tanneries de Barjols y sont présentées
dans leur histoire. Le passé et les paroles des ouvriers
qui y ont souvent passé toute une vie de travail,
l’empreinte sur la ville, le rythme marqué par les
sirènes, les odeurs qui imprègnent encore certains
murs, l’architecture industrielle comme une ossature
délimitant les quartiers de Barjols… Puis le présent,
avec les voix des différents artistes qui occupent les
lieux, poétiques, graphiques, sculpturales,
photographiques… Et le futur avec les créations des
enfants des écoles !
Ce type de friche industrielle, aujourd’hui abandonné,
fait partie de notre patrimoine. Faut-il le renier,
l’oublier en rasant les bâtiments ou lui trouver une
nouvelle fonction ? Les artistes apportent une réponse
constructive. Les lieux, par leurs volumes, leur
éclairage, permettent d’installer de superbes ateliers,
offrent d’infinies possibilités. Mais la reconversion ne
peut signer l’oubli : à Barjols l’art se nourrit de l’humus
du passé ouvrier. Ainsi, les superbes portraits sur des
déchets de peaux tannées, de Günter Vossiek : le
peintre y a représenté d’anciens tanneurs de Barjols, les
rides des visages se mêlent à celles du cuir… Photos,
rêveries, cabinet de curiosités, bestiaire (les chats par
Claudie Lenzi), conjugaison («je friche, tu
friches…»), à Barjols une poétique au sens premier du
terme se met en place. Ce livre en témoigne.
MARYVONNE COLOMBANI
Situations du livre d’artiste russe
La Russie était l’invitée d’honneur des Rencontres
internationales de l’édition de création organisées par
l’atelier Vis-à-Vis à Marseille (voir p 69). Cette édition
s’accompagne d’une publication consacrée au livre
d’artiste russe. Celle-ci, entre deux parties uniquement
illustrées de visuels (livres d’artistes internationaux
d’un côté et Marseille comme objet imaginaire de
l’autre, partie plombée par une maquette envahissante), voue l’essentiel de ses pages à l’étude historique
et esthétique du Livre d’artiste russe.
Cette édition représente une première référence en
français sur le sujet grâce aux contributions de
spécialistes et entretiens avec des artistes russes.
Alexander Larentiev et Anna Chudetzkaja proposent deux importantes analyses et mises en perspective
suivies d’exposés sur le livre manuscrit par Mikhail
Pogarsky puis sur le livre-objet avec Viktor Lukin.
Ces différentes approches amènent les auteurs à faire
émerger et comprendre dans leur contexte les multiples concepts et formes élaborés par leurs créateurs
depuis les ouvrages édités par Ambroise Vollard, le
Futurisme russe au siècle dernier, les productions plus
traditionnelles jusqu’aux propositions actuelles les plus
audacieuses sous forme d’installations, performances,
évènements collaboratifs, ou encore la dématérialisation artistique du livre via les technologies
numériques. Le sujet est si foisonnant qu’il mériterait
certainement un ouvrage de référence ! Mais nous ne
manquons pas d’éditeurs audacieux dans la région.
CLAUDE LORIN
Livres d’Artistes Russes
Atelier Vis-à-Vis/Editions, 24 euros
Les Entre Peaux,
Barjols des tanneurs
aux artistes
Éd. Plaine Page, Coll.
Plurielles, 15 euros
Notre mère à tous
Oubliée par la Renaissance, transformée par le Baroque, mutilée par la
révolution ou idéalisée par le Romantisme, Notre Dame de Paris fut le
témoin privilégié de l’évolution de l’art, mais aussi une formidable
source d’inspiration. Sans éluder les aspects fameux de son histoire,
l’ouvrage Notre Dame de Paris cathédrale médiévale s’attache à faire
renaitre la «bible de pierres» au cœur de son époque, le moyen-âge.
Grâce aux superbes clichés de Joël Laiter et aux textes passionnants de
l’experte historienne Claude Gauvard, ce bel ouvrage grand format
retrace la vie de celle qui fut en son temps la plus grande des cathédrales
d’Europe par son édification, son culte, ses fidèles et son rôle dans le
royaume. Et par des entrées singulières, cette publication bilingue
(anglais) apporte également un regard neuf sur l’épopée médiévale de
l’art gothique.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Notre Dame de Paris
cathédrale médiévale
Éd. du Chêne,
25 euros
Un Art de vivre
L’Art Déco a toujours posé un problème de définition. Et pour cause !
ni mouvement, ni courant proclamé, il fut pourtant omniprésent dans
la France des années 20 et fut couronné par l’exposition universelle des
arts décoratifs de 1925. Mobiliers, objets, cinéma, architecture, peinture,
sculpture, on peut trouver sa trace et ses déclinaisons à travers des œuvres
si diverses… Serait-ce un état d’esprit ? Les éditions du Regard
s’attachent à conter les Histoires de l’Art Déco dans un magnifique
ouvrage du spécialiste du genre José Alvarez. Car vous l’aurez compris,
il est impossible de parler au singulier de l’art déco. Avec une
documentation très riche, des archives précieuses et des documents
iconographiques nombreux
et de grande qualité, ce tome
s’avère être une mine d’informations passionnantes. Du
célèbre collectionneur et
mécène Jacques Doucet aux
acteurs d’aujourd’hui, cette
fabuleuse histoire comblera
les spécialistes et ravira les
amateurs.
F.I.
Histoires de l’Art Déco
José Alvarez
Éd. du Regard,
48 euros
84
HISTOIRE
CENTRE AIXOIS DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES
Du chant des Amandières
à L’Internationale…
des coques des amandes, d’autres se rendaient dans les
casseries. Encore un roman sur ces Amandières, qui travaillent en chantant raconte Armand Lunel, si charmantes
avec leur mouchoir fleuri de Beaucaire sur la tête… Mais
tant de douceur passe par l’«opération infernale» du
blanchissage au soufre… Les friandises ne se fabriquent pas
avec la magie de l’usine de Willy Wonka ! (à noter le 23 nov
à 18h30 une conférence de Patrick Boulanger : Aix,
marché mondial des amandes).
Industrie particulière aussi que celle des chapeaux ! Disparue aujourd’hui la chapellerie aixoise avec ses chapeaux de
poil souple (souvent de la peau de lapin), et principalement
le chapeau souple nommé «foulard» considéré par l’Encyclopédie des Bouches-du-Rhône comme «une gloire de la
chapellerie française». On ne peut que se ranger à cet avis
Surprenant n’est-ce pas ! Le parcours proposé nous entraîne
à la découverte de ce passé ouvrier foisonnant, photographies, objets (de la lampe au calisson), extraits de journaux,
contrats, «livrets de l’ouvrier», tracts, littérature populaire,
comme La casseuse d’amandes d’un certain Louis Adrien
Levat. De nombreux tiroirs recèlent des plans de machines,
comme celui du nouveau pressoir des établissements Victor
Coq, surnommé «Le Rapide» (au XIXe, les machines avaient
encore de la personnalité !)…
On y voit aussi l’évolution de l’architecture industrielle, de
l’hôtel particulier Boyer d’Eguilles par exemple, avec sa
façade moulurée de pilastres et de feuilles d’acanthe, qui
abrita la fabrique de pâtes alimentaires Augier, à la nouvelle
manufacture d’allumettes où le fer triomphe. Les industries
qui animaient le centre ville s’excentrent progressivement,
s’installent autour de la nouvelle gare de marchandises qui
relie Aix à Marseille et Paris (le 31 août 1856).
d’autorité, n’est-ce pas ! Vous découvrirez aussi la lampe
Zénith «qui ne noircit pas»… Et par-dessus tout cela, mettez les sirènes de la fabrique d’allumettes qui rythment la
vie de la ville, à l’apogée de son ère industrielle…
1871… (à noter : les appels des grévistes aux chômeurs
espagnols embauchés à leur place !). Ces organisations ouvrières mettent aussi en place des mutuelles pour l’aide aux
vieillards et aux invalides du travail. Il y aussi la création
du corps des inspecteurs du travail qui relèvent les infractions, par exemple celles liées au travail des enfants…
Citation d’Eugène Sue, si évidente mais à méditer aujourd’hui encore dans les boutiques de luxe, quand 1 million
d’enfants français vivent en dessous du seuil de pauvreté :
«Nul n’a droit au superflu tant que chacun n’a pas le nécessaire»…
Vie ouvrière
Une partie de l’exposition est consacrée à la présence ouvrière dans les différentes activités de la ville, du joyeux club
de boulistes à l’établissement d’une section de la Fédération
Entreprise COQ © Photographie ELY
Manufacture d'allumette © Photographie ELY
Parti pris pour le moins paradoxal que d’évoquer Aix-enProvence, «la belle endormie», seul endroit au monde qui
semble n’être pas touché par la crise avec ses magasins de
luxe qui ne désemplissent pas, comme ville ouvrière ! C’est
le pari que le centre aixois des Archives départementales
s’est lancé avec la superbe exposition Aix, ville ouvrière
(1850-1940). Le propos n’est pas d’être exhaustif, ni de
partir dans de longues analyses, mais d’offrir au public une
relecture de l’architecture urbaine, et de rappeler à ceux qui
auraient la mémoire courte que la prospérité de la ville
plonge aussi ses racines dans un humus industriel riche et
varié… Sur les plans de la ville, on peut s’amuser à repérer
des différentes industries. Ainsi, on compte sur celui de
1889 une usine à gaz, deux de textiles et papiers, cinq de
métallurgie, sept chimiques et quatorze alimentaires !
Ateliers et fabriques
Se souvient-on aujourd’hui des moulins à huile établis dans
le centre ? Lorsque vous vous promenez dans le quartier
Mazarin, imaginez encore les parfums de l’huile du «Moulin de la vierge», plus loin ce sont les tonnelleries, les
fonderies… Une grande partie de la production s’exporte
vers les colonies, comme les pâtes Augier… Bien sûr, ne les
oublions pas, les calissons font déjà la gloire d’Aix, la vieille
ville résonnait du bruit des coups de massette… beaucoup
d’ouvrières travaillaient à domicile et s’activaient au cassage
Législation et revendications
Mais, ce qu’il y a de remarquable dans cette exposition, c’est
la mise en perspective de toutes ces industries et de leur
histoire avec les différentes lois qui ont réglementé le travail
ouvrier, de la Loi Ollivier qui abroge le délit de coalition
en 1864, et donne la possibilité d’exister aux sections des
internationales ouvrières… Puis la Loi Waldeck-Rousseau
de 1884 autorise la création des syndicats. La CGT se fonde
au congrès de Limoges en 1895 et la Bourse du Travail
d’Aix voit le jour le 2 février 1896 à l’emplacement de la
Halle aux Grains. Le rôle de cet établissement est souligné
par la présentation de ses bulletins officiels, mission d’éducation, (formation professionnelle), conférences, mise à
disposition d’une bibliothèque : le souci d’éducation des
masses faisait partie intégrante de la lutte sociale…
Et des luttes, il y en eut beaucoup ! Grèves sur les revendications salariales, parfois très longues, celle des terrassiers
dura de janvier à juillet 1913 ! On y voit aussi les boulangers arrêter de travailler en 1889, mais le plus étonnant est
sans doute le rôle des chapeliers, dont l’un d’entre eux,
Auguste Bonafous, dirigeant de la section d’Aix de l’Association Internationale des Travailleurs, prit la tête du
soulèvement en faveur de la Commune de Marseille en
Sportive et Gymnique du Travail, en passant par le club de
Vélo aixois, le Football Club, les cercles musicaux républicains, comme l’Union des Trompettes aixoises, ou la
Musique municipale d’Aix… On voit même trôner dans
sa vitrine un ophicléide, ce fameux «serpent à clés» qui
jouait avec tant d’énergie dans les romans de Flaubert…
Bref, il y aurait tant à dire ! Le plus simple reste de se rendre
aux Archives d’Aix, vous vous initierez aux arcanes des
Cercles, de la convivialité du «Rouge Faubourg», et vous
verrez aussi l’intelligent court métrage (15 minutes) de
Robert Mencherini, commissaire de l’exposition et professeur honoraire des universités en histoire contemporaine.
Une exposition remarquable d’originalité et de clarté.
MARYVONNE COLOMBANI
L’exposition Aix ville ouvrière, 1850-1940
se tient jusqu’au 29 janvier au Centre Aixois
des Archives Départementales des Bouches du Rhône.
Ouverture du lundi au vendredi de 9h à 18h
sauf le mardi de 14h à 20h
04 42 52 81 90
www.archives13.fr
Le Travail des femmes conférence lecture
par Françoise Thébaud (professeur émérite de l’université
d’Avignon) avec les comédiens Catherine Alias
et Yves Mugler, le 18 janvier à 18h30.
ORANGE | ARLES
HISTOIRE 85
Mise en scène
et archéologie
avait de la poésie, du chant accompagné de
la cithare, des chœurs qui chantaient et
dansaient avec un joueur d’aulos (la flûte
de l’époque), et enfin des chœurs dramatiques qui jouaient tragédie, comédie et
drame satyrique. Ces concours «musicaux»
donc suivaient une périodicité fixe, en
l’honneur des dieux. Trois catégories
d’épreuves se répartissaient entre stade
acteurs évoluaient mesurait 3 mètres de
haut ! Et des portes permettaient aux acteurs d’intervenir aussi au niveau de
l’orchestra ! Avec une telle hauteur, finie la
différence que l’on établissait entre Grecs
simples, partisans d’un décor majestueux
et naturel, et Romains, bâtisseurs, avec un
goût de l’artifice qui leur faisait installer
d’immenses murs en fond de scène ! Détail
Carthagene, Espagne © Philip - THEA
Est-ce parce qu’il est Orangeais qu’il
photographie avec tant de passion le
patrimoine antique ? Infatigable voyageur,
Claude Philip a rapporté plus de 400
photographies de théâtres du pourtour de
la Méditerranée !
Certes, rien de plus naturel que d’évoquer
le théâtre antique à l’ombre des majestueuses murailles du théâtre d’Orange.
Traversez la rue et vous vous retrouvez dans
le charmant musée d’art et d’histoire. Le
rez-de-chaussée y accueille jusqu’au 28
février la belle exposition d’une partie des
clichés de Claude Philip. Vous êtes invités
à effectuer un voyage très original, puisque
les seuls lieux photographiés sont des
théâtres antiques. On y retrouve Epidaure,
Pétra, Syracuse, Carthagène, Delphes,
Aspendos, Spoleto, Beit Sheam, Fréjus,
Orange, Rome…. Outre la beauté des
clichés, le cadrage délicat de l’orbe des
gradins, on éprouve le plaisir de retrouver
des lieux visités et celui de la découverte.
Insensiblement, ne serait-ce que par la
continuité même des clichés sur les murs,
des comparaisons s’imposent, états de
conservation inégaux, formes dissemblables des orchestras, rectangulaires,
trapézoïdales, allongées, ou circulaires…
Cette muette confrontation des sites, avec
juste ce qu’il faut de cartes et d’explications
dont les panneaux rythment les salles, a le
parfum nostalgique des grandeurs passées,
colonnes brisées d’Ephèse, folle avoine qui
court à Dodone, marches disjointes du
théâtre de Dionysos à Athènes…
Parallèlement à l’exposition, un cycle de
conférences est programmé, reprenant
différents thèmes liés à l’archéologie et au
théâtre antique. Le 27 octobre, Jean-Charles Moretti, responsable de l’Institut de
recherches sur l’architecture antique de
Lyon, directeur de recherches au CNRS, se
livrait à l’exercice périlleux e la vulgarisation
d’un sujet qui certes a nourri nos imaginaires depuis l’école, mais dont la complexité
nous échappe le plus souvent : «Théâtres
grecs et théâtres romains».
La présentation claire est illustrée d’exemples, photographies de sites, représentations
sur des vases antiques, mosaïques, citations
de textes. Le conférencier montre qu’il est
impossible de comprendre hors d’un
contexte historique l’architecture de ces
monuments. Il brosse en larges traits l’évolution des lieux depuis la naissance du
théâtre. Au départ, en Grèce, leur destination est très particulière, les structures en
bois qui composent ces édifices sont élevées
pour recevoir les résultats des concours
musicaux. Qui ne comprenaient pas que
de la musique, mais honoraient par leur
production les Muses: autrement dit, il y
La carte du monde romain à l’époque
impériale est constellée de théâtres, à faire
pâlir notre monde contemporain. Les
énormes moyens investis dans ces constructions et dans les spectacles donnés
pourraient rendre jaloux les artistes aujourd’hui ! Jean-Charles Moretti insiste
enfin sur «la capacité des différentes sociétés à
produire des architectures différentes pour des
besoins différents», et nous pousse à réfléchir
à propos de l’usage actuel de ces édifices.
Dans quelle mesure faut-il préserver les
lieux antiques, ou les dédier aux spectacles
modernes ?
MARYVONNE COLOMBANI
Conférence donnée le 27 oct
au Musée d’Art et d’histoire d’Orange.
Théâtre et société dans la Grèce antique
Jean-Charles Moretti
Le Livre de Poche, coll. «Références»,
Paris, 2001
(gymniques), hippodrome (hippiques),
théâtre («musicales»).
Le passage du bois à la pierre dans la construction est dû à des épisodes dramatiques
d’effondrements des gradins ! Sans ce changement on ne dirait pas je vais au théâtre,
mais nous partons pour l’«échafaudage» !
Curiosité encore, si les autres architectures
de spectacles tiennent leur nom de l’activité
que l’on va y voir (le stade, c’est d’abord la
piste), le théâtre désigne le lieu où se
tiennent les spectateurs, le lieu d’où l’on
voit. Mais bon, vous pouvez trouver tout
cela dans toute bonne histoire du théâtre
antique donc nous vous passerons les évolutions des bâtiments, les jeux des acteurs,
leurs relations avec le chœur, les différences
entre Grecs et Romains, le changement
d’esthétique, la fin du théâtre classique.
Nous nous attarderons simplement sur les
nouveautés que l’archéologie a permis de
découvrir ! Si vous avez appris que l’autel
de Dionysos se trouvait au centre de l’orchestra (là où évoluait le chœur), et bien,
d’après J.-C. Moretti, c’est une erreur:
l’autel n’empiétait pas sur l’espace de jeu,
mais se trouvait sur l’un des côtés de la piste
du chœur ! Et le proskénion sur lequel les
comique, on n’assistait pas au lever de
rideau en début de représentation à Rome,
car le rideau ne pouvant être attaché à un
quelconque plafond, était monté sur de
grandes perches qui descendaient….
Voyage au cœur des théâtres
antiques de la Méditerranée
Photos de Claude Philip
Jusqu’au 28 février 2011
04 90 51 17 60
www.theatre-antique.com
Sublimer la Barge !
Bientôt 2013 ! Un énorme projet agite depuis les débuts de l’année le musée bleu
d’Arles. On connaît le succès de la merveilleuse exposition des vingt ans de fouilles
du Rhône par l’équipe de Luc Long, prolongée jusqu’au 2 janvier… Mais rien n’est
fini ! La découverte il y a quelques mois d’une barge romaine de trente mètres de
long, datée avec une précision hallucinante de l’an 30 ap. JC, nécessite de nouveaux
exploits ! Seule une prouesse technique peut ramener l’ensemble à l’air libre (cela a
déjà été pratiqué avec succès pour des pièces beaucoup plus modestes), en structure.
Impossible de sortir l’ensemble. Il faut d’abord «désosser» puis l’envoyer à Grenoble
où l’on dispose de technologies de pointe, rayons gamma, lyophilisation (passage
par une étape de congélation, puis extraction de l’eau à la vapeur par sublimation
chimique). Pendant ce temps, on devrait agrandir le musée de 750 m2 pour
accueillir l’épave reconstituée lors de l’année culturelle 2013. Pour le visiteur, quelle
aubaine ! Il aura une raison supplémentaire de se rendre dans ce musée
exceptionnel…
M.C.
04 90 18 88 88
www.arles-antique.cg13.fr
86
HISTOIRE
LES MARDIS DU MUCEM
En attendant l’ouverture prochaine du MuCEM, Thierry Fabre inaugurait
une série d’entretiens permettra de réfléchir sur les futurs thèmes des expos
Qu’est ce que la barbarie ?
Tzvetan Todorov ouvrait la série avec cette
question, qui lui est chère. Le mot nous
vient des Grecs et possède un double sens.
Il désigne ceux qui ne parlent pas la langue,
que l’on ne comprend pas, et dénomme
également la brutalité, la violence, l’inhumanité. Il qualifie alors un type d’acte et
prend la valeur d’absolu moral : ce qui est
inadmissible. Ces deux sens, liés, tracent
pour les Grecs la limite de l’humanité.
Inhumaine humanité
Les Lumières et leurs ombres
L’époque des Lumières a fortement
contribué au débat sur la civilisation. Avec
des désaccords : Condorcet reproche à
Montesquieu de tenir compte de la pluralité des cultures et des lois. Pour lui, il
existe une définition universelle de la Loi,
la Vérité ou l’État, et il faut partager (et
faire partager !) cette connaissance. L’unité
s’oppose à la pluralité !
La Révolution Française poursuit dans le
même sens : quitte à utiliser la violence, il
faut transmettre aux peuples voisins le
Bien absolu et la Vérité. L’optimisme
révolutionnaire estime qu’on extirpera le
malheur au profit du bonheur commun.
Cet idéalisme est repris par Napoléon,
avec des bienfaits de nature technique
(connaissances, technologique). Ce
messianisme, au-delà des dégâts des
conquêtes et colonisations, présuppose
que l’autre n’est pas civilisé.
À ce titre, l’occupation napoléonienne de
l’Espagne est un moment essentiel de
l’histoire : invention de l’armée moderne,
de la guerre totale (indistinction entre les
populations civiles et les militaires), de la
guérilla, l’Espagne est le prototype des
guerres asymétriques. Goya, peintre de
cour, doit prêter serment au nouveau
souverain, Joseph Bonaparte. Homme
des Lumières, «illustrado», il ne peut choisir son camp entre la violence de l’apport
révolutionnaire et le clergé obscurantiste
résistant à l’envahisseur. Il invente alors
une nouvelle attitude : il peint une œuvre
officielle et une œuvre privée, Dans ces
«désastres de la guerre», il renvoie, dos à
dos, ces ennemis massacreurs devenus
complémentaires. Devenu sourd, il s’en-
ferme et peint les réalités de la guerre sur
les murs de sa maison puis la ferme et
part, à Bordeaux, finir sa vie. Par son
attitude Goya présente une vision des
Lumières plus proche de nous que ses
contemporains. Les massacres lui font
comprendre les dangers qui guettent l’humanité. La diffusion du savoir ne mène
pas forcément au bonheur ! Il introduit
une vision individuelle des choses que les
Lumières universalistes n’admettent pas.
bouddhisme en Indonésie). Car les chocs
relèvent du politique, de la quête du
pouvoir et des richesses qui dressent une
communauté contre une autre. Les cultures, vivantes, évoluent en permanence :
le vote des femmes ou la contraception
ont bouleversé la culture française. Protéger une culture, la figer, est un non-sens :
il existe une culture des adolescents, des
retraités, des femmes, des riches, des
pauvres, des immigrés…! Toute société
est donc multiculturelle.
Sortir du clash
Dégager des universaux
Réfutant Samuel Huntington et son
Choc des civilisations, Todorov récuse l’idée
de guerres aux soubassements culturels. Il
reproche au politologue américain d’avoir
confondu culture et religion, d’ignorer la
diffusion (le bouddhisme en Asie) ou les
syncrétismes (islam greffé sur la tradition
Tzvetan Todorov © Arnaud Fevrier - Flammarion
Dans Race et Histoire, Claude LéviStrauss définit le barbare comme «celui
qui croit à la barbarie.» Or le barbare ne
sort pas de l’humanité, les actes impardonnables n’excluent pas du genre
humain. Comme l’écrit Romain Gary,
l’inhumain fait partie de l’humain et la
violence appartient à notre espèce : parce
que l’autre est mon semblable, je sais
comment le persécuter ou lui faire plaisir.
Revenant sur l’affirmation d’Eli Barnavi,
«entre la civilisation et la barbarie, pas de
dialogue possible !», Todorov propose de
distinguer civilisation et cultures. Civilisations, employé au pluriel, désigne des
ensembles historiques : l’Egypte antique,
par exemple. Dans ce cas, «cultures» devient l’équivalent de «civilisations» (au
pluriel). Il existe bien un dialogue des
cultures, avec des interactions allant de la
guerre à la coopération, mais la civilisation, elle, reste unique.
Goya et la guerre d’Espagne
Conserver la trace des cultures est dévolu
aux musées, et ce contact entre présent et
passé n’est pas neutre. Il peut permettre
de comprendre l’autre mais peut aussi
l’exclure, affirmer une revendication passéiste et obscurcir le présent (Hitler a
fondé sa rhétorique sur l’humiliation du
diktat de Versailles). La démarche d’un
musée doit partir de la connaissance des
contemporains pour comprendre le passé,
démarche d’une ethnologue comme
Germaine Tillion (1907-2008). Au retour de son étude des populations des
Aurès, elle rentre à Paris en 1940. Refusant le nouvel ordre pétainiste et le
racisme nazi, elle organise le réseau de
résistance du Musée de l’Homme, ce qui
lui vaut d’être déportée à Ravensbruck.
Après son retour en France, elle repart en
1954 en Algérie pour stopper la guerre.
Son échec l’amène à se concentrer sur une
mission : empêcher les actes terroristes du
FLN et la torture des militaires. Elle veut,
à la façon de Goya, prendre parti pour les
victimes.
Son travail d’ethnologue, lui, aura montré
combien les populations des Aurès et les
paysans Français, malgré des différences
de culture évidente, partagent la même
sagesse politique et morale : au-delà de la
distance culturelle, il se dégage des
universaux humains qui permettent les
contacts…
Une première conférence stimulante, qui
a lancé des pistes fort intéressantes pour
un musée qui veut faire le lien entre les
rives de la Méditerranée.
RENÉ DIAZ
des conférences mensuelles :
sitions du musée
Au fil
de l’eau
La deuxième fut moins captivante, mais
du coup plus éclairante sur ce qu’on
attend du MuCEM : le 9 nov l’amphithéâtre de l’Alcazar recevait Predrag
Matvejevitch, auteur du Bréviaire
méditerranéen, traduit en 25 langues, et
sans cesse réédité, augmenté d’ajouts et de
corrections successives de son auteur. Un
livre lyrique qui va par sauts et gambades
et construit une poétique analogique à
son objet : archipélique, personnelle, fragmentée et fluide, fortement sensuelle,
elle ressemble à cette Méditerranée qu’il
décrit en unifiant sans les réduire les
temps antiques et contemporains, les rives
et les villes, les péninsules, les hommes et
les cités.
Mais le conférencier se révéla nettement
moins intéressant que l’écrivain. Sans doute
parce qu’il n’avait pas jugé opportun de
préparer une intervention construite et
pensait se laisser aller à répondre aux questions posées par Thierry Fabre. Mais il ne
chercha pas non plus à y répondre, bredouillant un peu et déviant sans cesse,
semblant ne pas entendre les rappels de
son ami qui tentait de l’aiguiller vers une
pensée plus construite…
Au passage quelques digressions qui
rappelaient la pensée aiguë de l’universitaire international : un désir de roman
historique où l’Histoire ne serait plus le
cadre mais la matière première du livre ;
une réflexion sur «la manière dont une île
se termine», de façon abrupte ou en se
laissant fondre dans la mer, ce qui aurait
inspiré les clausules des épopées et tragédies grecques ; un hommage rendu au
pain et aux ânes, qui ont nourri les
hommes, construit les paysages et tracé les
chemins ; une manière d’être toujours
dans le sensible et l’analogie très naturellement, comme s’il y avait là tout un
monde inexploré à investir…
Et puis aussi, par moments, l’homme
résistant revenait, le Yougoslave qui refuse
de se dire Croate par antinationalisme,
celui qui déplore l’échec de tout projet
politique méditerranéen, qui souligne
sans faux semblant «l’impossibilité de mettre les Juifs et les Arabes à une même table»
et qui, sans vouloir mettre ses amis «en
difficulté» lui qui vit entre l’Italie et la
France, déclare que ces deux pays sont
gouvernés par des politiques incultes sans
vision et sans ambition qui «marginalisent
la Méditerranée».
Ainsi, sans projet politique qui les unit,
les villes méditerranéennes comme Marseille ou Naples ont «une grande identité
de l’être, et toute petite du faire». Elles
savent ce qu’elles sont, mais ne parviennent pas à construire, ni même à se gérer.
S’agirait-il de mauvais augures pour
Marseille Provence 2013, et le MuCEM?
Nommer la tentation du désastre permet
souvent de l’éviter… Quant à recourir au
sensible, à l’analogie et à la digression pour
évoquer la Méditerranée, il est clair après
cette conférence que la démarche ne
saurait suffire et que la pensée méditerranéenne, si elle existe doit se nourrir de
dialectique.
AGNÈS FRESCHEL
88
PHILOSOPHIE
ÉCHANGES ET DIFFUSION DES SAVOIRS | UPRM
Vérité, fiction
et connaissance
Quelques jours après le 11 septembre, la presse s’est
fait l’écho d’une réunion entre des responsables
américains de la défense et des scénaristes et
réalisateurs d’Hollywood : il s’agissait de reconfigurer
le monde d’après le 11 septembre en répandant une
fiction, les bons les méchants, les terroristes d’un côté
et les ennemis de la liberté de l’autre. Karen Hugues,
ancienne directrice de la communication de Bush le
confirmera : «nous sommes un empire et nous créons
notre propre réalité» (cités in Story Telling par Christian
Salmon, qui sera présent en mai).
Mythe et Vérité
Ce dédoublement du vrai par la fiction n’est pas
nouveau : c’est un trait caractéristique de l’espèce
humaine que d’inventer des histoires. La réalité n’est
pas suffisante, ou du moins n’a aucun sens, et puis elle
est changeante, souvent incohérente. Et surtout elle
est angoissante. Ce n’est pas le souci du vrai qui
domine en fait chez l’Homme, mais le besoin de se
rassurer.
Car finalement quel est le point commun entre la
vérité et le mythe ? Un seul et de taille : les deux ont
une fonction explicative. On pourrait même dire
qu’ils sont aussi vrais l’un que l’autre. C’est presque ce
que soutient Marcel Détienne dans Les maîtres de
vérité dans la Grèce archaïque. Avant Socrate et les
sophistes la vérité est représentée par le mythe : toute
explication sur les rapports de l’homme aux autres
hommes, de l’homme au monde ou concernant le
monde lui-même est soutenue par un ou plusieurs
mythes. D’ailleurs, le terme de vérité en grec se dit
Alétheia, composé du «a» privatif et de Lethé qui dans
la mythologie signifie le fleuve de l’oubli. La vérité
signifie en grec «ce qu’il ne faut pas oublier», c’est-àdire le mythe.
Cette vérité d’autorité apparaît aujourd’hui, avec notre
regard rétrospectif, comme une fiction. Ainsi les
fictions qui animent aujourd’hui l’ensemble des
discours politiques, commerciaux et publicitaires ont
bien une généalogie ancrée au plus profond de notre
tradition occidentale qui tend à croire que le mythe
«a du vrai».
Sophismes
Mais ce n’est pas tout ; dans cette généalogie
présocratique se situent aussi les sophistes, ces maîtres
de l’éloquence qui vont bousculer l’archaïsme de cette
Grèce : finis les vieux qui détiennent la vérité avec le
mythe, place aux beaux parleurs : le discours le plus
convaincant, celui qui séduit le plus l’auditoire,
devient vérité. Le vrai est le persuasif. Le sophiste
remodèle le vrai, le modernise et la démocratie peut
advenir : le pouvoir revient au discours le plus
séduisant.
Ce sont les thèmes de cette
nouvelle saison d’Échange
et diffusion des savoirs.
Quatorze conférences
organisées par Spyros
Théodorou qui donne le ton
dans l’introduction au
programme : «ce triptyque
décrit des technologies d’ordre
politique, qu’elles soient
progressistes ou réactionnaires.»…
On ne cessera jamais de
s’interroger sur la vérité, qui
est le fruit permanent
d’un rapport de force,
et de combats souvent perdus
contre le mensonge, l’erreur
et la fiction… La vérité estelle une valeur ? Est-elle
vraisemblable ? Et qu’est-ce
que «connaître» ?
Ce qui fait bouillir Socrate, ce vieux sophiste masqué
qui ne fait que parler et n’écrit rien ! Il n’en peut plus
d’arpenter Athènes et de faire souffrir à la tchatche ces
maîtres de parole : Socrate - Par le chien, Hippias, voilà
une belle et brillante réponse. Ainsi donc, si je lui fais cette
même réponse, j’aurai répondu correctement à la question
posée et je n’aurai pas à craindre d’être réfuté ?
Hippias - Comment le serais-tu, Socrate, si ton avis est
celui de tout le monde et si tes auditeurs attestent tous que
tu as raison ? (Platon, Hippias Majeur)
Et point n’est besoin de forcer le trait pour montrer là
aussi un autre ancrage des fictions modernes : il s’agit,
en toute connaissance de cause, de ne point viser le
vrai, mais juste de convaincre pour manipuler.
Fiction d’une vérité Idéale
C’est avec Socrate que la vérité prend son sens
moderne d’objectivité, de communicabilité, d’unité,
de conformité à des principes logiques ; mais à quel
prix ! Au prix de ce que Nietzsche appellera la fiction
des deux mondes, le monde sensible et le monde
intelligible : le vrai c’est l’Idée et elle n’est pas de ce
monde. Cette fiction n’est rien d’autre que la
métaphore du sens moderne de la vérité : elle ne se
donne pas à voir, c’est l’objet d’une construction
intellectuelle, elle n’est pas si simple que ça ; et puis
aussi elle est subversive : toute société doit se construire
sur des fictions coercitives afin de préserver son ordre
établi (voir Cornélius Castoriadis, l’institution
imaginaire de la société).
Alors quoi aujourd’hui ? Fiction sur les retraites, sur le
capitalisme, sur l’histoire… Face à la complexité et à
l’absurdité du fonctionnement du monde, ses
incroyables injustices, les partisans du vrai se font rares,
ne sont pas crédibles et dans le meilleur des cas restent
sans voix. Notre société dispense alors des fictions
crédibles et simples à comprendre, qui emportent sans
trop d’effort l’adhésion du peuple manipulé.
Pas étonnant que d’autres, Jaurès, Lénine, pensent que
«seule la vérité est révolutionnaire» !
RÉGIS VLACHOS
«Dans la Grèce archaïque, le poète est toujours un
maître de vérité. Sa vérité est une vérité
assertorique : nul ne la conteste, nul ne la
démontre. Vérité fondamentalement différente de
notre conception traditionnelle, Alétheia n’est pas
l’accord de la proposition et de son objet, pas
davantage l’accord d’un jugement avec les autres
jugements ; elle ne s’oppose pas au mensonge ; il
n’y a pas le vrai en face du faux. La seule
opposition significative est celle d’Alétheia et de
Léthé, l’oubli.»
MARCEL DÉTIENNE LES MAÎTRES DE VÉRITÉ DANS LA GRÈCE
ARCHAÏQUE
Désaliéner l’Art
Tout peut-il être une œuvre d’art ? On n’en finira
jamais avec cette question, posée depuis qu’une
pissotière est entrée dans un musée. Pourquoi une roue
de bicyclette est une œuvre d’art ? est la question précise
et pertinente que pose Gabrielle Colace-Scarabino
dans la dernière livraison de la collection Pourquoi des
éditions Aléas.
Un beau livre au sens où aucun questionnement n’y
est oublié, du problème du beau jusqu’à la question
politique, et ce avec une érudition bien dosée qui ne
nuit jamais à la facilité de la lecture.
Dès le début elle livre un combat, jamais perdu : la
plupart des gens considèrent qu’une roue de bicyclette
posée sur un tabouret c’est n’importe quoi ; comment
leur donner tort puisque c’est vrai, c’est-à-dire que c’est
une provocation de l’artiste : «Duchamp c’est pire ! il
n’a ni bien fait, ni mal fait, il n’a pas fait du tout.» Cette
œuvre est entrée par effraction dans l’histoire de l’art.
Mais maintenant qu’elle y est, il faut bien faire avec !
Et on ne s’en sortira pas avec de longs développements
sur les ready made et l’intention performative de
l’artiste (je suis un artiste et donc quand je dis que ceci
est une œuvre d’art ça en est une, même si je n’ai pas
touché l’objet de mes mains).
L’auteur évite en effet les pièges de l’herméneutique
de l’œuvre qui consiste à vouloir faire comprendre aux
béotiens et autres ploucs insensibles à l’art contemporain pourquoi c’est une œuvre d’art : Gabrielle
Colace-Scarabino, sans jamais lâcher la question titre,
assume les paradoxes de l’art contemporain et spécifiquement de cette œuvre.
Il y a des causalités multiples qui font d’un objet une
œuvre d’art : l’espace-temps déjà dans le cadre du
performatif : tel jour à tel lieu il y aura art ; le pôle
spectateur comme le reconnaît aussi Duchamp : sans
Picasso et Apollinaire, le Douanier Rousseau ne serait
pas rentré dans l’histoire de l’art ; et puis surtout le
champ social et la technologie. Ce qui nous interroge
sur les œuvres de Duchamp est la même chose qui
arriva au début de la photographie : en quoi le pléonasme de l’expérience sensible est-elle un art ?
Duchamp remet en cause toutes nos habitudes, en
nous demandant à l’inverse s’il est possible qu’un objet
ne soit pas une œuvre d’art. En renversant en fait la
question kantienne : puis-je avoir un regard esthétique
et désintéressé sur un objet manufacturé qui par
définition présente un intérêt ?
À partir de questionnement radical de Duchamp,
Gabrielle Colace-Scarabino s’étonne du statut politique de l’art, qui n’est jamais moins populaire que
lorsqu’il s’attache aux objets de tous, et a besoin dans
tous les cas de les exposer : «N’est-il pas étrange que l’art
ne se popularise, ne se banalise, qu’en se faisant spectacle,
c’est-à-dire finalement en recréant une forme de
séparation du public, une distance, une passivité, une
non-intervention qu’il avait tenté d’abolir en prenant
pour objet le quotidien ?»
Un art révolutionnaire, d’émancipation, serait-il celui
que tout sujet pourrait se réapproprier afin de mettre
œuvre ses activités vraiment humaines ?
R.V.
Pour une transformation sociale
Depuis 2007 l’Université Populaire et Républicaine
de Marseille organise régulièrement des conférences
animées par des chercheurs ou des acteurs du mouvement social, qui acceptent de partager leurs compétences
ou leurs expériences. Les fondateurs de l’UPR ont un
objectif : relancer un débat pluraliste à gauche dans un
contexte où la parole publique semble se limiter à la
confrontation du libéralisme économique, du capitalisme vert et du social-libéralisme.
Car c’est bien avec un angle d’attaque qu’une analyse
a de la force : sans idée derrière la tête on ne peut rien
comprendre au monde social. Pour exemple, la
réflexion marxiste permet de dégager les enjeux là où
une analyse socio-libérale ou conservatrice reste aveugle, oubliant que les rapports de classe structurent tout
le champ politique. Ainsi aujourd’hui de la réforme
des retraites : si l’on croit rester «objectif» avec le seul
angle d’intelligence démographique, on ne comprend
rien : elle est imposée par le capital financier.
Mais les intervenants de l’UPR ne sont pas tous
marxistes : cette université offre un cadre pluraliste de
débats à toute la gauche afin de participer à l’élaboration d’un projet collectif de transformation sociale,
montrant qu’«un autre monde est possible».
Mondialisation, crise climatique, transformations du
salariat, évolution de la participation politique, émergences de nouvelles formes de luttes et de nouveaux
enjeux de société sont autant de thèmes abordés.
Pour cette année cela a commencé avec Le capitalisme
contre les individus ? par Philippe Corcuff, le 1er oct.
La suite : Le Brésil : une grande puissance postcoloniale ?
par Jean-José Mesguen, le 26 nov à 19h, Maison de
quartier du 1-7, Salle de la mairie.
R.V.
http://upr-marseille.com/conference-2011
90
TECHNIQUES ET SCIENCES
LE LASER | AU PROGRAMME
Lumineux
éclaircissements
La Fête de la Science a donné l’occasion aux
laboratoires de physique de l’Université de
Provence [UP] de souffler dignement les cinquante
bougies du LASER en éclairant le grand public sur
les phénomènes lumineux.
Un très brillant
quinquagénaire
Le phénomène d’«amplification de la
lumière par émission stimulée de rayonnement», traduction de l’acronyme
Light Amplification by Stimulated
Emission of Radiation, fête en 2010
son éblouissant cinquantenaire. Le
brillant phénomène, envisagé théoriquement par Albert Einstein dès 1917,
ne scintillera qu’à partir de 1960,
porté sous les feux de la rampe par le
physicien américain Théodore Maiman qui imagine de stimuler un rubis
avec une source lumineuse rouge.
C’est Alfred Kastler (prix Nobel
1966) qui avait eu l’éclatante idée en
1950 d’un procédé de «pompage optique». Le MASER est mis au jour par
Townes, en 1958, ouvrant la voie à la
reluisante carrière commune des deux
denses étoiles MASER-LASER, développée par les éblouissants physiciens
soviétiques Basov et Prokhorov qui
partageront pour cela en 1964 le prix
Nobel avec leur camarade américain.
Une constellation de chercheurs et
ingénieurs travailleront ensuite autour de ces deux luxueux phénomènes
pour en dégager une galaxie d’applications qui viennent désormais
éclairer nos grisailles quotidiennes :
lecteur laser et autre MP3, métrologie
optique, détecteur de toutes sortes,
holographie…
Boss à reluire
Ces 21 et 22 oct, les fêtards motivés
de la science, enseignants et doctorants de physique de l’Unité de
Formation et de Recherche «Sciences
de la Matière» à l’UP, ont débarqué,
rayonnants, avec armes expérimentales et bagages théoriques dans la
salle de conférence du Centre de
Saint-Charles. Les visiteurs, essentiellement des élèves du secondaire
accompagnés de leurs professeurs,
suivaient un faisceau initiatique. Une
table montrait des manipulations simples sur la composition chromatique
de la lumière blanche avec ses filtres,
sa synthèse additive, ses «aberrations».
En deux temps trois mouvements et
Vers la Bonne Mere © Jean-Marie Laugier
Vue sur Saint-Charles © Martina Knoop
sans couper les cheveux en quatre, un
enseignant-chercheur refaisait en 3D
la platitude du monde, avec la technique holographique laser et la
méthode stéréoscopique par les
couleurs complémentaires. Plus loin,
le jeune quinquagénaire prenait la
mesure de sa méga vitesse entre Notre
Dame de la Garde et la faculté StCharles dans une lumineuse maquette
reproduisant les tirs laser du mois de
juin (voir Zib’ 30). Il faut dire que,
juste en face, un chercheur de l’Institut Fresnel brossait sur de grands
posters le portrait complet de notre
rayonnant Narcisse. Enfin, de fontaine
lumineuse en transfert, de fréquences
acoustiques ou d’émissions de radio,
par fibres optiques interposées, un
talentueux animateur captivait son
auditoire en mesurant justement son
acuité… auditive. Lumière partout
même là où, a priori, on ne la voit
pas, ondes électromagnétiques, tout
s’éclairait d’un jour nouveau.
la culture. Est-ce leur suprématie, vécue
comme dictat, qui induit une sorte de
rejet ? Ou bien la connaissance technique et scientifique est-elle jugée
trop subversive ? Difficile cependant
pour une société consumériste d’éradiquer tout à fait la pensée rationnelle,
indispensable au foisonnement des
«innovations» et à la «croissance»
dans l’aliénation-consommation…
Il était symptomatique que les visites
des groupes d’adolescents aient été
«compactées» en une dizaine de minutes là où il aurait fallu trois quart
d’heure pour acquérir une vision
critique du phénomène. Mais il faut
absolument tout consommer dans la
matinée à cette foire à la science : la
physique, la biodiversité, les neurosciences… À science spectacle,
techniques spectaculaires, et des
chercheurs passionnés que l’on
frustre en leur demandant de réduire
leurs exposés à la durée d’un boniment ! Bling-bling, la grande foire
des sciences a fermé ses portes…
C’est pas du Lux
YVES BERCHADSKY
À l’heure où aucune activité humaine,
y compris les arts, n’échappe à la technologie et donc à la connaissance
scientifique, il est paradoxal que notre
époque n’accorde qu’une si faible importance à ces parties essentielles de
Mer, mer, ciné, maths et vérité
Les Averroès s’espèrent amères
Les 17e Rencontres d’Averroès en Sciences et Techniques dans Zibeline ! Lacan
aurait dit «qu’est-ce à dire, ça veut ?». Simplement, en 2010 leurs trois tables
arrondies plongent à corps éperdu, à la rencontre des eaux turbides de notre
Mère Méditerranée agressée de toute part. Questionnement terre à terre autour
de ses rivages et pourtours sauvagement meurtris par un libéralisme industriel
et commercial ravageur ? Interrogation philosophique amère sur la transfiguration de nos aimés pays-visages tuméfiés ? Politique environnementale ou
éconostalgie angoissée d’un abîme toujours plus abîmé ? Ne serait-ce pas non
plus, hurlement à l’angoisse de l’Autre, le fantasme d’un plongeon dans les
terre-heurs abyssales d’Atlantides ébranlés par l’onde de choc de la politique
océane de sabordage du navire social ? L’expression d’un titanique désespoir
au naufrage des valeurs de solidarités, d’épanouissement et de paix sur lesquels
naviguent tous les espoirs humains ? Attablons-nous donc, à défaut de nous
allonger, au divan de l’écoute de la pulsion sociale ou… de prendre notre sort
à deux mains. (voir p. 5). Les Tables rondes se tiennent au Parc Chanot, les
26 et 27 nov.
www.rencontresaverroes.net
La mer qu’on voit dans ses…
Après le succès remporté l’an dernier par «L’espace au secours de la terre», le
Conseil général des Bouches-du-Rhône invite cet automne à un étonnant Voyage au centre de la mer qui se déroulera à l’Hôtel du Département, du 18 nov
au 17 déc.
Cette exposition embarquée dans le grand bateau bleu se veut didactique, ludique, informative pour le grand public et les scolaires. Expo culture scientifique
Tous les jours sauf le dimanche de 9h à 18h, entrée libre.
www.cg13.fr
Autre petit conseil général d’ami
Cette année encore, jusqu’au 30 nov,
les ABD Gaston Deferre avec dix bibliothèques
municipales
des
Bouches-du-Rhône, braque ses
projecteurs sur le film documentaire,
en écho à l’initiative nationale le
«Mois du Film Documentaire». Cette
année, des Vies hors normes seront
mises en lumière. Les cinq films
Le Plein pays de Antoine Boutet est projeté
à Rognac le 30 nov
documentaires sélectionnés présentent des reportages sur des femmes et des hommes qui ont choisi de construire
leur vie différemment, loin des sentiers battus, en s’appuyant sur la force de
leurs désirs et de leurs convictions, dans le rejet des aliénations que la société
impose. Des parcours de vie qui peuvent rimer avec liberté et désir, mais aussi
avec solitude et enfermement. Des destinées qui inventent des existences, loin
du modèle dominant, quitte à être en marge et parfois jusqu’à frôler les
frontières de la folie.
Entrée libre. Renseignement et réservation conseillée
auprès des bibliothèques concernées.
www.biblio13.fr
Faut pas Maths et l’écran
À partir du 2 déc, le public de Marseille et du département va découvrir la 11e
saison de conférences présentée par l’association Échange et diffusion des
savoirs. Le thème «Vérité, fiction, connaissance» sera développé au travers de
14 conférences animées par des philosophes, scientifiques, économistes (voir
p 88). En commençant par deux conférences qui intéressent les sciences et
techniques :
Michel Broué, le 2 déc à 18h45, parlera «Contre les idées fausses sur les
mathématiques : quelques vérités», et la semaine suivante (le 9 déc à 18h45)
Alexandre Lacroix rappellera «Dix bonnes raisons de ne pas avoir sa télévision
(et de se méfier des écrans).»
Entrée libre à l’Hôtel du Département
04 96 11 24 50
92
RENCONTRES
Libraires du sud /Libraires à Marseille 04 96 12 43 42
Rencontres avec Marcel Boungo pour Du Gospel à l’
Évangile, le 17 nov à 18h30 à la librairie Saint-Paul
(Marseille)
Présentation du livre Habitants atypiques (Images en
Manœuvre éditions), photos de Alexa Brunet, texte
de Irène Brunet, préface de Joy Sorman, le 17 nov à
19h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille)
Rencontre avec Anne Proenza et Teo Saavedra pour
Les évadés de Santiago (éd. Le Seuil), le 18 nov à 18h30
à la librairie Au Poivre d’Âne (La Ciotat)
Avec Claude Ponti autour de ses romans à l’occasion
de l’expo Quand l’architecture se livre... avec Claude
Ponti (à l’Alcazar), le 18 nov à 10h à la librairie
Imbernon (Marseille) Avec Vincent Borel pour
Antoine et Isabelle (Sabine Wespieser éditeur) le 18 nov
à 18h à la librairie La Carline (Forcalquier)
Avec Maryline Desbiolles pour son roman La Scène
(éd. Le Seuil) et son récit témoignage sur Zouc : Une
femme drôle (éd. de l’Olivier) le 19 nov à 19h à la
librairie de l’Horloge (Carpentras)
Avec Annie Toussaint autour de son projet «Voix
d’écrivains», installation d’un poste d’écoute de
lectures d’œuvres lues par leurs auteurs, en accès libre
à la librairie jusqu’à la fin de l’année, le 19 nov à 18h
à la librairie l’Encre Bleue (Marseille)
Avec José Manuel Fajardo à l’occasion de la parution
de Mon nom est Jamaïca (Métailié) le 23 nov à 19h à
la librairie Histoire de l’œil (Marseille)
Rencontre-dédicace avec Jean-Louis Bianco pour Si
j’étais Président... Que faire en 2012 ? (éd. Albin
Michel) le 25 nov à 18h à la librairie Au Poivre d’Âne
(Manosque)
Avec Philippe Mengue pour Proust Joyce–Deleuze
Lacan–Lectures croisées (L’Harmattan), le 25 nov à
18h45 à la librairie les Genêts d’or (Avignon)
Avec Jean-Luc Albert pour ses derniers textes, Notes
sur l’absence et sur Hiroshima mon amour, (éd. de
l’Atlantique) le 26 nov à la librairie l’Alinéa
(Martigues)
Avec Christine Fabreguettes pour cueillir des simples
(éd. du Toulourenc) en présence des éditrices, le 30
nov à 18h45 à la librairie les Genêts d’Or (Avignon)
Avec Bernard Plossu et Françoise Nuñez pour ...des
millions d’années... la réserve géologique de HauteProvence et L’inverse est exactement vrai et Mu-jô
(Yellow now), le 4 déc à 17h à la librairie Au Poivre
d’Âne (La Ciotat).
Itinérances littéraires : rencontre avec Mathias Enard
pour Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (éd. Actes
Sud), le 17 nov à 19h à la librairie L’Orange bleue
(Orange), le 18 nov à 18h à la librairie L’Alinéa (Martigues), et le 19 nov à 19h à la librairie Masséna (Nice).
Escales en librairie : Rencontre avec Maxence
Fermine pour Le Papillon de Siam (éd. Albin Michel),
le 25 nov à 18h30 à la librairie Le Greffier de SaintYves (Marseille) et le 26 nov à 18h à la librairie Lettres
Vives (Tarascon) ; rencontre avec Jean Rouaud pour
Evangile (selon moi) (éd. des Busclats), le 1er déc à
18h30 à la librairie Saint-Paul (Marseille) et le 2 déc
à 19h à la librairie Vents du Sud (Aix).
AIX
Ecritures Croisées – 04 42 26 16 85
Dans le cadre des Belles étrangères consacrée cette
année à la littérature colombienne, les écritures croisées
reçoivent Santiago Gamboa et Fernando Vallejo,
présentés par Catherine Pont-Humbert, le 18 nov à
18h à l’amphithéâtre de la verrière.
Fondation Saint John Perse – 04 42 91 98 85
Pour fêter la poésie, en partenariat avec les Écritures
Croisées : deux jours de rencontre avec le poète Yves
Bonnefoy. Entretiens, lectures en présence de poètes
(Pascal Riou, Jean-Yves Masson...). Les 26 et 27 nov.
ARLES
Atelier Archipel – 06 21 29 11 92
Expo-vente, 18 artistes de la galerie exposent de 3 à 5
œuvres chacun au prix de 10 à 400 euros. Vernissage
le 5 déc à 11h30.
Hôtel Le Bervédère – 06 27 30 57 71
Exposition de photographies de Fred Eral, Touchez
des Yeux, prolongation jusqu’à la fin de l’année.
Collège international des traducteurs littéraires –
04 90 52 05 50
Rencontre-débat avec des écrivains colombiens en
présence de leurs traducteurs François Gaudry et Anne
Proenza, le 29 nov à 18h30.
Musée Arlaten – 04 90 93 58 11
Programmation hors les murs : La fête provençale, de
Villeneuve à Mistral, colloque : Mieux connaître les
statistiques du Sud-Est de la France, le 2 déc de 14h à
18h aux ABD Gaston Defferre (Marseille) ;
L’évolution des fêtes au XIXe siècle, le 3 déc de 9h à
18h à la MMSH (Aix) ; La fête actuelle : héritages,
mutations et revitalisations, le 4 déc de 11h à 16h30
au Musée départemental Arles Antique.
Petites histoires de fêtes : visite théâtralisée de l’exposition
Jours de fête en Provence, le 11 déc à 16h aux ABD
Gaston Defferre.
Musée Réattu – 04 90 49 37 58
À pied d’œuvre, plan rapproché sur… un objet du
désir. Jusqu’au 31 déc.
Association du Méjan – 04 90 49 56 78
Trois poètes libertaires : Prévert, Vian, Desnos, lecture
par Jean-Louis Trintignant accompagné de Daniel
Mille (accordéon) et Grégoire Korniluk (violoncelle).
Le 14 déc à 20h30.
Le Mange Lire – 04 90 97 01 02
Prix littéraire de la Roquette : un concours littéraire
impulsé par Frédérique Tartavelle, patronne de ce cafélecture hors norme, avec l’appui du CIQ de la
Roquette, qui a fait concourir des auteurs de langue
française publiés pour la 1re fois, pour lequel 250 livres
ont été lus par une soixantaine de lecteurs avec un jury
de 18 personnes. Le lauréat, Erwan Larher avec
Qu’avez-vous fait de moi ? (éd. Michalon), sera présent
au 17 rue Plan du Bourg le 27 nov à partir de 19h
pour une signature-lecture.
AUBAGNE
Mairie – 04 42 18 18 29
Conférence-débat avec Sophie Ben Kemoun : Parler
pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants
parlent, le 18 nov à 18h au centre des congrès Agora.
AVIGNON
Théâtre des Doms – 04 90 14 07 99
3e édition du Contre Forum de la culture : Culture
pour tous ou pour chacun, les 26 et 27 nov.
BAUDUEN
Edition Parole – 04 94 80 76 58
La soupe aux livres : trois manifestations en une : dire,
lire, conter, chanter de 17h30 à 19h, partage d’un bol
de soupe de 19h30 à 21h, reprise à 23h pour la suite
et fin. Les prochaines auront lieu le 19 nov à Campsla-Source (83) à la salle du Cercle, le 20 nov à
Villecroze (83) à la salle des associations, le 10 déc à
Ampus (83) à la salle polyvalente.
BEAUCAIRE
Office de tourisme – 04 66 59 26 57
Conférence de la culturothèque : La symbolique du
bestiaire : Les bestiaires médiévaux ont connu leur plus
grande popularité en France aux XIIe et XIIIe siècle, à
14h le 17 nov.
Rencontre-lecture avec l’auteur Ahmed Kalouaz, le
23 nov à 18h30 à la bibliothèque municipale.
HYÈRES
Médiathèque Municipale – 04 94 00 11 30
Fondane, Rimbaud et l’expérience poétique : rencontre/débat avec Michel Carrassou, docteur en Lettres
modernes, éditeur et ayant-droit de l’oeuvre de Benjamin Fondane, président de l’Association Benjamin
Fondane, le 4 déc à 17h.
LA DESTROUSSE
Mairie – 04 42 18 49 30
6e édition du polar dans tous ses états : tables rondes
avec Jean Contrucci, Maurice Gouiran, Jérôme
Harvey, Bruno Leydet, Michel Martin Roland,
Bruno Aubry, Jean-Claude Beltramo, Mathieu
Croizet, Michel Jacquet et André de Rocca,
conférence… Le 27 nov.
MARSEILLE
Galerie du Tableau – 04 91 57 05 34
Exposition Alessandro Algardi, du 29 nov au 11 déc.
Salons de Maison Blanche – 04 91 26 09 06
Exposition de Yifat Gat, dessin contemporain, du 17
au 30 nov, vernissage le 17 nov à 18h30.
Le Parvis des Arts – 04 91 64 06 37
La Nuit des Verbivores, un hommage vivant à la sagesse
des littératures avec la Cie Sketch Up, le 20 nov à 19h.
Déconstruction/construction, des films à la frontière :
cycle de projections proposé par Cailloux et disFORMES, le 19 nov à 20h30.
Manifeste rien – 06 80 50 42 23
Séance d’écoute et Rencontres publiques autour de la
RENCONTRES 93
pièce L’Infrabasse (collectif Manifeste Rien), le 20 nov
à 16h à ZINC Friche de la Belle de mai, avec
Manifeste Rien & radio Grenouille ; Lecturespectacle-débat autour de l’Histoire universelle de
Marseille de Alèssi Dell’Umbria (éd. Agone), le 27
nov à 16h à la Bibliothèque du Merlan ; théâtre
multimédia avec L’Infrabasse, le 2 déc à 19h, les 3 et 4
déc à 20h au petit Théâtre Friche de la Belle de Mai.
Librairie Maupetit – 04 91 36 50 50
Rencontre avec Anahide
Ter Minassian et Houri Varjabédian pour leur
ouvrage Nos terres d’enfance - L’Arménie des
souvenirs (éd. Parenthèses), un débat sera par
ailleurs animé par la médiatrice culturelle Judith
Mayer le 20 nov à partir
de 16h ; rencontre avec
Jean-Louis Bianco pour
son ouvrage Si j’étais président... (éd. Albin Michel) le
1er déc à partir de 17h.
Bastide Saint-Joseph – 04 91 60 17 85
Marseille retrouve le nord : rencontres, installations,
débats, exposition cartographique… Aminata Traoré
en est l’invitée principale. Du 20 au 27 nov.
CRDP – 04 91 14 13 12
Figures d’artistes : 6 artistes présentent leur parcours,
leurs sources d’inspiration et leurs rapports avec le
public. Interviendront les metteurs en scène Catherine
Marnas et Bruno Schnebelin, le peintre Pierre Fava, le
photographe Franck Pourcel, le musicien Jean-Marc
Montera et le compositeur Pierre Sauvageot. Le 18
nov à 18h30.
Théâtre Toursky – 0 820 300 033
Exposition Cris et silence de Jacques Mikaëlian,
jusqu’au 5 déc.
Regards de Provence – 04 91 42 51 50
Exposition Les trésors cachés du Sacro Monte Di
Orta, jusqu’au 16 janvier.
ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00
Des écrivains en dialogue : Anne-Marie Garat et
Bertrand Leclair, Promesses et fantômes de l’Histoire
avec les lecteurs Ramona Badescu et Michel Bellier.
Le 14 déc à 18h30.
Exposition photographique de Patrice Terraz, Les
cent visages du vaste monde, jusqu’au 11 déc.
Dans le cadre de Ces étonnants archivores, conférence
sur L’Assassinat d’Henri IV et le midi de la France,
avec Michel Cassan, professeur à l’Université de
Limoges et auteur de La Grande Peur de 1610, et
Françoise Hildesheimer, conservateur général aux
Archives nationales. Le 18 nov à 18h30.
BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00
Conférence de Claude Camous, auteur sur Rimbaud
à Marseille. Le 2 déc à 17h.
Dans le cadre du cycle Portraits littéraires, projection
de J’appartiens à un pays que j’ai quitté de Gérard Bonal
et Jacques Tréfouë et Colette de Yannick Bellon. Le 2
déc à 16h.
Albert Camus, l’Espagne au cœur : rencontres et projections, exposition de photos, dessins, conférences…
Les 3 et 4 déc.
Le monde selon Kournov, rencontre animée par
Pascal Jourdana autour de l’œuvre de l’auteur ukrainien. Le 11déc.
Espaceculture – 04 96 11 04 60
Rencontre/débat avec Catherine Teissier, spécialiste
de littérature allemande, invitée par l’association
Zingha à présenter le recueil Otto Dix - Lettres et dessins
(éd. Sulliver, 2010) dont elle a traduit les lettres. Le
25 nov à 17h.
Alphabetville – 04 95 04 96 22
Le 17 nov à 18h30, Jacqueline Caux présente Le
silence, les couleurs du prisme et la mécanique du temps
qui passe (éd. de l’Eclat) de Daniel Caux, présentation
suivie d’une discussion avec le musicien ErikM ;
projection, à 20h30, du film Les Couleurs du prisme, la
mécanique du temps – de John Cage à la musique techno
de Jacqueline Caux.
Art-Cade – 04 91 47 87 92
Back Room / Stéphane Protic. Du 16 déc au 8 jan,
vernissage le 16 déc à 18h30.
MARTIGUES
Médiathèque Louis Aragon – 04 42 80 27 97
Rencontre/débat avec Lydie Salvayre à l’occasion de
la représentation de La Médaille au Théâtre des Salins.
Le 3 déc.
MIRAMAS
Médiathèque Intercommunale – 04 90 58 53 53
Conférence de Virgil Tanase, écrivain et metteur en
scène, sur Albert Camus, l’homme et l’œuvre empreinte
de la lumière de son Algérie natale, le 25 nov à 18h.
PENNES-MIRABEAU
Association des Amis des Arts – 04 42 02 95 13
Salon du livre jeunesse : dédicaces, séances de contes,
travail sur des BD… Du 25 au 28 nov.
ROUSSILLON
Médiathèque – 04 90 05 56 40
4e salon du livre et de l’illustration jeunesse : lectures,
ateliers, dédicaces… Les 27 et 28 nov.
SAINT-RÉMY
Musée Estrine – 04 90 92 34 72
Exposition Bargoni, peintures récentes, jusqu’au 28 nov.
SALON
Ville – 04 90 56 98 62
Exposition permanente, Des Hommes, une Ville, les
maires de Salon de la Révolution à nos jours, inaugurée
le 14 déc (en écho à la loi du 14 décembre 1789 sur
la création des municipalités).
Ceux qui
sauvent
40 millions de pétainistes se plaisait
à dire Henri Amouroux dans ses
livres ou à la radio… Mais cette vision englobante ne pouvait que
cacher une volonté de déculpabilisation d’une des pages les plus
sombres de l’histoire nationale. De
Déat à Henriot, de Papon à Bousquet, la France n’a pas manqué de
zélés délateurs empressés de suivre
les recommandations maréchalistes.
Elle n’a pas manqué de policiers
pour la rafle du «Vel’d’hiv», ni de
fonctionnaires pour dresser le fichier
des juifs.
Mais les Français se sont aussi illustrés par leur volonté de ne pas laisser
la vermine corrompre leur conscience : 3/4 des juifs de France ont
été sauvés. Comme partout en Europe, certains se sont levés, et ont
permis que l’humanité triomphe de
la barbarie. Fidèle à la tradition judaïque, Israël a institué le Mémorial
de Yad Vashem pour honorer, à travers cette institution, la mémoire de
ces hommes et ces femmes d’exception. Pour nous, l’exposition propose
de revenir sur cette période troublée
en braquant son projecteur sur la
cité phocéenne.
R.D.
Les Justes
Mémorial des Camps de la Mort
Jusqu’au 13 février
Fort Saint Jean, Marseille
Le Mur des Justes à Marseille,
Parc du 26e centenaire
© X-D.R
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Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Edité à 30 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
GÉRARD OCELLO/TÉLÉMAQUE
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
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06 09 08 30 34
le 17 déc à 20h30
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Théâtre de Lenche
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La Minoterie
Tarif réduit pour toutes les
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de Kader Attou
le 15 déc à 19h30
0811 020 111
Théâtre des Ateliers (Aix)
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à 10 € au lieu de 15
Pour Le Discours de la méthode
en slam
Secrétaire de rédaction
spectacles et magazine
Dominique Marçon
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06 23 00 65 42
Secrétaire de rédaction
Jeunesse et arts visuels
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
06 64 97 51 56
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Le 2 déc à 21h
Le 3 déc à 21h
Le 5 déc à 18h
04 42 38 10 45
3bisf (Aix)
Entrées et visites gratuites sur
réservations
04 42 16 17 75
Théâtre le Sémaphore
(Port-de-Bouc)
Tarif préférentiel à 8 €
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le 3 déc à 20h30
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Le Vélo Théâtre (Apt)
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Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Ont également participé à ce numéro :
Dan Warzy, Yves Bergé, Aude Fanlo,
Christophe Floquet, Agnès Condamin, Pascale Franchi, Jules Pignol,
Christine Rey, Rémy Galvain
Photographe
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Chargée de développement
Nathalie Simon
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06 08 95 25 47