chroniques lycéennes #10 - Les chroniques lycéennes
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chroniques lycéennes #10 - Les chroniques lycéennes
Prix Charles Cros Lycéen de la nouvelle chanson francophone chroniques lycéennes # 10 meilleures notes rencontres, reportages, critiques www.chroniqueslyceennes.fr Edito Faire découvrir aux lycéens la jeune chanson francophone dans ses formes les plus diversifiées, les inciter à écouter d’une oreille active, à analyser, à exprimer leurs opinions, leurs émotions : pour la dixième édition des Chroniques lycéennes, cette volonté anime plus que jamais le CRDP de Poitou-Charentes/CDDP de la CharenteMaritime et l’Académie Charles Cros. Le principe du programme n’a pas changé : des lycéens, un peu partout en France, rédigent des chroniques, des analyses critiques des chansons, à partir d’un CD comprenant 20 titres récents d’artistes francophones. La cinquantaine de chroniques qui ont été sélectionnées et publiées dans ce supplément par l’hebdomadaire Les Inrockuptibles sont autant d’occasions de constater la pertinence des analyses, la créativité et la curiosité des élèves. Des témoignages émaillent cet ensemble, ils rendent compte de l’importance du travail engagé sur l’année scolaire et du plaisir partagé autour de cette opération : plaisir des élèves lorsqu’ils ont la chance de rencontrer les artistes de la sélection, plaisir des artistes eux-mêmes de venir partager leur expérience, répondre aux interrogations des élèves, plaisir des enseignants d’accompagner ce travail de découverte et souvent de permettre aux élèves de révéler des talents cachés. Merci à tous les participants – artistes, enseignants, lycéens et à tous ceux qui concourent aux côtés du CDDP de la Charente-Maritime et de l’Académie Charles Cros au succès des Chroniques lycéennes – le Scéren-CNDP, Les Inrockuptibles, les Francofolies, la Fédération des festivals de chanson francophone (FFCF) et tout le réseau de partenaires, de lieux de programmation, de festivals en France et à l’étranger. à la Smod de chez nous Pendant une semaine, le groupe Smod est parti à la rencontre des lycéens de Charente-Maritime. Reportage à La Rochelle entre cantines, bibliothèques et salles de concerts. par Johanna Seban photo Pierre Le Bruchec Académie Charles Cros, CRDP de Poitou-Charentes et Les Inrockuptibles Plus d’infos et de chroniques sur le site : www.chroniqueslyceennes.fr II les inrockuptibles chroniques lycéennes Q uatre initiales pour cinq jours de rencontres : en avril, le groupe Smod (pour Sam, Mouzy, Ousco et Donsky) s’échappait du Mali pour venir rencontrer les lycéens de Charente-Maritime. Fondé il y a quelques années autour du fils d’Amadou & Mariam à Bamako, Smod (Mouzy a laissé en cadeau son initiale après avoir quitté la formation) a déjà publié quelques albums de musique traditionnelle au Mali, avant de s’offrir une collaboration avec le producteur Manu Chao pour Ça chante, paru en France en 2010. C’est le titre du même nom qui se retrouve sur la dernière compilation du prix Charles Cros, soumise aux lycées participant aux Chroniques lycéennes. Smod connaît bien La Rochelle, notamment grâce aux Chantiers des Francos où le groupe s’est déjà produit. Smod à La Sirène, le 15 avril Cette année, le trio vient y passer une petite semaine pour se rendre dans quatre établissements du département. On retrouve le groupe à l’issue d’une des rencontres, attablé dans le réfectoire du lycée hôtelier de La Rochelle. Les élèves ont préparé le déjeuner : foie gras, souris d’agneau – on avait peur de revivre les mauvaises expériences culinaires de cantine, nous voilà rassurés. Les élèves assis à la table aux côtés du groupe sont en terminale BEP. Le port d’une tenue chic est obligatoire dans l’établissement : il est 13 h, drôle d’ambiance. Ici, les lycéens enchaînent les cours avec des services, le soir, dans les restaurants d’application de l’établissement. Pas évident, dans ce cadre, de trouver le temps chroniques lycéennes les inrockuptibles III et l’énergie pour s’essayer à l’exercice des chroniques. “C’était pas facile, confie l’un d’entre eux. On nous disait qu’il fallait nous lâcher. Nous on répondait : madame, on est habitués à avoir des contraintes.” La documentaliste de l’établissement, qui a supervisé l’opération avec la professeur d’anglais et de français des élèves, rappelle que ces derniers, bien qu’inscrits dans une filière professionnelle, ont tout de même une sensibilité artistique forte. “Ils ne sont pas forcément à l’aise avec les matières littéraires, mais la dimension esthétique est certainement présente dans leur cursus : via le dressage des tables, la décoration, l’art floral…” Quelques heures plus tard, c’est au CDI du lycée Vieljeux qu’on retrouve Smod. La rencontre entre des élèves de seconde et le groupe a été préparée par un professeur de français. Pierre Le Bruchec Rencontre avec les élèves au lycée Vieljeux, à La Rochelle Timides, les élèves dégainent peu à peu leurs questions. “D’où vous vient l’amour de la musique ?”, “Comment composezvous vos chansons ?”, et une mention spéciale à “Vous faites plutôt de la punchline ou du rap revendicateur ?” Le groupe rappelle ses origines, évoque l’importance des griots dans la société malienne. “La musique traditionnelle, au Mali, est présente dans toutes les cérémonies, à travers les griots : les mariages, les anniversaires. Ce sont les conteurs d’histoires.” A cet attachement à la musique traditionnelle s’ajoute, chez Smod, un goût pour le rap américain. “Les jeunes au Mali ont été fous de rap, de 2Pac, NTM, IAM... Les artistes reggae ont aussi eu une grande influence sur la jeunesse, d’Alpha Blondy à Bob Marley.” Fruit de ces multiples influences, la musique de Smod a séduit les oreilles de Manu Chao. “Comment l’avez-vous rencontré ?” interrogent les élèves. C’est sur le toit de la maison d’Amadou & Mariam que le groupe a croisé la route du Français. “Il travaillait avec eux, il a aimé notre musique et est souvent revenu travailler avec nous.” sur ses textes, Smod exprime le désir de “sensibiliser la jeunesse, lui dire d’être plus combative, à travers des paroles qui évoquent la corruption de la société, la maladie”. Le lendemain, c’est à la Sirène, nouvelle salle de concerts de La Rochelle, que se retrouvent les élèves des différents lycées ayant accueilli Smod cette semaine. Après une visite des lieux – la Sirène réunit deux salles de concerts et de nombreux studios de répétition mis à disposition des groupes locaux –, les élèves sont conviés à un showcase Cette collaboration a permis à du groupe. Une heure explosive, conclue Smod d’assurer la première partie sur un rappel partagé avec un élève de Manu Chao sur une dizaine slameur venant du lycée professionnel de concerts en Zénith. “On est habitués Doriole, à La Rochelle. “On a fait sa aux foules, on a aussi joué pour l’ouverture connaissance à l’issu d’une rencontre, il a de la Coupe d’Afrique des nations, dans proposé de monter sur scène avec nous. un stade devant des dizaines de milliers C’est une belle collaboration, à l’image de personnes.” Interrogé par les lycéens d’une belle semaine de rencontres.” Smod exprime le désir de sensibiliser la jeunesse, lui dire d’être plus combative IV les inrockuptibles chroniques lycéennes Smod Ça chante Because Music Marine Claverie Toulouse Le sourire aux lèvres, Smod chante et rappe sous la bonne étoile de Manu Chao. Un bon petit bain de voix engagées et tenaces, de maracas et de soleil, une guitare, une mélodie rassurante et nous nous envolons sur les routes du Mali. Un trio complice, ambitieux, qui joue pour le plaisir des oreilles, et s’adresse à une jeunesse fleurissante en chantant la vie sans mentir. Ils démarrent dans les rues de Bamako en 2000 et cinq ans plus tard, c’est Manu qui leur donne un coup de mano, si naturellement qu’ils débarquent en Europe avec succès. Du rap africain aux notes hip-hop, bien secoué par leur “boing”, leur “bi” et leur “pou”, les jeunes Sam, Donsky et Ousco s’expriment en bambara (langue du Mali) et en français au fil de la bal(l)ade et nous remplissent les yeux d’espoir. Avec Dunia Kuntala, “le cours de la vie”, et Ta I Tola, “vas-y”, leurs premiers albums, ils colorent leur monde et nous y invitent familièrement. Sans agresser ni cracher, ils dénoncent une vérité qui dérange l’Afrique et créent ce lien invisible entre l’enfant et son pays, entre les jeunes et les vieux. Avec des concerts ensoleillés, communicatifs et pleins de vie, ces jeunes n’ont vraiment pas envie de décevoir. Comme un goût pour le partage, ils désirent s’unir à d’autres artistes européens comme Féfé ou même Aznavour ; après tout, pourquoi pas ? L’union fait la force, et chanter fait le reste. Smod a déjà la force, il ne manque plus qu’à… écouter. Laurine Sophie Gaillon Lycée André-Malraux Après Amadou & Mariam, le nouveau son made in Bamako. Sam, Mouzy, Ousco et Donsky sont des amis de longue date puisqu’ils se sont connus au lycée. A force d’improvisations et de minishows dans les rues de Bamako, ils décident de monter un groupe, Smod, dont le nom est un acronyme de leurs prénoms. Jusqu’en 2005, leur notoriété reste locale. Ce n’est que quelques années après le départ de Mouzy que Manu Chao les prend sous son aile et qu’ils décollent enfin pour s’envoler vers l’Europe. Leur musique aux sonorités un peu folk est issue d’une rencontre entre le hip-hop et la musique traditionnelle malienne, sorte Fouad Allaoui Lycée des Arènes d’union essentielle entre le moderne et l’ancestral. “Au Mali j’ai retrouvé, au Mali, ma liberté…” chante Matthieu Chedid. C’est ce que prônent nos amis bamakois dans leur titre Ça chante où le désir de liberté, de paix et d’union dans leur pays est le principal message. La guitare instaure son thème et les voix s’y installent : les paroles en français et en malien s’enchaînent, s’emmêlent sans fausse note. Pas de doute, cet hymne peace and love n’a pas fini de nous faire chanter. Jérémie Charrier, Alizé Gay, Matthieu Lumet, Romaric Merceron La Rochelle Lycée hôtelier Smod chante mais n’aime pas dégamer (“déconner” – ndlr) : voilà qui est clair, le groupe nous aura prévenus. Une guitare et trois voix, telle est la recette de base. Smod est un groupe solidaire qui ne met pas en avant uniquement le chanteur. D’ailleurs, le nom du groupe vient des initiales de ses créateurs : Sam, Mouzy, Ousco et Donsky. Smod a déjà sorti trois albums et a participé à de nombreuses cérémonies comme la Coupe d’Afrique des nations et à des festivals comme le Craven Tour. Face à leur talent, Manu Chao décide même de produire leur troisième album sorti au printemps 2010 dont la chanson est extraite. Ça chante est un savoureux mélange de bambara, la langue du Mali, et de français : très rythmée dès le début, elle nous emmène dans un autre univers grâce notamment à toute une variété d’instruments traditionnels. Ce qui nous séduit surtout, c’est la façon dont ils parlent chroniques lycéennes les inrockuptibles V de leur pays : ils arrivent à nous faire retrouver la chaleur de l’Afrique, leur continent d’origine qu’ils représentent avec fierté. Pour ces jeunes chanteurs, venir d’ailleurs est une différence qu’ils mettent en avant. Les paroles sincères font ressortir une certaine morale et dévoilent tous les secrets du droit chemin pour celui qui veut vivre sainement. Le groupe dispose d’une grande diversité de sonorités et de couleurs selon les chansons qu’il interprète. Ça chante est moins engagée que d’autres chansons du même album où parfois le groupe appelle à la révolte. Leur musique est un mélange de hip-hop, de folk, de traditionnel et de rap mais ce n’est pas le genre de rap que l’on trouve généralement en France. Ici, pas d’insulte, pas de manque de respect, pas de bimbo ou de bling-bling mais juste une dénonciation du comportement des gouvernements africains, tristement d’actualité. C’est un groupe pétillant sur scène qui booste le public avec une attitude survitaminée, le rap est devenu comme un chemin qui les unit. Pleins d’entrain, ils méritent d’être écoutés et de percer dans le paysage de la chanson francophone. le meilleur des autres La diversité est également le maître mot de Smod. La chanson Ça chante en est un parfait exemple : dès l’introduction, le riff de guitare accompagné de percussions discrètes fleure bon l’Afrique, puis la mélodie arrive au chant, très traditionnelle dans son harmonisation polyphonique. Tom Annodeau, Roissy-en-Brie, lycée Charles-le-Chauve Arnaud Fleurent-Didier France Culture Columbia/Sony Sylvain Renzetti Talence Lycée de Gascogne Ce soir, mes idées s’embrouillent, l’interrogation serine mon âme mais, abattue, ma plume s’élance cependant de gauche à droite et se fait entendre tout comme France Culture. Un nom élitiste désignant une chanson ou plutôt une description impartiale de cette société qui nous révulse ou nous attire. La mélodie, grandiloquente et magistrale, nous accroche et plonge notre esprit dans une sorte de douce flânerie. Le texte est une grande plaine sans fin, la musique, un étalon impérieux. Résultat, on s’évade. Une ambiance lourde et mélancolique nous piège dans cette voix simple, sans grande profondeur, mais qui pourtant, nous va droit au cœur. Une chanson qui nous souffle littéralement et qui, avec un langage simple, nous chuchote la situation terriblement complexe et frustrante qu’est l’ignorance. Ces sons nous transportent et au fil des trois minutes, nous enferment dans un monologue intérieur. Et l’on se surprend à s’interroger, de la même façon que Fleurent-Didier, qui, sans que l’on y consentît, nous émeut. On voit un enfant livré à lui-même, une touche puérile, avec des mots d’adulte. L’œuvre est entre le passé et le présent, intemporelle et sans convictions politiques. Au-dessus des simples textes stéréotypés contre le racisme ou autres injustices, tout est dit sans cri, sans chant, sans pleur… La description est vaste, parfaite et exprimée par touches, ni bonnes, ni mauvaises, les idées sont d’une neutralité impeccable et nous incitent au débat. Une chanson inchantable, mais vivante comme un poème, en somme, quand les violons rencontrent l’enfant que nous sommes tous, le cœur explose et les idées fusent… la commercialisation et où les paroles sont aussi vides de sens que la musique. Ainsi, à travers l’héritage de ses parents qui lui ont dicté ses choix, ses actes, sa vie, l’auteur fait apparaître la véritable figure honteuse de la France des années 80. Poésie sur la société, poésie sur ce qui ne se disait pas, sur ce qui dérangeait, ainsi “ils n’ont fait aucun commentaire sur Mai 68”, “Peu de de Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler”. Ce poète d’un nouveau genre nous parle de politique, de racisme en finalisant sa chanson par “Elle trouvait que les Noirs sentaient/Elle n’aimait pas les odeurs”, de la famille (“Il fallait trouver comment vivre avec demi-frère, demi-sœur, demi-mort, demi-compagne, maîtresse et remarié”), de religion, mais aussi et surtout de la société. Une petite douceur à savourer sans modération. Charline Madini Briey le meilleur des autres Lycée Louis-Bertrand Vingt ans après la mort de Serge Gainsbourg, Arnaud Fleurent-Didier signe avec France Culture, tiré de La Reproduction, un virage fracassant et poétique dans une variété française qui ne jure que par VI les inrockuptibles chroniques lycéennes Il y a ces paroles, ces phrases courtes et simples qui dissèquent une éducation parisienne version bobo. (…) Le regard semble détaché, comme cette voix qui ânonne, monocorde, privée d’émotions chaudes. Emma Head, Savigny-le-Temple, lycée Pierre-Mendès-France Mathieu Zazzo Camélia Jordana Non non non (écouter Barbara) Sony Valérie Dherbet Romans-sur Isère LP Auguste-Bouvet Non non non, vous n’aurez pas envie d’éteindre votre lecteur, cet air vous fera “boum boum” au cœur ! Camélia Jordana nous emballe et nous emmène dans son monde rempli de nostalgie, de nostalgie heureuse. Un timbre de voix un peu voilé, une mélodie douce et entraînante à la fois ; les paroles sont certes simples mais pertinentes et sont interprétées par ce petit bout de femme à la personnalité forte et à la sensibilité à fleur de peau. Son message est celui d’une jeune femme qui ne demande pas grand-chose si ce n’est qu’on la laisse tranquille après une rupture amoureuse. Dans ce morceau dans lequel beaucoup de jeunes pourraient se reconnaître, les mêmes mots reviennent souvent, peut-être un signe de son entêtement. Les mélodies sont percutantes, les changements de rythme apportent du peps dans une chanson où l’ironie et l’autodérision transforment la tristesse en bonne humeur. On succombe avec plaisir à cet univers énergique et jazzy d’une artiste à part entière chez laquelle le talent est proportionnel à la taille de ses lunettes. Non non non, n’écoutez plus Barbara, écoutez Camélia Jordana sans modération ! Hermine Beautru et Agathe Gobart Le Mans Lycée Yourcenar Sortie tout droit de la septième édition de Nouvelle Star, la prometteuse Camélia Jordana a été à la hauteur de nos espérances. Avec son premier single Non Non Non (écouter Barbara), la jeune fille de 18 ans en a surpris plus d’un, de par une volonté d’envisager la chanson française avec ambition. Sa voix atypique a révélé une vraie personnalité, qu’elle affirme et assume pleinement. Pour ses débuts, la chanteuse s’est entourée de la crème des auteurs indépendants de la chanson française. De Babx à Séverin en passant par Mathieu Boogaerts, le résultat est saisissant. L’album a été annoncé comme une véritable surprise musicale. A l’image de ce qu’elle avait proposé durant sa participation à l’émission Nouvelle Star, ce premier single chic et soigné navigue entre plusieurs univers musicaux. Il se dégage de ce morceau une impression de douceur et de nostalgie. Avec une atmosphère intimiste et un refrain qui reste facilement en tête, la jeune chanteuse a su conquérir les adolescents autant que leurs parents, “Non Non Non” est maintenant sur toutes les lèvres, malgré des paroles qui ne respirent pas la joie de vivre. Le titre de la maturité avant l’heure, comme certains le qualifient, pour une jeune femme tout juste sortie de l’adolescence. On est très loin de l’univers rose et contrarié d’une adolescente surdouée. Un disque qui parle d’amour, d’adolescence bien sûr, mais avec du recul, de l’humour et un peu d’autodérision. Malgré quelques critiques moins favorables que d’autres, on a affaire à un morceau très agréable. Une bonne surprise donc, qui met Camélia Jordana en bonne place sur l’orbite de la planète soul/pop/folk française et qui fait naître une certaine attente et de l’envie concernant la suite de sa jeune carrière. le meilleur des autres La recette de la réussite ? Un texte déprimant relatant une rupture amoureuse d’adolescents, posé sur une musique rythmée et joviale, le tout interprété par une chanteuse à la voix vintage et chaleureuse. Résultat ? Un vrai régal pour les oreilles et le moral. Elise Allard, Evreux, lycée Léopold-Sédar-Senghor chroniques lycéennes les inrockuptibles VII Balimurphy Le Totem du progrès Ed. Un soir autour du monde/WTPL Music Guirec Petton Toulouse Lycée des Arènes Balimurphy, c’est une troupe non pas de cirque, mais de musiciens. Née dans une cave de Saint-Gilles en Belgique en 1999, la bande de six joyeux lurons élabore des mélodies mêlant folk entraînant, pop explosive, classique mélancolique et une pointe de country offrant un album, Poussière, détonant, cadencé par les guitares et la contrebasse et bercé par le violon et le trombone. Aucun doute, ces Belges sont inspirés par les vastes plaines américaines ! Sur Le Totem du progrès, Cédric Van Callie chante ses mots forts et alambiqués sur un sujet d’actualité, pour ne pas dire d’avenir ! On se retrouve assis dans le train du progrès, un vieux vapeur American 220 de la conquête de l’Ouest. La chanson progresse, le train également. Il gagne des wagons et la locomotive devient celle du Transrapid de Shanghai. Les chanceux sont assis en première classe, et ceux qui n’ont pu suivre le progrès se retrouvent dans les vieux compartiments du fond. “On s’arrête un jour”, dit Van Callie. A la fin c’est le terminus, la fin de la vie, là où le progrès ne viendra pas nous taquiner. Alors on s’interroge : qu’est ce que le progrès ? Qui le contrôle ? N’est-il pas devenu matériel ? Pourquoi y accorder tant d’importance, alors qu’on descend tous un jour du train ? Balimurphy prend la relève de Louise Attaque et des Ogres De Barback en ressassant nos souvenirs de Brassens ou de Brel. Ouvrez vos oreilles, passez la porte de Poussière et partez pour un périple avec Balimurphy aux commandes. Stella Cimolato Romans-sur-Isère Si vous êtes de ceux qui guettent la sortie de l’écran plasma ou du téléphone dernier cri, n’écoutez pas Balimurphy. En effet, ce groupe belge, dont l’album Poussière est sorti en 2008, nous livre Le Totem du progrès, morceau choc qui dresse le triste portrait d’une société dans laquelle la consommation à outrance devient un signe extérieur de bonheur, où l’amour porte une date de péremption tandis que les rapports humains ne sont que des rapports de force. La musique, au rythme parfaitement en accord avec le texte, mélange guitare, banjo et batterie et accompagne une voix que n’aurait pas reniée Gaëtan Roussel. Balimurphy a le geste qui sauve, il brise la vitre et déclenche l’alarme dans le train du progrès qui, s’il n’est pas stoppé à temps par notre envie de vivre simplement, finira bien un jour par dérailler. Sarah Ruelle Montauban Lycée Michelet Le Totem du progrès est une critique féroce de la société de consommation. Balimurphy décrit un monde rempli d’individus avides de consommer et de posséder. La partie instrumentale, festive et entraînante, contraste avec les paroles sombres et contestataires. Le mélange cordes-cuivres apporte une certaine générosité, une ambiance sonore… En écoutant cette chanson, on ne peut s’empêcher de penser à des groupes comme La Rue Kétanou ou Les Ogres De Barback, dont les Balimurphy se sont certainement inspirés. Ce manque d’originalité est loin de les valoriser puisque ces autres groupes se sont révélés meilleurs. Tout n’est pas perdu pour Balimurphy, peut-être qu’un texte plus poétique et original parviendra à les hisser sur le devant de la scène. le meilleur des autres En plus d’une instrumentation digne des plus grands standards country et folk, ces Belges ont la frite et nous livrent des textes poétiques sur les petits instants de la vie et ses grandes questions. Mélanie Trussardi, Morteau, SEP Edgar-Faure Cactus LP Auguste-Bouvet Vendeurs D’Enclumes Fenêtre Macabane Elodie Receveur Longchamp Lycée des métiers de la céramique Henry-Moisand Ouvrez et sautez par la fenêtre... disque perturbant ! Suivez cette fanfare débridée dans sa farandole et ses chansons difficiles à comprendre. Mais à quoi vous attendiezvous ? Classique ? Reggae ? Loupé ! Vendeurs D’Enclumes mêle raison et déraison, entre jazz et rock. Dans la chanson Fenêtre, le chanteur cherche l’amour sous les fenêtres et “les balcons de Tours”. Emmené par la voix de Valérian Renault chantant des vers formidables, accompagné au saxophone, à la guitare et à l’accordéon, le groupe offre un savant mélange d’instruments et une musique surprenante. Dans la chanson, les mots riment, on a l’impression de découvrir un poème. La première écoute s’est avérée assez déstabilisante à cause du rythme changeant régulièrement dans la chanson, de la façon de chanter du chanteur qui est particulière : sa voix monte dans les aigus puis descend dans les graves et par moment, on pourrait croire qu’il parle. Mais après une seconde écoute, nous pouvons sentir et même voir, grâce à la pochette de l’album, que leur musique est unique. Elle est recherchée, peu commune et inspire le besoin d’aimer. On sent que Valérian Renault est très présent dans sa chanson, elle semble autobiographique, ce qui la rend originale. Toutes ces belles compositions qui nous entraînent dans ses chansons nous donnent envie de les écouter chaque jour avec lui. Une œuvre exceptionnelle. VIII les inrockuptibles chroniques lycéennes Léa Pagès Toulouse Lycée des Arènes Vendeurs D’Enclumes, c’est ce groupe de six membres que l’on hésite à classer rock ou jazz. Ils nous ouvrent une Fenêtre sur leur univers à la fois poétique et rude, dans un style bien à eux né d’un savant mélange : saxo, guitare, accordéon, basse, ajoutés à une interprétation renversante et à une plume hors du commun. Valérian Renault et ses acolytes nous kidnappent et nous entraînent dans toutes sortes d’émotions, nous trimballent du rire aux larmes sans qu’on ait le temps de réaliser quel sortilège nous submerge. Leur talent, qui chemine sans arrêt entre errances sentimentales et contes comiques, a été généreusement salué, notamment lors du festival montalbanais Alors… Chante !, où ils ont reçu les bravos du public et des professionnels. Autant dire qu’ils ne laissent pas indifférents ceux qui les ont vus à l’ouvrage ! Fenêtre, un titre issu de leur dernier album, Bonheur d’occasion, raconte la décadence morale d’un homme, ses états d’âme mélancoliques et sa détresse amoureuse. La mélodie oscille entre un rythme langoureux et, soudainement, plus vif. Valérian nous prête sa plume pour nous écrire un mot chargé d’émotion, que l’on écouterait bien encore, à la lueur d’une chandelle, ou au clair de la lune. le meilleur des autres L’humeur du morceau ? Elle passe sans transition des cimes désespérées d’un amoureux éconduit qui se sent devenir fou aux dégringolades ironiques des saxophones, le tout plongé sous les rires de sternes des méchantes fenêtres. Héloïse Tschora, Vaux-le-Penil, lycée Simone-Signoret Julien Dajez Féloche Darwin avait raison Ya Basta Records Loreleï Ferrer-Gleize Valence Lycée Emile-Loubet Féloche est-il fêlé ? Si c’est le cas, il a l’air tout de même bien renseigné sur les théories de Darwin. En effet, son titre Darwin avait raison nous plonge dans son univers poétique et grinçant, où l’on se sent comme un poisson dans l’eau. Sur un rythme pop et entraînant, posé sur la partition non déplaisante de la mandoline et accompagné de sons plus electro, il parvient à distiller en nous une réflexion sur l’homme et son automatisme. En appliquant la théorie de l’évolution de l’espèce à son évolution personnelle, avec une certaine ironie, il se moque de lui et de l’homme en général. On le suit alors dans son imaginaire au rythme des pulsations rappelant le pas semblable à ceux des robots, répétant en chœur, Darwin avait raison. Féloche n’est pas fêlé, “Féloche est un poisson, Darwin avait raison” ! Dounia El Hannouti Amiens Lycée Edouard-Gand Hé, vous ! Oui, vous, là ! Connaissez-vous Féloche ? Non ? Il a pourtant derrière lui une longue carrière. Saviez-vous qu’il jouait dans le seul groupe français des années 80 où les chanteurs débarquaient sur scène maquillés comme des voitures volées ? J’ai nommé : Les Nonnes Troppo. Aujourd’hui, Félix de son vrai prénom joue en solo de la musique “electro cajun” selon ses propres mots, une musique originaire de Louisiane. Lorsque vous écouterez Darwin avait raison, vous entendrez une voix étonnamment adolescente, juvénile et pleine d’énergie. Vraiment présente. Et pourtant, Féloche se plaît à modifier les voix et instruments par ordinateur pour créer de nouveaux sons jamais entendus ailleurs et des voix venues d’une autre planète. Des instruments, il y en a beaucoup : la guitare électrique et la batterie se rangent du côté rock, mais les grelots accrochés aux chevilles de Léa Bulle, la musicienne préférée de Féloche, restent inclassables, sans oublier l’instrument le plus important, la mandoline fétiche de chroniques lycéennes les inrockuptibles IX Féloche. Drôle de mélange, non ? Où peut-on trouver ailleurs que chez Féloche ce mix de guitare électrique, de rythmique bidouillée par ordinateur, de mandoline du bayou (à moins qu’elle ne rappelle une région reculée de l’Ukraine ?) et de grelots au son ethnique, traditionnel, d’origine louisianaise ? indienne ? ou bien même africaine ? On en perdrait son latin… Enfin, parlons des paroles de Darwin avait raison. Féloche aurait-il un avis sur la théorie de l’évolution ? Le chanteur joue sur les mots et la joue un brin ironique : “Darwin avait raison, je ne suis plus un loup, je ne suis plus qu’un chien fou qui garde la maison.” Féloche est un drôle d’animal, chien fou ou poisson, mais de Darwin, il se moque… Sur un fond ambiancé et sacrément rythmé, dans un style à lui que personne ne peut copier, Féloche a l’esprit à la fête et nous avec lui. le meilleur des autres Un son peu commun et actuel, voire même inédit : tout à la fois fiévreux et flottant, doux et frénétique, dissonant et mélodique. Nicolas Carre & Raphaël Cousiney, Pessac, lycée Pape-Clément Aliose Je n’suis pas folle Alizé Oswald Julie Chan Kai Fai, Narjès Asri, Léa Bacuet, Dorian Marson, Kévin Dupuy Fonsorbes Collège Cantelauze Première note, souffle coupé. Première phrase, paroles capturées. Premier ressenti, frissons garantis. Rassurez-vous, vous n’êtes pas fou, cette mélodie est bien contagieuse. Sur un fond si paisible s’installent des paroles saisissantes. Ce texte reflétant la réalité entraîne une réflexion consciencieuse sur la tolérance. Partagé entre l’envie de se laisser porter par ce flot et le besoin de compatir avec son mal-être, Aliose a su faire naître en nous deux sentiments bien distincts mais si complémentaires. Cette ballade mélancolique dépeint une musicalité sereine secondée par un admirable jeu de piano. On est loin des contes de fées à la Walt Disney mais plus proche du réel à la Forrest Gump. Une symbiose grandiose. Julie Nunez Mirepoix Lycée de Mirepoix Alizé Oswald et Xavier Michel, chanteuse et musicien tous deux suisses, forment un jeune groupe prometteur. Leur album éponyme Aliose les a fait connaître en Belgique et en France grâce notamment à ce titre très émouvant, Je n’suis pas folle, qui nous entraîne dans les tourments de la schizophrénie. Sur un mode piano-voix, et au fil d’une mélodie lancinante, la maladie est évoquée avec justesse : solitude, incompréhension, enfermement, dédoublement… Le chant fragile de cette “schizophonie” trotte dans la tête, flirte avec la folie puis redevient sensé. Le texte est torturé, répétitif et en cela très poétique. La voix douce et envoûtante, accompagnée mélancoliquement par le piano, émeut l’auditeur attentif et l’embarque en son for intérieur. Aliose nous sensibilise avec succès à ce mal-être souvent jugé hâtivement : une chanson sentimentale richement interprétée ! Mathilde Moriceau Rennes Lycée Victor-et-Hélène-Basch Nous sommes fous ! Fous d’Aliose… Sixième piste. On s’émerveille, on sourit, on pleure un peu… Qui est cette chanteuse ? On regarde alors au dos de la pochette : Aliose. Aliose, c’est d’abord une découverte de Claude Lemesle et un plaisir pour nos oreilles. Mais aussi un groupe, une osmose créative de deux amoureux de la musique : Alizé Oswald et Xavier Michel. Et enfin une voix pure et envoûtante, au timbre enfantin très doux et X les inrockuptibles chroniques lycéennes parfaitement maîtrisé qui se savoure comme un fondant au chocolat. Je n’suis pas folle, c’est du piano joué délicatement et gracieusement avec de petits sons de cloches qui résonnent agréablement à nos tympans. Une histoire, celle d’une fille, d’une “folle”, placée depuis quarante-huit jours en hôpital psychiatrique, qui subit piqûres et visites de docteurs et qui, pour survivre, s’agrippe désespérément à quelqu’un. Mais à qui ? Un homme, un ami, ou sa folie ? Un texte, de belles paroles, une vérité, une sacrée claque ! Aliose dénonce notre société construite sur des apparences, des “murmures”, des peines, le mensonge et la folie. Ce duo partage avec une grande authenticité des textes soignés mis en avant par une émotivité mélodique. Un vrai mariage entre la musique et les paroles. Une union que l’on retrouve dans beaucoup de leurs chansons, comme la reprise Elle est d’ailleurs de feu Pierre Bachelet. Et tout cela nous rend fous, fous, totalement fous d’Aliose. le meilleur des autres C’est grâce à la voix féminine qui incarne si bien sa détresse que nous sommes émus, emportés dans ce monde discret, caché et honteux de la folie. Le piano égrène ses notes comme les minutes passées dans cette chambre. Marjorie Lecerf, Mirepoix, lycée de Mirepoix JP Nataf Viens me le dire tôt Ou tard Sarah Martos Nantes Camille Plou Valence Lycée Emile-Loubet C’est dans un tout autre registre que Colore que JP Nataf, ex-chanteur des Innocents, revient avec son album solo Clair. Viens me le dire est un titre qui sonne à l’assemblage mélodieux de paroles jetées au vent. Jetées, comme la vie nous jette dans un gouffre mystérieux. C’est à nous de constituer l’histoire, JP Nataf nous laisse seulement des amorces. Une impression qui nous conduit à penser que nous sommes aussi les maîtres de la chanson, d’ailleurs l’artiste nous entraîne dans son évasion en nous y incluant. Nous choisissons dans quel sens va la chanson. Les premiers accords font se balancer nos têtes, les questions reviennent souvent. Le chanteur ne s’aventure pas à y répondre, il préfère nous amener à une réflexion sur un air gai et entraînant, qui résonne encore dans notre esprit. Les pas guidés par la rythmique de la réitération de mots. La seule chose qu’il nous reste à répondre c’est qu’on en veut encore ! Lili Ster Mlle Shy Label Lez’Art Jody Foix La Rochelle Lycée Vieljeux Laissez-vous envoûter par la voix mutine et groovy de Lili Ster, dans sa chanson Mlle Shy. Mais avant tout, remballez “toutes vos audaces”, démaquillez-vous, restez vousmême : transformez-vous en cette Mlle Shy. Montez le volume, fermez les yeux et découvrez un air folk, mais aussi un mélange de blues, de swing, de groove et de soul, qui vous transportera dans un univers où nul rôle n’est joué, et où chacun est ce qu’il est. Telle une odeur entêtante, cette mélodie originale vous reste dans la tête, pour faire durer le plaisir. Quoi de mieux qu’une voix acidulée sur un texte pimenté, nous prouvant que rester soi-même est le meilleur des maquillages ? Mais non, plus besoin de fard à joues, il suffit de rougir ! Du blush ? Usez simplement de votre bluff ! Maîtrisez-vous, et fini les désirs, tels sont les conseils que nous donne Lili Ster. Non mesdames, ne déprimez pas. Comme nous le dit si bien Lili, plus besoin de maquillage, tous ces fards vous font de l’ombre ! Sara Abassbhay Tamatave/Toamasina Madagascar Lycée français de Tamatave le meilleur des autres Dans la chanson Viens me le dire jaillit la finesse de la mélodie, une oxygénation absolue, une maîtrise totale de l’espace sonore. Guillaume Andrevron, Valence, lycée Emile-Loubet JiF Besoin de repos et de calme ? Décollez pour l’univers pop et folk de Jean-Philippe Nataf ! Cet ex-chanteur du groupe Les Innocents vous mène, aux doux accords de sa guitare, dans un monde paisible et sans frontières. Tiré de son second album Clair, sorti en 2009, Viens me le dire est une carte d’embarquement pour une envolée parmi les nuages. Ces paroles empreintes de liberté, parfois rugueuses mais adoucies par l’accompagnement musical, coulent et se fraient un passage parmi cumulus et cirrus sans aucune turbulence. De sa voix mélancolique, cet auteur-compositeurinterprète nous questionne sans nous donner de réponse explicite. On l’accompagne alors, léger, dans son périple, à la recherche d’un endroit “où (se) recueillir”, tout en se délectant de chaque sonorité, en mordant à pleines dents chaque instant… Quelques escales dans un “pays flou”, dans des “villes ouvertes”, et on finit par atterrir en douceur. De la poésie… Alors, n’hésitez pas à “ré-embarquer” pour un nouveau voyage ! Richard Dumas Lycée Carcouët Lili, deux voyelles, deux syllabes, une voix. Inspirée par son père batteur, accompagnée par le piano, Lili Ster balance entre douceur et acidité. A mi-chemin entre la petite fille et la femme fatale, elle pétille et éblouit la foule de son sourire d’enfant. Elle s’en va, suivie du producteur Jean-Louis Pierrot, vers le sud chroniques lycéennes les inrockuptibles XI et le nord de la France, et les charme tous petit à petit : Paris est la première ville touchée le 24 février. Présente comme jamais sur scène, elle se laisse guider par ses pulsions qui mettent en valeur sa personnalité fougueuse. Elle ne fait qu’un avec son expression artistique. De son album La Castafiore, Mlle Shy a à la fois l’aspect très rythmique et un côté acoustique. La jeune demoiselle laisse vibrer sa voix jusqu’aux oreilles. Sans froufrous, ses paroles sonnent juste et révèlent la timidité qu’il y a en chacun de nous. “J’ai un blush natural” : fait-elle référence aux jeunes filles superficielles d’aujourd’hui ? Sans aucun doute. Par le biais de sa musique ressort une vérité qui touche et dans laquelle se reconnaît la génération actuelle. Etincelante et provocatrice, elle bat la mesure et n’hésite pas à utiliser le langage d’aujourd’hui (“m’foutre” ; “fadasses”) ce qui rend le tube encore plus attractif. Par ses chansons émanent une aura palpitante, une émotion musicale, un halo de lumière et un groove entraînant. Pour notre plus grand plaisir, elle crée une mélodie gracile, avec un zeste de mystère et de féminité, une chanson à écouter en boucle ! le meilleur des autres De sa voix mutine, acidulée et accompagnée du piano, elle revendique le fait de ne pas avoir besoin de maquillage pour avoir bonne mine, et fait des jeux de mots avec le fard à paupières. Clara Delmon, Toulouse, lycée des Arènes Féfé VPC (Vilain petit canard) Polydor/Universal Thomas Baumans et Enzo Van De Kapelle Bazas LEGT Anatole-de-Monzie Avis à tous les vilains petits canards, Féfé est de retour avec son album Jeune à la retraite, sorti en 2009. Féfé alias Feniksi est un professionnel du rap français et ancien membre du collectif Saïan Supa Crew connu pour son tube Angela. Dans cet album, il se la joue mélancolique, entre plusieurs styles de musiques, hip-hop, blues, soul et même funk… des styles qui ont baigné son enfance. Son titre VPC (Vilain petit canard) nous entraîne dans une cour d’école. Féfé ou Fé au carré ? Appel à la joie, à l’innocence ? Non... bien au contraire ! L’ambiance festive et les timbres enfantins ne doivent pas nous faire oublier d’écouter les paroles : “J’avance tête haute”, un appel à la réalité des choses ! Soyez tel que vous êtes et rejoignez-nous ! Des paroles bien rythmées et scandées, aux fins de phrases un brin chaud vibrato, soutenues par une basse groovie et une batterie bien binaire rap-disco, le tout éclairé et ensoleillé par une guitare en contretemps et un synthétiseur qui nous fait voyager vers un soleil reggae. “Action/Ma passion/Mon son/A cent pour cent” chantent les enfants… Une belle soul school nous direz-vous, à l’image même de la vie réelle ou de ce conte sur ce vilain petit canard qui se transforme en cygne… Merci d’“avance(r) tête haute” monsieur Féfé, et vive l’école buissonnière ! Laetitia Segonds Toulouse Lycée des Arènes Marre d’être dans les règles, assez d’être comme tout le monde ? Féfé aussi, et il nous le dit ! Depuis son départ jusqu’à sa réussite, son combat est là. En groupe pendant une dizaine d’années, et après une pause de réflexion de trois ans, il revient en solitaire et s’impose. Ce nouveau papa confirme son talent en signant un nouvel album, Jeune à la retraite. VPC ou “vilain petit canard”, une des chansons les plus connues, nous transporte, avec son rythme entraînant et sa mélodie entêtante. Féfé “représente tous les Féfé”, ceux qui ont douté, qui ont été vus différemment. Il demande seulement que chacun vive sa vie. Écoutez bien ce chant victorieux de celui qui nous montre que seule la persévérance est gagnante. A travers cette minibiographie, une thérapie peut-être, Féfé transmet véritablement son message, et n’oublions pas le rappeur qu’il est ! Avec ses chiasmes, ses répétitions et ses jeux de mots, Féfé ajoute un peu de sauce soleil à sa manière pour nous emmener avec lui. Voluptueux, Passionné, Chaleureux, laissez-vous embarquer par ce rayon tropical ! Earvin Ardes Nantes Lycée La Colinière C’est sur un ton engagé que Féfé nous envoie son message dans sa chanson VPC. Ce jeune trentenaire avait pris sa retraite anticipée après la séparation de son ancien groupe Saïan Supa Crew, qui avait cartonné dans les années 90. Il revient avec son nouvel album solo, Jeune à la retraite, où il nous fait découvrir le style novateur qu’il a créé pendant sa petite période d’absence médiatique. Son nouveau style, influencé par la musique hip-hop, jazz, reggae, funk et la chanson française s’accompagne de guitare et de cuivres. Son style est aussi influencé par de grands noms de la musique tels que Bob Marley, Sam Cooke ou encore Meeters. “L’uniforme moi ça me bride, rien à faire faire faire/Je suis né sans, j’ai toujours eu mes propres idées”, voilà comment il évoque la relation qu’il entretient avec la société d’aujourd’hui. Il se sent tellement différent qu’il se compare au vilain petit canard du conte d’Andersen. Dans son refrain, il insiste sur le fait qu’il ne changera jamais. Il le dit lui-même, son existence est trop courte pour qu’il essaie de ressembler à quelqu’un. Il se sent bien comme il est, même s’il est différent mais surtout parce qu’il est unique et exceptionnel. Unique et exceptionnel, tel a été son retour sur scène, on pourrait même le qualifier de triomphal, il a réussi à conquérir la scène mondiale en se plaçant en tête des charts avec son tube Wavin’ Flag. Ce succès ne lui a pas fait prendre la grosse tête pour autant. le meilleur des autres Bien que les paroles puissent paraître légères ou même faciles, se cache derrière un fort message politique, une contribution à un vrai débat de société : choisir sa liberté ou s’enliser dans le conformisme. Tom Mahiet-Ribeyrol, Aurillac, lycée Emile-Duclaux XII les inrockuptibles chroniques lycéennes de la bombe Féfé Après l’aventure Saïan Supa Crew, il a pris un nouveau départ, en solo, mais bien entouré. Il parle de ça, du docteur qu’il aurait pu être, et de Jay-Z. par Aminatou, Aurélie, Elodie, Margot, et Mme Ranieri (professeur) “refaire un groupe pour faire du pseudo-Saïan, ça n’avait aucun intérêt. Ç’aurait été un cauchemar” R encontre avec Samuël Adebiyi, aka Feniksi, aka Féfé, membre de Saïan Supa Crew (19972007) désormais en solo, avant son concert au File 7 à Magny-leHongre le 7 novembre 2010. Entretien réalisé par des élèves de terminales L et ES du lycée Pierre-Mendès-France de Savigny-le-Temple. Préférez-vous la vie de groupe ou celle d’artiste solo ? Féfé – C’est différent, mais je dirais ni l’une ni l’autre. En tout cas, il n’y aura aucun retour du groupe Saïan Supa Crew. C’est un nouveau départ que je prends. C’est vrai qu’avec le groupe c’était la folie, on ne pouvait pas marcher dans la rue. Regrettez-vous parfois la vie de groupe ? Non, pas du tout. Mais je suis sûr que j’aurais regretté si je n’avais rien fait. J’ai longtemps hésité, j’ai bien réfléchi. Je suis content d’avoir fait ce choix. Refaire un groupe pour faire du pseudoSaïan, ça n’avait aucun intérêt. Ç’aurait été un cauchemar. Depuis combien de temps envisagez-vous de vous lancer dans une carrière solo ? Pour certaines des chansons de l’album, j’y avais déjà pensé mais pas dans le cadre d’une carrière solo. Parfois j’en parlais avec les membres du groupe en disant que j’avais une mélodie, des thèmes ou même des textes dans la tête pour le groupe. Après la séparation de Saïan Supa Crew, je n’envisageais pas de remonter un groupe car c’est une expérience à ne vivre qu’une fois dans sa vie. Et en fait, je n’envisageais pas non plus de me lancer en solo. Pendant un an, j’étais dans une sorte de déprime jusqu’au jour où on m’a offert une guitare. Je me suis rendu compte que j’avais encore des choses à dire. Je suis donc revenu à l’essentiel, à ce que je voulais, c’est à dire créer. J’ai commencé à écrire et je voulais en sortir quelque chose de neuf. Dans la chanson Le Féfé vous parlez de “bac S”. Que vouliez-vous faire comme métier ? Docteur. Mais c’est plutôt parce que tout le monde me poussait à le devenir. J’ai donc fait un bac S. J’aurais pu y arriver, je pense. Mais je n’étais pas vraiment intéressé. Après j’ai voulu travailler dans la pub, mais je ne savais pas vraiment, je n’étais pas décidé. Au lycée, j’avais déjà un groupe ; j’étais dans la “mouvance rap”, donc un an après avoir eu mon bac, le groupe s’est formé. chroniques lycéennes les inrockuptibles XIII Comment s’est faite la rencontre avec K’naan avec qui vous interprétez Wavin’ Flag ? Il connaissait mon ancien groupe, Saïan, et appréciait ce qu’on faisait. Nous étions dans la même maison de disques. Donc il a écouté et aimé mon projet solo. Alors nous nous sommes lancés. Aimeriez-vous faire d’autres duos avec des artistes français ou étrangers ? Oui bien sûr, avec Mac Tyer que je vois souvent d’ailleurs, avec Despo Rutti, Youssoupha, Reza mais aussi Mos Def. Et avec Jay-Z tant qu’à faire (rires) ! Qu’est-ce que vous écoutez sur votre mp3 ? Les Black Keys, ça déchire ! C’est un mélange de rock et de blues. J’écoute naturellement Jay-Z. Lil Wayne j’aime aussi, c’est un fou mais il a son style unique. J’écoute un peu Drake même si je n’aime pas tout. Il a quand même quelque chose mais j’ai l’impression que ce n’est rien de vraiment nouveau. Avez-vous l’intention de chanter en anglais ? J’en ai de plus en plus envie, même si je n’ai pas encore écrit de morceaux en anglais. J’ai d’ailleurs vécu quelques années en Angleterre étant petit, c’est donc ma seconde langue. Qu’est-ce que ça vous fait de passer en boucle sur les chaînes musicales et les radios ? Je n’étais pas au courant puisque je ne regarde plus ces chaînes depuis que j’ai vu ma petite fille danser devant comme Shakira (rires). Avant, je regardais tout le temps MTV, mais c’est fini. Donc je ne me vois pas, et tant mieux en fait ! Dans ma rue, c’est un éloge à la banlieue ? Dans cette chanson, je parle de la réalité de la banlieue. Il y a du positif et du négatif ; ce n’est pas bling-bling. Je n’essaie pas de l’ensoleiller. La banlieue, c’est là d’où je viens et je l’aimerai toujours. Que pensez-vous de votre première partie, Smod ? J’aime bien ce groupe. Ils ont déjà été en concert avec moi auparavant, et j’aime bien ce qu’ils font. Eiffel Minouche Pias Maïwenn Cozien Rennes Lycée Victor-et-Hélène-Basch Eiffel, c’est d’abord une passion pour la musique qui a réuni, en 1998, Estelle et Romain Humeau, Nicolas Courret, et Damien Lefèvre. Ce groupe, discret à ses débuts, se fait une place petit à petit dans le rock français grâce à ses albums de grande qualité. La colère, c’est sans doute ce que ressent Romain Humeau, chanteur du groupe Eiffel, lorsqu’il interprète ce titre, Minouche. Minouche, le destin d’une immigrée, perdue dans un pays qui n’est pas le sien. Le texte, d’une grande qualité, qui compare cette immigrée à un “chien enragé” errant, solitaire, est précis, poignant. Mais le plus beau, c’est la musique, la mélodie. Une mélodie qui nous fait frissonner dès les premières notes jouées à la guitare et qui laisse ensuite place à la voix écorchée, nerveuse de Romain Humeau, une voix unique. Cette mélodie nous plonge dans un univers sombre, propre au groupe, et semble nous rappeler à chaque moment que personne n’est à l’abri du danger. Minouche, c’est la chanson qui ouvre le quatrième album du groupe, A tout moment, plus direct et exigeant que les précédents, avec des thèmes concrets qui parlent de la condition humaine, des moments de doute que l’on peut ressentir. Minouche, c’est la chanson qui nous confirme qu’Eiffel peut aller encore loin, très loin. Noémie Robin Romans-sur-Isère LP Auguste-Bouvet Un air de folk-rock avec une touche de romantisme, une pincée de rage sur un fond western, Eiffel est comme un “chien enragé” XIV les inrockuptibles chroniques lycéennes face au temps qui recule, critiquant sa vie d’avant en laissant passer la déception tout en se déchaînant sur sa guitare, criant sa haine derrière les métaphores. Ce groupe tourne beaucoup autour de Romain Humeau qui module les émotions, fignole les détails et gère intelligemment ses effets de style, ce chanteur qui prend son envol avec cette chanson, sans oublier que le fantôme de Noir Désir plane toujours au-dessus de sa tête. La musique de Romain Humeau fait partie de celles faisant le mieux se conjuguer rock et langue française. La seule écoute de cette chanson file instantanément la pêche de manière durable ! le meilleur des autres De la mélancolie à la détresse, de la colère à l’espoir, la chanson est marquée par la voix impressionnante de Romain Humeau qui la chante jusqu’à nous prendre aux tripes. Diana Arja, Kiev, lycée français Anne-de-Kiev La Ballade du daltonien P. Lejeune Dawson La Souris Loreena Aubree Saint-Grégoire Lycee Jean-Paul II Il fait froid, sortons rêver dehors... Quand la monotonie s’installe, quand le ras-le-bol prend le dessus, un voyage est toujours le bienvenu. En quelques instants, Coup D’Marron ébauche devant nous le panorama hivernal du Grand Nord. Peu à peu des lignes blanches, bleues et pures s’enroulent, défilent, et esquissent un univers enneigé. Par-delà les lacs et les traîneaux, la chaleur de la petite ville de Dawson vous convie à sortir de la prison à la fois glaciale et étouffante du quotidien. Emmitouflé entre la voix intense et puissante de Wilfried, et l’équilibre batterie-guitare, vous palpitez en voyant défiler le paysage arctique. Vous faites désormais partie intégrante du voyage. Les personnages ? Un père, poussé à partir “goûter le froid” avec son fils, à partager avec lui une expérience unique à travers les contrées polaires. “Un fantasme de voyage”, comme l’explique l’auteur. De temps en temps, une autre voix rejoint celle du chanteur, mais disparaît vite, voilée par la brume glaciale du “rêve en commun qu’on s’doit de saisir”. Une expédition “pas faite pour les chiens” ; pour écouter l’appel du Nord, écouter vos frissons, écouter vos rêves. Pierre Lesquelen Rochefort Lycée Merleau-Ponty Quelques esquisses guitaresques, une voix in media res, celle de Wilfried Hildebrandt, Damis Comeau Cyril Vivier Coup D’Marron Pascal Lejeune c’est ainsi que s’ouvre Dawson, chapitre du troisième album, Pour les chiens, du groupe charentais Coup D’Marron. On se plaît d’abord à imaginer un homme, solitaire, assis sur de la mousse, tapis magique qui l’incite à rêver, à voir “là-bas”. Très vite, percussions et instruments électriques s’invitent, comme un “coup d’chataîgne” à cette berceuse, illusoire. L’invitation au voyage se transforme en appel strident. Doit-on passer toute sa vie à se ronger les os, à suivre aveuglément le destin qui nous est offert ? Non, selon Wilfried, “on a les mêmes artères, pas les mêmes yeux”. Alors, profitons-en, oublions nos pauvres idées reçues, laissons-nous guider par autre chose, nos songes peut-être… Dawson, coup de poing intelligent, mélange un reflet musical au schéma plutôt classique à des paroles résonnantes, presque dérangeantes. Coup D’Marron nous livre un instant musical palpitant où les nombreux rebondissements, aussi bien textuels que sonores, créent une ambiance haletante où l’auditeur se laisse entraîner, entre froideur et réconfort. Dawson, en quelque sorte… le meilleur des autres Coup D’Marron mélange une mélodie à la fois entraînante et mélancolique, laissant exprimer une certaine nostalgie pour cette ville “pas faite pour les chiens”. Une mélodie qui scande des moments de vie, d’espoir et de tristesse rythmés par différentes guitares folk et électriques. Quentin Dumont, Sébastien Breton & Clément Tolfo, Pessac, lycée Pape-Clément chroniques lycéennes les inrockuptibles XV Marie-Lorraine Vagné Nancy Lycée La Malgrange Peut-on se comprendre si l’on ne parle pas le même langage ? Pascal Lejeune ne donne pas la réponse mais nous interroge sur un petit air de far west aux accents québecois. Avec sa voix chaude de “poor lonesome cow-boy”, le chanteur nous interpelle sur le thème de la communication à travers des questions cocasses (“Montes-tu quand tu descends ?”) ou plus sérieuses (“Pourquoi t’es triste quand tu souris ?”). Grâce à de nombreuses références à la nature (“Vois-tu la pluie quand c’est l’beau temps ?”) et sur un rythme tranquille porté par des instruments insolites, cette chanson nous invite à une réflexion profonde mais sans inquiétude. Alors, daltoniens en tous genres, à cheval : il est temps d’apprendre à se comprendre ! Mickaël Camacho Vaux-le-Pénil Lycée Simone-Signoret Une chanson ? Non, un voyage ! Pascal Lejeune et ses musiciens signent ici une magnifique ballade ! Accompagné d’un harmonica qui nous transporte littéralement dans un autre monde, le Canadien interprète ce titre écrit par Julie Doucet d’un ton mélancolique et nous apaise de tous nos maux. On se laisse gentiment porter par la voix de Pascal et on se prend à rêver de quelque paysage. Cette chanson, véritable poésie qui enchaîne question existentielle sur question quasi philosophique, nous invite à la réflexion. Le choix des mots, la justesse des rimes et un accompagnement original nourrissent nos rêves d’évasion les plus fous. Le mariage de la guitare électrique, du banjo, de l’harmonica, de l’accordéon, de la contrebasse et de la caisse claire est littéralement enivrant. Ce n’est pas pour rien que Pascal et ses musiciens ont remporté pas moins de cinq prix en 2010 : Prix coup de cœur de l’académie Charles Cros, Prix Eloizes en Acadie (artiste de l’année et Prix du public Radio-Canada) ainsi que les Prix d’enregistrement francophone et d’interprète masculin de l’année au Nouveau-Brunswick ! La Ballade du daltonien est un juste succès extrait de l’album Adélaïde, sorti en 2009 dans le prolongement de son précédent album de 2007, Le Commun des bordels. Emilie Savatier-Dupré et Justine Vitellini Niort Lycée Jean-Macé “Vois-tu en noir c’que je vois en blanc ? Vois-tu la pluie quand c’est le beau temps ? Vois-tu la nuit au soleil levant ?…” De la douceur, un air mélancolique, un soupçon d’harmonica, ajoutez quelques gouttes d’originalité étrangère, un léger et doux accent, une pincée d’accords à la guitare… Mixez. Servez. Dégustez. L’auteur-compositeur-interprète Pascal Lejeune a visiblement trouvé la recette idéale de la chanson à succès. Tout droit venu de son Canada natal, c’est avec un deuxième album, Adélaïde, sorti en 2009, que l’artiste armé de sa guitare et associé au réalisateur Yves Desrosiers revient embaumer nos cœurs d’enchantement et d’allégresse. Un des titres les plus attendrissants ? Evidemment. On ne se lasse pas de cet air mélancolique, accompagné d’une voix envoûtante, d’instruments charmeurs et de paroles émouvantes, qui décrivent la détresse d’une personne pas comme tout le monde, qui voit la vie autrement. On dit souvent que la différence est un bien indispensable, pourtant ce personnage touchant vous dirait bien le contraire. Mais Lejeune ne serait-il pas trop novice pour écrire ces musiques douces et nostalgiques ? Nous, on aime. On adore même. A écouter et réécouter. Une véritable bouffée d’air frais canadien. Succès garanti. le meilleur des autres Pascal a commencé sa carrière en solo, il a vite rencontré le succès et, ne sachant pas bien comment gérer ce truc, il a décidé de tout arrêter et d’exploiter sa deuxième passion, la cuisine, en ouvrant un café. Amélie Prétot, Morteau, SEP Edgar-Faure Les Blaireaux La Jolie Trahison de Tarek Wachmoul AT(h)OME Antoine Dargouge Nantes Vous pouvez toujours l’essayer, Pour moi c’est déjà adopté. Car, bien sûr, tout ce que je vous dis, je le pense, Mais tout ceci n’est peut-être qu’une jolie trahison de votre confiance. Lycée Guist’hau Alice Bodin Gaillon Ça y est c’est l’heure de la pause, Les soucis de la journée c’est bon, on en a eu notre dose. Pourquoi ne pas se détendre après le boulot ? Dans un fauteuil ou sur un siège du métro ? Laisser juste un fond musical nous glisser entre les doigts, Ecouter l’ironie dissimulée dans les voix. Voilà ce que nous proposent Les Blaireaux, Mélangeant toutes sortes de couleurs musicales pour créer leurs tableaux. Mais il ne faut pas si méprendre ! Car Les Blaireaux ne cherchent pas qu’à vous détendre… Dans leurs chansons poétiques et ironiques, Se logent efficacement de petites critiques. Dans La Jolie Trahison de Tarek..., Derrière de petites blagues coquettes, Se cachent de savantes aberrations Glissées tranquillement tout au long de la chanson. De petites voix innocentes et joviales, Vous proposent des jeux de mots en pagaille, Un peu comme le faisaient si bien Boris Vian, Renaud ou Les Victor Racoin. Un style musical en évolution constante, Du jazz aux comédies musicales des années 40 et 50. L’humour des Blaireaux nous pique comme un Bouquet d’orties. Le chanteur et les choristes du groupe provoquent l’amusement chez les auditeurs grâce à leur habileté pour transformer leurs voix. Ainsi les paroles de La Jolie Trahison de Tarek Wachmoul peuvent paraître légères, cependant nous ne sommes pas “trahis” lorsque nous découvrons à la fin qu’elles soutiennent la lutte contre le racisme. Les paroles composent des vers aux rimes ludiques et toniques qui compensent l’absence d’un refrain et d’un texte structuré en couplets. La mélodie est influencée par deux styles très éloignés, la musique moderne et la musique classique, reliées par un decrescendo joué au piano par Anatoli Zephirov, qui fait bénéficier le groupe de ses connaissances classiques. Les six amis ont fait leurs premiers pas sur scène ensemble il y a dix ans à Lille, mais leurs morceaux ne sont pas bradés ! La Jolie Trahison de Tarek Wachmoul, extrait de l’album Bouquet d’orties, est une musique surprenante qui nous invite à réfléchir sur la discrimination. En somme, un joli moment musical, qui peut nous faire sourire, mais nous donne aussi une bonne leçon… sur la trahison ! XVI les inrockuptibles chroniques lycéennes Lycée André-Malraux Nouvel R Un minimum Yotanka Antoine Noraz Toulouse Xavier Cauchy Lycée des Arènes Naïm Leriche Mirepoix Lycée de Mirepoix Avec un nom comme ça, on s’attend à du second degré, un monde fait d’humour noir, d’autodérision et de franche rigolade ! Dignes héritiers des Frères Jacques, ils pointent leurs six museaux pour nous proposer une chanson dérangeante et originale, La Jolie Trahison de Tarek Wachmoul, extraite de Bouquet d’orties, quatrième album studio qui ne manque pas de piquant ! Les drôles d’omnivores débridés et dynamiques passent sous leurs dents des idées convenues qu’ils déchiquètent et, de leurs griffes acérées, taillent un texte mordant, ciselé de pointes assassines. Voilà une belle chanson sur l’immigration, thème grave et sérieux, exploité par les politiques humanoïdes ici sur fond de music-hall. Leur univers burlesque plein de jeux de mots, de rimes peu banales, met en avant des interventions théâtrales, des choristes délirants, des arrangements musicaux originaux. Le sujet est controversé, mais la cocasserie du texte assure le sourire, et la musique qui swingue nous entraîne à sa suite. C’est ce qui fait la force de cette farce musicale. le meilleur des autres Quand les instruments s’emmêlent, la contrebasse fricote avec le piano, les cuivres allument le banjo… Les chœurs en écho de music-hall bouleversent notre rythme cardiaque et chatouillent nos zygomatiques. Sarah Bradley, Nantes, lycée Guist’hau J’appuie sur pause, j’analyse les choses, pour écouter Nouvel R j’me pose. Amateurs de rap impliqués dans la société, exaspérés par la soupe commerciale, voici le remède : un nouvel album intitulé ironiquement Tout va bien. Composé d’artistes qui ne mâchent pas leurs mots, Nouvel R est un groupe angevin qui se perfectionne avec le temps. Comme Lupe Fiasco, rappeur américain en tête des ventes aux Etats-Unis, Nouvel R critique le fonctionnement de la société et ceux qui la gouvernent. Tout les rapproche excepté leur succès ! Aux paroles sensées s’ajoute un rythme électronique, brut et accrocheur qui martèle l’esprit et les oreilles. Le quotidien de personnes touchées par la crise et l’aisance de ceux qui n’ont aucune difficulté financière sont les thèmes de cet hymne à la révolte. “Un peu, un peu, un peu...”, cette anaphore reste en tête encore, encore, encore. Pour vraiment percevoir ce message frappant : coller son casque sur les oreilles, appuyer sur play et mettre ses sens en éveil. Paul Galéron Nantes Lycée Guist’hau Un peu de MC, un peu de basse, un peu de beat box, un peu de scratch et Nouvel R nous emmène dans les profondeurs de la France, là où les gens ont juste le minimum. Les paroles claquent, la musique frappe dans notre conscience, la vérité devient dure à entendre, pourtant nos acolytes nous la dévoilent sans tabou et crûment à l’image de la vie dans notre société. De leurs mots découle une pensée, ils nous mettent devant le fait accompli pour mieux nous faire réagir. C’est à bout de bras que nos sept Angevins, depuis 2004, défendent leur rap engagé et fort sans pour autant être provocant. Leur premier album, Hybride, entre dans les bacs en 2008. Tout va bien, en 2010, nous montre le côté absurde du titre de l’album dans lequel les thèmes abordés dénoncent les inégalités sociales, la chute de notre Terre nourricière… La répétition des mots et des rythmes nous chroniques lycéennes les inrockuptibles XVII rappelle le quotidien redondant et dur des personnes vivant dans la misère. Baigné de drum and bass et de hip-hop, l’auditeur adopte ces mouvements significatifs des gens habités par le son, le hochement de tête et le tremblement de jambes. Les parties musicales sont puissantes, avec beaucoup de basse et de résonances, les dissonances créées par le scratch sont projetées en plein dans les oreilles, le flow des MCs imprégné des parrains du rap français, NTM, La Rumeur, IAM et Assassins, s’inscrivent dans la lignée. Un son inhabituel : le grain de sel rajouté par Ezra au human beat box donne vraiment au groupe son identité. Nous sommes d’accord : “Les ouvriers, les petits commerces, les temps partiels, les rmistes/Etudiants pauvres, les petites retraites, les immigrés, les SDF” peuvent leur dire merci. Elodie Schneberger Savigny-le-Temple Lycée Pierre-Mendès-France Entrez dans la Nouvel R du rap français avec ce groupe aux antipodes des images bling-bling et bang bang que nous proposent la majorité des rappeurs d’aujourd’hui. Ce collectif angevin composé de quatre rappeurs, un DJ, un bassiste et un beatboxer, porte avec Un minimum un message politique radical en clamant le poing levé des slogans et revendications couleur rouge écarlate. Un texte cinglant en parfait accord avec une musique qui commence piano mais monte en puissance et en intensité jusqu’au refrain où la colère finit par exploser. Un minimum, c’est l’hymne d’une révolte qui se prépare et le refus de suivre le droit chemin que nous trace la société. Un minimum parle au nom de “tous ceux qu’on écrase”. Nouvel R prête une voix à ceux qui n’en ont pas à une époque où la solidarité est remise en question. Un texte ancré dans l’R du temps qui vise à une prise de conscience. En pleine ascension, avec la sortie de leur dernier album intitulé avec ironie Tout va bien, Nouvel R vous surprendra l’R de rien, que vous soyez un rap-addict ou pas... le meilleur des autres Nouvel R a une âme sensible à la fierté des plus démunis : ceux qui savent garder la tête haute et rester debout. De la poésie au slam, un texte sombre, noir, mais hélas réaliste. Daphné Bailly, Vaux-le-Pénil, lycée Simone-Signoret Dimitri Coste Benoît Dorémus Bilan carbone EMI Margaux Collignon Nantes Lycée Guist’hau Une main de fer dans un gant de velours. Un coup de gueule face au déclin de l’environnement, sublimé par une ritournelle simple et légère. Bilan carbone, c’est le constat sarcastique de Benoît Dorémus sur les conséquences de nos actes quotidiens, apparemment anodins. Un ours polaire qu’il “bute”. Un iceberg qui fond. J’ai l’impression qu’c’est un p’tit peu sa faute mais qu’c’est aussi la nôtre. Cas de conscience sur L’Effet papillon de Bénabar, les paroles de cette chanson se heurtent à notre intimité. Benoît Dorémus recherche une neutralité dans un monde où rien ne va plus. Avec une facilité déconcertante, presque nonchalante, ce chanteur à la voix subtilement brisée nous jette à la figure la dure réalité des effets de notre négligence commune. La rudesse de la langue s’oppose paradoxalement à la mélodie heureuse des guitares acoustiques, elles-mêmes soutenues par le rythme essentiel mais discret des percussions. Un album aux paroles introspectives dont les événements et les rencontres semblent universels, à l’image du parcours classique de Benoît Dorémus. Du bar-concert jusqu’aux tournées d’aujourd’hui en passant par les festivals, il se démarque par des textes vrais et fragiles, des sonorités joyeuses bien qu’ironiques. Alors, existe-t-il ce coin tranquille où sa présence serait neutre ? Rien n’est moins sûr puisqu’il nous touchera toujours… Pauline Bellec Ploërmel Lycée La Mennais Bilan carbone, une chanson engazée ! Benoît Dorémus auteur et interprète promettait une chanson coup-de-poing avec son titre engagé Bilan carbone, mais son air imprégné de guimauve m’empoisonne et me fait déchanter très vite. A la première écoute, j’ai cru que je m’étais trompée de disque mais non, ce n’est pas un des CD de ma petite sœur, c’est bel et bien “l’œuvre” d’un auteur XVIII les inrockuptibles chroniques lycéennes français qui nous chante des rimes simplistes plaquées sur trois accords tournant en boucle. Benoît s’“emmerde dans les bouchons” et moi avec sa chanson, Benoît “n’assume pas son bilan carbone” et moi ses paroles qui m’assomment. Aucun rythme transcendant ne vient casser cette énumération qui finit par nous donner des boutons. C’est dommage pour le message écolo qui était le bienvenu étant donné les récents événements, car personne n’est à l’abri d’un petit nuage parfumé au nucléaire. Mais malheureusement pour Benoît et son faux air de Bénabar, le message ne passe pas et tombe à plat. Encore une chanson qui sent le plat réchauffé à plein nez et l’intoxication assurée. le meilleur des autres Benoît Dorémus se sert de l’humour et de la dérision sur un air de guitare pour mettre en avant l’ironie de la défense de l’environnement. A l’heure où défendre la cause environnementale est devenu une mode, le chanteur, lui, préfère l’anticonventionnalisme. Garcia Arthur, Montgeron, lycée de Montgeron Pierre Wetzel George Sound The Locked Doors Ladilafé Productions/G. Sound Candice Guéant Amiens Lycée Edouard-Gand The Locked Doors nous ouvre les portes d’un étrange rock littéraire et métaphorique, celui des cinq membres bordelais de George Sound, qui souffle un vent de révolte pour que les frontières s’ouvrent, un vent nourri de références empruntées aussi bien à l’histoire qu’à des auteurs célèbres : “L’arrivée massive d’un convoi sans étoile” nous rappelle que les frontières savent s’ouvrir en fermant les yeux pour commettre le mal suprême mais qu’elles se ferment aussitôt lorsque “l’envahisseur” est à ses portes comme le buveur de sang, le comte Dracula, car “à l’hémicycle on se souvient du seigneur venu des Carpates”. Repoussons l’étranger, enfermons-nous à double tour et “buvons encore (...) à la santé des victimes”. L’alliance entre le rock et un flow de rap est très réussie mais c’est le rock qui domine au final avec non seulement le trio habituel basse, guitare électrique, batterie, mais surtout avec le refrain en anglais. Les accents de ce rock puissant nous font voyager outre-Atlantique, serait-il exagéré de penser aux légendaires Strokes lorsqu’on écoute les George Sound ? Pour le versant français et la richesse du texte, le vent nous emportera jusqu’à Noir Désir ; on aime reconnaître Corneille et Verlaine au détour d’un vers, “Orage d’un soir ô désespoir de nos vies. Il pleut sur nos déboires comme une langueur infinie”. Deux voix sublimes, l’une éraillée et l’autre pure, choisissent un débit un peu traînant en contraste total avec cette musique endiablée. Les deux interprètes partagent avec nous leur déception face à ce monde politique pitoyable et ce rock efficace est parfait pour un public jeune qui a soif d’idéal. Nathan Piganiol Aurillac Lycée Emile-Duclaux George Sound ouvre les portes et les fenêtres ! Celui qu’on avait déjà croisé aux Rendez-vous de Terres Neuves vient de sortir Bouts de thérapie, apportant un vent frais à un univers de la chanson française qui en avait bien besoin. Dans ce nouvel album, George Sound a été fidèle au trait d’humour de son nom, alliant la puissance des mots à la beauté du son. Parmi les nouveautés de l’album, on croise The Locked Doors. Sur le rythme enjoué du batteur Frédéric Girard, accompagné de l’ostinato d’un synthétiseur, on croise les voix légèrement éraillées de Damien Davidoff et d’Erwan Naou : des couplets parlés en français alternent avec des refrains chantés en anglais. La plume de Damien Davidoff n’est pas avare de critique vis-à-vis de la société, la disant même mauvaise jusqu’à ses fondements. Mais malgré les paroles écrites à l’encre acide, le timbre rugueux d’Erwan Naou et les accords mélodieux du guitariste Jean-Nicolas Saillan dégagent une impression rêveuse et fraîche. Le tout sur un style indéfinissable, au carrefour du hip-hop, du dub, de l’electro, du rock et de la chanson française. George Sound peut-il être à l’origine d’un renouveau pour la chanson française ? Un titre tel que The Locked Doors tendrait à le montrer. chroniques lycéennes les inrockuptibles XIX Adèle Moisan Nantes Lycée Carcouët The Locked Doors : les portes fermées. Un appel à les ouvrir… C’était un soir pluvieux, maussade, gris. Je rentrais du lycée, assise dans le bus, le cartable sur les genoux. C’est alors que mon iPod passa The Locked Doors, de George Sound ; je ne me rappelais pas l’avoir téléchargé mais décidai de l’écouter quand même. Au fil des mots, des notes, je découvrais la chanson, si bien associée au temps : pessimiste, cynique et tragique. Toutes ces paroles, portées par la voix rauque et cassée du chanteur, ressemblaient pourtant davantage à un appel au souvenir, une ode à l’histoire et à ses enseignements. Une critique en arrière-fond de la guerre “qui nous permit de justifier nos crimes”, un blâme de la nature humaine (“Buvons encore une dernière fois, à la santé des victimes”) et une menace qui plane sur nos têtes (“Moving around to see you (…) You know I’m still here too”), sans mélodrame. Je suivais le cours de cette diatribe explicite mais pas revendicative ; un constat que je me prenais à partager. Emportée par la mélodie, touchée par les paroles, c’est – le bus m’ayant déposée – en chantant “Moving around to see you/Falling on the floor” que j’ouvris ma “locked door” ! le meilleur des autres On retrouve dans ces paroles l’urgence poétique de grands artistes tels que Jacques Brel et Léo Ferré. Le fondateur du groupe, Damien, d’un milieu plutôt tourné vers le hip-hop, a su rassembler d’excellents éléments dans un même groupe mélangeant plusieurs styles comme le rock et l’electro. Charlotte Mordiconi, Gourdon, lycée polyvalent Léo-Ferré essais critiques Les chroniqueurs en herbe de Haute-Normandie ont bénéficié des conseils d’un journaliste de la presse écrite pour apprendre à mettre en mots leur ressenti et contourner les contraintes. par Stéphane Deschamps L e lycée André-Malraux de Gaillon, en Haute-Normandie, participe aux Chroniques lycéennes depuis 2006. Sur les 500 élèves, une quarantaine de secondes ont planché sur la compile. Mais pour l’établissement, ce n’est qu’un volet d’une opération plus large intitulée “Musiques actuelles au lycée”, qui permet aux élèves de rencontrer des groupes, d’assister à des conférences, de découvrir les salles locales (L’Abordage à Evreux, dont le directeur administratif est un ancien du lycée André-Malraux, le tout nouveau 106 de Rouen) et les métiers liés aux musiques actuelles. L’an dernier, les deux élèves de Gaillon publiées dans les Chroniques lycéennes ont pu prolonger l’expérience journalistique : elles ont été invitées au festival d’Evreux Le Rock dans tous ses états, dans le “pool presse”, et ont écrit le compte rendu pour le journal local. “Expression de la sensibilité, écriture, ouverture culturelle et d’esprit, voilà ce que nous cherchons à promouvoir”, explique Guillaume Boulet, professeur d’histoire-géo. Le passage au lycée d’un journaliste spécialisé (moi-même) est un des rouages de cette dynamique. Mon but n’est pas de “tricher”, d’écrire ou réécrire les chroniques à la place des élèves, mais de les conseiller, de leur transmettre un peu de mon expérience professionnelle, celle qui ne s’apprend pas à l’école. Face à moi, les élèves sont invités à partager leur copie. Certains ont oublié leur feuille, d’autres n’osent pas la sortir, quelques-uns ont envie de se lancer. Mais la timidité l’emporte. Lire sa chronique à haute voix devant les petits camarades, ce n’est pas facile. On ne va pas leur demander de faire de la radio, non plus. C’est donc moi qui lis les chroniques. On ne met pas de note à la fin, on n’est pas à L’Ecole des fans, mais toutes les chroniques sont applaudies. La lecture est suivie de remarques, générales ou précises. L’important est de soigner le début et la fin, et de trouver un équilibre entre les informations factuelles, biographiques, et la subjectivité de l’écoute, le ressenti. La principale difficulté pour les élèves est d’arriver à envisager l’écriture d’une chronique la principale difficulté est d’arriver à envisager l’écriture comme un travail personnel, extrascolaire XX les inrockuptibles chroniques lycéennes comme un travail personnel, extrascolaire, qui devrait pouvoir laisser libre cours à la fantaisie, à l’imagination. Trop d’élèves envisagent l’exercice comme un commentaire de texte. L’un d’eux se plaint d’avoir trouvé très peu d’informations sur Lili Ster, dont il a choisi le titre Mlle Shy. On le rassure et on le conseille : on doit faire avec ce qu’on a, et on peut imaginer le reste. “Lili Ster est un mystère”, ou “Mlle Shy est si timide qu’on ne sait rien d’elle”. Il y a toujours moyen de s’amuser, de contourner la contrainte. Quelqu’un a fait un bon texte sur Smod, mais sans préciser que le leader du groupe est le fils d’Amadou & Mariam. On lui conseille d’ajouter l’info, voire de commencer par là, pour accueillir le lecteur en terrain connu. Une élève, visiblement fan de musique, a mis dans sa chronique de Tom Poisson plein de références à la fois pointues et justifiées, bien tournées. Double ration d’applaudissements. Mais les morceaux proposés sur la compile ne collent pas forcément avec la culture musicale des lycéens. Bizarrement, la chanson de Camélia Jordana n’a pas attiré les plumes, non non non. Peut-être trop connue ? Elle n’ira pas au Baron, mais moi je retournerai à Gaillon. Laurent Clément Zaz Je veux Sony/ATV Music Publishing Clarisse Grannec Nantes Lycée La Colinière Après avoir un temps joué dans la rue, Isabelle Geffroy, alias Zaz, fille au grand cœur, se fait une place dans le monde des grands. Grâce à son single Je veux, qui l’a fait découvrir au grand public, elle obtient le Prix chanson révélation de l’académie Charles Cros en 2010. Je veux nous a tous fait danser et chanter, cette chanson évoque le bonheur de vivre qu’elle partage avec son public. Sa voix jazzy, agréable, nous donne plaisir à écouter sa musique. Les paroles, quoiqu’un peu simplistes, expriment la joie de vivre de la jeune chanteuse et prouvent qu’aucun cadeau luxueux ne fera son bonheur puisqu’elle l’a déjà trouvé auprès de ses fans. Dernièrement, Zaz a rejoint la troupe des Enfoirés créée par Coluche. Chanter pour les défavorisés est bien son style. Une fois de plus, cette jeune femme nous montre son grand cœur. Alors, laissez-vous tenter par l’univers et la voix jazzy de cette artiste qu’est Zaz ! Yasmine Bourhim Toulouse Lycée des Arènes Avec un air rythmé et une mélodie entraînante, Isabelle Geffroy, plus connue sous le nom de Zaz, nous emporte dans son univers musical, un univers tellement simple et naturel ! On l’a tout d’abord découverte avec sa première chanson, Je veux, dont les paroles pertinentes critiquent la haute société, ce qui en dit long sur sa personnalité. Une fille avec du caractère, et un charisme extraordinaire ! Avec des paroles fortes, un texte sincère et un franc-parler qui nous changent des vieilles ritournelles françaises, Zaz nous séduit par son style unique. Alors on l’écoute en boucle et on se rappelle de sa voix si particulière, si envoûtante, chroniques lycéennes les inrockuptibles XXI une voix à la Piaf pour ainsi dire. Mais qu’est vraiment Zaz ? Un peu de tout en fait. Mais pas n’importe quoi ! Tout d’abord, une technique vocale surprenante et maîtrisée, du ton, du rythme, accompagnés par un timbre singulier et des intonations variées : jazz, soul, ou bien encore acoustique… En clair, un mélange séduisant qui donne envie de fredonner la chanson à longueur de temps. Et comment ne pas oublier le fameux : “Je veux d’l’amour, d’la joie, de la bonne humeur, ce n’est pas votre argent qui f’ra mon bonheur, moi j’veux crever la main sur le cœur Papalapapala…” Une phrase tellement vraie, tellement nous, tellement Zaz… le meilleur des autres Avec son franc-parler et sa voix chaleureuse, cette débutante mais talentueuse chanteuse de jazz nous transporte dans son univers qu’elle définit sans hypocrisie, un véritable hymne à l’amour ! Hélène Letaeron, Nantes, lycée Carcouët Le Larron S.I.D.A. A/C Le Larron Pauline Devriendt Vaux-le-Pénil Lycée Simone-Signoret Syndrome Irréversible De l’Amusement. Voilà de quoi est atteint ce jeune auteurcompositeur-interprète nommé Le Larron, reconnu récemment par le public (Premier Prix du public au Mans, lors du tremplin Cité Chanson), après la sortie de son premier album en 2009, simplement baptisé Le Larron. Parler du sida sous la forme d’un jeu ? Presque impossible pour la plupart des personnes, mais pas pour le bonhomme qui nous concocte ici une potion douce-amère, mélangeant sujet difficile et humour. Il aime mettre en mots les histoires de cœur et de corps de ses contemporains, quitte à devenir le nouveau poil à gratter de la chanson française, prenant comme modèles les Renaud-Dutronc. Faire deux choses en même temps est pour lui naturel. Le Larron s’improvise ici animateur de jeu, mais aussi dénonciateur cynique de la maladie, des “14 000 nouveaux (gagnants)” quotidiens aux Africains privés de trithérapie. Approche originale du sujet, sonorités de bal musette plutôt joyeuses, grâce aux accents de son “contre(basse)-piano”. Ce Larron mérite bien son surnom, multipliant les clins d’œil coquins. L’artiste choque peut-être, mais touche juste en nous apostrophant de la sorte, et les mots les plus anodins comme “tirer en l’air en laissant le hasard faire” cachent une vérité qui vous fait frémir. Alors, mademoiselle, approchez-vous sans peur du Larron, de sa leçon de réalisme et regardez la société droit dans les yeux. Entrez dans cette danse macabre et tirez de cette fable votre propre morale. Romane Adam Toulouse Lycée des Arènes Sur le rythme tantôt languissant, tantôt bondissant de percussions, d’accordéon, contrebasse, guitares et piano, Le Larron nous entraîne à ses côtés pour nous faire goûter l’ambiance festive et joyeusement cynique de S.I.D.A., extrait de son premier album. Nous tenons ici le rôle de passants qu’il interpelle sur un ton provocateur et railleur pour nous parler d’un sujet d’actualité qui touche le monde entier. Un peu surpris mais curieux quand même, nous écoutons tranquillement les règles de ce jeu de hasard improbable qu’il nous enseigne : l’insouciance serait donc la principale qualité qu’il faut avoir si l’on veut espérer être le porteur du ticket gagnant de cette grande loterie. Le premier prix ? Le virus du sida, bien sûr. C’est donc avec un style à la fois désinvolte, ironique et rugueux que Le Larron nous chante une bonne leçon de vie ; il se hisse ainsi à la hauteur de ses prédécesseurs et principales références, Brel, Aznavour et Renaud, réussissant son pari de chanter ce qui a du sens. C’est pourtant par hasard, simplement “pour essayer” que cet artiste atypique s’est retrouvé sur la scène de la chanson française, à force d’écrire pour les autres et de chanter dans les cafés parisiens. Et c’est une vraie réussite ! Avec un style inclassable, que certains qualifient à tort de “rock musette” à cause de la présence de l’accordéon dans S.I.D.A., il nous livre des paroles crues qui nous bousculent et nous poussent à nous remettre en question. Après tout, nous sommes tous un peu comme ce “petit monsieur qui rêve de belles histoires de fesses”, et son jeu pourrait bien nous intéresser. Alors, à qui le tour ? Juliette Sachot & Tiphaine Brossard Pessac Lycée Pape-Clément “Approchez mesdames et messieurs”, Le Larron nous sort le grand jeu avec sa chanson S.I.D.A. parue en 2009. Il nous entraîne dans un divertissement “facile et pas cher” d’où l’on peut repartir avec le “ticket gagnant” : le sida. Cet artiste parisien a débuté aux côtés de Jane Birkin, du Comte De Fourques et de Ridan. Enfin, pour notre plus grand plaisir, il se démarque, commence XXII les inrockuptibles chroniques lycéennes une carrière solo et devient un artiste accompli. Inspiré par les plus grands du XXe siècle tels que Ferré, Gainsbourg, Dutronc ou encore Renaud, il sort son premier album éponyme provoquant et engagé, préfacé par Cali. Sa chanson S.I.D.A., portée par une voix criarde et cynique comme un animateur de loterie nous plonge dans son univers unique, réaliste et impitoyable. Il nous fait réfléchir sur ce fléau faisant “14 000 nouveaux gagnants chaque jour”. Cela grâce à un texte riche en jeux de mots et toujours guidé par l’ironie pour parler d’un sujet encore trop difficile à aborder dans notre société. On aime sa musique rythmée et entraînante nous obligeant à la suivre jusqu’au bout, son style inclassable, ses textes audacieux et dérangeants qui nous dévoilent une personnalité bien trempée. Accompagné d’une basse, d’un accordéon et d’un “contre-piano” (forme hybride d’un piano et d’une contrebasse), Le Larron est en tournée cette année dans toute la France. Il passe dans votre région ? Alors si vous êtes tout aussi séduit que nous, n’hésitez pas à aller le découvrir. le meilleur des autres Le Larron, sous ses allures de sale gosse, est un chanteur, musicien et compositeur qui ne mâche pas ses mots et en fait des chansons très engagées, presque satiriques. Yannick Camaro, Vaux-Le-Pénil, lycée Simone-Signoret Tom Poisson Engage-moi La Familia/LGCG/L’Autre Distribution Merlin Blanchard Gaillon Lycée André-Malraux Après déjà trois albums, Tom Poisson signe un nouvel opus intitulé Trapéziste. Cet artiste qui avait pourtant débuté comme chanteur itinérant nous épate une nouvelle fois avec son univers totalement décalé. Une mélodie entraînante et une pointe d’humour font d’Engage-moi un titre accrocheur et très attrayant qui séduit les critiques. Tom Poisson mélange ici les registres avec des sonorités folk, country ou encore rock mais traite d’un sujet purement français, Johnny. Cette chanson constitue en effet une lettre de motivation pour devenir son guitariste. L’artiste se dit aussi inspiré par des grands de la chanson française : Gainsbourg, Souchon, Dutronc. Malgré ce succès, certains s’accordent à dire qu’une mélodie plus énergique ne pourrait qu’améliorer ce titre. On aime ou on déteste, nous on aime. Sophie Bachelier Nantes Lycée La Colinière Attention ! Poisson traverse l’océan du rock ! Quand le personnage présenté par Tom ordonne Engage-moi !, on lui dirait directement oui, si on était Johnny Hallyday. “Je voulais aussi pouvoir crier comme dans une cours de récréation” : voilà comment Tom Poisson définit son quatrième et dernier album, Trapéziste. Une pulsion acrobate et souple de se “hisser vers le folk” comme il le déclare sur son site officiel. C’est surtout qu’il a l’expérience, il est à l’aise comme un poisson dans l’eau, cet auteur-compositeurinterprète complet. Rien de tel qu’un refrain court qui fait passer simplement le message. Energie intense, motivation remarquable, voilà ce qui se dégage du texte. Les paroles sont brèves, le rythme est endiablé, la cadence est enflammée, tout coule comme une cascade déferlante et nous fait tout de suite adhérer. Autant être clair, Poisson, tu nous fais bouger, on aurait envie de sortir de notre bocal du quotidien pour venir te rejoindre. Alors quand ton côté “bad boy” s’emporte dans un final très rock, on chante, on danse et on ressent la puissance. Une voix agréable face à une guitare synchro, accord Cette année, huit artistes de la sélection sont soutenus par le Chantier des Francos : Arnaud Fleurent-Didier, Les Blaireaux, Lili Ster, Coup D’Marron, Nouvel R, Féloche, Zaz et Smod. Le Chantier des Francos propose depuis 1998, tout au long de l’année à La Rochelle, des ateliers et des résidences de travail accompagnés par des professionnels permettant d’optimiser et d’affiner le projet artistique d’un point de vue scénique. CHRONIQUES LYCÉENNES Le pilotage des Chroniques Lycéennes – Prix Charles Cros lycéen de la nouvelle chanson francophone est assuré par le CRDP de Poitou-Charentes/CDDP de la Charente-Maritime et l’Académie Charles Cros, avec le concours des Inrockuptibles, des Francofolies, de la FFCF, du Rectorat de Poitiers, de la DRAC Poitou-Charentes et le précieux soutien du SCEREN/CNDP. Contacts CDDP17, Céline Langevin, tél. 05 46 00 34 60, [email protected] Académie Charles Cros, Alain Fantapié, [email protected] POUR LES INROCKUPTIBLES Chef de projet Laurent Girardot Coordination éditoriale Johanna Seban Rédaction Johanna Seban, Stéphane Deschamps Directeur adjoint de la rédaction JD Beauvallet Edition François Rousseau, Delphine Chazelas Iconographie Maria Bojikian, Valérie Perraudin, chroniques lycéennes les inrockuptibles XXIII parfait pour l’éloge du vieux rocker admiré : Johnny. “Tu sais j’ai pas vraiment d’orgueil” : Poisson ne risque en aucun cas de se noyer, il se débat très bien avec ses nageoires agiles, son talent mérite d’être apprécié et son CV d’être retenu ! le meilleur des autres Avec Tom Poisson, on est dans des eaux troubles… Lucy Arias, Mirepoix, lycée de Mirepoix Naïri Sarkis, Caroline de Greef Directeur de création Laurent Barbarant Direction artistique Pascal Arvieu, Mathieu Gelezeau (remplaçant) Maquette Nathalie Coulon, Jeanne Delval Directeur de la publicité culturelle Olivier Borderie Fabrication Virgile Dalier Impression, gravure, façonnage Roto Aisne SN LES INROCKUPTIBLES est édité par la société Les Editions Indépendantes, société anonyme au capital de 2 211 059,61 €, 24, rue Saint-Sabin, 75011 Paris, RCS Paris B 428 787 188 000 21 Directeur de la publication David Kessler, Actionnaire principal, Président Matthieu Pigasse Fondateurs Christian Fevret, Arnaud Deverre, Serge Kaganski © Les Inrockuptibles 2011. Tous droits de reproduction réservés. Supplément au n° 808 du 25 mai 2011. Ne peut être vendu séparément. En couverture : des élèves du lycée Vieljeux à La Rochelle, avec Smod. Photo Pierre Le Bruchec.