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l e m o n d e d e l ’ i n s t i t u t g é o g r a p h i q u e n at i o n a l / N 5 6 / N O V E M B R E - D É C E M B R E 0 9 / w w w. i g n . f r O IGN MAGAZINE :: solutions VOS QUESTIONS ET NOS RÉPONSES :: infos géo JOUVENCE POUR LES FONTAINES DE VERSAILLES ::zoom sur… LA GÉODÉSIE AU TEMPS DES SATELLITES ::rencontre CHRISTIAN CLÈRES, L’AVENTURE DES DÉCOUVERTES IGN FRANCE INTERNATIONAL, 20 ANS D’ACTION EN TERRES D’ÉGYPTE Bilan et perspectives d’une fructueuse coopération autour des ressources agricoles, vitales pour ce pays. :: édito DÉCEMBRE 2009 Le 2 FORUM OGC Saint-Mandé (Val-de-Marne) © dr amine abaza, ministre de l’Agriculture de la République arabe d’Égypte. Dans l’Antiquité, déjà, l’Égypte et son phare d’Alexandrie rayonnaient sur la Méditerranée. Ce lustre, qui n’a jamais vraiment cessé depuis, est à nouveau mis en exergue avec le lancement en juillet 2008, à l’initiative du président de la République française Nicolas Sarkozy, de l’Union pour la Méditerranée. Bien avant, la France et l’Égypte ont construit une relation forte, étayée de nombreuses collaborations techniques, notamment dans le domaine agricole. La coopération exemplaire que mène le ministère de l’Agriculture, dont j’ai la charge, avec IGN France International en est un bon exemple car, pour atteindre ses objectifs, l’Égypte doit mener une politique ambitieuse. L’information géographique est un apport déterminant dans sa politique environnementale et agraire. Elle a permis, depuis vingt ans, de doter le pays d’outils d’aide à la décision très performants. Mais ce rôle de précurseur ne signifierait rien sans un partage d’expériences avec d’autres pays confrontés aux mêmes questions. C’est le sens de la création du réseau pour l’information géographique que plusieurs pays méditerranéens appellent de leurs vœux. Le phare n’existe plus mais l’Égypte a toujours une carte maîtresse à jouer dans l’espace méditerranéen. AGENDA une coopération phare Rencontre Open Geospatial Consortium des acteurs du partage de données géographiques, à l’IGN. Les 3 et 4 30E RENCONTRE DE LA FNAU Nancy (Meurthe-et-Moselle) Manifestation de la Fédération nationale des agences d’urbanisme, qui coïncide avec la 8e Biennale des villes et des urbanistes européens, sous le titre « Europe, le génie des villes ». Du 4 au 13 NAUTIC 2009 Paris XVe Salon nautique de la porte de Versailles, pour les passionnés des loisirs de pleine eau. FÉVRIER 2010 Du 3 au 5 IMAGINA 2010 Monaco IGN MAGAZINE Le rendez-vous européen de la simulation et de la visualisation 3D, au Grimaldi Forum. :: sommaire Pour découvrir les offres de formation en géomatique de l’École nationale des sciences géographiques. n o 5 6 / n ov e m b r e . d é c e m b r e 0 9 / w w w. i g n . f r :: actualités 06 Le 13 PORTES OUVERTES DE L’ENSG Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) 03 Nouveautés, livres, bons plans, informations… :: grand angle 06 Depuis plus de vingt ans, IGN France International collabore avec l’Égypte pour rationaliser la production agricole du pays. :: solutions 18 15 Posez vos questions par téléphone ou par courriel : l’IGN vous répond. :: Géoportail 16 Un site enrichi d’informations géologiques et maritimes. Bimestriel de l’Institut géographique national. Direction générale : 9, avenue de Paris, 94300 Vincennes. Siège social : 73, avenue de Paris, 94165 Saint-Mandé Cedex. Tél. : 01 43 98 80 00. ISSN : 1624-9305. CPPAP : 0211 B 07727. Directeur de la publication : Patrice Parisé. Directrice de la rédaction : Véronique Lehideux. Rédacteur en chef : Philippe Truquin. Rédacteur en chef adjoint : Jean-Marc Bornarel. Comité de rédaction : E. Aracheloff, M. Bacchus, B. Bèzes, S. Carvalheiro, C. Cecconi, J.-E. David, X. Della Chiesa, P. Guhur, A. Lamendour, M. Laniesse, F. Lecourt, G. Martinoty, C. Molina, C. Sabah, J.-M. Viglino. Ont participé à ce numéro : J. Charmoille, T. Clévédé, P. Guhur, G. Hochet, R. Loyant, D. Van Santen :: infos géo 18 20 Quatre étudiants de l’ENSG recensent les fontaines du château de Versailles. :: zoom sur… 20 La géodésie à l’heure de l’observation spatiale. :: rencontre 26 Christian Clères, la vie des sans-grade de la mer. Conception éditoriale et graphique : 146, rue du Fg-Poissonnière, 75010 Paris. Tél. : 0153212100. Couverture : CNES 2006 - distribution Spot Image / Bertrand Gardel - hemis.fr Impression : IGN - Dépot légal : décembre 2009. POUR TÉLÉCHARGER GRATUITEMENT IGNMAGAZINE, rendez-vous sur www.ign.fr Portail des Alpes-Maritimes ///« Découvrir la totalité des territoires du département en trois dimensions, ses villages, ses lieux-dits. Trouver en quelques clics de souris une parcelle cadastrale. Visualiser en relief un itinéraire de randonnée. Localiser des défibrillateurs, situer les réseaux routiers, ferrés ou câblés… Tout cela est désormais possible et gratuit en se connectant au nouveau portail numérique des territoires des Alpes-Maritimes. Destiné aux entreprises, aux collectivités mais aussi au grand public, il est le premier de ce genre à voir le jour en France. Mis au point conjointement par les services d'informations géographiques (SIG) de la communauté urbaine Nice - Côte d’Azur et du conseil général, ces applications – aujourd'hui mises en ligne sur Internet – ont été élaborées, au départ, pour illustrer le dossier de candidature de Nice aux jeux Olympiques de 2018. Plutôt que de les laisser dans un tiroir, les collectivités ont préféré les mettre à la disposition du plus grand nombre. “Cette innovation numérique, selon Éric Ciotti, président du conseil général, a été saluée par Patrice Parisé, directeur de l’IGN présent pour le lancement officiel du portail.” » Nice Matin, 13 septembre 2009. i + i www.carto-cg06.fr NOUVEAUTÉS CARTOGRAPHIE PRESSE © czech tourism.com :: actualités Tchèque up /// Avec la collection « Découverte du monde – Pays », l’IGN propose actuellement la gamme la plus large du marché avec pas moins de soixante-dix-sept cartes différentes, qui fourmillent d’informations pratiques, touristiques et routières, avec des légendes en plusieurs langues. Ces cartes deviendront très rapidement indispensables lors de vos voyages à l’étranger. La nouvelle carte au 1 : 750 000 de la République tchèque et de la Slovaquie bénéficie bien sûr de tous ces avantages et intègre en plus une mise à jour tenant compte des dernières nouveautés cartographiques et touristiques. république tchèque et slovaquie, collection « découverte du monde - pays », IGN i 5,30 €. LIVRE CARTES ROUTIÈRES DE FRANCE Gravité sur orbite /// Saurons-nous répondre « aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »? Quelles contributions les techniques spatiales peuvent-elles apporter pour mieux comprendre et décider? Sous-titré « L’œil du satellite au service des hommes et de leur planète » et réalisé par le Cnes dans la collection « Ciels du monde », cet ouvrage présente les réponses d’experts internationalement reconnus, illustrées par des images de la Terre prises depuis l’espace. de l’espace pour la terre, collectif sous la direction de jacques arnould et d’aline chabreuil, cnes - le cherche midi, novembre 2006 i 28 €. bonne tenue de routes /// Simplicité, lisibilité et précision sont les maîtres mots de la nouvelle gamme de cartes routières IGN. Mises à jour chaque année, celles-ci ont été conçues pour faciliter vos déplacements à travers l’Hexagone et la préparation de vos itinéraires. Légendée en plusieurs langues (français, anglais, allemand, italien et espagnol), la carte nationale s’adresse aux Français comme aux visiteurs étrangers. Quant aux cartes régionales, elles vous invitent à la découverte de la France avec une grande richesse d’informations touristiques (églises, châteaux, curiosités géographiques…). Le millésime 2010 change de look et s’appuie sur une nouvelle charte de couleurs, pour une meilleure lisibilité et un plus grand confort visuel. cartes routières ign : carte nationale i à partir de 4,20 € ; cartes régionales i 5,70 € chacune; atlas routier touristique i à partir de 9,95 €. contacts presse ign / Thomas Klimek 0143988591 / [email protected] IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 3 © ign - matis :: actualités > Imagerie panoramique à 360° réalisée sur Paris à partir des clichés pris par le véhicule Stéréopolis. MANIFESTATION PORTES OUVERTES À L’IGN /// L’Institut géographique national a ouvert au public les portes de son site de Saint-Mandé (Val-de-Marne) le samedi 19 septembre, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. Au programme : la découverte des trésors cartographiques et photographiques de l’IGN, mais aussi des nouvelles technologies qui y sont développées. Une sélection de documents issus de la cartothèque, qui conserve précieusement 500 000 cartes, 4 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE et de la photothèque nationale, qui archive quelque 4,5 millions de clichés aériens, a été présentée aux visiteurs. Plusieurs temps forts ont suscité l’intérêt du public, comme les démonstrations d’impressions de cartes en taille douce sur plaque de cuivre ou la visite de la galerie des instruments anciens. Côté innovation, les dernières réalisations — tels Géoportail, BATI-3D® et Litto3D® — ont permis de dévoiler les toutes dernières techniques utilisées par l’IGN en matière d’aménagement du territoire. Le véhicule Stéréopolis, système mobile d’acquisition photographique d’objets urbains, a emporté un vif succès grâce aux démonstrations réalisées par les ingénieurs et chercheurs de l’IGN. Avec deux mille visiteurs motivés et enthousiastes, cette journée restera dans les mémoires des organisateurs comme un moment privilégié de contact avec le public. Une expérience à renouveler. :: actualités SALON /// Annoncé en février 2009 par Jean-Louis Borloo, alors ministre du Développement durable, le Grenelle de la mer devait permettre de compléter les engagements du Grenelle de l’environnement sur les questions relatives à la mer et au littoral. Dans ce contexte, il était naturel que l’IGN participe au premier Salon européen du littoral (SEL), du 6 au 8 octobre à Lorient (Morbihan), destiné aux acteurs de l’aménagement, des technologies et des services liés à l’économie du littoral. Ce rendez-vous a donné lieu à de nombreuses conférences sur des thèmes aussi variés que les directives européennes, les comportements écoresponsables ou la gestion de l’espace côtier. Une occasion pour le Shom et l’IGN de valoriser auprès des professionnels les apports de Litto3D®, composante de base du référentiel géographique du littoral, par des exemples concrets d’applications. CONFÉRENCES Le pari photogrammétrie © maxime perrotey - service communication - ville de saint-dié-des-vosges Côtes de popularité FESTIVAL www.ign.fr L’appel du large © ign /// Du 1er au 4 septembre 2009, la Société française de photogrammétrie et télédétection (SFPT) et l’IGN, à travers son laboratoire de recherche Matis, ont organisé, à Paris, deux conférences jumelées pour la Commission III de l’International Society of Photogrammetry and Remote Sensing (ISPRS). Ces deux conférences, « Laserscanning » et « CMRT 2009 » — centrées autour de l’analyse 3D de scènes satellitaires pour la génération de modèles de paysages et l’extraction automatique d’objets cartographiques à partir d’images spatiales, aériennes ou terrestres — regroupent deux thématiques importantes pour le futur de l’IGN, dans ses activités de recherche aussi bien que de production. Cette manifestation préfigure le symposium 2010 « Photogrammetric Computer Vision and Image Analysis », qui aura lieu à Paris. Il regroupera l’ensemble des travaux de la Commission III. Au-delà, la communauté française et l’IGN espèrent avoir l’opportunité d’organiser le congrès quadriennal de l’ISPRS en 2016. i + i laserscanning2009.ign.fr/index.php?proceedings=1 /// L’IGN était présent, du 1er au 4 octobre, au Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), qui fêtait cette année ses vingt ans, sur le thème « Mers et océans : les géographes prennent le large ». Fidèle au festival depuis longtemps, l’Institut a proposé d’installer un agrandissement de 48 m2 de la carte littorale de Brest sur le sol de la gare de Saint-Dié. Cette carte unifie les données cartographiques de l’IGN et les informations figurant sur les cartes du Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom). Sur le stand IGN, la visualisation de Litto3D®, modèle numérique continu terre-mer en trois dimensions (réalisé en commun par l’IGN et le Shom) a retenu toute l’attention du public. Une conférence sur ce thème, animée par les ingénieurs des deux établissements publics, a permis de débattre sur le sujet de « la délicate rencontre entre la mer et la terre ». Par ailleurs, une présentation d’EDUGEO®, service en ligne à vocation pédagogique, a eu lieu au Salon de la géomatique, parallèlement à des démonstrations d’applications nouvelles sur Géoportail. L’École nationale des sciences géographiques (ENSG) était aussi présente pour faire découvrir la richesse de ses filières de formation. De son côté, le Salon du livre a permis à l’IGN de montrer la pluralité de son offre cartographique. IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 5 © cnes 2006 - distribution : spot image © bertrand gardel- hemis.fr :: grand angle 6 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE :: grand angle IGN FI EN ÉGYPTE Échanges fertiles L’autosuffisance alimentaire de l’Égypte est un défi permanent. Pour le relever, ce pays mène, depuis les années 1980, des réformes ambitieuses pour moderniser le secteur agricole. L’information géographique en est un axe fort. Depuis vingt ans, IGN France International accompagne les décideurs égyptiens dans leurs réflexions sur cette thématique. www.ign.fr IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 7 :: grand angle EN CHIFFRES > L’agriculture en Égypte u’elles soient « terres anciennes » — les « terres noires », riches de limon dans la vallée du Nil et du delta — ou « terres nouvelles » — les « terres jaunes » du désert, bonifiées dès les années 1950 —, elles nourrissent quelque quatre-vingts millions d’Égyptiens. En 2050, ceux-ci devraient être deux fois plus nombreux. C’est dire si la longue oasis alimentée par le fleuve, d’Assouan à la Méditerranée, mais aussi celles qui ont été créées par les hommes, sont un enjeu vital pour le pays. Aux menaces millénaires de désertification s’ajoutent aujourd’hui une urbanisation accélérée et, déjà, les premiers effets du réchauffement climatique. Il s’agit donc pour les autorités d’affiner leur connaissance des ressources agricoles, de les protéger, d’en améliorer le rendement et d’en maîtriser les évolutions. Le gouvernement du président Mohammed Hosni Moubarak entreprend dès 1987 une grande réforme du secteur agricole. Si la production de coton, par ailleurs soumise à une forte concurrence, en pâtit, l’autosuffisance du pays en blé, en maïs et en riz est rapidement assurée. Au même moment, Spot Image révèle le potentiel et l’accessibilité des données satellites. IGN France International propose alors de lancer, grâce aux financements de la coopération française, un premier programme : Agricultural Land Information System (Alis). Développé à l’époque pour > Dans le désert égyptien, sept oasis apportent leur contribution à l’agriculture du pays. Al-Dakhla est la plus grande. le Soil and Water Research Institute (SWRI), département de l’Agricultural Research Center (ARC) du ministère égyptien de l’Agriculture et de la Bonification des terres, aujourd’hui devenu SWERI (avec ajout du E pour Environnement), il s’agit d’un premier système d’information sur les parcelles agricoles et appliqué à l’ensemble du delta et de la vallée du Nil. Abdallah Shafie, ex-directeur des affaires européennes au ministère de l’Agriculture égyptien et codirecteur du bureau de liaison agricole francoégyptien (Blafe), aujourd’hui représentant d’IGN France International au Caire, se souvient du premier projet : « C’était en 1990, j’étais venu à Paris en vue d’un projet exploitant les données de Spot Image. À cette époque, notre institut géographique national, créé il y a près d’un siècle, poursuivait des activités cartographiques, mais avec des moyens limités. Nous manquions de savoirfaire. Il faut se souvenir du contexte : on sortait © ign Q • 5 à 7 : en pourcentage de la superficie du pays, la proportion des « terres noires » dans la vallée du Nil et du delta. • 1 : rang mondial occupé par l’Égypte pour la production de lin. Elle est aussi le 5e pays producteur d’ânes, le 10e d’oranges, d’olives et de sorgho, et le 11e de coton. © bertrand rieger - hemis.f • 95 : pourcentage de terres cultivées par des agriculteurs exploitant 1 feddan (environ 0,4 hectare). Seulement 5 % des terres arables appartiennent à de grands propriétaires. • 94 : pourcentage de terres désertiques. • 15 : pourcentage du PIB réalisé par l’agriculture, après les services (47,5 %) et l’industrie (37,5 %). de philae à karnak l’ign est depuis longtemps présent en égypte. exemples. > Relevé photogrammétrique du temple nubien d’Abou-Simbel réalisé par l’IGN pour l’Unesco. 8 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE /// Philae : pour sauver les temples de Philae (IVe siècle avant J.-C.), menacés d’engloutissement par la construction du haut barrage d’Assouan au début des années 1970, il fut décidé de les transférer et de les reconstruire sur l’île d’Aguilkia, à 300 mètres au nord de leur emplacement d’origine. L’IGN participa activement à ce sauvetage en réalisant le cadastre photogrammétrique du site, exécutant environ 600 enregistrements, soit environ 95 % de toutes les surfaces des temples. /// Ramsès II : sa momie a été restaurée en 1976 à Paris avec le concours de l’IGN et grâce à sa maîtrise de la stéréophotogrammétrie. /// Cartographie : l’IGN a coopéré, en 1977-1978, à la réalisation des relevés des villes du canal de Suez, du Caire et d’Alexandrie. /// Karnak : d’avril à mai 2008, des élèves géomètres de l’ENSG ont effectué un stage de photogrammétrie architecturale à Karnak. Ils ont réalisé le relevé photogrammétrique des épigraphies et hiéroglyphes des 134 colonnes de la grande salle hypostyle du temple d’Amon Rê. © sweri - ign fi - cap gemini :: grand angle DÉCRYPTAGE > L’ARC en bref Créé dans les années 1970, et actuellement présidé par le professeur Ayman Farid Abou Hadid, l’Agricultural Research Center (ARC) a pour objectif principal l’amélioration de la productivité agricole. Tenant compte de la rareté des ressources naturelles et de la pression démographique, l’activité de l’ARC tient une place importante dans les stratégies nationales agricoles. © dr • 16 instituts, 13 laboratoires, 10 unités régionales et 36 unités de recherche spécifique… i + i www.arc.sci.eg > Vue satellitaire de l’emprise urbaine sur les terres d’Assouan en 1998. TRANSFERT DE TECHNOLOGIE SYSTÉMATIQUE Le développement durable ne fait pas encore l’ouverture des actualités au cours des années 1980, mais la politique engagée par l’Égypte à cette époque s’inscrit déjà dans cette logique. C’est en effet dans une approche globale du développement agricole que se mettent en place les systèmes d’information géographique, pour aider les décideurs à agir sur la production, sur la gestion de l’eau ou sur l’urbanisation. En 1994, grâce au fonds français de contrepartie de l’aide alimentaire, IGN France International développe le programme Dems (Desert Environmental Mapping System). Ce système d’information permet la production de relevés de campagne (nature du sol, hydrologie et géologie) et de cartes d’aide à la décision pour la remise en culture de terres arides, à partir d’images spatiales ou aériennes. En collaboration avec la société de services en ingénierie informatique CAP Sesa, IGN France International installe à cette occasion une unité de carto- www.ign.fr graphie au sein du Desert Research Center (DRC), laboratoire du ministère de l’Agriculture. Il lance la production de vues 3D, d’un modèle numérique de terrain (MNT), ainsi que d’applications thématiques sur diverses zones du nord du Sinaï, de l’est du désert et de certaines oasis de la nouvelle vallée. Comme pour tous les projets francoégyptiens, le transfert de technologie est l’une des clés de la longévité de cette coopération, selon Abdallah Shafie : « Nous n’avons jamais considéré IGN France International comme un fournisseur de cartes mais comme une société partenaire au savoir-faire très pointu, savoir-faire dont nous avons largement bénéficié. » Effectivement, les programmes menés par des équipes pluridisciplinaires et mixtes, en majorité au Caire, se succèdent, et les Égyptiens, très technophiles, accumulent de nouvelles compétences. Éric Broussouloux, directeur régional d’IGN France International, explique : « Le projet Alis a permis de transférer notre savoirfaire en matière de cartographie de base au 1 : 50 000, et de cartographie thématique au 1:100000 mais a aussi permis la prise en main d’un SIG permettant de tenir à jour les données agricoles. L’appropriation lors des projets est réelle. On peut citer aussi que l’unité de cartographie créée au sein du DRC, dans le cadre du Dems, produit désormais ses propres cartes. » Le projet Alis a été le début d’une > Formation sur le terrain dans le cadre du projet Cipa. © drc - ign fi de trois guerres, avec les graves problèmes d’organisation et de communication qu’elles avaient provoqués. Nous avions besoin d’un appui technique pour bâtir un système d’information géographique agricole… Un besoin urgent, car, dans ces années d’après-guerre, on pouvait acquérir des terres désertiques à très bas prix pour y cultiver n’importe quoi. » © drc - ign fi > Le professeur Ayman Farid Abou Hadid. > Étude d’un réseau hydrographique dans le cadre du projet Waresys. IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 9 EN DATES © cnes 2006 - distribution : spot image :: grand angle > Vingt ans de coopération • 1989 : premières interventions d’IGN France International en Égypte (prises de vue aériennes). • 1991-1992 : Alis (Agricultural Land Information System), système d’information foncière centré sur les parcelles agricoles (IGN FI - SWERI). • 1994-1995 : Dems (Desert Environmental Mapping System), SIG d’aide à la décision pour la remise en culture de terres arides (IGN FI - DRC). • 1997-1998 : USIS (Urban encroachment Survey and Information Systems), SIG destiné à l’étude et à l’évolution de l’urbanisation dans le delta et la vallée du Nil (IGN FI - SWERI). • 1999-2000 : Western Desert Project, programme de modernisation des outils de cartographie dans les zones à forts enjeux, dont la production de spatiocartes du désert dans le cadre de l’irrigation de la vallée de Toshka (IGN FI - ESA). > Extrait d’une image Spot-5 acquise dans le cadre du projet Alma (IGN FI - SWERI). • 2003-2004 : Waresys (Water Research System), définition d’une méthode associant télédétection et hydrogéologie pour trouver de l’eau stockée dans les aquifères en plein désert (IGN FI - DRC). série de programmes recourant à de nouvelles technologies, comme la télédétection, pour commencer l’étude de l’urbanisation dans la vallée et le delta. • 2005-2007 : Alma (Arable Land Monitoring and Assessment), pour le suivi de l’évolution de la surface de terres arables dans le delta et la vallée du Nil sur une période de vingt ans. • 2007 : Water Jacinth Project (voir encadré page 12). © ign fi • 2008-2010 : Cipa (Comprehensive Investigation on Productivity of Agriculture in the Nile Valley and the Delta), cartographie de statistiques fiables des productions de blé, de coton, de produits maraîchers, etc. (IGN FI- OAC). > Éric Broussouloux, directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-Orient et l’Asie. i + i [email protected] 10 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE URBANISATION SOUS SURVEILLANCE Les terres noires ne représentent qu’une part minime — de 5 à 7 % — du territoire égyptien, sur laquelle se concentre la majeure partie d’une population en croissance constante. Devant l’urgence de maîtriser l’urbanisation sur ces précieuses parcelles, le SWERI lance, en 1997, USIS (Urban encroachment Survey and Information Systems), système d’information et de surveillance de l’étalement urbain sur certaines zones de la vallée du Nil et du delta, conjuguant cartographie, télédétection et la création d’historiques sur des zones spécifiques. Dix ans plus tard, Abdallah Shafie en dresse le bilan : « La menace qui pèse sur les parcelles agricoles est toujours là. Il faut savoir que vendre un feddan [0,4 hectare] rapporte sept fois plus que de le cultiver, et que les modestes exploitations d’un feddan ne permettent pas à un fermier de nourrir une famille nombreuse. Dans les provinces, beaucoup de zones agricoles sont ainsi devenues des villes à cause des constructions illégales, sans garantie sanitaire, engendrant des risques pour la population mais aussi des pollutions des cultures par les écoulements des canalisations. La cartographie produite par USIS a permis d’élaborer des cartes d’occupation des sols et des réglementations pour limiter l’étalement urbain. On en contrôle la conformité par satellite. Qu’il s’agisse de constructions ou de cultures illicites, les informations sont transmises au ministère de l’Intérieur, qui peut désormais poursuivre les contrevenants sur la base d’éléments tangibles. » Autosuffisance alimentaire, aménagement du territoire, santé publique, sécurité sanitaire des aliments, sécurité civile… autant de politiques pour lesquelles les Systèmes d’information géographique (SIG) apportent des informations stratégiques. L’accès et le partage de ces informations, à la fois quantitatives et qualitatives, grâce au SIG développé par IGN France International, sont l’un des facteurs du succès de cette coopération, explique Amine Abaza, ministre égyptien de l’Agriculture : « Les systèmes d’information géographique ont aidé à évaluer la perte des terres fertiles. Ces informations ont été partagées avec d’autres ministères, à commencer par celles relatives à l’irrigation, et se sont finalement révélées utiles à tous. D’autant que les programmes conduits avec IGN France International sont d’une grande diversité : cartographie du désert, étude diachronique de la progression de l’urbanisation par rapport aux terres arables, inventaire des sources d’eau, inventaires agricoles, etc. » RECHERCHE DE NOUVELLES TERRES ARABLES L’équilibre entre les anciennes terres perdues par l’urbanisation et celles qui ont été gagnées sur le désert demeure crucial. C’est l’objet du programme Western Desert, mené entre 1999 et 2002 en collaboration avec l’Egyptian Survey Authority pour la modernisation des outils de cartographie dans © hemis.fr :: grand angle le programme cipa étude des surfaces agricoles et de la production de certaines cultures MESURER LES CHANGEMENTS Une fois les progrès réalisés en matière d’irrigation, reste à affiner la connaissance de l’utilisation des terres cultivables. C’est l’objectif d’Alma (Arable Land Monitoring and Assessment), programme lancé en 2005 avec le SWERI sur fonds français et européens. Pour mesurer l’évolution de la surface de terres arables dans le delta et la vallée du Nil sur une période de vingt ans, IGN France International a choisi de s’appuyer www.ign.fr © cnes 2005-2006 - ign fi les zones à forts enjeux, qui a commencé par la production de spatiocartes du désert dans le cadre de l’irrigation de la vallée de Toshka (« nouvelle vallée »). Il a été prolongé par le programme Waresys (Water Research System) en 2003 avec le DRC. Associant système d’information géographique et traitement d’images satellite, ce projet vise à optimiser la méthode traditionnelle d’investigation des hydrogéologues qui parcourent le terrain pour déterminer les zones les plus favorables au forage. La nouvelle méthode a été expérimentée sur trois zones de 60x60 kilomètres — dans le Sinaï, sur les bords de la mer Rouge et dans le nord près de la frontière israélienne — définies par les responsables égyptiens en fonction du potentiel hydrologique mais aussi de leurs besoins. Elle croise plusieurs types de données : le taux d’humidité et les traces de végétation révélés par télédétection, la convergence des thalwegs, l’affleurement d’aquifères repérés sur les images et confirmé par les hydrogéologues sur le terrain, puis modélisés au retour en 3D. Couvrant la période 2009-2010, le programme Comprehensive Investigations of Productivity Agriculture (Cipa) dans le delta et la vallée du Nil consiste en un suivi des surfaces agricoles, de plus d’une trentaine de cultures et des rendements de plusieurs d’entre elles. Cipa utilise, lui aussi, l’approche statistique, dite « méthode Teruti », issue de l’expérience française et européenne et dont Michel Bertin, expert du ministère français de l’Agriculture, est l’un des concepteurs. IGN France International a joué un rôle d’ensemblier en fournissant un expert qualité détaché sur toutes les étapes du protocole opératoire et la totalité des spécialistes (agronomes, statisticiens, experts SIG…) nécessaires au projet. Il a également assuré toute la gestion du projet et a, notamment, supervisé le recrutement des enquêteurs locaux. Menée par une équipe d’ingénieurs agronomes égyptiens, cette enquête, sous forme de questionnaires très détaillés, a permis d’évaluer divers thèmes, tels les surfaces agricoles, le rendement du blé et du coton, le phénomène d’urbanisation, la contamination des canaux par la jacinthe d’eau… Il a, enfin, fourni une assistance technique permanente et a veillé à l’appropriation par les Égyptiens de la méthode mise en place. Le projet a donné lieu à l’édition d’un livret d’instruction détaillant l’ensemble de la méthode, en trois langues (arabe, français et anglais). > Cipa, né de la volonté d’Ayman Farid Abou Hadid, président de l’ARC, et d’Amine Abaza, ministre de l’Agriculture, permet de faire l’inventaire de certaines cultures de la vallée du Nil et du delta et d’évaluer leurs superficies et leurs rendements. IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 11 fleur du mal une prolifération à enrayer > Image satellitaire Spot-5 acquise dans le cadre du projet Alma. sur la méthode statistique du ministère français de l’Agriculture, dite « Teruti » (pour « utilisation du territoire »). Cette méthode, adoptée par l’Union européenne sous le nom de TerutiLucas (Land Use Cover Area Frame Statistical Survey), repose sur une approche statistique. En France, elle permet chaque année, grâce à l’observation directe par des enquêteurs de plus de 550000 points repérés avec précision (ramenée, depuis 2004, à 150000 points), de connaître l’occupation de l’ensemble du territoire français tant sur le plan physique (céréales, routes, bâti) que fonctionnel (agriculture, réseau routier, habitat). © christian lévêque - ird La légende raconte que la jacinthe d’eau est arrivée dans les bagages du roi d’Égypte de retour du Japon, au début du XXe siècle. Ce cadeau de l’empereur s’est rapidement révélé empoisonné car cette plante ornementale (Eichhornia crassipes) a rapidement envahi les cours d’eau. Aujourd’hui, elle forme d’épais tapis végétaux asphyxiant les profondeurs du Nil et obstruant les canaux d’irrigation. Les suivis assurés dans le cadre des programmes Alma et Cipa permettent de constater que sa prolifération touche aujourd’hui 5 % des rivières, lacs et canaux d’Égypte. Après l’échec des barges et des produits chimiques, le ministère de l’Agriculture a expérimenté la lutte biologique sur quatre grands lacs au nord du delta avec un charançon importé de Colombie, dont la larve se nourrit des feuilles de la jacinthe d’eau. IGN France International a réalisé une étude d’impact de la lutte biologique par télédétection à partir d’images Spot 5 de 2005 et 2008 sur deux étendues d’eau. Elle révèle une baisse de 21 % de la prolifération sur le lac d’al-Manzana et de 37 % sur celui d’al-Borollos. © cnes 2005 - distribution : spot image la jacinthe d’eau, © hemis.fr :: grand angle 12 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE ADAPTABLE À D’AUTRES DOMAINES « L’adaptation de cette méthode à la problématique égyptienne s’est réalisée avec l’expertise de son concepteur, Michel Bertin, se félicite Gabriel Jaffrain, écologue géographe et chef de projet au sein d’IGN France International. À partir des cartes cadastrales de 1995, des images Spot 5 de 2005 à 2,5 mètres de résolution (orthorectifiées par l’IGN) et des enquêtes de terrain, l’étude sur plus de 78 000 points a permis de déterminer des flux : pourcentage d’extension urbaine et d’accroissement des terres agricoles sur le désert, part de conversion des marais en fermes piscicoles (perche du Nil) dans la zone nord du delta, etc. » Une efficacité qui a conduit à appliquer la même méthode à l’évaluation des productions agricoles. L’un des enjeux est la régulation du prix du blé, véritable facteur de paix sociale. Dans cet esprit, Gabriel Jaffrain souligne : « Seules des statistiques fiables des productions de blé, mais aussi de produits maraîchers, permettent de prévoir les besoins en produits d’importations. » En 2009, pour corriger les approximations fondées sur le déclaratif des agriculteurs, le programme Cipa (Comprehensive Investigation on Productivity of Agriculture in the Nile Valley and the Delta), réalisé sur fonds européens pour le Central Laboratory for Agricultural Climate, reprend la méthode du programme Alma sur environ 25 000 points. Cent vingt enquêteurs équipés de GPS se rendent sur le terrain quatre fois par an et remplissent un questionnaire très détaillé, précisant les superficies et les rendements de certaines cultures. « Cette méthode totalement transparente a la caution d’un expert international du ministère français de l’Agriculture », souligne Amine Abaza, qui y voit les prémices de nouvelles applications : L’union des producteurs agricoles est intéressée par des informations précises sur des aires de culture de produits spécifiques, telles les fèves, ou pour détecter les maladies causées par les insectes à certains arbres fruitiers. Les autorités de pêche sont également intéressées par ce type de bases de données sur la situation des lacs, des lagons, des canaux, à l’exemple des données que nous avons déjà collectées sur la jacinthe d’eau (voir encadré ci-contre). » D’autres secteurs sont aussi en attente, en particulier les dispositifs d’alerte de phénomènes liés au réchauffement climatique – hausse du niveau de la mer et évaluation de la salinité des eaux du delta –, qui sont au cœur des préI occupations du gouvernement égyptien. :: grand angle DÉCRYPTAGE > Le Nil en bref © hemis.fr • longueur : 6670 kilomètres depuis sa source principale, la rivière Ruvyironza (Burundi), jusqu’à son delta sur la mer Méditerranée. • débit : le rendement du Nil varie d’une année à l’autre. Le plus bas débit annuel enregistré a été de 42 milliards de mètres cubes, le plus haut s’est élevé à presque 150 milliards de mètres cubes. Son rendement annuel moyen au XXe siècle a été proche de 84 milliards de mètres cubes, à Assouan (Égypte). > Le Nil à Louxor. • IGN Mag. : Quel est l’apport de l’information géographique dans votre politique de modernisation du secteur agricole ? • A. A. : Notre priorité est de développer les nouvelles technologies pour éclairer les décideurs grâce aux systèmes d’information et aux données statistiques. Déjà, les cartes de classification des terres ou l’utilisation de la télédétection ont permis d’améliorer l’utilisation de nos ressources naturelles. Parmi les nombreux projets à développer, le programme On Farm Water Management va, dès 2010, participer à une meilleure gestion locale de l’eau et à une meilleure efficacité de l’irrigation en Égypte. Le SIG va y contribuer à tous les stades du programme : calcul des besoins en eau par télédétection, estima- www.ign.fr • IGN Mag. : De quels enseignements de l’expérience égyptienne les pays de la zone Méditerranée pourraientils tirer parti ? • A. A. : Les projets menés en coopération avec IGN France International, le Centre de recherche du désert (DRC) et le Soil, Water and Environment Research Institute (SWERI) en matière d’hydrogéologie comme d’information géographique agricole peuvent évidemment être très utiles pour les pays qui ont les mêmes problématiques dans les domaines de l’agriculture et de la pisciculture. Il faut souligner que le centre de recherche en agriculture de mon ministère, tablant sur cette expérience, peut jouer un rôle actif dans l’Union pour la Méditerranée créée sur l’initiative du président Sarkozy. Nous proposons ainsi de créer un réseau entre pays méditerranéens pour l’information géographique au service de problématiques communes : la lutte contre les insectes ravageurs comme la sauterelle du désert (locuste) ou la mouche méditerranéenne des fruits (cératite), le contrôle maritime pour combattre la pêche illégale en Méditerranée, les mesures I contre la désertification… © ign la productivité de notre agriculture — des produits céréaliers, mais aussi des fruits, des produits maraîchers et de l’élevage — et d’en soutenir la compétitivité sur les marchés locaux et internationaux. Cette politique s’inscrit dans une logique de développement durable, soucieuse de rationaliser l’usage de l’eau et des terres comme d’améliorer la qualité de vie des Égyptiens. Nous visons aussi de hauts niveaux de sécurité alimentaire et l’amélioration des conditions de vie dans les zones rurales. > Carte IGN des pays bordant la mer Rouge, dont l’Égypte. © ign fi • IGN Magazine : Quels sont les grands objectifs de ce plan pour 2009-2030 ? • Amine Abaza : Notre objectif est d’améliorer tion de la longueur totale des mesqa, marwa [canaux] et drains, information des fermiers comme des managers régionaux sur l’irrigation… jusqu’à l’évaluation de l’efficience du programme. À terme, les SIG permettront de définir les plans stratégiques pour une meilleure localisation des productions en fonction de la pénurie d’eau sous l’effet du changement climatique, de surveiller l’élévation du niveau de la Méditerranée et la vulnérabilité du delta du Nil, et de développer des systèmes de gestion du risque de catastrophes. © ign fi SAVOIR POUR MIEUX GÉRER Amine Abaza, ministre égyptien de l’Agriculture et de la Bonification des terres, explique les enjeux du plan stratégique pour l’agriculture et l’apport de l’information géographique dans ce cadre. • bassin hydrographique : il couvre 3,4 millions de kilomètres carrés, soit près de 10 % de la superficie de l’Afrique. Dix pays le bordent (Burundi, République démocratique du Congo, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan et Tanzanie). Sur plus de 330 millions de personnes vivant dans ces États riverains, 160 millions sont installées dans son bassin versant. > Carte satellitaire d’El-Bouhyra permettant une approche statistique des changements d’occupation des sols entre 1985 et 2006. IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 13 :: grand angle DÉCRYPTAGE • mission : fondé en 1986, IGN France International est une société d’ingénierie géographique privée, destinée à développer et promouvoir le savoir-faire de l’Institut géographique national à l’exportation. © ign > IGN FI en bref • actionnaires : IGN, EADS Astrium, Environmental Systems Research Institute Inc. (ESRI, États-Unis et France) et le Centro nacional de información geográfica (CNIG, Espagne). > Travaux de surélévation du temple nubien d’Abou-Simbel au milieu des années 1960, avec l’aide de l’IGN. UNE COOPÉRATION HISTORIQUE © dr • chiffres clés : 2 millions d’euros de capital, 15 millions d’euros de chiffre d’affaires moyen par an, une centaine de projets menés à bien, une présence dans plus de cinquante pays. Directeur de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères de 2006 à 2008, Jean FélixPaganon a été nommé ambassadeur d’Égypte en août 2008. © olivier ouisse • IGN Magazine : Comment évolue l’aide que la France apporte à l’Égypte dans le cadre de la coopération technique? • Jean Félix-Paganon : Cette coopération est > Station de pompage et canal d’irrigation © bertrand rieger - hemis.fr sur le barrage d’Assouan. > Le temple d’Assouan. historique. La France et l’Égypte jouissent d’une relation politique excellente, expliquant en partie l’importance de notre coopération : l’Égypte est l’un des pays prioritaires pour l’aide bilatérale. Près de trois milliards d’euros de financements concessionnels ont été mis en place par le ministère des Finances français en un peu plus de trente ans pour accompagner l’Égypte dans la réalisation de projets structurants, principalement les infrastructures et services (eau, transports urbains, aviation…). Les entreprises françaises comme IGN France International y ont participé : il faut se féliciter de l’excellent transfert de savoir-faire au bénéfice de leurs partenaires égyptiens. Puis, le Premier ministre français a indiqué que les objectifs d’engagement de l’Agence française de développement (AFD) seraient de 150 millions d’euros par an ces trois prochaines années. L’AFD devient l’un des acteurs majeurs de projets de développement en Égypte. Enfin, la coopération est dynamisée par l’initiative d’Union pour la Méditerranée, qu’Égypte et France coprésident depuis juillet 2008. © hemis.fr • IGN Mag. : Quels sont les projets financés par l’aide bilatérale? • J. F.-P. : Son objectif est avant tout d’accompa- > Le Caire, capitale de l’Égypte. 14 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE gner les autorités égyptiennes dans la mise en œuvre des priorités de développement qu’elles ont définies. Aucune action de coopération ne peut avoir lieu sans demande formelle de leur part. Les secteurs en bénéficiant varient selon les années et les priorités du gouvernement égyptien. Notre coopération a donc porté sur des sujets variés: agriculture, avec d’importants moyens mis en place dans le cadre d’un bureau de liaison agricole francoégyptien, eau et assainissement, transports urbains et ferroviaires, aviation civile, santé… Les entreprises comme IGN France International ont vocation à participer pleinement à ces projets structurants, notamment lorsqu’ils sont réalisés sur financement bilatéral. Le transfert de savoir-faire et la pertinence de l’expertise des entreprises françaises ont sûrement été les clés de réussite de ces projets. • IGN Mag. : 2010 sera l’année francoégyptienne de la science et de la technologie. Quels en seront les messages? • J. F.-P. : En accord avec nos partenaires égyptiens, cinq grands thèmes prioritaires ont été retenus, dont les technologies de l’information et de la communication et le développement durable, incluant agronomie, agroalimentaire, énergies nouvelles, environnement, changement climatique… Le président Moubarak a aussi annoncé que 2007-2016 serait la décennie de la science et de la technologie en Égypte. Ce pays se tourne de plus en plus vers les nouvelles technologies, comme le montre la création de Smart Village. La France peut contribuer au développement scientifique et technologique de l’Égypte en apportant expertise, technologie et savoir-faire. • IGN Mag. : Et où en est l’idée de réunir des décideurs du pourtour méditerranéen ayant les mêmes problématiques? • J. F.-P. : Il est évident que les activités d’IGN France International, qui couvrent des domaines aussi importants pour le développement et utilisent des technologies de pointe, entrent bien dans le cadre des priorités de l’année. Ces vingt ans d’expérience en Égypte méritent d’être valorisés et présentés aux décideurs de la région, qui seraient intéressés par une coopération de ce type. Nous encourageons IGN France International à présenter son expertise aux pays de la région susceptibles d’avoir les mêmes problématiques agricoles. En tout cas, félicitations à IGN France International et à ses partenaires égyptiens pour ces I vingt ans de coopération et de réussite! :: solutions L’IGN VOUS RÉPOND © ign GÉOPORTAIL CARTOGRAPHIE • Comment transmettre à l’IGN une demande de mise à jour de carte? Depuis le 1er janvier 2005, l’Institut géographique national a mis un service à la disposition des professionnels et des particuliers. Si vous constatez une anomalie sur une carte de l’IGN, vous pouvez en informer ce service à l’adresse e-mail [email protected] ou en écrivant à l’IGN (Service client, 73, avenue de Paris, 94165 Saint-Mandé cedex). Les corrections les plus fréquemment demandées concernent l’altimétrie, les chemins de grande randonnée ou bien la toponymie. En formulant votre remarque explicitement et en l’accompagnant d’un extrait de carte, éventuellement issu de Géoportail (www.geoportail.fr), vous renseignerez précisément le service cartographique chargé de la mise à jour de la carte pour la région considérée. Dans un délai d’un mois maximum, vous recevrez une réponse personnalisée de la part du service client vous informant des suites données à votre requête et des délais de prise en compte sur la nouvelle version de la carte. D’année en année, l’IGN améliore en parallèle le rythme de mise à jour de ses produits cartographiques. L’âge moyen des fonds au 1 : 25 000, par exemple, est passé de 7,9 ans en 2006 à 6,5 ans en 2008. • Comment se fait © ign la géolocalisation par adresse sur Géoportail et quelles sont les données sources ? La recherche d’une position géographique à partir d’une adresse littérale est effectuée par une requête sur la composante adresse (BD ADRESSE®) du Référentiel à grande échelle (RGE). Actuellement, Géoportail utilise les bornes adresses à chaque carrefour pour localiser, par interpolation, l’adresse recherchée. À terme, la géolocalisation se fera directement sur la parcelle et apportera donc une précision accrue dans le positionnement. Récemment finalisée, la BD ADRESSE® a pu être réalisée grâce au croisement de nombreuses données émanant de l’IGN et de partenaires comme la direction générale des finances publiques (DGFiP), La Poste et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Ces données adresses partenariales permettent ainsi à l’IGN de constituer une base nationale de données adresses contenant des informations fiables, pertinentes et actualisées. POSEZ VOS QUESTIONS • Sur le site Internet de l’IGN, www.ign.fr, des professionnels de l’Institut apportent des réponses claires et détaillées qui feront l’objet, pour certaines, d’une publication dans IGN Magazine. i + i www.ign.fr www.ign.fr IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 15 GÉOPORTAIL, UN OUTIL FEDERATEUR Réunissant depuis cet été des informations géologiques et maritimes en complément des cartes et photographies de l’IGN, Géoportail s’affirme aujourd’hui comme la plate-forme de référence multithématique pour l’information géolocalisée. G éoportail a sensiblement enrichi sa représentation du territoire national : il ne se contente plus de décrire la surface du sol, mais permet d’explorer le sous-sol et s’étend vers la mer. Les cartes géologiques, réalisées et diffusées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) localisent ainsi les différents types de roches en France. Géoportail permet désormais de les représenter DÉCRYPTAGE > En savoir plus i + i www.geoportail.fr i + i www.brgm.fr i + i www.eea.europa.eu i + i www.shom.fr > Pour réaliser le SCAN Littoral®, les images numériques (scans) des cartes marines du Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom) et des cartes terrestres au 1 : 25 000 de l’IGN ont été assemblées sur 10 kilomètres de part et d’autre du trait de côte (limite entre les domaines maritime et terrestre, définie en commun par les deux établissements publics). Le SCAN Littoral®, affiché sur Géoportail depuis juin 2009, n’est pas destiné à la navigation mais est utile pour la pratique des activités de loisir (kayak, par exemple) et pour la sécurité civile (pompiers). Il indique, entre autres, la profondeur, la nature des fonds, les signaux maritimes (amers). Il présente aussi, côté terre, la richesse de l’information topographique et toponymique contenue dans les cartes au 1 : 25 000 de l’IGN. 16 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE © géoportail SCAN LITTORAL® sur un fond cartographique où apparaissent routes, villes, courbes de niveau… La carte littorale, constituée de l’assemblage des cartes marines du Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom) et des cartes terrestres de l’IGN, offre sur Géoportail un nouvel outil de référence pour mieux connaître et comprendre les zones côtières. Cette carte indique, entre autres, la profondeur et la nature I des fonds. © géoportail CARTE GÉOLOGIQUE > Les cartes géologiques du BRGM, disponibles sur Géoportail depuis juin 2009, permettent d’identifier et de localiser les différents types de roches qui affleurent en France métropolitaine. Ces données thématiques sont présentées sur des fonds cartographiques IGN où apparaissent routes, villes, courbes de niveau… Les cartes géologiques qui s’affichent sur Géoportail sont : la carte géologique générale au 1 : 1 000 000, où différentes couleurs renseignent sur la nature des roches et leur âge ; l'assemblage des cartes au 1 : 50 000 couvrant la totalité du territoire métropolitain, où – en plus des représentations rocheuses en couleur, accompagnées de leur notation conventionnelle – apparaissent différents symboles graphiques indiquant les failles, les sondages, les gisements fossiles, l’inclinaison des couches… © géoportail CORINE LAND COVER www.ign.fr > La base de données géographiques Corine Land Cover est produite dans le cadre du programme européen de Coordination de l’information sur l’environnement (Corine). Les données, réalisées à l’initiative du Service de l’observation et des statistiques (SOeS), permettent d'analyser l'occupation des sols et son évolution, leur artificialisation, l’extension des villes, le suivi des espaces protégés, l’évolution de la forêt, l’impact des tempêtes… La couche Corine Land Cover, accessible sur Géoportail depuis septembre 2009, est un outil de référence pour mesurer les impacts environnementaux liés aux activités anthropiques et aux phénomènes naturels sur le territoire métropolitain. i + i www.statistiques.equipement.gouv.fr IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 17 :: infos géo L’AVIS DE CHÂTEAU Quatre étudiants de l’École nationale des sciences géographiques se sont lancés dans un travail de longue haleine : recenser le réseau permettant avril à octobre, le château de Versailles (Yvelines) est le théâtre de spectacles qui reposent sur les jeux d’eau des fontaines du parc. Ces représentations consomment de grandes quantités d’eau, accentuées par des pertes ou l’évaporation. De fait, cela pose rapidement un problème de limite des réserves et nécessite la recherche de nouvelles ressources en eau en provenance des réseaux extérieurs. Le service des fontaines du château de Versailles s’intéresse ainsi à la mise en place d’un projet de gestion du réseau assistée par ordinateur. Cet outil lui permettrait de gérer la planification des travaux des fontainiers. Une collaboration autour de ce projet s’est élaborée entre le service des fontaines, l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, le conseil général des Yvelines et l’ENSG. Quatre étudiants du mastère « Management des systèmes d’information et applications géographiques » (MSIAG) ont regroupé leurs compétences pour établir un diagnostic afin de déterminer les besoins et les moyens à mettre en œuvre pour tenter de répondre à ces attentes. Une étude devrait ensuite être lancée pour la conception du contenu de la base structurant toutes ces données et opti- D’ miser la synergie des ressources et des acteurs. Les élèves de l’ENSG ont ainsi proposé la mise en place d’un système d’information conforme aux standards de la directive européenne Inspire pour le partage des données entre établissements publics. Ce système devrait permettre de visualiser les fonds cartographiques anciens numérisés et géolocalisés, afin d’en tirer des informations liées au réseau d’eau. Il devrait aussi servir à cataloguer toutes les références d’objets et offrir une visualisation tenant compte de leur localisation dans l’espace et le temps. Il est aussi envisagé de l’utiliser pour préparer les recherches sur le terrain afin de tenter de reconstituer l’histoire du réseau et de procéder à une analyse historique de son fonctionnement, et faciliter ainsi l’utilisation des données collectées sur place. La reconstitution demandera beaucoup de temps compte tenu de la superficie couverte (le réseau s’étend sur trois départements et deux régions différentes). Mais elle participe au travail préalable à la connexion des réseaux hydrauliques extérieurs au château.Elle sera à mener en parallèle avec la conception et le développement du futur système d’information géographique du service des fontaines I du château de Versailles. EN CHIFFRES > Histoire d’eau • 24 : en hectares, la superficie du Grand Canal, situé au point le plus bas du parc du château de Versailles. Long de 1,5 kilomètre, large de 62 mètres et d’une périphérie totale de 5,5 kilomètres, il constitue un grand réservoir contenant 295 000 m3 d’eau. • 30 : en kilomètres, la longueur du réseau actuel de canalisations, en plomb ou en fonte, dont 90 % datent de l’époque de Louis XIV. • 50 : le nombre de fontaines du parc, qui compte aussi 62 bassins et 700 jets. • 820 : en hectares, la superficie des étangs artificiels créés pour retenir 8,5 millions de mètres cubes d’eau, acheminée dans le parc par 40 kilomètres d’aqueducs souterrains et 170 kilomètres de rigoles. • 1666 : l’année de l’inauguration des Grandes Eaux, le 17 avril, après cinq années de travaux. Elles nécessitent 12 000 m3 d’eau pour fonctionner. 18 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE © jean-marc manaï / château de versailles aux fontaines du château de Versailles de mieux fonctionner. > Le bassin de Latone a été aménagé entre 1668 et 1670 par André Le Nôtre, avant d’être modifié par Jules Hardouin-Mansart. LATONE :: infos géo > Le char d’Apollon est l’œuvre de Jean-Baptiste Tuby. > Dernier bosquet créé par Le Nôtre, de 1678 à 1682. GRAND CANAL APOLLON SALLE DE BAL © christian milet / château de versailles © christian milet / château de versailles © christian milet / château de versailles > La plus célèbre pièce d’eau du château, réalisée de 1667 à 1672. > Minute originale d’état-major de 1819 sur la zone du château (collection cartothèque IGN). © ign PLAN > Le bosquet des Trois Fontaines, dessiné par Louis XIV en personne et aménagé par Le Nôtre en 1677. © christian milet / château de versailles TROIS FONTAINES www.ign.fr IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 19 :: zoom sur… GÉODÉSIE Le temps des satellites L’une des missions de l’IGN est la définition de la référence géodésique nationale. L’Institut doit en donner l’accès par des réseaux qu’il établit, entretient et dont il assure la pérennité. a nouvelle triangulation de la France (NTF), système géodésique français élaboré historiquement par mesures terrestres, était entaché de déformations locales et n’offrait plus la précision et l’homogénéité nécessaires pour répondre aux besoins actuels de positionnement. La géodésie devait prendre le virage technique du spatial. L’ETRS89, nouveau système européen de référence adapté à la précision du GPS, est créé en 1989. Se déplaçant avec la plaque Eurasie, il permet d’obtenir des coordonnées quasiment L 20 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGNMAGAZINE fixes sur l’Europe, au contraire du système mondial ITRS (voir IGN Magazine n° 53) dans lequel elles varient de presque trois centimètres par an. De nombreux pays européens commencent alors à réaliser l’ETRS89 sur leur territoire. Le RGF93 est la composante française de ce système. L’établissement du RGF (réseau géodésique français) débute donc en 1989 dans le contexte d’une vaste campagne d’observations européennes. Les vingt-trois sites français observés par techniques spatiales (VLBI, laser, GPS) jusqu’en 1993 consti- tuent le RRF (réseau de référence français). De 1994 à 1996, l’IGN entreprend une densification du réseau par l’observation GPS d’un millier de sites géodésiques, qui forment le RBF (réseau de base français). Les coordonnées de tous ces sites sont publiées en 1997. Suite aux recommandations du CNIG, deux décrets (2000-1276, 2006-272) déclarent le RGF93 référence nationale légale et obligatoire à partir de mars 2009. La France prend ainsi de l’avance sur la législation européenne, dont la directive Inspire préconise l’ETRS89 comme référence pour les échanges © ign © ign :: zoom sur… de données géoréférencées en Europe. Enfin, les coordonnées des points de la NTF sont recalculées dans le nouveau système RGF93. Ils constituent le RDF (réseau de détail français) qui, bien que moins précis (environ dix centimètres) que le RRF ou le RBF (environ deux centimètres), présente l’avantage de densifier de ses 80000 points le nouveau réseau. Mais ces réseaux servent aussi, entre autres, à l’établissement de cartes et de plans, ce qui nécessite l’utilisation d’une projection. Dans le cadre de groupes de travail du CNIG, deux projections sont créées par l’IGN. La première, Lambert-93, couvre la France entière et permet de représenter de manière continue le territoire métropolitain. La seconde, coniques conformes neuf zones, minimise les altérations linéaires et permet à chaque département d’être entièrement couvert par une zone. Elle est utile pour les mesures graphiques de distance sur les plans à grande échelle. www.ign.fr DÉCRYPTAGE > Géodésie et climat • les études climatiques et météorologiques font régulièrement appel aux paramètres troposphériques calculés toutes les heures par l’IGN (voir « Météorologie », IGN Magazine nos 48 et 51). • la géodésie spatiale a en effet besoin de ces données pour corriger les mesures des effets atmosphériques qui perturbent la propagation des ondes entre le satellite et le sol. • les délais zénithaux calculés sur le RGP toutes les heures permettent de connaître le taux d’humidité de l’air plus rapidement et à moindre coût que les traditionnels ballons-sondes. À l’écoute des utilisateurs par l’intermédiaire du CNIG, l’IGN a développé les outils nécessaires à la transformation des données géolocalisées, qu’il s’agisse de données vecteurs ou rasters. le réseau gnss permanent (rgp) Jusqu’en 1997, l’IGN matérialisait les réseaux sur le terrain. Pour accéder à la référence nationale à l’aide de ces réseaux, l’utilisateur doit se déplacer sur des bornes géodésiques afin d’effectuer les mesures de rattachement de ses points à déterminer. Les premières stations GPS permanentes du RGP sont installées en 1998. Les observations continues des stations sont récupérées par des centres opérationnels, qui en vérifient la qualité, puis, toutes les heures, mettent à disposition sur Internet les observations et les produits issus de leurs calculs. L’utilisateur peut, dès lors, effectuer ses mesures avec son propre équipement GPS et calculer précisément sa position dans le système de référence nationale, IGNMAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 21 © ign © david ducros - cnes 2005 :: zoom sur… © cnes > Vue d’artiste du satellite altimétrique Jason-2. > Carte de distribution des hauteurs de vagues (de 0,50 à 6 mètres) sur la planète obtenue avec le satellite Jason. > Station laser ultramobile, en Tasmanie (Australie). Tir sur le satellite Jason. 22 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGNMAGAZINE © ign > Very Long Baseline Interferometry (VLBI), radiotélescope dirigé vers un quasar. © thomas abbot / hartebeesthoek radio astronomy observatory > Mesures effectuées par les géomètres de l’IGN sur une station GPS dans le Beaufortin. en récupérant les observations des stations permanentes proches. Le RGP, développé dans un large partenariat public-public et public-privé, est constitué à présent d’environ deux cents stations (voir IGN Magazine n° 49), appartenant à l’IGN (11,6 %), à ses partenaires publics (25,8 %) ou privés (62,6 %). Il est fédéré par l’IGN afin de mutualiser les équipements GPS et d’en diffuser les données sur un portail unique. En outre, la stabilité des stations du RGP est contrôlée en continu et à distance par les calculs horaires de leurs coordonnées. Le très grand nombre d’observations des stations du RGP a permis d’améliorer le RGF93 jusqu’à une précision et une compatibilité avec ETRS89 de quelques millimètres. De nouvelles coordonnées plus précises du RRF et du RBF sont actuellement calculées et seront publiées lau premier trimestre 2010. Le RGP suit l’évolution des constellations satellitaires GNSS et, dès fin 2009, toutes les stations IGN seront bisystèmes (GPS-Glonass). Pour Galileo, les stations IGN seront mises à niveau dès 2011 et pourront à nouveau évoluer avec l’arrivée de nouvelles constellations, comme Compass (Chine). Dans le cadre du remplacement de leur matériel, les partenaires du RGP ont entamé la même démarche. L’avenir du RGP est maintenant tourné vers le flux continu : les observations pourront être mises à disposition en temps réel plutôt que sous la forme d’un fichier contenant une heure d’observations. De nombreuses applications sont déjà prêtes à utiliser ce nouveau mode de diffusion. Dans le principe du temps réel, les mesures des stations servent à calculer des paramètres de correction que l’utilisateur reçoit automatiquement par Internet, dans son récepteur GNSS équipé d’une carte de télécommunication. L’utilisateur accède au service sans devoir se soucier de la situation des stations. Il faut toutefois noter que, au mieux, la précision de ce mode est centimétrique (de un à cinq centimètres). En France, ce service est proposé à titre payant par des prestataires. Trois d’entre eux — Teria, S@t-Info et Lel@ (île de la Réunion) — sont des partenaires du RGP. À ce titre, les observations de leurs stations sont traitées en continu par l’IGN, qui en assure aussi la diffusion sur Internet en temps différé. vers toujours plus de précision Un nouveau mode de positionnement, dit « PPP » (positionnement ponctuel précis), donne actuellement de bons résultats. Les orbites et des corrections d’horloge des satellites GNSS sont calculées précisément grâce aux observations des stations des réseaux permanents. Ces paramètres sont transmis à l’utilisateur, à la place des observations ellesmêmes. Il peut alors les utiliser afin de calculer sa position précise en absolu. Cette technique est déjà utilisée à l’IGN, en temps différé, pour calculer les trajectoires des avions qui effectuent les prises de vue aériennes et les mesures lidar embarquées. Elle pourra accéder au mode « temps réel » dès que les récepteurs GNSS accepteront ce nouveau type de données pour réaliser ainsi les calculs nécessaires. Il est toutefois important de souligner que, quelle que soit la technique de mesure choisie, et même s’il ne s’en rend pas compte, l’utilisateur s’appuie toujours sur les données de stations permanentes. De prochaines évolutions sont attendues, liées à l’évolution des GNSS. De plus en plus de satellites seront disponibles simultanément. L’amélioration des horloges atomiques embarquées permettra de mieux prédire les corrections d’horloge. Une troisième fréquence prévue sur tous les systèmes GNSS améliorera grandement le traitement de la propagation du signal dans l’ionosphère. Toutes ces évolutions laissent envisager un gain de précision et, surtout, une plus grande rapidité d’obtention de coordonnées dans les années futures. Mais les opinions restent très partagées quant à l’accès prochain à la précision millimétrique en temps réel. © daniel menet - ign :: zoom sur… le niveau des mers la troisième dimension : l’altitude www.ign.fr un réseau d’observation densifié qui confirme la montée des eaux La géodésie joue un rôle important dans l’étude de la variation du niveau des mers, liée en particulier au réchauffement de la planète et à des phénomènes océanologiques bien connus (El Niño). Des satellites (Topex-Poséidon, Jason, Envisat, CryoSat, Smos…) mesurent la distance qui les sépare de la mer par réflexion d’une onde sur l’eau ou la glace. Pour en déduire des variations du niveau de la mer, il faut positionner le plus précisément possible le satellite dans le système de référence mondial, ce que fait la géodésie spatiale (Doris, Laser-satellite, GNSS). Par ailleurs, sur les côtes, des marégraphes mesurent le niveau de la mer. Le couplage avec des stations permanentes GPS permet d’identifier si les variations sont dues à des mouvements du marégraphe ou à ceux de l’océan. Ainsi, l’IGN est responsable du marégraphe de Marseille qui, avec une série séculaire d’enregistrements, met en évidence une hausse du niveau de la Méditerranée d’environ douze centimètres en un siècle. Enfin, un réseau de nivellement scientifique confirme la différence de niveau d’environ vingt centimètres entre la Méditerranée et la mer du Nord. © thales alenia space - obrenovitch yoann, 2007 La géodésie spatiale donne de manière naturelle un positionnement dans l’espace. Mais sa composante verticale est la hauteur au-dessus de l’ellipsoïde. Elle ne correspond pas à la notion physique d’« altitude », qui est associée à l’écoulement de l’eau, donc au champ de pesanteur. Pour pouvoir convertir des hauteurs ellipsoïdales en altitude, une grille de conversion (RAF98) a été élaborée à partir du quasi-géoïde gravimétrique QGF98. La précision de cette grille est — à 95 % — de 3centimètres. Une nouvelle grille de conversion (RAF09), compatible avec les nouvelles hauteurs ellipsoïdales du RBF et plus précise encore, sera disponible à la fin de cette année. Le positionnement GNSS et la grille de conversion répondent donc bien aux applications qui ont besoin d’une précision verticale centimétrique (de 1 à 5 centimètres). Mais la technique la plus adaptée à la précision millimétrique (également la plus productive) reste le nivellement direct, utilisant niveaux, mires et un réseau de repères afin d’accéder à la référence verticale. L’IGN s’est adapté aux nouvelles technologies (nivellement motorisé et assisté par GPS) pour réaliser l’entretien du réseau de nivellement national. Il a également créé une nouvelle stratégie d’entretien : les triplets. Une enquête réalisée en 1998 auprès des utilisateurs a révélé que le réseau était insuffisamment mis à jour et n’était pas assez homogène. Depuis 2000, l’IGN entretient donc des triplets : des ensembles d’au moins trois repères de nivellement situés à moins d’un kilomètre les uns des autres sont répartis dans les zones habitées de l’ensemble du territoire, de façon à ce que tout utilisateur soit à moins de cinq kilomètres du plus proche triplet. Les zones dépourvues de triplet ont été comblées de 2001 à 2008 par une technique combinant GPS et nivellement. Aujourd’hui, toute la France est couverte par 13 200 triplets. > Marégraphe de Marseille (en haut). Tests effectués sur l’antenne Doris du satellite d’observation altimétrique des océans Jason-2, avant sa mise sur orbite en juin 2008 (ci-dessus). IGNMAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 23 DÉCRYPTAGE > Glossaire © cnes - esa - arianespace/csg service optique, 2002 :: zoom sur… • cnig : Conseil national de l'information géographique, aide de l’État français sur les questions touchant à l'information géographique. • etrs89 : European Terrestrial Reference System 89 (système de référence terrestre européen). • ggsp : Galileo Geodetic Service Provider (géopositionnement par satellite Galileo). • gnss : Global Navigation Satellite System (système global de navigation par satellite), ensemble des systèmes de positionnement (GPS américain, Glonass russe, Galileo européen…). • gtrf : Galileo Terrestrial Reference Frame (repère de référence terrestre de Galileo). • itrs : International Terrestrial Reference System (système international de référence terrestre). • niref : nivellement de référence. • ntf : nouvelle triangulation française. • ppp : positionnement ponctuel précis. • qgf98 : quasi-géoïde français. • rbf : réseau de base français. • rdf : réseau de détail français. • rgf93 : réseau géodésique français. > Pose d’Envisat sur le lanceur Ariane-511. Ce satellite est destiné à accroître le potentiel européen dans le domaine de l'observation de la Terre. • rgp : réseau GPS permanent. • rrf : réseau de référence français. © cnes - cls • vlbi : Very Long Baseline Interferometry (interférométrie à très longue base). > Représentation à partir de données satellite © ign du phénomène El Niño. > Balise Doris. 24 _ n° 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE L’entretien de ce réseau a commencé en 2008 : il consiste à vérifier la stabilité des repères de chaque triplet les uns par rapport aux autres avec un nivellement de précision et, à l’aide de GPS et du RGP, à mettre en place une surveillance de la stabilité absolue du triplet. À partir de 2009, 1 100 triplets par an seront entretenus, avec une périodicité de douze ans. En outre, l’IGN participe à la définition et à la réalisation du système vertical européen EVRS (European Vertical Reference System), en particulier avec son réseau de nivellement de référence (Niref) et ses nouveaux calculs du réseau de premier ordre ancien. les services internationaux Mais, au-delà de la dimension européenne, les activités de la géodésie s’inscrivent toujours et par nature dans un contexte mondial. L’IAG (International Association of Geodesy) a coordonné la mise en place de nombreux services faisant appel à la collaboration entre les acteurs des réseaux permanents de toute la planète. L’IGN y contribue, comme nombre de ses homologues étrangers, en particulier sur l’IGS (International GNSS Service) et l’IDS (International Doris Service). L’IGS collecte les observations d’environ trois cents stations GNSS de divers organismes (dont une dizaine du RGP), les met à disposition sur Internet et diffuse les produits issus des calculs de ses sept centres d’analyse (éphémérides, horloges, paramètres atmosphériques). Depuis que ce service est entré en fonctionnement, en 1994, l’IGN est responsable d’un de ses quatre centres mondiaux de données. À partir de 2010, il sera aussi chargé de la combinaison mondiale des jeux de coordonnées fournis par les centres d’analyse. L’IGN est également centre de données et de calcul de l’IDS. Il s’agit d’un service basé sur un système spécifique : Doris (« détermination d’orbite et radiopositionnement intégré par satellite »). Développé par le Centre national d'études spatiales (Cnes), il est constitué de balises émettrices situées au sol et de récepteurs embarqués dans les satellites. Il équipe notamment les satellites altimétriques qui étudient les variations du niveau des océans. Comme partenaire du Cnes, l’IGN a installé depuis 1990 un réseau de soixante stations Doris et en assure la rénovation. Le rôle de l’IGN, outre le fonctionnement du RGP et l’entretien du RGF, est de préparer l’avenir. Les dix prochaines années sont entièrement liées à l’évolution du système européen, et l’IGN doit s’investir toujours davantage dans les services internationaux. Après sa participation à un consortium européen sur le projet GGSP (Galileo Geodetic Service Provider), l’IGN va probablement être, dès 2010, le centre de combinaison du GTRF (Galileo Terrestrial Reference Frame) et devrait produire, chaque semaine, un jeu de coordonnées pour les I trente stations de contrôle. © ign © david ducros - cnes 1998 :: zoom sur… © ign > Représentation d’un système de référence géodésique avec le centre de gravité de la Terre pour origine. > Vue d’artiste du principe de l’altimétrie satellitaire. PRÉCISIONS SUR LA GÉODÉSIE L • IGN Magazine : D’où le mot « géodésie » vient-il ? • Françoise Duquenne : Il est d’origine grecque et désigne la science et les techniques d’étude de la forme et des dimensions de la Terre. Le mot « géométrie » aurait sans doute été plus adapté à la discipline, mais il avait déjà une autre signification en mathématiques. Les premiers géodésiens ont d’ailleurs été Pythagore et Thalès, que l’on connaît en général plutôt pour leurs théorèmes. Seul le terme de « géomètre » est resté pour désigner un opérateur de terrain. • IGN Mag. : Comment le problème de la forme de la Terre se pose-t-il ? • F. D. : Lorsqu’on supprime les reliefs de la surface topographique, on obtient une surface irrégulière qui correspond au niveau moyen des mers : le géoïde. Sa forme est proche d’une sphère aplatie aux pôles. Dès le XVIIIe siècle, il a été assimilé à un ellipsoïde de révolution, modèle mathématique qui facilite les calculs de coordonnées à partir des observations. Mais ses dimensions ont été déterminées par des mesures sur la surface topographique qui, bien sûr, ont donné des résultats bien différents selon les endroits. De nombreux ellipsoïdes existent donc à présent, mais le modèle international GRS80, défini à partir du champ de pesanteur, tend à devenir le standard. Très tôt, les géodésiens ont étudié divers algorithmes de projection de l’ellipsoïde pour représenter la Terre selon un plan. Mais, comme toutes les projections www.ign.fr induisent des déformations, elles se sont également multipliées selon les besoins. • IGN Mag. : Qu’est-ce qu’un système de référence géodésique ? • F. D. : Il s’agit généralement d’un repère dont l’origine est au centre de gravité de la Terre. L’axe OZ est l’axe des pôles, le plan XOY l’équateur et le plan XOZ le méridien origine. Mathématiquement simple, cette notion est difficile à réaliser en pratique : les axes ne sont bien sûr pas directement observables, et l’axe des pôles n’est pas fixe par rapport à la Terre. Des observations permettent de calculer des coordonnées de points géodésiques qui définissent alors conventionnellement le repère et grâce auxquels l’utilisateur peut se positionner par rattachement. L’ancien système de référence géodésique français, la nouvelle triangulation de la France (NTF), a été réalisé par des observations terrestres (angles, distances) et astronomiques. Par définition, l’origine de ce genre de système de référence est décalée de plusieurs centaines de mètres du centre de gravité de la Terre, alors que celle du système de référence terrestre international (ITRS) en est beaucoup plus proche (quelques millimètres). > Station GPS intégrée au réseau GPS permanent (RGP) sur le site de Brest. © esa - stéphane corvaja , 2009 a géodésie est un domaine méconnu. Françoise Duquenne, chef du service géodésie et nivellement à l’IGN, en précise certaines notions. • IGN Mag. : Quel est le rôle de l’IGN en matière de géodésie ? • F. D. : Outre sa mission nationale, l’IGN a joué ces vingt dernières années un rôle important au plan mondial et européen. Il a participé à la définition de l’ITRS et à ses différentes réalisations (voir article « Repère mondial », I IGN Magazine n° 53). > Le satellite CryoSat-2, destiné à étudier l’évolution des glaces polaires. IGN MAGAZINE _ n° 56 _ novembre.décembre.09 _ 25 SON PARCOURS 1961 : naissance le 11 septembre à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). 1980 : bac scientifique D, puis inscription à la faculté des sciences de Rouen en mathématiques, musicologie et lettres. 1986 : entrée à Radio France. 1992 : Les Premiers Mots d’Adrien, dans « Les nuits magnétiques » sur France Culture. 1992-1995 : « Marchands d’histoires », émission de Claude Villers sur France Inter pour laquelle il rédige 225 récits. 1994-1999 : intervenant à l’IUFM de Rouen. 1995-1996 : « Les routes du rêve », émission de Claude Villers sur France Inter pour laquelle il rédige 50 récits. 1996 : La Ballade de Jane B, avec Jane Birkin, coproduction de Radio France et de la BBC, dans la série musicale « La ballade des Français ». Auteur et coconcepteur du CD-Rom Louis XIV et Versailles (Arborescence-Havas), raconté par Claude Villers. 1997-1999 : « Je vous écris du plus lointain de mes rêves », émission de Claude Villers sur France Inter pour laquelle il écrit 75 récits. 1999 : Alors, c’est ça la mer?, dramatique sur Radio Bleue, avec Michel Creton. 2001 : « Île-de-France », le saint-bernard des mers, documentaire réalisé par Jean-Pierre Vedel, avec Olivier Guiton, diffusé sur la 5 et la Télévision suisse romande (Ancre d’argent au Festival international du film maritime, d’exploration et d’environnement de Toulon). Depuis 2003 : membre de la commission de la Scam (Société civile des auteurs multimédia); vice-président de 2004 à 2006. ENTRE AUTRES LIVRES • Ports d’escales, MDV Maîtres du vent, 1996. • « France », un rêve de géant (avec Claude Villers), Glénat, 1996. • Le Havre - New York, Hazan, 1997. • Tempêtes en mer, Glénat, 2008. • Terre! La petite histoire des grandes découvertes, Glénat, 2009. • Le Livre de la Lune, des mythes antiques à la conquête spatiale (avec Renaud Alberny), Glénat, 2009. 26 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE © christine saillant-dao :: rencontre CHRISTIAN CLERES Pourquoi partaient-ils? Non pas les grands capitaines commissionnés par le roi, mais les marins, les matelots, les boscos… C’est la question que pose Christian Clères dans son dernier ouvrage, Terre! La petite histoire des grandes découvertes. Un nouveau regard sur l’aventure. • IGN Magazine : Votre père était marin. Cela vous a-t-il influencé ? • Christian Clères : Il naviguait au long cours à bord des bananiers de la Compagnie générale transatlantique entre les Antilles et Le Havre. Je l’ai très peu connu. Dans les années 1960, les marins au long cours partaient encore pour des périodes de six à neuf mois. Je vivais très mal ces perpétuelles absences, et j’ai longtemps désavoué son travail. Mais, beaucoup plus tard, lorsque j’ai commencé à écrire des récits radiophoniques pour France Inter et Claude Villers, j’en ai rédigé un au sujet des terre-neuvas, et mon passé m’est revenu comme un boomerang. J’ai commencé à apprécier ce monde des marins. Je ne ressens pas cette urgence de partir qu’ils éprouvent, mais je me sens désormais très à l’aise dans l’univers maritime, au point d’être devenu une sorte d’« autorité » en la matière. J’ai ainsi la chance d’avoir conservé cette distance qui me permet d’écrire. • IGN Mag. : Paradoxalement, votre dernier ouvrage s’intitule Terre !… • C. C. : C’est le cri des marins lorsqu’ils l’aperçoivent. Notre vision satellitaire du monde a tendance à nous faire oublier que c’est la mer qui nous a permis de découvrir la Terre. Une longue succession de sauts de puce et d’aventures épiques… Il faut bien comprendre – et c’est cela qui est magnifique – que la curiosité n’était pas en question. Il s’agissait de pouvoir, de conquête et de puissance. Des hommes sont partis, qui ont réussi à maîtriser la mer, la route, la navigation, ce qui sous-entend qu’ils avaient préalablement appris à maîtriser leur peur et surtout celle des équipages. Ce qui est arrivé à Magellan : il a surmonté l’épreuve parce qu’il avait fait la guerre aux Indes, mais, finalement, il n’est jamais revenu. • IGN Mag. : Quel regard portez-vous sur ces gens ? • C. C. : La question centrale que je pose est : pourquoi ? On comprend les ambitions religieuses ou commerciales de ceux qui montent les équipages au nom du roi, ou du tsar pour Vitus Béring. On perçoit l’orgueil d’un Colomb ou d’un Kerguelen… Mais les autres, les matelots, les marins, les boscos [maîtres d’équipage], des huniers à ceux du fond de cale, pourquoi partent-ils? La mer est une inconnue terrifiante à cette époque. Ce sont ces hommes-là auxquels je tiens à donner vie : les oubliés de l’aventure. On embarque aussi, à l’époque, des condamnés à mort. Ce sont eux que l’on dépêche en avant-garde auprès des autochtones, prudence oblige ! Le premier explorateur de l’Inde est le condamné à mort qui posa un pied à Calicut, avant tout le monde ! Moi, dans mon livre www.ign.fr www.ign.fr Terre !, je lui ai donné un visage et une réalité. D’ailleurs, on oublie largement que l’Australie a été défrichée par des bagnards, les soldats qui les gardaient et les putains qui les suivaient. • IGN Mag. : Certains de ces personnages sont nos propres icônes, d’autres non… • C. C. : J’ai pensé qu’il serait intéressant d’enrichir la vision du lecteur, qui demeure souvent occidentale, et de proposer une histoire différente : les Africains, les Chinois… C’est pourquoi l’ouvrage s’ouvre sur Cheng Ho, dont beaucoup ignorent ici l’invraisemblable épopée. Au tout début du XVe siècle, à l’époque même où les Occidentaux commencent à songer à conquérir de nouvelles routes menant à l’or et aux épices, la flotte de l’amiral Cheng Ho, en route vers Mombassa et Zanzibar, aborde la côte de Malinde, en Afrique. Des centaines de vaisseaux, dont les plus grands atteignent cent vingt à cent quarante mètres de longueur sur cinquante de largeur et portant neuf mats, composent l’une des armadas que l’empereur Zhu Di a fait construire pour porter à la connaissance du monde le message de paix et de protection de l’empire du Milieu. Tentons seulement d’imaginer la stupeur des Africains devant une telle révélation de puissance et de richesse. D’étrangeté, aussi, car les vingt-cinq mille hommes que transporte la flotte ont tous le teint jaune. En guise de bonne foi, ils vont laisser de nombreux cadeaux de jade, de pierres précieuses et de meubles laqués, ainsi que des ambassadeurs commissionnés par l’empereur. Pour des raisons de politique intérieure, ces incursions chinoises cessèrent très vite, mais j’ai néanmoins pensé qu’il était intéressant de les mentionner. Ce que je veux, c’est présenter au lecteur français une autre vue de l’histoire. • IGN Mag. : Quelle relation, selon vous, ces marins ontils pu entretenir avec la cartographie ? • C. C. : J’ai toujours considéré que la carte, en tant qu’objet, est porteuse d’une beauté saisissante. Aussi bien aujourd’hui que jadis. Mais j’ai découvert, en écrivant ce livre, qu’un certain état de fait perdure. Dès qu’une carte est « sensible », elle est confisquée par les États. Dans le Portugal du XVe siècle, sa diffusion était passible de la peine de mort. Magellan a rencontré beaucoup d’obstacles avec ça. Notre approche satellitaire n’a rien changé. Au contraire puisque l’on peut entrer dans les détails. C’est exactement la même chose qu’avec les portulans des Portugais, lorsque celui qui possédait la carte la plus précise détenait le I pouvoir : celui de conquérir et de s’enrichir. IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 27 e ABOU-SIMBEL > Le temple nubien (XIII siècle av. J.-C.) a pu être sauvé des eaux du lac Nasser en étant démonté et reconstruit plus en hauteur grâce aux relevés photogrammétriques réalisés par l’IGN pour l’Unesco.© ign