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Les politiques mémorielles
de l’Italie
Par Paola Bertilotti
Introduction
Il existe des « discordances entre la mémoire et l’histoire »
de l’antisémitisme fasciste [Matard-Bonucci 1998]. Jusqu’à
une période récente, l’Italie a largement bénéficié, dans
l’historiographie comme dans l’opinion, de l’image d’un pays
favorable aux juifs, qui aurait constitué une exception en
matière d’antisémitisme par rapport à ses voisins européens.
Notamment en France, où le souvenir des quelques mois
d’occupation italienne dans les départements du Sud-est
(novembre 1942-septembre 1943) a longtemps fait écran à
une analyse approfondie de cet antisémitisme à l’italienne.
Certes, lorsque le fascisme arrive au pouvoir en 1922, il n’est pas
officiellement antisémite. L’Italie dispose d’une forte tradition
d’antijudaïsme catholique, mais n’est pas marquée par la présence
d’un antisémitisme politique organisé. A partir de l’été 1938,
l’Italie fasciste a toutefois procédé à la mise en place extrêmement
rapide d’un antisémitisme d’Etat [Sarfatti 1994 ; Sarfatti 2000 ;
Matard-Bonucci 2007]. L’antisémitisme du fascisme n’a toutefois
pas au départ de visées génocidaires. Ainsi, l’Italie en guerre
adopte-t-elle une attitude apparemment « schizophrène » :
« persécutés dans la péninsule, les juifs sont protégés dans les
régions d’occupation italienne » l’Italie refusant de ‘livrer’ les
juifs présents dans ses zones d’occupation de Yougoslavie, de
Grèce et du Sud-est de la France [Matard-Bonucci, 2007, p. 392 ;
Rodogno, 2003]. Le 8 septembre 1943 marque cependant le début
de l’occupation allemande en Italie de même que la mise en place,
dans la Péninsule, d’une politique antisémite de type génocidaire,
avec la collaboration active de la République de Salo. Au total,
entre 1943 et 1945, 322 juifs sont assassinés sur le sol italien et
7.806 sont déportés – parmi eux seulement 837 rescapés. Seuls
6000 Juifs environ sont parvenus à fuir l’Italie pour se réfugier en
Suisse et près de 500 ont pu gagner les territoires du Sud de la
Péninsule aux mains des Alliés. Le bilan humain de la Shoah est
en Italie, en chiffres absolus, l’un des plus bas de toute l’Europe.
Il faut néanmoins garder à l’esprit les dimensions extrêmement
réduites de la communauté juive italienne d’avant-guerre. En 1945,
7.291 des 39.000 Juifs présents en 1943 dans les territoires sous
le contrôle de la République de Salo et de l’occupant allemand
– soit près de 19% d’entre eux – ont trouvé la mort. [Picciotto].
Cette période dite de la « persécution des vies » des juifs
[Sarfatti, 2000] s’est achevée avec la libération progressive du
territoire italien. La fin du second conflit mondial ne s’est toutefois
pas accompagnée, pour les victimes de la persécution, d’un
retour immédiat à la normale mais a ouvert un long processus
de réintégration et de réinsertion dans la société italienne,
entravé par les insuffisances de l’épuration et les réticences
de l’Etat à reconnaître les responsabilités italiennes dans la
mise en œuvre des politiques antisémites [Sarfatti 1998].
Abrogation de la législation antisémite,
restitutions et réparations : une action à
retardement ?
Le processus d’abrogation de la législation antisémite et de
l’attribution aux anciens persécutés d’indemnisations et de
réparations s’est ouvert en Italie en janvier 1944. Le décret n°
9 du 6 janvier 1944 stipulait « la réintégration dans leur poste
de travail des employés des administrations, des collectivités
territoriales et des entreprises à participation étatique licenciés
sous le fascisme pour des raisons politiques » (l’article 2 étendant
ces dispositions aux « persécutés raciaux »). De manière plus
explicite, le décret n° 25 du 20 janvier 1944 portait « réintégration
dans leurs droits civils et politiques des citoyens italiens ou
étrangers ayant été déclarés ou considérés de race juive ».
L’essentiel des mesures d’abrogation de la législation antisémite
a été adopté entre 1944 et 1947. L’Etat italien continue toutefois
de légiférer dans ce domaine. Ce n’est par exemple qu’en 1997
qu’a été adoptée une loi portant l’attribution aux Communautés
juives italiennes des biens spoliés pendant la persécution
n’ayant pas été restitués à leur légitime propriétaire (loi n°
233 du 18 juillet 1997). En 2003 encore, une loi était adoptée
pour permettre de retarder le départ à la retraite des anciens
persécutés qui en feraient la demande (loi n° 92 du 24 avril 2003).
La lenteur de ce processus témoigne des insuffisances de
la législation abrogative et réparatrice mise en place dans
l’immédiat après-guerre, mais également de la lenteur de la
prise de conscience des difficultés spécifiques aux victimes
de la persécution antisémite et de la profondeur des traces
laissées par la persécution – dont l’ampleur n’était pas
nécessairement prévisible dans l’immédiat après-guerre.
Les lenteurs de la mise en place de la législation dans
l’immédiat après-guerre (1944-1947)
Suite au débarquement allié en Sicile, Mussolini est déposé le 25
juillet 1943 et remplacé à la Présidence du Conseil par le maréchal
Pietro Badoglio. Cette révolution de palais, placée sous le sceau
de la continuité, ne s’accompagne pas d’une remise en cause de la
législation antisémite du fascisme [De Felice]. Pietro Badoglio luimême doit sa carrière au régime fasciste. Il en va de même pour la
majeure partie de son entourage. Ainsi, son ministre de la Justice,
Gaetano Azzariti, a-t-il occupé jusqu’en juillet 1943 les fonctions
de président du « tribunal de la race » [Sarfatti 2000]. Le Vatican,
de son côté, s’il fait pression sur le nouveau gouvernement pour
obtenir la levée des interdictions concernant les mariages mixtes,
se prononce en faveur du maintien d’une politique discriminatoire.
Après le 8 septembre 1943, dans le Nord et le Centre de l’Italie
occupés par l’Allemagne nazie, Mussolini donne naissance à
la République sociale italienne (RSI). Badoglio et le roi ont fui
dans le Sud de la Péninsule sous contrôle allié et sont placés à
la tête de ce qu’il est convenu d’appeler « le Royaume du Sud ».
Alors que le « long armistice », signé le 29 septembre 1943
avec les Alliés, engageait le Royaume du Sud à éliminer de la
législation italienne toute « discrimination de race, de couleur,
de religion et d’opinion politique » (art. 31), ce n’est qu’au mois
de janvier 1944, et sous la pression alliée, que le gouvernement
Badoglio promulgue les premiers décrets d’abrogation de la
législation antisémite. Le décret n° 25 du 20 janvier 1944 stipule
la « réintégration dans leurs droits civils et politiques » des
victimes de la persécution antisémite. La promulgation de normes
à caractère patrimonial est en revanche retardée [Toscano 1988]
Au mois de juin 1944, la libération de Rome et le remplacement
à la Présidence du Conseil de Badoglio par Ivanoe Bonomi –
un représentant de la classe politique préfasciste – accélère
le processus. Il faudra toutefois attendre le mois d’octobre
1944 pour que soit adopté le premier décret stipulant la
restitution des biens spoliés (décret 252 du 5 octobre 1944,
portant abrogation des mesures de confiscation prévues
par les décrets n°1728 du 17 novembre 1938 et n° 126
du 9 février 1939). Les spoliations mises en œuvre par la
République sociale italienne sont quant à elles annulées
plus d’un an après la Libération de l’ensemble du territoire
italien, par le décret n° 393 du 5 mai 1946 [Toscano 1988].
Malgré l’avènement, à partir de juin 1944, de gouvernements
issus de l’antifascisme, le processus d’abrogation de la législation
antisémite se caractérise, en Italie, par sa lenteur. La législation
promulguée se situe, en outre, très en-deçà de celle adoptée par
d’autres pays européens. Seuls les employés du secteur public
sont réintégrés dans leur poste de travail (décret n° 301 du 19
octobre 1944). La cession ou la vente à des tiers de biens spoliés
n’est pas automatiquement annulée – la législation italienne ne
remettant pas en cause la bonne foi de l’acquéreur (décret n° 393
du 5 mai 1946, art. 1). Enfin l’Etat est mis en droit de conditionner
la restitution des biens spoliés au versement par leurs légitimes
propriétaires de frais de gestion (décrets n°252 du 5 octobre
1944 et n° 393 du 5 mai 1946). L’administration en charge de
conseiller les gouvernements en place semble se soucier moins
des intérêts des victimes de la persécution antisémite que de
ceux des acquéreurs de biens spoliés. [Pavan 2004 ; D’Amico].
Dans le contexte chaotique de l’immédiat après-guerre,
la mise en œuvre de ces mesures de restitution n’a pas
été uniforme et a largement dépendu de la bonne volonté
des autorités locales [Commissione Anselmi ; Villa].
D’autre part, l’Etat italien n’accède pas à la demande de versement
de réparations formulée par les communautés juives. Aucune
loi ne reconnaît de statut spécifique ni de droit automatique à
indemnisation aux victimes de la persécution antisémite. Seule
la déportation ouvre le droit à l’obtention d’une aide financière ou
de pensions (décret n°113 du 13 avril 1944 portant assistance aux
familles des civils déportés ; décret n° 467 du 4 août 1945 portant
« extension des mesures en faveur des anciens combattants et
des morts de la guerre aux vétérans et aux familles des morts
de la guerre de libération » ; décret n°372 du 16 septembre
1946 portant « extension aux partisans combattants et aux
victimes des forces nazi-fascistes des dispositions en vigueur
en matière de pensions de guerre »). [Bertilotti 2009 (1), (2)]
Si l’on comprend aisément l’attitude de l’entourage d’un
Badoglio à l’égard des victimes de la persécution antisémite,
plusieurs facteurs peuvent permettre de rendre compte de
celle du personnel politique issu de l’antifascisme. L’Italie en
1944-1945 est dans une situation désastreuse tant au plan
économique qu’au plan administratif. Les gouvernements
successifs manquent de moyens pour venir en aide aux anciens
persécutés. Au regard des quelque 1.200.000 anciens prisonniers
de guerre italiens, les victimes de la persécution antisémite
manquent, en outre, de visibilité et ne représentent pas une
priorité politique (la communauté juive italienne compte moins
de 30.000 inscrits en 1945). Enfin, l’administration chargée
de conseiller les gouvernements et d’appliquer la législation
réparatrice a été largement épargnée par l’épuration et ne se
distingue pas par sa sensibilité au sort des anciens persécutés.
Les blocages des années de guerre froide (1948-1960)
Après mai 1947, la fin des gouvernements d’unité nationale
et l’exacerbation progressive, sur fond de guerre froide,
de l’affrontement entre partis de gauche et partis de
centre droit marquent un tournant dans la vie politique
italienne. Les communistes et les socialistes quittent le
gouvernement. La Démocratie chrétienne se maintient au
pouvoir en formant des gouvernements centristes.
Entre 1948 et 1960, les conflits de guerre froide sont à l’origine
d’une véritable « guerre de la mémoire » entre partis de gauche
et Démocratie chrétienne au pouvoir [Focardi]. L’identification
de la mémoire de l’antifascisme avec les partis de gauche –
et notamment avec le Parti communiste, tend à pousser les
gouvernements démocrates-chrétiens en place à mettre en
œuvre des politiques de type « anti-antifasciste ». C’est ainsi
qu’en 1953 est promulguée une loi d’initiative gouvernementale
relative à l’attribution de « pensions de retraites aux anciens
membres de la milice volontaire pour la sécurité nationale »
fasciste. Au même moment, un certain nombre d’anciens
résistants sont jugés par les tribunaux italiens pour « exercice
illégal de la violence » [Ponzani]. Seuls les partis de gauche
se mobilisent en faveur des anciens persécutés du fascisme.
Contrairement à ce qui se passe en France à la même
période, l’Italie n’adopte pas de statut des déportés. Seul type
d’indemnisation auquel peuvent prétendre les anciens déportés
et internés : les pensions prévues par la loi n° 648 du 10 août
1950 sur les pensions de guerre, qui prévoit le versement de
subsides dans les cas de mort ou d’invalidité consécutives à
« l’internement dans un pays étranger ou, quoi qu’il en soit, à
l’internement imposé par l’ennemi » (art. 10). Mais cette loi,
taillée au départ pour les militaires, fait dépendre le montant
des pensions du grade occupé dans l’armée. Les civils sont
ainsi assimilés, pêle-mêle, aux simples soldats (art. 27). La
loi ne fait en outre aucune place aux pathologies spécifiques
des déportés : maladies à retardement, invalidité dérivant
des « expériences médicales » nazies, etc. [Bertilotti 2009 (1),
(2)]. De là, les difficultés des rescapés et de leurs familles à
obtenir une pension dans l’Italie de l’après-guerre. [Fubini]
En 1955 est cependant promulguée une loi d’initiative communiste
portant « mesures en faveur des anciens persécutés politiques
antifascistes ou raciaux et de leurs ayants-droits », fruit
d’un difficile compromis entre partis de gauche et partis de
gouvernement (loi n° 96 du 10 mars 1955, dite « loi Terracini »,
du nom du sénateur communiste auteur de la proposition de loi).
Adoptée après de longs débats et de nombreux amendements
– le projet initial ayant été présenté au Sénat le 20 octobre
1953, cette loi a une portée principalement symbolique. Seuls
sont, en effet, admis au titre de la loi au versement d’une
pension annuelle les « citoyens italiens » présentant « un taux
d’incapacité de travail d’au moins 30 pour cent » (art. 1) et « se
trouvant en situation de besoin économique » (art. 3), « suite à
des persécutions d’ordre politique » ou « racial » « survenues
après le 28 octobre 1922 » et directement imputables « aux
agents de l’Etat italien, à des membres du parti fasciste ou
de formations militaires ou paramilitaires fascistes ». Si l’on
s’en tient à la lettre du décret, les déportés sont ainsi exclus
du bénéfice de la loi. La persécution antisémite du fascisme
n’ayant que très rarement abouti à l’exercice de la violence
physique, cette loi n’a eu, en pratique, qu’un effet limité.
Le tournant des années soixante
L’année 1960 représente une nouvelle césure, notamment
du fait de la répression sanglante orchestrée en juillet
1960 par le gouvernement du démocrate chrétien Tambroni
(bénéficiant du soutien sans participation de l’extrême
droite) de manifestations antifascistes. L’épisode accélère,
en effet, l’avènement de gouvernements de centre-gauche et
sonne le glas des politiques anti-antifascistes de la DC.
Dans ce nouveau contexte, une série de mesures sont adoptées
en faveur des anciens persécutés du régime. La loi n. 75 du 24
mars 1961 précise l’application de la loi de 1950 sur les pensions
de guerre dont elle étend explicitement le bénéfice aux déportés
et aux internés militaires qui, en pratique, n’étaient jusque là pas
parvenus à faire reconnaître par les commissions compétentes
leur droit à pension. Le 2 juin 1961, la République italienne
signe, en outre, avec la RFA un accord stipulant le versement
de réparations aux « citoyens italiens ayant été victimes de
mesures de persécution national socialistes » (accord ratifié par
le parlement italien par la loi n° 404 du 6 février 1963). Le décret
portant répartition des réparations allemandes est promulgué en
1963 (décret du Président de la République n° 2043 du 6 octobre
1963). De manière symptomatique, ce décret exclut du bénéfice
de la loi les internés militaires – dont les associations, proches
de la Démocratie chrétienne, étaient à l’honneur dans les années
cinquante – au profit des déportés – politiques et « raciaux »
confondus – auparavant soupçonnés de sympathies communistes.
Avec la signature de ces accords, la République italienne défend
les droits de ses citoyens persécutés par le nazisme, sans
toutefois reconnaître, ne serait-ce qu’au plan symbolique, les
responsabilités du fascisme en la matière [Focardi - Klinkhammer].
Evolutions récentes
Il faudra attendre le quarantième anniversaire de la législation
antisémite du fascisme pour que le bénéfice du titre « d’expersécuté racial » soit étendu à tous les citoyens italiens ayant
été définis de « race juive » par l’administration italienne (loi
n° 17 du 16 janvier 1978). Il s’agit là, toutefois d’une mesure
purement symbolique, n’ouvrant pas droit au versement de
réparations. Un nouveau pas est franchi en 1980, avec l’institution
d’une pension minimale de vieillesse, à la charge du budget
de l’Etat italien, « en faveur des anciens déportés des camps
d’extermination nazie (KZ) » (loi n° 791, du 18 novembre 1980).
Comme en France, c’est en revanche à une période beaucoup plus
récente qu’a été rouvert en Italie le dossier de la restitution des
biens spoliés – dans un contexte international marqué par la mise
en place de commissions d’enquêtes sur les spoliations et par
la réouverture des processus de restitution en Europe de l’Est.
Revenant sur les normes promulguées dans l’après-guerre – qui
prévoyaient un terme maximal de 10 ans pour la revendication
des biens spoliés, la loi n° 233 du 18 juillet 1997 a notamment
décidé de l’attribution aux Communautés juives des biens spoliés
n’ayant pas pu être restitués à leur légitimes propriétaires.
II. Commémorer la Shoah :
une reconnaissance récente
Les politiques de commémoration de l’Etat ont également
fortement évolué en fonction du contexte italien, marqué par
les enjeux de guerre froide et au rythme de la lente prise
de conscience de la spécificité du génocide, confondu dans
l’immédiat après-guerre avec l’ensemble des crimes du nazisme
et du fascisme – les deux régimes étant d’ailleurs désignés par
les Italiens par un seul et même vocable, le « nazi-fascisme »,
un terme flou tendant à dénationaliser le fascisme.
Les années de l’immédiat après-guerre : une mémoire
unitaire (1945-1947)
Dans les années de l’immédiat après-guerre, l’Etat n’organise
pas de cérémonie spécifique à la mémoire des victimes
des persécutions antisémites. Celles-ci sont en revanche
commémorées au cours de cérémonies unitaires. Dès mars
1945, dans Rome libérée, des cérémonies sont par exemple
organisées en présence des plus hautes autorités de l’Etat, à
l’occasion du premier anniversaire du massacre des Fosses
Ardéatines1. Mais l’identité juive de près du quart des victimes
du massacre n’est presque jamais mentionnée – si ce n’est par
les communautés juives elles-mêmes. Aux yeux du gouvernement
italien comme de la presse, les victimes du fascisme et du
nazisme tendent, en effet, à se confondre en un tout indistinct.
Le gouvernement italien envoie, en revanche, des représentants
aux principales cérémonies commémoratives organisées par les
communautés juives – c’est par exemple le cas en juillet 1947
lors de l’inauguration à Milan d’un « monument au sacrifice
juif ». Mais, comme le faisait remarquer en 1946 le président par
intérim de l’Union des communautés juives, Giuseppe Nathan,
les juifs italiens attendaient « que le Gouvernement se décide
enfin à prononcer un discours de reconnaissance et de réconfort
qui contribue à neutraliser les germes de haine largement
diffusés sous le fascisme ». Jamais, toutefois, dans l’immédiat
après-guerre, les responsabilités italiennes dans la persécution
1 Perpétré dans les environs de Rome, le 24 mars 1944 et au cours
duquel ont été fusillés 335 otages, dont 77 Juifs, en représailles à un
attentat commis le jour précédent par des partisans des Gruppi di azione
patriottica (GAP) et ayant coûté la vie à 33 soldats allemands [Portelli].
antisémite ne sont officiellement reconnues [Schwarz ; Bertilotti
2009 (1)]. L’on assiste au contraire à la mise en place de ce qu’il
est convenu d’appeler le « mythe du bon italien » [Bidussa]
La mémoire de la déportation : une contre-mémoire (19481960)
Avec les débuts de la guerre froide, la Démocratie chrétienne
au pouvoir hésite, par anticommunisme, entre une hostilité de
principe à la mémoire de la lutte antifasciste et une tentative de
récupérer une partie de cet héritage à son compte – notamment
par le biais de la célébration de la mémoire des « martyrs »
de la guerre. Les gouvernements en place mettent à l’honneur
les anciens combattants, les anciens internés militaires et les
victimes de bombardements et de massacres dont les associations
sont dominées par les catholiques, mais dont l’expérience n’est
pas directement liée à l’antifascisme et à la résistance. Les
associations d’anciens partisans et d’anciens persécutés du régime
sont en revanche traitées avec la plus grande méfiance, du fait de
leur proximité – réelle ou supposée – avec les partis de gauche.
Dans le courant des années cinquante, les commémorations
officielles organisées par l’Etat italien sont ainsi essentiellement
militaires et catholiques. Le gouvernement interdit en revanche
la tenue d’un certain nombre de manifestations (rassemblements,
pèlerinages dans les anciens camps de concentration) organisées
par des associations d’antifascistes, de résistants et de déportés.
L’expérience spécifique des victimes de la persécution antisémite
trouve difficilement sa place dans la mémoire catholique et
« ancienne combattante » promue par l’Etat italien. Les seules
commémorations promues par l’Union des communautés
juives italiennes et officiellement soutenues par l’Etat sont
des cérémonies organisées en 1955-1956 à la mémoire du
sauvetage des juifs d’Italie par leurs concitoyens non-juifs.
Les associations d’anciens déportés et d’anciens persécutés
du régime défendent en revanche une mémoire unitaire –
potentiellement ouverte à l’ensemble des victimes « des
fascismes ». Le thème de la déportation acquiert ainsi peu à
peu une visibilité inédite en Italie, mais relève d’une « contremémoire » en contraste avec la mémoire officielle portée par
l’Etat. C’est dans ce cadre que le public italien « redécouvre »
l’histoire du génocide et de la déportation juive. A titre d’exemple
: en 1959, l’Association nationale des anciens déportés politiques
(l’ANED) organise à Turin une conférence autour de Primo Levi en
présence d’un public nombreux. Dans le discours des associations,
la spécificité juive tend cependant à se perdre – le génocide étant
généralement confondu avec la déportation politique. Du fait de
l’investissement des partis de gauche dans le monde associatif,
la mémoire de la déportation est en outre une mémoire politisée
et largement exploitée politiquement – contre la création de
la CECA, contre la politique menée par le bloc occidental.
A titre individuel, un certain nombre d’anciens déportés juifs
– Primo Levi en tête – adhèrent aux associations d’anciens
déportés et d’anciens persécutés du régime. La communauté juive
organisée collabore régulièrement avec ces associations, non sans
éprouver une forme de méfiance contre ce qu’elle perçoit comme
un risque de récupération politique et de dilution de la mémoire
juive dans la mémoire antifasciste. [Bertilotti 2009 (1), (2)]
De l’officialisation de la mémoire de la déportation à
l’avènement d’une mémoire de la Shoah (1960-2001)
En matière de commémorations comme de réparations, les
politiques menées par l’Etat italien connaissent de profondes
évolutions après la chute du gouvernement Tambroni en 1960
et l’avènement de gouvernements de centre gauche. Une
évolution qu’accentue l’élection du social-démocrate Saragat
à la présidence de la République en 1964. Les gouvernements
italiens ne s’opposent plus à la tenue de cérémonies à la
mémoire des déportés et des persécutés du régime. Bien
au contraire : l’Etat organise les célébrations du vingtième
anniversaire de la Résistance (1963-65) en collaboration avec
le monde associatif. La mémoire de la déportation cesse d’être
une contre-mémoire pour devenir une mémoire officielle.
Cette évolution n’implique toutefois pas l’émergence d’une
mémoire spécifique du génocide juif, ni d’ailleurs une remise
en cause du « mythe du bon italien ». Malgré la tenue en 1961
du procès Eichmann, qui a reçu en Italie comme ailleurs un
écho très important dans la presse et dans l’opinion, ce que l’on
appelle alors lo sterminio (l’extermination) des juifs continue
d’être commémoré au cours de cérémonies plus largement
consacrées à la déportation ou aux victimes du « nazifascisme ».
Le procès Eichmann a, d’autre part, contribué à fixer, dans
l’opinion internationale, l’image d’une Italie « quasiment
immunis[ée] contre l’antisémitisme » – pour reprendre le jugement
exprimée par Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem. Sur la
base d’une documentation concernant essentiellement l’occupation
italienne dans le Sud-est de la France, l’accusation n’a eu, en effet,
de cesse, concernant l’Italie, d’insister sur l’opposition supposée
de l’ensemble de l’administration et du peuple italiens à toute
forme de politique antisémite d’autant que la documentation
attestant les résistances italiennes révélait également le zèle et
l’acharnement génocidaire de l’accusé. Les gouvernements italiens
des années soixante ne remettent naturellement pas en cause cette
interprétation de l’histoire. A la même période, il s’avère également
impossible, en Italie, d’interroger les « silences du Vatican » face
au génocide. Une représentation du Vicaire de Rolf Hochhuth est
ainsi interdite à Rome en février 1965 [Bertilotti 2009 (1), (2)].
La situation reste globalement inchangée jusqu’à la fin
des années quatre-vingts. Le « mythe du bon italien » ne
commence à être officiellement remis en cause qu’à l’occasion
du cinquantième anniversaire de la campagne antisémite de
1938, avec l’organisation au Sénat d’un colloque consacré à
la réintégration des juifs dans la société italienne après 1945
[Toscano 1988] et à la Chambre des députés – à l’initiative de la
députée communiste présidente de la Chambre Nilde Iotti – d’un
colloque consacré aux législations antisémites mises en place par
le fascisme et par les autres pays européens à la même période.
D’autre part, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, la
mémoire du génocide continue, dans le discours officiel, d’être
éclipsée par celle de la déportation politique. De manière
emblématique, le pavillon italien du musée d’Auschwitz, inauguré
en 1980, fait l’impasse sur le génocide – le texte introductif,
adressé « au visiteur », bien que de la main de Primo Levi,
opère une identification entre déportation et résistance. Cette
mémoire unitaire de la déportation vole en éclats à la fin des
années quatre-vingts, pour des raisons tenant tout à la fois à la
situation internationale – et à l’émergence dans les autres pays
occidentaux d’une mémoire spécifique de la Shoah – et au contexte
italien – marqué, après 1989, par la disparition du PCI et la crise
de la narration antifasciste dont il était porteur, mais également
par la montée des extrêmes et du racisme [Bertilotti 2009 (2)].
La mémoire de la déportation politique cède ainsi progressivement
le pas à la mémoire du génocide [Clifford]. Cette évolution
s’est officialisée et accélérée après la promulgation de la loi n°
211, du 20 juillet 2000 portant « instauration d’un ‘Jour de la
Mémoire’ en souvenir de l’extermination et des persécutions
subies par le peuple juif et des déportés militaires et politiques
italiens dans les camps nazis » fixé au 27 janvier –date
anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz [Gordon].
La Shoah est désormais officiellement commémorée par l’Etat
italien, sans toutefois que cette évolution n’ait toujours été
accompagnée d’une mise en perspective des responsabilités
italiennes dans la persécution. Le Président de la République
Carlo Azeglio Ciampi, célébrait ainsi dans un discours
prononcé en octobre 2001 toutes les « victimes » de la guerre
– au rang desquelles le Président faisait également figurer les
jeunes gens s’étant engagés dans les milices de la République
sociale italienne, désignés pour l’occasion sous le sobriquet
affectueux de « ragazzi di Salo », « les gars de Salo ».
III. Savoir et punir :
de l’ « épuration manquée »
aux récentes commissions
d’enquête.
Si le processus d’abrogation de la législation antisémite se
caractérise, en Italie, par sa lenteur, l’épuration se distingue en
revanche par sa rapidité. Les premiers décrets portant « sanction
contre le fascisme » sont promulgués en Italie entre les mois
de mai et de juillet 1944. L’Italie est cependant le premier pays
d’Europe occidentale à procéder à une amnistie, par le décret du
22 juin 1946, dit « amnistie Togliatti » – le premier secrétaire du
Parti communiste étant alors Garde des Sceaux [Franzinelli 2006].
Les procès à l’encontre des criminels nazis ayant opéré dans la
Péninsule s’ouvrent en revanche plus tardivement – tout d’abord
devant les tribunaux militaires britanniques en 1946-1947,
puis devant les tribunaux militaires italiens en 1947-1951. Au
regard du cas français, ils sont cependant très peu nombreux
(18 en tout, contre plusieurs centaines en France) et les peines
infligées peu sévères (en France 50 des criminels condamnés
à mort ont été exécutés, aucun en Italie) [Focardi 2006].
Dix ans après la France, l’Italie a connu, dans les années
quatre-vingt-dix, une réouverture tardive des procès contre les
criminels de guerre nazis. Ces procès n’ont toutefois pas conduit
à une reprise des poursuites judiciaires contre les criminels
fascistes en général – et les responsables italiens du génocide en
particulier [Focardi 2006]. La reconnaissance des responsabilités
du fascisme s’est opérée davantage à un niveau collectif (avec
l’instauration de commissions d’enquête gouvernementales
sur les persécutions antisémites) qu’à un niveau individuel.
Entre silence, clémence et occultation. L’Italie de l’immédiat
après-guerre et les responsables du génocide.
Lors de la révolution de palais qui a conduit à la destitution
de Mussolini, le 25 juillet 1943, le roi Victor Emmanuel III se
désolidarise in extremis du régime fasciste afin de sauver la
monarchie, et implicitement l’armée, de la défaite militaire. Le
passage du fascisme au « post-fascisme » se fait ainsi sous le sceau
de la continuité. Le gouvernement Badoglio ne procède pas à une
épuration de l’administration et du personnel politique à l’été 1943.
En souscrivant, à Cassibile, le 3 septembre 1943, à un « armistice
court » avec les Alliés, la Monarchie italienne s’engage toutefois à
procéder à une épuration (art. 12), des dispositions que confirme
le « long armistice », signé le 29 septembre 1943 à Malte. Dans
ce domaine, comme dans celui de l’abrogation de la législation
antisémite, il faut toutefois attendre l’installation du gouvernement
italien à Rome et le remplacement, à la présidence du conseil,
du maréchal Badoglio par Ivanoe Bonomi pour l’adoption du
principal décret fixant les modalités de l’épuration (décret n° 159
du 27 juillet 1944 portant « sanctions contre le fascisme »).
Pendant ce temps, les autorités alliées se chargent, au fur
et à mesure de leur avancée dans la Péninsule, de mener à
bien une première épuration de l’administration et d’écarter
du pouvoir les personnalités les plus compromises avec
le fascisme. Côté allié, la crainte de désordres l’emporte
toutefois sur la volonté de renouveler en profondeur le
personnel administratif et politique en place. [Woller]
A partir de l’été 1944, les autorités italiennes prennent le relai.
Le décret n° 159 du 27 juillet 1944 prévoit de sanctionner
devant une Haute cour de justice les instigateurs du coup d’Etat
d’octobre 1922, les individus « ayant concouru de manière
notable », à compter de cette date, « à maintenir en vie le
régime fasciste » (art. 3) ou « ayant, après le 8 septembre 1943,
manqué au devoir de loyauté et de défense militaire de l’Etat
en se rendant coupable d’intelligence, de correspondance ou
de collaboration avec l’envahisseur allemand et en lui prêtant
assistance ou main forte » (art. 5). Un Haut commissariat pour
les sanctions contre le fascisme est chargé de l’instruction
des dossiers. D’emblée, les sanctions à l’encontre du fascisme
monarchique (1922-1943) s’annoncent moins sévères que celles
à l’encontre du fascisme républicain (1943-1945). Le Royaume
du Sud représentera ainsi le principal vecteur de continuité
entre le fascisme et la période postfasciste. Le législateur n’a
en outre pas jugé nécessaire d’introduire de nouveaux chefs
d’inculpation et de nouvelles catégories juridiques pour juger
des crimes commis par la République sociale, sanctionnés
en tant qu’actes de collaboration et atteinte aux intérêts
fondamentaux de la nation au titre des articles 51, 54 et 58
du code pénal militaire de guerre. [Woller ; Franzinelli 2006 ;
Pavone 1995] C’est dans ce cadre que se déroulera l’épuration
des responsables de la campagne antisémite du fascisme.
Pendant ce temps, le Nord de l’Italie est en proie à une
véritable guerre civile entre le fascisme républicain et les
forces de la résistance [Pavone 1991]. Dans ce contexte, le
Comité de Libération Nationale de la Haute Italie (CLNAI)
commence dès l’été 1944 à réfléchir aux formes qu’il entend
donner à l’épuration dans l’après-guerre. Le gouvernement
de Rome imposera toutefois un cadre légal en deçà des
solutions envisagées par les acteurs de la résistance.
A la Libération, l’épuration ne se fait toutefois pas uniquement
dans un cadre légal. Au printemps 1945, les règlements de compte
se multiplient, notamment dans le Centre et le Nord, dans un
contexte de vacance du pouvoir. « L’épuration ‘sauvage’ [est]
un phénomène de masse », d’une plus grande ampleur en Italie
que dans les autres pays d’Europe occidentale, puisqu’elle se
poursuit de manière intense jusqu’à la fin de l’année 1945, puis de
manière plus sporadique jusqu’en 1947-1948 [Woller]. On estime
qu’elle a fait au total près de 12.000 morts. Cet état de fait a
influé sur le déroulement de l’épuration légale, les gouvernements
successifs s’efforçant de canaliser cette fièvre épuratrice.
La violence vengeresse de l’épuration « sauvage » et les
jugements sommaires des tribunaux populaires cèdent ainsi
la place à une amnistie aussi large que généreuse (décret
n° 4, du 22 juin 1946) qui est bientôt complétée par de
nouvelles remises de peine (notamment le décret n° 922 du 19
décembre 1953, n. 922) [Franzinelli 2006]. Quelques chiffres
permettent de matérialiser cette inversion de tendance : en
Italie, 43.000 personnes ont fait l’objet de poursuites pour
collaborationnisme, 23.000 affaires ont été classées sans
suite, 14.000 accusés ont obtenu une relaxe tandis que seuls
5928 ont été condamnés à des peines de prison ferme. En
décembre 1952, il ne reste plus dans les prisons italiennes que
266 personnes accusées de collaborationnisme [Woller].
C’est le cadre qu’il faut avoir à l’esprit pour comprendre
le déroulement de l’épuration des responsables de la
persécution antisémite. Les principaux promoteurs de la
campagne antisémite de 1938 – notamment les signataires
du « Manifeste de la race » – sont absous par les tribunaux
d’épuration en 1946-47 (ils ne sont pas reconnus coupables
d’avoir « concouru de manière notable » « à maintenir en vie le
régime fasciste »). [Franzinelli 2006, Dell’Era in Flores et al.]
En ce qui concerne la persécution mise en œuvre par la RSI,
la dimension antijuive de leurs crimes n’est pas toujours
signalée au cours des procès (c’est la dimension antipartisane de leur action qui est le plus souvent soulignée).
Les fonctionnaires ayant agi conformément aux ordres qui
leur avaient été impartis sont généralement absous. Les
délateurs font l’objet de poursuites, mais bénéficient pour
la plupart d’un non-lieu pour insuffisance de preuves ou de
remises de peines importantes suite aux différentes mesures
d’amnistie. [Galimi et Flores in Flores et al. ; Bertilotti 2010]
Concernant les crimes de guerre commis par l’occupant allemand
dans la Péninsule, l’Italie revendique dès la Libération, le
droit de juger elle-même les responsables, en référence à la
« Déclaration sur les atrocités » adoptée à la Conférence de
Moscou du 30 octobre 1943 (http://avalon.law.yale.edu/wwii/
moscow.asp). Les Alliés n’accèdent toutefois pas immédiatement
à cette demande. Malgré la co-belligérance italienne – le
gouvernement du Royaume du Sud ayant déclaré la guerre aux
forces de l’Axe le 13 octobre 1943, le « long armistice » signé le 29
septembre 1943 confère à l’Italie le statut de puissance vaincue
et prévoit le déferrement des criminels de guerre italiens aux
tribunaux alliés. Dans ce contexte, les Alliés décident de juger
eux-mêmes les officiers supérieurs allemands s’étant rendus
responsables de crimes de guerre en Italie et de ne laisser l’Italie
s’occuper directement que des subalternes. [Focardi 2006].
Des procès s’ouvrent ainsi à partir de novembre 1946 devant
des tribunaux militaires britanniques sur la base d’enquêtes
menées en 1945. Les prévenus sont jugés en vertu du code
militaire anglais – et sans qu’il soit fait référence aux innovations
juridiques introduites lors du procès de Nuremberg [Focardi
2006, Galimi et Flores in Flores et al. ]. Un premier procès, à
l’encontre de deux des principaux responsables du massacre des
Ardéatines – les généraux Mältzer et von Mackensen – se déroule
à Rome en novembre 1946 et aboutit à la condamnation à mort
des deux accusés. De février à mai 1947 se tient à Venise un
procès à l’encontre du Generalfeldmarschall Kesselring, mis en
cause pour ses responsabilités dans le massacre des Ardéatines
et dans la répression anti-partisane, qui aboutit également à une
condamnation à mort. Suivent trois autres procès, à l’encontre de
deux commandants et un général impliqués dans les massacres
de civils ayant accompagné la retraite allemande [Focardi
2006]. Au cours des procès des responsables du massacre
des Ardéatines, l’accusation passe sous silence l’identité des
victimes et la dimension antijuive des crimes commis par les
accusés passe inaperçue. C’est une vision totalisante des crimes
du nazisme qui l’emporte [Galimi et Flores in Flores et al.].
Aucune des condamnations à mort prononcées par les tribunaux
militaires britanniques n’a été exécutée. En juin 1947 Kesselring,
Mältzer et von Mackensen voient leur peine commuée en détention
à perpétuité. Mältzer mourra en détention, mais Kesselring
et von Mackensen sont remis en liberté dès 1952. Le début de
la guerre froide et la mise en place par la Grande Bretagne
d’une politique visant à favoriser un redressement rapide de
l’Allemagne ont incité les autorités britanniques à mettre un
terme aux procès contre les criminels nazis. [Focardi 2006]
A partir de 1947, la justice italienne prend le relai. Le parquet
militaire de Rome instruit plus de 2200 dossiers à l’encontre de
criminels de guerre nazis. Mais d’après des données émanant
du Ministère italien des Affaires Etrangères et citées par
Filippo Focardi, seuls dix procès ont effectivement lieu devant
les tribunaux militaires italiens entre 1947 et 1951 – Focardi
parle à ce propos de « véritable anomalie italienne » : « alors
que l’Italie a été l’un des pays d’Europe occidentale qui a
davantage subi les effets de la violence sanguinaire des forces
d’occupation nazie, l’on ne compte qu’un nombre dérisoire de
procès ». Les gouvernements italiens souhaitent, de fait, éviter
de multiplier les demandes d’extradition afin d’éviter un « effet
boomerang » et la multiplication dans les autres pays européens
de procédures à l’encontre de criminels de guerre italiens –
notamment dans les Balkans. Le contexte de guerre froide et la
mise en place, dès la création de la RFA en 1949, de relations
diplomatiques étroites entre l’Allemagne d’Adenauer et l’Italie
du démocrate-chrétien Alcide De Gasperi favorisent également
la fin des poursuites à l’encontre des criminels nazis [Focardi
2006]. La justice militaire a ainsi préféré classer sans suite
les poursuites qui avaient été engagées contre des criminels
de guerre allemands et italiens. Dans les années quatre-vingtdix, le procureur Antonino Intelisano a découvert au siège du
Parquet militaire de Rome, à l’occasion d’une enquête menée
dans le cadre de la réouverture du procès des Ardéatines, ce
qu’il est désormais convenu d’appeler le « placard de la honte »
– un placard scellé contenant 695 dossiers classés sans suite
[Franzinelli 2002 ; Commissione parlamentare di inchiesta sulle
cause dell’occultamento di fascicoli relativi a crimini nazifascisti].
Parmi les procès ayant eu lieu devant les tribunaux militaires
italiens, un seul concerne des responsables allemands ayant
pris part à la persécution antisémite – le procès contre Kappler
et cinq autres militaires allemands impliqués dans le massacre
des Ardéatines, qui se tient à Rome entre le 3 mai et le 20
juillet 1948. C’est l’un des seuls procès de l’immédiat aprèsguerre où l’accusation ait pris en compte la participation
des accusés à la persécution antisémite – parmi les faits
imputés : les cinquante kilogrammes d’or réclamés par les
autorités allemandes d’occupation à la communauté juive
romaine, la rafle du 16 octobre 1943, la déportation de plus
de 1000 juifs romains. [Galimi et Flores in Flores et al.].
Kappler est condamné à la prison à perpétuité. De tous les
criminels allemands condamnés par les tribunaux italiens dans
l’immédiat après-guerre, il est – avec Reder, impliqué dans le
massacre de Marzabotto – l’un des seuls à ne pas bénéficier de
remises de peine. Passé 1951, Reder et Kappler sont en effet les
deux seuls à être encore détenus dans les prisons italiennes.
Tous les autres ont été libérés à la suite d’accords secrets passés
entre les gouvernements italien et allemand et sous l’effet des
pressions exercées par le Vatican. Il eût été difficile de faire
passer inaperçu et de faire admettre de l’opinion italienne la
libération de deux des responsables des massacres les plus
sanglants commis par les forces d’occupation allemandes
dans la Péninsule – Marzabotto et les Fosses Ardéatines, et
c’est sans doute ce qui explique leur maintien en détention.
Kappler s’enfuit toutefois de la prison de Rome où il était
détenu en 1977, Reder est gracié en 1985. [Focardi 2006].
Au total, la justice italienne s’est montrée clémente, dans
l’immédiat après-guerre, à l’égard des responsables de la
persécution antisémite. La dimension antisémite des crimes
commis par les accusés n’ayant pas toujours été mise en
exergue, les quelques procès qui ont eu lieu n’ont, d’autre
part, pas été l’occasion d’une prise de conscience collective
du déroulement et des effets de la persécution. Les procès de
l’immédiat après-guerre n’ont pas non plus permis de dévoiler
l’ampleur des responsabilités italiennes dans la mise en œuvre
de la campagne antisémite. Les principaux responsables
politiques et administratifs de la persécution ont été épargnés
par l’épuration. La justice s’est principalement occupée des
« seconds couteaux » – notamment des délateurs – toutefois
rapidement remis en liberté grâce aux lois d’amnistie.
Dans l’immédiat après-guerre, la justice n’a donc mis au jour que
de manière marginale les responsabilités individuelles des Italiens
dans la persécution antisémite. Sur un plan plus général, l’attitude
du personnel politique et de l’administration italienne a, en outre,
contribué à occulter les responsabilités du régime fasciste. Ainsi,
c’est un haut fonctionnaire déjà en poste sous le régime – Luigi
Vidau – qui se trouve chargé de la rédaction d’un rapport « sur
l’action mise en œuvre par le Ministère des affaires étrangères
entre 1938 et 1943 pour la protection des communautés juives »
– un rapport dont le titre suffit à révéler la teneur [Schwarz].
Sollicité en ce sens par le Ministère des Affaires Etrangères
interrogé sur les persécutions antisémites du fascisme par la
presse internationale, le Ministère de l’Intérieur exige, pour sa
part, en septembre 1945, des préfectures des rapports montrant
que « les initiatives italiennes en matière de race non seulement
n’étaient pas spontanées, mais qu’elles ne furent effectivement
appliquées qu’à partir du moment où l’envahisseur allemand prit
le contrôle direct de leur application » [Villa, Bertilotti 2009 (1)].
Ce faisant, l’administration italienne qui a été largement épargnée
par l’épuration cherche tout naturellement à se couvrir. Le
personnel politique, pour sa part, bien que majoritairement issu en
1945-1947 des rangs de l’antifascisme, est engagé dans l’immédiat
après-guerre dans de difficiles négociations de paix : il tend
de ce fait à dédouaner l’Italie de toute forme de responsabilité
dans la persécution antisémite afin de ne pas compromettre
les positions italiennes lors de la signature des traités.
La reprise tardive des procès et l’ouverture de commissions
d’enquête
Passé l’immédiat après-guerre, les procès à l’encontre des
responsables du génocide se déroulent principalement hors
d’Italie. La communauté juive italienne suit évidemment de
près le procès Eichmann. Le Centre de documentation juive
contemporaine de Milan (CDEC) rassemble également un nombre
important de témoignages et de documents pour le procès à
l’encontre de Friedrich Boßhammer, ancien Sturmbannführer
de la SS et Judenreferent – c’est-à-dire responsable du bureau
des affaires juives (IVB4) – pour l’Italie, dont le procès s’ouvre
à Berlin en novembre 1971 [Galimi et Flores in Flores et al.].
En avril 1976 s’ouvre toutefois à Trieste le procès de la Risiera
di San Sabba – qui avait servi de camp de transit pour les juifs
arrêtés dans la région de Trieste et de camp de concentration
pour les « politiques ». La plupart des responsables identifiés
sont toutefois décédés et les accords en vigueur entre l’Italie et
l’Allemagne ne permettent pas l’extradition du seul accusé encore
en vie – l’ancien commandant du camp et l’Obersturmführer
de la SS, Joseph Oberhauser. Ce dernier est condamné par
contumace à la perpétuité mais ne purgera jamais sa peine – il
décède en Allemagne en 1979 [Scalpelli]. D’autre part, d’après
Marcello Flores et Valeria Galimi, ce procès n’a été l’occasion ni
d’une prise de conscience de la spécificité de la Shoah ni d’une
révélation de l’ampleur de la collaboration de la République sociale
italienne avec l’occupant nazi [Galimi et Flores in Flores et al.].
Contrairement à ce qui s’est passé en France, l’on n’assiste
pas dans l’Italie des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix,
à une véritable reprise des procès contre les responsables du
génocide. La procédure judiciaire engagée entre 1996 et 1998 à
l’encontre de l’ancien Hauptsturmführer de la SS Erich Priebke
fait ainsi figure d’exception. La justice italienne avait émis dès
1946 un mandat d’arrêt à l’encontre de Erich Priebke, mis en
cause dans le massacre des Ardéatines. Retrouvé en Argentine
en 1994 sur indication du centre Simon Wiesenthal, Priebke est
extradé vers l’Italie en 1995. Acquitté en août 1996 par le tribunal
militaire de Rome en raison de « circonstances atténuantes »,
Priebke est condamné après cassation du verdict en juillet 1997
à quinze ans de réclusion par le tribunal militaire de Rebbibia,
puis nouvellement condamné en appel en mars 1998 à la prison à
perpétuité (http://www.difesa.it/GiustiziaMilitare/RassegnaGM/
Processi/Priebke+Erich/). Aux yeux de l’historienne Marie-Anne
Matard-Bonucci, il s’agit toutefois d’une « tentative inaboutie
sur le terrain de la remémoration collective » [Matard-Bonucci,
1998]. Sur le plan de l’analyse des politiques mises en œuvre par
l’occupant nazi tout d’abord. Il est, en effet, à noter que le chef
d’accusation de génocide, retenu par la justice argentine pour
justifier l’extradition, n’a en revanche pas été pris en compte par
la justice italienne en vertu du principe de non rétroactivité de
la loi. Sur le plan de la prise de conscience des responsabilités
italiennes d’autre part. Alors que Priebke assumait les fonctions
d’officier de liaison entre autorités allemandes et autorités
italiennes, la question des implications italiennes dans la mise en
œuvre du massacre reste en marge du procès. Plus largement,
contrairement à ce qui s’était passé en France après le procès
Barbie, qui a été suivi de près par des procédures à l’encontre
des responsables français du génocide, la justice italienne n’a
pas rouvert de procédures à l’encontre d’anciens fonctionnaires
ou miliciens de la RSI [Galimi et Flores in Flores et al.].
Ce n’est pas, en effet, sur le terrain judiciaire que l’Italie
des années quatre-vingt-dix a accepté de reconnaître les
responsabilités du fascisme dans la persécution antisémite.
Un certain nombre de commissions d’enquête ont, en
revanche, vu le jour, qui ont permis de mettre en lumière la
nature des politiques de persécution du fascisme et l’ampleur
de la collaboration du régime avec l’Allemagne nazie.
Ainsi, une « Commission pour la reconstruction des épisodes
ayant caractérisé en Italie les activités d’organismes publics et
privés visant à l’acquisition des biens des citoyens juifs » a-t-elle
été mise en place par un décret de la Présidence du conseil des
ministres du 1er décembre 1998. Cette commission, présidée par
l’ancienne ministre et députée Tina Anselmi et mieux connue sous
le nom de « Commission Anselmi » a été l’équivalent italien de
la « mission Mattéoli » française. Ses travaux ont non seulement
permis une première reconstruction historique des spoliations,
mais encore une première analyse du processus de réinsertion
des anciens persécutés dans la société italienne et de restitution
des postes de travail et des biens spoliés [Commissione Anselmi].
En novembre 2002, une nouvelle Commission a été mise en
place par le gouvernement italien pour tenter de retrouver
les bibliothèques du séminaire rabbinique de Rome et de
la Communauté juive romaine prélevées par l’occupant
allemand entre octobre et décembre 1943. La commission a
rendu son rapport final en février 2009. Ses travaux se sont
toutefois conclus sur un constat d’échec – dans la mesure
où les ouvrages recherchés n’ont pas pu être retrouvés
[Commissione per il recupero del patrimonio bibliografico
della Comunità ebraica di Roma, razziato nel 1943].
On le voit, ces commissions d’enquête ont toutefois porté sur
la dimension matérielle de la persécution. Aucune commission
d’enquête nationale n’a été chargée d’évaluer les responsabilités
proprement italiennes dans les arrestations et les déportations
des années 1943-1945. Ce sont principalement les recherches
menées au Centre de documentation juive contemporaine de Milan
(CDEC) qui ont permis de faire la lumière sur ce point [Picciotto].
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hanno caratterizzato in Italia le attività di acquisizione
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