SOS Lutins! - Les projets Tandem Jeunesse #8
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SOS Lutins! - Les projets Tandem Jeunesse #8
Prologue I l y avait une fois, en Angleterre, dans une petite ville du Kent au début du 20ème siècle, une forêt mystérieuse appelée « la Forêt aux mille Grelots ». C’était une forêt dense aux arbres touffus, aux buissons odorants et aux fleurs multicolores. Et savez-vous ce qu’il y avait dans cette forêt ? Une joyeuse bande de lutins malins. Bien sûr que si ! Ils résidaient sous terre entre les racines d’arbres centenaires. Cela faisait longtemps que ces lutins vivaient dans la Forêt aux mille Grelots, bien avant que les hommes ne viennent s’installer. Ils y avaient construit leur village s’étendant sur plusieurs kilomètres. On y menait une vie simple, bien au chaud dans des maisonnettes recouvertes de racines. De génération en génération, les lutins avaient pour mission de venir en aide aux enfants égarés, orphelins ou encore battus. De bien tristes histoires, ils ont vu les lutins ! Mais toujours ils se sont battus pour redonner le sourire aux enfants. 1 Un jour, les lutins connurent une mission périlleuse et délicate qui resta gravée dans toutes les mémoires. Une bien sombre histoire qui mit le village en émoi. Mais laissez-moi vous la conter, car cette mission j’y ai moi-même participé. Je m’appelle Cresson et je suis un lutin Secoureur de la Forêt aux mille Grelots. 2 Chapitre I Chez les lutins L es rayons du soleil filtraient à travers les arbres de la Forêt aux mille Grelots. La nature s’éveillait. C’était le début du printemps. Sous terre, les lutins ouvraient les yeux avec difficulté. J’étais moi-même encore enroulé dans ma couverture. J’habitais seul dans une maisonnette accrochée à un bulbe de campanule. Pas la peine de regarder dans votre jardin : nous sommes bien trop petits pour que vous puissiez nous voir ! Mon meilleur ami, Ciboulette, avait construit sa maison à côté de la mienne, sur un bulbe de marguerite. Je me levais et allais frapper à sa porte: nous avions l’habitude de prendre notre petitdéjeuner ensemble. Les routes souterraines étaient 3 déjà encombrées par ces petits vélos rouges que nous empruntions pour parcourir la forêt. Aujourd’hui, il fallait vérifier qu’aucun oisillon n’était tombé du nid pendant la nuit. C iboulette m’ouvrit, un paquet de farine renversé sur sa tête : « J’étais en train de préparer des crêpes, me ditil avec un grand sourire. » J’entrais dans sa demeure et m’assis à table. Mon bon ami m’avait déjà servi un grand verre de jus de groseilles. Quel régal ! Ciboulette posa devant moi une assiette débordante de crêpes chaudes et recouvertes de miel. J’allais avaler ma première bouchée lorsque Capucine la taupe déboula dans la salle : « Regardez ce que j’ai trouvé ce matin ! » Elle tenait à la main un objet entortillé sur lui-même, en métal (un ressort appris-je plus tard…). Chargée de l’administration dans le village, Capucine enquêtait chaque jour sur les potentiels enfants à protéger. Toujours en train de bougonner, elle était 4 soudain prise d’extase lorsqu’elle trouvait un objet humain à analyser, modifier, couper, tordre etc... Capucine posa l’objet sur la table fière de sa trouvaille. « J’allais manger ma crêpe et tu m’as déconcentré, lui dis-je en fronçant les sourcils. » Surpris par la taupe, Ciboulette avait de nouveau renversé un sac de farine sur sa tête. À ce stade, il ressemblait plus à un fantôme qu’à un lutin ! Je fis abstraction de la présence de Capucine qui parlait toute seule et mis enfin un morceau de crêpe dans ma bouche. Quel délice ! Elle était cuite comme il fallait et fondante. Ciboulette devait sans aucun doute être le meilleur cuisinier du village. J’aurais voulu rester manger à cette table encore longtemps, mais la journée d’un lutin était bien occupée, car quand il n’y avait pas d’enfant à sauver, il fallait entretenir la forêt. « Je suis sûre qu’il va me servir, annonça Capucine en partant, une étincelle dans le regard ». Après son départ, Ciboulette et moi rîmes de bon cœur. J’allai chercher mes habits de jour et rejoignis mon ami au-dessus du village. 5 C omme chaque matin, nous nous lavâmes dans la campanule gorgée de rosée. Le soleil était doux et les oiseaux accompagnèrent en chantant notre toilette. Je fis tomber ma savonnette sur les feuilles de la fleur une bonne dizaine de fois ! Non pas qu’elle fut glissante, mais j’admirais avec attention la famille écureuils dans l’arbre d’en face. J’entendais les rires étouffés de Ciboulette et les 6 grommellements des autres lutins qui devaient éviter les bulles de savon. « Tu peux pas faire plus attention, Cresson, dit l’un. _ Ce que tu peux être maladroit, Cresson ! s’exclama un autre. _ Tes parents ne t’ont-ils pas appris les bonnes manières ? chevrota une vieille lutine. » Ah celle-ci je la connaissais : c’était ma grand-mère, Camomille ! Elle était gentille et confectionnait de délicieuses confitures. Je ne connaissais pas son âge, mais il était certainement impressionnant. Je lui soufflais une nouvelle bulle de savon et avec un plaisir enfantin, elle l’éclata avec sa canne avant de me faire un clin d’œil. « Ba dis donc, ta grand-mère elle est toujours aussi rigolote, chuchota Ciboulette. » Il se pencha un peu trop en avant pour me le dire et tomba sur une feuille de campanule, un peu plus bas. Sa chute sonna la fin de notre toilette. Nous enfonçâmes nos bonnets à grelot sur la tête et descendîmes sur la terre ferme. Là, nos petits vélos rouges nous attendaient : direction le cœur de la forêt ! 7 J ’avais rendez-vous avec une famille rouge-gorge et Ciboulette avec une famille moineau. Nous nous séparâmes auprès de la rivière. Je fus accueilli par Mme Rouge-gorge qui semblait en pleine forme. L’un de ses petits avait de la fièvre, mais aucun ne manquait à l’appel. Je pris ma trousse de secours sur mon vélo et rentrai ausculter le malade. De la fenêtre, j’apercevais Ciboulette, sur l’arbre en face, en grande difficulté : les petits de Mme Moineau se jetaient sur les biscuits qu’il avait apportés. Le spectacle était réellement comique ! Pauvre Ciboulette… L’oisillon, les joues aussi rouges que son poitrail, était couché dans son lit et dormait. Cette fois-ci, je ne voulais pas utiliser la poussière de fée de mon grelot pour le guérir : il fallait que j’y arrive autrement. J’écoutais avec attention son petit cœur et pris sa température. « Un mauvais rhume, Madame Rouge-gorge. Rien de bien grave, la rassurais-je. Le printemps est arrivé soudainement cette année. - Je suis soulagée, Cresson. Que proposes-tu ? 8 - Beaucoup d’eau ; bouillon ou tisane et de repos. Que ses frères et sœurs ne s’approchent pas de lui ! » Les trois autres oisillons de Mme Rouge-gorge sortirent précipitamment de la pièce. J’appliquais ensuite un cataplasme de menthe sur le poitrail du petit. Au moment de partir, la mère rouge-gorge me fit le plus royal présent. (Il faut savoir que nous ne sommes pas… comment vous dîtes… « payés » pour les travaux effectués dans la forêt. Mais parfois, les résidents nous offrent de petites récompenses.) Comme je le disais, Mme Rouge-gorge me retint quelques minutes de plus. « Attends-moi un instant, Cresson, me dit-elle avec un sourire malicieux. » Elle revint avec un tout petit grain au creux de l’aile : un grain de poussière de fée ! Ouah ! Ça, c’était une belle récompense ! « Heu… Et bien… Merci, balbutiai-je. C’est très aimable à vous. » Je pris le grain, ouvris mon grelot et le rangeai à l’intérieur avec les autres puis je saluai la mère et partis en sifflotant. 9 Je devais attendre Ciboulette à côté de la rivière pour déjeuner. Je décidai de faire trempette pour passer le temps. 10 Chapitre II Aloès L a Forêt aux mille Grelots s’étendait à côté de la ville de Cobham. C’était une petite cité fleurie où les habitants vivaient simplement. En été, un parfum de violettes embaumait l’air. En hiver, les fumets des ragouts et des soupes s’échappaient des cheminées. La plupart des habitants étaient paysans ou artisans. Un quartier de la ville abritait des commerçants au style de vie plus aisé que les autres. 11 A u-dessus d’une colline, à quelques mètres du cimetière, se dressait un imposant manoir en pierres grises. Les façades étaient recouvertes de fleurs en tout genre et un pigeonnier se dressait au centre de la cour. La pelouse était tondue et on apercevait un potager sur le côté. Mais cette triste demeure restait isolée des autres maisons et les habitants ne voyaient ni n’entendaient jamais rien. Malgré les bons soins portés au jardin, on aurait pu croire qu’elle était inhabitée. 12 T out juste âgée de huit ans, Aloès était la fille du propriétaire. Sa mère, la duchesse Menthe, était morte d’une pneumonie quatre ans auparavant. Son père s’était rapidement remarié en espérant retrouver une douce présence féminine pour sa fille. Mais la mère Bourrache appartenait à la catégorie des belles-mères de contes de fées : revêche, sévère et méprisante, elle détesta de suite la pauvre Aloès. Elle refusa de la mettre à école et préféra employer des maîtres stricts qui apprenaient les bonnes manières de la société anglaise à la petite fille. Aloès fut alors privée de sa plus grande passion : les livres d’Histoire. L’horrible mère Bourrache alla même jusqu’à fermer à clef la grande bibliothèque du manoir. Alors, Aloès se renferma chaque jour un peu plus sur elle-même et se forçat à ne plus parler. Le Duc Chardon, son père, intimidé par son épouse et détestant le conflit, ne se préoccupa pas du chagrin de sa fille et préféra s’occuper minutieusement de ses affaires. Lorsque la mère Bourrache s’absentait, le Duc en profitait alors pour s’occuper avec soin de 13 son enfant, la gâtant sans compter. Aloès avait récupéré le grand coffre en bois poli de sa mère incrusté de perles de nacre et elle y cachait les présents de son père. Une fois, la mère Bourrache trouva un des livres offerts par son mari le Duc : Cendrillon. Devant les yeux éplorés de sa belle-fille, elle le déchira en mille morceaux lui assurant que « ce genre de littérature était destiné aux petites paysannes sans cervelle ». Le Duc Chardon avait assisté à la scène, mais de peur d’envenimer la situation, il s’était tu. Aloès avait regardé son père avec insistance avant de se cacher sous ses draps pour pleurer. Quelque temps après, Mr Chardon lui remit un autre exemplaire du conte et depuis ce jour, la princesse aux cheveux d’or est devenue son héroïne préférée. Chaque soir, lorsque le manoir s’endort, elle allume sa veilleuse et lit avec empressement les aventures de Cendrillon. Dans son malheur, Aloès trouva cependant un merveilleux allié devenu depuis son confident. 14 U ne après-midi où la mère Bourrache était partie, alors qu’Aloès croquait des fleurs dans le jardin en sirotant une limonade, une petite souris blanche s’installa au soleil pour faire sa toilette. Des jours durant, la petite fille apprivoisa l’animal à l’aide de biscuits et un beau soir, elle eut la surprise de voir le rongeur assis devant la fenêtre de sa chambre. Avec précaution, elle lui ouvrit et la laissa pénétrer dans la pièce. L’animal vint sentir les doigts d’Aloès avant de grimper dans le creux de sa main. Ses petits yeux verts illuminés regardaient l’enfant avec attention. « Persil, ça te va comme nom ? chuchota Aloès. Cela s’accorde parfaitement avec tes yeux. » 15 L a petite souris pencha la tête à droite, puis à gauche et se frotta les moustaches. Aloès étouffa un rire. La souris frotta son museau contre la joue de la petite fille : le nom était adopté ! Persil sauta alors à terre et inspecta avec intérêt la chambre. Lorsqu’elle se retrouva nez à nez avec la grandiose maison de poupée d’Aloès, la petite souris blanche resta pétrifiée. Aloès, les jambes croisées sur son lit, observait avec joie le manège de l’animal. Persil ouvrit la porte dorée de la maison et pénétra dans un salon richement décoré. Au premier étage se 16 trouvaient une chambre, une salle de bain et une salle de jeu. Assis sur la couverture jaune poussin du lit, Persil se frottait les yeux. Aloès passa sa tête dans la maison et avant d’avoir pu prononcer un mot, la petite souris blanche s’était endormie. Aloès retourna se coucher sans bruit. Pour la première fois de sa vie, l’enfant avait un ami ! Elle espérait de tout cœur que le rongeur resterait dans sa maison de poupée. La mère Bourrache ne le trouverait jamais : Persil était trop petit et elle ferait bien attention à ce qu’il ne se montre pas. De plus, l’horrible harpie mettait rarement les pieds dans la chambre de sa belle-fille. Tout ici la dégoûtait : du lit à baldaquin orné d’étoiles, aux nombreuses peluches posées sur des étagères en bois en passant par la dinette en porcelaine de Chine. Elle avait cependant concédé ces « écarts » à la petite fille devant l’insistance du Duc Chardon. Avec l’arrivée de Persil, Aloès avait marqué un point sur la mère Bourrache : elle n’était plus seule… 17 A u moment où Cresson et Ciboulette prenaient leur petit-déjeuner au village lutin, Aloès étaient elle aussi attablée dans la grande salle à manger du manoir. Comme à chaque petit-déjeuner, un silence glacial régnait. Le Duc Chardon aspirait son porridge de façon peu civilisée et la mère Bourrache se tenait droite comme un balai. Tout en décortiquant une orange, ses yeux perçants scrutaient la jeune Aloès. Beurrant ses tartines avec soin, la petite fille apercevait l’énorme grain de beauté sur le menton de sa belle-mère. Chaque matin, pour pallier à l’ambiance morose, elle s’inventait des histoires de grains de beauté ; son petit-déjeuner avait alors un peu plus de saveur. Seulement ce jour-là, Aloès eut une réaction qu’elle allait bien vite regretter. Tout en s’imaginant que le grain de beauté de la mère Bourrache rencontrait une fiancée, la petite fille se mit à rire doucement. Sa belle-mère posa sa cuillère sur la table avec fracas et se leva. Persil, caché dans la poche intérieure du peignoir d’Aloès, frissonna. « Veuillez m’excuser, madame, je repensais à l’un de mes rêves, mentit l’enfant. - Et vous riez pour cela ? demanda la mère Bourrache en fronçant les sourcils. Vous êtes une 18 petite insolente, poursuivit-elle. Votre mère ne vous a pas appris grand-chose. » À ces mots, les joues d’Aloès s’empourprèrent et elle ne put contenir sa colère : « Ne parlez pas de ma mère ! Vous ne savez rien d’elle ! Vous n’êtes qu’une mégère ! » Le Duc Chardon lâcha sa cuillère dans son bol devant l’affront de sa fille. Au fond de lui, il était fier qu’elle lui ait répondu. Pauvre Menthe ! Si elle savait comme son enfant était malheureuse. La mère Bourrache se dirigea très lentement vers Aloès qui s’était levée. Sans un mot et sans prévenir, l’odieuse femme gifla la petite fille. C’était la première fois qu’elle levait la main sur elle. Persil étouffa un couinement. Aloès posa sa main sur sa joue en feu. Des larmes vinrent lui brûler les yeux. « Je ne tolère pas qu’on m’insulte, affirma la mère Bourrache à son époux. Je pense qu’elle a compris. Elle ne recommencera plus. » Elle rejoignit sa place et reprit son petit-déjeuner. Aloès elle, quitta la table avec précipitation sans un regard pour son père. Le Duc Chardon se leva à son tour et regarda durement son épouse: «Ma chère, vous allez trop loin. Je refuse que vous frappiez ma fille, protesta-t-il. » 19 La mère Bourrache fut soudain choquée d’être ainsi réprimandée par le Duc, mais elle feignit l’ignorance. Mr Chardon quitta la pièce triste et en colère. Aloès, déjà à l’étage, ne vit pas que son père l’avait défendu pour la première fois. 20 Chapitre III A venir …. 21