vins de l`abbaye de lérins de la «haute couture» en

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vins de l`abbaye de lérins de la «haute couture» en
Vignobles du monde
Par Pierre Thomas
VINS & VIGNOBLES AOÛT SEPTEMBRE 2011
Texte et photos
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VINS DE L’ABBAYE DE LÉRINS
DE LA «HAUTE COUTURE» EN SCAPULAIRE
Peut-on faire œuvre d’art avec de bons sentiments ? Henri Jeanson l’a écrit «On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments». Mais il ajoutait : «Ainsi
la Bible, quel chef-d’œuvre» ! Une communauté de cisterciens de l’île de Saint-Honorat, au large de Cannes, applique la recette pour ses surprenants vins de haut
de gamme.
«Une île, des frères, un grand vin». Les moines de Lérins ont choisi leur
slogan. Leur «économe», le père Marie Pâques, le dit haut et fort : «Notre
pinot noir doit être aussi célèbre que la Romanée-Conti et notre Clos de la
Charité aussi fameux que la vente des Hospices de Beaune.» Les flacons,
vinifiés sous la conduite d’un œnologue suisse, Jean-Michel Novelle,
sont vendus de 22 à 190 euros la bouteille. Et les pieds de vigne du Clos
de la Charité sont proposés à des parrains à 1000 euros le cep - le vin,
ultérieurement, sera vendu aux enchères.
UNE ENTREPRISE DE REDISTRIBUTION
Le bénéfice est réinvesti dans l’entretien et la modernisation d’un vaste
monastère construit dans les années 1870. Avant toute chose, le père
Marie Pâques tient à la qualité : «Nos vins ne sont pas seulement un
produit marketing pour gagner notre vie. Nous n’avons qu’un but :
l’excellence ! Nos vins sont des produits d’art, de la haute couture
appliquée au vin. Nous entretenons l’amour du travail bien fait. Dès le
départ, nous avons visé le créneau de la qualité en produisant des vins
Vignobles du monde
L'Abbaye de Lérins est située en Méditerrannée à quelques encablures de la ville de Cannes.
chers.» La communauté, une vingtaine de cisterciens âgés de 25 à 78
ans vêtus d’un scapulaire noir et blanc, «vit principalement de dons.
Nous sommes sur le plan de la redistribution. Notre but n’est pas de nous
enrichir, mais d’être au service de la communauté. Dès la porte du couvent
franchie, chacun de nous abandonne tous ses biens.» Ainsi, l’Abbaye de
Lérins, qui entretient d’étroits contacts avec Notre-Dame de Nazareth, à
Rougemont, au Québec, aide directement d’autres communautés, comme
un monastère au Vietnam.
Sur les 42 hectares de l’île, plus petite que sa voisine Sainte-Marguerite, on
compte 8 hectares de vigne, des oliviers et une végétation luxuriante. SaintHonorat revendique un terroir à part, grâce à son microclimat, balayé par
les embruns du large. Et à son sol où la roche mère du jurassique affleure :
un sous-sol calcaire, riche en magnésie et en argiles lourdes. «Ces deux
éléments confèrent aux vins une belle acidité naturelle, à défaut de grande
minéralité, et un apport iodé original dû aux embruns, un peu comme pour
l’agneau de prés salés», explique l’œnologue.
Le monastère château-fort cistercien de Lérins
La vigne existe sur l’île depuis la nuit des temps. Le monastère capitalise
la plus grande continuité monastique d’Europe, depuis sa fondation au Ve
siècle. On y a planté de la vigne pour du vin de messe, puis pour les besoins
courants de la vie recluse. Des moines venus de Sénanque, près de Gordes,
en 1869, relancèrent la culture de la vigne. En janvier 1900, le vignoble
était inscrit à la Chambre d’agriculture du Var, avec 8 hectares.
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MICROCLIMAT ET MICRO-TERROIR
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Pâques se déplace lui-même à Paris, mais aussi à Hong Kong et à Moscou.
Des importateurs distribuent les vins en Belgique, au Luxembourg, en
Allemagne, en Chine et en Russie. «Je n’ai pas fait d’école de marketing,
j’ai juste un peu de bon sens», confie cet homme jovial, entré dans les
ordres à 27 ans, après avoir été apiculteur et fait les quatre cents coups.
Un véritable entrepreneur, cet économe-là. Après des déboires financiers, il
a décidé que la communauté devait reprendre le contrôle de la compagnie
des bateaux entre Cannes et l’île, et du restaurant La Tonnelle, à prétention
gastronomique. En attendant l’huile d’olive qui, dans un avenir proche, sera
pressée (à froid !) sur l’île. Car bien entendu, le vin est élaboré à Lérins
jusqu’à sa mise en bouteille, dans des flacons aux armoiries de l’abbaye.
S’ajoutent au vin, 12 000 bouteilles de liqueurs diverses, macérées et
distillées sur l’île, dont la Lérina verte et son mélange de 44 plantes, à
50 % d’alcool, et le Lerincello aux citrons (bios !) de Menton, à 24,7 %
d’alcool.
Autant de produits alléchants, mais qui ne sont pas servis lors des retraites;
ce sont plutôt des repas frugaux, avec logement sommaire dans des
cellules, et toilettes et douches au bout du couloir. Dans l’église, l’on peut
suivre, de 4 heures du matin à 10 heures du soir les services religieux,
psalmodiés par les vingt cisterciens en coule (robe) immaculée.
Le père Marie Pâques dégustant un chardonnay pris sur barrique..
UN AIR DE BOURGOGNE AU SUD
Les cisterciens assurent qu’ils ne dépasseront jamais cette surface
recouvrée : la rareté du produit est garante de sa haute valeur. «Dans les
années 1970, on avait arraché les vignes pour planter de la lavande sur 4 ha.
En 1990, il ne restait plus qu’un hectare et demi de clairette… Et plus
personne ne connaissait le travail de la vigne», explique Frère Marie, en
charge des tâches viticoles. Peu à peu, l’activité vitivinicole a redémarré :
le premier vin blanc date de 1992, la première syrah de 1995. Aujourd’hui,
l’Abbaye de Lérins produit 40 000 bouteilles, dont deux tiers de rouge non
pas en AOC Côtes-de-Provence, mais en IGP Méditerranée.
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«Quand je suis arrivé ici, je préférais l’eau au vin», sourit Père Marie
Pâques. Il y a vingt ans, le Bourguignon Jean Lenoir - l’inventeur du «Nez
du vin», pour identifier les arômes de la dégustation - a conseillé aux
moines de planter du chardonnay et du pinot noir.
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La filiation avec l’abbaye de Cîteaux, fondatrice du Clos de Vougeot, en
Bourgogne, s’imposait d’elle-même, malgré ou grâce au micro-climat.
Depuis 2005, Jean-Michel Novelle a décidé de réhabiliter les cépages du
sud de la France. D’abord, il a remis au goût du jour la clairette. Il a fait
surgreffer du viognier, planter du mourvèdre, le grand cépage de Bandol,
et de la syrah. Chaque cuvée, où le monocépage plutôt que l’assemblage
est privilégié, porte le nom d’un saint, patron d’une des chapelles édifiées
sur l’île.
LA CHINE ET LA RUSSIE EN PREMIÈRE LIGNE
L’Abbaye de Lérins vise, avec ses produits exclusifs chargés d’une histoire
qu’il a fallu réécrire, une clientèle haut de gamme. La moitié de la
production trouve preneur sur place, comme flacon souvenir, et par le site
Internet; 35 % est absorbé par l’hôtellerie et la restauration et 15 % part
à l’export. Le premier intéressé fut un importateur japonais. Père Marie
Jean-Michel Novelle, œnologue-conseil à l'Abbaye de Lérins
UN HELVÈTE DE PLUS EN PLUS INTERNATIONAL
L’aventure internationale de Jean-Michel Novelle a débuté au Chili, en
2003, au domaine Amayna (200 hectares), dans la région de San
Antonio, à proximité du Pacifique, à l’ouest de Santiago et au sud de
Valparaiso. Dans le Sud de la France, à Bourg-Saint-Andéol en
Ardèche, le Genevois, avec deux jeunes œnologues, l’une Chilienne et
l’autre Sud-Africaine, planche sur un projet de 60 ha de vignes autour
de l’actuel Château des Amoureuses. Une cave a été construite au
mois de juillet 2011. Plus au sud, près du Pic Saint-Loup et au pied du
Mont-Ventoux, Novelle suit deux domaines de 10 ha. Il devrait être en
charge d’un vignoble réputé dans la vallée du Rhône, avec 35 ha en
AOC Beaumes-de-Venise et 8 ha nouveaux en AOC Gigondas, de part
et d’autre des Dentelles de Montmirail. Chaque fois, l’œnologue suisse
exige «carte blanche» pour conduire vignes et vinifications. À Genève,
Novelle met en valeur le domaine familial du Grand-Clos (7 ha), en
prenant des risques, comme sur 2008, où ses pinots noirs et ses
chardonnays n’ont été vinifiés qu’en vins mousseux. V&V