Auteurs juifs Israélien - Camp littéraire de Baie
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Auteurs juifs Israélien - Camp littéraire de Baie
Atelier de création littéraire Auteurs juifs israéliens Appelfeld, Aharon Aharon Appelfeld, né le 16 février 1932 à Jadova, près de Czernowitz (alors en Roumanie) est un romancier et poète israélien. Il est considéré comme le plus grand écrivain israélien de langue hébraïque de la fin du XXe siècle. Il se définit lui-même même « comme un Juif qui écrit en Israël ». Il a reçu de nombreux prix littéraires, res, dont le Prix Médicis étranger en 2004, et le Prix Israël. Sa mère est tuée en 1940 alors que le régime roumain commence sa politique meurtrière envers les Juifs. Aharon Appelfeld connait le ghetto puis la séparation d'avec son père et la déportation d dans ans un camp à la frontière ukrainienne en Transnistrie, en 1941. Il parvient à s'évader à l'automne 1942 et se cache dans les forêts d'Ukraine pendant plusieurs mois au milieu de marginaux de toutes sortes. Il trouve refuge pour l'hiver chez des paysans qu quii lui donnent un abri et de la nourriture contre du travail mais il est obligé de cacher ses origines juives. Dans Histoire d'une vie, il explique: « Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le cœur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là là dans tout mon corps. Chaque fois qu'il pleut, qu'il fait froid ou que souffle un vent violent, je suis de nouveau dans lee ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m'ont abrité longtemps. La mémoire, s'avère-t-il, il, a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l'odeur de la paille pourrie ou du cri d'un oiseau pour me transporter loin et à l'intér l'intérieur. ieur. » Il est ensuite recueilli par l'armée rouge. Il traverse l’Europe pendant des mois avec un groupe d’adolescents orphelins, arrive en Italie et, grâce à une association juive, s’embarque clandestinement pour la Palestine où il arrive en 1946. Aharon Appelfeld a écrit plus de 40 livres, principalement des recueils de nouvelles et des romans. La majorité de ses écrits concerne la vie de la population juive en Europe avant et durant la Seconde Guerre mondiale. Il y livre à chaque fois un pan de sa propre vie. Ses héros sont des Juifs assimilés, qui ne se reconnaissent pas dans une identité juive. Ils sont d'autant plus désarmés lorsqu’ils doivent affronter leur destin de Juifs. Aharon Appelfeld peut être défini comme un arpenteur de la trace et surtout de l'absence qu'il fouille jusqu'à la moelle du grand vide. Il refuse cependant d'être considéré comme un écrivain de la Shoah: " Je ne suis pas un écrivain de l'holocauste et je n'écris pas sur cela, j'écris sur les hommes juifs. Le temps des prodiges En Autriche, juste avant la Seconde Guerre mondiale, un écrivain juif, ami de Stefan Zweig et disciple de Kafka, subit les attaques et les calomnies antisémites de la presse. Témoin des errements de son père, son fils Bruno porte un regard aigu sur la lente rrégression égression de la société qui l'entoure et les signes précurseurs du drame et des persécutions à venir. Aharon Appelfeld rend visible la montée du nazisme avec une extraordinaire sobriété. Ecrivain du silence et de l'indicible, il fait l'économie du spectacu spectaculaire. laire. Et c'est uniquement le quotidien et ses infimes lézardes qu'il nous présente - agrandies par l'ombre projetée de ce que nous connaissons de l'Histoire. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens – Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 Badenheim Badenheim, le printemps est un moment de transition : les ombres de la forêt battent en retraite, la lumière se répand d'une place à l'autre et les rues s'animent en prévision de la saison estivale. Mais en cette année 1939, tandis que les premiers vacanciers déposent leurs bagages à l'hôtel, que Papenheim et son orchestre arrivent pour le festival de musique, que Sally et Gertie, les prostituées locales, flânent dans l'avenue, deux inspecteurs du service sanitaire passent devant la pâtisserie couverte de fleurs. " Qu'est-ce qu'ils nous veulent ? demande un homme à un autre qui vient de s'enregistrer comme juif au service sanitaire. C'est difficile à comprendre. " Ainsi commence ce récit d'une sinistre métamorphose : celle d'une station thermale fréquentée par la bourgeoisie juive en antichambre de la " délocalisation " vers la Pologne. L’amour soudain Iréna, une jeune femme de 30 ans, vient tenir chaque jour le ménage d'un écrivain vieillissant. Chez elle, les mots, les gestes, la façon de composer un bouquet, tout est d'une simplicité mystérieuse. Quand elle rentre dans sa maison, Iréna allume deux cierges et pense à ses parents disparus. Elle observe les commandements religieux que sa mère observait (l'histoire se passe en Israël). L'écrivain, Ernest, un ancien conseiller financier, n'a jamais publié ses manuscrits, qu'il pense d'ailleurs à faire disparaître. La littérature ne lui a pas tendu les bras. Il consacre pourtant toutes ses forces à l'écriture. L'Amour, soudain est le récit d'une rencontre, quand un sentiment supérieur éclaire deux vies. La magnifique réussite d'Appelfeld est d'abord de faire circuler cet amour en ne pinçant que des cordes sensibles, mais d'une discrétion exemplaire. Le silence joue un rôle important dans ce récit où un geste, un sourire, un regard, une intention secrète, un rêve même, comptent plus que les mots, dont Ernest et Iréna se méfient, pour des raisons différentes. Lui, parce qu'en prince caché du langage il cherche l'accord parfait entre le mot et ce qu'il veut nommer. Elle, parce que les mots lui font peur. Pourtant la prédiction glissée dans les premières pages du livre se réalise. Iréna se glisse dans son lit pour soulager sa douleur d'homme malade. Ernest, qui a reçu l'offrande de sa simplicité, se sent capable d'achever son manuscrit. Il y a de la résurrection dans l'air. Appelfeld fait bouger son récit de façon subtile, par petites touches et sur divers fronts, en avant et en arrière, en surface et en profondeur. Le passé revit harmonieusement (ou tragiquement), il n'y a pas que les vivants qui se sentent mieux. "Ecrire, c'est faire surgir des choses de l'oubli?" s'étonne Iréna. "Manifestement, oui", répond Ernest, qui progresse dans son texte comme dans l'intelligence de sa propre vie. La lumière de cet amour inattendu repeuple l'univers de ces deux solitudes. Le garçon qui voulait dormir Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Erwin, 17 ans, a tout perdu ; père, mère, langue, environnement familier... et émerge peu à peu du sommeil auquel il a recours pour faire revivre tout un pan de sa vie anéanti. Il est enrôlé par un émissaire de l'Agence juive pour vivre une nouvelle vie dans l'Etat d'Israël naissant. Il se prête à l'apprentissage intensif de l'hébreu et à l'entraînement physique, quasi-militaire, que celui-ci leur impose chaque jour pour les préparer à une nouvelle vie dans l'Etat d'Israël sur le point de naître. Le pays cherche son indépendance et le jeune pionnier, devenu Aharon, est affecté à des missions militaires. Blessé au cours de l'une d'elle, il restera de longs mois paralysé dans une maison de repos, subissant opération sur opération. C'est là qu'il renoue avec le sommeil et le passé. Il craint de trahir les siens en adoptant une nouvelle langue et un nouveau pays et seuls ses échanges avec un médecin et ses discussions avec de vieux pionniers blessés l'aident à surmonter le sentiment de culpabilité qu'il le hante. Peu à peu, une décision s'impose à lui : celle de mettre ses pas dans ceux de son père disparu, et devenir l'écrivain que celui-ci rêvait d'être. Si dans chacun des romans d'Aharon Appelfeld Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 2 on peut déceler un élément autobiographique, celui-ci est clairement une tentative de relier l'imaginaire et le vécu à travers l'insertion des noms de ses parents, ses grands-parents, et de son propre nom bien sûr, mais aussi d'extraits de poèmes ou de prose de ses jeunes années. Avec Histoire d’une vie, Aharon Appelfeld nous livre quelques-unes des clés qui permettent d'accéder à son œuvre : souvenirs de la petite enfance à Czernowitz, en Bucovine. Portraits de ses parents, des juifs assimilés, et de ses grands-parents, un couple de paysans dont la spiritualité simple le marque à jamais. Il y a aussi ces scènes brèves, visions arrachées au cauchemar de l'extermination. Puis les années d'errance, l'arrivée en Palestine, et le début de ce qui soutiendra désormais son travail : le silence, la contemplation, l'invention d'une langue. Et le sentiment de l'inachèvement lié au refus obstiné de l'autobiographie, dans son acception la plus courante : histoire d'une vie. Comme si le dévoilement de ce que chacun a de plus intime exigeait une écriture impersonnelle. Prix Médicis 2004 Floraison sauvage Gad et Amalia sont frère et sœur. Ils ont reçu un étrange héritage de leur oncle : ils sont les gardiens d'un cimetière au sommet d'une montagne, un lieu de pèlerinage où sont enterrés des Juifs ayant résisté jusqu'au dernier souffle lors d'un pogrom. Nous sommes dans les Carpates, au milieu du XIXe siècle, 'hiver s'annonce. Amalia redoute la solitude des mois sombres et froids. Et rien ne l'apaise, pas même les mots de son frère. Pour tromper leur mélancolie, Gad et Amalia prennent l'habitude de boire, le soir. L'évocation de leur enfance dans la plaine les réconforte et resserre de jour en jour le lien qui les unit. L'un contre l'autre, hors du temps et des lois, ils laissent le trouble s'installer en eux, jusqu'à l'accomplissement de ce qui se révèle être une histoire d'amour. Aharon Appelfeld recrée ici, à sa manière, le couple d'Adam et Eve. Floraison sauvage est le récit bouleversant de cet amour, c'est aussi un roman d'une force et d'une singularité inouïes sur la condition humaine, l'exil et la douleur. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 3 Castel-Bloom, Orly Orly Castel-Bloom est née en 1960 à Tel-Aviv, dans une famille de juifs égyptiens. Jusqu'à l'âge de trois ans, elle eu des nourrices françaises et parlait exclusivement le français. Elle a étudié la cinématographie à l'Ecole Beit Zvi pour les Arts de la Scène à Ramat Gan. Elle fut également oratrice à Harvard, l'UCLA ou encore les universités d'Oxford et Cambridge. Elle vit à Tel-Aviv et a deux enfants. Elle est l'auteur de onze livres publiés, parmi lesquels des recueils de nouvelles et des romans. Comparée à Kafka dans un portait que Le Monde lui a consacré, elle a introduit un changement incontestable dans le paysage littéraire israélien au fil de son œuvre. Elle est considérée comme le chef de file de toute une génération d’écrivains qui, ces vingt dernières années, ont révolutionné la littérature hébraïque contemporaine. Elle a influencé de jeunes écrivains comme Etgar Keret ainsi que toute une génération qui avait le sentiment que la cause publique avait occulté toute place à l’individu et à sa capacité de vivre, d’aimer et de créer. Son roman de 1992, Dolly City, inclus dans la Collection UNESCO d'œuvres représentatives, a été adapté pour le théâtre et joué à Tel-Aviv. Dans Parcelles humaines (2002) - prix français Wiso en 2005 et prix Leah Goldberg en 2007, elle fut le premier écrivain israélien à aborder le sujet des attentats-suicides palestiniens. Son anthologie de nouvelles On ne discute pas avec le riz est publiée en 2003. Son nouveau roman, Textile, est l’incroyable histoire d’une famille bourgeoise dont l’épouse se fait hospitaliser pour subir des opérations de chirurgie esthétique, toutes plus farfelues les unes que les autres, afin d’être anesthésiée le plus souvent et le plus longtemps possible pour ne pas ressentir l’angoisse d’une mère dont le fils part faire son service militaire. A l’instar de la mère, toute la cellule familiale se désagrège. Dolly City Pour Dolly, tout est toujours possible - le pire surtout. De visions inquiétantes en scénarios cauchemardesques, le cours de la vie de cette jeune femme, médecin à Tel-Aviv, s'infléchit définitivement à partir du jour où elle recueille un bébé abandonné dans un sac-poubelle sur le bord d'une autoroute. Devenue mère adoptive malgré elle, Dolly panique, Dolly délire dans une métropole frénétique, misérable, "mutante", dévorée par son anarchique vitalité. Né de l'alliance d'un imaginaire audacieux et d'un hyperréalisme très personnel, ce livre suscita, lors de sa parution en 1992, des controverses passionnées. Ce premier roman inclassable sur les dérives du sentiment maternel et l'hystérie des cités des temps modernes signait avec éclat l'entrée sur la scène littéraire israélienne d'une romancière hors du commun. Parcelles humaines Un froid polaire s'est brutalement abattu sur tout le Moyen-Orient. En Israël comme ailleurs, la population, désorientée, tente de faire face à la catastrophe climatique intervenue en pleine deuxième Intifada. Mais la neige incessante étouffe les bruits du monde et brouille les repères... Pour exorciser une inquiétude aux multiples visages - des attentats suicide aux apocalypses cosmiques - chacun s'en remet à la mécanique du quotidien qu'agrémente l'inoxydable magie télévisuelle dispensatrice de quarts d'heure de célébrité et garante des plus fabuleux destins. Consommation d'images, de biens matériels, obsession de l'argent, vies atomisées ne se rejoignant qu'à la faveur d'un événement violent que le patient tissage du cocon personnel ne suffit plus à tenir à distance. C'est bien au coeur battant de notre temps sans frontières qu'Orly Castel-Bloom inscrit ce roman où, du riche héritier issu de l'élite ashkénaze à la simple concierge d'un immeuble des cités, de l'arrière-plan kurde à la jeune Ethiopienne devenue mannequin ou à la mère de famille divorcée tirant le diable par la queue, Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 4 se trouvent représentés tout le spectre de la communauté juive israélienne et les inégalités sociales longtemps occultées par la problématique sécuritaire. Textile Dans la famille Gruber, de Tel-Aviv, la mère, Mandy, est une femme d’affaires d’une cinquantaine d’années dirigeant une entreprise de pyjamas pur coton très prisés des juifs orthodoxes et qui ne trouve le repos que lorsqu’elle est anesthésiée pour une opération de chirurgie plastique. Elle forme un couple mal assorti avec Ira, sorte de savant hurluberlu accaparé par ses recherches autour d’araignées et de fil solide au point d’en faire des vêtements à l’épreuve des attentats. La fille qui vit avec un agriculteur biologique borné, un néo-baba-cool de vingt ans son aîné, et le fils qui fait son service militaire, sont des sujets d’inquiétudes pour leurs parents. Le roman débute alors qu’Ira s’envole vers les États-Unis pour son projet de recherche et que Mandy entre dans une clinique pour y subir une opération de plus. A travers cette cellule familiale qui se désagrège, le portrait d'une humanité misérable. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 5 Dayan, Yael Yael Dayan, née le 2 décembre 1939 à Nahalal en Israël, est une écrivaine et politicienne israélienne (Parti travailliste). Elle est la fille de Moshe Dayan, qui est considéré comme un des pères de la nation israélienne. Elle s'est d'abord fait un prénom comme écrivaine et journaliste. Elle a publié cinq romans dont des mémoires de la guerre des Six Jours, mais aussi une biographie de son père. Yael Dayan a étudié les relations internationales à l'université hébraïque de Jérusalem et la biologie à l'université ouverte d'Israël. Comme son père, Yael Dayan est considérée comme une personnalité particulière de la vie politique. En 1992, elle est élue au parlement israélien dans le parti travailliste et réélue en 1996 et 1999. Elle ne s'est pas représentée en 2003. Elle est une défenseure des droits des femmes et des droits des homosexuels. Elle critique également l'occupation des territoires palestiniens. Lieutenant au Sinaï Lieutenant au Sinaï est un témoignage direct, passionné et passionnant, sur les journées qui précédèrent la Guerre, des Six Jours et sur la campagne elle-même. La peinture de l'inquiétude et de l'abattement moral qui gagnait peu à peu Israël, menacé sur toutes ses frontières, nous fait mieux comprendre l'explosion de joie qui suivit la nomination du général Dayan (père de l'auteur) au poste de Ministre de la Guerre. Tout valait mieux pour le peuple israélien que ce lent étouffement. Yaël Dayan nous livre ensuite son journal de la guerre-éclair. Lieutenant dans la compagnie du général Arik Sharon, l'auteur participa à la ruée des blindés israéliens à travers le Sinaï et aux combats de chars qui devaient aboutir à la déroute égyptienne. Récit simple, dur, émouvant, qui permet au lecteur de vivre ce conflit historique de l'intérieur. Si la mort avait deux fils Lieutenant au Sinaï est un témoignage direct, passionné et passionnant, sur les journées qui précédèrent la Guerre, des Six Jours et sur la campagne elle-même. La peinture de l'inquiétude et de l'abattement moral qui gagnait peu à peu Israël, menacé sur toutes ses frontières, nous fait mieux comprendre l'explosion de joie qui suivit la nomination du général Dayan (père de l'auteur) au poste de Ministre de la Guerre. Tout valait mieux pour le peuple israélien que ce lent étouffement. Yaël Dayan nous livre ensuite son journal de la guerre-éclair. Lieutenant dans la compagnie du général Arik Sharon, l'auteur participa à la ruée des blindés israéliens à travers le Sinaï et aux combats de chars qui devaient aboutir à la déroute égyptienne. Récit simple, dur, émouvant, qui permet au lecteur de vivre ce conflit historique de l'intérieur. Trois semaines avant octobre Pas de description. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 6 De-Nur, Yehiel - Katzetnik 135 633 Témoignage au procès d’Adolf Eichmann le 7 juin 1961, à Jérusalem. Yehiel Feiner est mort à Auschwitz le jour où les nazis lui tatouèrent le matricule 135 633. Ensuite, s'il a survécu sous le nom de Katzetnik 135 633, qui signifie «interné dans un camp de la mort, no 135 633», c'était pour écrire. Yehiel De-Nur (ou De-Nir ou Dinur), écrivain et survivant de la Shoah, est né le 16 mai 1909 à Sosnowiec et mort le 17 juillet 2001 à Tel Aviv. Jeune homme de confession juive, arrêté par les Allemands fin 1942, alors qu'il tente de gagner la Palestine, il est déporté à Auschwitz avec sa famille en 1943. Il parvient à s'en évader en février 1945. Il s'était juré de témoigner. Il a écrit à la fois en hébreu, qui pour lui est la « langue sacrée », et en yiddish, qui serait la « langue des martyrs ». Yehiel De-Nur raconte sa propre histoire dans son livre Atrocité. Son œuvre majeure est la Maison des poupées (The House of dolls), roman semi-autobiographique de 250 pages publié en 1956. The house of dolls – Maison de filles Ce récit très douloureux, a été traduit en français chez Gallimard sous le nom de Maison de filles. C'est un des premiers romans qui fait la chronique au quotidien de la vie dans un ghetto juif dans une ville à la frontière de l'Allemagne et de la Pologne et dans un camp de concentration nazi. Il raconte, notamment, les horreurs de la Shoah, à travers l'histoire d'un frère et d'une sœur, Harry et Daniella Preleshnik. Lent et descriptif dans sa première partie, mais sans grande richesse de détails, le récit se fait brutal sur la seconde partie avec l'histoire de Daniella, quatorze ans au début du récit, qui finit par aller travailler dans la « Maison des poupées », un bordel de prostitution forcée, situé à l'intérieur du camp. Sont décrites les atrocités subies par les jeunes filles et les femmes juives, recrutées par les officiers nazis dans les camps pour être violées. La Maison des poupées est ainsi un livre lu et enseigné dans toutes les écoles israéliennes. C'est la révélation brutale de l'«autre planète». Ces histoires racontées par Katzetnik, et le style, cru, violent, parfois aux limites de l'obscène, qu'il adopte, font sa célébrité et son scandale. Pour des générations de jeunes Israéliens nés après la Seconde Guerre mondiale, par exemple, ces récits ont constitué la première confrontation, parfois insoutenable, avec les atrocités de l'extermination. Les visions d'un rescapé ou le syndrome d'Auschwitz La dernière expérience limite de Katzetnik a lieu quelques années après son témoignage à Jérusalem lorsqu'il accepte de se soumettre, afin d'en faire le récit, à la thérapie du médecin néerlandais Jan Bastiaans qui traite les traumatismes des survivants des camps à l'aide de «transes» contrôlées et d'injections de LSD. L'écrivain transcrira, dix années durant, les visions terribles revenues du camp d'extermination comme pour les faire partager aux lecteurs (Shivitti, 1987, traduit en 1989 sous le titre Visions d'un rescapé, ou le syndrome d'Auschwitz). Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 7 Grossman, David David Grossman, né le 25 janvier 1954 à Jérusalem, est un écrivain israélien, auteur de romans, d'essais et de livres pour la jeunesse. C'est l'une des figures de la littérature israélienne. Il s'est rendu célèbre par sa première œuvre, Le vent jaune, où il décrivait les souffrances imposées aux Palestiniens par l'occupation de l'armée israélienne. Cet ouvrage lui vaudra l'accusation de trahison par le premier ministre de l'époque, Yitzhak Shamir. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. En 1984, il remporta le prix du Premier Ministre pour une œuvre créative et était considéré comme candidat au Prix Nobel de littérature. Grossman vit à Mevasseret Zion, près de Jérusalem. Il est marié et père de trois enfants, le plus jeune ayant été tué au combat le 12 août 2006 au Liban, peu de temps avant son 21e anniversaire. Le 2 juin 2010, au lendemain de l'arraisonnement par la marine israélienne de bateaux pro-palestiniens au large de Gaza, il déclare : « Aucune explication ne peut justifier ni blanchir ce crime. Aucun prétexte ne peut servir à excuser ou à expliquer la stupidité des actes du gouvernement et de l'armée. Israël n'a pas envoyé ses soldats pour tuer des civils de sang-froid. De fait, c'était même la dernière chose qu'il voulait. Et pourtant. Une petite organisation turque, fanatique du point de vue religieux et radicalement hostile à Israël, a recruté pour sa cause plusieurs centaines de chercheurs de paix et de justice, et a fait en sorte de prendre Israël au piège, précisément parce qu'elle savait comment Israël réagirait, comment Israël était programmé pour réagir comme il l'a fait. [...] Il est clair que ce jugement n'implique aucun accord avec les motivations, ouvertes ou cachées, et souvent malveillantes, de certains participants à la flottille de Gaza. Car tous ne sont pas des humanitaires épris de paix, et les déclarations de certains d'entre eux sur la destruction d'Israël sont criminelles. Mais cela ne compte pas, tout simplement, car autant que nous le sachions, ces opinions ne méritent pas la peine de mort. » Une femme fuyant l'annonce Ora, une femme séparée depuis peu de son mari Ilan, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle tant redoutée : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s'est porté volontaire pour «une opération d'envergure» de vingt-huit jours dans une ville palestinienne. Comme pour conjurer le sort, elle décide de s'absenter durant cette période : tant que les messagers de la mort ne la trouveront pas, son fils sera sauf. La randonnée en Galilée qu'elle avait prévue avec Ofer, elle l'entreprend avec Avram, son amour de jeunesse, pour lui raconter son fils. Elle espère protéger son enfant par la trame des mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier. A travers le destin bouleversant d'une famille qui tente à tout prix de préserver ses valeurs et ses liens affectifs, l'auteur nous relate l'histoire de son pays de 1967 à nos jours et décrit avec une force incomparable les répercussions de cet état de guerre permanent sur la psyché des Israéliens, leurs angoisses, leurs doutes, mais aussi la vitalité, l'engagement, et l'amour sous toutes ses formes. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 8 Le Livre de la grammaire intérieure 1967. L'Histoire et les canons de la guerre des Six Jours résonnent au loin mais Aharon Kleinfeld, cet adolescent qui vient de fêter sa bar mitzvah, ne peut plus les entendre. Il a déjà effectué ce repli sur lui-même qui le coupe du monde extérieur oppressant. Solitaire, introverti, ce second enfant d'une famille de réfugiés juive-polonaise refuse tout simplement de grandir. Deux ans durant,de 1965 à 1967, entre sa douzième et sa quatorzième année, Aharon écoute, observe et se débat avec la réalité quotidienne de son environnement. Il n'y voit que laideur, violence, destruction, sexe et mort. Il a la nausée et se sent menacé par ce monde adulte qui le somme de perdre son innocence, par sa puberté, par les pulsions de sa sexualité juvénile si envahissante. Il voudrait tant rester pur et entier. Non, vraiment, Aharon ne peut vivre selon la "grammaire" que dictent aux hommes les choses de la vie. Réfugié dans sa "grammaire intérieure" qu'il forge pour vivre son histoire, son "présent continu", Aharon s'éloigne chaque jour une peu plus du monde. L'Enfant zigzag Quand Nono Fayerberg, à la veille de son treizième anniversaire, monte dans le train pour se rendre chez son oncle, il ne se doute pas qu'il n'arrivera jamais à destination. Car dès l'instant où l'enfant rencontre le mystérieux et séduisant Félix Glick, l'inconnu l'entraîne dans une aventure fantastique, avec détournement de train, kidnapping à bord d'une fabuleuse Bugatti - la seule en Israël ! - dîner en resquille, fuite nocturne pour échapper à la police, visite à la célèbre actrice Lola Chiperolla. Mais qui est Félix Glick ? Comment est-il si bien informé sur Nono et ses parents ? Dans quel but secret l'embarque-t-il dans cette course folle à travers le pays ? Au terme d'un véritable voyage initiatique et de ce livre superbe et pétillant d'invention, Nono parviendra à résoudre toutes les énigmes, obtenir la réponse à sa question " Qui suis-je ? " et exaucer son vœu le plus cher. En bref, il sera devenu un homme. Tu seras mon couteau Lors d'une réunion des anciens diplômés, Yaïr, un homme marié et apparemment comblé, croise furtivement Myriam, une inconnue, qui éveille en lui un désir irrépressible : correspondre par écrit. . Il écrit à la jeune femme pour lui demander la permission de lui envoyer des lettres et lui propose une relation strictement épistolaire. Myriam accepte de jouer le jeu. Commence alors une superbe correspondance où, en poste restante, se mêlent les mots de l'amour et l'amour des mots, au fil d'un dialogue d'une rare intensité. Yaïr, qui fixe les règles de cette correspondance en proposant à Myriam une date butoir, prône une complicité et une confiance absolue pour atteindre au plus près la vérité de soi et de l'Autre. Hommage très hébraïque à la magie de la parole, et rien qu'à elle, ce roman est un tour de force. Quelqu'un avec qui courir Assaf, un garçon de seize ans, obtient un job d'été à la mairie de Jérusalem. Chargé de retrouver le maître d'un chien égaré, il va être entraîné dans une aventure initiatique dont Tamar, une adolescente mystérieusement disparue, est le centre... Avec pour décor le monde cruel d'une certaine jeunesse israélienne, aux prises avec la drogue, la violence et la misère, David Grossman nous offre un roman d'apprentissage contemporain qui tient à la fois du récit de chevalerie et du conte de fées. Tels de modernes Tamino et Pamina de La Flûte enchantée, Assaf et Tamar nous entraînent dans leur sillage jusqu'à la dernière ligne de cette aventure menée à un rythme endiablé. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 9 Dans ce livre, placé sous le signe de Kafka, le romancier israélien change totalement de registre. Et raconte, sous forme épistolaire, une étrange histoire d'amour où deux amants "virtuels" s'adressent des lettres brûlantes, en gardant soigneusement leurs distances... Le sourire de l’agneau Jeune Israélien idéaliste, Ouri a quand même du mal à fermer les yeux sur ce qui l'entoure en Cisjordanie. D'autant que, au plan personnel, il découvre que sa compagne le trompe avec un cynique officier. Alors il se réfugie dans un monde imaginaire, celui d'Hilmi, un conteur arabe un peu fou, au talent original, qui invente des histoires pour oublier les corps et les âmes qui se broient tout autour. Ouri et Hilmi sont comme père et fils. Jusqu'au jour où le "vrai" fils d'Hilmi, Yadzi, est tué lors d'un accrochage entre l'armée israélienne et un groupe de Palestiniens. En répondant au mal par le mal, Hilmi plonge dans une spirale étourdissante et sans fin. C'est le premier roman de David Grossman, et déjà il pose avec délicatesse les thèmes qui hantent son oeuvre. Amour, espoir, trahison et, peut-être, le pardon. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 10 Yehoshua, Avraham B. Œuvre • • • • • • • • • Trois jours et un enfant, 1975) L'Amant (HaMeAHev), 1977 Mr Mani (Mar Mani), 1990 L’année des cinq saisons, 1990 Voyage au bout du millénaire, 1997 La Mariée libérée (Hakala Hameshakhrereth), 2001 Israël : un examen moral (recueil d'essais), éditions Calmann-Levy Le Directeur des ressources humaines (roman), éditions Calmann-Levy Rétrospective (roman), éditions Grasset, 2012 - Prix Médicis étranger. Avraham B. Yehoshua appartient à la cinquième génération de juifs sépharades1 installés en Israël. Après des études universitaires à l'université hébraïque de Jérusalem, il démarre une carrière d'enseignant. De 1963 à 1967, il réside à Paris. Il rejoint l'université de Haïfa en 1972. Avraham Yehoshua a embrassé une carrière d'écrivain dès la fin de son service militaire dans Tsahal. Il a écrit de nombreux romans et est considéré comme l'un des plus brillants auteurs contemporains en Israël. Avraham Yehoshua s'est également engagé en faveur du processus de paix israélo-palestinien et a participé à l'Initiative de Genève. Il a remporté le Prix Bialik et le Prix Israël ainsi que le Los Angeles Times Book Prize en 2006. Il reçoit le Prix Médicis étranger 2012 pour son roman Rétrospective paru aux éditions Grasset Une conscience toujours en éveil. Un arbitre dont les avis pèsent lourd aux yeux de l'opinion internationale. Un romancier de haut vol qui, dans ses livres, prend ses distances avec ses engagements politiques pour devenir un musicien de l'intime, un symphoniste du monde intérieur. Avec Avraham B. Yehoshua, on touche le coeur même de la littérature israélienne : aux côtés d'Amos Oz et de David Grossman, l'auteur de Rétrospective a su, face à la confusion de son époque, préserver la part du rêve, attiser le feu sacré et porter l'écriture à son incandescence pour qu'elle soit un flambeau d'espérance. Et lorsqu'il redescend dans l'arène, Yehoshua "le taurillon" ne cesse de prêcher la réconciliation avec le monde arabe. "Cela fait quarante ans que je suis pour un État palestinien", rappelle-t-il. Et il ajoute : "Quand je parle aux Européens, je les supplie de faire ce que les Américains ne font pas. Ils ont les moyens de forcer Israël à arrêter la colonisation des territoires occupés et à signer un traité de paix." C'est dans une Jérusalem encore presque céleste qu'est né Yehoshua, en 1936, au sein d'une famille séfarade. Comme Rivline, le héros de La Mariée libérée, son père appartenait au petit cercle des orientalistes de la ville, des humanistes venus des quatre coins de l'Europe. Ce qu'ils voulaient, c'était connaître en profondeur leurs voisins arabes, les comprendre à travers leur patrimoine culturel afin de vivre en harmonie avec eux. "Mon père a consacré une douzaine d'ouvrages à Jérusalem. Bien que je n'y réside plus, elle est toujours présente dans mes romans et c'est sans doute dans cette ville que je puise l'énergie de mon écriture", raconte Yehoshua, qui vit aujourd'hui à Haïfa entre mer et montagne, dans une maison où son épouse psychanalyste a longtemps reçu ses patients et où il écrit chaque matin sans craindre d'être dérangé. "Je ne m'isole jamais pour travailler, dit-il, je maintiens une vie de famille normale avec mes enfants et mes petits-enfants. L'écriture est une occupation comme une autre, elle n'est pas prioritaire si d'autres obligations s'imposent." Yehoshua a commencé à écrire des nouvelles et des pièces de théâtre pendant son service militaire mais ce n'est qu'après un long séjour à Paris - entre 1963 et 1967 - qu'il s'est frotté au roman, alors qu'il enseignait à l'université de Haïfa. Son oeuvre ? Une dizaine de titres qui forment une tapisserie subtile où le motif intime se mêle constamment à l'Histoire, où les questions existentielles et éthiques sont toujours très concrètement enracinées dans le contexte politique pour montrer comment trois décennies de guerre ont bouleversé la vie spirituelle, les émotions et les amours des Israéliens. "Avec tous ces conflits, notre littérature a gagné beaucoup de vitalité. Le plus important, pour nous, c'est d'analyser les rapports 1 Les Séfarades (parfois orthographié Sépharade) constituent une branche du judaïsme qui suit le judaïsme liturgique espagnol et portugais (en particulier dans la prononciation des mots des prières). Certains ont contribué aux sciences et techniques en alAndalus comme Maïmonide, Abraham ibn Ezra, Juda Halevi, Nahmanide, Salomon ibn Gabirol, Moïse de Léon. Le terme «Séfarade» désigne aussi souvent les Juifs issus du Maghreb, où bon nombre d'entre eux se sont installés suite à l’expulsion de 1492. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 11 humains et le devenir des sentiments dans un pays livré à la peur et à l'instabilité", explique Yehoshua, qui écrit "pour ouvrir les coeurs", en repoussant constamment "la tentation du désespoir". Et au détour de Rétrospective, il donne une autre clé de son travail : "Par l'art, nos faiblesses et nos humiliations se transforment en beauté." De roman en roman, l'inspiration de Yehoshua n'a cessé de se renouveler. Dans L'Amant, il décrit Israël au lendemain de la guerre des Six Jours et montre qu'un abîme s'est creusé dans un pays désormais écartelé entre religion et laïcité. Dans Monsieur Mani, il remonte l'arbre généalogique d'une famille dont le destin est confronté aux dates cruciales de l'histoire juive, depuis 1848 jusqu'à la guerre du Liban. Dans L'Année des cinq saisons, il met en scène un Séfarade oriental tenté par l'Occident, et peu à peu décapité de son identité. Dans La Mariée libérée, il braque son zoom sur une mosaïque sociale complexe où se croisent des Juifs, des Palestiniens et des Arabes d'Israël qui se cramponnent à la même utopie - celle d'une fraternité retrouvée. Et dans Le Responsable des ressources humaines, il mêle le polar et la parabole politique pour raconter - lors d'un attentat suicide à Jérusalem - la mort tragique d'une femme dont personne ne vient réclamer le corps, comme si elle n'avait plus de filiation dans une société orpheline de ses espérances. Par André Clavel, publié le 2 Octobre 2012, mis à jour le 6 Novembre 2012. Rétrospective- Prix Médicis étranger 2012 Par André Clavel, publié le 2 Octobre 2012, mis à jour le 6 Novembre 2012 Dans Rétrospective, l'écrivain israélien Avraham B. Yehoshua livre une belle méditation sur la création, le temps qui passe, l'amitié, la trahison et la complexité des âmes. Rétrospective, le nouveau roman de Yehoshua, est tout à la fois une méditation sur la création, un voyage dans les méandres de la mémoire, une histoire d'amitié brisée et un portrait poignant - celui d'un artiste qui, à l'automne de sa vie, se demande "comment ne pas renoncer au désir pendant le peu de temps qui nous reste". Yaïr Mozes, le héros, est un vieux réalisateur israélien "au bedon rondelet" qui, au fil des années, a appris à "entretenir un conciliabule amical avec la mort". Né à Jérusalem à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il a connu la gloire tout au long de sa carrière mais il est resté un homme profondément attaché à sa liberté. Et assez lucide pour savoir qu'"un sombre abîme est tapi sous la réalité visible". S'il a tourné des films novateurs qui ont marqué ses contemporains, c'est pour déchirer le voile qui dissimule cet abîme, et "le regarder en face". Lorsque s'ouvre le roman, Mozes vient de débarquer à Saint-Jacques-de-Compostelle afin d'assister à une rétrospective de ses oeuvres de jeunesse. Une femme l'accompagne, la très secrète Ruth, une actrice elle aussi vieillissante qui fut sa muse et, peut-être, l'objet d'un amour jamais avoué. Ensemble, pendant trois jours, ils vont se nourrir de la spiritualité de la ville, remonter le temps, partager la même mélancolie, glaner des souvenirs au rythme des images qui défilent sur l'écran. Pages magnifiques, comme un pèlerinage vers soi-même dans une cité où affluent les pèlerins. Pour Yehoshua, tous ces films projetés dans une salle obscure de Saint-Jacques-de-Compostelle sont l'occasion de raconter de nouvelles histoires, d'enchâsser des récits dans son propre récit mais, aussi, de rouvrir une blessure ancienne qui continue à faire souffrir Mozes : sa rupture avec son ami Saül Trigano, son scénariste préféré, son inspirateur, son complice de la première heure. Si les deux hommes se sont brouillés, c'est à cause d'une scène, une simple scène jadis imaginée par Trigano - pour lui, elle avait une importance capitale - mais que Mozes avait imprudemment annulée dans un de ses films. Depuis, elle n'a cessé de le hanter. Et cet épisode malheureux va soudain resurgir lorsque, dans la chambre de son hôtel, il découvre un petit tableau qui reproduit très exactement la scène en question. Ce qu'on y voit, c'est une jeune femme en train d'allaiter un vieillard suppliant et enchaîné, condamné à mourir de faim dans une prison... Pourquoi ce tableau si lourd de sens - une "Charité romaine" qui inspira de nombreux peintres, de Rubens au Caravage - a-t-il été accroché dans la chambre de Mozes ? Peut-être un geste secret de Trigano, comme une promesse de réconciliation, un désir de ravauder une amitié perdue ? C'est autour de ce Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 12 mystère que se construit Rétrospective, où le cinéma et la peinture nouent des liens subtils. Et où Mozes va revisiter son passé, méditer sur son travail, s'interroger sur ses sentiments envers Ruth, dont on découvrira peu à peu le rôle qu'elle a joué au moment de sa rupture avec Trigano. Et lorsque le héros de Yehoshua rentrera en Israël, après cette parenthèse espagnole si troublante, il retrouvera un pays meurtri par la violence. Comme s'il devait affronter une nouvelle épreuve... Rétrospective est un roman superbe, polyphonique, une tapisserie dont les multiples noeuds se délient peu à peu pour dévoiler la complexité des âmes. Et pour montrer que, dans une époque tourmentée, l'espérance a le visage de la création : la confession de Mozes se referme sur un éloge du rêve, avec un invité surprise, le vieux Don Quichotte qui surgit soudain des limbes afin d'offrir à ce récit sa part de rédemption. La mariée libérée Yohanan Rivline, orientaliste de renom et membre du département d'études moyen-orientales de l'université de Haïfa, est convaincu que le divorce de son fils Ofer cache un secret. Il y a plus de cinq ans que sa femme Galia l'a répudié, après à peine douze mois de mariage, et Ofer n'a toujours pas surmonté son chagrin. Pourquoi le jeune homme tient-il encore autant à elle ? Quelles sont donc les causes de toutesses souffrances ? Ignorant le calme et la sagesse de son épouse Haguit, Rivline est incapable de supporter la douleur de son fils. Et quand il apprend la mort soudaine du père de Galia, il en profite pour reprendre contact avec la famille de son ex-belle-fille. Commencent alors visites et enquêtes dans la propriété du défunt, un hôtel à Jérusalem, où la sœur de Galia, la sombre Tehila, a repris les choses en main. Mais Yohanan Rivline ne réussira pas à résoudre seul le mystère. Ce sont les Arabes, craints mais respectés, qui vont lui venir en aide. Il rencontre Rashed, le chauffeur-messager, et Fouad, le majordome-poète, qui s'efforceront de rendre justice au malheureux Ofer. En nous guidant au cœur de l'histoire d'une famille, A. B. Yehoshua explore les désirs, les sentiments profonds et les secrets des âmes. La Mariée libérée est aussi une saisissante allégorie du destin de deux peuples, et confirme encore une fois la maîtrise narrative et poétique de l'auteur, un des romanciers majeurs de la littérature mondiale. L'Année des cinq saisons Molkho a pris soin de sa femme atteinte d'un cancer avec un dévouement rare. Lorsqu'elle meurt, leurs enfants sont grands et il se retrouve libre. Du moins le croit-il. Elle le dominait, était à l'origine des décisions importantes et Molkho a du mal à reprendre pied dans la vie. Ses diverses tentatives pour avoir des aventures féminines le mèneront à des situations parfois abracadabrantes et se solderont par des échecs. Il faudra que cinq saisons se passent, qu'une deuxième mort survienne, pour que Molkho sente qu'il est prêt enfin à assumer sa véritable liberté. L’Amant Un jeune homme arrive un jour dans la vie d'un couple de Haïfa, et, par sa présence, lui rend la chaleur qu'il avait perdue. Au-delà des barrières morales, Gabriel devient, en même temps que l'amant de l'épouse, celui qui, avant tout, donne et provoque l'amour. C'est pourquoi, lorsque la tourmente de 73 va l'emporter dans les sables du désert, Adam, le mari, partira lui-même à la recherche de cet amant-là. Mais le garçon, pris au piège d'une guerre dont il ne ressent pas les motivations profondes, a disparu. Est-il mort, a-t-il déserté ? L'amour salvateur viendra aussi d'une autre source : Naïm, le jeune ouvrier arabe du garage que possède Adam, dont le coeur, comme celui de Dafi, fille du couple, sait avec une sagesse d'adulte triompher des conflits ancestraux. Et tenter de retrouver des racines que tous croient perdues. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 13 Kaniuk, Yoram Yoram Kaniuk, n né à Tel Aviv en 1930, est un écrivain n israélien, peintre, journaliste, et critique de théâtre. Son père, Moshe Kaniuk, fut le premier conservateur du musée d'arts de Tel Aviv. Son grand grand-père, père, professeur d'hébreu, faisait ses propres manuels. La mère de Kaniuk, née à Odessa, était aussi ensei enseignante. gnante. Sa famille émigra en Palestine en 1909, année de la fondation de Tel Aviv, et s'installa à Neve Tzedek. À 17 ans, Kaniuk rejoignit le Palmach, littéralement « unité de choc »), une des forces paramilitaires juive sioniste de Palestine mandataire qu quii mena ses activités sur une période s'étendant de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'indépendance de l'État d'Israël. Kaniuk épousa Miranda, une chrétienne. Il a obtenu en octobre 2011 que le Ministère de l'Intérieur israélien change son statut de relig religion ion « de juif » à « sans religion » parce qu'il estime que le judaisme en israël est aujourd'hui synonyme de racisme. Kaniuk a publié 17 romans, un mémoire, sept recueils de nouvelles, deux livres d'essais et cinq livres pour des enfants et la jeunesse. SSes es livres ont été publiés dans 25 langues et il a gagné des nombreux prix littéraires. Une conférence internationale consacrée aux œuvres de Kaniuk a été tenue à l'Université de Cambridge en mars 2006. 1948 Yoram Kaniuk interroge ici le jeune homme qu'il a été en 1948, survivant d'une guerre (la guerre d'Indépendance) qui relève davantage de Charlot soldat que du récit héroïque. À partir d'anecdotes où l'horreur côtoie le burlesque, l'écrivain compose un puzzle inédit. D Dans ans une écriture à la fois jaillissante et contrôlée, il retrouve son regard d'adolescent perplexe jeté dans la bataille avec, pour tout entraînement, quelques bains de mer glacés. Témoin privilégié d'événements qui le dépassent, d'un conflit où rien n'a éété té réglé malgré le prix humain démesuré qu'il exige encore, Yoram Kaniuk ne cherche ni à justifier ni à condamner. Magistralement, avec beaucoup de subtilité, en évoquant un conflit vieux de plus de soixante ans, l'écrivain nous parle d'aujourd'hui. Au fond fon de chaque description de ces combats d'où nul n'est ressorti vivant, c'est l'inanité de toutes les guerres qui nous prend à la gorge. À la vie, à la mort Enterrement sans cadavre, oraison joyeuse, ce livre s'ouvre sur la renaissance de Yoram Kaniuk, qui, après une opération chirurgicale (réussie !), est resté plusieurs semaines dans le coma. De cette expérience, dont il veut garder ou inventer la conscience, l'écrivain a tiré un récit halluciné, où ses défunts parents côtoient les héros de ses romans et où se profile le jeune homme beau et téméraire qu'il a été. Les yeux brillants de malice et d'intelligence, il se peint sans concession, touche à l'intime en évitant tout voyeurisme malsain, narre des situations si terribles qu'elles en deviennent cocasses. coca Mais pour un homme qui, comme lui, a combattu en 1948, la grande histoire n'est jamais loin, et ces lignes, où il décrit la dégradation de son propre corps, ne sont sont-elles elles pas, aussi, une mise en abyme de ce qu'il ressent aujourd'hui face à son propre pays ? Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 14 Le dernier juif Prix littéraire de Fondation France-Israël Adam ressucité la Sujet d'études d'un centre spécialisé de Tel-Aviv, le héros du roman, Evenezer Schneorsohn, enregistre des cassettes sur lesquelles il témoigne de son expérience unique dans un camp de la mort : convaincu qu'il serait le seul survivant de l'holocauste, il a réussi, par un curieux phénomène d'effacement de soi, à emmagasiner dans son cerveau tout ce qui, d'après lui, constituait le savoir juif (la théorie de la relativité d'Einstein, le texte intégral des cinq livres de la Bible, une recette de cuisine...). Il est le « dernier Juif », autour duquel s'articulent tous les autres personnages de ce roman fragmenté. Récits, légendes hassidiques, témoignages, lettres viennent se greffer sur l'histoire d'Evenezer pour composer un étrange puzzle qui emmène le lecteur de Ternopol à New York, de la Galilée à Marseille, du Moyen Âge à un futur non encore vécu. Ainsi, nous suivons la correspondance du professeur Henkine avec un écrivain allemand qui n'en finit pas d'expier le rôle joué par son père pendant la guerre, les diverses activités de Boaz Schneorsohn au sein de sa lucrative entreprise de commémoration, les échecs sentimentaux et les grandes réussites agricoles de la très belle Rivka Sourka, qui, dit-on, possède le pouvoir de détourner la mort. Tous ces personnages ont un lien avec l'intrigant Joseph Reina, poète et don juan aux yeux de démon, géniteur de cent enfants qu'il a semés de par le monde. Mêlant fantastique, ironie et grotesque, cette grande fresque retrace une histoire d'Israël portée par la totale subjectivité d'un de ses acteurs privilégiés dont elle constitue l'oeuvre maîtresse. Adam Stein est un clown juif très célèbre dans l'Allemagne des années trente. Il échappe à la mort grâce à ses talents, acceptant de distraire le directeur du camp de concentration ainsi que ses coreligionnaires, afin qu'ils oublient le sort qui leur est promis. Après avoir tenté de fuir son passé dans une Allemagne où la frontière est bien trouble entre coupables et victimes, il s'installe en Israël, ayant appris que sa fille y a survécu. Mais sa mémoire ne lui laisse aucun répit et Adam commet des actes qui lui valent d'être conduit dans un Institut de réhabilitation et de thérapie, construit en plein désert du Neguev pour accueillir les survivants de l'Holocauste. Dans une langue baroque et brillante, Adam ressuscité décrit le fracas d'une conscience dont les accès de folie absolue sont ponctués de grands moments de clairvoyance. Adam Stein tente désespérément de jouir de l'existence et d'en saisir le sens après que le tragique a brouillé tous les repères. Mais a-t-on encore le droit de vivre quand on a laissé conduire à la mort femmes et enfants? Quel destin peut connaître un pays, Israël, qui naît de l'agrégation de tant de douleurs? Une vision infernale dont on ne sort pas indemne. Le dernier Berlinois Après avoir refusé pendant de nombreuses années d’entrer sur le territoire allemand, l’Israélien Yoram Kaniuk s’est un jour décidé à partir sur les traces de son père, grand admirateur de l’Allemagne qu’il avait été contraint de quitter au début des années trente. A la recherche de cette vie intellectuelle d’avant-guerre que son père n’a cessé de pleurer, plein de nostalgie, à Tel-Aviv, Yoram Kaniuk se promène, observe, rencontre des Allemands célèbres (Heinrich Böll, Günter Grass) lorsqu’il est invité à des débats littéraires, anonyme, lorsqu’il déambule au hasard des rues et nous fait part de ses étonnements, de ses émotions et de ses révoltes. De Bonn à Munich, Potsdam, Lubeck et Dresde, il construit un puzzle à partir d’anecdotes, de réflexions, de règlements de comptes avec certains de ses interlocuteurs allemands. Sa vision subjective est un des grands intérêts de ce témoignage à fleur de peau qui, imprégné d’un présent plein d’angoisse, recherche sur les routes d’Allemagne un dialogue jugé impossible entre un passé de toute façon détruit et un avenir encore sous le coup d’une relation non apaisée entre Juifs et Allemands. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 15 Mes chers disparus Alors qu'il se trouve dans une chambre d'hôtel, à Stockholm, le narrateur (Yoram Kaniuk) apprend le décès de sa mère, à Tel-Aviv. Seul, loin de tout ce qui lui est cher, il décide néanmoins de ne pas rentrer chez lui pour l'enterrement. Et c'est dans la solitude de cette ville nordique qu'il va vivre la semaine de shiva (les sept jours de deuil imposés par la religion juive à tous les proches d'un disparu) au cours de laquelle il va laisser ses souvenirs ressurgir... Souvenirs d'une famille juive d'Israël, immigrée d'Allemagne dans les années vingt; souvenirs d'une mère aimée et haïe, insupportable et pathétique, dont la mort tire de la tombe Moshé, le père, un homme froid, intransigeant et digne. De Tel-Aviv aussi, la grande ville-mère, décrite en filigrane comme un amalgame de cultures, de coutumes, de façons de concevoir la foi religieuse ou de la nier. Ces souvenirs épars, évoqués sur le ton d'une ironie aigre et corrosive et avec une cruauté impitoyable, finissent par constituer un véritable témoignage de réalités israéliennes volontairement ignorées. Règlement de compte lucide, ce tableauconfession, brossé avec une grande sobriété, dans une écriture dense et violente, a la force de la douleur. Il commanda l’Exodus Prix littéraire Méditerranée (2000). France Prix Bialik. Israël Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers de juifs rescapés du Génocide, rejetés de toutes parts, s'entassèrent dans des bateaux de fortune et quittèrent l'Europe pour se diriger vers la seule terre qui semblait leur offrir un futur, la Palestine, sous mandat britannique et qui leur était officiellement interdite. Un jeune homme de vingt-sept ans originaire de Jérusalem, Yossi Harel, assuma la responsabilité de commander, avec une audace frôlant l'inconscience, quatre de ces bâtiments, parmi lesquels le tristement célèbre Exodus. Il organisa l'aménagement de ces véritables épaves, négocia l'acheminement des réfugiés qui devaient parfois traverser plusieurs frontières avant d'atteindre les ports de départ, supervisa les embarquements, veilla à maintenir le moral des passagers en dépit des conditions déplorables auxquelles ils étaient soumis, allant jusqu'à créer à bord des comités culturels et un orchestre, avec toujours le même dilemme : jusqu'à quel point s'opposer aux Britanniques pour ne pas risquer de transformer ces survivants en chair à canon? Yoram Kaniuk, auditeur privilégié de Yossi Harel, nous raconte l'histoire de cet homme hors du commun. Document exceptionnel dans la mesure ou Yossi Harel, aujourd'hui âgé de quatrevingts ans, n'avait jusqu'ici jamais accepté de se livrer, ce récit est aussi celui de ces hommes, de ces femmes, et surtout de ces enfants qui ont constitué l' "immigration parallèle ou clandestine" et dont l'épopée contribua à la fondation de l'Etat d'Israël. Note : Yossi Harel, né Yossef Hamburger le 4 janvier 1918 à Jérusalem et mort le 26 avril 2008 à Tel Aviv, fut le capitaine du bateau Exodus et un membre de la communauté israélienne du renseignement. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 16 Keret, Etgar Écrivain, auteur de bandes dessinées, cinéaste et acteur, Etgar Keret est né à Tel-Aviv en 1967. Il est en Israël l'un des auteurs les plus populaires de sa génération. Il commence à écrire en 1992, et son œuvre littéraire est principalement composée de nouvelles. Ses romans, traduits dans plus de vingt-cinq langues, ont été accueillis avec enthousiasme à l’échelle internationale et publiés en France par Actes Sud. Certaines de ses nouvelles ont aussi été adaptées au cinéma et au théâtre. Lauréat de nombreux prix littéraires, il a également reçu les honneurs du ministère de la Culture Israélien. Il est actuellement conférencier au département du film à l’université de Tel Aviv. Puisant son inspiration dans les œuvres de Kafka, Etgar Keret transmet à travers ses récits courts et percutants sa vision de la société israélienne, refusant toute dimension politique. Récemment : Un homme sans tête (2005), Pipelines (2008) et Au pays des mensonges (2011). Il a réalisé le film Les Méduses avec son épouse, Shira Geffen. Ils ont un enfant ensemble. Pipelines Paru en 1992, Pipelines, signait l'entrée fracassante, sur la scène littéraire israélienne, d'un écrivain qui s'imposait d'emblée comme un inventeur de formes capables de traduire, à l'intention de générations nouvelles, un monde à tous égards entré en mutation et qu'ébranlaient, en Israël comme ailleurs, de violentes et multiples convulsions. Si les textes qui composent Pipelines portent l'empreinte d'un surréalisme métaphysique qui rappelle Kafka ou Gombrowicz, et si y transparaissent les liens que Keret entretient avec la culture de l'Europe centrale, la vigueur et la maîtrise qui les caractérisent en font des créations puissamment originales. Composées comme en apnée, ces vignettes avec personnages, traçant des lignes de fuite aussi déviantes qu'insolites, sont en effet autant de fragments prélevés sur le réel dans un geste créateur d'une audace formelle qui métamorphose sur-le-champ le monde en objet d'inattendue méditation. En usant de vertigineux changements de focale, l'écriture d'Etgar Keret opère à chaque instant un déplacement nécessaire, jubilatoire et libérateur, où se dévoile le scandaleux visage d'une sagesse aussi inédite qu'authentique. Un homme sans tête et autres nouvelles Le titre est énigmatique et laisse perplexe : Un homme sans tête. Mais de qui parle-t-on? On découvrira vite au cours des trente-quatre nouvelles qui constituent ce recueil que celui-ci s’adresse à tous. Vous, moi, nous, chacun trouve ici son portrait dessiné au travers de ces nouvelles quelquefois très brèves mais d’autant plus percutantes : naïveté enfantine et troublante lucidité. Sur le thème de la déception et du mensonge, ce recueil qualifié de « doux-amer » mélange une fantaisie dérangeante et une réalité impitoyable. Avec un style contemporain et minimaliste comme à son habitude, Etgar Keret flirte avec le surréalisme. C’est au travers de ces morceaux, anecdotes de la vie quotidienne qu’il nous conte la société israélienne. Ayant découvert très jeune la cruauté du monde des adultes, il est inquiet pour le présent et le futur de son pays qu’il souhaiterait voir enfin en paix, une société israélienne instable qui remet en cause des questions simples telles que l’amitié, l’amour, la vie tout simplement. Chaque histoire nous procure une forte émotion, la délicatesse et la subtilité se mêlent avec la folie, et la naïveté enfantine avec une troublante lucidité. Qu’ils soient grands ou petits, tous les personnages sont à la recherche du bonheur, et s’interrogent sur leur propre identité. Néanmoins, ils devront faire face à des difficultés sans issue : la méchanceté des uns envers Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 17 les autres, la non communication au sein des couples, des familles ou entre amis, la dureté du jugement social, les femmes et les hommes réduits à de simples objets de consommation sexuelle, etc. Le lecteur est rapidement emporté dans l’errance des personnages, de ces antihéros, la terreur et l’humour sont les maîtres mots. Crise d'asthme Minimalistes, fantastiques, provocateurs, ces quarante-huit " textes-clips " d'Etgar Keret sont autant de plongées dans un univers littéraire inédit. Écrits en état d'urgence, le souffle coupé, ils se jouent de la vraisemblance, font exploser les représentations attendues, brouillent les pistes, et leur brièveté redoutable ne les rend que plus aptes à embrasser l'inquiétante absurdité d'un monde à la dérive. L'écrivain israélien le plus insolent et le plus salutaire de sa génération a inventé en littérature une écriture fort singulière : celle de la violence instantanée, quotidienne qu'accompagne toujours son antidote - une poignée de valeurs sans lesquelles notre planète finira par tourner sans nous. Au pays des mensonges Raconte-moi une histoire ou je te tue. Raconte-moi une histoire ou je meurs. Ainsi commence le nouveau recueil d'Etgar Keret : sous la menace de notre soif vitale d'histoires pour tenir le coup dans notre drôle de monde, où l'envers et l'endroit se rejoignent sans cesse pour le pire et le meilleur, comme dans un anneau de Möbius. Au fond d'un trou où vivent les personnages de nos mensonges; dans un quartier de riches où un soleil digital brille toute l'année; chez Serguei dont l'ami le plus précieux est un poisson d'or dont il refuse de gaspiller les pouvoirs magiques; dans un restaurant sur le point de faire faillite où débarque une horde de Russes équipés de leur piquenique; chez une jeune femme qui, deux ans après un mariage blanc, doit identifier le cadavre d'un mari qu'elle a à peine connu; dans une histoire que le lecteur peut poursuivre ou quitter à sa guise en attendant le livre qui pourrait se transformer en "animal à la fourrure agréable au toucher"; dans une poche de pantalon qui contient tout ce qu'il faut pour ne pas louper le coche en cas de bonheur. Ainsi de suite, pendant trente-neuf nouvelles, comme autant d'exercices salutaires pour apprendre à lire autrement la vie, la solitude, la mort, la violence. Etgar Keret a grandi et son art si singulier de la nouvelle aussi. Toujours plus audacieux, mais plus métaphysique encore, plus proche du coeur violent et solitaire de son lecteur, son frère. Impressionnant de maturité. La colo de Kneller Ils sont jeunes pour la plupart, ils ont tous mis fin à leurs jours, par désespoir ou par inadvertance, suite à un chagrin d'amour ou à une overdose, chez eux ou pendant leur service militaire, et les voici rassemblés en un lieu néodantesque qui ressemble étrangement au monde auquel ils avaient décidé de tirer pour de bon leur révérence. Hayim est à la recherche d'Erga, dont il était amoureux de son vivant. Tel Orphée en quête d'Eurydice, il parcourt ces enfers d'un nouveau genre pour retrouver la jeune fille, croisant en chemin toutes sortes de suicidés, jeunes âmes en peine errant en ce purgatoire où elles ne veulent rien purger et dont certaines reviendraient bien volontiers, ayant parfois quitté l'ici-bas sans vocation particulière. Ce bref et singulier texte où l'humour le dispute à la mélancolie se lit d'une traite, dans la plus grande jubilation, dans la plus profonde inquiétude. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 18 Shalev, Meir Meir Shalev est né en 1948 à Nahalal, marié et père de deux enfants, il vit aujourd’hui à Jérusalem. Il est grièvement blessé pendant la guerre des Six Jours en 1967. Après des études d'art et de psychologie à l'Université hébraïque de Jérusalem, il travaille comme journaliste et auteur pour la radio et la télévision. Il est également chroniqueur régulier de journaux et de magazines. Parallèlement, il est l'auteur d'essais, de romans et d'ouvrages pour enfants. Il a notamment publié Le baiser d'Esaü, Que la terre se souvienne, Pour l'amour de Judith et La meilleure façon de grandir. Ses quatre romans ont été traduits dans plus de vingt langues. Shalev est un auteur romantique malgré l'ironie avec laquelle il traite ses héros rêveurs et visionnaires. Ces derniers sont des dons Quichottes de l'amour qui échouent dans leurs tentatives de concrétiser leurs rêves. Que la terre se souvienne Dans les premières années de ce siècle, des pionniers venus de Russie s'installent en Galilée, dans la vallée de Jezréel, où ils commencent à défricher une nouvelle terre, une nouvelle vie. Ainsi naît l'histoire, déjà devenue légendaire, des origines d'Israël. Le narrateur de ce roman n'a pas connu cette époque. Mais Yaakov, son grand-père adoptif, maintenant enterré dans le cimetière qu'il entretien, lui a tout raconté, faisant de lui, selon sa propre expression, un tonneau d'histoires... Et c'est une prodigieuse aventure où la réalité côtoie le mythe, où se mêlent à chaque page l'humour et le lyrisme, le tragique et le dérisoire, qui revit au long de cette saga épique, foisonnante, inspirée, bestseller en Israël et traduit dans de nombreux pays. Un tableau extraordinaire de vie se dégage de ce livre, lourd d'émotion et riche en couleurs. Le pigeon voyageur - Prix Brenner, la plus haute distinction littéraire d'Israël « Les pigeons, qui se croisèrent très probablement en chemin, arrivèrent et se posèrent. Leur gorge lustrée battait très fort. La Fillette et le Bébé, chacun de l'endroit où ils se trouvaient, défirent les fils de soie qui reliaient les plumes aux queues puis firent un pas sur le côté pour lire les mots qui leur étaient destinés. Comptés et laconiques comme il se doit en colombophilie : oui-oui-oui-oui. Oui, nous nous aimons; oui, nous nous manquons; oui, nous n'oublions pas; oui, nous nous souvenons. » Yair est guide touristique en Israël. Au cours d'une excursion près de Jérusalem, un Américain lui raconte ses souvenirs de la guerre d'Indépendance de 1948 et la tragédie qui toucha un jeune homme surnommé « le Bébé ». Or, Yair connaît cette histoire : celle de l'amour qui unit deux enfants, bientôt deux adolescents, passionnés de colombophilie... Ma Bible est une autre Bible Si la Bible est le livre le plus lu et commenté au monde, elle pourrait encore nous réserver des surprises! Car l'écrivain israélien Meir Shalev éclaire ce formidable répertoire d'histoires d'un regard neuf, impertinent et drôle. Comment Moïse combattit-il l'opposition? Qui était vraiment la reine de Saba? A quelles méthodes commerciales eut recours Abraham pour acheter la grotte de Makhpélah? Dans son essai, Ma Bible est une autre Bible, Meir Shalev puise dans ce formidable répertoire d’histoires qu’est la bible pour les éclairer d’un regard neuf, impertinent et drôle. Au fil des intrigues, tant politiques qu’amoureuses, Meir Shalev fait apparaître la bible comme le creuset des passions humaines et ces personnages, vieux de quelques millénaires, semblent soudain étonnamment proches et nous invitent à percevoir autrement le monde qui nous entoure. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 19 Pour l’amour de Judith « Le poulailler a brûlé, et l'albinos est venu, et Tonia Rabinovitch s'est noyée, et ta mère Judith est arrivée, Rebecca est partie, les canaris se sont envolés, Zeidé est né, l'ouvrier est arrivé, Judith est morte, et Jacob est resté. Quoi de plus simple ? Ça se passe toujours comme ça à la fin de tout amour. Le début est toujours différent, et la suite toujours une complication, mais la fin est toujours tellement simple et tellement la même chose. A la fin, il y a toujours celui qui vient et celui qui s'en va, et celui qui meurt et celui qui reste. » Zeidé ne sait lequel des trois hommes qui ont courtisé sa mère défunte, Judith, est son véritable père : Moshé, le fermier veuf et taciturne, Globerman, le marchand de bestiaux cynique et généreux ou le romantique éleveur de canaris, Jacob Scheinfeld, qui le convie cérémonieusement à des repas initiatiques. Les aventures picaresques se succèdent dans ce petit village de la vallée de Jezréel, riches d'anecdotes et de personnages truculents. La nature omniprésente, tour à tour maternelle et sauvage, bouscule le calcul des hommes : l'adage selon lequel " l'homme échafaude des plans et Dieu en rit " donne progressivement tout son sens à cette mosaïque de vies guidées par les jeux du hasard et du destin. La verve jubilatoire de l'écrivain où se mêlent la cocasserie, la sensualité et la tendresse est portée par la magie d'une écriture éblouissante. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 20 Lapid, Shulamith Écrivaine de nationalité israélienne, né(e) à Tel-Aviv en 1934. Après des études de langues orientales à l'Université hébraïque. Ancienne présidente de l'association des écrivains hébreux, auteur de nouvelles (Le Silence des sots, 1974) et de romans historiques, surtout sur la deuxième vague d'immigration (Gai oni, 1982). Précurseur du roman policier israélien, elle composa une série d'ouvrages dont l'intrigue se situe à Beer Sheva, pour aborder la vie d'une couche sociale éloignée des grandes villes, mais au centre de la société israélienne (Notre correspondante à Beer Sheva; Alerte à Beer Sheva; le Bijou;Sable dans tes yeux). Les marginaux sont au centre d'un autre roman, Chez Babou (1998). Romancière, nouvelliste, dramaturge, elle a écrit depuis 1984 quelques-uns des meilleurs thrillers psychologiques israéliens. Elle a reçu le prix du Premier Ministre de Littérature en 1987, le International Theater Institute Award en 1988, le German Krimipreis en 1996 et le prix Newmann. Fania ou Le village sur la colline Violée, ses parents massacrés, Fania Mandelstam, seize ans, fuit la Russie tsariste et ses pogroms. Elle se retrouve en Palestine avec, pour toute fortune, un bébé de quatre mois, un oncle poète et un frère fou. A Jaffa, elle fait connaissance d'Ezéchiel. Ensemble, ils s'installeront à Gai Oni, sur une colline de Galilée. Là, malgré la sécheresse, la famine, la misère, la lutte quotidienne des pionniers pour survivre, Fania va découvrir peu à peu le bonheur d'aimer et la joie, irremplaçable, d'avoir. une terre à soi. Première saga israélienne, Fania ou Le village sur la colline est un livre passionnant, bouleversant, et son héroïne, femme de caractère, est inoubliable. Tempête sur Beershéva Une tempête de sable comme Beershéva n'en a pas connu depuis des dizaines d'années vide les rues de la ville. Bravant les éléments déchaînés, la journaliste Lisie Badikhi décide de se rendre sur le site d'une usine de textile occupée, depuis l'annonce de sa fermeture, par les ouvriers licenciés. Elle trouve le lieu déserté, mais, s'aventurant jusqu'à l'autobus désaffecté qui tient lieu de logis à un vieil original surnommé le Prophète, elle découvre ce dernier agonisant dans une mare de sang. Peu après, l'un des policiers de l'équipe d'investigation dépêchée d'urgence déterre non loin de là le cadavre d'un inconnu. Un appel d'offres tronqué, un investisseur mystérieux, des querelles familiales entre les propriétaires de l'usine, le comportement étrange d'un politicien véreux, la présence énigmatique de Luba, jeune et belle immigrante russe qui prétend avoir été abandonnée par son mari, ou encore des empreintes digitales brouillées, autant de points obscurs que Lisie, parallèlement à ses deux beaux-frères policiers, va tenter d'éclaircir au péril de sa vie. Cette nouvelle enquête de Lisie Badikhi, en nous introduisant dans le milieu industriel de Beershéva, met en lumière les changements économiques qui vont (ou ne vont pas) résulter des accords de paix, ainsi que l'évolution de la société israélienne. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 21 Alerte à Beershéva Alors qu'Israël vit dans la terreur des missiles irakiens - on est en pleine guerre du Golfe -, l'inspecteur Rozen et sa maîtresse, Tami Simon, une brillante femme d'affaires, sont assassinés devant l'une des plus riches propriétés de Beershéva, capitale du Néguev. Quelle n'est pas la surprise de Lisie Badikhi, la journaliste, de trouver le «mort» sur son canapé en revenant de l'enterrement. Un scoop de premier ordre! À condition de l'aider à trouver l'assassin. Commence une passionnante enquête sur fond de trafic international oeuvres d'art, logiciels militaires -, cependant que tout un pays, au jour le jour, vit entre les abris, les masques à gaz et les écoles fermées. Cela fait plusieurs années que Shulamit Lapid s'est imposée, en Israël, comme une championne du thriller psychologique. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 22 Oz, Amos Amos Oz, né Amos Klausner à Jérusalem le 4 mai 1939, est un écrivain, romancier et journaliste israélien. Il est également professeur de littérature à l'Université Ben Gourion de Beer-Sheva. Amos Oz est le cofondateur du mouvement La paix maintenant et l'un des partisans les plus fervents de la solution d'un double État au conflit israélo-palestinien. Amos Oz, sioniste de plus en plus séduit par la gauche, rejoignit le kibboutz Houlda à l'âge de quinze ans. C'est à cette époque qu'il adopta le nom d'«Oz» qui signifie « force » en hébreu. Amos Oz est né à Jérusalem, où il grandit rue Amos, dans le quartier de Kerem Avraham. Ses parents Yehuda Arieh Klausner et Fania Musman étaient des immigrants sionistes d'Europe de l'Est. Son père avait étudié l'histoire et la littérature à Vilnius, en Pologne (actuelle Lituanie) et était devenu bibliothécaire et écrivain à ses heures perdues à Jérusalem. Sa grand-mère maternelle possédait un moulin à Rivne, en Pologne de l'Est (actuelle Ukraine), mais était venue à Haïfa en 1934. De nombreux membres de la famille d'Amos Oz s'inscrivaient dans le courant du sionisme révisionniste. L'oncle de son père, Joseph Klausner, fut candidat du Hérout à la présidence de l'État d'Israël contre Chaim Weizmann et tenait la chaire de littérature hébraïque à l'Université hébraïque de Jérusalem. Amos et sa famille entretenaient une certaine distance à la religion dont ils méprisaient l'irrationalité. Oz a écrit 18 ouvrages en hébreu, et près de 450 articles et essais. Ses œuvres sont traduites en trente-neuf langues différentes. Il a obtenu quelques-uns des prix les plus prestigieux de son pays et à l'international : le Prix Israël de littérature en 1998, lors du cinquantième anniversaire de l'indépendance d'Israël ; e Prix Goethe de la ville de Francfort en 2005 ; le Prix Prince des Asturies en 2007 ; le Prix Heinrich Heine de la ville de Düsseldorf en 2008 ; le Prix Ulysse en 2008 et le Prix Méditerranée en 2010. Une histoire d’amour et de ténèbres «Tu veux jouer à inventer des histoires ? Un chapitre chacun ? Je commence ? Il était une fois un village que ses habitants avaient déserté. Même les chats et les chiens étaient partis. Et les oiseaux aussi.» Le petit garçon qui joue ainsi à inventer des histoires à la demande de sa mère est devenu un grand romancier. Sa mère n'est plus là, mais il tient malgré tout à poursuivre le récit de l'existence tumultueuse de sa famille et de ses aïeux. Son récit quitte donc le quartier modeste de Jérusalem où il est né, remonte le temps, retourne en Ukraine et en Lituanie, et fait revivre tous les acteurs de cette tragi-comédie familiale, qu'ils soient prophète tolstoïen, séducteur impénitent, mauvais poète, kibboutznik idéaliste, ou vrai savant. Leurs vies sont parfois broyées par la grande Histoire, l'Europe les rejette, l'Orient se montre hostile et toujours marquées par leurs propres drames intimes, illusions perdues et rêves avortés. Au cœur d'une narration riche, d'une ampleur et d'une puissance romanesque jusque-là inconnues dans l'œuvre d'Amos Oz, la disparition tragique de la mère demeure la question à laquelle ce roman cherche une réponse. Une histoire d'amour et de ténèbres est un livre bouleversant où l'histoire d'un peuple et la vérité d'un homme se confondent. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 23 Comment guérir un fanatique La question du fanatisme obsède notre monde contemporain. Nos sociétés occidentales, à tort ou à raison, ont l'impression de devoir combattre un ennemi invisible, car sous la forme paroxystique du terrorisme, le fanatisme frappe, au nom d'une foi ou d'une idée, sans que nous sachions comment répondre à cette agression de notre mode de vie et de nos modèles de société. Le Proche-Orient peut se prévaloir d'une tragique longueur d'avance en ce qui concerne les fanatismes de toute sorte. Amos Oz a toujours été un spectateur engagé de l'histoire de son pays et de sa région, et dans les trois textes rassemblés ici, dont l'un a déjà été publié sous le titre « Aidez-nous à divorcer ! », il tente un début de réponse face à ce défi. A partir de souvenirs personnels, voire d'anecdotes, il engage une réflexion non seulement sur le conflit israélo-palestinien, mais aussi sur la nécessité de comprendre l'autre, de se mettre à sa place, puis sur les vertus du compromis, de l'humour. En écrivain, et non en politicien ou sociologue, Amos Oz réfléchit au pouvoir des mots, du rire, de la fiction, comme remède au fanatisme, et nous fait le cadeau d'une stimulante contribution au débat actuel. Seule la mer Albert Danon est seul. Sa femme Nadia vient de mourir d'un cancer, et son fils Rico est parti pour le Tibet. Bettine, une vieille amie, veuve elle aussi, s'inquiète pour Albert. Surtout lorsque Dita, la petite amie de Rico, emménage chez lui. Un certain Doubi Dombrov veut produire le scénario de Dita, mais il veut surtout Dita. Qui couche avec Guigui, en pensant à Albert, ou à Rico. Qui pense à sa mère, et ne veut pas rentrer du Tibet. Un chassécroisé de voix et d'histoires que le narrateur, affranchi de toute contrainte formelle, tisse, tout en nous parlant de lui, en un poème bouleversant qui se lit comme un roman - ou est-ce un roman qui se lit comme un poème?- pour serrer au plus près la quintessence de nos vies, le désir, la nostalgie d'un bonheur perdu, la mort qui nous cueille. L'ouvrage est étonnant de par sa forme : Seule la mer est un roman composé de multiples poèmes qui racontent une histoire. Cet ouvrage est un long poème. Ce long poème est un roman. Les deux morts de ma grand-mère et autres essaies Les deux morts de ma grand-mère, d'Amos Oz, regroupe une douzaine d'extraits d'interviews, d'essais, de discours... Le thème le plus récurrent est l'interrogation sur l'identité juive et israelienne, sa culture, ses contradictions, ses complexes et ses paradoxes. Oz manie extrèmement bien l'art du paradoxe qui émaille quasiment toutes ses analyses, notamment celle du film Shoah de Lanzmann et celle du texte qui a donné son titre au recueil. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 24 L’histoire commence Une page planche, un début de roman. Comment démarrer une histoire ? Comment trouver les premiers mots et entraîner le lecteur avec soi ? Lire un roman est un jeu qui exige la participation active du lecteur, avec son expérience, sa candeur, sa perspicacité, son ingéniosité. Les contrats introductifs jouent parfois à cache-cache, manquent à leur promesse, la tiennent inopinément, invitent à entrer dans un labyrinthe... Il faut savoir déjouer les pièges, lire entre les lignes. C'est dans cet univers d'incipit de grands romanciers comme Kafka, Gogol, Gabriel Garcia Marquez, Tchekhov, Theodor Fontane et bien d'autres encore qu'Amos Oz nous entraîne avec L'histoire commence, véritable introduction à l'apprentissage de la lecture au ralenti. La colline du mauvais conseil Recueil de trois nouvelles, La colline du mauvais conseil évoque l'atmosphère de Jérusalem, peu avant la fin du mandat britannique. 1947. Aux derniers jours du mandat britannique en Palestine, Jérusalem se demande ce que sera l'avenir. Chaque destinée rencontre l'Histoire à la croisée des chemins... La femme d'un vétérinaire, lassée par la rude vie de la Terre promise, s'enfuit avec un amiral. Un garçon de huit ans, narrateur du livre, rêve d'entrer dans les conspirations tramées contre l'occupant anglais. Un médecin, à l'approche de la mort, écrit à sa maîtresse ce qui lui dictent la mémoire, le doute et l'espérance. Le grand romancier israélien, prix Femina étranger 1988 pour la Boîte noire, nous entraîne aux sources d'une histoire brûlante, dans ce qui forge la conscience et l'identité d'une nation. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 25 Shahar, David David Shahar, né le 17 juin 1926, sous le mandat britannique à Jérusalem, et mort le 2 avril 1997 à Paris, est un écrivain israélien. Il était un authentique « sabra », puisque il était issu d'une famille installée depuis cinq générations à Jérusalem. Lieutenant dans l'armée, il participe à toutes les guerres israélo-arabes, y compris celle du Kippour où, d'une mission sur le front égyptien, il rapportera le projet de son grand roman, L'Agent de Sa Majesté (1979). Il ne quitte Israël pour la première fois qu'à l'âge de trente-sept ans pour un séjour de deux ans à Paris. À cette date (1963), il a déjà publié dans son pays deux recueils de nouvelles et un roman Lune de miel et d'or (1959), lequel soulève un tollé car il ose y braver certains tabous de la société d'alors : prééminence du kibboutz, primauté du réalisme pratique sur l'art, etc. Shahar a parfois été qualifié à tort de Juif antireligieux. Mais ce n'est pas la religion qu'il attaque, ni même l'orthodoxie juive, mais seulement une certaine conception du judaïsme. Ce que Shahar reproche à une certaine idée du judaïsme, c'est d'avoir fait sienne la dichotomie d'origine chrétienne du corps et de l'âme, de l'esprit et de la matiè A la fin des années 60, David Shahar entreprend ce qui va constituer son grand-œuvre, le Palais des vases brisés, une fresque tentant de recréer la vie quotidienne à Jérusalem des années 20 et 30. A partir de 1969, ont paru successivement Un été rue des prophètes, Un voyage à Ur de Chaldée, le Jour de la comtesse (Prix Médicis étranger 1982), Ningal, le Jour des fantômes, les Marches du palais, et l'ultime volume, la Nuit des idoles .Le Palais des vases brisés est publié en 7 tomes de 1978 à 1997. Un été rue des prophètes - Le Palais des vases brisés I Jérusalem d'avant la Seconde Guerre mondiale revit grâce à un narrateur à la recherche du temps perdu. Les « vases brisés » sont sans doute ceux du palais de la mémoire : ils sont aussi ceux, très réels, qui servaient à tirer l'eau du puits de la maison d'enfance. Ils font enfin allusion à une idée théosophique audacieuse : la « brisure des vases » est un accident cosmologique dû à l'abondance divine, qui expliquerait l'origine du mal. Un voyage à Ur de Chaldée Le Palais des vases brisés II Le jour de la comtesse Le Palais des vases brisés III Nin-Gal Le Palais des vases brisés IV Devant le café Gat, à Jérusalem, Gabriel David Shahar poursuit ici l'évocation de Louria joue du violon, Orita Landau la Jérusalem de sa jeunesse. De nouveaux danse, Boulos effendi invite tout le personnages prennent place, d'autres se monde au King David... C'est le dernier précisent sur la vaste fresque animée, tel «jour enchanté» que se rappelle avec le petit Sroulik dont l'auteur raconte ici la nostalgie le narrateur. Les émeutes jeunesse, les luttes, les rêves et les amours. arabes de l'été 36 éclatent la semaine suivante et, avec elles, le petit groupe d'amis. Juifs et Arabes, musulmans et chrétiens qui vivaient dans la tolérance réciproque, tous se dressent les uns contre les autres, dans un monde où, désormais, «un homme ne reconnaît plus son propre frère». Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 26 Le Jour des fantômes Le Palais des vases brisés V Les Marches du palais Le Palais des vases brisés VI La Nuit des idoles Le Palais des vases brisés VII L’agent de sa Majesté De la Seconde Guerre mondiale à la guerre du Kippour, trente ans de l'histoire dramatique du Moyen-Orient. Roman d'amour aussi, celui de Heinrich et Tamara. Drame d'un homme de qualité qu'une faille intérieure détourne toujours des chemins qui sont les siens. Plus la poésie et le sens du mystère de David Shahar. «Un livre splendide, étincelant, spirituel et important», a dit Saul Bellow, prix Nobel de littérature. Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 27 Smilansky, Yizhar Yizhar Smilansky est un écrivain et homme politique israélien né le 27 septembre 1916 à Rehovot et mort le 21 août 2006. Il est mieux connu sous son nom de plume S. Yizhar et est un grand innovateur de la littérature hébraïque moderne. Son nom de plume lui a été donné par le poète et éditeur Yitzhak Lamdan, quand en 1938, il publie la première histoire de Yizhar, Ephraïm retourne à la luzerne, dans la revue littéraire de celui-ci. Depuis lors, toutes ses œuvres sont signées de ce nom. Prémices « Mais où était ce premier endroit? Le tout premier? Car le premier endroit, sans aucune preuve, était de couleur orange ». Ainsi commence une extraordinaire plongée dans le monde d'une enfance juive en palestine, aux alentours des années vingt. Récit autobiographique, partition musicale, inventaire d'images matricielles disséquées avec la précision de l'entomologiste, ce livre - la premier en français de S. Yizhar, considéré pourtant comme le plus grand écrivain israélien vivant - exalte le monde dans sa folle complexité et retrace la saga de ces pionniers arrivés en terre promise, la Bible dans une main et les romans de Tolstoï dans l'autre. Paysans et intellectuels, socialistes, slaves transplantés en Orient, ils furent le ciment sur lequel s'édifia l'état hébreu. Pour eux, la rédemption du peuple Juif ne pouvait passer que par la terre. et c'est précisément le rythme lent, lourd, répétitif, des travaux des champs et du cycle des saisons qui sous-tend ce roman où les mots semblent retournés par le versoir de la langue. Mais la terre se montrait souvent ingrate et beaucoup finirent par la fuir pour s'installer en ville. Là, entre les émeutes et les premiers émois, le jeune protagoniste du livre vit avec intensité une autre page de la genèse d'Israël. Aussi est-ce comme l'histoire d'une double formation qu'il faut lire Prémices : celle d'un enfant et celle d'un pays. Convoi de minuit C'est au moment où s'affaiblissaient les échos de la guerre d'indépendance de 1948 que S Yizhar écrivit l'un des textes fondateurs de la littérature hébraïque, Convoi de minuit. Cette longue nouvelle catalysa en effet un débat virulent qui devait mettre plusieurs années à s'apaiser. Convoi de minuit, qui donne son titre au présent recueil, évoque le déplacement des habitants des villages arabes et leur expulsion, au-delà de la nouvelle frontière, vers des camps de réfugiés. Comme dans nombre d'écrits de S. Yizhar, la narration se nourrit de l'intensité du retentissement de l'événementiel sur l'état des personnages qui ont à y faire face. C'est par le biais, notamment, du monologue intérieur, qui permet à l'écrivain d'épouser le rythme même du doute et du questionnement, que S. yizhar prend ici en charge les affres du déchirement entre positions personnelles et souci de l'intérêt collectif face à une situation inédite et, sur un plan existentiel, d'une immense complexité. Emblématique d'une génération, ce recueil de nouvelles est à bien des égards considéré par beaucoup, en Israël, comme l'une des oeuvres les plus accomplies de S. Yizhar qui parvient magnifiquement à y exprimer toutes les tensions qui furent à l'oeuvre durant cette période, entre aspirations historiques et contingences de la vie quotidienne. Mettant au service de cette problématique une prose inspirée, S. Yizhar propose ici une authentique vision d'une époque difficile afin de renouer avec l'idéalisme qui fut le sien et auquel l'expérience de l'histoire a porté de nombreux coups. Loin de toute approche idéologique, loin de tout Atelier de création littéraire – Auteurs juifs israéliens –Camp littéraire de Baie-Comeau Préparé par Paul Parent – 23 janvier 2013 28 manichéisme surtout, c'est le plus souvent à travers d'étonnantes et sensuelles évocations de la nature que S. Yizhar parvient à serrer au plus près le caractère hautement névralgique des situations auxquelles sont confrontés ses personnages. Hirbat-Hiza ou le village détruit d’Hiza Écrit en 1949, ce roman évoque l'expulsion des habitants d'un village palestinien par les combattants israéliens pendant la guerre d'indépendance, à laquelle l'écrivain a participé. Dans ce récit emblématique, il n'y a pas de phrase qui soit innocente, même si elle paraît s'intéresser à la beauté des terres et au ciel de Palestine. HirbatHiza, écrit en 1949 par S. Yizhar, le plus grand poète en hébreu moderne du paysage palestinien, garde, soixante ans après sa publication, une actualité familière, douloureuse et dérangeante. 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