11. Motricité de l`intestin grêle
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11. Motricité de l`intestin grêle
11. Motricité de l'intestin grêle 11.1. Anatomie fonctionnelle Intestin grêle est subdivisé en 3 segments : le duodénum, le jéjunum et l'iléon. Le duodénum est la partie fixe de l'intestin grêle. La longueur de l'intestin grêle est très différente selon les espèces (fig.11.1) avec une longueur totale de l'intestin grêle de 3 m chez le chien et 30 m chez le cheval. Rien ne distingue ces 3 parties de l'intestin sur le plan physiologique et elles seront étudiées simultanément sur le plan moteur. De même, il existe une grande similitude interspécifique. Figure 11.1. Longueur de l'intestin grêle chez différentes espèces Omnivores Estomac (18 m) 29 % Carnivores (4 m) Herbivores (22 m) (3.5 m) (46 m) 11.1.1. 63 % Intestin grêle 33 % 30 % 8% 23 % Caecum 14 21 % 9% 15 % Côlon/caecum 12 % 54 % 16 % 50 % 23 % 71 % 18 % 8% Mouvement élémentaire de l'intestin grêle : la "systole intestinale" La systole intestinale est un anneau de contractions qui se déplace sur une zone préalablement relâchée de façon active (loi de l'intestin) (voir fig.10.12). Ces ondes péristaltiques peuvent parcourir des distances très variables, soit de quelques centimètres à 0.5 cm/s, soit au contraire de grandes distances (on parle de rush) de 5 cm/s sur 2 à 3 m chez le cheval. 103 Le sens de propagation est généralement oral-aboral mais il existe de nombreuses contractions antipéristaltiques chez le porc, le chien (ex. au moment du vomissement) et chez le cheval (ce qui explique les variations instantanées du pH de l'estomac). 11.2. Organisation spatio-temporelle de la motricité intestinale: les complexes moteurs migrants (CMM) L'occurrence des contractions intestinales se fait selon une organisation temporelle bien précise. Pour la décrire, nous allons prendre la situation d'un monogastrique à jeun (chien, homme) et décrire l'activité myoélectrique telle quelle est enregistrée par électromyographie en plaçant des électrodes dans la paroi intestinale (fig.11.2). Le premier type d'activité qui est enregistré est appelé onde lente (OL). Il s'agit de variations de potentiel survenant de façon rythmique sur l'ensemble de l'intestin grêle (voir chapitre 10). Cette activité a pour origine les cellules de Cajal et la fréquence présente un gradient duodéno-iléal avec une fréquence duodénale de 16-19/min et de 12-15/min au niveau iléal. Toutes les zones de l'intestin peuvent générer ces OL mais les zones en amont jouent le rôle de pacemaker vis-à-vis des segments situés en aval ce qui fait que la diminution de la fréquence n'est pas progressive mais qu'elle se fait en marches d'escalier (il y a des points de rupture lorsque les fréquences intrinsèques entre deux segments intestinaux sont trop différentes, ce qui interdit le couplage amont/aval) (voir fig. 10.8). Ces OL sont générées en permanence, que l'animal soit à jeun ou non, et elles n'ont aucun rôle mécanique. Elles sont nécessaires à l'apparition des potentiels de pointe qui sont à l'origine des activités mécaniques (voir fig.10.5). 104 Figure 11.2.: Activité myolélectrique de l'intestin grêle chez le chien à jeun et activité mécanique correspondante. La mise en place d'électrodes dans la paroi de l'intestin grêle permet d'enregistrer une activité électrique globale de la paroi, c'est-à-dire des variations de potentiel de morphologie différente de celles obtenues avec des électrodes intracellulaires. Deux types d'activité sont enregistrés : les ondes lentes et les ondes rapides (ou potentiels de pointe). Seuls les potentiels de pointe sont associés à des activités mécaniques (variation de pression). Les OL ont pour origine les cellules de Cajal. Pressure PHASE I pression PHASE II pression PHASE III pression Peristaltic 3 sec Pour un segment donné de l'IG, et selon la fréquence d'occurrence de ces potentiels de pointe par rapport aux OL, on va distinguer trois niveaux d'activité : le repos, l'activité irrégulière et l'activité régulière, encore appelées Phase I, II et III. Pour la Phase III, toutes les OL sont suivies de potentiels de pointe et elles sont associées à une contraction intestinale (fig.11.2). Ces contractions forment des ondes péristaltiques et se déplacent sur quelques dizaines de centimètres (chien) et jusqu'à 1 ou 2 m chez le porc et le cheval. Sur un même segment de l'intestin, ces trois types d'activité se succèdent au cours du temps pour former un complexe moteur migrant ou CMM qui de déplace progressivement tout le long de l'intestin (fig. 11.3.). 105 Figure 11.3. : Enchaînement au cours du temps sur un même segment intestinal des 3 phases (I, II et III) pour former un complexe moteur migrant (CMM). Les phases I, II et III vont se succéder sur une même section de l'intestin et elles forment un "train" appelé complexe moteur migrant qui descend de l'estomac vers l'iléon. Le CMM peut être vu comme un train avec 3 wagons dont le dernier (phase III) sert de balayeuse de l'intestin d'où le nom de "housekeeper" donné dans la littérature anglo-saxonne. Time (min) 0 Housekeeper I II III I III II II I I III II 120 I III II I II III I En se plaçant en un point fixe donné sur l'intestin d'un chien à jeun depuis 10h, on peut observer successivement que la phase de repos (phase I) dure environ 20 min, que la phase d'activité irrégulière (phase II) qui lui fait suite dure de 40 à 60 min et que cette dernière se termine par une activité régulière (phase III) durant 5 à 7 min. C'est cet enchaînement des phases I, II et III qui se déplace progressivement vers l'aval et qui forme une sorte de train balayant en 90-120 min toute la longueur de l'intestin grêle que l'on nomme complexe moteur migrant (fig.11.3). Chez toutes les espèces, la durée de propagation est de 90-120 min ce qui veut dire que la propagation est beaucoup plus rapide chez un cheval (pour lequel l'intestin grêle a une longueur de 30 m) que chez un chien (dont l'IG ne mesure que 3 m). La signification physiologique de ces différentes phases d'activité est la suivante : 1) en phase I : repos de l'intestin 2) en phase II : activité de mélange du contenu favorisant l'absorption 3) en phase III : activité de balayage pour faire transiter les résidus vers l'aval. 106 La phase III qui dure 10 min en un point donné est nommée le "housekeeper" de l'intestin et son rôle est de balayer l'intestin grêle toutes les 90-120 min des débris cellulaires, des bactéries etc. Si on supprime cette activité, on voit rapidement augmenter la population bactérienne dans l'IG dont la taille augmente en partie proximale. Pendant la phase III le débit jéjunal est de 1.3 mL/min chez l'homme contre 0.5 mL/min en période de repos. 11.2.1. Complexe moteur migrant (CMM) de l'intestin en relation avec la motricité de l'estomac et les sécrétions biliaires et pancréatiques L'organisation en CMM concerne également l'estomac, le système biliaire et pancréatique. Les CMM démarrent en fait dans l'estomac et ils sont coordonnés avec les activités de vidange biliaire et pancréatique. C'est ainsi que toutes les 90-120 min, chez le sujet à jeun, il y a une vidange partielle de la vésicule biliaire qui se fait essentiellement pendant la phase II du segment intestinal correspondant. La vidange biliaire partielle se termine avec la phase III qui va pousser la bile et ce qu'elle contient vers les parties plus distales de l'intestin grêle (fig.11.4). De façon parallèle, il y aura une vidange pancréatique partielle. Figure 11.4: Débit biliaire chez le sujet à jeun en coordination avec les phases du complexe moteur migrant (CMM). La phase III poussera la bile (et les acides biliaires) vers l'iléon en 90 min. • Un bolus de bile est délivré dans le duodenum pendant la phase II du CMM et avant la phase III de ce CMM chez toutes les espèces (mêmes celles sans vésicule biliaire) Phase III Estomac Intestin grêle Time 0 107 11.2.2. Phase III et vidange gastrique Au moment d'une phase III, le pylore devient beaucoup plus permissif et permet, chez le sujet à jeun, l'élimination de résidus indigestibles de l'estomac. 11.2.3. pH et CMM Les variations de pH de l'estomac et de l'intestin sont associées aux phases du CMM. 11.3. Influence de la prise de nourriture sur l'organisation motrice de l'intestin La prise de nourriture va apporter des modifications importantes à cette organisation de la motricité intestinale notamment chez les monogastriques avec la suppression des CMM pendant une durée allant de 8 à 12 h selon la nature du repas (fig.11.5). Chez ces espèces, le CMM est dit 'interdigestif". On retrouve à la place une activité de type II sur l'ensemble de l'IG et cela pendant plusieurs heures. L'influence de la prise de nourriture sur la suppression des CMM est très différente selon les espèces (Fig. 11.6). Chez les ruminants, la prise de nourriture est sans effet. Elle ne dure que 1 à 2 h chez le cheval. Chez le porc la suppression des CMM dure 3h si l'animal est nourri 2 fois par jour et 6 h s'il ne reçoit qu'un seul repas par jour. Ces différences interspécifiques dans l'occurrence du CMM et de sa suppression par les repas sont dues à l'apport plus ou moins continu du chyme par l'estomac (continu chez les bovins et discontinu chez les carnivores). Pendant la prise de nourriture, on observe une vidange quasi complète de la vésicule biliaire (80% de son volume). 108 Figure 11.5. Pattern de motricité de l'intestin grêle chez le sujet à jeun ou en phase post-prandiale. Niveau d'activité électrique de l'intestin chez un chien après un repas de 400 ou 600g de nourriture à 20% de matière sèche. Juste après le repas l'activité électrique est continue. Cela veut dire que toutes les ondes lentes de l'intestin sont surchargées de potentiels de pointe et correspondent à des activités mécaniques. Après un délai de 10h (pour le repas de 400g), et 15-16h pour le repas de 600g, le pattern de motricité change avec des périodes de silence (pas d'activité électrique), des périodes d'activité moyenne suivies à la fin par une intense activité de quelques minutes. Cela correspond à une succession de complexes moteurs migrants. 400 g MS20 % Distance (cm) from pylorus 129 ml / h 436 ml / h 80 100 600 g MS 20 % 461 ml / h CMM “interdigestif” 174 ml / h 80 100 12 08 16 20 24 04 08 Temps (h) Figure 11.6 Différences interspécifiques dans l'influence d'un repas sur le pattern de motricité digestive. Un repas désorganise les complexes moteurs migrants chez le chien pour les remplacer par une activité continue pendant une dizaine d'heures. En revanche, les repas n'ont aucune influence chez les ruminants (persistance des CMM). Activité continue post prandiale CMM CMM CARNIVORES OMNIVORES HERBIVORES RUMINANTS CMM 109 11.4. Transit digestif intestinal On doit distinguer la situation du sujet à jeun dont la motricité est organisée en CMM et la situation en phase post-prandiale. - Lors du CMM, il existe toujours un débit intestinal car il y a des sécrétions digestives et chez le chien le débit est de l'ordre de 40 mL.h-1. Ce débit survient essentiellement à la fin de la phase II et le début de la phase III d'où le caractère intermittent du débit au niveau iléal qui augmente toutes les 100 min (d'où la notion de balayage). - Chez les herbivores, le CMM est permanent et le débit duodénal chez le cheval est de l'ordre de 4.5 L/h et c'est le train du CMM qui fait progresser le chyme. Il en est de même chez le porc où le débit est environ de 120 mL/h, 20h après un repas Chez les monogastriques comme le chien, en phase post-prandiale, après un repas de 600 g d'aliments contenant 20% de matières grasses, le débit duodénal est de 430 mL.h-1, 1heure après le repas et 125 mL.h-1 pour l'heure suivante. Ici la progression du chyme se fait avec les ondes péristaltiques propagées et globalement, cela est plus lent que chez l'animal à jeun (-80%). Cela veut dire que les très nombreuses contractions vues pendant la phase post-prandiale jouent plutôt un rôle de frein et facilitent les mélanges et la digestion. En phase post-prandiale, l'apport au caecum sera irrégulier chez les herbivores (toutes les 90-120 min) mais plus ou moins régulier chez les monogastriques. 11.4.1. CMM et débit sanguin Le débit sanguin est fonction de la motricité. Il est maximal durant les périodes d'activité (phase II et III) du CMM ou pendant la période de désorganisation. 110