Désastre écologique dans le Mato Grosso

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Désastre écologique dans le Mato Grosso
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Amérindiens du Brésil
Désastre écologique dans le Mato Grosso
Comme dans la plupart des régions de l’Amazonie brésilienne,
les tribus amérindiennes du Mato Grosso sont confrontées à l’exploitation
illégale du bois et aux monocultures, de soja notamment,
mettant en péril la vie de l’ensemble de la population
et affectant irrémédiablement les écosystèmes
E
n décembre dernier, quatre représentants de
tribus amérindiennes (Kayapo, Pareci,
Yawalapiti) de l’Amazonie brésilienne étaient
de passage à Paris afin de chercher de l’aide
contre la déforestation et les menaces pesant sur
leurs peuples. Ils devaient ensuite participer en
Suisse à la réunion du groupe de travail de
l'ONU sur les peuples autochtones.
grâce notamment à un financement de la banque
française BNP Parisbas, afin de faciliter l’acheminement du soja vers l’étranger ! mais qui fera
encore davantage avancer le front de la colonisation vers les terres indigènes car “autour de nos
terres, il n’y a plus de bois, il reste du bois seulement sur nos territoires car nous, nous respectons notre environnement”.
Ces représentants de tribus clament leur inquiétude pour l’avenir de leurs peuples et de la planète mesurant avec angoisse le processus de
dégradation accéléré de leurs terres et de ses ressources : Ils dénoncent l'exploitation illégale du
bois et les monocultures de soja et de canne à
sucre, principaux vecteurs de la déforestation et
de la pollution des sols et des eaux par les pesticides et les engrais. Pour Daniel Cabixi, du
peuple Pareci, “nos territoires fragiles sont
impropres aux monocultures qui transforment en
quelques années les terres en de véritables
déserts qui ne pourront plus nourrir personne.
Ces cultures ont besoin de produits, comme les
pesticides industriels, qui polluent la terre et les
cours d’eau, tuant les animaux dont les Pareci se
nourrissent et polluant l’eau que les Pareci boivent”. Cette extension économique ne respecte
pas les PA et les différents segments sociaux du
Brésil et ne profite qu’à une minorité de nantis.
Même si l’identité indigène a été reconnue en
1988 par une clause de la constitution brésilienne prévoyant la démarcation des territoires indigènes dans un délai de cinq ans (17 ans plus tard,
la moitié des terres restent à démarquer), même
si le gouvernement de Lula est sensible à l’environnement et aux revendications indigènes, force
est de constater qu’au Brésil comme ailleurs, ce
sont les intérêts économiques qui priment… et
s’est contre ceux-ci qu’il faut lutter afin de
rendre au politique et au peuple le pouvoir de
décider.
En un an, de 2003 à 2004, 26 130 km2 ont été
déboisés au Brésil. Un record jamais atteint
depuis 1995. Au total, 17 % de la forêt amazonienne est aujourd’hui détruite.
Par ailleurs, les terres indiennes du Mato Grosso
sont menacées par un projet de barrage sur le
fleuve Xingu.
Pour Pirakuman, représentant du peuple
Yawalapiti, si le barrage se construit, le fleuve
Xingu, affluent important de l'Amazone, va s'assécher en amont tandis qu'en aval les inondations chasseront les communautés indigènes.
Sans fleuve ni forêt, il n'y a pas de vie pour les
indigènes. La forêt, c'est notre écosystème, l'air
que nous respirons, le lieu où nous chassons et
trouvons nos plantes médicinales. Dans le fleuve, nous nous baignons, pêchons, buvons, c'est
notre route aussi, nous nous y déplaçons en
canoë.
Les représentants dénoncent également le projet
de bitumage de la route BR 163 entre la capitale
du Mato Grosso et l’estuaire de l’Amazone,
IKEWAN n°59 • janvier - février - mars 2006
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Les Indiens du Xingu face au boom du
soja industriel
Debout au milieu de ses champs de soja, propriétaire de la deuxième plus grande entreprise
exportatrice de soja au monde et gouverneur de
l’état du Mato Grosso, Blario Maggi, paraît décider à sponsoriser le début de la fin ! Seul, le
célèbre Parc du Xingu et ses rivières résistent...
Jusqu’à quand ?
Le parc indigène du Xingu est l’un des plus
grands symboles de la diversité culturelle et biologique du Brésil. Créé en 1961, ce territoire
autochtone reconnu rassemble 14 ethnies et environ 5.000 Amérindiens y habitent. La création du
parc est le fruit d’un travail de plusieurs années
de “sertanistas” brésiliens, dont les fameux
frères Villas Bôas.
Le gouverneur du Mato Grosso, Blario Maggi
(PPS), prétend que sa région “a encore beaucoup
d’espace pour s’aggrandir et se développer”
dans le secteur de l’agriculture.
Dans une récente interview, Blario Maggi affirme qu’il espère que la surface déboisée de la
région atteigne 40% du territoire. Pour atteindre
cet objectif, il sera nécessaire de déboiser une
surface équivalente à 2 fois la superficie de la
Belgique. “Le Mato Grosso a 32% de son territoire déboisé, il faut arriver à 40% de surfaces
non boisées et 60% de réserves indigènes.” a-t-il
déclaré à la Revue FSP (février 2005).
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Amérindiens du Brésil
Quand nous avons demandé à Mairawe Kaiabi si
le soja apporte un progrès, il a trouvé cette question très incongrue. La réponse de cet indigène
du Mato Grosso est sans appel : “Je crois très
bizarre l’idée du progrès chez les Blancs. Parce
que je vois beaucoup de souffrance dans le
monde… Le progrès serait réel si personne ne
devait manger dans les poubelles, ou si personne n’avait faim, si tout le monde avait un endroit
pour habiter, pour dormir… Je vois beaucoup de
gens qui meurent de faim…Alors, pour moi, ce
n’est pas du progrès. Ce progrès là, pour les
Indiens, n’a pas de signification. Qu’est que cela
nous apporte ? Ils disent qu’ils vont garantir nos
ceux-ci assument leurs responsabilités pour la
récupération et la préservation des bois des rives
de la rivière Xingu.
Pour Makupá Kaiabi, président de l’association
Terre Indigène du Xingu (ATIX), “Pour les
Blancs, l’heure de voir une autre chose que l’argent est arrivée. Voir une autre couleur… La
couleur de la nature par exemple.”
La rencontre a mobilisé plusieurs personnalités
clés, et chaque secteur a exposé ses problèmes
mais aussi les solutions possibles. “Quand l’eau
douce disparaîtra, ce ne sont pas seulement les
Indiens qui vont souffrir.” prévient le chef
Cipassé Xavante.
Une lettre a été rédigée
et signée par les participants. La campagne “‘Y
Ikatu Xingu” a commencé et sera peut-être le
début d’une conscientisation collective. On
espère voir les résultats.
Plus d’information sur :
www.isa.org.br
©Franck Schlienger
A cause de la déforestation et des feux de forêt,
plusieurs sources de la
rivière Xingu sont déjà
asséchées. Sans la végétation, les pluies bouchent avec la terre les
sources d’eau.
Paysage du Mato Grosso
droits à la terre mais personne ne fait rien. Il non
pas une structure pour servir les communautés
indigènes.”
Le 25 octobre 2005, dans le district de Canarana,
à l’est de l’état du Mato Grosso, une centaine de
leaders indigènes, syndicalistes, propriétaires
ruraux, petits fermiers, représentants du gouvernement et des organisations de la société civile
ont participé à la Rencontre des Sources du
Xingu.
L’objectif principal de cette rencontre était de
lancer une alerte contre la déforestation des rives
du fleuve, afin de mobiliser les différents secteurs de la société pour travailler ensemble afin
de garantir la santé des sources et de la rivière
Xingu. Il s’agit de trouver au plus vite des alternatives pour une croissance économique soutenable. “Pour nous, la simple réalisation de cette
rencontre avec la participation de secteurs historiquement résistants au dialogue, c’est déjà une
grande victoire” a expliqué Vincente Puhl, présiForum
Matogrossense
de
dent
du
l’Environnement et du Développement (FORMAD).
La perspective d’une grave crise hydrique dans
la région est réelle. Les petits producteurs ont
aperçu une augmentation de l’érosion et une
forte réduction de la fertilité de leurs terres. La
terre emportée par l’érosion pollue la rivière et
les poissons succombent. La conséquence est
dramatique pour les peuples autochtones de la
région qui voient l’une des bases de leur alimentation disparaître.
Mais les peuples indigènes ne sont pas les seuls
concernés par ce désastre. A long terme, l’altération du climat et la perte de la biodiversité sont
aussi une menace pour toutes les populations, y
compris les colons, de l’état du Mato Grosso.
Babi Takuaju Avelino
et Hippolyte Vian
Les leaders indigènes présents ont aussi lancé un
appel aux grands producteurs agricoles pour que
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IKEWAN n°59 • janvier - février - mars 2006