Le blog de la mère en colère
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Le blog de la mère en colère
78 | Migros Magazine 28, 7 juillet 2008 Le blog de la mère en colère E Avec la BD «Angry Mum», publiée sur la Toile, la Lausannoise Hélène Becquelin occupe un créneau quasi vierge: la vie trépidante des femmes au foyer et des quadragénaires qui n’ont pas dit leur dernier mot. L a petite Lucie, 12 ans, a déniché le carton aux vieilles photos et commente les clichés jaunis en compagnie de sa mère: «Beurk! c’est qui ce chevelu? –Ton papa à 16 ans, ah ah ah. –Et sur celle-ci, wouah, c’est toi maman, quel look! On dirait Bill le chanteur de Tokio Hotel. –Quoi? cette tarlouze teutonne! Comment tu parles de ta mère!» Voilà l’une des toutes dernières histoires d’Angry Mum. Angry Mum? Un blog dessiné qui monte, qui monte, dû à la Lausannoise Hélène Becquelin. Elle y raconte le quotidien, son mari Momo, son fils Boris, 15 ans, sa fille Lucie, ou le chat Ramsès. Ce qui lui permet de s’aventurer dans des chemins peu fréquentés jusqu’ici par la BD, les blogs ou la presse. Un choix qu’Hélène Becquelin n’a jamais regretté. Elle jure que ces années ont été les plus heureuses de sa vie, et qu’elle ne jalouse pas «les femmes qui font leurs huit heures de bureau, puis enchaînent avec quatre heures de tâches domestiques». Elle avoue que la seule chose peut-être qui lui a manqué, ce sont ces «fameux contacts sociaux» avec les collègues «mais une copine avec qui grandissant et sans le savoir redonnent une deuxième jeunesse à leurs parents. «Ce sont souvent eux qui nous poussent à sortir, pour rester seuls à la maison. On retrouve une certaine indépendance, et du plaisir à ne plus avoir ces sangsues qui vous collent aux basques!» La quarantaine, dans cette optique, devient un âge captivant: «On n’est plus seulement des parents, on redevient des individus. Et puis c’est Les mauvais côtés de sa créatrice Soutirer chaque phrase aux enfants Comme la vie trépidante des «mamans à la maison». Leurs joies, leurs peines. «Tu attends que tout le monde rentre de l’école ou du boulot, tu te réjouis de ces contacts sociaux, mais eux, quand ils arrivent, après une journée dehors, ils en ont soupé des contacts sociaux. Il faut leur soutirer chaque phrase», raconte Hélène qui sait de quoi elle parle. Elle-même a cessé son travail de graphiste à la naissance de son premier enfant. Et ça tombait bien puisque c’est à ce moment-là que le métier a changé: «Tout s’est informatisé. Avant tu faisais tes maquettes avec des ciseaux, tu découpais des lettres dans des cartons de couleur. Je n’avais pas envie de mettre mon enfant à la garderie juste pour me retrouver devant un ordi.» lui sert de catharsis, que grâce à lui, elle s’adoucit, ne s’énerve plus devant certaines situations qui autrefois auraient pu la rendre folle: «Par exemple une soirée où tout le monde est en costard-cravate, mais où on s’amuse bien quand même. Angry Mum, elle, refuse de l’admettre, et ça se retourne contre elle: le seul mec qui n’est pas en costard-cravate se révèle fermé, aigri.» Ou «l’embourgeoisement des copains, qui roulent en 4≈4. Moi ça ne me choque plus, parce qu’ils ont quand même réussi à rester drôles et que je m’embourgeoise aussi.» Alors qu’Angry Mum, forcée de grimper à bord d’un de ces engins, réclame une cagoule pour ne pas risquer d’être reconnue. Les histoires d’Angry Mum naissent au domicile d’Hélène Becquelin, où elle exerce son activité de graphiste indépendante. j’en parlais l’autre jour m’a dit, on voit bien que tu ne connais pas mes collègues». Angry Mum est donc une femme dans la quarantaine, qui doit bien constater que, partout, il n’y en a plus que pour «les trentenaires, les jeunes mamans, leurs problèmes de pampers ou d’insomnies à cause d’une gastro des petits». Rien en revanche sur la gestion d’adolescents normaux: «On ne nous parle que des adolescents à problèmes.» Alors que nous voyons Angry Mum confrontée à ce fascinant phénomène: des enfants qui en un âge où l’on peut encore rebondir, changer tout, vendre son garage pour monter un boui-boui de hotdogs au Brésil, comme vient de le faire un de nos amis.» Plus modestement, Hélène a repris, en indépendante, son activité de graphiste, qu’elle exerce à domicile. N’empêche, le temps qui passe, passe vraiment et l’on a beau «porter les mêmes habits que nos neveux et nièces, aller chercher des godasses chez Maniak: il faut être lucide, on arrive à l’âge des maladies, on commence à survivre.» L’âge des premiers bilans aussi. Et là Hélène reconnaît que son blog On l’aura compris, Angry Mum n’est pas Hélène Becquelin. Enfin pas vraiment: «Elle possède mes mauvais côtés. Tout ce que je n’aime pas chez moi, elle l’a en pire.» Ce qui permet d’éviter le ton moralisateur: «Je ne veux pas faire pleurer les gens. Angry Mum est trop conne pour qu’on ait pitié d’elle.» La BD en tout cas a toujours été, dès l’enfance, une passion et un rêve. Un virus qui ne doit pas tout, contrairement à ce que l’on pourrait penser, à son frère, Philippe Becquelin, alias Mix&Remix: «Quand j’avais 12 ans, il en avait 17, il sortait déjà. Et puis lui, il était plutôt Mandryka et moi Corto Maltese. L’influence vient plutôt d’une grand-mère qui dessinait tout le temps.» Laurent Nicolet Photos Mathieu Rod www.angrymum.com réussite | 79 Avec humour, Hélène Becquelin s’est mise en scène pour la photo.