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Ce document provient du site www.droit-ntic.com INTRODUCTION________________________________________________________________________ 1 CHAPITRE I : LES DROITS GARANTIS ___________________________________________________ 2 SECTION I : LE DROIT D’AUTEUR ____________________________________________________________ §1 les droits patrimoniaux ______________________________________________________________ §2 Le droit moral _____________________________________________________________________ SECTION II : LES DROITS VOISINS ___________________________________________________________ §1 Les droits des artistes interprètes_______________________________________________________ §2 Les droits des producteurs ____________________________________________________________ 2 2 5 6 6 7 CHAPITRE II : LES ATTEINTES, LES SANCTIONS… VERS UNE REFONTE DU SYSTEME ?____ 8 SECTION I : LES ATTEINTES ET LES SANCTIONS _________________________________________________ 8 §1 Les types d’atteintes _________________________________________________________________ 8 §2 Sanctions et responsabilité____________________________________________________________ 9 SECTION II : VERS UNE REFONTE DU SYSTEME ? _______________________________________________ 10 §1 Les artistes gagnants ?______________________________________________________________ 10 §2 Un futur encore incertain pour les producteurs et les sociétés de gestion collective. ______________ 11 Introduction Le développement récent des techniques de compression audio et vidéo favorise la circulation des œuvres, tant sur Internet que sur CD-rom. Concernant la compression audio, le format MP31 permet de réduire jusqu’à douze fois le volume du fichier source avec une faible perte de qualité. Au titre de la compression vidéo, c’est le format Divx, inventé par un informaticien montpellierain, qui permet de rassembler l’ensemble des informations contenues sur un DVD, soit 4,3 gigas, c’est à dire plus de 4300 mégas, sur un CD-rom de 650 mégas ! Dans ce contexte, non seulement la circulation des œuvres est grandement facilitée, mais encore leur reproduction l’est aussi. Dès lors, la propriété intellectuelle se doit d’aménager un cadre juridique cohérent, efficace et adapté au changement de modèle économique qu’implique le développement des nouvelles technologies. Si la plupart des acteurs (auteurs, artistes, producteurs, sociétés de gestion des droits…) investissent désormais les nouveaux médias2, leurs attentes sont différentes et doivent être conciliées. Par ailleurs, la vulgarisation du débat sur les relations entretenues par le nouveau format avec la propriété intellectuelle a contribué à la diffusion d’informations inexactes. Ainsi, le format MP3 ne peut être considéré comme illégal en lui-même et devant être interdit. En effet, un format de compression est un outil susceptible de multiples applications licites, c’est donc la finalité de l’utilisation qui peut éventuellement être répréhensible mais non le format en tant que tel. En outre, Pour bien comprendre les risques, la possibilité de reproduction à l’identique doit être couplée à un sentiment d’impunité largement répandu sur le Net. En effet, des sites tels que Gnutella et Napster qui avaient pignon sur les rues virtuelles de l’Internet ont contribué à donner une image institutionnalisée du téléchargement gratuit de la musique. Dès lors les utilisateurs n’avaient pas conscience de se livrer à de la piraterie, plus précisément à une contrefaçon3. Pour ceux qui avaient une vague idée qu’une protection de la musique existait, l’ampleur du phénomène a du les amener à la conclusion que cette protection ne 1 Motion Pictures Expert Group Audio layer 3 = MPEG layer3 = MP3 les géants de l’industrie du loisir et de l’information se regroupent pour alimenter portails et sites en adoptant une stratégie des contenus. A peine annoncée la fusion entre AOL et Time Warner, la nouvelle entité absorbe EMI, premier éditeur musical au monde 3 Lien vers la partie sur la contrefaçon 2 Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com devait pas s’appliquer sur l’Internet. A cet égard, les médias ont largement diffusé des informations sur un Internet non appréhendé par le droit, un espace virtuel situé au-delà de la loi. Il n’en est rien, les auteurs compositeurs ou les producteurs ont des droits qu’ils font généralement valoir auprès du public par l’intermédiaire de sociétés professionnelles de gestion des droits, or ce schéma est toujours valable sur le Net même s’il se heurte à plusieurs difficultés, telles que la dimension internationale des litiges ou l’établissement de solutions techniques efficaces pour en garantir le respect. Afin de répondre aux attentes des acteurs il convient de considérer leurs droits ainsi que de dresser une typologie des atteintes qu’ils peuvent souffrir, avant d’examiner le régime responsabilité et les sanctions qui leurs sont consécutives. Enfin, le format MP3 amène à une réflexion nouvelle quant à l’avenir des sociétés de gestion collective des droits. Chapitre I : Les droits garantis Les droits des acteurs se décomposent entre le droit des auteurs compositeurs et les droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs. Section I : Le droit d’auteur Les droits des auteurs sont d’ordre patrimonial et moral. §1 les droits patrimoniaux Les droits patrimoniaux des auteurs sont quelque peu bousculés par l’avènement du format MP3, notamment les droits de reproduction, de représentation et de distribution. 1. Le droit d’exploitation A partir du moment où une œuvre4 est protégée5sa représentation ou sa reproduction doivent être autorisées par son auteur, ainsi l’article L 122-1 du code la propriété intellectuelle (CPI) dispose « le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit reproduction et le droit de représentation ». a) Le droit de reproduction La reproduction consiste en la « fixation matérielle de l’œuvre par tout procédé qui permet de la communiquer au public d’une manière indirecte »6. 4 Article 122-2 5° du CPI : les œuvres musicales sont protégées. Article L 111-1 alinéa 1er du CPI : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.» 6 Article L122-3 du CPI. 5 Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com Une première hypothèse est celle dans laquelle l’utilisateur va télécharger un morceau de musique au format MP3 sur le disque dur de son ordinateur afin de pouvoir l’écouter à loisir, il est clair qu’un tel comportement est constitutif d’une reproduction au sens de l’article L122-3 puisque le résultat de l’opération est la présence du fichier dans la mémoire de l’ordinateur. En toute logique, cette reproduction devrait donc être autorisée par l’auteur, ce qui arrive parfois7 mais qui demeure l’exception. En effet, le plus souvent la reproduction se fait sans accord préalable de l’auteur. Afin de diminuer les risques de reproduction « sauvages », une technique se développe et se retrouve par défaut dans l’ensemble des navigateurs, il s’agit du « streaming ». Cette technique consiste à permettre l’écoute du morceau sans le stocker sur le disque dur proprement dit, mais dans la mémoire cache de la machine. L’intérêt est alors que la reproduction n’est que temporaire et ne peut être utilisée qu’une seule fois. Cette technique à désormais ses limites, en effet une recherche poussée dans le fichier « temporary files Internet » de Windows permet de retrouver le fichier reproduit d’une part et d’autre part le recours à des logiciels d’enregistrement en temps réel permettent de contourner aisément la contrainte. Il faut pourtant alors noter que la reproduction est alors réalisée uniquement dans la mémoire cache de l’ordinateur et que dès lors tant le droit français que la directive droit d’auteur ne considèrent pas cette forme de reproduction comme devant être autorisée par l’auteur de l’œuvre. b) Le droit de représentation Si la reproduction est présente sur Internet, la représentation l’est aussi. La représentation doit s’entendre de « la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons »8. En effet, l’article L1222 du CPI englobe dans sa définition de la représentation extrêmement large tout « procédé de télécommunication » de son. La question du « public internaute » s’est alors posée, en effet, ces derniers se connectant depuis des lieux et à des moments différents il convenait donc de savoir si le public visé dans les articles du code de la propriété intellectuelle pouvait n’être que potentiel. L’éclatement géographique et temporel de la communication n’altère en rien son existence, dès lors Se pose donc un problème de chevauchement des droits de représentation et de reproduction qui recouvrent une même réalité. En effet, pour être représentée sur Internet une œuvre doit être reproduite. La reproduction aux fins de représentation se présente sous différents aspects. Tout d’abord au stade de la création du site sur lequel l’œuvre sera écoutable lors d’une représentation ayant recours au procédé du « streaming », une reproduction de l’œuvre est nécessaire sur le serveur pour que celui-ci puisse la transmettre aux internautes. Ensuite, lors de l’écoute par l’internaute le morceau est reproduit dans la mémoire de la machine dans le dossier « Temporary Files Internet ». Ainsi, il semble qu’en matière de réseaux, il n’est plus forcément pertinent de distinguer droit de représentation et de reproduction pour évoquer le droit d’exploitation de l’article L122-1. 7 Le chanteur « Prince » a notamment sorti un album uniquement téléchargeable en format MP3 par exemple. 8 Article L 122-2 2°. Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com En dépit des spécificités inhérentes à Internet les auteurs d’œuvres musicales conservent leurs droits tant patrimoniaux que moraux dans le cadre d’une mise sur le réseau de leurs créations, se sont donc les droits de propriété intellectuelle classiques qui ont vocation à s’appliquer et parmi eux les restrictions à leur champs d’application. 2. L’exception de copie privée La question l’exception de copie privée en matière de MP3 tient à l’existence de zones privative sur Internet. Le sujet fut longtemps débattu au gré des évolutions techniques qu’il importe de distinguer. D’une part un site Web peut avoir un accès restreint de manière à garantir son caractère privatif grâce au recours aux mots de passe et à l’absence de référencement. D’autre part une pratique se développe et est appelée se développer avec la diffusion parmi le grand public de connexion à haut débit, c’est le recours aux serveurs FTP9. Les informations stockées sur le serveur ne sont alors pas accessibles par l’intermédiaire d’un site Internet mais par l’intermédiaire d’un autre logiciel que le navigateur dans lequel il faut rentrer l’adresse du serveur, le nom d’utilisateur ainsi qu’un mot de passe. Le caractère privatif de l’espace hébergé sur le serveur semble donc dans ces deux hypothèses garanti. Dés lors l’exception de copie privée peut avoir sa place sur les réseaux en matière d’œuvres musicales à la condition qu’elle ne s’exerce que dans le cadre du cercle de famille. De prime abord, l’existence d’un cercle de famille sur Internet peut sembler quelque peu farfelue, cependant les comportements évoluant de véritables relations sont entretenues par l’intermédiaire de la toile, gigantesque vecteur de communication transcendant les distances. La grande diffusion des connexions à haut débit ne va faire qu’accentuer un mouvement lancé, déjà le courrier électronique, ainsi que les pièces jointes qui leurs sont attachées sont passé dans les mœurs, les viso-conférences ou plus modestement les « Net Meeting » se développent. Voilà autan d’arguments qui plaident en faveur de la reconnaissance de l’existence du cercle de famille sur les réseaux. Un autre d’aspect de l’exception de copie privée appliquée au format MP3 mérite d’être signalée, il s’agit du prêt public. Pour un français avide de nouvelles musiques, la solution du téléchargement via les réseaux est souvent lente, coûteuse et aléatoire, ainsi un nombre grandissant de personne ont recours au prêt public pour se procurer des originaux qu’ils encodent au format MP3 avant de les graver sur un CD Rom. Cette pratique s’inscrit dans le cadre de l’exception de copie privée dans la mesure ou la personne ne les communique pas au-delà du cercle de famille. Pourtant, il ne fait aucun doute que le maintient de l’exception de copie privée dans le contexte actuel de développement technologique se traduit en terme de manque à gagner tant pour les artistes que pour les producteurs ou les auteurs. Ainsi, ces derniers font bloc avec l’industrie des logiciels pour voir supprimer pour les uns l’exception de copie privée, le droit à la copie de sauvegarde pour les autres. 9 File Transfer Protocole Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com Cependant, si la copie privée est un moyen d’accès à la culture, elle est aussi un vecteur de promotion permettant au public d’écouter ce qu’il n’aurait pas acheté à l’aveuglette lui permettant ainsi de sortir du martelage stéréotypé infligé par les radios et les chaînes de télévision appartenant au même groupe que les majors. Ainsi, si la copie privée peut avoir besoins d’un toilettage dans le contexte de l’Internet, elle ne doit en aucun cas disparaître devant les pressions mercantiles à peine de nuire à ceux là mêmes qui demandaient sa suppression. 3. Le droit de distribution Lors de l’apparition du format MP3, nombre de juristes influencés par la conception du droit américain du droit de distribution, ont tenté d’appliquer ce dernier à la communication d’œuvres sur le Web dans le but de tirer profit des dispositions relatives à l’épuisement du droit. Pourtant, telle n’est pas la position de l’OMPI et la directive droit d’auteur qui n’appliquent le droit de distribution qu’aux exemplaires physiques de l’œuvre ou de la prestation. En outre, ce qui est alors distribué n’est pas une copie de l’original mais une copie d’une copie de l’original qui ne pourrait être ni une distribution, ni être sujette à épuisement du droit. §2 Le droit moral 1. Le droit à la paternité Le droit à la paternité est dans une singulière situation au regard du format MP3. En effet, d’une part les progrès de la technologie permettent de nouvelles modalités d’exercice alors que d’autre part, les comportements des utilisateurs restent encore assez sauvages. Ainsi, il est désormais facile de faire figurer au sein du fichier constituant le MP3 toutes les informations nécessaires (titre, auteur, date de création, copyright …) qui s’afficheront à chaque lecture. Le droit de paternité semble donc pouvoir tirer profit de ce qu’il est convenu d’appeler la « révolution MP3 ». Pourtant, la grande majorité des personnes qui compressent des MP3 n’ont aucune idée de l’existence même d’un droit à la paternité et se limitent à faire figurer le titre et le nom de l’interprète. 2. Le droit à l’intégrité Le droit à l’intégrité a une nouvelle actualité au regard des évolutions technologiques. Le droit à l’intégrité peut être définit comme le droit appartenant à l’auteur de ne pas voir son œuvre altérée ou détériorée. Or, si la position actuelle des cours est de considérer la reproduction au format MP3 comme étant identique à l’originale, la réalité est bien différente. En effet, selon que le taux de conversion est plus ou moins élevé la qualité de la copie s’en ressent. Actuellement, des experts ont fixé le seuil à partir duquel la copie ne se distinguait pas de l’original pour l’oreille humaine à 128 Ko Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com bits/secondes. Ce seuil est bien faible et de nombreux autres experts soutiennent qu’il est franchement insuffisant. Dans ce contexte, il est facile d’imaginer qu’un auteur considère que l’altération consécutive à la compression au format MP3 est de nature à porter atteinte à l’intégrité de son œuvre. A coté des droits des auteurs compositeurs cohabitent des droits attribués par la loi à d’autres acteurs non de la création mais de la réalisation de celle-ci, il s’agit de ce qu’il est convenu d’appeler les droits voisins. Section II : Les droits voisins §1 Les droits des artistes interprètes Les musiciens ainsi que les chanteurs, bien que n’étant pas auteurs de l’œuvre, peuvent avoir des droits. En effet, la contribution d’un chanteur est intrinsèquement empreinte de sa personnalité par le timbre de sa voix et son interprétation personnelle. Il est courant que l’interprète d’une chanson remanie sensiblement la mélodie lors de l’enregistrement, y ajoute certaines intonations, ou y insuffle un rythme nouveau, dès lors sa contribution se doit d’être protégée. L’interprétation d’une œuvre par un musicien peut également être empreinte de la personnalité de son auteur en dépit du fait que sa prestation soit écrite sur la partition. En effet, indépendamment de l’aspect technique, chaque musicien, dans une certaine mesure, va apporter à la création par sa propre sensibilité. En outre, il est courant que le musicien participe aux arrangements, suggère une rythmique ou une phrase musicale personnelle. Ainsi, les artistes-interprètes, musicien comme chanteur, sur le fondement de l’empreinte de sa personnalité qui va marquer l’œuvre10, jouissent donc d’une protection légale de leur contribution. Cette protection est composée d’une part de droit pécuniaire et d’autre part d’un droit moral particulièrement intéressant au regard de l’analyse de la compression au format MP3. Le droit moral des artistes-interprètes, qui le droit à ne pas voir leur interprétation déformée dans un sens préjudiciable, est réduit à une peau de chagrin. Celui-ci ne doit pas rentrer en concurrence avec les droits des auteurs11 et n’est pas absolu. Comme il a été dit, la mise au format MP3 procède de la suppression des fréquence inaudibles à l’oreille humaine. Sans aller jusqu’à développer la théorie des « petites perceptions » de Hegel, un critère plus objectif nous permet de conclure que la compression est susceptible d’altérer la qualité sonore de l’œuvre. Le codec12 permet différentes qualités de compression, or selon les propriétés affectées au fichier MP3 des différences audibles sont constatées. Ainsi, un artiste-interprète, tout comme l’auteur, devrait pouvoir s’opposer, dans une certaine mesure, à l’altération de son œuvre. 10 Tgi Paris, 18 février 1993 : D. 1993. p 397. Article L 211-1 du Cpi. 12 Le codec est l’interface entre le format et la machine. 11 Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com Pourtant, en l’état de la jurisprudence, il ne semble pas que la compression de l’œuvre soit de nature à fonder une action sur une atteinte au droit moral, d’autant plus que bien souvent des dispositions contractuelles précisent que les droits d’exploitations sont acquis pour tout support en contrepartie d’un rémunération. Les atteintes au droit de paternité13 sont potentiellement moins importantes au regard de la mise au format MP3 puisqu’il est possible de les faire figurer au sein même du fichier et non plus sur le support. A cet égard, il semble que la pratique soit plus encline à faire figurer le nom de l’interprète de son propre chef à des fins d’identification du fichier, que celui des auteurs et compositeurs. Les artistes-interprètes jouissent par ailleurs de droits patrimoniaux sur le fondement de l’article L 2123 du Cpi qui dispose : « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public ainsi que toute utilisation séparée du son ». Cette autorisation voit sa contrepartie dans une juste rémunération qui doit être définie pour chaque mode d’exploitation14, qui prend ainsi en compte la mise au format MP3. Le droit français garanti donc une protection efficace des droits patrimoniaux des artistes-interprètes. En droit international l’article 6 du traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)15 accorde également aux artistes-interprètes un droit exclusif d’autorisation contre rémunération de l’exploitation de leur contribution, droit qui est précisé dans le contexte de l’environnement numérique à l’article 10 au regard du droit de reproduction16. Les droits tant moraux que patrimoniaux jouissent donc d’une protection juridique satisfaisante dans l’environnement numérique, il faut désormais analyser si il en va de même pour les droit des producteurs de phonogrammes. §2 Les droits des producteurs L’article 213-1 du CPI définit le producteur de phonogramme comme étant la « personne physique ou morale qui à l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons ». L’autorisation de ce dernier est requise avant « toute reproduction, mise à disposition du public par la vente, l’échange et le louage (…) »17 Cependant, des restrictions aux droits tant des producteurs que des artistes-interprètes sont mentionnées à l’article 214-1 qui dispose que ces derniers ne peuvent s’opposer à sa communication directe au public ainsi qu’à sa radio diffusion lorsque le phonogramme a été publié à des fins de commerce et en contrepartie d’une rémunération équitable. Ces dispositions 13 Article L 212-2 du Cpi. Article L 212-4 du Cpi. 15 Traité OMPI 20 décembre 1996 portant sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. 16 Artilce 10 du traité OMPI : le droit de reproduction s’applique « pleinement dans l’environnement numérique le stockage d’une œuvre sous forme numérique (…) sur un support électronique (…)constitue une reproduction.» 17 Article L 213-1 du CPI 14 Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com qui ne comprennent pas la transmission numérique donnent a contrario un droit d’opposition aux titulaires des droits voisins dans le cadre d’une telle communication. Le producteur de séquences au format MP3 doit acquérir les droits spécifiques à la compression de l’œuvre ainsi que définir le domaine d’exploitation, afin de respecter les droits patrimoniaux et moraux de l’auteur. Une fois ces démarches accomplies, le producteur sera alors titulaires de droits patrimoniaux sur l’œuvre et pourra agir en contrefaçon en cas de reproduction illicite. Chapitre II : Les atteintes, les sanctions… vers une refonte du système ? Section I : Les atteintes et les sanctions §1 Les types d’atteintes A. Les atteintes aux droits patrimoniaux L’atteinte la plus courante sur les réseaux est indiscutablement la reproduction des œuvres sans l’accord du titulaire des droits patrimoniaux et hors l’exception de copie privée évoquée précédemment. Il est cependant intéressant d’analyser la situation de deux utilisateurs en relation « peer to peer ». Dans cette relation, il y a un émetteur de données et un récepteur, il y a donc deux acteurs pour un acte prohibé, la reproduction du morceau sans les autorisations nécessaire. La situation semble simple, ils sont complices d’une même infraction. Pourtant, il est toujours permis de s’interroger sur la possibilité d’appliquer le régime de la copie privée à celui qui prend la copie, l’émetteur restant en dehors de la légalité. En effet, ce comportement de reproduction est pour lui autorisé dans le cadre du prêt public. Certes un site proposant des fichiers MP3 sans autorisation préalable est loin de pouvoir se targuer du statut de service public, cependant pour l’internaute ignorant du droit ne fera pas la distinction. Une autre atteinte possible est la représentation de l’œuvre sans les autorisations nécessaires. La représentation se confond avec la reproduction sur les réseaux, pourtant, la diffusion d’une œuvre en l’absence de copie, hormis celle inhérente au « caching », est susceptible d’entraîner des poursuites de manière autonome. §2 Les atteintes au droit moral Les atteintes au droit moral ont également vocation à être sanctionnées. Ces atteintes, considérées sous l’angle du format MP3, ne présentent que peu de différences avec leur acception classique. En effet, les atteintes ne seront réellement spécifiques que dans le cadre du droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre par le biais l’altération inhérente à la compression. Il ne faut cependant pas douter que les pratiques contractuelles prévoient désormais une cession des droits patrimoniaux, y Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com compris pour une exploitation au format MP3 de l’œuvre, et que dans un tel contexte la demande d’un auteur de ne pas voir son œuvre compressée après avoir cédé un droit d’exploitation au format MP3 ne serait pas reçue par les tribunaux. §2 Sanctions et responsabilité A. Sanctions Les atteintes aux droits patrimoniaux, c’est à dire tant au droit de reproduction que de représentation, sont qualifiées de délit correctionnel et sont sanctionnées par l’action en contrefaçon au titre de laquelle le coupable encourt une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans et d’une amende pouvant atteindre le montant de 2.000.000 de francs. (Pour plus d’information voir la partie consacrée à la contrefaçon dans l’encyclopédie) Les sanctions des atteintes au droit moral seront essentiellement des dommages et intérêts avec éventuellement la possibilité d’obtenir en référé uns injonction de faire ou de ne pas faire. B. Responsabilité Si le droit et spécialement la propriété intellectuelle ont vocation à régir les comportements sur le Net, la poursuite des utilisateurs non-autorisés d’une œuvre est souvent difficile dans un tel contexte. 1. La responsabilité de l’hébergeur et du fournisseur d’accès Internet Le développement des infractions et la difficulté d’appréhender les vrais coupables posent donc de douloureuses questions quant à la manière d’indemniser les victimes. Les procès contre les grands noms du « peer to peer » en son une illustration18, cependant la tendance semble désormais être à rechercher la responsabilité sur tous les terrains. Ainsi, la responsabilité de l’hébergeur d’un site proposant des contrefaçons au format MP3 pourrait être engagée en l’état actuel du projet de loi sur la société de l’information. A cette lourde responsabilité correspondent des pouvoirs accrus à leur profit toujours au termes du projet LSI. Ainsi, le projet propose que le fournisseur puisse de sa propre autorité couper l’accès aux « contenus manifestement illicites ». Tout comme l’autorité de régulation des télécommunications, nous regrettons de telles dispositions qui ne peuvent être satisfaisantes. En effet, il ne faut pas douter que le principal souci des hébergeurs sera alors de limiter le plus possible leur responsabilité. Dès lors ils ont déjà mis en place des systèmes permettant au maître du site que de proposer des fichiers MP3 en streaming sur le site mais pas en téléchargement, le spectre de l’interdiction pure et simple de la mise en ligne de fichier « .MP3 » est brandi par certains hébergeurs. Ainsi, la notion de « contenus manifestement illicites » n’est pas suffisamment précise pour ne pas mettre en danger la liberté d’expression. 2. Les solutions techniques 18 voir la partie de Geert Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com Il est à espérer que la technique puisse aussi simplifier les règles juridiques, d’une part en permettant la réduction des risques de copies illicites et d’autre part en permettant d’identifier les coupables. Les risques de copie illicite peuvent être réduits avec l’apparition de dispositifs de traçabilité de l’oeuvre. Si ces derniers ne sont pas sans poser des problèmes de conciliation avec les droits individuels des personnes et la loi n°78/17 du 6 janvier 1978, ils ouvrent la porte a un système dans lequel non seulement la copie de l’œuvre est rendue plus difficile mais aussi dans lequel le contrefacteur est facilement identifiable. Pourtant, force est de constater que pour l’instant aucune solution technique n’est réellement satisfaisante et aucune n’offre pas suffisamment de garanties aux titulaires des droits. Face à une telle difficulté, il n’est pas utopiste d’imaginer une refonte totale du processus de distribution musicale. Par exemple, afin de réduire les fraudes les maisons de disques proposent l’acquisition d’un droit d’usage au forfait pour une durée très longue de tout ou partie de leur catalogue avec des options tarifaires pour les mises à jour. Les morceaux seraient alors exécutés directement sur le serveur de la maison de disque le client ne recevant que le résultat. Aujourd’hui, des changements aussi radicaux peuvent sembler lointains, pourtant chaque jour le haut débit progresse en France, la connexion à 56k n’existe déjà plus outre Atlantique, dès lors que la circulation des fichiers sera quasi instantanée à défaut d’adaptations les maisons de disques seront écrasées par un potentiel de nuisance accru. Section II : Vers une refonte du système ? §1 Les artistes gagnants ? Jusqu’à maintenant les artistes ainsi que les auteurs ont su tirer parti des innovations technologiques et l’informatique est désormais l’outil indispensable à la réalisation de toutes créations sonores ayant vocation à être distribuée. Désormais, les musiciens ont de plus en plus le souci de la qualité de leur son puisqu’ils disposent de nouveaux moyens pour l’améliorer, la question du respect de leur droit moral en cas de compression de faible qualité se pose donc avec acuité. Si l’on envisage le format MP3 avec le point de vue de l’artiste une distinction s’impose entre celui qui jouit déjà d’une certaine notoriété de celui qui est encore inconnu du grand public. En effet, pour l’inconnu, Internet constitue un public sans cesse renouvelé, varié, ouvert et dynamique. Il peut proposer sa musique gratuitement ou contre une rémunération en ligne avec une procédure de paiement sécurisé. De nombreux sites19 offrent aux créateurs de proposer leurs titres au public tout en organisant les modalités de l’acquisition d’un droit d’usgae, moyennant une rémunération. Fort d’une auto-production spartiate les auteurs peuvent alors avoir une réelle idée de l’impact de leur musique sur le public et éventuellement convaincre les majors d’investir en promotion à leur profit. 19 www.balanceleson.com Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com Quant à l’artiste déjà réputé, Internet et le format MP3 lui offrent une nouvelle image et un nouveau marché jeune et dynamique mais présentent certes une menace tant en terme de concurrence que de contrefaçon. §2 Un futur encore incertain pour les producteurs et les sociétés de gestion collective. Un vaste débat s’est ouvert quant à l’adaptation des organismes de gestion collective de droits à l’ère numérique. Si certains évoquent déjà leur disparition, elles sont pour l’instant les seules à agir en justice pour faire respecter les droit de propriété, même si leurs actions sont encore limitées au territoire national. Les organismes de gestion collective protecteurs des droits de propriété intellectuelle face au MP3 Le lobbying exercé en France par la Sacem a aboutit début 2001 à l’institution d’une taxe sur les CDRom vierges en dépit de la variété des données susceptibles d’être fixées sur ce support. Cette taxe à vocation à être répartie entre les titulaires des droits sur le modèle de la cassette audio. La Sacem agit également sur le plan international auprès des créateurs des formats de compression (Mpeg) ou d’établissement des normes (ISO) pour que puisse être intégré au fichier un numéro d’identification inaltérable. Ces actions en amont de la compression de l’œuvre sont de nature à garantir une protection plus grande aux détenteurs des droits, protection qu’ils ne sauraient être en mesure d’obtenir individuellement. La sacem agit également en aval de la compression d l’œuvre pour demander la répression de comportements illicites. Un effet dissuasif est recherché, en faisant des « exemples » destinés à tuer les vocations de pirates en herbe. Il importe cependant de distinguer selon que les actions sont intentées contre un contrevenant agissant dans le cadre d’une activité économique de celles intentées contre des utilisateurs désintéressés. En effet, la Sacem a obtenu la condamnation des gérants de magasins de reproduction de CD-Rom20 , qui pensaient pouvoir s’exonérer de la responsabilité des contrefaçons21 qu’ils permettaient par une notice remise à leurs clients. Furent également sanctionnés les sites présentant des liens vers d’autres pages Web sur lesquelles étaient stockés des fichiers MP3 sans que les droits n’aient été préalablement acquittés. Il est pourtant regrettable qu’à titre d’exemple de jeunes contrefacteurs se soient vus condamnés alors qu’ils étaient dans l’ignorance totale de l’infraction qu’ils commettaient. Cette position est pourtant tout à fait cohérente en droit dans la mesure où le caractère intentionnel nécessaire à l’infraction est constitué par la simple reproduction illicite. Ces derniers sont à distingués 20 21 Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand 27 octobre 1999 Lien vers la partie sur la contrefaçon Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com des mineurs déjà condamnés au titre d’utilisation mercantile de leur graveur de CD-Rom domestique22. Les actions intentées par la Sacem, pour efficaces qu’elles soient, n’en restent pas moins cantonnées au territoire national. Des actions limitées au territoire national Le problème spécifique à la mise en ligne de musique sur le Net via un fichier MP3 est la visibilité du morceau à l’échelle mondiale. De ce fait, une atteinte aux droits se rapportant à une œuvre peut être commise des quatre coins du globe. La plupart des pays se reconnaissent compétents en matière pénale dès lors qu’un élément de l’infraction, et la contrefaçon en une, est rattachable à leur territoire. Appliqué à l’Internet cela revient à dire que les législations de chaque Etats sont applicables. Concrètement, cela se traduit par une forte insécurité juridique, un créateur de site ne pouvant connaître les dispositions juridiques de plus de deux cents cinquante pays. Appliqué aux organismes de gestion, cela signifie que leurs actions sur la scène internationales sont conditionnées par le bon vouloir de l’Etat de résidence de l’auteur de l’infraction. Les actions de la Sacem sont donc pour l’instant sans effet pour les contrevenants situés en dehors du territoire français, il ne faut pourtant pas douter que des accords seront adoptés entre les différents ordres juridiques au regard des intérêts financier en jeux. Les rôles des organisations regroupant les organes de gestion collective telles que le groupement européen des sociétés des auteurs et de compositeurs ou la confédération Internationale des auteurs compositeurs est primordial en la matière, et nous pouvons imaginer que sous peu, des alliances entre les sociétés de gestion collective des différents pays verront le jour. Pourtant, si actuellement les sociétés de gestion collectives se posent comme le seul défenseur efficace des droits des artistes sur le Net, leur avenir est rendu incertain par le développement de la technique. Quel avenir pour la gestion collective des droits. Dans un monde où la production musicale est de plus en plus lié à des concepts marketing, bon nombre d’artistes regrettent de ne pouvoir être produit et distribués faute de coller aux standards dictés par les études de marché. Dans ce contexte, le développement d’Internet pourrait permettre aux artistes de gérer eux même leurs droit, voir de distribuer eux même leur musique. En effet, la plupart des acteurs techniques du développement des nouvelles technologies s’accordent à dire que la technique est en mesure d’assurer la gestion des droits, par le recours à la « traçabilité » de l’œuvre ainsi qu’à la cryptologie. L’artiste pourrait alors choisir à qui et à quelles conditions son œuvre serait transmise, gérant lui-même ses droits. Si ces solutions ne sont pas encore 22 tribunal correctionnel de Lisieux 15 décembre 1999 Auteur : Julien Le Clainche Ce document provient du site www.droit-ntic.com techniquement fiables et peuvent heurter d’autres droits, notamment la protection des données personnelles, leur développement potentiel n’est pas à négliger. Ainsi, la place prépondérante des sociétés de gestion collectives dans le système de protection des droits de propriété intellectuelle pourrait se réduire dans les prochaines années. Auteur : Julien Le Clainche