Les fantasmes maternels d`enfant malformé au cours de la
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Les fantasmes maternels d`enfant malformé au cours de la
Alice Letondeur Sylvain Missonnier Maîtrise de psychologie clinique Maître de Conférence [email protected] Directeur de recherche Les fantasmes maternels d’enfant malformé au cours de la grossesse Relation d’objet virtuel et anticipation Université Nanterre Paris X U.F.R S.P.S.E 200, Avenue de la République 92000 Nanterre Année 2004-2005 Session septembre 2005 Remerciements Nous tenons à remercier, Sylvain Missonnier, Maître de conférence à l’Université de Nanterre Paris X, directeur de recherche, pour son écoute attentive et ses conseils avisés. Nous remercions, Nadine Cherarad, surveillante du Service de Gynécologie-Obstétrique du Centre Hospitalier de Rambouillet, Danièle Beladen, sage femme et le Docteur Amidjogbé, pour leur accueil et leur disponibilité. Nous remercions les jeunes femmes qui ont participé à notre recherche. -1- Plan Introduction p5 I Problématique p6 II Partie théorique p8 1) Le processus de parentalité p8 a) La parentalité p8 b) La maternalité p8 c) Le désir d’enfant p9 d) La transmission inter et transgénérationnelle p 10 2) La relation d’objet p 11 a) Définition p 11 b) Les stades selon S. Freud p 11 c) La position schizo-paranoïde et la position dépressive p 12 3) La relation d’objet virtuel p 13 a) Définition p 13 b) Le phénomène de régression p 14 c) La relation d’objet virtuel de la devenant mère p 16 4) Les fantasmes p 20 a) Définition p 20 b) Les fantasmes originaires p 22 5) Les représentations fantasmatiques durant la grossesse p 24 a) Rites et croyances p 24 b) La « transparence psychique » p 26 c) Les travaux sur le terrain p 26 -2- 6) L’anticipation p 33 a) Définition p 33 b) Angoisse automatique et angoisse signal p 33 c) Anticipation et parentalité p 35 7) L’échographie obstétricale p 38 a) Le principe de l’échographie p 38 b) Le déroulement des échographies obstétricales p 38 c) Les limites de l’échographie p 39 d) Les échographies et les futurs parents p 40 e) « Aire transitionnelle » p 41 f) « Inquiétante étrangeté » p 42 g) Echographie et enfant imaginaire p 43 h) Echographie et fantasmes p 44 III Hypothèses p 46 1) Hypothèses de recherche 2) Hypothèses opérationnelles IV La recherche p 47 A) Méthodologie p 47 1) Population p 47 2) Contexte p 48 3) Outils p 48 a) Entretien semi-directif p 48 b) Test de Rorschach p 52 B) Etudes de cas p 62 1) Mademoiselle P p 62 2) Mademoiselle R p 73 3) Mademoiselle M p 81 4) Mademoiselle B p 90 C) Synthèse des résultats p 99 -3- Conclusion p 106 Bibliographie p 107 -4- Introduction La rencontre avec quatre futures mères dans le cadre du service de GynécologieObstétrique du Centre hospitalier de Rambouillet, nous a permis de mettre en évidence la complexité des différents processus psychiques mis en jeu durant la grossesse. Nous nous sommes intéressée aux représentations fantasmatiques de la devenant mère et plus particulièrement aux fantasmes d’enfant malformé, à leurs interprétations et à leur rôle dans le processus de parentalité. Chez la femme enceinte, l’émergence de fantasmes régressifs et d’anciennes réminiscences peuvent s’exprimer à travers des fantasmes d’enfant malformé. De plus, ces productions psychiques semblent s’inscrire dans un registre d’angoisse ou de peur. Les projections anticipatrices à l’égard de l’état de santé du futur enfant semblent être un indicateur de la nature structurale et de la maturité objectale de l’anticipation concernant le rôle et la fonction maternelle. (S. Missonnier, 2003) Nous avons rencontré quatre primipares d’âge compris entre 23 et 34 ans dans leur huitième mois de grossesse. Lors de notre rencontre nous avons mené un entretien et leur avons fait passer le test de Rorschach. Mots clefs : Grossesse, fantasme d’enfant malformé, relation d’objet virtuel, anticipation, agressivité, relation mère/fille, image du corps. -5- I Problématique « Ultime étape de la maturation psychosexuelle de la femme » selon Benedek, la maternité n’est pas seulement un processus biologique, c’est aussi une crise psychologique. Les manifestations psychiques de la grossesse et du post-partum ne peuvent se comprendre que parce que l’événement de la maternité est à resituer dans le développement de la personnalité de la femme. L’ambivalence maternelle, les difficultés de l’accès à la fonction maternelle ainsi que la fragilité et les remaniements psychiques, riches en résonances inconscientes, et inhérents à cette période, rendent la jeune mère particulièrement vulnérable. Une maternité, qu’elle soit première ou multiple, demande des exigences adaptatives particulièrement fortes. Le début de la grossesse est une crise narcissique que vit la femme avec un sentiment de plénitude, de toute puissance, mais aussi parfois d’inquiétude et de repli sur soi. Le désir d’enfant représente un ensemble complexe qui mêle des sentiments (conscients et inconscients) plus ou moins ambivalents et doit être distingué de la volonté d’avoir un enfant. Le désir d’enfant permet, au fil des mois de la grossesse, la prise de conscience de l’existence de cet enfant et sa véritable attente. Au début, le fœtus est indistinct de la mère. Progressivement celle-ci construit des représentations imaginaires de son bébé à partir de ses rêveries, de la perception des mouvements fœtaux, mais aussi des images échographiques. Le vécu régressif de repli narcissique où la fusion symbiotique mère-enfant de la grossesse se poursuit par delà l’accouchement qui permet l’avènement de l’enfant réel pendant le maternage du nourrisson auquel sa mère s’identifie avant de le laisser progressivement s’autonomiser. Les représentations mentales que la femme enceinte se fait sont doubles, imaginaires et conscientes d’une part, fantasmatiques et inconscientes d’autre part, car s’appuyant sur son histoire oedipienne. En effet, par le biais « d’une transparence psychique » (M. Bydlowski, 1998), sont actualisés et remis en question les problèmes du développement affectif et sexuel. Nous constatons -6- une résurgence de fantasmes oedipiens et prégénitaux (en particuliers oraux) ainsi qu’une réactivation de conflits infantiles et spécialement ceux de la femme avec sa propre mère. L’émergence de fantasmes régressifs et d’anciennes réminiscences peuvent s’exprimer à travers des fantasmes d’enfant malformé interprétés comme « la sanction coupable d’un vœu inconscient de transgression incestueuse ou comme projection sur le bébé à venir, perçu comme dangereux, d’une agressivité primitivement destinée à la grand mère maternelle et ainsi déplacé » (S. Missonnier, 2003). Ce fantasme d’enfant malformé très présent en fin de grossesse peut également traduire des angoisses concernant un corps « trop plein ». (O. Matarazzo). C’est dans cette optique que nous allons organiser notre étude. Nous allons tenter de mettre en exergue dans quel registre de peur ou d’angoisse s’inscrivent ces productions psychiques. Dans le registre d’angoisse, ces productions psychiques de craintes de malformation la source d’une anticipation préventive de faits réels probables permettant à la mère de construire un « bon nid » pour son enfant à venir (S. Missonnier, 2003). Dans le registre de peur, les craintes de malformation « exprimerait une faille existentielle commémorant une violence fondamentale intergénérationnelle restée brute » (S. Missonnier, 2003). Par le biais d’un stage au sein du service de Gynécologie-Obstétrique du Centre Hospitalier de Rambouillet, nous avons rencontré quatre femmes enceintes dans leur huitième mois de grossesse. Lors de notre rencontre, nous avons mené un entretien portant sur leurs représentations liées à leur état de grossesse, sur leur relation avec leur parents, sur la façon dont elles vivaient les transformations de leur corps et leurs représentations de leur futur bébé. Ensuite, nous leur avons fait passer le test de Rorschach afin de comprendre les mécanismes de défenses mis en jeu, dans quelle dimension s’inscrit la référence à l’imago maternel et leur représentation mentale concernant l’image du corps. Notre travail développera tout d’abord une revue de la littérature traitant les différents concepts abordés précédemment. Puis, nous avancerons nos hypothèses. Ensuite, nous aborderons la recherche en elle-même. Dans un premier, nous présenterons la méthodologie à travers la population clinique, le contexte et les outils utilisés. Dans un second temps, nous procéderons à l’analyse des entretiens et des tests de Rorschach pour ensuite synthétiser les résultats. -7- II Partie théorique 1) Le processus de parentalité S. Stoléru et ses collaborateurs expliquent que les termes « paternité » et « maternité » désignent « l’état et la situation d’un individu quand il est devenu parent ». Ils différent des termes « parentalité », « maternalité » et « paternalité » en ce sens que ces derniers font référence à un « aspect du fonctionnement psychique ». H. Deutsch (1949) définit le terme « maternité » comme se rapportant à la relation mèreenfant comme à un tout sociologique, physiologique et émotionnel. Selon elle, cette relation commence au moment où l’enfant est conçu et s’étend sur tous les processus ultérieurs de la grossesse, de la naissance, de l’allaitement, et des soins psychiques. Par « esprit maternel », elle entend d’une part « un ensemble caractérologique particulier qui empreint toute la personnalité de la femme » et d’autre part « des phénomènes émotifs qui semblent en relation avec la faiblesse de l’enfant, avec son besoin d’aide ». a) La parentalité Selon S. Stoléru et coll., la « parentalité » représente « l’ensemble organisé des représentations, des affects, des souvenirs, et des comportement d’un sujet se rapportant à son enfant ou ses enfants ». Cet ensemble organisé s’applique au projet d’enfant, à l’enfant attendu lors de la grossesse et à l’enfant né. La parentalité trouve son origine dans l’enfance et la « transition vers l’état de parent » s’amorce en début de grossesse pour se terminer quelques mois après la naissance. Le concept de parentalité pourrait se rapprocher de celui de relation d’objet. En effet, la parentalité semblerait jouer un rôle dans la relation d’objet à l’enfant imaginaire ou réel. b) La maternalité Le terme « maternalité » est la condensation des termes maternel, maternité et natalité. Il a été introduit vers 1961 par P.-C. Racamier. Selon lui, « la maternalité est un ensemble de processus psycho-affectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme lors de sa maternité ». Il met en avant les particularités de l'état psychique observé durant la grossesse, les comparant au psychisme des adolescentes, période de remaniements psychiques importants. -8- c) Le désir d’enfant Le désir d’enfant représente un ensemble complexe qui mêle des sentiments (conscients et inconscients) plus ou moins ambivalents et doit être distingué de la volonté d’avoir un enfant. Par désir d’enfant, M. Bydlowski (1997) entend la résultante « d’une combinaison harmonieuse entre le désir d’être comme sa mère des premiers soins et un autre désir, celui d’avoir comme elle un enfant de père ». En effet, la constellation œdipienne fait que l’enfant devient l’objet de l’amour que sa mère porte à son père à elle. Maintenant assouvi, le désir d’enfant de la femme sexuellement mûre est le prolongement du désir infantile de recevoir un enfant de son père. (H. Deutsch, 1994). Le désir d’enfant est présent chez la petite fille dès l’âge de dix-huit mois. A cet âge, la petite fille s’identifie à la mère, c’est par cette identification qu’elle va vouloir devenir mère comme sa mère. Puis par le biais du refoulement, l’image maternelle est oubliée. A la période de latence durant laquelle la petite fille prend connaissance de la différenciation des sexes et du fait qu’elle n’a pas de pénis, la petite fille se détourne du premier objet d’amour et se retourne vers le père dont elle désire un enfant. A l’adolescence, une différenciation entre la mère des premiers soins et la femme du père est réalisée. Il est important pour la continuité d’être du désir d’enfant que l’intensité du conflit œdipien ne vienne pas faire oublier la relation et l’image de la mère des premiers soins. Dans un développement dit normal, tout cela se déroule sans entrave. Il est important de distinguer désir d’enfant et projet d’enfant d’une part et désir d’enfant de désir de grossesse, d’autre part. Le projet d’enfant appartient à une catégorie consciente, il peut être calculé grâce aux moyens contraceptifs. Nous pouvons traduire désir de grossesse par un « désir d’être enceinte » (M. Bydlowski, 1997). De plus, nous ne devons pas confondre, désir d’enfant et besoin d’enfant. Le besoin d’enfant se réfère à des femmes, des couples souffrant de stérilité qui font la demande quasi obsédante d’avoir un enfant. Le besoin d’enfant se retrouve également chez des femmes ayant fait une fausse couche ou une grossesse extra-utérine et chez des femmes ayant vécu la perte d’un proche. L’enfant est alors attendu comme celui par qui tout serait réparé. -9- « Le désir d’enfant serait la traduction naturelle du désir sexuel dans sa fonction collective d’assurer la reproduction de l’espèce et dans sa fonction individuelle de transmettre l’histoire personnelle et familiale » (M. Bydlowski, 1999). Avec l’apparition des moyens de contraception, le désir d’enfant devient « une démarche consciente et raisonnable, délibérée, voire programmée » (M. Bydlowski, 1997). Le désir d’enfant joue un rôle important quant aux mécanismes d’expulsion mise en œuvre par la future mère. Si celui n’est pas assez fort ou s’il est inhibé ou pas assez extériorisé alors les tendances à vouloir expulser le fœtus dominent les processus biologiques de la grossesse. Cela peut être également le cas si la mère a manqué d’amour. Il s’accompagne de tendances qui n’ont rien à voir avec l’esprit maternel : « avoir un héritier de son propre Moi, quelqu’un en qui coule son propre sang, une créature qui surgisse de soi, comme un fruit de l’arbre, et assure la continuité, l’immortalité de sa propre existence transitoire » (H. Deutsch, 1949). Le désir d’enfant permet, au fil des mois de la grossesse, la prise de conscience de l’existence de cet enfant et sa véritable attente. d) La transmission inter et transgénérationnelle L’enfant hérite de l’histoire de ses parents, de ses grands-parents donc de leurs conflits intérieurs. Le prénom qu’on lui attribue n’est jamais neutre. Il va déterminer en partie son sort. Selon Lebovici (1998a), les données de transmission intergénérationnelle peuvent se regrouper en trois axes : « - L’utilisation de l’œdipe parental reclasse l’enfant imaginé par la mère comme le produit de sa liaison avec son propre père : le bébé est donc le fils adoptif du grand père maternel. - La chambre imaginé par les parents peut être hantée de fantômes (Fraiberg, 1975) dont la présence est liée à la biographie des parents : il s’agit souvent de secret de famille qui s’exprime facilement dès la grossesse et en tout cas dès que la mère peut en parler. - La transmission intergénérationnelle peut être celle d’un mythe qui tend à définir l’axe du mandat de vie imposé au descendant. » Pour S. Lebovici (1998), le mandat transgénérationnel a un impact important concernant le processus de parentification. - 10 - Lorsqu’une femme attend un enfant, elle contracte une dette symbolique vis-à-vis de sa propre mère. Selon M. Bydlowski (1997), « par l’enfantement, singulièrement par le premier enfant, une femme accomplie son devoir de gratitude à l’égard de sa propre mère ». Cette dette se transmet de génération en génération, avec tous les conflits plus ou moins larvés qu’elle suppose. Plus les conflits sont actifs, plus la situation est difficile. S. Marinopoulos aborde l’idée du transgénérationnel en expliquant que « la vie psychique de l’enfant se construit en interrelation avec la vie psychique de ses parents, eux-mêmes s’étant construit avec la vie psychique des leurs. Cette notion d’influence psychique pour reprendre les termes de Serge Tisseron, nous conduit à rappeler que, dans une construction psychique, l’enfant peut être face à un élément qu’il n’arrive pas à élaborer, à introjecter. Il peut être alors condamné au secret et devenir une « crypte » ( le terme est de N. Abraham et de M. Torok), faisant surgir des fantômes ». Attendre un enfant ramène toujours à la mère qui est la référence première. Attendre une fille peut ramener l'inconscient aux interactions avec les filles de la famille. Attendre un garçon interpelle en plus la relation au père et au frère. Mais l'inconscient est aussi fait de celui des grands-parents et arrière-grands-parents qui ont déjà donné une transmission à leurs enfants. 2) La relation d’objet a) Définition Selon J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967), la relation d’objet désigne « le mode de relation qu’a le sujet avec son monde. Cette relation est le résultat complexe et total d’une certaine organisation de la personnalité, d’une appréhension plus ou moins fantastique des objets et de tels types privilégiés de défense ». Une personne visée par des pulsions est qualifiée d’objet. b) Les stades selon S. Freud S. Freud dans « Trois essais sur la théorie sexuelle » aborde la sexualité infantile qu’il conçoit comme « tout ce qui concerne les activités de la première enfance en quête de jouissance totale ». Freud met en avant différents stades qui s’ordonnent selon les déplacements de la sexualité d’une zone à l’autre du corps. - 11 - Le stade oral, de zéro à douze mois, se situe autour de l’incorporation. La principale zone de plaisir est la bouche et l’objet visé est le sein. Le bébé demande à l’autre (maternel) qu’elle lui donne l’objet désiré. Le stade anal, de un an à trois ans, se situe autour des fonctions d’expulsions et de rétentions. L’enfant est capable de contrôler ses voies sphinctériennes, elles sont considérées comme source de plaisir. Les fèces de l’enfant représentent l’objet. La relation est ambivalente, l’enfant peut utiliser activement l’objet afin de produire un effet sur son entourage (don/refus) alors qu’il ne pouvait que refuser passivement l’objet oral. Le stade phallique s’ordonne autour de l’idée de castration. A ce stade, l’objet est le sexe érigé, la sensation est génitale et s’adresse à la mère. La finalité du développement psycho-sexuel de l’enfant est la mise en ordre de courants pulsionnels qui se coordonnent sous le primat du génital (le sujet s’assume comme homme ou comme femme). c) La position schizo-paranoïde et la position dépressive selon M. Klein Nous allons nous appuyer sur l’ouvrage d’Hanna Segal intitulé « Introduction à l’œuvre de Mélanie Klein » afin d’exposer les concepts de position schizo-paranoïde et de position dépressive. Mélanie Klein s’oppose à S. Freud et introduit une autre dimension en accentuant ses recherches autour de la relation précoce mère-enfant et de l’imaginaire plus ou moins angoissant qui l’accompagne. La position schizo-paranoïde M. Klein considère que dès la naissance le moi de l’enfant est exposé à l’angoisse suscitée par la pulsion de vie et la pulsion de mort. Il est capable d’employer des mécanismes de défenses et d’établir des relations primitives d’objet dans le fantasme et la réalité. Pendant les quatre premiers mois de la vie, lorsque le moi est confronté à la pulsion de mort, il se clive et se projette sur l’objet extérieur originel soit le sein. La peur originelle concernant la pulsion de mort se transforme alors en une peur du persécuteur. Le sein est perçu comme mauvais, menaçant, persécuteur. Parallèlement, il s’établit une relation avec l’objet idéal. En effet, la libido est projetée à son tour sur le sein pour créer un objet satisfaisant. - 12 - Le moi a une relation avec deux objets, le sein idéal représentant le bon objet et le sein persécuteur représentant le mauvais objet. La relation à l’objet (le sein) est qualifiée de partielle. L’angoisse dominante provient de la crainte que l’objet persécuteur pénètre dans le moi et anéantisse l’objet idéal. Elle est dite paranoïde. Le stade du moi et de ses objets se caractérise par le clivage qui est schizoïde. La position dépressive A partir du cinquième mois, le clivage et l’angoisse paranoïde s’atténuent. Le bon objet et les pulsions libidinales prennent le dessus sur les mauvais objet et les pulsions mauvaises. Le nourrisson établit une relation à l’objet qualifié de total c’est à dire son père ou sa mère indifférenciés. Le moi du nourrisson devient également un moi total. Dans la position dépressive, les angoisses surgissent de la crainte fantasmatique de détruire l’objet total introjecté en raison de l’agressivité. Chez l’adulte, les bons objets externes symbolisent toujours le bon objet primaire. Toute perte fait alors revivre l’angoisse de perdre le bon objet. 3) La relation d’objet virtuel a) Définition Tout d’abord, précisons ce que nous entendons par virtuel. Le petit Larousse en couleurs (1991) indique que le terme « virtuel » (venant du latin virtus, force) signifie « qui n’est qu’en puissance ; potentiel, possible ». S. Missonnier (2004) précise que « le virtuel ne s’oppose pas au réel mais à l’actuel ». Cette actualisation, cette mise en œuvre de l’acte est « le fruit d’une anticipation créatrice. » (S. Missonnier, 2003). S. Missonnier (2003) définit la réalité virtuelle comme « une construction mentale de l’observateur immergé physiquement dans des stimulations sensorielles interactives (des artefacts technologiques) qui leurrent sa perception ». Voyons maintenant ce qu’il faut comprendre par relation d’objet virtuel. S. Missonnier (2004) souligne que « la relation d’objet virtuel concerne l’ensemble des liens possibles entre l’environnement humain et l’enfant du dedans de la grossesse ». Il entend par environnement, la devenant mère, le devenant père mais également la famille et les amis. - 13 - S. Missonnier (2004) désigne par « enfant virtuel », l’enfant « imaginé » selon S. Lebovici. S. Lebovici (1998) décrit quatre types d’enfants imaginés par les sujets s’engageant dans le processus de parentalité : l’enfant imaginaire, l’enfant fantasmatique, l’enfant mythique et l’enfant narcissique. Ils sont présents à différents moment de la vie des sujets et peuvent être soumis à des modifications notamment durant les différentes étapes de la grossesse telle que l’échographie. « L’enfant imaginaire » est enraciné dans le préconscient et est largement préœdipien. Il constitue « le fruit du désir de grossesse » et est souvent idéalisé. « L’enfant fantasmatique », inconscient, est quant à lui porteur des conflits infantiles et/ou du poids d'une histoire familiale, personnelle lourde. En effet, l’enfant fantasmatique est présent dans l’imaginaire dès la petite enfance. Celui-ci se construit selon les imagos parentaux et le désir de la fille d’avoir un enfant de son père. Cet enfant fantasmatique fait l’objet d’une dette, il réactualise la transparence psychique et les conflits infantiles s’y rattachant. « L’enfant mythique » se rapporte à l’appartenance collective et à la résonance individuelle. Selon S. Lebovici, « il est chargé de toutes les références culturelles et médiatiques » qui nous entourent. « L’enfant narcissique » est la représentation de tous les investissements narcissiques dont font preuve les parents envers leur enfant. Selon B. Cyrulnik (1989), « le bébé est imaginé avant d’être perçu, parlé avant d’être entendu ». L’anticipation est un bon marqueur de relation d’objet virtuel de la devenant mère. La naissance possède un double enjeu, d’une part la confrontation entre l’enfant imaginaire et l’enfant réel et d’autre part celle de l’enfant virtuel et de l’enfant actualisé. b) Le phénomène de régression Avant d’aborder la relation d’objet virtuel de la devenant mère, intéressons-nous au phénomène de régression. Par régression, J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967) entendent « un retour en sens inverse à partir d’un point déjà atteint jusqu’à un point situé avant lui, ceci dans un processus psychique comportant un sens de parcours ou de développement ». - 14 - Dans « L’interprétation du rêve », S. Freud expose le concept de régression, « la régression étant cette forme de représentation dans laquelle le souvenir est lui-même psychiquement présent ». C’est à dire que seules les pensées liées à des souvenirs réprimés ou inconscients sont transformées en images. L’appareil animique (psychique) est composé d’instances ou encore appelées systèmes et a une direction. Selon Freud ces systèmes sont parcourus « par l’excitation dans une succession temporelle déterminée ». L’appareil psychique est composé de plusieurs systèmes, un système de perception (Pc) recevant les diverses stimulations sensorielles appelé ultérieurement par Freud Conscience (Cs), un système dit le Préconscient (Pcs) qui est responsable de la motilité volontaire d’une part et d’autre part les processus d’excitation présent dans le Pcs ont accès au système Cs. Le troisième système est appelé l’Inconscient (Ics), les excitations n'ont accès à la conscience qu’en passant par le système Pcs sous condition de modifications. Revenons au rêve et à sa formation. Celui-ci prend naissance dans l’Ics de par sa force de pulsion tout en se rattachant à des pensées appartenant au Pcs pour accéder, la nuit, à la Cs. Chose qui est impossible en journée à cause de la résistance présente entre l’Ics et la Cs. Dans le rêve, l’excitation prend une voix rétrograde c’est à dire qu’au lieu de se diriger du système Pc vers l’extérieur, de créer une motilité, celle-ci se dirige vers le système perception. Dans le rêve, « le système perception est investit à partir des pensées jusqu’à la pleine vivacité sensorielle ». S. Freud entend par régression le fait que « dans le rêve, la représentation se retransforme en l’image sensorielle d’où elle est sortie à un moment donné ». Dans le rêve, la pensée suit la direction inverse à travers les différents systèmes de l’appareil psychique que celle habituellement suivie quand le sujet est en état de veille, « le rêve a un caractère régrédient ». De plus S. Freud nous informe que ce phénomène n’est pas propre au rêve, il peut également être présent lors d’une remémoration intentionnelle ainsi que dans d’autres processus psychiques. Freud distingue trois types de régression. Une régression topique en relation avec les différents systèmes composants l’appareil psychique et la direction prise par l’excitation. Une régression temporelle où le sujet retourne à des formations psychiques plus anciennes concernant par exemple les stades libidinaux, les relations d’objet, les identifications. - 15 - Une régression formelle relative aux modes d’expression et de représentation qui atteignent plus primitifs que ceux utilisés habituellement par le sujet. Ces trois types de régression ne sont pas foncièrement différents, celles-ci sont en rapport les unes avec les autres notamment concernant le lien entre le plus ancien dans le temps, le primitif et le système perception, « ce qui est le plus ancien dans le temps est tout à la fois ce qui est formellement primitif, et dans la topique psychique, le plus proche de l’extrémitéperception ». c) La relation d’objet virtuel de la devenant mère Revenons maintenant à la période de grossesse durant laquelle se produit « une forte perturbation de l’économie libidinale » (H. Deutsch, 1924) associé à un phénomène de régression. En effet, la femme enceinte va procéder à la recherche de toutes les tendances libidinales qu’elle a auparavant abandonnées. Elle revit les situations qui se sont déjà produites au cours de son développement concernant la relation à l’objet. « L’enfant revêt aussi le sens d’un objet du monde extérieur et devient le dépositaire libidinal de divers investissement d’objet » selon H. Deutsch (1924). L’enfant à naître est cet objet que nous pouvons qualifier de virtuel. Nous allons nous appuyer sur les propos d’Hélène Deutsch dans son ouvrage intitulé « Psychanalyse des fonctions sexuelles de la femme » (1924) ainsi que sur l’article de S. Missonnier « L’enfant du dedans et la relation d’objet virtuel » (2004) afin de relater la destinée de l’économie libidinale et les « conflits individuels structuraux maternels » s’y rattachant lors de la grossesse. Nous les évoquerons en commençant par le coït pour arriver à l’accouchement. Dans l’acte de la préparation de l’acte sexuel, les limites entre le moi et l’objet sont inexistantes. Le coït voit alors « l’identité entre le sujet et l’objet complètement établie » (H. Deutsch, 1924). C’est au moment de la fécondation que l’objet est incorporé par la femme. L’enfant est cet objet incorporé, introjecté dans le moi de la femme. La révélation de la grossesse peut être assimilé à un choc. De nombreuses interrogations concernant les différents changements à venir voient alors le jour. La femme enceinte a la possibilité de mettre fin à sa grossesse. Le non recours à l’avortement est « le premier acte - 16 - d’affirmation identitaire de l’embryon qui devient, pour les parents, enfant virtuel de la grossesse » (S. Missonnier, 2004). En début de grossesse, un conflit d’ambivalence lié aux phases orales du développement s’exprime dans le sentiment que l’objet incorporé doit être expulsé. Cette hostilité peut se traduire par des nausées, des vomissements importants et des émotions plus ou moins conscientes envers la grossesse ou envers le fœtus. Souvent cette hostilité exprime une peur envers le contenu réel de son corps soit le fœtus. Ce fœtus est assimilé à un parasite appelé par S. Ferenczi « endoparasite ». Selon lui, « l’homme, en tant qu’individu, est avant sa naissance un endoparasite aquatique et après sa naissance, pendant un bon moment, un ectoparasite aérien de la mère ». La future mère et le fœtus ne font qu’un, l’organisme de l’un agit sur l’organisme de l’autre et réciproquement. Le fœtus ne vit que grâce au corps de la mère. Selon S. Ferenczi « La première substance nutritive du nourrisson est le corps de la mère ». Sa survie ne dépend que de la vie de la mère. Certaines femmes ont des difficultés à accepter cette réalité, il peut alors en découler un sentiment de haine envers le fœtus qu’elle porte. L’annonce de la grossesse à l’entourage peut être sujette à des hésitations. Le silence ou l’annonce aux futurs grands-parents « illustre qualitativement leur place de parents internes (d’imagos parentales) et l’inertie des enjeux générationnels ». (S. Missonnier, 2004). Ensuite, la femme enceinte parvient à transformer le fœtus parasite en un être aimé grâce au processus d’identification. Elle identifie et accepte le corps du fœtus comme faisant parti de son propre corps. Une nouvelle équation rentre alors en jeu : « fèces = enfant ». La relation à l’enfant-objet est de type sadique-anal. Cela se manifeste à travers des fantasmes et des rêves mais également à travers les comportements de la femme enceinte (les sautes d’humeur en sont un exemple). Un sentiment d’ambivalence envers l’enfant-objet est alors présent. Il peut apparaître sous forme de dégoût (association inconsciente entre les fèces et l ‘enfant) et de symptôme de travail (expulsion, rétention). Il est à noter que si celles-ci prédominent cela peut entraîner une fausse couche. Vers cinq mois, les mouvements fœtaux sont perceptibles pour la femme enceinte. L’enfant fait toujours parti de son corps mais il est dorénavant capable d’autonomie. Il perd alors sa signification anale. La composante narcissique de la libido accèdent au niveau supérieur, le niveau phallique. Les sentiments d’ambivalence propre au stade sadique-anal disparaissent et de nouveaux sentiments d’amour et de tendresse envers l’enfant peuvent alors s’instaurer. - 17 - A l’approche de l’accouchement, les processus psychiques en jeu sont proches de ceux présents en début de grossesse. Du fait des modifications de la position de l’utérus afin de préparer l’accouchement, la mère ressent une gêne, le fœtus est alors considéré à nouveau comme un corps étranger. Une ambivalence entre les sentiments de rétention et d’expulsion sont à nouveau d’actualité. En effet, la femme quelques semaines avant l’accouchement exprime le souhait de continuer à vivre l’unité qui s’est crée tout au long de sa grossesse entre elle et son fœtus. Mais d’un autre côté, l’inconfort physique, la gêne ressentie font que la femme désir que sa grossesse se termine et ainsi pouvoir connaître et aimer son enfant en tant qu’objet externe. Le physiologique prend le dessus sur le psychique. Après la naissance, la mère est capable de produire du lait. L’allaitement est alors une continuité physiologique entre la mère et le fœtus. Avant de nous intéresser à la destinée de l’enfant d’un point de vue narcissique, nous allons tenter de définir ce qu’est le narcissisme. Pour cela nous relaterons l’histoire mythique de Narcisse puis nous aborderons les travaux traitant du narcissisme. « Narcisse est un jeune homme d’une extraordinaire beauté. Aussi nombreuses sont les nymphes qui se languissent d’amour pour lui. Mais le bel adolescent demeure totalement insensible à leur charme et à leurs timides ou plus audacieuses avances. Echo, plus amoureuse de ses sœurs, et cependant éprise au point qu’elle vient à dépérir, après avoir été rejetée par Narcisse, pour n’être pus qu’une ombre, une voix condamnée à répéter les cris et propos entendus. Les nymphes scandalisées par l’attitude indifférente de Narcisse et la mésaventure d’Echo, sollicitent le déesse de la vengeance Némésis, et lui demandent de châtier le jeune homme. Némésis, ayant connaissance de la prédiction du voyant Tirésias concernant Narcisse, selon laquelle le jeune homme vivrait tant qu’il ne verrait pas son reflet, le pousse à se regarder dans l’eau claire d’une fontaine. Narcisse, dès qu’il aperçoit son reflet, en tombe éperdument amoureux, jusqu’à oublier de manger et de boire. Absorbé tout entier dans la contemplation de son image, Narcisse longuement prend racine et se transforme en une fleur à laquelle il donne son nom ».(C. Morel). S. Freud, dans « Pour introduire le narcissisme » en 1914, distingue deux sortes de narcissisme, le narcissisme primaire et le narcissisme secondaire. - 18 - Le narcissisme primaire correspond à l’enfance durant laquelle s’opère un retrait de « la libido des personnes et des choses du monde extérieur , sans leur substituer d’autres objets dans les fantasmes». Dans un second temps, a lieu « une tentative de guérison qui se propose de ramener la libido à l’objet ». Le narcissisme secondaire est « construit sur la base d’un narcissisme primaire » en ce sens qu’il se produit à l’âge adulte à nouveau ce processus. La libido se retire des investissements objectaux pour investir à nouveau le moi. Pour S. Lebovici (1998a) « parler de narcissisme primaire et de narcissisme secondaire, c’est opposé la naissance du Soi ou du Self (D.W. Winnicott) qui fait l’expérience de la continuité du sentiment d’exister (narcissisme primaire) à l’expérience de l’investissement de l’objet par le soi (lorsque cet objet doit être réinvesti) ou du désinvestissement de l’objet et du repli sur soi même (narcissisme secondaire ) ». D. W. Winnicott entend par Soi, l’expansion du narcissisme infantile. En effet, lorsque la mère s’éloigne du nourrisson, celui-ci va donner « une expansion à son narcissisme primaire, afin de préserver par son Soi et dans son Soi, l’expérience d’un sentiment continu d’exister en dépit du retrait relatif de l’objet ». Concernant la femme enceinte, S. Freud (1914) souligne que « c’est une partie de leur propre corps qui se présente à elle comme un objet étranger, auquel elle peuvent maintenant, en partant du narcissisme, vouer le plein amour d’objet ». Selon Dayan, l’amour (d’objet) pour le bébé prend sa source de l’amour (narcissique) que la mère se porte (se portait) à elle-même. Le souhait narcissique de se faire aimer présent chez la femme féminine selon Hélène Deutsch (1949) se métamorphose chez la femme enceinte. En effet il est transféré du moi sur l’enfant ou son substitut. Durant l’acte sexuel, l’enfant est introjecté et devient une composante du Moi de la femme. Nous entendons par processus d’introjection que la libido qui était alors dirigée vers le partenaire sexuel se dirige dorénavant vers le Moi de la femme, la libido est transformée en libido narcissique. Elle représente le narcissisme secondaire, en effet, car elle s’écoule vers l’enfant-objet, objet qui est une partie du Moi de la femme (H. Deutsch, 1929). C’est par ce processus d’introjection que l’enfant incarne alors l’idéal du Moi de la femme enceinte. La libido narcissique se dirige donc vers ce Surmoi. « Toute une masse d’investissement d’objets libidinaux sont retirés du monde extérieur et attribués à l’enfant en - 19 - tant que surmoi. Chez la femme, le processus de sublimation est donc lié à l’enfant » selon H. Deutsch (1929). « Il est faux de parler d’esprit maternel sublimé, car l’amour maternel même s’il est proche de l’instinct, est en lui-même une sublimation » (H. Deutsch, 1949). Par sublimation, il faut entendre que c’est un processus qui concerne la libido d’objet et consiste en ce que la pulsion se dirige sur un autre but, éloigné de la pulsion sexuelle ». (S. Freud, 1914). Plus tard, lorsque l’enfant paraît, l’amour que ses parents auront envers lui n’est en fait que « leur narcissisme qui vient de renaître et, qui malgré sa métamorphose en amour d’objet, manifeste à ne pas s’y tromper son ancienne nature ». (S. Freud 1914). A travers « His Majesty the Baby” les parents ont alors la possibilité de voir s’accomplir « les rêves de désir » qu’ils n’ont pu réalisés. 4) Les fantasmes a) Définition Dans « Fantasme originaire. Fantasme des origines. Origines des fantasmes », J. Laplanche et J.-B. Pontalis soulignent que « la réalité psychique est une forme d’existence particulière qui ne saurait être confondue avec la réalité matérielle ». Selon eux, il y a « trois sortes de réalités au sens large : la réalité matérielle, la réalité des « pensées de liaison » ou du psychologique et la réalité du désir inconscient et de son « expression la plus vraie » (le fantasme) ». Les fantasmes sont des productions imaginatives appartenant au « théâtre privé » du sujet. Ils sont soumis au principe de plaisir et sont indépendants du principe de réalité. Ces mêmes auteurs, en 1967, entendent par fantasme : « scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par les processus défensifs, l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort d’un désir inconscient. Le fantasme se présente sous des modalités diverses : fantasmes conscients ou rêves diurnes, fantasmes inconscients tels que l’analyse les découvre comme structures sousjacentes à un contenu manifeste, fantasmes originaires. » Le fantasme trouve son origine dans le temps de l’auto-érotisme, de plus il est lié avec le désir non pas en tant qu’objet mais en tant que scène. Dans le fantasme, le sujet ne vise pas l’objet ou son signe, il est pris dans la séquence d’image. - 20 - Le sujet ne se représente pas l’objet désiré mais il est représenté participant à la scène sans que dans les formes les plus proches du fantasme originaire, une place puisse lui être assigné. Selon M. Klein (d’après les travaux d’Hanna Segal) les fantasmes sont l'expression mentale des pulsions sous forme d'images ou de sensations. Chaque incitation pulsionnelle contient le fantasme qui lui correspond. C'est un lien actif entre la pulsion et les processus psychiques. Le fantasme est une fonction du Moi qui est capable dès la naissance d'établir des relations objectales dans l'imaginaire et la réalité. Son rôle essentiel est d'être une défense contre l'angoisse tout en étant un contenu de l'angoisse . Le fantasme est inconscient et concerne d'abord le corps, de manière archaïque et brutale dans la première année de la vie. Les premiers fantasmes sont vécus comme des sensations, qui plus tard deviendront des représentations dramatiques. Grâce à l'échange avec l'extérieur, ils deviennent susceptibles d'expression mais leur existence ne dépend pas de cette expérience. Les effets du fantasme sont à la fois psychiques et corporels. L'effet psychique se verra dans la sublimation, l'identification, la projection tandis que l'effet corporel se traduira dans les symptômes de conversion. L'adaptation à la réalité exige le soutien de fantasmes. Il y a un apport du fantasme dans tout apprentissage. Tout le monde a besoin de fantasmes pour communiquer, pour apprendre, pour vivre, et ils exercent une influence déterminante tout au long de la vie. La différence entre l'utilisation du fantasme de manière normale et son utilisation de manière pathologique réside dans le caractère spécifique des fantasmes dominants, dans le désir ou dans l'angoisse qui leur est associé et dans leur interaction avec la réalité extérieure. Les fantasmes sont donc l’expression mentale des pulsions reflétant ainsi la lutte incessante entre Eros et Thanatos. Eros est le Dieu grec de l’amour. Son nom romain est Cupidon. Il est le fils d’Aphrodite (déesse de la Beauté, de l’Amour et des Arts) et d’Arès (dieu de le Guerre). Il réunit en lui les ministères de ses parents, en inspirant par ses flèches (thème de le guerre) les sentiments tendres et passionnés (thème de l’amour). Il est représenté sous les traits d’un enfant joufflu. - 21 - Il est malicieux et espiègle et semble prendre un malin plaisir à provoquer des unions impossibles ou folles. Les termes « érotique », « érotisme », dérivés d’Eros, évoquent la sensualité et non la sexualité. Eros institue ainsi la différenciation entre la sexualité primaire, bestiale, exclusivement physique (besoin), et la sexualité faisant intervenir le sentiment, l’ensemble des sens et le mental (le désir). Il sublime et élève la sexualité au niveau d’un art, sacré dans certaine tradition. (C. Morel). Si Hadès est le dieu des morts, Thanatos symbolise la mort elle-même. Frère jumeau d’Hypnos, le sommeil, il est le fils de la nuit et personnifie les forces obscures et négatives. (C. Morel). Dans sa théorie de la métapsychologie, S. Freud fait de Thanatos l’emblème des pulsions de mort, qui sont orientées réellement ou symboliquement, vers la destruction, la mort, l’anéantissement et la souffrance. Elles se manifestent dans les attitudes morbides et agressives (notamment dans le sadisme et le masochisme). Les pulsions de vie sont associées à Eros. Elles recouvrent les pulsions de conservation et les pulsions sexuelles, orientées les unes comme les autres vers le développement, l’épanouissement, la croissance et la vie. b) Les fantasmes originaires Selon S. Freud, dans le cas des névroses, dans un « premier temps », (temps non situable car fragmenté dans la série des moments de passage à l’autoérotisme), il y aurait un « symbolique pré-symbolique » qui s’isolerait dans le sujet. Dans un second temps, ce symbolique pré-symbolique serait repris et « symbolisé » par le sujet. Dans la psychose, dans le « premier temps », le réel qui n’est pas symbolisé s’impose au sujet, toute tentation de symbolisation est impossible dans le second temps. S. Freud nomme dans le cas des névroses le processus « refoulement » et dans le cas des psychoses le « déni », J. Lacan quant à lui, nomme ce processus la « Forclusion ». La Forclusion selon J. Lacan est le mécanisme psychotique qui fait que ce qui n’a pas été admis dans le symbolique, c’est à dire ce qui a été forclos, réapparaît dans le réel sous forme d’imagination. S. Freud emploie le terme Phantasie pour deux notions distinctes ce qui peut prêter à confusion. Rappelons alors ces deux notion, d’une part le terme Phantasie inconsciente - 22 - désigne « le contenu primaire des processus mentaux inconscients » et d’autre part, les imaginations conscientes ou subliminaires dont le type est la rêverie diurne. » Afin de palier à cette possible confusion, J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1964), dénomment par fantasme conscients les imaginations conscientes du type rêverie diurnes et par phantasme inconscient les phantasies inconscientes. Ceux qui ont toujours été inconscients sont en réalité les fantasmes originaires et ceux refoulés représentent les autres fantasmes. Les fantasmes inconscients ont été toujours inconscients ou alors c’étaient des fantasmes conscients, des rêverie diurnes qui ont été refoulées. J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1964) considèrent la rêverie comme « un roman feuilleton, à la fois stéréotypé et infiniment variable, que le sujet forge et se raconte à l’état de veille. » J. Laplanche et J.-B. Pontalis dans « Fantasme originaire. Fantasme des origines. Origines des fantasmes » relatent que S. Freud introduit une notion nouvelle celle des fantasmes originaires « Urphantasien ». En effet, S. Freud dans « Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique » en 1915 utilise pour la première fois le terme fantasme originaire. Il en distingue plusieurs « ces formations fantasmatiques, celle de l’observation du commerce sexuel des parents, celle de la séduction, de la castration, et d’autres, je les appelle fantasmes originaires » (S. Freud, 1915). « Le bruit invoqué par la patiente reproduit dans l’actuel l’indice de la scène primitive, cet élément à partir duquel a pu prendre toute l’élaboration fantasmatique ultérieure. Autrement dit, l’origine du fantasme est intégrée dans la structure même du fantasme originaire. » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1964) Cette notion indique que le fantasme a un en deçà, qu’il fonde ses origines dans le vécu et dans l’imaginaire du sujet. De plus, l’originaire se fonde dans la nuit des temps comme le mythe. « S. Freud [dans Introduction à la psychanalyse] donne une explication phylogénétique aux fantasmes originaires. Il est possible que tous les fantasmes qu’on nous raconte aujourd’hui dans l’analyse […] aient été jadis, aux temps originaires de la famille humaine, réalité » (ce qui fut réalité de fait serait devenu réalité psychique) (…) et qu’en créant des fantasmes l’enfant comble seulement, à l’aide de la vérité préhistorique, les lacunes de la vérité individuelle » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1967). Par phylogenèse, il faut entendre « trace mnésique héritée ». - 23 - Voyons maintenant la définition du fantasme de scène primitive, du fantasme de séduction ainsi que celle du fantasme de castration. Le fantasme de scène « originaire » ou « primitive » est aujourd’hui connu sous le nom de fantasme de scène primitive et témoigne du fait que l’enfant aurait assister au coït parental. « Le fantasme de scène primitive témoigne d’une véritable introjection pour l’enfant de l’érotisme adulte » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1964). Dans le scène primitive, c’est l’individu qui se voit figuré. C’est la conjonction entre le fait biologique de la conception (et de la naissance) et le fait symbolique de la filiation, entre « l’acte sauvage » du coït et l’existence d’une triade mère-enfant-père Le fantasme de séduction est « le masque de l’activité sexuelle infantile ». « La séduction serait un mythe, mythe de l’origine de la sexualité par introjection du désir, du fantasme, du « langage » adultes (S. Ferenczi). » Dans les fantasmes de séduction, c’est l’origine, le surgissement de la sexualité. S. Freud cherchait à montrer comment la façon dont la sexualité vient aux humains en termes d’origine. La différenciation des sexes est à l’origine des fantasmes de castration. 5) Les représentations fantasmatiques durant la grossesse a) Rites et croyances La mère est représentée dans le christianisme, avec l’image de Marie. Il s’agit d’ailleurs d’une mère sublimée, puisque demeurée vierge, elle est seule génitrice de Jésus. La mère suprême comme la mère réelle, porte l’enfant dans sa chaire (d’où son identification avec la terre) et est charger d’instituer le lien affectif. On peut faire le lien entre la mère et la terre. La terre est universellement associée à la mère et le ciel au père, ils forment alors un couple sacré. La terre est perçue comme maternante et les valeurs nutritives tant physiques qu’affectives lui sont accordées. Il est intéressant de constater qu’en Afrique de nombreuses croyances tournent autour de la grossesse. P. Canavaggio relate qu’une femme enceinte ne doit pas porter d’étoffe rouge afin de ne pas avorter. Monter à cheval lui est interdit, son enfant aurait alors une joue plus grosse que l’autre. Elle ne doit pas se gratter sans raison sinon son enfant aurait des envies plus tard. Elle ne doit pas regarder des monstres sinon elle pourrait en mettre un au monde. - 24 - E. Ewombé-Moundo évoque les rituels (interdits et prescriptions) alimentaires et comportementaux mis place par la femme enceinte, par son conjoint et par son entourage durant la grossesse pour préserver l’enfant de malformations, de la mort et protéger la future mère d’un accouchement difficile. Si le fœtus venait à être mal formé, ceci serait du au fait que la mère à transgresser les interdits, ce serait alors une conséquence des ses actes, une cause à effet, « elle le savait ». La mère transmet les caractéristiques culturellement reconnues de ce qu’elle consomme. « C’est le trait de similarité qui établit le rapport métaphorique ». Dans les trois premiers mois, le moyen de protection recommandé est le silence. La grossesse n’est pas certaine, il y a un risque de fausse couche. « La Kallipédie devient l’expression d’un désir qui s’inscrit dans le cadre général d’un rejet fondamental de la parturition « du monstre ». Ces interdits et ces prescriptions ont un but que l’enfant soit parfait et conforme aux idéaux culturels de la société concernée. B. Ravololomanga relate que dans la culture Tanala, le fœtus est considéré comme une chose « raha », lorsque les mouvements fœtaux sont décelables il est considéré alors comme un petit animal « biby » qui sera pourvu de bras et de pied par la volonté divine. Le fœtus ou « raha », par son statut indéterminé et le sexe indifférencié dont il fait preuve « menace la mère par l’ombre qu’il projette sur elle ». La mère menacée devient alors menaçante concernant certaines situations de la vie quotidienne et réciproquement. On dit que la mort agit sur elle et c’est pour cela qu’elle ne doit pas s’approcher d’un tombeau. A six mois de grossesse, période où la grossesse est perceptible et où la mère sent les mouvements du fœtus, doit s’accomplir le rite de la levée du danger. Elle implore alors ses parents de la pardonnée des fautes qu’elle aurait ou non commise afin de ne pas entraver le bon déroulement de la grossesse. Ce rituel permet également d’officialiser la grossesse, la femme est alors appelé « betroka » qui signifie littéralement « a le gros ventre » c’est à dire enceinte. A la suite de cette cérémonie, la femme et son entourage se verront obliger d’adopter des prescriptions alimentaires et comportementales. La femme a donc un comportement différent qui la laisse en marge de la société, tel quelqu’un de malade. « La grossesse a une portée sociale et non individuelle ». Elle doit modifier son alimentation, il lui est interdit de manger des pinces de crabes et d’écrevisse sinon l’enfant naîtrait malformé, par exemple. Les intentions prêtées à la femme enceinte sont dirigées vers sa capacité de reproduction et non vers son corps en lui-même, celui-ci d’ailleurs est considéré comme un simple réceptacle pour l’enfant à naître. - 25 - b) La « transparence psychique » M. Bydlowski (1998) considère que la grossesse est « un moment privilégié de transparences psychiques ». Elle entend que durant la grossesse, nous assistons à une résurgence de la névrose infantile de la future mère. Ceci s’explique par le fait que dès les premières semaines de gestation l'état de conscience est modifié et le seuil de perméabilité de l'inconscient, abaissé. En effet, la perméabilité aux représentations est amoindrie par une levée du refoulement. Les remémorations infantiles de moments de vie, d’émotions de la femme enceinte vont de soi et ne soulèvent pas les résistances habituelles. La « transparence psychique » permet donc l’émergence de fantasmes régressifs et d’anciennes réviviscences. Durant la grossesse, le nouvel objet psychique qu’est le futur enfant fait preuve d’un investissement narcissique d’une intensité comparable à celui de l’énamoration. « L’énamoration réalise une invasion semblable du psychisme, mais dans la grossesse cette invasion ne vise pas un objet distinct de soi ». Les thématiques psychiques qui ne sont pas d’ordre narcissique sont alors désinvesties. Cela pourrait alors expliquer « l’émergence de fantasmes, de représentations, d’affects, de souvenirs ». Une future mère parlant peu de son futur enfant est le signe d’une relation sur le mode érotisé. En revanche, si une future mère parle fréquemment de son futur enfant, ce pourrait être le signe d’une hypervigilance et d’une anxiété proportionnelles vis à vis de ce dernier. c) Les travaux sur le terrain Selon Bydlowski (1997), la "représentation maternelle" serait une image mentale, voire un scénario. Ces scénarios inconscients ou préconscients tel que "un enfant est battu" sont activés pendant la grossesse du fait de la "transparence psychique" de cette époque de la vie féminine (M. Bydlowski, 1998). Pour D. N. Stern (1989), les représentations sont forgées par les fantaisies, peurs, désirs, distorsions, perceptions sélectives et attributions. Elles apparaissent comme étant plus mobilisables chez le sujet et plus accessibles à un repérage lors des entretiens. L'équipe de Stern (1989) a élaboré une grille d'entretien "R", qui est une méthode d'évaluation des représentations maternelles explorant les aspects suivants la tonalité hédonique de la représentation ; l'identification de l'enfant à ses parents ; l'identification de la mère à sa propre mère ; la cohérence de la représentation et les contenus des thèmes - 26 - conflictuels. Au cours des interactions, les représentations maternelles peuvent s'exprimer dans le discours maternel. Ces représentations verbalisées sont souvent associées aux anticipations maternelles, à l'enfant imaginé, fantasmé, aux conflits personnels que l'enfant réactive. Ainsi le travail de la représentation maternelle serait un processus intra-individuel et l'interaction serait un système inter-individuel. M. Ganem dans son article « Les fantasmes de la grossesse » expose que les fantasmes varient en fonction de la période de grossesse. Les trois premiers mois de la grossesse mettent en évidence des fantasmes de mort ainsi que des fantasmes de sang pouvant apparaître après des relations sexuelles insatisfaisantes. Les fantasmes de la douzième à la trente-deuxième semaines d’aménorrhées de part les modifications hormonales et corporelles s’intègrent dans « une triangulation amoureuse ou sadomasochiste ». Le triangle se compose du couple et de l’Autre soit l’enfant sur lequel le fantasme s’étaye. La triangulation devient masochiste lorsque le fantasme est exprimé et qu’il entraîne une culpabilité de l’un ou l’autre des partenaires. Toutefois, durant cette période de grossesse et à partir du moment où les femmes perçoivent les mouvement fœtaux ,les fantasmes de vie prennent le pas sur les fantasmes de mort. Ces fantasmes de mort dévient vers des fantasmes de morcellement rattachés à une angoisse de malformations fœtales. L’échographie joue alors un rôle important dans la réassurance d’une morphologie normale et permet ainsi aux femmes de réorienter ses fantasmes vers des pulsions de vie. Il est à noter que certaines femmes, concernant leur sexualité, décrivent des fantasmes de répétitivité de la pénétration, des fantasmes de rapport avec deux hommes, des fantasmes de domination à connotation sadique, des fantasmes homosexuels et des fantasmes de sodomisation. Tous ces fantasmes sont vécues de manière positive et viennent ainsi compléter une panoplie de réactivation du désir. Dans les deux derniers mois de grossesse, les fantasmes de mort sont réactivés. Ils peuvent s’associés à des fantasmes de vacuité traduisant une peur de la perte de l’enfant. « Les fantasmes de mort sont de vrais fantasmes de « projection intégrée » avec des scénarios catastrophes dont le moindre est celui des malformations ». Les fantasmes de soumission également présent durant la fin de la grossesse sont inscrits dans la réalité ce qui n’est pas sans risque notamment pour les primipares. Lorsqu’ils sont - 27 - répétés, ils prépare les femmes à l’accouchement et à la réactivation de leur activités sexuelles après la naissance. H. Saigre nous explique que M. Mannoni dans « L’enfant la maladie et les autres » considère que « le monde fantasmatique de la mère situe l’enfant non pas à la place de l’Autre mais à la place de l’Autre imaginaire ». Les parents doivent faire appel à leurs souvenirs et à leur expériences afin de pouvoir se représenter l’enfant à venir. Selon H. Saigre, « ils sont dans l’obligation de fantasmer ». Le fantasme est nécessaire aux parents pour leur donner l’illusion d’un corps soit un corps imaginé. Il expose que les fantasmes des futurs parents ont plusieurs fonctions. Tout d’abord la fonction principale du fantasme est d’accomplir un désir sur un mode hallucinatoire. Ils jouent également une fonction protectrice à travers la mise en place de différenciation. Pour finir, le fantasme est un comportement de défense et de régulation des tensions. S. Lelong explique que le fantasme produit par la mère peut être projeté sur l’entourage afin que celle-ci se déculpabilise. Cela se traduit par le fait que les médecins ne font pas correctement leur métier, qu’ils ne savent pas ou ils sont rendu responsable sur le plan technique. « Mais surtout, des paroles sont prêtées à une « marionnette » (médecin, sage-femme, personne de l’entourage) qui tel un attrape fantasme met en demeure un tiers d’articuler à haute et intelligible voix le fantasme précisément qu’elle n’ose articuler consciemment ». M. Ammaniti et coll. se sont intéressés aux représentations maternelles pendant la grossesse. Les auteurs sont partis des travaux de la psychanalyste anglaise Raphael-Leffe. Raphael-Leffe considère qu’il y a trois orientations maternelles dans la grossesse. La mère « facilitator » (ou facilitante) considère la maternité comme une expérience conclusive de son identité féminine. Cela se traduit par un sentiment d’enrichissement et une faciliter à la régression. L’enfant est considéré comme un compagnon imaginaire, semblable à celui de l’enfance. Elle parle avec lui, lui attribut un sexe, un nom et des caractères physiques. Dans la logique de la relation d’objet virtuel qui nous intéresse ici, cette mère « s’investit dans une relation d’objet virtuel marquée par le sceau de l’investissement narcissique et la suprématie de l’enfant imaginé sur l’enfant actuel » de plus « l’anticipation est faible » selon S. Missonnier (2004). La mère « régulator » (ou régulatrice) considère la grossesse comme un passage obligé pour avoir un enfant. Elle cherche inconsciemment à éviter la régression. Le fœtus est souvent perçu comme un parasite. En effet, selon S. Missonnier (2004) « la relation d’objet virtuel est synonyme d’attaque interne des liens ». - 28 - La mère « réciprocator » est capable d’effectuer des échanges avec l’autre que ce soit son enfant, son partenaire ou sa mère sur la base de la réciprocité. Durant sa grossesse, cette mère est capable de garder un certain équilibre entre la tendance à se sentir absorber intérieurement par la nouvelle expérience et sa disponibilité envers le monde extérieur. Elle considère que l’enfant a des caractéristiques individuels. De plus, cette mère reconnaît sa propre ambivalence et ses contradictions intérieures. La relation d’objet virtuel est marquée par l’équilibre entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. Ammaniti et coll., à la suite de leur recherche sur les représentations maternelles, ont mis en évidence deux groupes de mère. Les mères ayant des représentations maternelles de leur futur enfant qualifiées « d’étroites/désinvesties » semblent affronter leur grossesse comme un étape nécessaire de la vie. Cela se traduit pas le fait que leur grossesse est contrôlée si bien que cela laisse peu de place au rêverie concernant l’enfant à venir qui est faiblement investit. Les peurs de malformations fœtale sont très présentes chez ces mères. Le second groupe concerne les mères ayant des représentations dites « intégrées/équilibrées », l’expérience de leur grossesse semble être vécu de manière cohérente. Avant de nous intéresser au fantasme d’enfant malformé, interrogeons nous sur le fantasme de l’enfant parfait. Aujourd’hui, dans notre société, tout est mis en place afin de préserver le fantasme de l’enfant parfait. Les échographies sont là pour traquer la moindre anomalie fœtale et pouvoir ainsi proposer une solution de suppression de ces anomalies. V. Lemaître met en lien « l’enfant narcissique» défini par Lebovici et les rôles qu’il peut jouer dans la « préoccupation maternelle primaire ». Selon D. W. Winnicott, cette condition psychologique se développe progressivement durant la grossesse pour atteindre un niveau de sensibilité accrue à la fin de celle-ci. Cette hypersensibilité dont fait preuve la mère à l’égard de son enfant lui permet de « s’adapter à ses besoins avec délicatesse et sensibilité ». Cet état physiologique et transitoire qui consiste en une régression identificatoire permet d’assurer au nouveau-né un sentiment de continuité psychique et aux liens mère-bébé de s’établir, ce qui est essentiel pour le devenir psychique du bébé. Le fantasme de l’enfant parfait favorise la mise en place de cette « maladie normale ». Les idéaux dont l’enfant est porteur à travers les investissements narcissiques de ses parents peut continuer d’exister tant que ces derniers ne sont pas confrontés à l’annonce d’une éventuelle malformation. - 29 - Dans ce cas, « le fantasme de l’enfant parfait bascule brusquement en son contraire, le fantasme de l’enfant monstrueux » selon V. Lemaître. Les processus psychiques mis en place jusqu’à présent sont bouleversés. Les futurs parents doivent en quelque sorte faire le deuil de l’enfant narcissique qu’ils avaient déjà tant investi. Les fantasmes de malformations sont reconnus par M. Ganem comme très présents surtout vers la fin de la grossesse, cependant peu d’articles se sont intéressés à ces représentations fantasmatiques. O. Matazzaro dans « Le fantasme d’engendrer un enfant anormal » met en évidence que le fantasme d’engendrer un enfant anormal peut être présent tout au long de la grossesse ou peut être présent dans quelques mois de la grossesse seulement. Elle relève toutefois que ce fantasme est fortement présent à la fin de la grossesse. Durant la grossesse, l’enfant est imaginé. Pour certaines femmes, un enfant merveilleux coexiste avec un enfant anormal traduisant ainsi l’ambivalence propre à chaque grossesse. « L’enfant à naître est l’enfant qui accomplit les vœux oedipiens mais qui déclenche en même temps les sentiments de culpabilité qui y sont liées ». En ce sens, l’auteur considère que l’enfant fantasmé comme anormal représenterait « le fruit et le châtiment de l’inceste ». L’enfant à venir remet également en cause « le jeu complexe des identifications, oedipiennes et préœdipiennes à sa propre mère ». Le fantasme d’enfant malformé véhiculerait alors deux représentations. D’une part, « un enfant dévorant et envahissant » et d’autre part « une peur pour la femme d’avoir endommagé son fœtus et de ne pouvoir de venir une bonne mère ». Les transformations corporelles induites par l’état de grossesse peuvent provoquer chez la femme enceinte une blessure au niveau du narcissisme secondaire. A l’approche de l’accouchement, le corps est « trop plein » d’un point de vue physiologique et pulsionnel. Le fantasme d’enfant malformé fréquent chez les femmes à ce stade de la grossesse révèle « une angoisse liée à la saturation des espaces vides ». En regard de l’illusion que l’enfant attendu sera comblé de toute les vertus et de tous les talents se situe l’idée douloureuse qu’il sera un monstre, un idiot, un infirme. Cette idée est parfois obsédante et opiniâtre, ses espoirs sont profondément ébranlés par de telles craintes. Le plus souvent ces craintes sont dues à un sentiment de culpabilité, perturbations masochistes des joies de l’attente, influence des anciens désirs incestueux. (H. Deutsch, 1949) Toute relation à l’objet est ambivalente à l’amour s’oppose la haine. Dans la relation mère / fœtus, il y a des sentiments d’amour et d’affection mais également un sentiment de - 30 - haine aménagé plus ou moins tôt et qui peut se manifester par un sentiment de haine biologique. Cette haine peut être tempérée par l’assomption de l’enfant imaginaire dans le corps du fœtus, il y a alors un début d’amour maternel. La relation mère / fœtus n’est donc possible que si la mère est capable d’aménager cette ambivalence et si l’amour est prévalent (M. Soulé, 1999). D.W. Winnicott (1947) met en lien la haine présente dans le contre-transfert qu’un analyste a envers un patient psychotique et la mère d’un enfant à naître ou d’un nouveau né. Il émet l’hypothèse que « la mère hait le petit enfant avant que le petit enfant ne puisse haïr sa mère et avant qu’il ne puisse savoir que sa mère le hait ». Selon lui, une mère a plusieurs raisons d’haïr son enfant. Le jeu entre un parent et l’enfant peut également faire ressurgir la haine qu’a le parent envers son enfant. Cette haine peut être exprimée à travers des comptines ou des mots crus dits sur un ton joyeux ne trahissant pas ainsi les sentiments du parent à l’égard de son enfant. « Une mère hait son petit enfant dès le début ». Cette haine est due au fait que « l’enfant n’est pas sa propre conception (mentale) », « il n’est pas celui du jeu de l’enfance, l’enfant du père, l’enfant du frère ». Ici, D.W. Winnicott aborde le décalage entre l’enfant imaginaire, l’enfant fantasmatique et l’enfant réel. Il énonce également comme raison que « l’enfant est un danger pour le corps [de la mère] pendant la grossesse et à la naissance ». Mais la mère doit pouvoir « tolérer de haïr son enfant sans rien y faire ». F. Sirol dans « La haine pour le fœtus » présente les personnes susceptibles d’éprouver de la haine pour le fœtus, notamment dans le cas d’une malformation fœtale. Les personnes concernées sont la future mère, le futur père, les soignants tels que l’échographiste, le psychiatre, le psychologue mais également l’entourage proche des futures parents soient l’enfant aîné du couple et les grands parents. La femme enceinte peut éprouver un sentiment de haine à l’égard de son futur enfant à l’annonce d’une malformation fœtale. Cette haine peut s’expliquer par le fait que la femme enceinte ne peut agir directement sur son fœtus. Le futur père peut ressentir une haine concernant le fait que le futur enfant va venir s’immiscer entre lui et sa conjointe. Ceci peut générer une fuite du futur père de la cellule familiale. Cette haine peut également être aménagée par « une approche de la grossesse concrète, objective, cognitive et protectrice ». - 31 - L’équipe médicale et technique par le fait qu’elle doit annoncer une mauvaise nouvelle, par leur connaissances et leur savoir faillibles sont successibles de ressentir de la haine pour le fœtus. Le psychiatre et le psychologue sont également concernés, cela vient alors contrarié le sentiment d’empathie. L’enfant aîné du couple par la présence de sentiment ambivalent à l’égard de l’enfant à venir peut expliquer la culpabilité ressenti à l’annonce de la malformation. Les grands parents quant eux culpabiliseront d’être porteur du gêne responsable de la malformation. Chez la devenant mère, cette haine est fortement refoulée, elle tendrait à s’exprimer à travers un accouchement prématuré, des hématomes rétroplacentaires et les signes d’un retard de croissance fœtale. Selon F. Sirol, « la découverte de malformation fœtale, pour qui l’annonce et pour qui la reçoit provoque une interruption des fantasmes de l’enfant imaginaire. « L’état d’angoisse apparaît avec la fin de ce fantasme. » Pour S. Freud les rêves sont la voie royale vers l’inconscient. Dans notre optique, il semble intéressant d’aborder les thèmes des rêves de la femme enceinte durant sa grossesse. Les impulsions instinctuelles infantiles apportent souvent un matériel oral au début de la grossesse : des rêves centrés sur la nourriture apparaissent souvent. Des éléments se font jour peu après, des choses malpropres dont on serait heureux de se défaire. L’enfant à venir apparaît en des symbolismes typiques, ver, petits animaux rampants et répugnants (qui sont en général détruits), ou, très souvent un enfant mort. Le fœtus prend peu à peu une forme plus humaine. Il apparaît d’habitude dans les rêves plus grand qu’un nouveau né et avec des traits où l’on peut reconnaître la réalisation des souhaits de la rêveuse, quant au sexe par exemple, à la ressemblance, etc. Il apparaît souvent sous les traits d’un enfant idéal et représente en général la rêveuse elle-même douée de ses plus belles qualités et de toutes celles qu’elle aimerait avoir. De plus, à l’approche de l’accouchement, les contenus des rêves sont différents de ceux en début de grossesse. Alors qu’en début de grossesse, la future mère se voit dans ses rêves en train de nager, en fin de grossesse, le protagoniste du rêve est la future mère ou le futur enfant lui-même dans le contexte de l’accouchement. Les thèmes du rêve sont bien souvent rattachés aux préoccupations de la mère concernant la fin de la période qu’elle vit depuis - 32 - quelques mois. La question du sexe est prégnante et, bien souvent, présente dans le rêve. Le sexe de l’enfant est différencié il est alors rêvé comme une fille ou un garçon. En revanche, le rêve de mettre au monde un monstre ou un enfant malformé est également présent en fin de grossesse. « Dans la genèse, pour avoir manger le fruit de l’arbre du Bien et du Mal, Dieu maudit Eve, et à travers elle la femme, en la faisant enfanter dans la douleur. Il dit à la femme : « j’augmenterai la souffrance de tes grossesses, et tu enfanteras dans la douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais dominera sur toi » (Genèse 3, 16). (C. Morel). Encore aujourd’hui, la peur de l’accouchement est prépondérante à quelques semaines de celui-ci. En outre, l’appréhension face à cette expérience qui peut s’avérer douloureuse, l’angoisse de la séparation est également présente. Celle-ci traduit en réalité l’angoisse de se séparer de l’enfant lui-même mais aussi l’angoisse que l’enfant se sépare de la mère ne pouvant plus alors être protégé par cette dernière. (H. Deutsch, 1949) A l’approche de l’accouchement, on observe chez la femme un mouvement régressif plus important traduisant ainsi les interrogations concernant l’accouchement et les caractéristiques physiques de l’enfant comme le sexe par exemple. (H. Deutsch, 1949) 6) L’anticipation a) Définition J. Sutter définit l’anticipation par « le mouvement par lequel l’homme se porte de tout son être au delà du présent dans un avenir, proche ou lointain, qui est essentiellement son avenir ». Selon lui, « L’anticipation est une greffe d’avenir sur le présent ». L’anticipation permet au sujet de se préparer à l’avenir en fonction de ses capacités et ses attentes. « L’anticipation seule appelle dans le champ de notre vie présente un avenir en voie d’élaboration, qu’elle adapte et ajuste dans les limites permises par les circonstances, pour le rendre aussi conforme que possible au projet général d’existence que l’être s’est donné ». b) Angoisse automatique et angoisse signal S. Freud dans « Inhibition, symptôme et angoisse » expose sa seconde théorie sur l’angoisse. - 33 - Selon lui, « l’angoisse est la réaction à la situation de danger ». L’angoisse est la réaction face à un état de danger et est reproduite lorsqu’un état de danger réapparaît. Il faut comprendre que l’angoisse est soit appropriée, elle « vise à signaler et à prévenir » la situation de danger, soit inappropriée face à la situation de danger. S. Freud (1926) distingue le « signal d’angoisse » et l’angoisse automatique. Le « signal d’angoisse » est donné par le moi lorsque celui a reconnu le danger de castration. Suite à ce danger le moi « inhibe le processus d’investissement menaçant dans le ça ». Selon J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967), le signal d’angoisse « reproduit sous forme atténuée la réaction d’angoisse vécue primitivement dans une situation traumatique, ce qui permet de déclencher des opérations de défenses ». En résumé, pour lutter contre l’angoisse due à la perte de l’objet, le moi se forge une aptitude à anticiper. Dans cette polarité, l’anticipation peut être considérée comme un mécanisme de défense servant à prévenir l’angoisse. Selon J. Laplanche et J.-B. Pontalis (1967), l’angoisse automatique est « la réaction du sujet chaque fois qu’il se trouve dans une situation traumatique, c’est à dire soumis à un afflux d’excitations, d’origine externe ou interne, qu’il est incapables de maîtriser ». Toutefois, « quand l’individu tombe dans une situation de danger nouvelle, il peut devenir facilement inapproprié qu’il réponde par l’état d’angoisse, réaction à un danger antérieur, au lieu de s’engager dans la réaction adéquate au danger actuel » (S. Freud, 1926). En résumé, l’angoisse automatique correspond à un danger primaire qui déborde les possibilités défensives du « moi corporel » selon S. Freud (1926). Dans cette polarité, l’anticipation est alors peu élaborée. Selon S. Missonnier (2003), « en l’absence d’anomalies fœtales décelable et révélée », les craintes de malformations fœtales « sont comprises entre les polarités dialectiques de l ‘angoisse signal psychologique et de l’angoisse automatique psychopathologique ». Selon lui, « ces représentations sont des marqueurs privilégiés de la nature structurale et de la maturité objectale de l’anticipation maternelle au cœur du « devenir mère » anténatale ». Les travaux de S. Missonnier (2003 et 2004) mettent en évidence que les craintes de malformations fœtales peuvent être assimilée à une angoisse ou à une peur. Dans le registre de l’angoisse, les craintes de malformation s’inscriraient dans une polarité d’angoisse signal, elles ont alors un potentiel structurant dans le sens où elles « s’affirment comme le témoin d’une anticipation prénatale organisatrice d’identifications projectives - 34 - empathiques ». Elles permettent ainsi de préparer la mère à des « faits réels probables ». Elles seraient le signe d’une anticipation créatrice. Dans le registre de peur, les craintes de malformations s’inscriraient dans une polarité d’angoisse automatique. Elles auraient un potentiel destructeur et seraient le signe d’une marque de détresse concernant l’état de grossesse et la futur maternité de la femme enceinte. Elles correspondraient à la « réactualisation de points de fixations traumatiques muets mis en exergue par une reviviscence désorganisatrice nuisible à l’anticipation adaptative parentale ». Ces deux polarités sont complémentaires, « c’est souvent dans une réanimation de la relation d’étayage de l’angoisse signal sur l’angoisse automatique que repose la promesse d’un projet préventif ». Ces craintes de malformations fœtales sont un des témoins privilégiés de la résurgence psychique anténatale. Elles dépendront de la nature et du contenu de la « transparence psychique » de la femme enceinte. c) Anticipation et parentalité Selon S. Missonnier dans son article « Anticipation et périnatalité : prolégomènes théoriques » (2001) « en suivant l’axe développemental de l’anticipation, nous avons une voie sûre pour appréhender l’interaction fantasmatique dans sa forme primitive constituée de dialogue toniques, cutané, mimiques, vocaux, olfactifs, visuels…à l’intérieur de l’inter-relation parents/bébé ». Il reprend la notion d’anticipation selon Vaillant (1992). Vaillant assimile l’anticipation à un mécanisme de défense qu’il qualifie « d’adaptatif ». En effet, l’anticipation tend à réduire voire à annuler les effets désorganisant provoqués par des « dangers réels ou imaginaires face à l’indétermination de l’avenir en voie d’élaboration ». « L’insertion dans le contexte périnatal de l’anticipation suggère fortement que la genèse de ce mécanisme de défense s’enracine dans le maillage interactif des relations précoces. Permettant de bénéficier d’une angoisse signal tempérée, l’anticipation sera synonyme de conquête d’un mécanisme de défense mature (Vaillant, 1992) ». « Les paradigmes en présence positionnent l’axe de l’anticipation comme un axe majeur de la synchronie comportementale, émotionnelle et fantasmatique parents/nourrisson ». - 35 - « A mi-chemin entre l’empreinte du passé et la créativité prévisionnelle, l’anticipation chez la mère, le père, le couple et l’enfant est au cœur de la transmission intergénérationnelle. » « Le processus de parentalité anténatale s’organise autour de l’anticipation comportementale, émotionnelle et fantasmatique de cette séparation de la naissance, du paradoxe de l’altérité radicale du nouveau-né et de sa dépendance primaire à l’égard des parents. Dans ce contexte, l’histoire individuelle et intergénérationnelle de chacun des parents, l’histoire de leur conjugalité (Eiguer, 1984) vient donner à l’anticipation individuelle et conjugale un profil singulier (Missonnier, 1988). » D. Cupa regroupe « l’enfant imaginaire », « l’enfant fantasmatique » et « l’enfant mythique » sous le terme de « bébé imaginé ». « Ce bébé imaginé » « apparaît comme une représentation anticipatrice ». « Il est l’héritier de l’histoire œdipienne, préœdipienne du parent et de leur refoulement, il est, sans doute déjà porteur de cryptes et de secret ». Certaines femmes ont des difficultés à se représenter l’accouchement car il représente une séparation, le fin de l’unité corporelle mère-foetus. En effet à la naissance, le bébé imaginé par les parents est confronté au bébé réel. Toutefois, il permet de « commencer le deuil, il anticipe la perte » provoquée par la naissance. Selon D. Cupa, « la représentation anticipatrice est une projection dans le sens d’une mise en avant temporelle et une mise devant soi spatiale ». De plus, « la représentation anticipatrice invente une représentabilité pour un secteur de la réalité psychique, qui en est dépourvue ». Selon elle, il est important de noter que « la représentation de la naissance peut être insupportable, car elle est le temps de l’unité rompue, d’une séparation non encore accomplie ». Selon E. Dautzenberg, la peur de l’accouchement traduit une projection dans le futur de la part de la mère. La présentation de l’enfant au cours des échographie est une forme d’anticipation à la naissance. Cela contribue au processus de parentalisation et de maternalité et de parentalité (E. Dautzenberg). Pour D.N. Stern, la future mère ne fait pas l’objet d’une mais de trois grossesses simultanées. En effet, le fœtus grandit dans son ventre et parallèlement l’identité maternelle et l’enfant imaginaire prennent forme dans son esprit. « Chaque mère construit mentalement - 36 - l’enfant de ses rêves et de ses cauchemars » et « le choix du prénom trahit le choix d’un certain type d’enfant. » L’élaboration d’un enfant imaginaire est le signe d’une anticipation. La première échographie qui est effectuée lors du troisième mois donne corps à l’enfant imaginaire. L’élaboration de l’enfant imaginaire suit une dynamique particulière d’investissement et d’élaboration qui fait penser à une courbe en cloche. Au tout début de la grossesse, des difficultés de représentations de l’enfant porté peuvent être d’actualité chez les femmes dont la grossesse n’est pas fiable ou à risque. C’est lors de la première échographie et du cap fatidique des 12 semaines que la femme pourra commencer à imaginer son enfant. Celui-ci sera composé des différents traits physiques et psychiques des membres de la famille variant au gré des expériences vécues par la devenant mère. Au septième mois et huitième mois, l’enfant imaginaire atteint son degré d’élaboration maximale, puis la femme déconstruit son enfant imaginaire. Ce processus normal permet la rencontre entre l’enfant réel et l’enfant imaginaire qui se produit à la naissance et favorise ainsi l’atténuation du décalage qui peut exister. De nombreuses craintes concernant l’accouchement et l’état de santé de l’enfant apparaissent lors des deux derniers mois ce qui peut expliquer la diminution d’élaboration concernant l’enfant imaginaire. La peur que l’enfant soit mort-né ou meure à la naissance, la douleur, la peur que l’enfant soit difforme ou monstrueux sont des scénarios partagés par de nombreuses femmes. Les bouleversements psychiques dus aux transformations corporelles chez la femme enceinte sont comparables à celles de l’adolescente à ceci près que les changements dus à la grossesse sont plus importants et se font sur une échelle de temps plus courte (sept mois, les deux premiers ne sont pas pris en compte). Ces modifications permettent à la femme de prendre conscience du fait qu’elle est enceinte et favorise ainsi l’élaboration de l’enfant imaginaire. L’identité maternelle s’installe au fur et à mesure que le ventre s’arrondie. M. Soulé et M.-J. Soubieux (2001) abordent les impacts que produit l’échographie sur les différents intervenants autour de la grossesse. La première échographie qui a lieu vers le deuxième mois de grossesse confronte pour la première fois l’enfant imaginaire présent chez la future mère depuis sa plus tendre enfance et l’image de l’enfant réel, de son futur bébé. En ce sens, la première échographie est une étape importante du processus de parentalité. Jusque là, le fœtus était considéré par la mère - 37 - comme mi-Moi mi-Autre telle une expansion, une continuité narcissique, dorénavant il est passait au statut de Autre. Selon M.-J. Soubieux, « la visualisation d’un autre va permettre la projection dans l’avenir » 7) L’échographie obstétricale a) Le principe de l’échographie R. Frydman, S. Taylor ainsi qu’Aly-abbara expliquent que le principe de l’échographie repose sur les propriétés des ultrasons. C’est tout simplement le principe du sonar. En effet, les ultrasons se propagent en ligne droite et se réfléchissent à l’interface des deux milieux de structure différente, donnant lieu à un écho de réflexion. En pratique courante, l’échographie obstétricale est abdomino-pelvienne. Une barrette est posée en regard de l’utérus sur l’abdomen, elle sert à la fois d’émetteur d’ultrasons et de récepteur de l’écho. L’écho capté est ensuite analysé, numérisé et transformé en un signal visuel que restitue l’écran sous la forme d’une image. Cette image à la possibilité d’être photographiée, elle constitue alors le dossier médical. Les structure liquidiennes pures laissent passer le faisceau ultra-sonore sans diminuer l’intensité : ces structures apparaissent alors en noir sur l’écran. Les structures denses réduisent l’intensité du faisceau ultra-sonore et se traduisent sur l’écran par des tonalités de gris plus ou moins clairs qui peuvent aller jusqu’au blanc pour les éléments les plus denses. C’est le cas notamment des vertèbres qui apparaissent tels un collier de perles blanches. Ainsi vont être reconnu sur l’écran la vessie de la patiente qui servira de repères ainsi que les échappés intra-pelviens. b) Le déroulement des échographies obstétricales Trois échographies sont proposées à la femme enceinte, elle ne sont pas obligatoires et sont prises en charge par la Sécurité Sociale. La première échographie est réalisée environ à la douzième semaine d'aménorrhée soit dix semaines de grossesse. Chez certaines femmes elle doit être pratiquée plus précocement, et si nécessaire à plusieurs reprises si la grossesse est associée à des symptômes inhabituels ou si une femme présente des antécédents particuliers comme par exemple des grossesses extra-utérines ou des avortements précoces répétitifs. - 38 - La première échographie permet de s’assurer de la présence de la grossesse. Si c’est le cas, l’échographiste localise la grossesse (intra-utérine ou extra-utérine) et date la grossesse. Son travail consiste également à apprécier le nombre et la vitalité des embryons. Ce premier examen permet de mettre en évidence la présence d’éventuelles anomalies. L’échographiste mesure la clarté nucale, c’est à dire l’épaisseur de la nuque et vérifie la présence du cerveau et des membres. L’échographie du deuxième trimestre dites « échographie morphologique » est réalisée aux alentours de la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée. C’est un examen long et difficile qui dure en moyenne de trente à quarante cinq minutes. Durant cet examen, l’échographiste étudie les mouvements fœtaux, les différents organes et les annexes fœtales (placenta). Il procède à différentes mesures afin de mettre en évidence certaines anomalies morphologiques physiques ainsi que certaines anomalies morphologiques mineures pouvant conduire à d’autres examens médicaux plus approfondis comme par exemple le caryotype fœtal. L’échographie du troisième trimestre est réalisée habituellement vers la trentedeuxième semaine d’aménorrhée. Elle permet de diagnostiquer certaines malformations fœtales d’apparition tardive. L’échographiste évalue la croissance du fœtus ainsi que sa position. Il apprécie la position et l’aspect du placenta ainsi que la quantité du liquide amniotique. Après chaque examen, il est remis à la future mère un compte-rendu détaillé destiné au médecin traitant ainsi que les clichés correspondants. Il est à noter que dans certains cas, un nouveau contrôle, si certaines parties du fœtus n'étaient pas bien visibles, ou un avis complémentaire auprès d'un centre plus spécialisé dans le diagnostic anténatal de certaines pathologies, peuvent être sollicités. c) Les limites de l’échographie L’échographie obstétricale à des limites. En effet, une échographie obstétricale normale ne veut pas dire que l'enfant à la naissance sera toujours normal car l'examen échographique ne permet pas toujours de diagnostiquer toutes les anomalies morphologiques. De plus, elle est incapable de mettre en évidence les anomalies fonctionnelles des organes étudiés surtout s'ils sont morphologiquement normaux. - 39 - L’échographie traque les anomalies mais ne garantie pas, n’affirme pas la normalité (M. Nouvel). Selon L. Gourand, « le seul diagnostic en échographie impossible est celui de la normalité ». Une idée veut que l’échographie est infaillible et que c’est elle qui crée l’anomalie, mais c’est faux. L’échographie est nécessaire pour détecter les anomalies. Toutes les études mondiales montrent que l'échographie obstétricale ne détecte que 60 % des malformations fœtales et 75 % des fœtus atteints par la trisomie 21 ( Aly-Abbara). d) Les échographies et les futurs parents Les échographies obstétricales ont donc deux buts, d’une part le dépistage des malformations et d’autre part la surveillance de la croissance fœtale (L.Gourand). Cependant, un décalage, sorte de « malentendu fondamental » (L. Gourand) existe entre la demande des parents qui souhaitent voir leur enfant et l’offre de l’échographiste qui est avant tout là pour détecter les anomalies (E. Dautzenberg). Les parents ont une anticipation plutôt positive à l’idée de voir leur enfant (L. Gourand). Néanmoins, les processus diagnostiques peuvent générer de l’angoisse qui restera gravée même si tout se termine bien (L.Gourand). E. Dautzenberg relate que l’interprétation des images est essentielle et importante quant à la suite du déroulement de la grossesse et interfère sur les processus psychiques de la mère. Les doutes émis par l’échographiste peuvent émettre de l’angoisse chez la mère. Jusqu’à ce que celui-ci soit levé cela peut entraîner une interruption temporaire de la relation avec le bébé virtuel. Les mots ont un poids très lourd, important. Selon M. Nouvel, les mots d’ordre professionnel médical, les termes médicaux traduisant une normalité peuvent induire une angoisse, de part leur incompréhension et le caractère professionnel, chez les futurs parents. Durant la séance d’échographie, les échographistes se trouvent dans une situation à la limite entre le normal et le pathologique. Ils sont imprégnés des attentes, des angoisses de leur patients (L. Gourand). La présentation de l’enfant au cours des échographie est une forme d’anticipation à la naissance. Cela contribue au processus de parentalisation et de maternalité et de parentalité (E. Dautzenberg). - 40 - La première échographie conforme alors la grossesse par l’image du fœtus, la grossesse devient alors une réalité sur l’écran alors que la mère ne perçoit pas encore les mouvements fœtaux. Sur l’image le fœtus est compris dans une seule et même image Dans le seconde échographie, il est « découpé » selon des coupes sagittales, sorte de puzzle. Le bruit des pulsations cardiaques sont également très importantes quant à la compréhension qu’un être vivant se développe, grandit. Il est important selon que les images montrées « humanisent » le fœtus. Les multipares trouvent leurs repères dans leur grossesse précédente qui prend alors toute la place dans leur psychisme ce qui les empêchent de vivre cette nouvelle expérience. Selon B. Cyrulnik (1989), « l’échographie donne une image bouleversante du fœtus et en modifie nos représentations ». A travers cet examen médical, le fœtus n’est plus à l’abri des regards. Ceci pouvant être à l’origine de fantasme de profanation, telle une tombe que l’échographiste est venu piller de son regard avec l’aide d’une machine imposante. Ce qui était auparavant caché est rendu visible, pouvant ainsi donner lieu à des fantasmes de la part de la mère et de l’échographiste. Dorénavant, le fœtus est considéré comme un patient à part entière, il est examiné, mesuré minutieusement, plan de coupe par plan de coupe, reléguant alors la mère au statut d’utérus porteur de fœtus. e) « Aire transitionnelle » Winnicott (1947) désigne par « objet transitionnel » et « phénomène transitionnel » « l’aire d’expérience qui est intermédiaire entre le pouce et l’ours, entre l’érotisme oral et la relation objectale vraie, entre l’activité créatrice primaire et la projection de ce qui a été déjà introjecté, entre l’ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de cette dette ». « Dès la naissance, l’être humain est en butte à la question de la relation entre ce qui et perçu objectivement et ce qui est conçu subjectivement. […] L’aire intermédiaire à laquelle je me réfère est l’aire allouée à l’enfant qui se situe entre la créativité primaire et la perception objective basée sur l’épreuve de réalité ». - 41 - « Cette aire intermédiaire de l’expérience, pour laquelle ne se pose pas la question de savoir si elle appartient à la réalité intérieure ou à la réalité extérieure (partagée), constitue la partie la plus importante de l’expérience infantile. Tout au long de la vie, elle persiste dans ce qui est éprouvé (experiencing) intensément dans le domaine des arts, de la religion, de la vie et de son imaginaire, de la création scientifique. » Les notions de subjectivité/objectivité, de dedans/dehors se retrouve dans l’échographie. L’échographie met à l’épreuve les capacité de représentation des devenants parents, l’enfant imaginaire est confronté aux images de l’enfant réel dans l’esprit de la mère. Une partie du corps qui n’est pas reconnue encore comme appartenant complètement à la réalité extérieure est donnée à voir. La transitionnalité dedans / dehors se fait par la machine, nous pouvons dire que c’est un aspect paradoxal de l’échographie qui donne la possibilité de mettre dehors ce qu’il y a dedans. L’échographie donne la possibilité de voir ce qui n’était pas permis de voir, de voir ce qui était caché donnant alors une notion de mystère et d’interdit. Il peut alors ressortir un sentiment d’inquiétante étrangeté entraînant la complexité du soi non-soi. La devenant mère peut se poser la question suivante « est-ce que c’est bien à moi ? ». La question de savoir si ce qui apparaît sur l’écran est bien ce qui est à l’intérieur est prégnante. f) « Inquiétante étrangeté » S.Freud dans « L’inquiétante étrangeté » indique que l’incertitude, l‘ambivalence sont des sentiments communs à l’origine du sentiment d’inquiétante étrangeté. Celui-ci est en relation avec un phénomène, un souvenir connu, familier mais qui doit rester secret « L’origine de l’inquiétante étrangeté se voit dans l’origine du familier refoulé ». L’inquiétante étrangeté par le retour du refoulé a pour conséquence de produire une forte angoisse. L’incertitude porte sur le fait qu’un être est animé ou inanimé. « Une condition particulièrement propice à la production d’inquiétante étrangeté dans le fait qu’est suscitée une incertitude intellectuelle quant à savoir si quelque chose est animé ou inanimé, et que l’animé pousse trop loin sa ressemblance avec le vivant ». S. Freud s’oppose au fait que le sentiment d’inquiétante étrangeté trouve sa source dans les angoisses infantiles anciennes ; selon lui, la source serait « un désir ou même simplement une croyance infantile ». Le facteur de répétition non intentionnelle joue également un rôle primordial quant à l’émergence de ce sentiment, « sorte de fatalité inéluctable ». - 42 - « Ce Unheimlich n’est en réalité rien de nouveau ou d’étranger, mais quelque chose qui est pour la vie psychique familier de tout temps, et qui ne lui est devenu étranger que par le processus de refoulement. Ceci éclaire la définition de Schelling selon laquelle l’étrangement inquiétant serait quelque chose qui aurait dû rester dans l’ombre et qui en est sorti ». « Le primitif fait retour comme une chose d’étrangement inquiétant ». L’angoisse est due au retour du refoulé. Ce qui a été refoulé était de l’ordre du familier mais le processus de refoulement a fait en sorte que cela devienne étranger. Le contexte de l’échographie, une salle sombre, la future mère allongée, légèrement dévêtue, voyant pour la première fois bougé un être qu’elle ne sent pas encore sont autant de facteurs qui peuvent induire chez elle un sentiment d’inquiétante étrangeté. C’est très représentatif de la première échographie, en effet aux alentours du deuxième mois de grossesse, la mère ne peut pas encore sentir son bébé bouger, cet examen va permettre de constater que le fœtus a une activité motrice réduite. L’hésitation est toute fois présente, est-ce un être animé ou un être inanimé ? De plus, l’échographie représente la curiosité de l’enfant pour le contenu du ventre maternel « qu’est-ce qui fabrique l’enfant ? ». C’est à dire la sexualité de ses parents soit la scène primitive. C’est une curiosité normale, familière mais qui sera refoulée par la suite de tous les interdits qui vont être ceux de l’éducation, puis certains auront une curiosité particulière (les accoucheurs, les échographistes). Toutefois, l’image échographique constitue un des moments clés des débuts de la parentalisation et permet d’humaniser et d’atténuer l’angoisse suscitée par cette réification du produit de le scène primitive. M. Soulé et M.-J. Soubieux font le lien entre l’automate exemple type pour évoquer l’inquiétante étrangeté et le fœtus Le lien avec le fœtus intervient avec l’Intervention Médicale de Grossesse (IMG). Dès qu’il est malformé, l’inquiétante étrangeté est accentuée, le fœtus devient dangereux pour son concepteur soit la mère, elle n’a qu’une seule solution le détruire. g) Echographie et enfant imaginaire J.P. Boyer et Ph. Porret, par leurs travaux remarquent que l’échographie obstétricale n’inhibe pas les représentations des futurs parents concernant l’enfant imaginaire au contraire elles auraient plutôt tendance à faciliter les capacités de rêverie et d’imagination des futures mères. - 43 - Ils ont relevé durant leur recherche que l’échographie interfère sur le « vécu de la grossesse ». L’examen échographique semble jouer le rôle d’un changement subjectif concernant le passage entre le sentiment d’être enceinte à celui d’être « porteur d’enfant, de vie ». Les échographies pratiquées à différents moments de la grossesse permettent d’introduire « une chronologie objective (…) qui contredit souvent la temporalité subjective ». L’échographie donne la possibilité de connaître le sexe du futur enfant. Les futurs parents doivent prendre la décision commune de connaître ou non le sexe. De plus, ils ont remarqué que l’image perçue lors des séances échographiques « fait rarement l’objet de souvenir précis ». L’ambiance, les mots utilisés par l’échographiste durant la séance semblent marqués d’avantage l’esprit des futurs parents. De part les images perçues et les propos tenus par l’échographiste, l’échographie semble être un catalyseur pour le processus imaginatif des futurs parents. Elle génère un mouvement d’anticipation imaginaire pour les futurs parents mais également pour l’entourage. Parallèlement à une gestation dites « organique » les deux auteurs proposent une « gestation imaginaire ». Les deux symbolisant la grossesse. La « gestation organique » est du côté du réel avec un enfant de chaire et la « gestation imaginaire », du côté de l’imaginaire concerne un enfant imaginaire. L’imaginaire n’est pas statique mais « apparaît plutôt comme un fluide de représentations différentes contrastés ». Il se ressource dans les souvenirs, les perceptions, les propos ce qui induit que les représentations concernant l’enfant imaginaire se renouvellent en permanence. L’imaginaire constitue une « virtualité qui dépasse ses manifestations ». Ils s’opposent ainsi au concept d’I.V.F. qui signifie Interruption Volontaire de Fantasmes et qui a été crée il y a une vingtaine d’années, par M. Soulé, période où se développait la pratique de l’examen échographique auprès des femmes enceintes Les fantasmes concernant l’enfant imaginaire ne sont donc pas interrompus mais plutôt remaniés, réajustés avec les traits physiques appartenant aux divers membres de la famille que la mère reconnaît en son futur enfant. h) Echographie et fantasmes A. Courvoisier expose les différentes répercussions que l’échographie peut induire chez les futurs parents. Il reprend ce que nous avons développer précédemment, à savoir la rencontre entre l’enfant imaginaire et l’enfant réel en insistant sur l’étonnement et la déception pouvant être ressentis. - 44 - Selon l’auteur, l’échographie peut être de lieu de l’émergence d’un « fantasme de profanation ». Il explique que certaines femmes ont éprouvé « le sentiment d’avoir profané en allant voir ce « quelque chose » qui devait resté caché, secret » ». Bien souvent, ce sentiment s’accompagne d’une « crainte superstitieuse de punition » qui se projète sur le matériel par le fait qu’il pourrait provoquer une malformation du fœtus. La sonde que l’auteur compare au troisième œil de l’échographiste peut induire un fantasme de d’intrusion. En effet, la sonde confère un pouvoir supplémentaire à ce « sorcier moderne » (M. Nouvel) qui transperce le ventre de la mère pour visualiser le fœtus. Lors de la deuxième échographie, le fœtus n’est plus visible dans sa totalité, il est examiné par coupes. L’émergence d’angoisse de morcellement et d’anéantissement sont alors fréquentes durant cet examen. La future mère, l’échographiste et parfois le futur père partagent les mêmes images. La future mère peut alors éprouvé un « fantasme de rapt par le regard », l’image sur l’écran ne lui appartient plus, elle partage alors son bébé virtuel / réel avec d’autres. L’échographie peut être le facteur déclenchant dans les processus d’interactions et de communications entre la parturiente et son bébé virtuel. La majorité des parents que l’auteur a rencontré durant sa recherche ont exprimé le souhait de connaître la présence d’une éventuelle malformation fœtale contrairement au sexe. L’échographie suscite des réminiscences concernant un éventuel avortement ou une précédente fausse couche provocant ainsi un sentiment de culpabilité par rapport cet Autre qui ne verra jamais le jour. - 45 - III Hypothèses 1) Hypothèses de recherche H 1 : Les représentations fantasmatiques d’enfant malformé constitueraient une anticipation du rôle et de la fonction maternelle. H 2 : Les représentations fantasmatiques d’enfant malformé seraient le déplacement d’une agressivité originairement destinée à la future grand mère maternelle projetée sur l’enfant à venir. H 3 : Les représentations fantasmatiques d’enfant malformé traduiraient une difficulté concernant le vécu des transformations corporelles. 2) Hypothèses opérationnelles H O 1 : L’analyse de l’entretien permet de mettre en évidence le phénomène d’anticipation plus ou moins élaborée chez la future mère, à savoir si c’est un signal de détresse (angoisse automatique) ou si c’est un moyen pour elle de créer un bon nid pour son bébé (angoisse signal). H O 2 : Lors de l’analyse de l’entretien, nous pourrions observer une relation à la mère de nature conflictuelle. L’analyse du test de Rorschach indiquerait un refoulement face à l’agressivité ainsi qu’une référence à l’imago maternel dans une dimension menaçante, inquiétante voire persécutrice ou destructrice. H O 3 : L’analyse de l’entretien montrerait une difficulté d’acceptation des transformations corporelles. L’analyse du test de Rorschach révélerait une difficulté de représentation de l’image du corps. - 46 - IV LA RECHERCHE A) Méthodologie Afin de pouvoir réaliser cette étude et d’être en contact avec des futures-mères dans un cadre institutionnel, nous effectué un stage au sein du service de Gynécologie-Obstétrique du Centre Hospitalier de Rambouillet. Durant ce stage, nous avons pu participer à des séances échographiques ainsi qu’à des cours de préparation à la naissance. Nous avons présenté notre projet de recherche aux médecins gynécologues, obstétriciens et échographistes ainsi qu’aux sages-femmes travaillant dans le service. Nous avons fait part de notre présence et de notre projet de recherche au cadre infirmier du service de psychiatrie. 1) Population Nous avons choisi de nous intéresser à des femmes primipares, c’est à dire attendant leur premier enfant, car nous avons pu nous rendre compte à travers les rencontres avec des femmes attendant un deuxième enfant, lors des cours de préparation à la naissance, qu’un rapprochement et une comparaison avec les grossesses précédentes étaient présents. Afin d’éviter ces biais, nous avons donc favorisé les primipares afin de mettre en évidence le vécu et les différents facteurs psychiques et émotionnels ressentis durant cette première expérience de grossesse. Nous avons recruté les participantes par l’intermédiaire des cours de préparation à la naissance. Notre première rencontre s’est déroulée avant le début de leur cours, ceci nous a permis de nous présenter et d’expliquer en quoi consiste notre recherche. Nous leur avons ensuite distribuées une lettre contenant nos coordonnées et précisant notre sujet de recherche ainsi qu’un exemple de formulaire de consentement éclairé. La recherche porte sur quatre femmes primipares dans leur huitième mois de grossesse. Les différents examens pratiqués au cours de leur grossesse n’ont pas décelé, ni révélé d’anomalies fœtales. L’âge des participantes est compris entre 23 et 34 ans. - 47 - Nous devons signifier que la recherche composée de quatre cas cliniques n’a aucune visée statistique. Nous ne pouvons pas faire des résultats de cette étude une généralité. 2) Contexte Nous avons été reçue au domicile des participantes selon leurs souhaits. Nous avons tout d’abord fait signer un formulaire de consentement en deux exemplaires afin que la participante et l’étudiant-chercheur puissent en conserver chacune un. Nous avons ensuite mener un entretien enregistré sur dictaphone avec l’accord de la participante et après une pause nous avons procédé à la passation du test de Rorschach. 3) Outils a) Entretien semi-directif Afin de construire notre questionnaire, nous nous sommes appuyer sur « l’Interview pour les représentations maternelles pendant la grossesse » (l’IRMAG) d’Ammaniti et Candelori ainsi que sur un exemple de guide d’entretien semi-directif extrait de Psychologie clinique et psychopathologie (p. 387). En construisant L’IRMAG, les auteurs avaient pour principal objectif d’étudier les représentations mentales de la future-mère en tenant compte de son statut de femme, de mère mais également de sa propre famille et de son partenaire. Ils ont choisi de l’administrer à des femmes dont la période s’étend de vingt-huit à trentedeux semaines de grossesse car à ce stade « la présence de l’enfant est bien définie dans l’espace psychique de la mère » et que les angoisses liées à l’approche de l’accouchement ne sont pas encore présentes. L’IRMAG est constitué de 41 questions réparties en 7 domaines. Le premier domaine s’intéresse à la capacité narrative dont fait preuve la future-mère concernant l’expérience de sa grossesse. Le deuxième souhaite explorer comment le désir de maternité s’est construit chez la femme et dans la relation avec son partenaire. Ceci afin de différencier désir d’enfant et désir de faire naître un enfant. Le troisième domaine s’intéresse aux « émotions personnelles, du couple et de la famille à l’annonce de la grossesse » c’est à dire comment la femme a réagit psychologiquement et - 48 - éventuellement physiquement à l’annonce de sa grossesse et aux réactions de son entourage face à cette annonce. Les questions se rattachant à ce thème peuvent mettre en évidence une acceptation ou une non-acceptation de la maternité ainsi que des conflits avec des membres de la famille. Le domaine suivant souhaite approfondir l’état émotionnel de la femme concernant sa grossesse et l’accouchement. Le cinquième domaine sollicite la future-mère à évoquer l’enfant imaginaire et fantasmatique. Ensuite, les auteurs s’attardent à ce que la femme expose l’image qu’elle se fait d’elle en tant que mère. Enfin, le septième et dernier domaine étudie le passé de la femme notamment à travers les relations aux figures parentales durant son enfance. Toutes les questions sont très intéressantes mais nous allons nous attarder plus particulièrement sur celles traitant des perceptions, des émotions et les fantaisies relatives à l’enfant interne. L’exemple de guide d’entretien semi-directif extrait de Psychologie clinique et psychopathologie nous a servi de fil conducteur quant à l’organisation des différents items par thèmes. L’entretien semi-directif que nous avons construit pour cette étude s’intéresse à trois grands thèmes : l’anticipation prénatale comme marqueur des processus de parentalité, les relations entre la primipare et ses parents, sa mère plus particulièrement et le vécu des transformations corporelles. Afin de mettre en exergue le phénomène d’anticipation de la participante et la variabilité, nous l’avons amener à évoquer son désir d’enfant, sa représentation de l’accouchement, l’enfant imaginaire, les interactions entre elle et son futur enfant, les échographies et les craintes de malformations. Le désir d’enfant - Aviez-vous projeté de tomber enceinte ou est-ce arrivé par hasard? - Attendre un enfant, c’est une décision que vous avez prise en commun avec votre partenaire ou que vous avez prise seule ? - 49 - L’accouchement - Vous arrive-t-il d’imaginer l’accouchement ? si oui, comment l’imaginez-vous ? (appréhension, peur, douleur) ? - Souhaitez-vous une péridurale ? L’enfant imaginé - Avez-vous choisi un prénom ? A quel moment de votre grossesse ? qui l’a choisi ? comment ? est-ce le nom de quelqu’un de la famille ? - Qu’avez-vous préparé pour l’enfant ? A partir de quel mois de grossesse ? - vêtement, chambre, berceau - quelqu’un vous a aidé, qui ? - Comment imaginez vous votre enfant ? - sexe, caractéristiques physiques et caractères. - Avez-vous rêvez de votre enfant ? Racontez ces rêves. Interaction mère-enfant : - A quel moment de votre grossesse avez-vous senti votre bébé bouger pour la première fois ? - Quelles ont été vos impressions, vos sensations ? - Est-ce que vous lui parler ? Dans quelles circonstances ? Racontez. Interaction mère-enfant - A quel moment de votre grossesse avez-vous senti votre bébé bouger pour la première fois ? - Quelles ont été vos impressions, vos sensations ? - Est-ce que vous lui parler ? Dans quelles circonstances ? Racontez. Les échographies - Racontez moi comment se sont déroulées les échographies - qui les a pratiquées - accompagnée (si oui par qui ?) ou seule - quelles étaient vos attentes - avez-vous vu l’enfant sur l’écran ? Comment avez-vous réagi ?Quelle a été votre réaction, vos sentiments ? - avez vous posez des questions durant l’examen, lesquelles ? - 50 - Les craintes de malformation - Avez-vous des pensées concernant l’état de santé de votre fœtus ? Lesquelles ? - Bonne santé, inquiétude concernant une malformation. - A quel moment de la grossesse avez-vous eu ces pensées ? - Sont-elles toujours présentes dans votre esprit ? si non, à quel moment se sont-elles atténuées ? - Y a t-il des caractéristiques de votre famille, de votre partenaire ou de vous même que vous aimeriez ou n’aimeriez pas pour votre enfant ? Nous avons voulu mettre en évidence le rôle du phénomène de « transparence psychique » dans l’émergence d’une agressivité primitivement destinée à la mère de la primipare et dans l’émergence d’ancienne réminiscence concernant une grossesse difficile ou un enfant malformé. Nous avons demandé que la participante évoque les relations qu’elle entretient avec ses parents et les histoires de grossesses dans sa famille et dans celle de son partenaire. Les relations avec les figures parentales - Parlez-moi de la relation que vous entretenez avec votre mère ? avec votre père ? - durant l’enfance. - changement avant/pendant la grossesse. - Comment vous imaginez-vous en tant que mère ? - Souhaitez-vous allaiter ou donner le biberon ? - En quoi pensez-vous que vous ressemblerez ou non à votre mère avec votre enfant ? Histoire de grossesse - Avez-vous des frères et sœurs ? si oui, quelle est votre place dans la fratrie ? - Ont-ils des enfants ? si oui, de quel âge ? - Comment s’est déroulée la grossesse de votre mère quand elle était enceinte de vous ? - Y a-t-il eu des grossesses à risque ou difficiles dans votre famille ? dans celle de votre partenaire ? - Comment la nouvelle de votre grossesse a-t-elle été accueillie par votre entourage (famille, amis) ? Nous nous sommes intéressée à l’image qu’a la femme enceinte de son corps durant sa grossesse et à la manière dont elle vit les transformations corporelles. - Comment vivez-vous les changements de votre corps? - Avez-vous changé vos habitudes, votre rythme de vie depuis que vous êtes enceinte ? - 51 - - Avez-vous achetez des vêtements pour femme enceinte ? si oui, à quel moment de votre grossesse ? Nous terminons l’entretien par cette phrase « nous avons parlé de votre grossesse, y a t-il des choses que nous n’avons pas abordé et dont vous aimeriez me faire part ? » ce qui permet à la femme enceinte une certaine liberté d’expression concernant un aspect de sa grossesse ou d’insister sur un thème déjà abordé. Les nombreuses rencontres avec des futures-mères lors des séances échographiques et des cours de préparation à la naissance nous ont permis de nous familiariser avec le questionnaire que nous avons construit et de pouvoir également affiner le contenu des items. De plus, nous avons pu nous rendre compte que certains thèmes sont abordés sans que nous ayons eu la nécessité de poser les questions s’y rattachant. Ce questionnaire nous a donc servi de structure pour conduire les entretiens auprès des participantes de la recherche. b) Test de Rorschach Le Test de Rorschach ou test des taches d’encre a été inventé par Hermann Rorschach en 1920. Il appartient à la catégorie dites des test projectifs. 1) La méthode projective Ce type de test a la particularité de donner des indications très précises concernant le fonctionnement psychique d’une personne à un moment précis de son histoire et de permettre d’établir un diagnostic concernant sa personnalité. Grâce à leur contenu manifeste volontairement peu structuré ou ambigu, les tests projectifs permettent au sujet un espace de projection d’un « dedans », à partir d’un foyer, l’individu luimême, vers le dehors. C’est un espace de création, en effet la liberté accordée au sujet à travers la consigne et le temps lui permet de se laisser aller au gré de son imagination, de ses fantasmes. C’est également un espace de liberté car le sujet peut exprimer ce qu’il pense de ce test, du testeur. K.C. Nguyên relate que le matériel du test sert de support à une projection globale qui s’exprime dans un « langage indirect » sous forme de mots, de phrases. En effet, lorsque le sujet cherche une réponse au matériel présenté, un double mouvement s’effectue. - 52 - Tout d’abord, c’est un mouvement régrédient qui s’opère. Le sujet se laisse aller afin d’aller chercher dans son registre d’images intériorisées au niveau primaire projectif une réponse. Le contenu latent du stimulus réactive des représentations inconscientes liées à des affects correspondants. Lorsque ces représentations sont réorganisées par le moi selon ses possibilités d’intégration et de défense et jugées acceptables par le sujet, s’ensuit un mouvement progrédient vers le niveau secondaire. La réponse sera alors plus ou moins adaptée à la consigne et aux qualités sensorielles du stimulus. 2) Le matériel Le test de Rorschach est composé de 10 planches représentant des formes floues (taches d’encre) symétriques noires (I, IV, V, VI, VII), grises avec des taches rouges (II et III) et trois planches avec des couleurs pastels comportant des vides (trous blancs) (VIII, IX, X). Nous allons nous appuyer sur les travaux de C. Chabert et D. Anzieu afin de présenter une analyse du contenu latent du matériel. La Planche I situe le sujet face au test. Elle peut lui faire (re)vivre l’expérience d’un premier contact avec un objet inconnu. Elle sollicite des images évocatrices des relations précoces au premier objet. Une référence au corps humain est possible à travers une double mobilisation : narcissique (image du corps propre, représentation de soi) et objectale (relation à l’image maternelle). La planche II s’inscrit dans le registre des modalités de relations, ce type d’image de soi s’associe à des représentations symbiotiques fusionnelles et/ou destructrices. Elle renvoie préférentiellement à une problématique de l’ordre de l’angoisse de castration. Les références féminines y sont fréquentes. Dans le registre relationnel, les investissements pulsionnels présents dans les scénarios sont fortement mobilisés soit dans leur valence agressive soit dans leur valence libidinale. La planche III met l’accent sur les processus d’identification sexuelle. Des conflits peuvent apparaître vu que le sexe des personnages n’est pas clairement déterminé. Concernant la représentation des relations, le maniement pulsionnel libidinal ou agressif est moins brutal qu’à la planche II. La planche IV est évocatrice d’image de puissance. Cette planche à symbolisme phallique ne préjuge pas du caractère féminin ou masculin de cette référence. - 53 - Dans le meilleur des cas la puissance phallique est associée à une image masculine mais il arrive aussi que l’évocation d’une imago maternelle phallique et dangereuse soit dominante à cette planche. Elle rend compte des positions vis à vis des images de puissance par une identification à leur force dynamique à travers des personnages très actifs ou par une passivité, réceptivité à travers des productions signifiantes telles descente de lit, parchemin brûlé par exemple. La planche V est la planche de l’identité et de la représentation de soi. La problématique d’identité au sens psychique du terme, à la notion de « self » plutôt qu’à la notion de schéma corporel est abordée à travers cette planche. Elle peut traduire une extrême sensibilité à toute forme de fragilité narcissique à travers une manifestation dépressive lié à la mésestime de soi, une affirmation mégalomaniaque de toute puissance ou un exhibitionnisme en quête de gratification narcissique. Cette planche reste celle de l’évidence (réponse banalité) et constitue l’épreuve de réalité fondamentale dans l’approche du monde extérieur. Cela montre alors l’interdépendance étroite qui soude la représentation de soi et le rapport aux objets externes. La planche VI est porteuse de symbolisme sexuel. La bisexualité caractérise cette planche puisqu’elle éveille également une sensibilité passive, réceptive associée à des images sexuelles féminines. La planche VII a une résonance essentiellement maternelle. Toutes les modalités possibles des relations à l’image maternelle, des plus archaïques au plus évoluées peuvent être évoquées : une relation symbiotique ou fusionnelle, une relation d’objet marquée d’analité ou d’oralité, un sentiment de bien-être ou d’insécurité, un apaisement, une béatitude ou angoisse, une dépression liée à la perte de l’objet ainsi qu’une quête éperdue d’un bon objet. Cette planche est un médiateur exceptionnel des relations précoces. Dans un registre identificatoire, elle permet au sujet de se situer par rapport au modèle féminin soit par l’opposition, soit par un conflit ou une soumission passive, soit par une valorisation ou une dévalorisation des images féminines. Les planches VIII, IX, X par leur couleurs pastels suscitent l’émergence d’affect et d’émotions, elles permettent de saisir le type de rapport qu’établit le sujet avec son environnement. Elles facilitent la régression et éveillent la sensibilité au réel. - 54 - Les manifestations anciennes sont réactivées : la sensorialité précoce, le vécu antérieur au langage verbal, les expériences de plaisir et de déplaisir liées aux contacts initiaux du sujet avec son environnement relationnel. La planche VIII est la planche des « contacts avec le monde extérieur ». C’est également la planche de l’image de soi différentiellement du mort et du vivant, de soi et de l’environnement. La planche IX favorise les relations maternelles précoces, c’est la planche dites utérine. La planche X est la dernière planche, c’est la planche d’individuation et de séparation. C’est la planche du lien à l’espace par le fait que les éléments sont isolés mais se touchent quasiment tous 3) La passation La passation du test s’effectue en trois temps. Dans un premier temps, le testeur présente les planches au sujet testé avec la consigne suivante : « je vais vous donner des planches une à une, vous prenez le temps que vous voulez et vous direz ce qu’elle peut évoquer pour vous » Il faut savoir que la consigne est adaptée au sujet en fonction de son âge et de son niveau intellectuel. Le testeur note les propos du sujet, son attitude et les temps de latence et de réponse à la planche. Le temps de latence correspond au temps que met le sujet pour évoquer ce qu’il voit ( le premier mot, la première réponse cotable). Dans un second temps, le testeur procède à l’enquête. Il demande au sujet de préciser dans quelle partie de la planche, il a vu l’élément donné comme réponse : « où l’avez vous vu ? » « comment l’avez vous vu ? ». Enfin, le testeur redonne les planches au sujet et lui demande lesquelles il aime et lesquelles il n’aime pas, le sujet doit, dans la mesure du possible, expliquer ses choix. 4) Le dépouillement Le mode de dépouillement se fait également en plusieurs étapes. - 55 - La cotation Le testeur procède à la cotation des réponses selon une grille de cotation spécifique au test de Rorschach. Chaque réponse est étudiée selon quatre angles. * Le mode d’appréhension soit la localisation, « le cadre perceptif dans lequel se moule le contenu de la réponse » selon N. Rausch de Traubenberg. Il peut être global G : - G primaire ou simple Gp, - G vague ou impressionniste Gv, - G secondaire Gs : - juxtaposé - confabulé (DG, DdG) - contaminé (GG ou GD) Il peut être perçu : - en grand détail D, selon la liste française des grands détails. - en petit détail Dd, il porte sur les petites parties de la planche. - en grand détail blanc Dbl, les réponses portent sur les lacunes intermaculaires ou extramaculaires. - en petit détail blanc dbl. - en détail oligophrénique Do. Il s’agit d’un objet partiel qui n’est pas censé existé sans la présence d’un D auquel il se rapporte. * Le déterminant, c’est à dire l’élément de la planche qui fait penser à telle ou telle chose. - La qualité formelle : de bonne forme F+, de mauvaise forme F-, de forme floue F+/-, de forme inconnue F ?. - La couleur (Cn, FC, CF, C). - L’estompage qui répond à deux conditions : être dans les taches grises ou les taches noires et avoir une nuance de texture (le touché de l’objet est soit du côté mou soit du côté dur de l’objet) (E, EF, FE), de perspective ou de tridimensionnalité (c’est une projection de l’objet dans l’espace), de radiographie, de diffusion. - Le clair-obscur Clob qui répond à deux conditions : être dans une tache grise ou noire et présence d’une expression d’angoisse, de peur, de mort de la part du sujet. - La kinesthésie, soit le mouvement perçu dans la réponse. C’est catégorique, on cote K pour les kinesthésies humaines, pour les mouvements explicites et k pour les autres. Kan pour les kinesthésies animales, kob pour les kinesthésie d’objet et kp pour les kinesthésie partielle c’est à dire un humain dont une partie est en mouvement. * Le contenu, il peut être de type humain H, humain surnaturel (H), animal A, animal surnaturel (A), une partie d’animal Ad, botanique Bot, plante Pl, sang Sg, sexe Sexe, - 56 - anatomie Anat, géographie Geo, paysage Pays, vêtement Vet c’est à dire tout ce qui va sur l’humain. * Les facteurs additionnels qui correspondent à la banalité, l’originalité de la réponse, les chocs. Une réponse est dite banale lorsqu’elle est fréquemment donnée par plusieurs personnes et qu’elle appartient à la liste française des banalités. L’analyse quantitative Le testeur procède ensuite à une analyse quantitative à partir d’un psychogramme. Le psychogramme regroupe le total de chacune des quatre colonnes de cotation. Il permet de mettre en évidence quel est le type d’appréhension du sujet, le déterminant dominant, le degré de variété des contenus ainsi que le nombre de réponses banalités. A partir de ces totaux, le testeur calcule le pourcentage pour chaque catégorie afin de les comparer aux normes de la population de référence. Cela permet de comprendre le fonctionnement intellectuel, la socialisation c’est à dire la manière qu’a le sujet de s’adapter à son environnement social et l’affectivité du sujet à travers sa manière de lutter contre l’angoisse inspirée par certaine planche. L’analyse qualitative Une analyse qualitative est effectuée à partir des données dégagée par le psychogramme, de la structure d’une réponse et de la succession d’une réponse à l’autre à l’intérieur d’une planche et aussi d’une planche à l’autre. Le testeur peut également réalisé une analyse de type psychanalytique des réponses données à partir du contenu manifeste et du contenu latent des planches. 5) L’image du corps Afin de définir ce qu’est l’image du corps, nous nous appuyons sur l’article d’A. Sanglade « L’image du corps et image de soi au Rorschach » L’image du corps, le schéma corporel et la représentation de soi constituent le Soi. Le schéma corporel est « un donné de l’expérience motrice, la représentation de soi est un « corps « objectalisé », qui médiatise et agit la relation à l’autre ». « L’image du corps est une représentation mentale de soi dans son contour, son épaisseur, sa solidité ou sa fragilité. Le corps est entendu comme un unificateur, contenant, délimitant - 57 - les mondes externes et internes, corps-membrane à la fois séparant et mettant en contact, fondant l’unité de soi en même temps qu’instaurant la différence avec l’autre, facteur d’isolation et de communication, pouvant assurer la différence de potentiel comme l’osmose ». Cette définition, nous renvoit au concept de Moi-peau de D. Anzieu. Par Moi-peau, D. Anzieu (1985) désigne « une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi à partir de son expérience de la surface du corps ». « L’instauration du Moi-peau répond au besoin d’une enveloppe narcissique et assure à l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien être de base. Corrélativement, l’appareil psychique peut s’essayer aux investissements sadiques et libidinaux des objets ; le Moi psychique se fortifie des identifications à ces objets et le Moi corporel peut jouir des plaisirs prégénitaux et génitaux ». « La peau a une importance capitale : elle fournit à l’appareil psychique les représentations constitutives du Moi et de ses principales fonction ». Le Moi-peau a neuf fonctions. Le Moi-peau remplit une fonction de maintenance du psychisme. C’est les mains de la mère intériorisées qui maintiennent le psychisme en état de fonctionner durant l’état de veille. Il a une fonction contenante, une fonction de pare-excitation, d’individuation, d’intersensorialité, de soutien de l’excitation sexuelle, de recharge libidinale, d’inscription de trace et d’autodestruction. Le Moi-peau serait une condition fondamentale de l’accession à la pensée dans la mesure où il pourrait rendre compte de « l’élaboration d’un espace mental, du statut des objets extérieurs, de la constitution des invariants, de l’articulation des représentations de mots avec les représentations de choses ». L’image du corps scelle notre lien avec le temps. Selon D. Anzieu « le Moi acquiert le sentiment de sa continuité temporelle dans la mesure où le Moi-peau se constitue comme une enveloppe suffisamment souple aux interactions de l’entourage et suffisamment contenant de ce qui devient alors des contenus psychiques ». Nous devons comprendre par là que lorsqu’une personne subit des transformations corporelles, l’image du corps se transforme. Les caractéristiques manifestes et latentes des planches du test de Rorschach semblent particulièrement aptes à solliciter la projection de l’image du corps du sujet. - 58 - Dans ce test projectif, l’image du corps est sollicitée par la délimitation formelle plus ou moins ambiguë des taches. Elle va donc se refléter à travers la qualité et les propriétés formelles des réponses du sujet. Dans une étude réalisée en 1958, S. Fischer et S.E. Cleveland ont comparé les réponses au test de Rorschach de sujets ayant des symptômes touchant l’extérieur du corps à des sujets ayant des symptômes touchant l’intérieur du corps. Ils se sont intéressé aux personnalités et aux limites de l’image du corps. Ils ont isolés deux variables, la variable « barrière » et la variable « pénétration ». La variable « barrière » est calculée en comptant le nombre de réponse se rapportant aux qualité de dureté, de structure bien définie avec une fonction protectrice enveloppante. La variable « pénétration » est quant à elle calculée à partir des réponses se rattachant à une faible valeur protectrice où les limites semblent mal définies, transparentes. Selon eux, un nombre faible de réponses au test de Rorschach aurait un lien avec la manière dont les sujets perçoivent leur corps. Ils supposent qu’un aspect de l’image du corps peut induire la manière qu’ont les sujets d’appréhender les limites de leur corps. La production verbale soit le nombre de mots donnés par réponse est liée avec l’image du corps. En effet, en moyenne cinq mots sont donnés par réponse par les sujets de l’étude et chacune des réponses contiennent un mot de type « barrière » ou « pénétration ». Les deux auteurs supposent que la manière qu’ont les sujets de se représenter leur corps est lié à la localisation de leur symptôme. Les sujets dont les symptômes se trouvent à l’extérieur du corps tels les conversions hystériques (paralysie), l’arthrose ou les maladies dermatologiques considèrent, imaginent que leur corps est entouré, protégé tel un mur ; contrairement aux sujets qui ont des symptômes à l’intérieur du corps tels des ulcères ou des troubles gastriques. Ceux-là imaginent leur corps comme non protégé et qu’il peut ainsi être pénétré. Les deux variables sont en rapport inverses. Les sujets avec des symptômes extérieurs ont des scores Barrière élevés et pénétration faible alors que les autres c’est l’inverse. Leur hypothèse semble confirmée : ceux qui ont des symptômes internes considèrent que leur corps est plus facilement pénétrable contrairement aux autres. Les sujets qui ont des symptômes internes, comme par exemple le cancer, présentent des limites du corps fluides, vagues comme si l’intérieur de leur corps était directement exposé. - 59 - Intéressons nous maintenant aux réponses ayant un contenu anatomique. Ces réponses désignent directement l’intérieur du corps tel qu’il est accessible sur une planche anatomique ou par une autopsie induisant la mort. Ce corps peut tout aussi bien être issu des préoccupations inconscientes que des fantasmes inconscients. Nous pouvons distinguer trois sortes de réponses anatomiques, celles traduisant un « complexe d’intelligence » selon H. Rorschach (D. Anzieu, C. Chabert, 1961), celles reflétant des préoccupations somatiques transitoires ou hypochondriaques correspondant à une déviation des investissements d’objet, libidinaux et agressifs sur le corps propre et celle à interpréter comme des déplacements de représentation sexuelle. Les réponses anatomie de nature osseuse ne correspondant pas à un processus de dévitalisation sont considérées comme plus structurantes que les réponses anatomies de type viscérale. Elles correspondraient alors à une quête de réassurance et d’unité corporelle. Elles peuvent également constituer une fuite de la relation, un refuge contre la sollicitation pulsionnelle. Il nous semble intéressant de présenter la recherche suivante. En effet cela nous permettra de mieux appréhender l’analyse des protocoles de test de Rorschach des participantes. E. Bellion s’est intéressée fonctionnement psychiques lors de la grossesse et aux pulsions agressives des femmes enceintes. Elle a rencontré les femmes enceintes à trois reprises à trois mois et à huit mois de grossesse. Lors de leur première rencontre, elle a mené un entretien portant sur les représentations liées à la grossesse, sur les relations avec les parents, avec le conjoint et sur les représentations du futur bébé ; au cours du huitième mois, elle a fait passer dans un premier temps le test de Rorschach et dans un second temps le TAT. A travers l’analyse des protocoles de Rorschach, cette étude révèle une quasi absence de problématique agressive, ce qui selon E. Bellion « refléterait le refoulement de l’agressivité par divers mécanismes de contrôle drastique ». La barrière peau semble surinvestit par rapport à une population non-enceinte. Cela pourrait traduire un surinvestissement des limites pour pallier au fait que celles-ci sembleraient mise à l’épreuve. L’agressivité induite par le fœtus responsable des transformations du corps inciterait la mise en place de mécanismes narcissiques Concernant la problématique autour de l’image du corps, le Rorschach met en évidence un corps considéré comme attaqué ou associé à des postures étranges et gênantes. Elle seraient « l’indice d’un retournement de l’agressivité sur le corps propre ». - 60 - L’analyse des protocoles du TAT a mis en évidence « une confrontation à l’image de perte difficile pour les femmes enceintes ». Le Rorschach révèle un refoulement face à l’agressivité et le TAT met en évidence un évitement du conflit. Les résultats de cette étude ont montré : « l’émergence de l’agressivité qui apparaît en négatif grâce à la prévalence de mouvements de défense tel le contrôle, le refoulement et le retournement sur soi. L’aménagement de cette agressivité inconsciente durant l’état de grossesse constitue un des points centraux de l’évolution psychique chez la femme enceinte. La grossesse confirme la femme dans une identité sexuée féminine. Cette reconnaissance de la perte du pénis réactive tout ce qui est en jeu dans la relation mère/fille au niveau oedipien et préœdipien ». - 61 - B) Etudes de cas Nous proposons d’exposer les résultats de la recherche sous forme d’étude de quatre cas cliniques. Pour cela, nous procédons dans un premier temps à l’analyse de l’entretien suivant les trois axes de l’entretien et ce, en fonction des hypothèses. Puis dans un second temps, nous présentons l’analyse du test de Rorschach. Dans les annexes sont reportés la retranscription dans leur totalité des quatre entretiens menés ainsi que les protocoles du test de Rorschach, les feuilles de cotation et le psychogramme de chaque cas cliniques. 1) Mademoiselle P a) Présentation générale Melle P est âgée de 29 ans. Elle est enceinte d’un garçon et est à trente-deux semaines d’aménorrhée. Elle vit en concubinage. Melle P est la deuxième du fratrie de quatre enfants. Il est a noté que Melle P a eu recours à l’avortement il y a deux ans. Avant de se faire avorter, son témoignage fait part d’un déni de grossesse. Elle ne voulait pas l’imaginait, elle faisait comme s’il n’y avait pas d’enfant dans son ventre donc elle continuait à boire et à sortir comme à son habitude. Le jour de l’avortement elle s’est rassurée en se disant que si l’enfant venait à naître il serait malformé vu les abus dont elle a fait part. Melle P a été suivi dans plusieurs établissement durant sa grossesse, une gynécologue dans une clinique, les deux premières échographies dans une autre clinique et enfin à l’hôpital à partir de 26 semaines. Melle P est une jeune femme souriante et agréable à regarder. Lors de notre première rencontre, Melle P a accepté tout de suite de participer à notre recherche. Le contact s’est établi facilement et suite à sa demande je l’ai tutoyée. Melle P m’a accueillie chez elle. L’entretien s’est dans l’ensemble bien déroulé, Melle P a facilement évoqué sa grossesse. - 62 - b) Analyse de l’entretien Phénomène d’anticipation et variabilité Le désir d’enfant Melle P ne prenait pas de moyen de contraception, elle était donc susceptible de tomber enceinte à tout moment. Elle n’a pas choisi d’avorter car son compagnon venait de trouver du travail ce qui selon elle « tombait bien ». Néanmoins, elle aurait préféré tomber enceinte un peu plus tard. Le projet d’un second enfant n’est pas d’actualité. Ce serait plutôt une éventualité par rapport au fait qu’on lui ai dit qu’un enfant unique « c’est assez spécial ». Melle P attend un garçon mais elle souhaitait avoir une fille. Néanmoins, elle dit s’habituer à l’idée de mettre au monde un garçon. L’accouchement Melle P semble anticiper l’accouchement à travers les deux possibilités qui s’offrent à elle et une appréhension de la douleur. En effet, suite aux propos des médecins, Melle P s’attend à avoir une césarienne. Cependant, elle semble avoir à l’esprit la possibilité d’un accouchement par voie basse. Si c’est le cas , elle souhaite une péridurale car elle ne veut pas souffrir, elle pense qu’elle risque « de tomber dans les pommes ». Melle P redoute l’épisiotomie, elle ne souhaite pas qu’on la « coupe ». Elle appréhende l’accouchement mais se rassure avec le fait les techniques ont progressées. Elle a peur que son enfant naisse prématurément suite aux propos tenus par la gynécologue qui la suivait jusqu’à lors. Ses propos semblent avoir été lourds de sens dans l’esprit de Melle P et ont semblé contribuer à la crainte d’accoucher prématurément. Elle se rassure en se disant que peu de femmes accouchent à terme. Selon elle, la majorité accouchent trois semaines avant la date prévue. Elle préférerait toutefois accouchée avant la date prévue afin de pouvoir profiter plus de son enfant. Elle semble impatiente d’accoucher afin de voir son bébé, elle ne désire pas accoucher à terme mais à partir du moment où l’enfant est considéré comme « viable ». Trente semaines d’aménorrhées représentaient pour Melle P, la date clé, la date butoir pour se dire que si son enfant venait à naître, il serait viable. Au moment de notre rencontre, Melle P est à trente deux semaines d’aménorrhées, elle a repoussé cette « date butoir » à trente sept semaines d’aménorrhée. - 63 - L’enfant imaginé Une capacité d’anticipation est traduite par le fait que Melle P et son compagnon hésitent entre deux prénoms. L’un selon eux a une consonance trop agressive et l’autre est plus doux à l’oreille. Le choix du prénom se fera selon la couleur des cheveux de l’enfant mais Melle P a une préférence pour un prénom car il est à la mode. Le choix du prénom semble lié à la personnalité et au physique attendu chez l’enfant. Melle P fantasme un bébé brun avec des cheveux. Nous pouvons faire le rapprochement entre la remarque de l’échographiste lui indiquant sur l’écran les cheveux. Elle préférerait que l’enfant ait des traits physiques de la famille de son compagnon notamment la couleur des yeux. Elle a commencé à rêver fréquemment de son futur enfant au tout début sa grossesse ce qui ne semble plus être le cas au moment de notre rencontre. Un rêve produit en début de grossesse ayant pour thème l’abandon l’a particulièrement marquée. Il pourrait traduire une forte angoisse ressentie par Melle P à l’annonce de sa grossesse. Durant des rêveries diurnes, elle imagine son enfant avec la mère de son compagnon plutôt qu’avec la sienne. Elle imagine son futur enfant et se projette plus facilement en tant que mère à trente deux semaines d’aménorrhées qu’au début de sa grossesse. Elle semble avoir pris conscience de la présence de son futur enfant et sa future maternité quand son ventre a commencé à s’arrondir et quand elle l’a sentit bougé. Les interactions mère-enfant Melle P a senti bouger son futur enfant à partir du cinquième mois de grossesse. Elle le ressentait comme « des gaz ». Les sensations ont évolué au fil de la grossesse. Elle le sent plus bouger qu’auparavant, c’est plus distinct. Elle le sent vraiment bien que depuis le septième mois. Elle caresse son ventre mais ne lui parle pas bien qu’elle se soit renseigner et qu’elle sait que les fœtus peuvent entendre les sons. Il est intéressant de souligner que Melle P ne lui parle pas mais elle lui met de la musique douce et relaxante. Il est à noter que Melle P a peur de faire mal à son futur enfant ou lui de casser quelque chose quand elle appuie sur son ventre afin de le faire se déplacer quand il lui fait mal. Les échographies Elle a été accompagnée par son compagnon lors des deux premières échographies mais pas pour la troisième car il n’a pas pu se déplacer à cause de son travail. - 64 - Elle a été déçue de l’attitude de l’échographiste notamment à la deuxième échographie qui n’a pu la rassurer concernant le fait que le fœtus ait tous ses doigts, sa position ne le permettant pas. Elle a trouvé l’examen « bâclé ». Melle P a regardé l’écran et c’est sur les indications des professionnels qu’elle a discerné quelques traits de son futur enfant notamment les cheveux. Elle aurait souhaité avoir une photo en 3-D pour bien voir sa tête. La première échographie lui a fait bizarre, à la sortie, elle s’est dit « t’as ça dans ton ventre », signe d’un sentiment d’inquiétante étrangeté. La deuxième échographie lui a permis de d’anticiper la venue de l’enfant et de la préparer en achetant des vêtements de garçon et en préparant sa future chambre. Les craintes de malformations De nombreuses craintes sont présentes à l’esprit de Melle P concernant son futur enfant. Elle pense aux maladies mentales dont pourrait être atteint son enfant tel que l’autisme. Melle P a peur que son enfant naisse prématurément et qu’il ait plus tard des séquelles physiques et mentales. Des craintes de trisomie 21 sont présentes depuis le début de la grossesse. Elle semble informer des techniques médicales de dépistage mais est consciente que les examens anténataux ont des limites. C’est cette marge d’erreur qui semble induire cette crainte chez Melle P. Les examens sanguins et la mesure de la taille de la nuque n’ont rien révélé d’anormal. Sur l’échographie, elle a vu le visage de l’enfant et s’est dit « il n’a pas la tête d’un trisomique » mais elle continue d’y penser. Toutefois, elle aurait souhaiter une amniocentèse pour détecter une éventuelle trisomie et elle aurait alors avorté. Les propos de la gynécologue en parlant de prématuré à entraver le processus de l’enfant imaginaire et semble avoir contribué à l’élaboration d’un fantasme d’enfant prématuré et handicapé. Melle P fantasme un enfant prématuré qui plus tard aura des séquelles physiques et mentales et qui sera dans un fauteuil roulant. Melle P est consciente que son futur enfant n’est pas atteint de trisomie. Cependant l’anticipation imaginaire d’un enfant atteint de trisomie à la naissance lui permet de s’imaginer en tant que mère. Elle le rejetterait et ferait un deuxième enfant peu de temps après. Melle P anticipe un fait réel probable, elle semble anticiper le pire afin de mieux prévenir l’angoisse. - 65 - Melle P semble avoir une capacité d’anticipation s’inscrivant dans une polarité d’angoisse signal dans le cas où son enfant est trisomique. Phénomène de transparence psychique Relation avec les figures parentales Melle P décrit sa mère comme quelqu’un de froid, de renfermée, de susceptible et de rancunière. Le statut de future mère qui se dessine au fil du temps chez Melle P a induit un changement dans la relation qu’elle entretient avec sa mère. Melle P se comporte envers sa mère non comme une petite fille mais comme une adulte et une future mère. Les rapports entre Melle P et son père sont inexistants. Elle n’a pas pris contact avec lui pour lui annoncer sa grossesse, c’est sa sœur aînée qui s’en ai chargée. Melle P considère que son beau-père jouera le rôle du grand père plus que son père. Elle donnera à son fils comme troisième prénom celui de son beau-père. Le « don » de l’enfant semble être fait au beau père plutôt qu’au père. Les incertitudes au sujet de son futur rôle de mère concernent les suites de couches. Melle P appréhende d’avoir le baby blues. De plus, elle craint de ne pas savoir quoi faire avec son bébé et se demande si « elle ne va pas péter un plomb ». Toutefois, elle semble capable d’anticiper notamment sur le fait qu’elle souhaite allaiter mais pas trop longtemps afin que son compagnon puisse partager également ce temps avec l’enfant. Histoires de grossesses Melle P a annoncé sa grossesse à sa mère trois-quatre jours après avoir pris connaissance de son état. Son compagnon hésitait à l’annoncer à ses parents car il appréhendait leur réaction par rapport au fait qu’il n’avait pas de travail stable. Il leur a annoncé la nouvelle suite aux conseils de Melle P et la nouvelle a été très bien accueillie. La mère de Melle P a connu une fausse couche vers cinq mois. La belle-mère de Melle P a connu des grossesses difficiles. A la première grossesse, elle a accouché difficilement car l’enfant se présentait par le siège. Elle a ensuite vécu une fausse couche à cinq mois de grossesse. A la troisième, elle a accouché prématurément à sept mois. - 66 - Ces expériences sont très présentes à l’esprit de Melle P. Melle P a été informée que son bébé est en position de siège, elle semble faire le lien entre cette position et le fait que sa belle-mère a eu un accouchement difficile. De plus, le fœtus souffre d’un manque de liquide amniotique et elle pense qu’il aura du mal à se retourner. Nous pouvons alors nous interroger sur le lien entre les expériences traumatisantes de grossesse de la belle mère de Melle P et les appréhensions de celle-ci concernant un accouchement prématuré et douloureux. Le vécu des transformations corporelles La prise de poids semble difficile à assumer pour Melle P. Elle appréhende la perte de poids et les difficultés à retrouver le corps qu’elle avait avant sa grossesse. Elle se dit enceinte mais se considère grosse. Nous pouvons faire le lien avec le fait qu’elle n’a pas acheté de vêtements pré-maman et a préféré acheter des vêtements plus grands. Selon elle les vêtements pour femme enceinte font « maman-maman ». Melle P dit avoir changer son rythme de vie, elle sort moins, ne boit pas. Elle assimile ces changements à des concessions. Elle regrette le fait qu’elle ne sera plus comme avant que ce soit psychologiquement ou physiquement. Nous pouvons relever une nostalgie concernant le corps d’avant la grossesse. Melle P semble avoir des difficultés à assumer son statut de femme enceinte et d’allier maternité et féminité. La difficulté concernant le vécu des transformations corporelles est corrélée au fait que Melle P a peur que son compagnon ne la regarde plus comme une femme mais comme une maman. - 67 - c) Analyse du test de Rorschach Analyse planche par planche Planche I Melle P aborde cette planche qui représente une situation inconnue en donnant une réponse D de bonne forme F+ et de contenu animal A. On constate une fluctuation entre les réponses D et les réponses globales G. Les réponses données par Melle P sont de bonne qualité formelle. Les contenus des réponses sont animés et varient entre le contenu animal A et le contenu partie humaine Hd. En effet, Melle P donne des réponses à contenu animal perçu dans leur totalité A mais le corps humain est quant à lui perçu en partie (un visage, un corps, des mains) Hd. La réponse « chauve-souris » est une réponse banale à cette planche, cela semble témoigner d’une intégration correcte de l’unité corporelle perçue comme un tout. La deuxième réponse soit la première réponse de contenu Hd, est de bonne forme F+ avec une tendance Clob, les réponses à contenu Hd données par la suite sont dotées de kinesthésie partielle. Cette kinesthésie est accompagnée par les retournement de la planche dans les autres sens, ceux-ci semblent indiquer une tentative de trouver un autre point de vue. Bien que Melle P ait donnée une réponse adaptée (Gp F+ A Ban), tous ces éléments montrent une certaine fragilité des mécanismes de défense, Melle P semble se dégager de ce premier contact par le mouvement (son propre mouvement par le retournement des planches et celui de ses réponses par la kinesthésie partielle). Planche II Le temps de latence est équivalent à celui de la première planche. Les réponses données à cette planche s’attachent à une localisation partielle de la planche D, elles sont de bonnes formes F+ et de contenu animal A. Toutefois, la deuxième réponse à cette planche a pour contenu un animal écrasé, les investissements relationnels semblent avoir été mobilisés dans leur valence agressive, le fantasme de destruction est réalisé. De plus en énonçant la deuxième réponse Melle P rit ce qui peut être le signe d’un mécanisme de défense de type maniaque. Planche III Le temps de latence est court et le nombre de réponses est plus important qu’à la planche précédente, Melle P semble s’être remise de la présentation de la planche II (première planche rouge et noire). Les réponses données s’attachent à une localisation partielle de la planche D et sont de bonne qualité formelle. Les contenus des réponses sont animés, ils - 68 - sont de type humain H perçus dans leur totalité et de type animal perçus dans leur totalité A et en partie Ad. A la première réponse, le corps humain est perçu dans son entier et est de sexe féminin. La représentation phallique est évoquée à travers les réponses à contenu animal. Le rouge central évoque un cœur, c’est un organe interne, Melle P le situe entre les deux femmes. Ce qui est habituellement à l’intérieur est placé à l’extérieur, il ne semble pas y avoir de différenciation entre dehors et dedans à cette réponse. Nous pouvons également relever que Melle P manipule et retourne la planche à plusieurs reprises, nous pouvons nous poser les questions d’une volonté de bien faire, d’une minutie typique d’un comportement obsessionnel ou d’un mécanisme de défense afin de lutter contre l’angoisse à travers la gestuelle, l’action, le mouvement. Ceci reste à confirmer ou non avec l’analyse du reste du protocole. Planche IV Le temps de latence est court (8’’) mais le temps de réponse à la planche est long compte tenu du nombre de réponses (2’ pour deux réponses) ce qui peut traduire un malaise. La planche est abordée par une localisation en D et les réponses sont de bonne formes F+. Les contenus des réponses représentent des parties d’humain Hd et d’animal Ad. Malgré plusieurs retournements de la planche, seule la partie inférieur de la planche est évoquée. La partie supérieure est isolée du reste de la planche. Le symbolisme phallique semble évoqué à travers les émergences humaines et animales par les termes « les pieds » et « les antennes ». De plus les « pieds » sont recouverts par les « chaussures » ce qui peut signifier soit un moyen de protection pour lutter contre le malaise provoqué par la planche soit un moyen de renforcer la puissance phallique. Planche V La planche est abordée dans les deux premières réponses dans son intégralité par des réponses globales Gp qui sont vues fréquemment par d’autres personnes Ban, puis elle est perçue par une localisation partielle à travers les réponses D. Les réponses sont de bonnes formes F+ et les contenus sont animés de type animal A, partie d’animal Ad et partie humaine Hd. Le « papillon » et « l’oiseau » sont vus dans leur totalité, contrairement au « corps » qui est perçu avec « une tête » et « deux oreilles » et dont l’identité sexuelle n’est pas abordée. De plus, les éléments traduisent une affirmation mégalomaniaque de toute puissance « ailes dépliées » avec une symbolique phallique à valence agressive « becs » ainsi qu’un éventuel faux self avec un désir d’être conforme traduit ici par les réponses banales Ban à moins que - 69 - celles-ci ne traduisent une inhibition à la projection. Tout ceci nous amène à supposer à une fragilité concernant la représentation de l’image de soi. Planche VI Le temps de latence est très long et la planche est manipulée de nombreuses fois avant que Melle P donne une première réponse cotable. Le Do semble être le signe d’un malaise provoqué par la planche, Melle P semble se dégager de ce sentiment ceci se traduisant par les réponses D. Les réponses sont en général de bonne formes F+ sauf une qui n’a pas de forme déterminée F+/-. Les contenus sont animés, ils sont de types Hd, A et Ad. La dimension pénienne-phallique est dominante avec les termes « grand nez », « menton pointu », « tiges », « antennes » et « pinces ». Il faut relever que le symbolisme sexuel évoqué par cette planche est également abordée par Melle P à travers des parties du corps humain qui appartiennent aux deux sexes « bouche » et « visage ». Planche VII Les réponses sont localisées en grand détail D, la qualité formelle est bonne F+, le contenu est animé de type humain renforcé par une tendance à la kinesthésie. La planche est scotomisée, Melle P n’évoque pas le tiers inférieur. Les personnages ne sont pas différenciés sexuellement. La réponse « un autre bonhomme dans le même » nous évoque dans un premier temps la grossesse et dans un deuxième temps une relation à l’image maternelle de nature fusionnelle. Planche VIII Melle P aborde la planche par une réponse fréquemment vue par d’autre personnes Ban, ce qui est le signe d’un ancrage dans le réel. Nous constatons une dévitalisation du contenu animal A pour Plante. Les réponses sont de bonnes formes F+ et F+C. Melle P semble privilégier la réalité objective. Planche IX Le temps de latence est long, les manipulations sont nombreuses et Melle P ne donne qu’une réponse à cette planche. Melle P semble résister à l’appel symbolique de la planche. La réponse donnée a un contenu de type anatomique Anat. La forme est floue et la couleur domine sur la forme CF+/-. L’affectif domine sur le formel ce qui peut traduire une certaine immaturité. Le cœur est symbole de vie et de mort notamment lorsque celui-ci se trouve à l’extérieur du corps. La réponse évoque une ambivalence entre le fantasme de vie et le fantasme de mort. - 70 - Planche X Les réponses sont au nombre de deux, le temps de réponse est de 1’30’’ et la planche est à plusieurs reprises retournées, l’éparpillement de la planche semble bloquer les associations de Melle P. Néanmoins, les réponses sont de bonnes formes F+ associée à une kinesthésie pour la première K+. Cette planche d’individuation et de séparation ne semble pas induire d’angoisse de morcellement chez Melle P, le corps humain est ici décrit dans son ensemble H associé à une kinesthésie K+. Puis Melle P se dégage de la planche en donnant une réponse de bonne forme F+ et de contenu Hd « visage ». Caractéristique du protocole et du psychogramme Le nombre de réponse R se situe dans la norme ainsi que le temps par réponse T/R. le temps de latence moyen TLM est long de qui peut être le signe d’une indécision ou d’une ambivalence. i) Le fonctionnement intellectuel Le mode d’appréhension : Le G % est bas, il est nettement inférieur à la moyenne contrairement au D% qui est très supérieur à la moyenne. Cette approche témoigne de la présence d’un moi suffisamment fort pouvant se soumettre à l’épreuve de réalité soit un enracinement important dans le monde concret et social. La réalité extérieur pourrait être utilisée à des fins défensives afin de faire face aux émois et aux fantasmes du sujet. Les G bien que peu nombreux sont associés à des F+ ce qui tend à nous indiquer que le sujet est dans le principe de réalité. La faible présence de G indique une incapacité à appréhender des entités dans leur intégrité ce qui pourrait rendre compte d’importantes failles dans l’appréhension de l’image de soi. La qualité du rapport au réel : Le F%, le F+ % ainsi que le F+ % élargi sont très nettement au dessus de la moyenne. Ils pourraient traduire une forte capacité d’adaptation à la réalité extérieure grâce à une intense capacité régulatrice de la raison et de la pensée. On relève une kinesthésie K ce qui rentre dans la norme ainsi que deux kinesthésies partielles kp, cela traduit une tendance introversive ainsi qu’un refoulement. - 71 - ii) La socialisation Le nombre de réponse banalité Ban est légèrement inférieur à la moyenne. Le A % est dans la norme et le H % est très supérieur à la norme. Ce pourcentage élevé est du au nombre important de réponses ayant un contenu Hd. Le sujet est capable de s’identifier à une image humaine mais le nombre élevé de Hd pourrait traduire un surinvestissement d’une partie du corps qui pourrait servir de porte parole à une représentation refoulée. Le D % est élevé, il est le signe d’une forte capacité de différenciation perceptive et affective. Les réponses D sont associées à des déterminants de bonne forme F+ ce qui signifie une capacité d’adaptation. Le F+ % est lui aussi supérieur à la moyenne traduisant ainsi une capacité d’adaptation et d’insertion socialisante. Tous ces éléments traduisent un conformisme excessif qui pourrait avoir une valeur défensive. iii) L’affectivité Melle P obtient un type de résonance intime T.R.I. extratensif dilaté ce qui indique un contact aisé et superficiel avec autrui ainsi qu’une instabilité affective. Melle P ne donne pas de réponse couleur aux planches rouges. Aux planches pastels, elle donne deux réponses couleurs avec un contenu dévitalisé pour la première Plante et un contenu Anat. pour la seconde. Le nombre de réponses RC% à ces planches est faible et est inférieur à la norme ce qui peut être le signe d’une inhibition lorsque les stimulations sont trop intenses pour le sujet. Cela serait un moyen pour le sujet de lutter contre les émergences pulsionnelles. La formule complémentaire FC de type introversif dilaté indique la présence de kinesthésie partielle. De plus, l’indice d’anxiété somatique est élevé. Tous ses éléments montrent une oscillation entre l’inhibition et l’agir, ceci afin que le sujet se dégage de l’angoisse provoquée par les émergences pulsionnelles, ces conduites défensives seraient utilisées afin de barrer la voie aux représentations excitantes. Synthèse du test de Rorschach L’analyse du protocole démontre que Melle P est ancrée dans le réel et semble privilégier la réalité objective. Le surinvestissement de la réalité (F%, F+% et F+% élargi élevés) peut être un moyen de défense afin de faire face aux fantasmes et aux émois. - 72 - La présence de F+ met en avant la capacité de figurer un objet dans une enveloppe perceptive, la délimitation dehors-dedans est possible permettant ainsi une différenciation entre le sujet et le monde. L’unité corporelle est perceptible dans sa totalité bien que le nombre de Hd soit élevé. Cela indiquerait une fragilité dans la représentation de l’image de soi (G% faible). De plus, nous relevons, tout au long du protocole, une forte préoccupation tournant autour du corps, « corps », « visage » sont des termes fréquemment cités (persévération du terme « corps »). Nous constatons une capacité de mise en relation. Il semble que l’agressivité soit massivement déplacée sur la figuration de petits objets pointus tels que « antenne », « pince », « bec ». A la première planche, évocatrice des relations précoces au premier objet, on relève deux kinesthésies partielles kp qui traduiraient que les charges émotionnelles et les fantasmes inacceptables pour le sujet sont rejetées à l’extérieur sur l’objet qui deviendrait alors persécuteur. Notons que les termes précédemment cités ont également une forte valeur de symbolisme phallique. Melle P fait preuve d’une capacité d’adaptation et de socialisation importante voire excessive (H%, F+% élevés) ce qui pourrait avoir une valeur défensive. Le T.R.I extratensif dilaté indique une sensibilité sensorielle et émotionnelle face aux stimulis externes, une instabilité affective ainsi qu’un contact affectif aisé et superficiel avec autrui. 2) Mademoiselle R a) Présentation générale Melle R est âgée de vingt-quatre ans. Elle est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants. Melle R attend un garçon, elle est a trente-six semaines d’aménorrhée. Elle vit en concubinage avec son compagnon. Le contact s’est établi facilement lors de notre première rencontre. Nous nous sommes eu au téléphone plusieurs fois afin de fixer une date pour l’entretien et la passation du test. Melle R m’a invité à venir chez elle. - 73 - b) Analyse de l’entretien Phénomène d’anticipation et variabilité Le désir d’enfant La grossesse de Melle R était programmée et très attendue. Il y a un an, Melle R avait arrêté de prendre la pilule conjointement aux souhaits de son partenaire. Melle R n’avait pas de préférence concernant le sexe de l’enfant, elle est très contente que ce soit un garçon même si avec une fille elle aurait pu « pouponner ». La grossesse actuelle ne semble pas remettre en question son désir d’avoir d’autres enfants. Elle pense déjà à ses futurs enfants et envisage d’en avoir deux autres. Elle souhaiterait que le prochain soit une fille dans environ deux ans afin de pouvoir s’en occuper pleinement car le premier sera plus grand et pourra marcher. L’accouchement Melle R a des difficultés à imaginer l’accouchement. Elle appréhende la douleur liée à l’accouchement, à la péridurale (elle a peur des piqûres) ainsi que le déroulement. Pour se rassurer, elle se base sur le fait que son bébé est de petite taille et sur les propos de la sage femme et de ses proches comme quoi la douleur est moindre lorsque le bébé est de petite taille. Les pulsions de mort sont présentes, elle fantasme « le cœur qui s’emballe » « qu’il arrive quelque chose ». Toutefois, les pulsions de vie semblent prendre le dessus à travers la finalité de l’accouchement. L’anticipation concernant l’accouchement semble se reporter au fait que le bébé lui appartiendra. L’enfant imaginé Melle R dit avoir des difficultés à imaginer son enfant , cela semble être un mécanisme de défense pour lutter contre une déception lors de la rencontre avec le bébé réel. Cependant, le bébé virtuel est présent dans l’imaginaire de Melle R mais n’a pas de caractéristiques physiques précises. Il est fantasmé comme un enfant à fort caractère comme elle et son compagnon. Elle souhaiterait qu’il ait les yeux de son compagnon. En revanche, il n’y a pas de traits physiques ou moral qu’elle ne souhaite pas à son enfant. Il est présent dans ses rêves sous forme d’interactions avec elle « je me vois avec un bébé dans les bras », « je me balade avec la poussette » mais « sans forcément voir la tête du bébé » . - 74 - Avant que Melle R et son compagnon se mettent d’accord sur un prénom, le futur enfant était prénommé « bébé », c’est le signe d’une idéalisation du fœtus. Le prénom a été choisi récemment, il y a environ un mois et demi. Son compagnon ayant des origines différentes des siennes, ils ont eu des difficultés concernant le choix et l’origine du prénom. Le choix s’est porté sur une liste de prénom proposés par des personnes que Melle R côtoie à son travail. L’anticipation maternelle de la nidification externe s’est mise en place à la suite de la première échographie. Dès lors, Melle R a acheté des vêtements ainsi que de nombreux accessoires. Les interactions mère-enfant Les premiers mouvements fœtaux ont été perçus vers quatre-cinq mois comme des « gargouillis ». C’est le médecin qui lui a expliquer ce que c’était. Elle dit s’y habituer. Les mouvements fœtaux ont fait émergé un sentiment « d’inquiétante étrangeté » associé aux pulsions de vie. Melle R a commencé à interagir avec son bébé virtuel en lui parlant et en touchant son ventre à partir du moment où elle l’a senti bouger. Les perceptions des mouvements fœtaux sembleraient avoir été le facteur encourageant le processus de parentalité ainsi que l’acceptation de la présence d’un enfant vivant dans son ventre. L’échographie Melle R a été accompagnée par son compagnon pour chaque examen échographique. Pour la première, la demande venait d’elle, par la suite, il est venu de lui même. L’émergence d’un sentiment « d’inquiétante étrangeté » est évoqué lors de la première échographie « au début on le sent pas donc on a du mal à s’imaginer qu’il y a un bébé ». Il est associé aux pulsions de vie « j’étais contente, très contente ». Une bascule psychique semble s’être opérée lors de l’examen de la première échographie. Celle-ci a confirmé la grossesse et écarté les risques d’une fausse couche. La première échographie semble avoir joué un rôle décisif dans le processus de parentalité, tout de suite après, ils ont acheté quelques vêtements. Les échographie suivantes semblent avoir été une manière de pouvoir voir, de rencontrer à nouveau le futur enfant. Elle n’hésite pas à poser des questions durant les examens et regarde l’écran pouvant traduire ainsi l’émergence de fantasme de scène primitive. - 75 - Les craintes de malformations Les craintes concernant l’état de santé du fœtus étaient très présentes à l’esprit de Melle R avant la première échographie. Elle se demandait « s’il avait tous ses membres », « s’il était bien fait », « s’il n’avait pas de maladie ». Melle R fait elle-même le rapprochement entre ses craintes et son avortement et sa fausse couche d’une part et d’autre part avec le fait que sa mère ait mis au monde un enfant malformé décédé quelques jours après la naissance. Elle minimise ses craintes en employant le terme « petit » : « petite malformation », « petite trisomie ». Les propos de l’échographiste l’ont rassurée quant à l’état de santé de son futur bébé. Elle a préféré ne plus penser à d’éventuelles anomalies car selon elle « plus t’y penses, plus ça peut arriver ». Les craintes de malformation présentes dans les premiers mois de grossesse ne semblent plus d’actualité lors de notre rencontre. Leur caractère ne semble pas être invasif dans l’esprit de Melle R. Elles pourraient alors s’inscrire dans une polarité signal de l’angoisse. Phénomène de transparence psychique Relation avec les figures parentales Melle R ne semble pas avoir de contact avec son père. Melle R a peu évoqué son père durant l’entretien et l’a décrit comme quelqu’un de violent et porté sur l’alcool. Selon Melle R, la grossesse ne semble pas avoir induit de changement dans les relations qu’elle entretient avec sa mère. Toutefois, sa mère appelle plus souvent, une fois par semaine pour prendre des nouvelles. Ce comportement est bien accepté par Melle R qui le trouve « normal ». Melle R semble percevoir sa mère comme une femme d’expérience, une ex-femme enceinte. Elle lui a posé des questions concernant la grossesse, l’habillement, l’allaitement. Melle R dit avoir des difficultés à s’imaginer en tant que maman bien qu’elle se soit de nombreuses fois occuper de ses frères et sœur. Cependant, elle me confit que penser aux changements induits par la naissance du bébé concernant la structure familiale lui donne les larmes aux yeux mais ne la rend pas malheureuse pour autant. Melle R a néanmoins une capacité d’anticipation concernant son futur rôle de mère « il faudra le changer, il faudra le sortir, il faudra lui donner à manger ». - 76 - Histoires de grossesses La mère de Melle R a vécu une grossesse difficile lorsqu’elle était enceinte d’elle. Son mari était violent et porté sur l’alcool. Melle R dit ne pas avoir été désirée par son père. Elle est née à terme avec un faible poids. Par la suite, la mère de Melle R a perdu un enfant des suites de malformations graves quelques jours après avoir accouché. Melle R a annoncé à sa mère qu’elle était enceinte dès qu’elle l’a su mais elle a préféré attendre trois mois pour l’annoncer au reste de son entourage. La nouvelle a été bien accueillie de la part de sa mère et du reste de sa famille. La mère de Melle R a été très contente de cette nouvelle contrairement à l’annonce d’une précédente grossesse que Melle R a interrompue. Il y a deux ans, Melle R était enceinte de son compagnon actuel et a fait une fausse couche Cette fausse couche pourrait avoir eu l’effet d’inhiber les capacités d’imagination et d’anticipation de Melle R. La confirmation d’une bonne nidification lors de la première échographie a permis à Melle R de l’annoncer à son entourage. Le vécu des transformations corporelles Melle R se regarde dans la glace pour admirer son ventre et semble en être satisfaite. Elle dit ne pas avoir pris beaucoup de poids. A partir de son quatrième mois de grossesse, Melle R a acheté des vêtements pré-maman car les siens étaient devenus trop petits. Les vêtements pré-maman sont plus féminins que ceux qu’elle a remplacés. Melle R n’a pas eu de nausées en début de grossesse seulement des brûlures d’œsophage dues à la prise d’un médicament. Au moment de notre rencontre, elle ressent une gêne au niveau de la vessie, elle doit aller souvent aux toilettes. Melle R dit ne pas avoir changer son rythme de vie depuis qu’elle est enceinte, elle se définit comme quelqu’un de casanier et continue de rester souvent chez elle. Il est à noter que Melle R continue de fumer. Melle R n’a pas changé ses habitudes alimentaires, elle mange de tout en petite quantité et ce échelonné sur la journée. - 77 - Melle R semble bien accepter les transformations de son corps et vivre pleinement sa grossesse de manière féminine. c) Analyse du test de Rorschach Analyse planche par planche Planche I Melle R a bien réagi à cette première planche dites d’entrée en matière puisqu’elle a donné une réponse globale Gp, de bonne forme F+, de contenu animal A et fréquemment vue par d’autres personnes Ban. Planche II La réponse donnée à cette planche est la même que celle donnée à la planche précédente. Elle est de bonne forme F+ et de contenu animal A. Cependant, la localisation de la réponse est partielle D, la couleur rouge n’est pas prise en compte dans la réponse. Planche III La réponse est localisée dans la partie noire D, elle est de bonne forme et de contenu animal A. La couleur rouge semble isolée du reste de la planche et n’est pas pris en compte dans la réponse. A l’enquête Melle R évoque les « dents » et les « crochets » ce qui peut évoquer une émergence pulsionnelle à tonalité agressive. Planche IV A cette planche Melle R fait un commentaire personnel et retourne plusieurs fois la planche. La réponse donnée est globale Gp mais de mauvaise qualité formelle F-. Ces éléments pourraient traduire un sentiment d’inconfort et une lutte contre l’émergence pulsionnelle et fantasmatique induite par la planche. Planche V La réponse est globale Gp, l’engramme est correctement perçu, de bonne forme F+ et de contenu animal A. C’est une banalité Ban, néanmoins, nous relevons une persévération. La présence de la Ban indique que Melle R fait preuve de réalité quasi évidente. - 78 - Planche VI Melle R ne donne aucune réponse à cette planche, il y a refus. Il semble que Melle R soit incapable de surmonter l’inhibition provisoire déclenchée par le symbolisme sexuel de cette planche. Le refus n’a pas été surmonté lors de l’enquête et la planche fait partie de celles qu’elle a le moins apprécié. Planche VII Melle R semble s’être dégagée du refus de la planche précédente, la réponse donnée est globale Gp et de bonne forme F+. La symbolique maternelle est abordée par le contenu anatomie Anat. renvoyant à ses expériences vécues en cours de préparation à l’accouchement. Planche VIII Il semble se dégager une sensibilité aux couleurs pastels. Cette planche est une des préférées de Melle R, elle la trouve jolie. La réponse s’appuie sur l’ensemble des éléments de la planche Gs et est de mauvaise qualité formelle F-. Le contenu anatomie Anat. soulève un bouleversement des limites dehors-dedans. Planche IX La planche semble susciter l’émergence d’un fantasme de destruction. La transparence de l’enveloppe corporelle indique un bouleversement des limites dehors-dedans. Planche X Les réponses données à cette dernière planche d’individuation et de séparation semble synthétiser toutes les réponses données dans le protocole. En effet, c’est la seule planche à laquelle Melle R donne deux réponses, la première reprenant la réponse 7 de la planche VII et la seconde celle des planches I, II V. Les deux réponses sont localisées dans une partie de la planche D, de mauvaise forme F- et de contenu inanimé animal A et anatomie Anat.. Caractéristique du protocole et du psychogramme Le nombre de réponse R est inférieur à la moyenne conjointement au temps total qui est très rapide. Le temps de latence moyen TLM est dans la norme. - 79 - i) le fonctionnement intellectuel Le mode d’appréhension : Le G% est légèrement supérieur à la moyenne, il est constitué en majorité par des G primaires qui témoignent d’une adaptation perceptive de base. Leur présence indique une référence possible à un objet total. Ils sont associés en moyenne avec des bonnes formes F+ ce qui démontre que Melle R reste dans le principe de réalité. Le D% est inférieur à la moyenne. Les réponses D sont associées avec des formes correctes F+ en début de protocole et avec des mauvaises formes F- en fin de passation. Ceci indiquerait une fragilité des mécanismes de défenses de Melle R. La qualité du rapport au réel : Le F% est très supérieur à la moyenne soulignant une rigidité des mécanismes de défense. Melle R semble s’appuyer sur la réalité extérieure pour éviter l’expression subjective nourrie par les pressions pulsionnelles et fantasmatiques. Cependant, le F+% bas traduirait un échec dans cette lutte. L’absence de kinesthésie K révèle une pauvreté imaginative. ii) la socialisation Le nombre de réponses banalités Ban est proche de la norme et le A% est dans la moyenne ce qui nous signale que Melle R fait preuve d’une capacité intellectuelle de différencier tout en restant dans une adaptation sociale élémentaire. Le H% est bas, la capacité à s’identifier à une image humaine est possible cependant la mauvaise perception traduit une fragilité de l’image du corps. Le D% et le F+% sont inférieurs à la norme ce qui indique un désinvestissement. Tous les éléments tendraient à dire que Melle R s’accorderait une part de subjectivité tout en considérant les contraintes imposées par la réalité sociale. iii) l’affectivité Le type de résonance intime T.R.I et la formule complémentaire FC révèle que Melle R est coarté. C’est le signe d’une rigidité et d’un rétrécissement de la personnalité. Elle ne donne aucune réponse utilisant la couleur, signe d’un retrait ou d’un désinvestissement du monde extérieur, mais semble être sensibilisée par les couleurs pastels, les planches VIII et X faisant parties de ses favorites (choix +), de plus le RC% est dans la norme. Le refus à la planche VI est fréquent et serait révélateur d’une émotivité. - 80 - Synthèse du test de Rorschach Le test de rorschach révèle que Melle R fait preuve d’une adaptation perceptive de base et est ancrée dans le principe de réalité. La référence à un objet total est possible. Les réponses F- portent en majorité sur des contenus anatomiques ce qui peut dévoiler une fragilité de l’image du corps, l’indice d’anxiété somatique est élevé. Les réponses ayant un contenu anatomie trouvent leur origine dans les expériences vécues par Melle R dans les cours de préparation à la naissance, elles indiquent néanmoins une fragilité des limites dedans-dehors. Nous pouvons constater une fragilité des mécanismes de défense, le contrôle ne se maintient pas, la pression pulsionnelle fantasmatique ou affective semble devenir trop forte pour pouvoir être endiguée (refus à la planche VI). Nous notons une pauvreté imaginative. Melle R est capable d’adaptation et de socialisation élémentaire (Ban% et A% dans la norme) tout en faisant preuve d’un rétrécissement de ses investissement psychiques (T.R.I coarté). 3) Mademoiselle M a) Présentation générale Melle M est âgée de vingt-trois. Elle est la deuxième d’une fratrie de deux enfants, sa sœur aînée a accouché quelques mois auparavant. Melle M attend un garçon, elle est à trente-cinq semaines et cinq jours d’aménorrhées. Elle vit en concubinage. Melle M est une jeune femme souriante et très expressive, l’entretien s’est agréablement déroulé. Elle a été très coopérative. Elle m’a proposée, durant l’entretien, de visiter la chambre du bébé et m’a montrée les échographies. - 81 - b) Analyse de l’entretien Phénomène d’anticipation et de variabilité Le désir d’enfant Le projet d’enfant était présent depuis longtemps mais Melle M et son compagnon ont attendu d’avoir un appartement plus grand. Melle M a arrêté de prendre la pilule et ne s’attendait pas à tomber enceinte si vite. Melle M n’avait pas de préférence concernant le sexe mais elle était convaincue d’attendre un garçon avant de connaître le sexe. Melle M désire quatre enfants mais ne compte pas faire d’enfant après trente ans. L’accouchement Melle M espère que son accouchement se passera bien mais elle fantasme toutefois un accouchement difficile. Melle M se rassure par les propos et le caractère contenant des soignants. Melle M appréhende l’épisiotomie mais se rassure en se disant qu’une épisiotomie est préférable à de nombreux points de suture. Elle désire une péridurale pour pouvoir « donner la vie sans souffrir ». Selon les dires du corps médical, il est possible que Melle M accouche avant terme. Elle anticipe cette éventualité et se rassure par le fait qu’elle a passé le cap fatidique des trentequatre semaines, l’enfant n’est alors plus considéré comme grand prématuré. Toutefois, Melle P préférerait « qu’il reste encore un petit peu au chaud ». Nous pouvons supposer une éventuelle appréhension à l’idée de rencontrer l’enfant. Melle M semble anticiper le pire et se rassure par les propos et le caractère contenant des soignants. Cela semble être un moyen de prévenir l’angoisse. Les pulsions de vie semblent prendre le dessus sur les pulsions de mort, elle espère que l’accouchement se passe bien. L’enfant imaginé Melle M dit avoir des difficultés à imaginer physiquement son futur bébé. Cependant, elle souhaiterait qu’il lui ressemble ainsi qu’à son partenaire et qu’il ait les capacités intellectuelles de ce dernier. Elle espère que ce sera un « joli petit bébé ». Les choix du prénom et du deuxième prénom sont faits, c’est indicateur d’une anticipation. Melle M veut pouvoir souhaiter la fête de son enfant. Le choix du prénom s’est donc fait par rapport au calendrier et de manière à ne pas être une gêne pour l’enfant plus tard. Nous - 82 - pouvons émettre l’hypothèse d’un processus de réparation car le prénom de Melle M n’est pas fêté dans le calendrier. La chambre destinée à l’enfant est quasiment aménagée. Elle contient de nombreux accessoires pour bébé ainsi que les nombreux vêtements que Melle M a acheté. C’est le signe d’une anticipation maternelle de « nidification externe ». Melle M dit avoir rêvé trois ou quatre fois de son futur bébé. Le premier concernait les images vues lors de la première échographie. Le plus récent que Melle M qualifie de bizarre et de comique concernait le retour au domicile après l’accouchement. Les interactions mère-enfant Melle M a perçu les mouvements fœtaux à cinq mois de grossesse qu’elle a ressenti comme des « gargouillis ». Elle interprétait alors les mouvement fœtaux comme des signes de détresse de la part du futur enfant. Elle qualifie son bébé virtuel de « vif ». Melle M interagit avec son bébé virtuel en lui parlant et en touchant son ventre. Lorsqu’elle lui parle c’est pour lui dire qu’elle l’aime. Elle interprète ses mouvements par le fait qu’il s’ennuie, elle s’amuse alors avec lui en plaçant ses mains sur son ventre. La nuit, selon elle, il bouge beaucoup, alors que la journée, il dort. Melle M attribut à son futur enfant des comportements et des sentiments. Les échographies Melle M a été accompagnée par son partenaire pour chaque séance échographique. Melle M assimile les images échographiques à des photos et parle de film lorsqu’elle évoque les séances. La première échographie a surpris Melle M dans le sens où elle ne s’attendait pas à reconnaître si facilement les caractères humains. Cette première échographie a donc eu pour effet d’humaniser le fœtus. Une « inquiétante étrangeté » était ressentie par Melle M « c’est pas mon ventre mais si c’est mon ventre » , « on sait qu’il est là mais en même temps c’est complètement abstrait », « puis là on se rend compte ah bah si c’est dedans ». La première échographie en confirmant l’état de grossesse semble avoir accéléré le processus de parentalité « tout de suite on fait des projets à long terme », « c’est parti dans neuf mois voire un peu moins y aura un petit bébé à la maison ». Les pulsions de vie semblent avoir dominé la séance, elle était très contente de savoir qu’elle était enceinte. - 83 - Melle M qualifie la deuxième échographie de « plus technique » et semble avoir été déçue de ce qu’elle voyait sur l’écran. Lors de cette séance, elle et son partenaire voulaient connaître le sexe. Cet examen semble avoir généré de l’angoisse chez Melle M ceci à cause des enjeux techniques et médicaux. Les questions posées durant l’examen semblent traduire cet état d’angoisse. Melle M qualifie la troisième échographie d’ « impressionnante », de « géniale ». En effet, cette échographie en 3-D semble avoir permis à Melle M de rencontrer à nouveau son bébé virtuel. La crainte d’une anomalie semble être toutefois présente. Les craintes de malformation Les craintes concernant l’état de santé de le bébé virtuel ont été différentes selon les différentes étapes de la grossesse. En effet, avant la première échographie, Melle M appréhendait que ce soit un « œuf clair ». A la deuxième échographie, Melle M appréhendait que son enfant soit atteint de trisomie 19 ou 21. Elle a alors réalisé un test de dépistage des anomalies chromosomiques parce que selon elle « on n’est jamais sûr ». Nous pouvons relever un lapsus entre « chance » et « risque » que l’enfant soit atteint de trisomie. De plus, elle avait peur qu’il soit atteint de graves malformations. L’échographie et le test n’ont pas révélé d’anomalies. C’est la troisième échographie en 3-D et la possibilité de voir le visage de l’enfant qui l’ont rassurée. Melle M craint également que son futur enfant soit atteint d’une maladie cardiaque ou d’une maladie rare telles que la mucoviscidose ou l’albinisme. De plus, elle ne souhaite pas qu’il ait les yeux verrons. Elle a anticipé sa réaction et ses intentions concernant la naissance possible d’un enfant trisomique. Elle mettrait un terme à la grossesse mais n’est pas sûre de la réalisation de ce choix si cela venait à se présenter. Eros semble prendre le dessus sur Thanatos. A chaque étape de la grossesse, les séances échographiques, les tests sanguins et les propos du corps médical ont rassuré Melle M concernant ses craintes. Les appréhensions concernant les maladies rares semblent produites dans le cadre de faits réels probables. Melle M semble capable d’anticiper sa réaction face ces éventualités. Ces représentations semblent alors s’inscrire dans une polarité d’angoisse signal. - 84 - Phénomène de transparence psychique Relations avec les figures parentales Melle M n’a pas connu son père, elle le décrit comme quelqu’un de violent. Après la séparation, la mère de Melle M n’a pas « refait » sa vie. Melle M qualifie de conflictuelle la relation qu’elle entretient avec sa mère. Cette dernière la rend responsable de la rupture d’avec son mari. Melle M dit ne pas avoir de rapports maternels avec sa mère . Elle semble avoir des difficultés à communiquer avec sa mère car elles ne se sont jamais entendue. Melle M trouve que sa mère à pleins de défauts. Après l’annonce de la grossesse, Melle M trouve que l’attitude de sa mère a changé et semble ne pas accepter les conseils de sa mère. Melle M entretient de meilleures relations avec sa belle-mère qu’avec sa mère. Il est à noter que Melle M nomme par « mère » sa mère et « belle maman » sa belle-mère. Melle M a une sœur aînée dont elle ne se sent pas proche. Elle compare sa relation avec elle à une relation amicale. Melle M ne veut pas être une « mère poule » comme sa sœur. Les relations que Melle M entretient avec les figures féminines de sa famille sont marquées d’ambivalence voire de haine notamment envers sa mère. Toutefois, Melle M semble avoir trouvé en sa belle-mère une figure maternelle et une capacité d’identification. Malgré son hypersensibilité des mamelons, Melle M envisage de donner le sein, si toutefois cela venait à être trop douloureux, elle tirerait son lait. Melle M fait preuve d’anticipation concernant la douleur produit par l’allaitement au sein. Histoire de grossesse Melle M dit de sa famille que « tout le monde est très fécondable », elle semble avoir trouver dans cette généralité familiale l’explication dans le fait qu’elle est tomber enceinte rapidement. Les deux grossesses de la mère de Melle M se semblent pas avoir connu de complications sérieuses. La sœur de Melle M est née post terme, Melle M quant à elle est née à terme. La mère de Melle M a eu des nausées pendant qu’elle était enceinte de celle-ci mais pas pendant la grossesse de sa fille aînée. La grossesse de la sœur de Melle M s’est bien déroulée sans nausées, l’enfant est en bonne santé. - 85 - La grand-mère du compagnon de Melle M a accouché d’un enfant mort né. Melle M fait d’ailleurs plusieurs fois un lapsus entre « enfant mort né » et « fausse couche ». L’annonce de la grossesse aux deux familles respectives s’est faite au bout de trois mois, après la première échographie. Melle M voulait l’annoncer avant mais elle a été convaincue par son partenaire d’attendre. Cela afin de ne pas décevoir Melle M et l’entourage si elle faisait une fausse couche. De plus, Melle M a préféré attendre que sa sœur accouche pour lui annoncer ainsi qu’à sa mère. La nouvelle fut très bien accueillie par la famille du compagnon de Melle M, en revanche ce fut plus mitigé du côté de Melle M. Son état est aujourd’hui mieux accepté. Le vécu des transformations corporelles Melle M ne semble pas avoir de difficultés à accepter les transformations corporelles. Son ventre arrondi est pour elle le marqueur de son statut de femme enceinte. Ce changement du corps lui a paru bizarre mais il semble bien accepté au moment de notre rencontre. Il est intéressant de relever le lapsus de Melle M concernant ses transformations corporelles : « depuis que j’ai changé de corps », « mon corps a évolué ». Tous les deux jours, Melle M se mesure le ventre. Au moment de notre rencontre, elle avait dépassé le mètre de circonférence. Elle semble déçue de ne pas avoir pris avoir plus de poitrine. Lorsque Melle M a su qu’elle était enceinte, elle craignait d’avoir des vergetures, elle a alors anticipé en achetant de la crème. Melle M a eu des nausées jusqu’au quatrième mois de grossesse, mois durant lequel son ventre a « gonflé d’un seul coup ». Nous pouvons faire le rapprochement entre la première échographie qui a confirmé la grossesse, rassuré sur le risque de fausse couche et l’annonce de la grossesse à l’entourage. Nous pouvons faire le lien entre la confirmation et l’acceptation du statut de grossesse et les changements radicaux concernant le corps et l’arrêt des nausées. Les changements de rythme de vie concernent les habitudes alimentaires. Melle M semble avoir rééquilibré son alimentation, elle mange plus sainement qu’avant sa grossesse. Melle M fait également attention aux choix des aliments et ne change plus la litière du chat en prévention de la toxoplasmose. C’est le signe d’une responsabilité maternelle. - 86 - Melle M est en arrêt de travail depuis deux mois car celui-ci était devenu incompatible avec son état. La journée, elle s’occupe en faisant des activités manuelles et dort beaucoup car elle se fatigue vite. Elle ne souhaite pas reprendre le travail tout de suite et compte prendre un congé parental. Melle M appréhendait la vision de son partenaire concernant ses transformations corporelles. Son état semble bien accepté par son compagnon qui la trouve mieux depuis qu’elle est enceinte, en effet, Melle M fait part d’un léger mal-être avant sa grossesse. c) Analyse du test de Rorschach Analyse planche par planche Planche I La planche est perçue dans sa globalité et est de bonne forme F+ avec une tendance Clob. Le contenu est inanimé de type objet (obj.) avec une dimension symbolique agressante transparente d’une part ainsi qu’une polarité orale destructrice d’autre part. Planche II Melle M a surmonté l’inhibition provisoire déclenchée par la planche en donnant une réponse globale Gp de bonne forme F+ avec une tendance à la kinesthésie K+. Le contenu est animé H. Les investissements pulsionnels semblent mobilisés dans une valence libidinale. Planche III La réponse donnée est une banalité Ban de bonne qualité formelle F+. L’identification au sexe féminin est possible. L’utilisation de la précaution verbale « ou » peut être le signe d’une difficulté de mise en relation. Planche IV La puissance phallique sollicitée par la planche est associée à un ogre soit un personnage humain surnaturel (H), de plus le déterminant est un estompage de perspective E, ces éléments pourraient traduire un manque d’assurance, une carence de l’estime de soi. Planche V La planche est perçue dans sa globalité Gp, la réponse est de bonne forme F+ avec une tendance kan. Le contenu est animé, il est de type animal A. La réponse donnée est vue fréquemment par d’autres personnes Ban. A travers la réponses donnée, nous pouvons supposer une fragilité narcissique. - 87 - Planche VI La planche est perçue dans sa globalité Gp, elle a pour contenu un estompage de texture FE ce qui nous indique que Melle M se laisse aller facilement à des positions régressives. Planche VII Pour les deux réponses, la planche est perçue dans sa globalité Gp, les réponses sont de bonne qualité formelle F+. Nous constatons une dévitalisation du contenu (H, Obj.) ainsi qu’une répression de la kinesthésie (K+, F+). Nous constatons à la première réponse une tentative de mise en relation, toutefois à la seconde réponse cela semble mis à mal, Melle M évoque un objet coupant soit un contenu à valence agressive. Planche VIII Un élément de la planche domine dans la réponse D rose, Melle M tente à partir de cet élément de faire le lien avec les autres éléments (tendance kinesthésie animale). Le déterminant est de type F+C, le contenu est animé de contenu animal A et la réponse est une banalité. Ces éléments témoignent d’une sensibilité à la réalité extérieure. Planche IX Les réponses données sont de contenu animal A et Ad. A travers ces réponses se dégagent une représentation imagoïque persécutive avec une polarité orale destructrice. La présence du Dbl à la réponse 12) traduit une sensibilité aux lacunes intermaculaires et serait le signe d’une carence vraie dans les relations précoces avec la mère. Planche X Cette planche est appréciée par Melle M (choix +) qu’elle compare à un dessin d’enfant. Nous remarquons une sensibilité aux couleurs pastels (F+C). Les réponses ont toutes un contenu animal A appartenant au milieu marin. - 88 - Caractéristique du protocole et du psychogramme Le nombre de réponse R et le temps de réponse T/R sont inférieurs à la moyenne. Le temps de latence moyen TLM est normal. i) le fonctionnement intellectuel Le mode d’appréhension : Le G% est légèrement supérieur à la moyenne, il est présent aux planches noires ainsi qu’aux planches noires et rouges. Le G% est constitué en majorité de G primaire ce qui témoigne d’une adaptation perceptive de base. La présence de G secondaire juxtaposé sont le signe d’une capacité d’intériorisation et de mentalisation. Le D% se situe dans la norme, les réponses D se situent exclusivement aux planches pastels traduisant une capacité de différenciation affective et perceptive. La qualité du rapport au réel : Le F% est légèrement inférieur à la norme, il est constitué exclusivement par des réponses de bonne qualité formelle (le F+% est égale à 100%). Les réponses données sont en majorité de bonne forme, le F+% élargi est très élevé. Ces éléments révèlent que Melle M est apte à donner aux choses un contour limitant, la limite dehors-dedans est établie. ii) la socialisation Le nombre de réponses banalité Ban se situe dans la norme. Le A% se situe également dans la norme, il est constitué en majorité par des A. Le H% se situe légèrement au dessus de la moyenne, il se compose en partie de plusieurs H ce qui nous indique que Melle M est capable de s’identifier à l’image humaine. Le D% est dans la norme. Le F+% est égal à 100%, Melle M ne semble pas avoir de difficulté à cerner la réalité objective. L’identification au sexe féminin est possible. Tous ces éléments nous indique que Melle M est dotée d’une capacité de socialisation et d’adaptation suffisante. iii) l’affectivité Melle M a un type de résonance intime T.R.I extratensif dilaté réactif aux couleurs pastels. La formule complémentaire FC est également de type extratensif dilaté indiquant une sensibilité aux couleurs noir et gris. Le RC% est élevé, la moitié des réponses sont données aux planches pastels. L’indice d’anxiété somatique est faible. Tout ceci nous indique que - 89 - Melle M a un contact affectif aisé et superficiel avec autrui. Son attitude semble intellectuellement active et correctement adaptée au réel. Synthèse du test de Rorschach L’analyse démontre que Melle M fait preuve d’une capacité perceptive de base ainsi qu’une capacité d’intériorisation et de mentalisation. Les limites dehors-dedans ainsi que sujet-objet ne semblent pas mises à mal par le test. Melle M peut différencier un objet d’un autre objet. Toutefois, la présence d’une réponse estompage de perspective E nous révèle un manque d’assurance, une carence de l’estime de soi ainsi qu’une fragilité narcissique. La représentation du corps humain dans sa totalité ainsi que l’identification au sexe féminin sont possibles cependant nous pouvons émettre l’hypothèse d’une difficulté de mise en relation. Nous pouvons constater une réaction aux couleurs pastels ainsi qu’une sensibilité aux couleurs noir et gris. Melle M semble avoir des facilités à se laisser aller à des positions régressives (F+E et RC% élevé). Nous pouvons supposer à travers les différentes réponses données aux planches I, VII et IX que la représentation imagoïque maternelle est de type persécutive avec une polarité orale destructrice. Melle M semble socialement adaptée. Le T.R.I. et la formule complémentaire de type extratensif dilaté indiquent que Melle M fait preuve d’un type de relation au monde qui revient à se laisser modifier par les stimulations externes en se moulant aux prégnances objectives. 4) Mademoiselle B a) Présentation générale Melle B est âgée de trente-quatre ans. Elle attend une fille, elle est à huit mois de grossesse. Elle vit en concubinage. Melle B est issue d’une fratrie de trois enfants dont elle est l’aînée. Durant l’entretien Melle B parlait très lentement et semblait vouloir éviter mon regard. - 90 - b) Analyse de l’entretien Phénomène d’anticipation et de variabilité Le désir d’enfant Avant de rencontrer son compagnon, Melle B témoigne qu’elle ne voulait pas avoir d’enfant. Le désir d’avoir un enfant est apparu un an après leur rencontre. Le projet d’enfant a été mis en place à partir du mois de février, période à laquelle Melle B a arrêté de prendre la pilule. C’est un projet que Melle M et son partenaire ont décidé ensemble. Melle B a fantasmé qu’elle ne pouvait pas tomber enceinte. Lorsqu’elle a su qu’elle l’était et pendant quelques jours, Melle B et son partenaire ont ressenti un sentiment ambivalent de peur et de joie concernant cette nouvelle mais Eros semble avoir pris le dessus sur Thanatos. Elle avait pour préférence d’avoir une fille. L’accouchement La date fatidique et inévitable de l’accouchement approchant semble faire émerger chez Melle B une forte angoisse. Nous pouvons toutefois noter que le cours de préparation à la naissance traitant de l’accouchement a rassuré Melle B. L’angoisse concernant le déroulement de l’accouchement semble être contenu également dans le fait que Melle B envisage une péridurale. L’enfant imaginé Melle B pense le bébé virtuel comme « une jolie petite fille avec un joli sourire ». Sa capacité d’imagination semble s’appuyer sur les images échographiques. Son bébé virtuel a des caractéristiques communes à d’autres enfants (les pleurs) mais possède également des caractères propres à son conjoint et à elle-même. Au début, elle s’imaginait que c’était une fille puis un garçon traduisant ainsi une capacité à accueillir un bébé virtuel de sexe indifférencié. L’annonce du sexe de l’enfant lui a permis de s’imaginer dans des rapports mère-fille. Le prénom est choisi, c’est également le signe d’une anticipation. Ils avaient commencé à y penser avant que Melle B ne tombe enceinte mais hésitent encore entre deux prénoms quasiment identiques. Melle B envisage la possibilité de changer au dernier moment d’avis. Il est prévu qu’ils déménagent après la naissance de l’enfant. Ils n’ont pas aménagé de chambre mais ont déjà anticipé la naissance en achetant des vêtements et des accessoires. - 91 - Ce processus d’achat semble s’être mis en place à partir du troisième mois notamment part les grands-parents. Melle B trouvait que c’était un peu tôt ceci à cause du risque de fausse couche. Elle dit n’avoir rêvé ni de son enfant ni d’elle en tant que future maman. Toutefois, elle imagine l’avenir en fonction de l’enfant au fait qu’il va grandir. Lors de notre rencontre, Melle B témoigne d’un sentiment d’amour envers son bébé virtuel. Les interactions mère-enfant Les mouvements fœtaux ont été perçus vers cinq mois et demi, six mois et ressentis comme des vagues. Melle B pensait alors que c’était les effets de la digestion, c’est une de ses collègues qui lui a dit ce que c’était. Cette perception a joué un rôle dans la représentation motrice et maturative du bébé virtuel. Melle B interagit avec son bébé virtuel par le biais des caresses mais elle ne lui parle pas. Les échographies Son compagnon l’a accompagnée à chaque séance échographique. Ils ont choisi de connaître le sexe dès le début. La première échographie semble avoir facilité la représentation imaginaire de Melle B concernant l’enfant qu’elle porte. Il s’est également produit une « bascule psychique » en ce sens que cela lui a permis de réaliser qu’elle était enceinte. Cette première échographie a été vécue comme un moment très émouvant. La deuxième échographie a été plus décisive concernant la mise en avant du processus de parentalité. Comme à la première échographie, Melle B semble s’être focalisée sur le visage de l’enfant en devenir. Les craintes de malformation Avant la première échographie, des craintes de malformation étaient présentes à l’esprit de Melle B. Les propos de l’échographiste ainsi que la visualisation du visage ont permis de rassurer Melle B. Concernant les autres échographies, Melle B n’a pas fait part de craintes spécifiques concernant l’état de santé de son futur enfant. La vision d’un « joli visage arrondi » a suffit à Melle B pour se rassurer quant à l’état de santé de son futur enfant. Cependant un doute persiste toujours au sujet de l’hypermétropie dont elle et son conjoint sont atteints et qu’ils pourraient lui transmettre. Mais cela ne semble pas être invasif. - 92 - Melle B semble se prévenir d’une éventuelle malformation fœtale en se concentrant sur les formes du visage de l’enfant à venir et en isolant les autres parties du corps. L’éventualité non invasive de la transmission d’une hypermétropie associée au peu de craintes concernant l’état de santé du futur enfant sembleraient indiquer un moyen pour Melle B de se préserver d’un fait réel probable d’anomalie fœtale. Phénomène de transparence psychique Relations avec les figures parentales Les parents de Melle B sont catholiques pratiquants, celle-ci les qualifie de « pas très diplomates ». De part la distance géographique qui les sépare, Melle B voit ses parents à raison d’une fois tous les deux mois. Elle entretient principalement avec eux des relations par téléphone. Melle B dit de sa mère qu’elle est égoïste et qu’elle ne se met pas à sa place Toutefois, sa déclaration « je vais pas non plus critiquer ma mère » semble traduire un refoulement de l’agressivité que Melle B éprouve envers sa mère. Son père est qualifié de « traditionaliste » mais semble être plus apprécié de Melle B. Néanmoins, elle appréhende son souhait que le futur enfant soit baptisé et suive des cours de catéchisme. Lors de leurs rencontres et lors des communications téléphoniques Melle B dit ne pas arriver à communiquer avec eux. Melle B a donc pris l’initiative d’écrire à sa mère. Lors de notre première rencontre au cours de préparation à la naissance, Melle B me faisait part de ses interrogations et de ses inquiétudes concernant le changement de statut des membres de sa famille, à savoir que sa mère allait être grand-mère et que, elle ne serait plus la fille mais la mère. Lors de notre entrevue pour la recherche, Melle B me fait part que ses inquiétudes sont moindres depuis l’envoie de la lettre. Nous pouvons supposer que par l’envoie de la lettre, Melle B a rendu compte de sa dette envers sa mère, facilitant ainsi le « l’identification à une mère suffisamment faible » (M. Bydlowski, 1997) et le déroulement du processus de parentalité. Melle B souhaite allaiter et ne souhaite pas ressembler à sa mère en tant que mère. Histoire de grossesse Le frère de Melle B a un enfant. La grossesse s’est bien déroulée, l’accouchement sans péridurale a semble-t-il était long et douloureux. Nous pouvons faire le rapprochement entre cet événement et le fait que Melle B souhaite une péridurale. - 93 - Les membres de la famille de Melle B sont tous en très bonne santé, dans celle de son conjoint, il y a des problèmes d’asthme. Le mère de Melle B n’a pas eu de grossesse difficile et a accouché à terme à chaque fois. Toutefois, l’accouchement de Melle B a été long. L’accouchement du compagnon de Melle B a connu des difficulté. Il a subi une intervention chirurgicale afin de réduire une malformation. L’annonce de la grossesse à la famille de Melle B s’est faite deux mois après que celle-ci eut connaissance de son état . La réaction fut « mitigée », Melle B l’explique par le fait qu’elle et son conjoint ne sont pas mariés et que ses parents sont très croyants. L’état de grossesse de Melle B semble, lors de notre rencontre, bien accepté par ses parents. De plus, Melle B a attendu que les trois premiers mois soient passés pour leur annoncé sa grossesse car une de ses amies avait annoncé sa grossesse puis avait fait une fausse couche. Melle B n’a donc pas voulu procéder ainsi, se protégeant de l’éventualité d’une fausse couche et de ses conséquences sur l’entourage. L’annonce de la grossesse à la famille de son conjoint s’est quant à elle faite plus tôt mais a semblé susciter la même réaction mitigée. Les témoignages de fausse couche et d’accouchements difficiles dans l’entourage de Melle B semblent jouer un rôle décisif dans la capacité d’anticipation de ses premiers mois de grossesse et de son accouchement. Le vécu des transformations corporelles Melle B témoigne de nausées régulières jusqu’au troisième mois. Elle qualifie son ventre « d’énorme » et se trouve trop grosse. Toutefois, ce sentiment ne semble pas induire de gêne concernant le vécu de ses transformations corporelles. Les changements de son corps paraissent l’aider dans le processus de parentalité : « c’est une préparation ». Melle B a changé ses habitudes alimentaires et ses activités physiques. Elle ne fait plus de course à pied et évite les long trajet en train, c’est le signe d’une responsabilité maternelle. A la fin de l’entretien, elle nous fait part d’un changement psychologique positif concernant son avenir. D’après son témoignage, nous pouvons supposer que les attentions actuels et - 94 - futures dont l’enfant à venir est sujet, jouent un rôle importants dans le « devenir mère » de Melle B. c) Analyse du test de Rorschach Analyse planche par planche Planche I La planche est perçue dans sa globalité Gp, la réponse est de mauvaise forme F- et le contenu est de type anatomie Anat. Cela pourrait sous-tendre une fragilité de l’image du corps et de l’identité. Planche II La réponse est globale Gp. Melle B semble réactive à la couleur CF+, le contenu est de type anatomie Anat. Cette première planche couleur semble réactiver l’expression de pulsions agressives dans un contexte de destruction. Planche III Nous relevons une persévération. Ensuite, Melle B semble capable de surmonter son émotion, elle perçoit, comme une majorité de personnes (Ban), deux personnages dans leur totalité H et le rouge évoque un nœud papillon. Les contenus sont animés et inanimés (Anat., H et objet). A la réponse 4) les personnages sont mis en relation mais ne sont pas identifiés sexuellement. Planche IV Melle B hésite entre plusieurs interprétations, nous dénotons l’utilisation de précautions verbales. Son choix de réponse finit par se porter un contenu animal A avec un estompage de texture de mauvaise qualité formelle F-E. A l’enquête, Melle B précise qu’elle a isolé la partie centrale inférieure. Nous retrouvons l’évocation d’une image de puissance associés à une sensibilité à l’estompage de texture F-E. Planche V La réponse donnée est une banalité Ban, de bonne qualité formelle F+ et de contenu animé A. Cependant, à l’enquête, Melle B dit percevoir la chauve-souris « de dos » ce qui peut être un indice concernant une éventuelle fragilité narcissique. - 95 - Planche VI La réponse donnée par Melle B est fréquemment donnée par d’autres personnes (Ban). Nous remarquons une sensibilité à l’estompage de texture F+E traduisant une dynamique passive. Planche VII La réponse donnée a un contenu de type artistique Art. Le terme est coté en G vague, il est associé à une kinesthésie d’objet kob, cela pourrait traduire une fragilité dans la discrimination, une insuffisance de contenant. Planche VIII Melle B semble s’être dégagée de la planche précédente par un mécanisme de défense de type maniaque, nous relevons une vive réaction aux couleurs pastels CF+/- ainsi que le terme « la vie ». Elle met en lien les différents éléments de la planche G vague et le contenu de la réponse est artistique Art. Planche IX La réponse est de mauvaise forme F- et renvoit à une partie du corps d’un personnage déréel (Hd). Cette planche n’est pas appréciée de Melle B (choix – et commentaires personnels). Elle semble faire ressurgir des motions pulsionnelles à valence persécutive. Planche X Cette planche d’individuation et de séparation s’avère provoquer chez Melle B un sentiment d’euphorie. Elle semble toutefois avoir des difficultés à évoquer ce que la planche évoque pour elle, elle ne termine pas ses phrases. L’éparpillement de la planche et les couleurs semblent bloquer les associations de Melle B. Elle se dégage de la planche en prenant en compte tous les éléments G vagues, les différentes formes et couleurs F+/-C. Caractéristique du protocole et du psychogramme Le nombre de réponse R est inférieur à la norme. Le temps total, le temps par réponse T/R et le temps de latence moyen TLM sont très courts. Ils pourraient indiquer un état hypomaniaque qui reste à confirmer ou non par l’analyse du reste du protocole. - 96 - i) le fonctionnement intellectuel Le mode d’appréhension : Le G% est supérieur à la norme et le D% est dans la norme. Le mode d’appréhension est diversifié traduisant une capacité de différenciation affective et perceptive. Le G% est constitué de G primaire associé à des déterminants formels de bonne F+ et de mauvaise qualité F- et de G vague. Les G primaire sont données aux planches compactes I, II et V indiquant un caractère adaptatif du fonctionnement cognitif. Les G vagues sont données aux réponses à la planche VII et aux planches pastels VIII et X mettant à jour une inhibition des capacités cognitives invalidées par la mobilisation défensive. Ces éléments seraient le signe d’une approche au monde qui serait possible mais par moment mal délimité. Cette oscillation traduirait une fragilité des mécanismes de défense. La qualité du rapport au réel : Les F%, F+% et le F+% élargi se situent en dessous de la norme. La formalisation est faible indiquant une mise en place inopérante de l’épreuve de réalité. Les assises semblent fragiles et donc inefficaces pour permettre l’étayage des fonctions adaptatives. Les réponses Fportent sur des contenus anatomiques Anat. ce qui dévoile une fragilité de l’image du corps et de l’identité. ii) la socialisation Le pourcentage de réponses banales Ban se situent dans la norme ainsi que le H% et le D%. en revanche, le A% est légèrement inférieur à la norme mais est associé à des banalités Ban et le F+% est bas. Ces éléments indiquent que Melle B est capable de s’identifier à l’image humaine et fait preuve d’une adaptation sociale élémentaire qui présente des failles. iii) l’affectivité Le Type de résonance intime T.R.I de Melle B est extratensif pur indiquant une réactivité aux couleurs. Cela signifierait que Melle B perd facilement le contrôle émotionnel face à des - 97 - stimuli externes. De plus, cela nous apprend que Melle B semble avoir des difficultés d’identification et de mise en relation. La formule complémentaire FC signale une kinesthésie d’objet kob et une sensibilité à l’estompage de texture FE. La kinesthésie d’objet kob tendrait à supprimer une tension sous forme de décharge et l’estompage de texture FE indiquerait sensibilité tactile ainsi qu’une affectivité timide. Tous ces éléments montrent la mise en avant d’une sensibilité sensorielle et émotionnelle. Synthèse du test de Rorschach A travers l’analyse du protocole de Melle B, nous avons dégagé une capacité de différenciation affective et perceptive ainsi qu’un caractère adaptatif du fonctionnement cognitif. Les réponses anatomiques Anat. ainsi que les F%, F+% et F+% élargi bas traduisent une fragilité des limites dehors-dedans pouvant indiquer une fragilité de l’image du corps et de l’identité. L’indice d’anxiété somatique IAS est élevé, il est constitué principalement que de réponses à contenu anatomique Anat. A la première planche, Melle B explique que la réponse donnée que nous retrouvons également dans les deux réponses suivantes est en relation avec son expérience des cours de préparation à la naissance. Nous pouvons faire l’hypothèse du forte préoccupation de Melle B concernant son accouchement. L’oscillation dans la qualité des formes des réponses traduirait une fragilité des mécanismes de défense. Melle B semble capable de représentation humaine dans sa totalité mais la mise en relation et l’identification sexuelle semble difficile. La socialisation semble possible mais présente des failles. Melle B est réactive à la couleur. Le type de résonance intime TRI extratensif pur, la formule complémentaire FC coartatif signale une sensibilité sensorielle et émotionnelle face à des stimuli externes. - 98 - C) Synthèse des résultats Nous allons procéder à la synthèse des résultats par l’analyse des quatre cas cliniques selon les trois hypothèses. Mademoiselle P Nous avons pu constater que les craintes de Melle P concernant son futur enfant sont multiples. Sa crainte d’enfant prématuré semble trouver son origine dans les propos tenus par une gynécologue en début de grossesse et dans l’histoire de la sœur son conjoint née prématurément. L’accouchement semble susciter une forte angoisse chez Melle P. Son conjoint a vécu une naissance difficile et cela pourrait expliquer l’appréhension de Melle P d’accoucher par voie basse et sa préférence pour une césarienne. La possibilité que son enfant soi atteint de trisomie est également une crainte. Les séances échographiques et les tests sanguins n’ont rien révélé d’anormal mais Melle P est consciente de la marge d’erreur. La visualisation du visage sur l’écran ont permis toutefois de rassurer Melle P et de permette la mise en place du processus de parentalité. En effet, les craintes de Melle P n’ont pas nui à l’anticipation parentale. Melle P et son conjoint ont préparé la chambre, acheté des vêtements pour l’enfant et se sont arrêté sur deux choix de prénoms. Elle semble craindre le pire afin de se préserver d’une éventuelle déception lors de la rencontre avec l’enfant après l’accouchement. La grossesse de Melle P semble avoir induit un changement dans les relations qu’elle entretient avec sa mère dans le sens où elle ne se considère plus comme une petite fille mais comme un future mère. Cela pourrait traduire l’émergence d’un conflit préœdipien.. Toutefois, les bonnes relations que Melle B entretient avec sa belle mère semblerait lui avoir donner la possibilité de s’identifier à une image maternelle. Le test de Rorschach soulève un déplacement de l’agressivité sur des objets qui deviendraient alors persécuteurs. Melle P semble à travers son témoignage et l’analyse du test de Rorschach avoir des difficultés à accepter et à vivre les transformations de son corps. Une préoccupation concernant son corps actuel et la nostalgie de son corps d’avant la grossesse sont prégnantes durant l’entretien et se traduisent au Rorschach par de nombreuses réponses se référant au corps. Elle semble avoir des difficultés à lier féminité et maternité. Les représentations anticipatrices de Melle P semblent s’organiser entre le pôle de l’angoisse automatique et le pole d’angoisse signal. Elle anticipe afin de mieux prévenir l’angoisse. Les craintes concernant l’état de santé de l’enfant à venir bien que très présentes - 99 - ne semblent pas avoir entraver le bon déroulement du processus de parentalité. La première hypothèse semblerait validée. Les difficultés concernant le vécu des transformations corporelles, la fragilité de représentation de l’image du corps, la relation conflictuelle avec la future grand-mère maternelle associés à un mécanisme de déplacement de l’agressivité semblerait confirmer les autres hypothèses. Mademoiselle R Au premiers mois de grossesse, l’avortement et la fausse couche de Melle R ont semblé inhiber ses capacités imaginatives et anticipatrices. La première échographie confirmant la grossesse et la bonne nidification du fœtus a semblé faire basculer psychiquement Melle P dans son devenir mère. En effet, il s’en est suivi l’achat de vêtement et l’annonce de la grossesse à l’entourage. Melle R en achetant de nombreux accessoires et de nombreux vêtements pour l’enfant à venir à procédé à la préparation d’un « utérus externe ». Les perceptions des mouvements fœtaux et les interactions mère-enfant ont encouragé le processus de parentalité par l’acceptation et la reconnaissance de la présence d’un être vivant en devenir dans son ventre. Les craintes concernant l’état de santé du futur enfant était particulièrement présentes à l’esprit de Melle R avant la première échographie. Elles semblent moins présentes à trente six semaines d’aménorrhées. Ses craintes concernaient les malformations physique et les maladies en général. Elle ont été atténuées lors de la première rencontre avec le bébé virtuel au cours la première échographie, celle-ci faisant alors émergée un sentiment d’ « inquiétante étrangeté » et un fantasme de scène primitive. Les relations que Melle R entretient avec sa mère ne semblent pas être de nature ambivalente. Melle R semble percevoir sa mère comme une femme d’expérience, une exfemme enceinte et lui demande des conseils. Melle R lui a annoncé sa grossesse quelques jours après avoir fait le test de grossesse. Le Rorschach ne semble pas traduire une référence à un imago maternel dans une dimension menaçante, inquiétante. Melle R témoigne d’un vécu positif de ses transformations corporelles et vivre pleinement sa grossesse avec féminité. Les achats de vêtements pré-maman sont plus féminins que les vêtements portés avant et en début de grossesse. Toutefois, le Rorschach révèle une fragilité des limites dehors-dedans ainsi qu’une fragilité dans l’appréhension de l’image du corps. Nous pouvons mettre en lien la faible présence de craintes de malformation, le fait que Melle R ne préfère pas y penser et le test de Rorschach indiquant une pauvreté imaginative et le refus à la planche VI lorsque la pression pulsionnelle fantasmatique devient trop forte. Melle - 100 - R semble lutter contre l’angoisse d’avoir un enfant malformé en refusant d’anticiper cette éventualité. Toutefois, Melle R semble faire preuve d’anticipation notamment concernant la nidification externe et le choix du prénom. Le processus de parentalité semble s’être inscrit à travers les échographies, les interactions proprioceptives et les rêveries maternelles. La première hypothèse ne semble pas validée. Le nature positive des relations que Melle R entretient avec sa mère, l’absence d’une référence à un imago maternel persécutif associés à l’absence de fantasmes de malformation semblerait confirmer la seconde hypothèse. Le fait que Melle R semble vivre agréablement ses transformations corporelles associées à une représentation fragile de l’image du corps et une porosité des limites dedans-dehors ne semblent pas valider la troisième hypothèse. Mademoiselle M Melle M fait part de nombreuses craintes concernant l’état de santé de son futur enfant. Chaque étape de la grossesse a semblé être marquée par une crainte différente. Avant la première échographie, Melle M craignait que ce soit un œuf clair, à la deuxième échographie Melle M craignait que son enfant soit malformé, la troisième échographie a permis Melle M de visualiser le visage mais s’est inquiétée des ombres, les assimilant à des imperfections. Ses craintes concernent également des maladies décelables à la naissance telles que les trisomies 19 et 21 ainsi que les maladies repérables plus tardivement telle que la mucoviscidose et une malformation cardiaque. Les craintes portent également sur des caractères physiques comme les yeux verrons et l’albinisme. Il est à noter que le père de Melle M a les yeux verrons. La transparence psychique typique de l’état de grossesse peut alors faire émerger un conflit préœdipien et un sentiment de haine envers le père qui serait ainsi déplacé et projeté sur l’enfant à venir. La première échographie semble avoir été un moment privilégié de rencontre avec l’enfant virtuel, engageant alors Melle M dans le processus de parentalité. En effet, son état de grossesse confirmé et le risque de fausse couche tempéré, Melle M et son compagnon ont annoncé la nouvelle à leur entourage et ont commencé à acheter des vêtements et des accessoires. La chambre est aménagée, le prénom et le deuxième prénom sont décidés nous indiquant un signe d’anticipation maternelle. Les craintes de Melle M de faire une fausse couche en début de grossesse semblent être liées à l’histoire de la grand-mère de son conjoint. Cette dernière n’a pas fait de fausse - 101 - couche mais a accouché d’un enfant mort-né ; à plusieurs reprises Melle M a fait un lapsus entre les termes fausse couche et enfant mort-né. Melle M fait preuve d’une responsabilité maternelle, elle dit manger plus sainement et faire attention concernant la toxoplasmose. Le ventre semble être pour Melle M le signe distinctif de son statut de femme enceinte. Elle semble avoir vécu positivement les transformations de son corps. Le test de Rorschach n’indique pas une difficulté de représentation de l’image du corps. Il met en évidence une capacité de s’identifier au sexe féminin et de se représenter un corps humain dans sa totalité. Les limites dehors-dedans ainsi que sujet-objet sont possibles. Il dénote une difficulté de mise en relation et une fragilité narcissique. Nous pouvons alors supposer que le ventre de Melle B semble être un moyen de renforcer cette fragilité. Le caractère contenant des soignants semblent rassurer ses appréhensions concernant les maladies dont pourrait être atteint l’enfant à naître. Celles-ci semblent produites dans le cadre de faits réels probables. Melle M semble capable d’anticiper sa réaction face ces éventualités. Ces représentations semblent alors s’inscrire dans une polarité d’angoisse signal. Elle semble se parer à toutes éventualités préparant ainsi un bon « nid » pour son bébé. Nous pouvons alors émettre que la première hypothèse est confirmée. Les relations que Melle M entretient avec sa mère sont de nature conflictuelle. Le test de Rorschach met en évidence une référence à un imago maternelle dans une dimension persécutive. Cela semble confirmer la seconde hypothèse. Toutefois, Melle M semble avoir trouvé en sa belle-mère une figure maternelle et une capacité d’identification. La troisième hypothèse n’est pas confirmée, Melle M vit de manière positive les transformations de son corps et le test de Rorschach ne met pas en évidence une difficulté de représentation de l’image du corps. Cependant le test met en évidence un manque d’assurance, une carence de l’estime de soi ainsi qu’une fragilité narcissique. Mademoiselle B Lorsque Melle B a eu connaissance qu’elle était enceinte, sa réaction a été teintée d’ambivalence (peur et joie). Elle avait arrêté les moyens de contraceptions depuis quelques mois et fantasmait qu’elle ne pouvait pas tomber enceinte, ceci ne se présentant pas tout de suite. - 102 - L’échéance de l’accouchement semble provoquer chez Melle B, une forte angoisse. Ses craintes concernent la durée et la douleur, nous pouvons les mettre en lien avec l’accouchement de la belle-sœur de Melle B. Elle souhaite avoir recours à la péridurale, nous pouvons penser que c’est un moyen pour elle de se rassurer et de contenir ainsi l’angoisse. Melle B fait part d’une prévalence de rêveries diurnes sur les rêveries nocturnes. Son bébé virtuel a des caractéristiques communes aux enfants nouveaux-nés ainsi qu’à elle et son conjoint. La première échographie semble avoir joué un rôle inducteur dans la capacité de représentation du bébé virtuel. En effet, Melle B semble s’être focalisée sur le visage de l’enfant. Avant la première séance échographique, Melle B témoigne d’une crainte de malformations concernant son futur enfant. L’échographie n’a rien décelé d’anormal. Melle B a donc été rassurée par les propos de l’échographiste. Cependant, nous pouvons supposer que c’est la visualisation du visage du l’écran qui semble avoir été prégnante pour la rassurer. Nous pourrions poser l’équation, elle a un beau visage donc elle va bien. Ces craintes de malformation n’ont plus été présentes à l’esprit de Melle B dans la suite de sa grossesse. La deuxième échographie a semble-t-il joué un rôle catalyseur concernant le processus de parentalité. Ils ont acheté des vêtements et des accessoires et ont arrêté leur choix sur deux prénoms, ils hésitent. Melle B interagit avec son futur enfant à travers les caresses et dit éprouver un sentiment d’amour à l’égard de son futur enfant qu’elle nomme bébé, c’est un signe d’idéalisation du fœtus. L’éventualité non invasive de la transmission d’une hypermétropie associée au peu de craintes concernant l’état de santé du futur enfant sembleraient indiquer un moyen pour Melle B de se préserver d’un fait réel probable d’anomalie fœtale. Nous pouvons supposer que les craintes de malformation présentes en début de grossesse avant la première échographie s’inscrivaient dans une polarité d’angoisse signal. Le témoignage de Melle B concernant la suite de sa grossesse démontre un capacité d‘anticipation et la mise en place du processus de parentalité. Melle B semble avoir préparer un bon « nid »pour son enfant. Cela tendrait à confirmer en partie la première hypothèse. Melle B semble entretenir une relation non conflictuelle avec sa mère, mais semble être consciente de ses défauts. Le test de Rorschach indique que Melle B semble capable de représentation humaine dans sa totalité mais une mise en relation et l’identification sexuelle semble difficile. Le test ne semble pas souligner de référence à un imago maternel - 103 - menaçant, persécutif. Melle B ne souhaite pas ressembler à sa mère quand elle sera mère. La seconde hypothèse serait alors validée. Le témoignage de Melle B concernant son vécu corporel est teinté d’ambivalence. Son ventre lui paraît énorme et elle s’en inquiète, parallèlement à cela, Melle B témoigne d’une « sensation agréable d’être dans un corps de future maman ». Nous pouvons alors supposer que les transformations corporelles sont vécues de manière positive. Melle B semble s’être responsabilisée dans le fait qu’elle fait attention à sa nourriture et évite les longs trajets. Le test de Rorschach met en évidence une fragilité des limites dehors-dedans pouvant indiquer une fragilité de l’image du corps et de l’identité. Nous pouvons faire le lien avec le sentiment d’ambivalence ressenti par Melle B concernant son corps. Nous pouvons en déduire que la troisième hypothèse est validée en partie. Les représentations fantasmatiques d’enfant malformé en début de grossesse traduirait l’ambivalence à l’égard des transformations corporelles. Nous avons pu remarquer à travers l’analyse de ces quatre cas cliniques la complexité des processus psychiques mis en jeu durant la grossesse. Melle P et Melle M ont témoigné de craintes concernant l’état de santé de leur futur enfant ; celles-ci semblent être présentes tout au long de leur grossesse. Pour Melle P ces craintes restent les mêmes alors que pour Melle M, elles différent selon les étapes de la grossesse marquées par les séances échographiques. Nous retrouvons la nature de ces craintes dans les histoires de grossesses de leur entourage (grand-mère du conjoint, belle-mère, voisine). Chacune anticipe un fait réel probable, cela semble être pour elles un moyen de se préserver de l’angoisse et de créer un « bon nid » pour leur futur enfant. Elles ont toutes deux choisi un prénom, acheter des vêtements ainsi que des accessoires et préparé la chambre de l’enfant à venir. De plus, Melle P et Melle M semblent entretenir des relations conflictuelles avec leurs mères. Cela a été mis en valeur par leurs témoignages et les analyses du test de Rorschach. L’agressivité originairement destinée à leur mère serait en fait projetée, déplacée sur la fœtus et se traduirait par leurs représentations d’enfant malformé. En revanche, leurs témoignages concernant le vécu des transformations corporelles différent. Melle P semble avoir des difficultés à vivre les transformations de son corps - 104 - associé à une représentation de l’image du corps fragile alors que ce n’est pas le cas pour Melle M. Cette dernière vit de manière positive les changements de son corps et semble être capable d’appréhender une nouvelle image du corps. Melle R et Melle B témoignent de craintes concernant l’état de santé de l’enfant à venir qu’au tout début de leur grossesse, avant la première échographie. Les histoires de grossesse concernant leur entourage ne semblent pas être à l’origine de leur craintes. Melle R et Melle B ont toutefois anticipé la venue de l’enfant en préparant la chambre, les vêtements et en choisissant un prénom. L’absence de craintes de malformations en milieu et fin de grossesse ne semble pas signifier que la future mère ne crée pas un bon nid pour son futur bébé. Toutes deux entretiennent des relations avec leur mère qui ne semblent pas être conflictuelles. Cela viendrait à supposer que lorsqu’il n’y a pas d’agressivité originairement destinée à la future grand-mère maternelle, la présence de craintes de malformations concernant le futur enfant serait moindre. Melle R et Melle B semblent vivre de manière satisfaisante les changements de leur corps et semblent capables d’élaborer une nouvelle image du corps. - 105 - Conclusion Les quatre cas cliniques étudiés bien que non représentatifs semblent mettre en exergue la complexité des processus psychiques de la femme enceinte mis en jeu durant la grossesse. Les fantasmes d’enfant malformé évoqués s’inscrivent dans un registre d’anticipation de faits réels probables associé à des projections anticipatrices concernant le rôle et la fonction maternelle. Les fantasmes d’enfant malformé sembleraient traduire une agressivité envers la mère qui serait projetée et déplacée sur le fœtus, perçu comme dangereux. Le vécu difficile des transformations du corps induites par la grossesse pourraient se traduire par la représentation fantasmatique d’enfant malformé. Néanmoins, ce vécu difficile et l’agressivité originairement destinée à la mère de la femme enceinte ne semblent pas liés. Toutefois, nous gardons un droit de réserve concernant la validation des hypothèses, la population s’incluant sur une faible échelle et n’étant donc pas représentative et généralisable. Il serait donc intéressant de poursuivre ces investigations sur une population plus importante. De plus, concernant la méthodologie, il serait intéressant de pouvoir suivre des femmes enceintes tout au long de leur grossesse. Par cela nous entendons : mener des entretiens après chaque séance échographique, ceci complété par un test de Rorschach et un TAT à huit mois de grossesse. Concernant les participantes il aurait été intéressant de pouvoir les rencontrer de nouveau dans les deux à trois mois qui suivent l’accouchement. Nous nous serions intéressée à la manière dont elles interagissent avec leur bébé et à leur craintes concernant les maladies infantiles non décelables à la naissance et d’apparition tardives. - 106 - Bibliographie ANZIEU, D. 1985. Le Moi-peau, Dunod. AMMANITI, M. ; CANDELORI, C. ; POLA, M. ; TAMBELLI, R. 1999. Maternité et grossesse, Paris, PUF. ANZIEU, D. ; CHABERT, C. 1961. Les méthodes projectives, Paris, PUF, 2004. BERGERET-AMSELEK, A. 1998. Le mystère des Mères, Éditions Desclée de Brouwer, p. 33. BOYER, J.-P. ; PORRET, Ph. « L’échographie et l’attente d’un enfant : mise en question du concept de deuil de l’enfant imaginaire et de ses utilisations » In Neuropsychiatrie de l’enfance, 1991, Vol. 39 (2-3), p. 72-77. BRUSSET, B. 1989. Psychanalyse du lien. La relation d’objet, Le centurion. BYDLOWSKI, M. 1997. La dette de vie. 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