Projet Taliesin » prend de nouvelles couleurs.
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Projet Taliesin » prend de nouvelles couleurs.
Initié depuis quelques années par l’Orchestre symphonique de Bretagne, le « Projet Taliesin » prend de nouvelles couleurs. Cette saison, les musiques de Bill Whelan et de la violoniste Athena Tergis sont à l’honneur. Parcourons le programme en compagnie de la soliste. Irlandais du monde Athena Tergis joue du fiddle, le violon utilisé dans la musique populaire ou traditionnelle irlandaise. Elle évoque les thèmes si particuliers qui irriguent les musiques que nous entendons. « Bill Whelan et moi-même avons imaginé ce programme. Il est né d’une collaboration qui a reçu le soutien, il y a quelques années, du Centre d’Art Irlandais de New-York. Devant le succès des concerts aux Etats-Unis, nous avons poursuivi notre travail en incluant des pièces issues du spectacle Riverdance de Bill Whelan. J’ai composé certaines mélodies que nous entendons et Bill Whelan les a orchestrées ». Toutes les idées musicales de ce concert portent la tradition bien vivante de la musique irlandaise ajoute l’interprète : « Elle se diffuse dans le monde entier grâce à la diaspora irlandaise. Cinq millions d’irlandais vivent en Irlande, 40 millions sont installés aux EtatsUnis, ce qui explique qu’ils aient une telle influence sur la culture américaine. Ils ont mélangé leur histoire aux cultures afro-américaines, au jazz, à la musique country, etc. Depuis les années soixante, la musique irlandaise a connu une véritable renaissance. Vivant à San Francisco, je l’ai constaté. Elle a profondément marqué des personnalités comme Bruce Springsteen. En retour, j’ai été influencée par le rock n’roll. Ces cultures s’ajoutent à mes racines qui puisent aussi leur sève au Pays de Galles, en Ecosse, à Belfast, etc. ». De l’art d’improviser Jouer de la musique qui repose sur des folklores suggère une part d’improvisation, loin des règles communément admise de la musique classique. « Dans la tradition irlandaise, l’écriture musicale est très simple. Il existe une grande variété de styles qui correspondent à des traditions locales. Ce sont des langages régionaux ou, plus exactement des dialectes musicaux qui ont une influence sur les types d’instruments et les ornements utilisés » reconnait la violoniste. Elle apprécie d’autant plus les défis comme dans l’Ouverture Celtique qui ouvre le concert. Elle a composé l’œuvre avec Derek Gleeson : « La pièce est une sorte de challenge que nous relevons tous les deux. L’idée musicale nous en est venue en Italie, en regardant les nuages d’un orage arriver. En 2010, nous étions chez des viticulteurs et cette vision d’une nature changeant aussi rapidement et complètement était très inspirante. Une mélodie très vive est apparue, empruntant à la musique classique. Nous l’avons transposée dans la musique irlandaise. Depuis, cette pièce a été jouée en concerts, une cinquantaine de fois, aux Etats-Unis ». La seconde partition est Three Carolan Pieces de Patrick Cassidy. Le compositeur irlandais Patrick Cassidy, qui vit aux Etats-Unis, possède un vaste catalogue de pièces orchestrales, chorales et il est l’auteur de nombreuses partitions de musiques de film (Hannibal, King Arthur, Che Guevara, etc.). Passionné par la mythologie irlandaise – il a notamment étudié la harpe -, il a composé plusieurs cantates en langue irlandaise. Elles évoquent l’histoire souvent douloureuse du peuple – Famine Remembrance - et croisent d’autres partitions qui empruntent leurs thèmes aux œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce fut le cas de la cantate Deirdre of the Sorrows gravée avec l’Orchestre symphonique de Londres et le Chœur Tallis. Dans Three Carolan Pieces Patrick Cassidy rend hommage au harpiste irlandais O’Carolan (1670-1738). Celui-ci fut un musicien et un poète qui devint aveugle et dont l’œuvre a imprimé sa marque dans la poésie irlandaise, tout en empruntant aux couleurs baroques italiennes qui circulaient alors dans toute l’Europe. O’Carolan a composé plus de deux-cents airs. Folklores tous azimuts Les pièces qui suivent ont été composées par Bill Whelan et, parfois, avec la collaboration d’Athena Tergis. Né en 1950, Bill Whelan est l’auteur de nombreuses musiques pour le théâtre, la danse, le cinéma. Son répertoire classique est également impressionnant. Le public de l’Orchestre symphonique de Bretagne a entendu, au cours de la saison 2013-2014, son Concerto pour violon et violon folklorique Inishlacken qui s’inscrit dans une trilogie symphonique, aux côtés des œuvres Carna et Errisberg. Athena Tergis nous décrit la mélodie Lapsang na Nog: « Le titre est la combinaison entre un album que j’ai enregistré il y a 16 ans et qui célébrait mon amour pour la musique du folklore bulgare associée à celle du folklore irlandais ! Ce morceau associe des rythmes divers que Bill Whelan a intégré avec les miens, le titre étant un mélange audacieux entre les langues des deux pays. Nous sommes impatients de voir comment cette pièce va sonner car nous ne l’avons pas jouée depuis plusieurs années ». Hymn to a Broken Marriage repose sur un poème de Paul Durcan. Né en 1944, le poète irlandais étudia l’archéologie et l’histoire médiévale. En 1985, il écrivit une série de poèmes consacrés à l’éclatement de son mariage. Ce poète à l’écriture d’une veine lyrique et encore romantique est aussi celui de l’érotisme et du surréalisme. Figure intellectuelle et morale majeure dans son pays, il manie souvent la satire et n’hésite pas à dénoncer aussi bien les politiques que la bureaucratie ou l’hypocrisie de l’Eglise. Les pupitres des cordes présentent la belle mélodie d’Hymn to a Broken Marriage. Elle est pleine de nostalgie et ses harmonies changent avec beaucoup de nuances. Après cette page délicate, suit un autre morceau au titre imprononçable, Jazzicle Cyclebike, pour laquelle la violoniste nous livre ce commentaire : « Cette pièce que j’apprécie tout particulièrement est très bien adaptée à l’orchestre. Bill Whelan en a eu l’idée tout simplement en circulant à bicyclette. Il a décomposé le rythme et on perçoit dans l’écriture, l’énergie et le mouvement physique». De la nature à la poésie Changement de décor avec le titre italien Temporali, œuvre commune de Bill Whelan et Athena Tergis. « Ce n’est pas une œuvre qui cite explicitement les couleurs de la musique italienne. Elle est davantage inspirée par celles des paysages d’Italie. Nous revenons à l’orage dont j’ai parlé et à cette Nature qui éveille en moi tant d’idées quand je vis en Toscane. J’ai eu l’idée d’une mélodie et nous improvisons sur celle-ci. C’est d’autant plus particulier que l’improvisation pure vers laquelle nous allons n’existe pas vraiment dans la musique irlandaise. Celle-ci est avant ornementée, constituée de micros éléments, d’infimes variations, mais elle ne s’éloigne guère du thème. Dans Temporali, nous allons bien au-delà des idées musicales originales. C’est une rupture assez nette avec la tradition ». Le village de Carna se situe dans le Connemara, sur la côte Ouest de l’Irlande. La partition de Bill Whelan traduit les rythmes de la danse locale. Elle s’ouvre comme un lever de soleil et progresse tout au long de la journée. « La très belle énergie de Carna est née à l’origine pour voix et ensemble instrumental. Le fiddle s’impose puis les pas de danse. L’arrangement orchestral est assez complexe. Elle serait presque ma pièce préférée tellement elle inclut d’éléments divers dans une polyphonie aussi riche. Le merveilleux danseur Mick Donegan nous accompagne et il porte toute l’énergie de Carna » s’enthousiaste la soliste. Le concert s’achève par Humours of Barrack Street de Bill Whelan dont Athena Tergis nous rappelle les origines : « il s’agit d’une pièce qui fut donnée lors du concours de l’Eurovision de la chanson, en 1994, et elle fut le premier jalon d’un spectacle qui allait s’appeler Riverdance ». Depuis cette date, Riverdance a connu un tel succès que plus de 10 000 représentations ont été programmées dans le monde entier !