quik » felton - galerie ange basso

Transcription

quik » felton - galerie ange basso
préface
A la fin des années 60, New York est le terrain de jeu d’un art subversif. Mené
d’une main de maitre par toute une population enfantine à l’imagination
débordante, murs et métros s’habillent de couleurs, de lettrages et de noms
qui peu à peu envahissent la ville.
Fasciné par ces œuvres mobiles.Attiré par cet art de rébellion, Lin Felton âgé
de seulement 10 ans (il est né en 1958) tague « STAR 10 » sur tous les murs
de la ville. En 1972 il signe du pseudo QUIK qui désormais ne le quittera plus.
C’est l’âge d’or du graffiti. La répression ne se fera ressentir qu’aux débuts
des années 80. Jusque-là, joutes artistiques et codes historiques s’installent.
Lin Quik Felton fait partie de cette seconde génération d’artistes qui font
naitre des styles nouveaux. « Si mes pièces étaient imposantes et massives
et que mon nom apparaissait sur chaque ligne de chaque métro, lorsque je
peignais avec d’autres, je m’efforçais à faire stylistiquement plus attrayant ».
Aux formes massives, aux lettres illisibles, aux anciens que l’on respecte,
Lin QUIK Felton répond d’un lettrage rond, presque enfantin, lisible et use
d’éléments du Comix. Ce sera sa marque de fabrique.
Auprès de Hugo Martinez de la Razor Gallery, le premier à croire à leur
statut d’artistes, il intègre les UGA (United Graffiti Artists) et travaille dés
1974-75 à ses premières toiles. Avec « The Soul Artists » fondé par les
artistes ALI et Futura 2000, fréquenté par Keith Haring, Dondi, Jean Michel
Basquiat, Rammellzee, Dondi, Zephyr mais aussi Crash, Kiley Jenkins, Kenny
Scharf et Revolt, il prend conscience d’un « après trains » possible.
Alors qu’ils sont plus de mille, que l’histoire s’écrit, que chacun lutte à
être reconnu, Lin QUIK Felton se fait une place de choix et participe à
l’éclosion du mouvement. Il sera un des tout premiers à quitter New-York
et s’attaquer à l’Europe. Il s ‘installe Pays-Bas dés les années 90. Reconnu
par les galeries, présenté en Musées, il entre dans des collections privées
importantes, et offre à son mouvement un rayonnement international.
Rien chez Quik, n’est anodin. Marqué par sa différence ethnique et sa
condition sociale, conscient de faire partie d’un art longtemps jugé
underground, ne correspondant à aucun critère connu et reconnu de
l’establishment, son œuvre sur toile respire son combat permanent contre
le racisme et l’injustice. De ses études à l’Université de Washington DC,
au PRATT ART Institut à New York où son art et sa condition lui sont
réprimés, puis de la Parson School of Design dont il sortira diplômé, naitra
sa volonté farouche de s’imposer et de ne reculer devant aucun obstacle.
S’attachant à n’appartenir à aucune famille, artiste solitaire dans un art de
« crew », subversif dans une société de masse, noir quand l’Amérique est
blanche, exilé dans une Europe curieuse, devenu star d’un mouvement
récupéré par un marché parfois avide, Quik ne cesse de délivrer en douceur
son message subversif.
L’exposition présentée à la galerie Ange Basso, en est l’expression aboutie.
A l’aube de ses 60 ans dont plus de 45 ans passés à défendre son art,
Quik délivre en quelques oeuvres son histoire et ses combats. De son
style, de ses personnages iconiques, de ses phrases satiriques, sur drapeaux
ou sur plan de métro (qu’il sera un des premiers à investir), il se livre.
D’un « Charlie » à Andy Warhol, d’un Felix le chat à un personnage noir et
rachitique, du Pop Art au graffiti, usant des sujets d’actualité et de symboles,
son œuvre dépeint nos sociétés, dénonce ses injustices et prend part aux
causes humanistes.
En incessant gentleman du graffiti Lin Quik Felton s’impose. En artiste
il réveille notre sens critique avec une fière et douce pertinence. Et se
décrivant comme « un soldat des lignes de front » ce « Blues Painter
» nous prouve que l’art n’est ni blanc, ni noir. Ni raciste, ni injuste. Mais
porteur d’espoirs tout autant que de certaines de ses déceptions
Valériane Mondot
biographie
Lin Felton, dit Quik, est né en 1958 dans le Queen’s.
Obligé de patienter jusqu’à ses douze ans pour pouvoir
enfin atteindre les trains alors qu’il avait déjà débuté le
graffiti à dix ans sous le nom de Star10, il est rapidement
fasciné par les noms emplissant les murs new-yorkais et
les rames qu’il inscrit sur son sketch book, n’osant pas
encore y associer le sien.
Véritable figure de proue du mouvement graffiti dès
les années 1970 au même titre que Cope2 ou Seen,
il collabore avec les plus grands noms de la scène
contemporaine comme Futura, Keith Haring ou encore
Basquiat. D’origine afro-américaine, il endure longtemps
le racisme dans les écoles d’art qu’il côtoie telles que le
PRATT institute ou la Parsons School of Design. Jamais
vraiment à sa place l’artiste revendique alors un art urbain
qu’il compare volontiers à un jeu de guerre de par son
illégalité et sa dangerosité afin de se démarquer et de
répondre aux regards négatifs.Véritable sport de combat
et vecteur d’équilibre ainsi que de créativité, le graffiti
témoigne alors de la marque au fer rouge laissée sur lui
par la société américaine. Le graffiti est alors un véritable
marqueur culturel au sein d’un mouvement en plein essor
dans un contexte underground particulièrement propice.
Attiré par la mystique du graffiti et la puissance du tag sur
le train en mouvement, Lin Felton multiplie pourtant les
expériences à IBM, dans l’enseignement ou encore dans
l’armement nucléaire avant de choisir définitivement la
voie artistique. En plein âge d’or du mouvement, l’artiste
côtoie alors Seen, Basquiat, Keith Haring, Crash autour de
dessins et de discussions dans une ambiance conviviale et
officieuse.
Son passage en galerie dans les années 1980 sous
l’impulsion de Futura et des théories de Hugo Martinez
marque profondément Quik qui ne cesse depuis de faire
évoluer son travail. Repéré par Yaki Kornblit, marchand
d’art d’Amsterdam reconnu, en 1982, Quik décide de
le suivre à 23 ans avant de s’installer définitivement
aux Pays-Bas en 1992 pour poursuivre son rêve. Ses
nombreux voyages en Allemagne et surtout aux Pays-Bas
l’émancipent et l’éduquent à la fois. Les travaux d’Anselm
Kiefer ou Georg Baselitz l’influencent alors fortement et
sa notoriété aux Pays-Bas permet une reconnaissance
nouvelle du message social et émotionnel de son œuvre.
Son art personnel, narratif met en avant un engagement
social réel, preuve en est le thème du racisme, récurrent
en début de carrière notamment. Aujourd’hui reconnu à
travers le monde, l’homme dont le surnom vient avant
tout d’une volonté de démarcation par la difficulté de
la réalisation de la lettre « Q », s’associe au personnage
de cartoon Félix le chat. Ce personnage s’allie tant à des
pin-up tout droit sorties des sixtie’s qu’à d’autres héros de
cartoons ou encore qu’à des thèmes plus sérieux et engagés
socialement. Quik croise ainsi les influences et opère une
synthèse récréative et puissante entre vie personnelle et
évolution des mœurs. Celui qui dessinait des visages tristes
et heureux côte à côte afin de les faire s’animer lorsque
le train entrait en mouvement laisse ainsi le champ libre
à son imagination et son improvisation au sein de son
processus créatif rafraîchissant. Lin Felton est aujourd’hui
fier d’avoir pu participer à l’ouverture des mentalités vers
une plus grande tolérance et d’avoir eu un impact fort sur
les nouvelles générations.
Devenu incontournable sur la scène internationale, ses
œuvres ont intégré de prestigieuses collections. Ses travaux
sont ainsi représentés dans les collections du Museum of the
City of New York, Studio Museum of Harlem in New York
City, de la Becht Collection à Amsterdam, de la Martin Visser
Collection in the Netherlands, du Herning Kunstmuseum in
Denmark, du Groninger Museum, du Helmond Museum in
the Netherlands, de la Henk Pijnenburg Collection, de la
Rudolph Scharpf Collection, de la Martin Wong Collection,
de la Yaki Korenblit Collection, de la Martin Sanders
Collection, de la Wildenberg Collection, ou encore de la
Dieter Weber Collection.
Lin Quik Felton - Hard Man
interview
Tu as déclaré « A 10 ans, je regardais les noms écrits
sur les murs en allant à l’école, je n’ai jamais osé écrire
le mien » Pourquoi le Graffiti ?
apprendre les sciences de l’environnement et devenir garde
forestier ! J’ai continué de peindre mais les styles classiques de
représentation des objets m’ont mis à l’écart.
Le Graffiti semblait être partout ! Les graffitis des gangs
blacks et latinos étaient diffusés sur tous les murs de New
York, et les premiers graffitis dans les métros à la bombe de
peinture ont commencés à apparaître dans les années 70.
C’était clairement un acte de rébellion, de jeunesse, et j’ai
été plongé dans son effarante dynamique visuelle.
Quand j’étudiais au PRATT Institute à New York, j’étais le seul
afro américain hétéro de la section graphisme et illustration. Les
professeurs détestaient mes graffitis, d’ailleurs mon affectation
en Arts Appliqués prouva que je n’avais pas les compétences de
mes homologues caucasiens.
Dès que tu as commencé, tu as joué avec les
représentations « comix » alors que le Graffiti était à
cette époque l’art du lettrage. As-tu été influencé par
le Pop Art et voulu l’incorporer au Graffiti ?
J’étais un artiste de graffiti terrible ! Je pouvais faire
d’énormes pièces horribles tout en posant mon nom à
l’extérieur des 24 lignes de métro. J’excellais dans l’art de la
destruction excessive. Cependant lorsque je peignais avec
d’autres artistes, je m’efforçais d’avoir un style plus attirant,
en peignant des cimetières, des baleines, des caricatures
racistes stéréotypées etc... J’avais un humour noir que je
voulais diffuser à travers tout l’underground.
Tu as été un des premiers à travailler sur toile, à
une époque où le Graffiti était essentiellement sur
les murs et les wagons de métro. As-tu compris
rapidement la nécessité de reconnaitre les galeries
ainsi que la possibilité d’être perçu en tant qu’artiste ?
J’ai créé ma premiere oeuvre sur toile entre 1974 et 1975
après avoir vu les exploits publiques du groupe UNITED
GRAFFITI ARTIST d’Hugo Martinez. J’ai étudié une grande
partie de ma vie, cela m’a permis d’expérimenter plus
librement en école d’art.
L’université fut une aventure décourageante. J’ai d’abord
étudié à l’université américaine de Washington, pour
Ce furent les premières expériences qui me confrontèrent au
racisme et contrecarrèrent mon succès. Néanmoins, dans les
quelques cours auxquels j’ai assisté à la PARSONS shool of
design J’ai obtenu de bonnes notes. Les professeurs étaient plus
professionnels, presque militaire dans leur style d’enseignement.
Ce fut à cette période que mon travail prit une véritable
dimension rebelle, cynique et agressive à propos de la vie
« amerikkkaine » et du faux rêve vendu au citoyens.
A 23 ans, tu es parti en Europe pour ta première exposition
en Hollande, sur les conseils de ton ami FUTURA2000 ?
LEE Quinones était probablement le plus talentueux des
graffeurs New Yorkais et il a commencé à exposer à l’étranger
dès 1979. (Je suis également très fier de dire que mes devoirs
universitaires qui m’ont valu de mauvaises notes à l’époque
sont maintenant dans des collections de musées !) FUTURA et
son collègue ALI ont remis en place le groupe d’écriture SOUL
ARTISTES et ont inspiré beaucoup d’entre nous pour chercher
différents supports pour notre travail en dehors des métros.
Dans les soirées SOUL ARTIST la fréquentation se constituait
d’artistes comme moi, RAMMELLZEE, Dondi, Zephyr, Accident,
Keith Haring, Kiley Jenkins, Kenny Sharf, REVOLT etc... Ce fut une
source d’inspiration, d’autant que nous devenions de plus en plus
âgés et la perspective d’aller en prison pour infraction n’était pas
attrayante.
interview
Parfois ironique, politique ou intimiste, tes œuvres
racontent ton background autant qu’elles reflètent
tes convictions ?
Certains de mes premiers grands tableaux en 1982 avaient
des thèmes liés à l’inconfort «Amerikkkan» ainsi que des
citations de James Baldwin, Billie Holiday, etc... Je ne peignais
pas nécessairement mon nom, je l’avais déjà fait plus de
10.000 fois sur les côtés de trains de métro .
Mon médium de prédilection? Pulvériser de la peinture sur
les trains de métro, YEAH ! D’ailleurs la dernière fois que
j’ai peint un train je pouvais à peine franchir la barrière ! (
le galeriste Johnny Grizot était avec moi, vous pouvez lui
demander !)
Depuis plusieurs années, tu travailles avec des galeries
françaises... Comment perçois tu la scène française du
Graffiti et le développement du marché en France?
Penses-tu que la France soit devenu le Saint Graal du
marché du Graffiti?
Les tendances artistiques vont et viennent en se focalisant
sur des zones géographiques particulières. Depuis 2008, les
artistes et les galeristes parisiens font un effort considérable
pour promouvoir cette jeune recherche artistique, baptisée
Graffiti. Bien que la concurrence ne soit pas nécessairement
Lin Quik Felton - John Lennon
organisée dans un mouvement cohérent, les œuvres à la bombe
de peinture passées et présentes sont devenues un vrai marché
pour les collectionneurs. Ceux qui ont grandi en écoutant du
hip hop et assisté à des performances de Graffiti dans l’univers
parisien des années 1990 apprécient maintenant le genre en y
dépensant de l’argent.
La France à des centaines d’années d’expérience dans le soutien
des artistes. Des «Amérikkkains» de divers disciplines créatives
sont arrivés en France depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale en quête de liberté et de réussite artistique.
Que penses-tu des œuvres récentes (style, technique,
expression ...) par rapport à tes anciennes productions ?
Prenez n’importe quelle vente récente du catalogue ARTCURIAL
‘Urban or Street Art’, on y voit une myriade d’artistes qui sont
tout simplement illustrateurs, et non de vrais peintres engagés.
Il n’y a pas de thème, juste de la technique. Je trouve cela très
ennuyeux, tout comme de nombreux genres artistiques créés
par les caucasiens. Ca manque d’âme !
Ainsi, je crée ce qui me divertit. Je ne suis pas un mouton, je suis
un soldat sur le front !
Lin Quik Felton - Mai 2015
oeuvres présentées
Lin Quik Felton - Don’t shoot
Lin Quik Felton - Pin up Velin
Lin Quik Felton - Farting Cat
Lin Quik Felton - Love is the key
Lin Quik Felton - Retro Flag
Lin Quik Felton - Only Art
evenements
Vernissage de l’exposition
« The Blues Painter »
Jeudi 28 mai 2015, à partir de 18h, en présence de
l’artiste Lin Quik Felton.
Projection de « Graffiti Dixit Art »
de Cécile Gamard avec Quik
Dimanche 31.mai à 17h, en présence de l’artiste
A travers le parcours artistique du graffeur new-yorkais
Quik, Graffiti Dixit Art retrace la longue histoire du
Graffiti, de sa naissance à son entrée dans les musées,
et questionne la place ambiguë du mouvement dans le
marché de l’art européen.
Contact
Galerie Ange Basso
64 rue Mazarine 75006 Paris
Tel : 01 56 81 03 30
[email protected]
Ouvert du mardi au samedi
de 12h à 20h Le dimanche de 14h à 20h