Cartels - Musée des Beaux

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Cartels - Musée des Beaux
Cartels
Gustave BOULANGER
Paris, 1824–Paris, 1888
Ulysse reconnu par sa nourrice Euryclée
1849
Huile sur toile
cat. 1
Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts
Œuvre restaurée en 2013
Gustave Boulanger remporte le Premier Grand Prix de Rome grâce à ce tableau.
Ulysse reconnu par sa nourrice Euryclée est tiré du chant XIX de l’Odyssée d’Homère. Revenu à
Ithaque incognito, Ulysse cherche à éliminer les prétendants qui entourent son épouse Pénélope. Il
est représenté au premier plan, vêtu d’un simple drapé retenu à l’épaule par une cordelette,
laissant apparaître sa musculature athlétique.
Boulanger illustre le moment précis où sa nourrice, lui lavant les pieds, le reconnait à sa blessure
causée autrefois par un sanglier. Ulysse recouvre la bouche d’Euryclée pour éviter qu’elle ne parle
et que Pénélope ne le découvre. Figurée en retrait dans l’ombre, Pénélope est postée près de la
fenêtre où elle attend le retour de son époux. Elle pose magistralement, figée comme une statue. A
droite, une servante défait la tapisserie que Pénélope est censée terminer depuis fort longtemps, et
qu’elle défait chaque jour pour repousser le moment où elle devra se remarier.
La mise en scène, les coloris ainsi que l’expression quasi-burlesque d’Ulysse contrastent fortement
avec les représentations traditionnelles de la littérature classique
Léopold BURTHE
La Nouvelle Orléans (Etats-Unis), 1823 – Paris, 1860
Sapho jouant de la lyre
1849
Huile sur toile
cat. 3
Salon de 1849 (n°290), Achat de L’Etat en 1852
Transfer 2012 au musée de Carcassonne
Inv. D852.10.27 ; Carcassonne, Musée des Beaux-Arts
Léopold Burthe est l’un des artistes les moins connus du groupe des Néo-Grecs. Ce tableau est
pourtant l’une des œuvres les plus représentatives du mouvement et reste son chef-d’œuvre.
D’une facture lisse, traitée comme un collage sans profondeur, la poétesse grecque est représentée
en pieds, de profil, au bord d’une falaise, en train de jouer de la lyre. Son corps est sculptural et
massif, il s’en dégage une force quasi-masculine. Son expression est déterminée, elle fixe le vide
en contrebas.
1
Burthe ne s’intéresse pas ici à l’œuvre littéraire de ce personnage historique (630-580 av. J.-C.),
mais évoque probablement sa fin tragique. Le récit voudrait qu’en effet, suite à l’abandon de son
amant, Sapho, victime de la maladie d’amour, se suicide en se jetant du rocher de Leucade, une île
grecque.
Rien dans cette œuvre ne vient perturber le regard par l’affluence de détails inutiles. Les lignes
pures, les formes quasi-géométriques et la palette bleutée n’apaisent en rien le drame qui se
prépare, et confère même à l’ensemble une impression de froideur intense.
James PRADIER
Genêve, 1792–Bougival, 1852
Sapho
Après 1852
Bronze
cat. 82
Legs 1874. Exposée en 1848, Salon n°4882, 1900, Exposition
universelle, n°1768.
Inv. MBA 100 S. Musées d’Angers
Pradier travaille pour le sculpteur François-Frédéric Lemot avant d’entrer à l’école des Beaux-Arts
de Paris. Grand Prix de Rome de sculpture en 1813, il connaît dès son retour d’Italie un important
succès.
Il présente Sapho, en marbre, au Salon de 1852, à peine quelques semaines avant sa mort. La
médaille d’honneur lui revient, à titre posthume.
L’attitude mélancolique et le regard absent de Sapho rappelle le Romantisme. Un modèle au repos
lui inspire la pose de la poétesse. Pradier réalise un rapide dessin puis une étude plus soignée. Il
modèle ensuite la figure en argile, au tiers de sa grandeur, puis un moulage de plâtre est fait sur
l’ébauche. Il retravaille le volume du plâtre à l’aide de cire. Pradier assure lui-même la taille du
marbre, son matériau de prédilection.
La sculpture des musées d’Angers est une réduction en bronze de l’original. Susse, fondeur, achète
le modèle original en plâtre après la mort de l’artiste et acquiert les droits d’édition de la sculpture.
Les réductions, moins couteuses, sont achetées par des amateurs d’art ou insérées à des objets
d’art appliqué. La postérité de Sapho de Pradier est considérable, à la hauteur de sa diffusion.
Jules DIETERLE
Paris, 1824–Paris, 1888
Gérard DERICHWEILER
? 1822– ?, 1890
Huit assiettes à dessert du service
« pompéien » du prince Jérôme Napoléon
1867
Porcelaine dure
cat. 8
2
Inv. MBA 335 ; Musées d’Angers
Cet ensemble exceptionnel de 8 assiettes à dessert en porcelaine de Sèvres appartenait au prince
Napoléon, cousin de l’Empereur Napoléon III. Amateur d’art néo-grec et collectionneur averti, il
commande en 1856 un service de plus de 280 pièces à la manufacture impériale de Sèvres, pour
orner, dans des vitrines murales, la salle à manger de sa Villa pompéienne à Paris. Ce service «
pompéien » ou « service à fond rouge décor étrusque » est exécuté sous la conduite du directeur
des travaux d’art Jules Diéterle. Les décors sont inspirés de copies de fresques antiques,
principalement des sites de Pompéi et d’Herculanum, qui circulent abondamment à l’époque par le
biais de dessins et de gravures. Ils sont conçus par cinq peintres et un doreur dont Gérard
Derichweiler, qui réalise les scènes des bassins des assiettes.
Ici, chaque décor est différent, seuls le fond rouge pompéien intense et les contours noirs sont
communs à l’ensemble. Feuilles de vigne, cornes d’abondance, rosettes… rehaussées d’or ornent
les ailes des assiettes et encerclent des paysages, natures mortes et animaux.
Jacques-Victor-Eugène FROMENT
dit FROMENT-DELORMEL
Paris, 1820 – Paris, 1900
Compositions décoratives pour
céramiques
Sans date
Aquarelle et gouache sur papier
cat. 9, 10
Don de Mme Mazereau, née Froment, 1902
Musée des Beaux-Arts de Nantes
De 1853 à 1884, Froment-Delormel est employé comme peintre de figures par la manufacture de
Sèvres.
Sensible à la mode néo-grecque, il multiplie les projets pour des céramiques ou des pièces de
salons.
L’ensemble des neuf compositions pour assiettes présentées ici décline le thème des Saisons et des
Amours.
Les six autres sont plus antiques encore : Apollo, Excelsior et Sagittae sunt infixae mihi et
reprennent la polychromie des vases grecs. Ces couleurs vives s’accordent parfaitement aux
intérieurs raffinés dans lesquels ces objets de luxe prennent place.
Destinés à orner les tables des élites, ils correspondent à la fois à une thématique érudite (citations
en grec et en latin) et à un usage exceptionnel.
Utilisées lors de réceptions, ces céramiques témoignent d’un savoir-faire perdu et retrouvé par les
plus fins praticiens du temps.
Froment-Delormel travaille en collaboration avec le céramiste de Sèvres Félix Optat Millet (18381911), qui ouvre parallèlement sa propre manufacture en 1866, attestant du succès grandissant de
ce type de production au XIXe siècle.
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Jean-Léon GÉRÔME
Vesoul, 1824 – Paris, 1904
Jeunes Grecs faisant battre des
Coqs,
dit aussi Le combat de Coqs
1846
Huile sur toile
cat. 11
Exposé au Salon de 1847, n° 705
RF.88. Paris, musée d’Orsay
En 1844, de retour d’Italie avec Paul Delaroche, Gérôme s’inscrit dans l’atelier de Charles Gleyre
afin de tenter de remporter le Prix de Rome qu’il n’aura jamais.
Célèbre par le succès que lui avait valu Le Soir ou Les Illusions perdues (1843, Paris, musée du
Louvre), Gleyre, admirateur de l’Antiquité, insiste sur le modèle idéal, la ligne et la pureté des
sujets représentés. Chez Gleyre Gérôme rencontre Picou et Hamon et constitue son « phalanstère
», rue de Fleurus.
En 1846, il échoue encore au Prix de Rome, jugé trop faible en figures. Gérôme se prépare avec
assiduité au concours, en compagnie de ses amis sculpteurs Emmanuel Fremiet et Alfred
Jacquemart ; ils dessinent ensemble au Jardin des plantes, copiant les animaux. Car Gérôme a
décidé de créer une nouvelle composition comportant des animaux.
Encouragé par Delaroche, il envoie Jeunes Grecs faisant battre des coqs au Salon. Il recommande
le tableau auprès du directeur du Louvre pour qu’il soit correctement accroché. Le Combat de Coqs
incarne immédiatement le renouveau de la peinture d’histoire, traitée dans un genre familier qui
déroute et séduit à la fois les visiteurs.
La scène se veut simple : deux adolescents font combattre deux coqs sortis de leur cage. Les
combats de coqs étaient particulièrement appréciés à Athènes au Ve siècle avant J.-C.
La jeune fille observe avec un mouvement de recul les assauts des deux volatiles, dont l’un semble
être poussé par le garçon.
Les personnages se présentent sous un soleil éblouissant. La fille porte une mousseline, tandis que
le garçon a dégagé son corps d’une tunique verte et rouge qui traîne à terre. Elle est coiffée d’une
tresse alors qu’il est couronné de lauriers, tel un vainqueur aux jeux.
La distinction des poses est renforcée par l’attitude de recul et de pudeur de la jeune Grecque, qui
cache ainsi sa poitrine alors que l’adolescent n’hésite pas à poser la main dans les poils roux du
coq, tout en se maintenant en équilibre de la main droite.
Les visages sont contrastés : elle montre l’air idéal des sculptures antiques, lui arbore des traits
réguliers mais une expression vériste ; elle est pâle, il est hâlé.
L’union du groupe est créée par la ligne du bras gauche de l’éphèbe qui est placée au niveau du
sexe de la jeune fille. L’allusion érotique au coq était bien connue dans les ateliers et Gérôme
utilise sciemment ce sous-entendu.
Le contraste est accentué dans une scène qui se veut d’histoire par son sujet mais qui reste une
peinture de genre par la représentation. Le décor atteste de recherches poussées sur l’archéologie
grecque : derrière les figures on distingue un socle orné d’une frise rouge et noire « à la grecque »,
tandis qu’un « lécythe » (petit vase contenant des huiles parfumées) semble en lévitation sur la
base de la colonne, sculptée en bas-relief. Une figure qui s’inspire du sphinx paraît veiller sur la
scène, face à la mer, semblable à un panorama méditerranéen, dans une végétation luxuriante.
La filiation avec Ingres est visible dans le choix d’un thème grec, dans la prééminence de la ligne,
la touche lisse et les couleurs froides.
La dette de Gérôme envers Hippolyte Flandrin est aussi évidente (Polytès, fils de Priam, observant
les mouvements des Grecs vers Troie, 1834 et Jeune homme nu, 1836).
Rarement un tableau aura été aussi vite identifié à la création d’un mouvement pictural, celui des
Néo- Grecs
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Jean-Léon GÉRÔME
Vesoul, 1824 – Paris, 1904
Anacréon, Bacchus et l’Amour
1848
Huile sur toile
cat. 12
Inv. 2004.1.102, Toulouse, Musée des Augustins
Après le succès du Combat de coqs présenté au Salon en 1847, Gérôme propose l’année suivante
un tableau bien différent.
La scène se déroule au crépuscule, au sein d’un paysage arboré et clair. A gauche, une jeune
femme nue est assise sur un drapé. Elle joue de la flûte double, un des instruments féminins les
plus répandus de l’Antiquité. A ses pieds, deux vases (lécythes) grecs à fond blanc l’encadrent. Au
centre, le poète grec Anacréon (550-464 av. J.-C.) domine la scène. Il déclame ses vers au son de
sa cithare imposante et regarde Cupidon, muni de son carquois et de son arc, qui jette des pétales
de fleurs sur le sol. A sa droite, le jeune Bacchus danse, tenant une coupe et le thyrse (bâton
surmonté d’une pomme de pin). A l’arrière plan, un cortège de danseurs se déplace au son de la
musique, pendant que d’autres, alanguis, assistent simplement à la scène.
Gérôme s’est inspiré de céramiques et de bas-reliefs grecs pour composer son œuvre. Une
impression de « collage » émane de l’ensemble. Les personnages, parfaitement linéaires et
découpés, apparaissent comme plaqués dans le paysage. Le tableau, dont Gérôme ne fut pas
vraiment satisfait, ne plut d’ailleurs pas à la critique.
Charles GLEYRE
Chevilly, (Suisse), 1806 – Paris, 1874
Etude pour Minerve et les Trois Grâces
1865
Huile et pastel sur toile collée sur carton cat. 22
Collection particulière
En 1866, Charles Gleyre reçoit une commande de l’industriel suisse Vincent Dubochet, pour orner
le château des Crêtes, à Clarens. Minerve et les Trois Grâces est une étude préparatoire pour ce
décor. L’iconographie, associant Minerve et les Trois Grâces, n’a pas d’antécédents dans l’histoire
de l’art. L’épisode et les personnages ne sont pas aisément identifiables.
Quatre jeunes femmes dénudées jouent de la musique dans un paysage rocheux et boisé, près
d’un cours d’eau. L’atmosphère est paisible et rêveuse. Minerve (Athéna), pourrait être le
personnage central nimbé de lumière, qui joue de la flûte traversière. Son regard est halluciné, elle
semble possédée. Ses attributs guerriers, casque et bouclier, sont à terre. La présence de la biche
renforce l’idée qu’elle est ici en déesse des arts et des lettres, en paix.
Autour d’elle, les Trois Grâces, symboles de la beauté, de l’amour et de l’amitié depuis l’Antiquité,
s’adonnent elles-aussi à la musique. Deux d’entre-elles jouent de la double flûte et de la lyre
pendant que la dernière se contente d’écouter.
Ce sujet étrange est une pure création de l’artiste qui prouve l’appétence de ces peintres pour
l’invention de nouveaux thèmes et le renouvellement de la peinture.
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Jean-Louis HAMON
Plouha, 1821–Saint-Raphaël, 1874
Vase de Lesbos n°1 : La Domination
1852
Porcelaine dure
cat. 23
Livré au Mobilier de la Couronne en 1864
Collection du Mobilier national GML 791, Paris
Les Néo-Grecs entretiennent des liens privilégiés avec les arts décoratifs à une époque où
justement se pose la question de l’union des arts et de l’industrie. Ils ont un écho particulièrement
important à la manufacture de Sèvres grâce à leur maître, Paul Delaroche. Ce dernier intègre en
1848 le Conseil de perfectionnement des manufactures nationales chargé de renforcer la peinture
de figures dans les productions. A ce titre, il dirige les commandes vers ses élèves. Si plusieurs
artistes néo-grecs réalisent occasionnellement des décors pour porcelaine, seul Hamon accepte de
travailler à temps complet pour la manufacture de 1849 à 1854. Son travail à Sèvres et sa peinture
de chevalet montrent des caractéristiques communes : composition en frise, personnages de profil,
silhouettes de fond peintes dans un camaïeu de gris et bleu.
Le vase Domination est orné d’une femme nue, debout sur un énorme papillon. Elle le tient en
brides et le cravache avec une aiguille à tricoter. Ce décor contient en germe tout l’univers décalé
de l’artiste que l’on retrouve dans sa peinture de chevalet. Mêlant l’humour, l’érotisme à
l’incongruité, Hamon conserve une forme parfaitement académique.
Jean-Louis HAMON
Plouha, 1821–Saint-Raphaël, 1874
Le Triste Rivage
1873
Huile sur toile
cat. 27
Exposée au Salon de 1873 (n°708), Achetée en 2002
Inv.2002.6.1. Rennes, Musée des Beaux-Arts
Le Triste Rivage est la dernière œuvre importante de Hamon. Il la présente en 1873 au salon de
Paris, après de nombreuses années sans envoi.
L’idée de cette grande composition lui est venue alors qu’il visite une grotte près de Capri.
Réalisée un an avant sa mort, cette toile mélancolique ne livre pas facilement son sens caché. Dans
un lieu sinistre, baigné des eaux sombres du Styx, se regroupent amants malheureux, philosophes,
écrivains, peintres et quelques enfants. Toujours fidèle au style néo-grec pourtant déjà passé de
mode, Hamon mêle des personnages antiques et contemporains, réels et fictionnels. Ophélie en
robe blanche, sous les traits de l’épouse du peintre, repose sur un rocher au premier plan, consolée
par un amour ailé. Faust et Marguerite, Laure et Pétrarque, Homère, Dante, Cervantès,
difficilement identifiables, l’entourent. A gauche, bras tendu, Hamon s’est représenté aux côtés de
plusieurs amis peintres. Sa sœur, en paysanne, tient un nourrisson dans les bras.
La palette sombre et contrastée de cette œuvre nostalgique donne raison à Jules Clarétie, auteur et
chroniqueur de la vie parisienne, qui compare cette peinture au «chant du cygne de ce poète du
pinceau».
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Jean-Auguste-Dominique INGRES
Montauban, 1780 – Paris, 1867
Antiochus et Stratonice
1866
Crayon et huile sur calque marouflé sur toile
cat. 36
M
me Delphine Ingres, veuve de l’artiste ; acquis auprès
d’elle par le musée Fabre en 1884 (2 000 francs)
Inv. 884.1.1, Montpellier, musée Fabre
Ingres reçoit la commande de ce drame amoureux de la part du duc d’Orléans en 1833. Achevé en
1840, il est aujourd’hui conservé au musée Condé de Chantilly. Tableau majeur de l’artiste, il en
réalise de nombreuses versions, dont ce dessin sur calque de 1866. Tiré des Vies parallèles. Vie de
Démétrius de Plutarque, le sujet évoque la passion du jeune Antiochus pour sa belle-mère
Stratonice. Cette princesse macédonienne est la seconde épouse du père d’Antiochus, Séleucos, roi
de Syrie. Atteint d’une maladie inconnue, le jeune Antiochus se meurt. La scène montre ici le
moment où le médecin du roi, Erasistrate, sent le pouls de son patient reprendre de la vigueur au
moment où Stratonice entre dans la pièce. Séleucos comprend alors l’origine de son mal et permet
au couple de se marier. Ingres a parfaitement recomposé un décor à l’antique, les nombreuses
études préparatoires en témoignent. Il a puisé dans de nombreux recueils de gravures mais aussi
dans la bibliothèque de l’Académie de France à Rome lorsqu’il en était directeur. Ce tableau eut
une influence considérable sur le développement du mouvement néo-grec.
Henry-Pierre PICOU
Nantes, 1824–Nantes, 1895
Le Styx
1849
Huile sur toile
cat. 51
Achat par l’Etat au Salon, (n° 1636), 1800 francs ;
Dépôt au musée des Beaux-Arts 1849.
Inv. 2270. Nantes, Musée des Beaux-Arts
Œuvre restaurée en 2013
Fort de ses succès de l’année précédente, Picou expose plusieurs œuvres au Salon de 1949 : La
Naissance de Pindare, Au Bord du ruisseau et Le Styx. Cette dernière toile traite d’un sujet
mythologique, inspiré de L’Enfer de Dante. La Divine Comédie, nourrie de plusieurs ouvrages grecs,
avait remis au goût du jour ce thème antique.
Picou représente une barque chargée de personnages, voguant sur les eaux du Styx, fleuve des
Enfers, dans une atmosphère sombre et désolée. De droite à gauche, la composition en frise du
tableau met en scène Phlégias, gardien des lieux selon Dante. Poussant vigoureusement
l’embarcation, le corps nu et musclé, il apporte à la toile sa seule ligne oblique et dynamique. Puis
l’on reconnaît un roi tenant son sceptre, un enfant, une courtisane, poitrine dénudée, un homme
endormi une coupe à la main. A gauche, les figures de la pleureuse et du poète à la lyre
complètent les lignes verticales de la composition.
Dans cette œuvre ambitieuse, Picou a pris pour modèles des œuvres illustres des peintres John
Flaxman, Jean-Louis Hamon, Ingres et David.
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Henry-Pierre PICOU
Nantes, 1824–Nantes, 1895
La Naissance de Pindare
1848
Huile sur toile
cat. 53
1849, Paris, Salon n°1635
Collection de l’artiste jusqu’en 1888 ; collection de M. Vauvercy, Nantais, rue de la Chaussée
d’Antin à Paris ; vente aux enchères, Senlis, Hôtel des Ventes, 18/12/2008 n°88 ; préempté par le
musée d’Orsay à cette vente.
RF 2008-55. Paris, Musée d’Orsay
Ce tableau mythologique est l’une des peintures les plus importantes de Picou. Conservée très
longtemps par l’artiste, elle fait office de porte-drapeau du mouvement néo-grec.
Pindare, grand poète lyrique grec du VIe siècle avant J.C., est représenté bébé, au centre de la
composition, entouré de nymphes dansantes. Apollon, adossé à son temple, est venu célébrer cette
naissance. Calliope, muse de l’éloquence et de la poésie épique, annonce la bonne nouvelle le bras
tendu. Seule Melpomène, tapie dans l’ombre, ne se réjouit pas. Muse de la tragédie, elle se sent
menacée par le talent du prodige qui vient au monde. L’Amour, près du bassin et ses cygnes,
observe la joyeuse scène son arc à la main.
Picou imagine ici une Antiquité séduisante, légère, bien loin de celle, empesée, des Néo-Classiques.
La palette claire, le mouvement virevoltant des nymphes, l’élégance des poses s’opposent à tout
réalisme que les Néo-Grecs jugent trivial
Pascal LIÈVRE
Lisieux, 1963 – vit et travaille à Paris
Voguing Picou
2013
Paillettes sur tirage photographique
cat. 54
Paris, Collection de l’artiste
Le musée des Beaux-Arts de Nantes a donné carte blanche à l’artiste contemporain Pascal Lièvre
pour créer une œuvre et la présenter dans cette exposition. Celui-ci, intéressé par l’impression de
mouvement que dégage La naissance de Pindare de Picou, décide d’en proposer une nouvelle
version.
Sur une reproduction photographique de l’œuvre à l’échelle 1, Lièvre recouvre de paillettes dorées
les parties visibles du corps des personnages. Par le rajout de ce nouveau médium, les figures
deviennent des silhouettes planes, fragmentées, dont le mouvement est mis en valeur.
Depuis plusieurs années, l’artiste axe son travail sur l’appropriation. Il s’empare aussi bien de
textes philosophiques, d’événements historiques, de discours politiques que de morceaux de
musique pop... Dans le domaine artistique, il s’approprie de grands classiques de l’histoire de l’art
et les travaille comme un matériau. Il réactive des standards comme ceux de Botticelli, Ingres,
Pollock…en leur faisant subir un travail d’hybridation avec des matériaux inattendus. Il confronte et
superpose ainsi culture élitiste et culture populaire, reniant dans ce domaine toute hiérarchie.
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Victor MOTTEZ
Lille, 1809 – Bièvres, 1897
Zeuxis choisissant ses modèles
1858
Huile sur toile
cat. 44
Version originale exposée au Salon de 1859 (n°2216).
Don de la veuve de l’artiste, 1938, Roubaix, La Piscine.
Musée d’art et d’industrie André Diligent, Inv. 14753.212.
198s
Victor Mottez réalise plusieurs versions de cette œuvre. L’original est conservé au musée Condé de
Chantilly.
Le tableau relate un épisode de la vie de Zeuxis d’Héraclée, peintre grec du 5e siècle av. J.-C., qui
devait représenter la déesse Junon pour les Agrigentins (d’après Histoire naturelle de Pline
l’Ancien).
Le livret du Salon de 1859, où l’œuvre est exposée, explique comment Zeuxis atteint un tel
réalisme son tableau : «avant d’y travailler, il obtint de voir leurs filles nues, parmi lesquelles il en
choisit cinq pour en extraire ce qu’il jugea de plus beau en chacune et le rassembler dans sa Junon
».
La scène est organisée en deux parties où se répartissent seize femmes. A gauche, les
prétendantes, vêtues de tuniques colorées et parées de bijoux, attendent leur tour. A droite, les
malheureuses refusées, dénudées, pleurent sur leur sort. L’architecture, les guirlandes, les
mosaïques au premier plan, rendent avec douceur cette scène fantasmée.
Sujet classique, maintes fois représenté par plusieurs génération d’artistes, Mottez propose ici une
version originale de cette allégorie du peintre et de son modèle, en insistant sur la sensualité et le
sentimentalisme.
Dominique PAPETY
Nantes, 1815 – Marseille, 1849
Femmes grecques à la fontaine
Vers 1841
Huile sur toile
cat. 4
Vers 1841, Commande du Docteur Martin à Papety à Marseille
1982 Cession des Douanes au musée du Louvre
Inv. RF-1982-27, Paris, Musée du Louvre
Marqué par l’œuvre d’Ingres, Papety est l’un des premiers peintres à se rendre en Grèce, dans les
années 1840. En observateur aguerri, il multiplie les relevés archéologiques et les études de
monuments. Il s’intéresse également aux costumes et au mode de vie grec. Tout dans ce tableau
évoque la Grèce antique : - la lumière blanchâtre et diffuse, caractéristique des fortes chaleurs, l’inscription sur l’architrave (qui signifie « cette fontaine aux belles eaux est dédiée aux Naïades »),
- les détails véristes de l’architecture, - le rouge pompéien et les peplos (drapés) immaculés des
femmes figées comme des cariatides. Le sujet même des femmes à la fontaine est un emprunt aux
bas-reliefs antiques.
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L’artiste réalise cette œuvre au retour de son premier voyage, soit peu de temps après que Ingres
ait peint une première version de Antiochus et Stratonice.
Femmes grecques à la fontaine est par conséquent un témoignage précoce des bouleversements
induits par l’école ingresque, qui se concrétisera par la fondation du mouvement néo-grec,
quelques années plus tard
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