Top Vélo Octobre 2013

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Top Vélo Octobre 2013
U Essai exclusif
Texte | Olivier Haralambon
Photos | Stéphane Guitard
FKC RZ 7ept
L’exception entre
toutes
6,9 kg 9 895 €
Distributeur : FKC
Depuis près de quinze ans, FKC fabrique des vélos en 650 absolument
originaux et fabuleux. Parapluie symétrique, fourche sans déport… les
innovations sont trop nombreuses pour qu’on en dresse la liste. Mais
une constante est bousculée pour la première fois : la taille des roues.
Las des remarques d’un milieu décidément conservateur – et parce qu’il
faut vivre – François Kerautret s’est décidé à enrichir sa gamme d’un
700. Le résultat ? Devine…
C
e qui est bien avec François Kerautret, c’est
qu’on ne s’ennuie jamais. Ainsi, on ne l’appelle pas pour savoir si il y a du nouveau,
mais pour savoir ce qu’il y a de nouveau.
En un mot comme en cent, Kerautret n’est
pas un commerçant. C’est un artisan et un
technicien passionné et intelligent, qui peine
à quitter des yeux son ouvrage. Il compte
au rang de ces gens qui innovent encore
véritablement et concrètement, au-delà du
discours indispensable à la vente d’objets perpétuellement renouvelés – consommables.
Ainsi lui aura-t-il fallu des années pour accepter l’idée de fabriquer un vélo en roues de
700. Ou plutôt, de décliner en 700 son fabuleux RZ, dont les roues de 650, dont François
défendait si brillamment les vertus, étaient
loin d’être la seule spécificité.
Aujourd’hui c’est chose faite, le RZ 7ept est
arrivé. Il nous faut donc faire le tri et la liste :
aussi bien des éléments objectifs que des
qualités d’usage, que la machine conserve à
travers cette mutation. Le tri et la liste, aussi,
de ce qui aura changé : en d’autres termes,
30 — novembre 2013/top vélo
savoir ce dont le passage en 700 nous prive
éventuellement, et ce dont il nous gratifie.
Insistons : en tête de ce qui change, on l’a dit :
la taille des roues.
Pour ainsi dire, tout le reste perdure.
En tête, le concept RZ, ou Rake Zero, ce qui
signifie “déport nul”. Le premier coup d’œil
n’avertit pas suffisamment, et il faut bien
comprendre que la fourche est véritablement
droite, rectiligne, du sommet du pivot jusqu’au
bout des pattes. Rien à voir avec une fourche
classique aux fourreaux droits mais déportés.
Ici, c’est une pure ligne droite qui relie le pivot
de direction à l’axe de la roue avant.
Première conséquence
Ceci a pour effet immédiat, non pas (comme
nous l’avions dit à tort) de faire pivoter à
plat (sur un plan horizontal) le moyeu de
la roue avant, mais de limiter considérablement cette oscillation latérale du moyeu liée
au pivotement de la direction (faites tourner
franchement la roue, vous comprendrez que
l’extrémité “extérieure” du moyeu s’élève,
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U Essai exclusif // FKC RZ 7ept
POIDS
� CADRE : 1 390 g
� FOURCHE : 379 g
pendant que l’autre s’abaisse). La suppression du déport limite considérablement ce
phénomène, dans des proportions résultant
uniquement de l’angle de direction.
Les pattes arrière, usinées dans un bloc d’alu Z7 CNU,
sont une merveille de rigidité – et d’esthétisme.
32 — novembre 2013/top vélo
Jeu de direction maison (ergal et roulements
céramique à contacts obliques). On remarque aussi
que le cadre est construit exclusivement pour une
transmission électronique : FKC ne vend de vélos que
complets.
Seconde conséquence (pour ainsi dire)
Lorsque vous tenez le vélo devant vous
(avant de l’enfourcher, donc), et que vous
faites pivoter la roue avant, la roue arrière
pivote de quelques degrés dans le même
sens. Ainsi, c’est le vélo entier qui s’aligne
sur la direction qui est indiquée par la roue
avant. Au lieu de quoi, dans le cas d’une
fourche “normale” (à déport), la roue avant
“s’affaisse” latéralement lorsqu’elle pivote.
Conséquence à la tierce (si j’ose m’exprimer de la sorte)
L’angle de direction étant par ailleurs assez
classique, 73°, la chasse au sol est tout à
fait inhabituelle : ici, 114 mm !! Pour justifier
l’usage du point d’exclamation, je rappelle
qu’une chasse (la chasse au sol est la distance qui sépare la projection au sol de la colonne de direction, de la verticale de l’axe de
la roue) est le plus souvent comprise entre,
disons, 60 et 70 mm.
U Essai exclusif // FKC RZ 7ept
POIDS
� CADRE : 1 390 g
� FOURCHE : 379 g
pendant que l’autre s’abaisse). La suppression du déport limite considérablement ce
phénomène, dans des proportions résultant
uniquement de l’angle de direction.
Les pattes arrière, usinées dans un bloc d’alu Z7 CNU,
sont une merveille de rigidité – et d’esthétisme.
32 — novembre 2013/top vélo
Jeu de direction maison (ergal et roulements
céramique à contacts obliques). On remarque aussi
que le cadre est construit exclusivement pour une
transmission électronique : FKC ne vend de vélos que
complets.
Seconde conséquence (pour ainsi dire)
Lorsque vous tenez le vélo devant vous
(avant de l’enfourcher, donc), et que vous
faites pivoter la roue avant, la roue arrière
pivote de quelques degrés dans le même
sens. Ainsi, c’est le vélo entier qui s’aligne
sur la direction qui est indiquée par la roue
avant. Au lieu de quoi, dans le cas d’une
fourche “normale” (à déport), la roue avant
“s’affaisse” latéralement lorsqu’elle pivote.
Conséquence à la tierce (si j’ose m’exprimer de la sorte)
L’angle de direction étant par ailleurs assez
classique, 73°, la chasse au sol est tout à
fait inhabituelle : ici, 114 mm !! Pour justifier
l’usage du point d’exclamation, je rappelle
qu’une chasse (la chasse au sol est la distance qui sépare la projection au sol de la colonne de direction, de la verticale de l’axe de
la roue) est le plus souvent comprise entre,
disons, 60 et 70 mm.
Ce qui fait de FKC un fabricant tout à fait à part – réellement incomparable – peut s’énoncer en quelques points,
qui concernent aussi bien les vélos en 650 qu’en 700, et
aussi bien la conception que la mise en œuvre.
� l’étude posturale
Elle précède et conditionne la conception du cadre, mais d’une façon
très singulière. François Kerautret travaille sur un tableau vinyl à l’échelle
1 où il place ses points d’appuis dans l’espace après avoir mesuré les
segments du client. Le cadre est construit dans cet espace, empattements
et hauteur de boîtier compris ; il faut bien comprendre que Kerautret ne
part d’aucun modèle ou présupposé pré-existant. Il s’agit non seulement
de procurer l’aisance mécanique au pédaleur, mais aussi de répartir la
masse roulante – de situer le centre de gravité – entre les deux roues.
� l’asymétrie
On l’a dit, elle vise à supprimer cette aberration mécanique qu’est l’effet
parapluie sur la roue arrière. Construire le cadre de sorte à décaler le
moyeu arrière de 7mm permet non seulement un rayonnage cohérent
d’un point de vue mécanique, mais aussi de repenser les lignes de
chaîne : toutes les combinaisons de braquets sont possibles sans que la
chaîne soit excessivement tordue. Kerautret s’attache aussi à la question
du couple : ainsi 53x28 lui semble préférable à un développement
identique obtenue avec de plus petites couronnes.
� le choix de l’acier
Une vraie fabrication sur mesure exige la mise en oeuvre de tubes plutôt
que d’un moule. La construction a nécessité la conception d’un marbre
gyroscopique sur lequel les tubes sont assemblés et soudés en une fois :
ainsi sont maîtrisées (orientées) toutes les déformations thermiques, et
supprimés les défauts d’alignement habituels de tous les cadres soudés.
FKC assume parfaitement le poids de ses cadres, jugeant qu’à ces
niveaux de poids la rigidité prime sur 3 ou 400g. Qui plus est « on néglige
trop le rôle positif de l’inertie. Nous sommes rendus au point où les vélos
sont si légers qu’ils marchent moins bien. »
� le serrage de selle
Un astucieux système de cône, placé entre deux bagues au pas de vis
inversés, permet de serrer la selle sans outils : les bagues se serrent et se
desserrent à la main.
� le Rake Zero
On l’a dit, la suppression du déport limite à presque rien l’oscillation du
moyeu et l’affaissement consécutif de la roue avant qui accompagne la
rotation de la direction. Alors que sur un vélo classique, cet affaissement
laisse l’arrière du vélo quasi immobile, avec le RZ la rotation de la roue
avant est “accompagnée” par le pivotement de la roue arrière, qui s’aligne
sur la direction indiquée par l’avant. Résultat : la prise d’angle en courbe
est incroyablement réduite, ce qui permet souvent de passer (beaucoup)
plus vite.
novembre 2013/top vélo - 33
U Essai exclusif // FKC RZ 7ept
François Kerautret travaille
à l’échele 1. Les points
d’appui sont placés, le
cadre est dessiné dans un
second temps.
Fin de la tétrade (parce qu’il faut bien s’arrêter)
Lorsqu’on enfourche le vélo et qu’on chausse
la pédale, la première impression est d’étrangeté. À dire vrai, c’est une impression de lourdeur ! Or, la machine dont le cadre est en
acier “Marval”, se tient autour de 6,8 kg. La
roue avant appuie tant sur le sol qu’il faut se
lancer et atteindre quoi, dix kilomètres/heure,
pour annuler cette sensation.
Comme je confesse avoir pris contact avec le
RZ 7ept au moment même de la séance photo, je peux dire qu’au moment d’effectuer les
demi-tours, la direction me semblait d’abord
très “dure” puis se débloquait d’un seul coup.
Comme si l’appui énorme lié à cette chasse
au sol inhabituelle créait une concentration
Les cadres sont
assemblés et
entièrement
soudés sur le
marbre.
Le RZ 7ept implique
de nouvelles
habitudes de pilotage
de force sur le roulement de direction inférieur et que ce “blocage” s’évaporait quand
le vélo prend de la vitesse.
Il n’est pas trop de dire que le RZ 7ept implique de nouvelles habitudes de pilotage. En
fait – c’est-à-dire : encore moins que sur un
vélo classique – les trajectoires courbes n’impliquent qu’un pivotement insensible de la
roue avant. Il suffit presque que le regard sug-
gère la trajectoire, et que le bassin y tende,
pour que le vélo s’y inscrive comme par enchantement. J’ai essayé le RZ 7ept sur des
routes que je connais assez bien, et je peux
dire une ou deux choses pour le moment,
à propos du pilotage. C’est aux trajectoires
qui s’enfilent relativement vite, là où la route
est relativement large, qu’il faut d’abord se
confronter. Car c’est là qu’il est le plus facile
d’oublier cette petite étrangeté liée à la direction : là, on s’aperçoit qu’il n’y a presque pas à
incliner le vélo et que, dans bien des cas où
ce serait impossible avec une machine classique, on peut continuer à pédaler. Ça passe
beaucoup, beaucoup plus vite. Contourner les
ronds-points à bloc sans cesser d’embrayer
(et en évitant les chauffards) est devenu mon
jeu préféré en moins d’une heure ! Ce qui est
sûr, c’est qu’il faut se défaire des attitudes
corporelles, devenues réflexes, concernant le
transfert de masse à l’entrée de virage. C’est
assez difficile à décrire en deux mots mais,
disons que la façon courante d’engager le
buste à l’intérieur de la courbe n’est plus du
tout adaptée.
Ainsi, la prise en main du RZ Sept est plus
délicate sur les descentes moins rapides :
route étroite et virages serrés, sans visibilité,
revêtement déglingué, etc. À vrai dire, moi, j’ai
commencé par là et ce n’était pas une bonne
idée. On devine des possibilités inouïes mais
on est pris au dépourvu par la nouveauté. Ça
s’arrange dès la deuxième descente, où on
se régale avec tous les évitements (plaque
d’égout, nid-de-poule) de dernière seconde.
Une bague en inox brasée en supplément du tube
rigidifie la zone et optimise la portée du dérailleur
avant.
34 — novembre 2013/top vélo
Néanmoins : faudra tester tout ça sur une période longue. Et vous donner des nouvelles.
Le frein est situé sous
le point sommital de la
jante, ce qui “plaque”
la roue au sol lors des
freinages.
fiche technique
Cadre :
RZ acier Marval X 18 2014
Boîtier de pédalier : Oversize de 47/92 mm à déformation progressive, accepte
les standards : GXP SRAM, BB386 Shimano, BB386 Evo FSA
Fourche :
FKC Rake Zero, carbone HM, pivot conique
Jeu de direction : FKC 2014 roulements céramique/inox à contacts obliques
Tige de selle :
FKC, carbone UD “One Bolt” à système de réglage et
démontage rapide FKC 2014
Dérailleurs :
Shimano Dura-Ace Di2
Leviers :
Shimano Dura-Ace Di2
Pédalier :
Shimano Dura Ace Di2
Freins :
Shimano Dura-Ace Di2
Selle :
Aliante Ultra FKC ou Arione, Antares rails carbone braided
Moyeux :
DT SWISS 240 S Straightpull compatibles 11v 2014
Jantes :
Zipp Firecrest
Rayons :
droits Wind Curve et écrous gyroscopiques FKC
Boyaux :
Continental Force, 24 mm
en un clin d’œil…
Stabilité
11
10
8
6
4
2
0
maniabilité
côtes
Avec presque 380 g,
Kerautret n’a pas choisi
la voie de la légèreté à
tout prix : mais quelle
rigidité, quel guidage –
bref : quelle réussite !
plat
Il faut dire un mot aussi de la rigidité. Kerautret est un homme assez terre à terre, et
les envolées dont je suis coutumier sur la
“réactivité” d’un vélo, c’est pas son truc. Pour
lui, le rendement passe par la transmission de
l’énergie musculaire, qui passe par la rigidité :
point, barre.
Le RZ 7ept est donc non pas “très” rigide,
mais plutôt “rigide, point”. Sentez la nuance ?
Le cadre en acier Marval associé à des roues
formidablement tendues (95 kg réels), dont
il faut rappeler que même la roue arrière est
symétrique (l’élimination du parapluie asymétrique, on s’en souvient, fut une des marques
de fabrique de la maison, dès l’origine), ne
fléchit absolument pas.
Du coup, comme à chaque fois que les
choses ne se discutent pas et qu’aucune négociation n’est possible, on apprend et on
s’adapte. Il faut veiller à la qualité du geste,
notamment en danseuse où une parfaite
coordination des prises d’appui sur la pédale
avec le balancement du vélo est indispensable. Mais, p… ! quel régal.
On s’aperçoit à cette occasion que 1/on se
fiche complètement que le cadre pèse plus
de 1 300 g et 2/que si les roues de 650
étaient plus efficaces en matière de changements d’allure en position assise, les 700
sont plus cohérentes avec les braquets qu’on
utilise quand on se dresse sur les pédales.
L’harmonie tant exigée par la rigidité du vélo
est plus accessible dans les amplitudes offertes par le 700. L’aspect exceptionnel de la
production FKC est encore plus criant, sur la
base de ce nouveau point de comparaison.
Chapeau bas, toujours ! n
pour qui ?
sport loisirs
cyclosport
compétition
longues
distances
relances
VERDICT
Le RZ 7ept n’a pas peut-être pas le côté ludique du RZ650. Mais il
en a tous les aspects radicaux, en termes techniques et pratiques.
C’est une bête de performance, sans compromis. Mais la capacité
de Kerautret à s’adapter aux particularités de chacun est telle
qu’on ne saurait déconseiller l’aventure à quiconque : quelque
cycliste que vous soyez, cette machine est un must.
De mauvais
à excellent
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