Universit de Montpellier 1 - DROIT

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Universit de Montpellier 1 - DROIT
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Université de Montpellier 1
Faculté de Droit
L’authenticité notariale
électronique
Mémoire présenté par Laurent Granier
En vue de l’obtention du Diplôme Supérieur du Notariat
Sous la direction de Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à
l’Université de Montpellier I
Membres du Jury :
Monsieur Arnaud Raynouard : Professeur à l’Université des Sciences
Sociales de Toulouse 1
Maître
Année universitaire 2003-2004
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Résumé :
A l’heure du développement croissant du commerce
électronique et des contrats à distance, la confrontation
inéluctable de l’instrument probatoire traditionnel et exorbitant
de droit commun que constitue l’acte authentique, aux enjeux et
incertitudes des nouvelles technologies de l’information,
participe d’une réflexion plus vaste sur la valeur et l’avenir de
l’authenticité.
A cet égard, la profession notariale ne peut faire
l’économie d’une analyse globale sur les assurances
techniques et juridiques susceptibles de concilier la sécurité des
parties, le respect des prescriptions légales et la nécessaire
adaptation de la profession aux impératifs de la modernité.
Mots-clefs :
contrats - preuve - acte authentique - signature électronique – notaire
contracts – proof – authenticity – electronic signature – public notary
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Présentation générale
Introduction
Première partie : Evolution et perspectives de l’acte
authentique dans le milieu notarial
A. L’acte authentique à travers son évolution dans le
milieu notarial
1. Approche historique notariale: du Tabellion au cyber-notaire
2. Notion d’acte authentique notarié
B. L’acte authentique
électronique
à
l’épreuve
du
formalisme
1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la preuve aux
nouvelles technologies
2. L’acte authentique dématérialisé
Deuxième Partie : La mise en œuvre pratique de la forme
électronique pour les actes notariés
A. Le notaire, tiers
électroniques
de
confiance
des
1
Introduction à la cryptologie asymétrique
2
Tiers de confiance et « notarisation » des échanges
échanges
B. La pratique notariale face aux nouveaux outils
informatiques
1. Les conséquences pratiques de l’adoption du support électronique
pour les actes authentiques
2. Une évolution inscrite dans un processus global d’informatisation
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Université de Montpellier 1
Faculté de Droit
L’authenticité notariale
électronique
Mémoire présenté par Laurent Granier
En vue de l’obtention du Diplôme Supérieur du Notariat
Sous la direction de Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à
l’Université de Montpellier I
Membres du Jury :
Monsieur Arnaud Raynouard : Professeur à l’Université des Sciences
Sociales de Toulouse 1
Maître
Année universitaire 2003-2004
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A mes parents,
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Plan détaillé
Introduction
Première partie : Evolution et perspectives de l’acte
authentique dans le milieu notarial
A. L’acte authentique à travers son évolution dans le
milieu notarial
1. Approche historique notariale: du Tabellion au cybernotaire
1.2 Le scribe antique, témoin privilégié de l’accord des volontés
1.3 Du notaire féodal à la loi de Ventôse
1.4 L’authenticité notariale moderne
2. Notion d’acte authentique notarié
2.1 Fondements de l’authenticité
2.2 Définition de l’authenticité
2.2.1 Conditions de l’authenticité
2.2.1.1 Titre établi par un officier public
2.2.1.1.1 Présence d’un titre
2.2.1.1.2 Diversité des officiers publics
2.2.1.1.3 Délégation de pouvoirs
2.2.1.2 Compétence de l’officier public
2.2.1.2.1 Compétence ratione materiae
2.2.1.2.2 Compétence ratione loci
2.2.1.3 Solennités requises
2.2.1.3.1 Formalités de rédaction
2.2.1.3.2 Formalités de réception
2.2.1.3.3 Point de vue critique sur le formalisme
2.2.2 Effets de l’authenticité
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2.2.2.1 Justifications de la forme authentique
2.2.2.2 Force probante
2.2.2.3 Force exécutoire
2.3 Critère de l’authenticité
B. L’acte authentique
électronique
à
l’épreuve
du
formalisme
1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la
preuve aux nouvelles technologies
1.1
Le contexte international : la réglementation du commerce
électronique
1.1.1 L’impulsion supranationale : le projet CNUDCI
1.1.2 L’harmonisation
Décembre 1999
communautaire:
la
Directive
du
13
1.1.2.1 Le formalisme et l’authenticité mis à l’index de la
Directive
1.1.2.2 La reconnaissance de la valeur légale des
signatures électroniques
1.1.2.3 Les
attributions
légales
concernant
les
Prestataires de Service de Certification
1.2
Le contexte français : la loi sur la signature électronique
du 13 mars 2000
1.2.1 L’inadaptation du droit français de la preuve
1.2.2 L’apport de la réforme législative française
1.2.2.1
La loi du 13 mars 2000
1.2.2.2
Le Décret d’application du 30 mars 2001
1.2.2.3
Le projet de Loi sur la Société de
l’Information (LSI) et la question des écrits ad validitatem
2. L’acte authentique dématérialisé
2.1 L’art 1317 civ. et le décret sur l’acte authentique
2.2 La limite des actes authentiques solennels
2.3 Le débat doctrinal sur le critère de l’authenticité relancé
2.4 Une proposition : la réception intellectuelle de l’acte
2.4.1 Intérêt de la réflexion
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2.4.2 La réception intellectuelle : une réception
imparfaite ?
2.4.3 De la signature à la marque du conseil responsable
Deuxième Partie : La mise en œuvre pratique de la forme
électronique pour les actes notariés
A. Le notaire, tiers
électroniques
1
de
confiance
des
échanges
Introduction à la cryptologie asymétrique
1.1
Notion de cryptologie
1.2
Cryptologies symétrique et asymétrique
1.2.1 Cryptologie symétrique (ou à clef
unique)
1.2.2 Cryptologie asymétrique (ou à clef
publique)
1.3
Principes de fonctionnement de la cryptologie
asymétrique
1.3.1 Le cryptage du message électronique
par la bi-clef
1.3.2 Le
cryptage
de
la
signature
électronique par la bi-clef
1.4
2
Réglementation de la cryptologie
1.4.1 Les initiatives internationales
1.4.2 La réglementation française
Tiers de confiance et « notarisation » des échanges
2.1
Notion de tiers de confiance
2.2
Conditions de la certification
2.2.1 Les conditions de la certification au
regard de la signature électronique
2.2.2 Les conditions de la certification au
regard de la réglementation de la
cryptologie
2.3
Fonctionnement de la certification
2.3.1 Création du certificat électronique
2.3.2 Signature et transmission du message
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2.3.3 Déchiffrement du message à partir du
certificat
2.4
Responsabilité liée à la certification
2.5
Certification et « notarisation »
2.5.1 L’horodatage
2.5.2 La resignature
2.5.3 L’exemple québécois : le notaire
agent-certificateur des signatures
électroniques
2.5.3.1 Un cadre législatif précurseur
2.5.3.2 La mise en œuvre de
l’Inforoute notariale québécoise
2.6
Les réseaux notariaux français, supports de la
communication électronique
2.6.1 Le réseau national mis en place par le Conseil
Supérieur du Notariat : l’Intranet REAL
2.6.2 Le réseau de la Chambre des Notaires de
Paris : De l’Intranot à l’Extranot…
2.7
L’authentification numérique des actes
2.7.1 Le certificat authentique : une garantie
accrue pour les actes sous-seings
privés
2.7.2 L’authentification
numérique
des
actes : La garantie de l’application du
devoir de conseil
B. La pratique notariale face aux nouveaux outils
informatiques
1
Les conséquences pratiques de l’adoption du
support électronique pour les actes authentiques
1.1 En présence de toutes les parties
1.2 En l’absence d’une ou plusieurs parties
1.2.1 La
procuration
annexée à l’acte
1.2.2 La
technique
de
l’offre-acceptation ou
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pollicitation électroniq
ue
1.2.3 Exemple d’un acte à
distance
2
Une évolution inscrite dans un processus global
d’informatisation
2.1 La normalisation de l’activité notariale
2.1.1 La normalisation de l’acte notarié par
l’électronique
2.1.2 La normalisation du service notarial
2.2 L’informatisation des services administratifs
2.2.1 L’informatisation des Conservations des
Hypothèques
2.2.2 L’informatisation des services du cadastre
2.2.3 L’informatisation des greffes des Tribunaux de
commerce
2.3 L’archivage numérique des actes
Annexes :
Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13
décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures
électroniques
Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la
preuve aux technologies de l'information et relative à la signature
électronique
Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article
1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique
Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la
certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des
technologies de l'information
Projet de Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (extrait),
déposé à l’Assemblée Nationale le 15 janvier 2003,
Formulaire type - Chambre des notaires du Québec : Demande
d’émission de la signature numérique d’un membre de l’Ordre
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BIBLIOGRAPHIE
Références générales :
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une minute dans l’air du temps, 3-11 octobre 2003.
Juris-Classeur Notarial, Formulaire, Edition CD-Rom 2001.
La Semaine Juridique, édition Notariale et Immobilière, recueil CD-Rom 19951999.
Recueil Dalloz, 2000, édition CD-Rom.
Répertoire du Notariat Defrénois, recueil CD-Rom, 1990-2000.
Revue Communication-Commerce Electronique.
Revue Droit et Patrimoine.
Travaux réalisés
Université (ARNU):
dans
le
cadre
de
l’association
Rencontres
Notariat-
Modernité de l’authenticité, 2èmes rencontres Notariat-Université,
Universités Panthéon-Sorbonne (Paris I) et Panthéon-Assas (Paris II),
26 octobre 1992, compte-rendu publié aux Petites Affiches n° 77 du 28
juin 1993
Vers l’authenticité électronique, 10èmes rencontres NotariatUniversité, Chambre interdépartementale des notaires de Paris, 11
décembre 2000, compte-rendu publié aux Petites Affiches n°65 du 2
avril 2001.
Ouvrages généraux :
AUBRY, RAU, Cours de droit civil français, Litec, t. XII, 6e éd. par P.
ESMEIN, t. VI, 7e éd. par A. PONSARD et N. DEJEAN DE LA BATIE
BEUDANT, LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, Cours de droit civil français, t. IX,
2e éd. par LAGARDE et PERROT
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J. CARBONNIER, Droit civil : Thémis, t. 4, Les obligations, 12e éd
COLIN, CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, t. 2, 11e éd. par
M. JULLIOT DE LA MORANDIÈRE
J. FLOUR, J.L. AUBERT, Droit civil, Les obligations : vol. 1, L'acte juridique,
1986
GENY, Sciences et techniques en droit privé positif français, t. 3
GHESTIN, GOUBEAUX, Traité de droit civil : Introduction générale, 2e éd.,
L.G.D.J
D.GRILLET-PONTON, L’acte notarié : un nouveau souffle consumériste et
technologique, JCPN 2001, n°30-35
M. MARTY, P. RAYNAUD, Droit civil : t. 1, 2e éd
H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, éd. Montchrestien, t. 1, vol. 1, 6e
éd. par CHABAS, t. 2, vol. 1, 7e éd. par CHABAS, t. III, vol. 2, 5e éd. par DE
JUGLART
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GABOLDE
RIPERT, BOULANGER, Traité de droit civil : t. II, Les obligations, 1957
RIPERT, ROBLOT, Traité de droit commercial : t. 1, 11e éd., L.G.D.J
B. STARCK, Droit civil, Introduction : Litec
WEILL, TERRÉ, Droit civil : Les obligations, 4e éd., 1986
Etudes particulières et articles de doctrine réalisés autour de l’authenticité notariale
et de son adaptation aux nouvelles technologies de l’information :
A. ABOUKORIN, L'obligation de renseignement et le conseil dans l'exécution
des contrats : thèse Dijon, 1989
J. ALISSE, L'obligation de renseignement dans les contrats : thèse Paris,
1975
N. ARAUD, Le rescision pour lésion et le contrat aléatoire : thèse Toulouse,
1941
J.-L. AUBERT, Le droit pour le créancier d'agir en nullité des actes passés
par son débiteur : RTD civ. 1969, p. 692 s ; le formalisme, Defrénois 2000,
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BONJEAN, Le droit à l'information du consommateur in L'information en droit
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H. BOSVIEUX, Plaidoyer pour la rénovation de l’acte authentique, JCP N
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P. CATALA, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000,
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F. CHAMOUX, La loi du 12 juillet 1980 : une ouverture vers de nouveaux
moyens de preuve : J.C.P. 81NI, 266 s
C.CHARBONNEAU et F-J PANSIER, Commentaire du décret du 31 mars
2001 sur la signature électronique, Petites affiches, 6 avril 2001, n°69
COUTURIER, La confirmation des actes nuls, thèse Paris, 1969;
DECOTTIGNIES, L'erreur de droit : RTD civ. 1951, p. 309 s.
DE JUGLART, L'obligation de renseignement dans les contrats : RTD civ.
1945, p. 60 s.
DEMENTHON, Des contrats en la forme administrative : D. 1946, chr. 18
M. FABRE-MAGNA, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai
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J. GHESTIN, La réticence, le dol et l'erreur sur les qualités substantielles : D.
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M. GRIMALDI et B. REYNIS, L’acte authentique électronique, Defrénois
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HAUSER, Objectivisme et subjectivisme dans l'acte juridique : LGDJ 1971
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LAPEYRE, L'authenticité : J.C.P. 70GI, 2365
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LOHEAC, La reconstitution des registres de l'état civil par le procédé
photographique : J.C.P. 53, I, 1071
Ph. MALINVAUD, L'impossibilité de la preuve écrite : J.C.P. 73NI, 2463, De
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J-F PILLEBOUT et J. YAIGRE, Droit professionnel notarial, collection pratique
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PIZZIO, L'introduction à la notion de consommateur en droit français : D.
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J-P POISSON, Notaires et société, Travaux d’Histoire et de sociologie
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A. RAYNOUARD, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de
l’information et à la signature électronique, Defrénois, 30 mai 2000, art.
37174.
A. RAYNOUARD, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de
l’électronique, Défrénois 2003, n° 18, p 1117, art. 37806.
B.REYNIS, Signature électronique et acte authentique : le devoir d’inventer…,
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G. ROUZET, Précis de déontologie notariale, Collection Pratique notariale, éd.
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R. SAVATIER, Les métamorphoses économiques et sociales du droit civil
d'aujourd'hui : 3e éd. tome I, Dalloz
TOURNAFOND, Les prétendus concours d'actions et le contrat de vente
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B. VEAUX, Sélection des actions de l'acheteur : Contrats, conc., consom.
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VIATTE, La preuve des actes juridiques : Gaz. Pal. 1980, 2, doctr. 581
M. VION, Les modifications apportées au droit de la preuve par la loi du 12
juillet 1980 : Defrénois 1980, art. 32470, p. 1329 s.
G. VIVIEN, De l'erreur déterminante et substantielle : RTD civ. 1992, p. 305
s.
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Liens Internet:
Sites juridiques généralistes :
http://www.legifrance.gouv.fr
L’essentiel de la législation française
http://www.lex-electronica.org
http://www.juriscom.net
http://www.droit-ntic.com
http://www.actoba.com
http://www.laportedudroit.com
http://www.internet.gouv.fr/ et http://www.justice.gouv.fr/
http://www.assembleenationale.fr et http://www.senat.fr
http://www.lafirmadigital.org
Sites relatifs au Notariat et aux nouvelles technologies :
http://www.notaires.fr
Le site officiel du Conseil Supérieur du Notariat
http://www.congres-notaires.com Le site des Congrès des Notaires
http://www.france-notaire.com
Portail des notaires de France
http://www.jeune-notariat.com
Mouvement du Jeune Notariat
http://www.premier-ministre.gouv.fr Dossier technique et juridique concernant
les dispositifs de signatures électroniques
http://www.scssi.gouv.fr Services du Premier Ministre rattachés à la gestion
des procédés de signature électronique
http://www.intranot.fr Le site d’information notariale développé par le CRIDON
de Lyon
http://www.onb-france.com site de la SCP Grasset-De Benoist de la
Prunarède, Baillargues (Hérault), 1ère étude notariale certifiée à la norme ISO
9002, dont le site Internet est très fourni.
http://www.univtlse1.fr/recherche/colloques/2000/ContratElectronique/Reynis.html
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Intervention de Me Reynis, Président de la Chambre des Notaires de Paris
dans le cadre du colloque « LE CONTRAT ELECTRONIQUE » organisée le
vendredi 26 mai 2000 par la faculté des Sciences sociales de Toulouse 1
http://www.gip-recherche-justice.fr/dossiers/loipreuve.htm Rapport du groupe
de travail GIP sur la signature électronique
http://signelec.ifrance.com/signelec/ Site de Sofian Azzabi consacré à la
signature électronique
http://www.internet-juridique.net/cryptographie.html
Dossier
sommaire
expliquant les procédés de cryptographie et leurs réglementations spécifiques.
http://www.finances.gouv.fr/commerce_electronique/lorentz/forum.htm Rapport
du Ministère des Finances sur le commerce électronique et la certification des
échanges.
http://www.notaire.be/
Belgique
Le site de la fédération royale des notaires de
http://www.cdnq.org et http://www.notarius.net Sites de la
notaires du Québec et de l’Inforoute notariale québécoise.
http://www.cyberdoc.at
notariat autrichien.
Chambre
des
Le site du minutier central mis en œuvre par le
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Introduction
Lex est quod notamus1…
La pertinence contemporaine de cette maxime multiséculaire semble
aujourd’hui cristalliser toute l’effectivité sociale et juridique de l’institution notariale,
telle que développée dans les pays de tradition juridique romano-germanique :
En effet, à l’heure où les échanges économiques mondiaux sont
profondément bouleversés par l’utilisation des réseaux de télécommunication
(Internet, Intranets, contrats à distance…) et où la fiabilité technologique et
organisationnelle2 vise à remplacer peu à peu l’assistance éclairée du professionnelspécialiste, il apparaît que l’authenticité notariale originelle voie de fait une partie de
ses prérogatives traditionnelles remises en cause.
Ce rôle de témoin privilégié des parties, d’éclaireur avisé et responsable de
leurs engagements, en un mot de juge de la conciliation et d’authentificateur du
contrat accordé à l’officier public notarial, semble ainsi devoir recevoir une nouvelle
concurrence face à l’émergence récente des nouveaux modes de contractualisation
dématérialisés.
Ces derniers, le plus souvent d’inspiration anglo-saxonne, reposent
essentiellement sur une intégrité et une fiabilité formelles (garanties par les procédés
techniques les plus divers : cryptologie, signatures électroniques, usage de réseaux
fermés…), ou sur le recours à de nouveaux intermédiaires, « agents de confiance »
du contrat à distance plus que véritables arbitres, les tiers-certificateurs,
improprement qualifiés de « notaires électroniques ».
Faut-il pour autant « sacrifier l'authenticité à l'électronique » comme le
redoutait le Professeur P.Catala3 ? La question ne nous paraît pas absolument
d’actualité aujourd’hui tant les garanties de l’authenticité, que nous analyserons plus
avant dans cette étude, sont essentielles à plus d’un titre :
D’abord, au point de vue de la stabilité juridique et sociologique apportée,
l’acte authentique notarié se révèle comme un formidable vecteur de sécurité,
puisque moins d’un acte sur 2000 (soit 0,05 %) donne naissance à un contentieux.
La présence physique du notaire, manifestation de l’application de son devoir
de conseil, demeure donc toujours à l’heure actuelle un facteur essentiel de stabilité
juridique et de garantie du processus contractuel. Ce résultat tout à fait exceptionnel
1
« Ce que nous écrivons a force de loi » Devise du Notariat Latin.
On pensera aux procédures de normalisation, de certification.
3
P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, art. 37210, n° 18.
2
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se justifie à nos yeux tout autant par la force probante et la force exécutoire attachée
au titre authentique par la loi, que par les qualités intrinsèques du service notarial.
Me Jean-Marc Poisson4 a ainsi précisé les composantes d’un tel « label de qualité »,
qui résident essentiellement en « une écoute attentive des intentions de parties, un
conseil éclairé veillant à l’équilibre et à la légalité de la convention, une rédaction
précise et rigoureuse alliant les clauses spécialement adaptées et les formules
éprouvées, et enfin la signature par le notaire qui donne au contrat son caractère
définitif et lui confère l’authenticité immédiate ».
Ensuite, il apparaît que l’authenticité diffuse ses effets tant au plan de la paix
sociale (le notaire, officier public, veille à la légalité des actes qu’il identifie, en
garantit la légalité en engageant sa responsabilité et constitue un collecteur d’impôt
dont le rôle n’est pas négligeable), que sur les plans économiques, sociologiques
voire psychologiques (le rôle de médiation au sein de la structure familiale lors des
successions ou des partages n’est pas mesurable, mais il constitue souvent un
facteur d’apaisement déterminant dans la résolution des conflits).
Néanmoins, il nous semble indispensable de préciser que le Notariat latin
dans son ensemble ne peut dès à présent faire l’économie d’une réflexion
approfondie sur l’avenir de cette prérogative dont il est l’un des dépositaires au
même titre que les autres officiers publics (huissiers de justice, commissaires
priseurs, etc..), de ses modalités et de son efficacité à l’échelon international, et qu’il
se doit sans doute d’adapter aux exigences de la modernité.
C’est dans cette perspective que nous proposerons modestement une
contribution à la réflexion sur l’authenticité du XXIème siècle, déjà évoquée par
d’éminents auteurs, en s’interrogeant sur la pertinence d’une réception plus
intellectuelle de l’acte authentique, préfigurant sa dématérialisation. Car si ces
questions peuvent apparaître encore abstraites au praticien, ne doutons pas de leur
importance cruciale dans le futur, tant il paraîtra très certainement difficile d’imaginer
signer et conserver une minute sur papier d’ici quelques dizaines d’années, lorsque
l’écrit électronique sera totalement assimilé au papier, ou mieux au seul écrit en tant
que tel.
A cet égard, il conviendra de conserver à l’esprit tout au long de notre exposé
ces quatre questions formulées par le Professeur Catala dans sa perception de
l’authenticité notariale électronique :
« Qu’est ce qui est indispensable à l’authenticité ?
Qu’est-ce qui est incompatible avec le traitement électronique ?
Peut-on admettre des équivalents fonctionnels aux manuscrits ?
4
Me J-M Poisson, Modernité de l’authenticité : prospective, in ARNU 1992, préc., p 24.
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Peut-on renoncer à certaines solennités ou les transformer sans altérer
l’authenticité et amoindrir la foi de l’acte authentique ? »
C’est autour de ces enjeux majeurs pour la profession notariale, et plus
généralement, pour l’équilibre hiérarchique probatoire mis en œuvre par le Code civil
(au sommet duquel trône l’acte authentique), qu’il conviendra de s’interroger
successivement sur l’évolution et les perspectives de l’acte authentique dans le
milieu notarial (1ère partie), avant d’envisager ensuite la mise en œuvre pratique de la
forme électronique pour les actes notariés au sein de l’informatisation de la
profession (2ème partie) :
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Première partie : Evolution et perspectives
de l’acte authentique dans le milieu
notarial
« A côté des fonctionnaires qui concilient et qui jugent les
différends, la tranquillité appelle d’autres fonctionnaires,
qui, conseils désintéressés des parties, aussi bien que
rédacteurs impartiaux de leurs volontés, leur faisant
connaître toute l’étendue des obligations qu’elles
contractent, rédigeant ces engagements avec clarté, leur
donnant le caractère d’un acte authentique et la force d’un
jugement en dernier ressort, perpétuant leur souvenir et
conservant leur dépôt avec fidélité, empêchent les
différends de naître entre les hommes de bonne foi, et
enlèvent aux hommes cupides, avec l’espoir du succès,
l’envie d’élever une injuste contestation.
Ces conseils désintéressés, ces rédacteurs impartiaux,
cette espèce de juges volontaires qui obligent
irrévocablement les parties contractantes,
sont les notaires:
cette institution est le notariat. »
Conseiller d’Etat Réal,
prélude à l’exposé des motifs de la loi de Ventôse5
5
Sirey, Lois annotées, Vol. 1789-1830, p.623, note 2.
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I
nstrument juridique indissociable de l’officier ministériel, l’acte authentique s’est
révélé au fil des siècles comme un élément majeur de sécurité juridique sous l’effet
conjugué des solennités qui le caractérisent et de la qualité de son auteur (A).
En ce sens, la récente réforme du droit de la preuve visant à adapter les
différents modes probatoires à l’émergence des nouvelles technologies de
l’information s’attache à préserver pour l’essentiel les dispositions civiles jusqu’alors
en vigueur dans le droit positif, non sans laisser entrevoir de nombreuses incertitudes
sur l’authenticité du nouveau millénaire (B) :
A. L’acte authentique à travers son évolution dans le
milieu notarial :
1. Approche historique notariale : du Tabellion au cybernotaire
L’Histoire est, comme pour la plupart des sciences humaines, une source
intarissable d’éclaircissements sur la nature propre, mais aussi sur l’évolution des
phénomènes et structures juridiques. C’est à cet égard à l’ombre de son déroulement
qu’il conviendra d’appréhender la naissance et l’essor de l’authenticité notariale.
Dans cette perspective, il s’agira de relever, au fil des siècles, l’émergence
des différents critères constitutifs de l’acte authentique, en tant que dispositif de
preuve préconstituée, pérenne, irréfragable et exécutoire selon l’analyse judicieuse
d’un auteur6.
1.2 Le scribe antique, témoin privilégié de l’accord des volontés :
Il faut rechercher l’origine de l’authenticité notariale au plus profond de
l’Histoire humaine, dans la mesure où, très tôt, les peuples antiques se sont efforcés
de recourir à un arbitrage solennel, incarné par un témoin prenant un caractère plus
ou moins officiel, au mieux une qualité d’arbitre.
Pour autant, les premiers récits bibliques ne témoignent que timidement du
souci d’un recours efficace à un juge de la conciliation : seules demeurent en place,
tout au long de ces périodes, des coutumes précaires, éparses et hétéroclites telles
6
Alain Moreau, L’histoire de l’authenticité, Deuxièmes rencontres Notariat-Université, Petites Affiches du 28
juin 1993, n°77.
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que l’échange de vêtements opéré en public7 ou la conservation des documents par
la mise en jarre.
Au delà de cette diversité, le développement des civilisations s’accompagne
toutefois de nouvelles exigences : ainsi, l’apparition des premiers systèmes
d’écritures cunéiformes, symbolisée par le code d’Hammourabi en Mésopotamie
(dont on situe l’origine à environ 1730 avant J-C.) aura t-elle largement contribué
dans le bassin Méditerranéen à l’émergence sociale des scribes, témoins privilégiés
officiant dans les temples.
Ces lointains ancêtres des notaires sont nécessairement des érudits car ils
doivent choisir et trier parmi les milliers de possibilités de sens offertes par les
quelques 500 signes à valeurs pluri-syllabiques de l’écriture babylonienne ou
assyrienne. Par ailleurs, ils disposent déjà de prérogatives nettement développées
pour l’époque telles que l’apposition d’un cachet sur leurs actes, qui seront gravés
dans l’argile de leurs tablettes encore humides. Ces dernières seront ensuite
séchées au soleil et cuites au four avec, dès cette époque et selon les lieux, la
possibilité d’un affichage public pour en informer les tiers.
La brillante civilisation égyptienne devait poursuivre ce cheminement en
faisant profiter les scribes en place des évolutions techniques parmi lesquelles
l’apparition du papyrus et du calame marquent un tournant majeur. La qualité de
témoin privilégié reconnue au scribe demeure pourtant aux vues des actes de droit
privé de l’époque, de valeurs et de contenus assez inégaux8.
La nécessité de conférer un nouveau rôle de « juge du contrat » au scribe ne
se manifestera donc qu’à travers la pérennité de la civilisation grecque antique, au
sein de laquelle les philosophes bâtirent les premières fondations de l’Etat de droit
démocratique et moderne, dans un contexte juridique profondément bouleversé par
l’apparition de l’alphabet (dès le 11ème siècle avant J-C.):
C’est en effet au cours de cette période que la véritable préoccupation de
sécurité juridique des transactions privées s’est matérialisée, sous la plume
notamment d’Aristote :
«Une autre magistrature procède obligatoirement à l’enregistrement des contrats
privés.»9
De plus, c’est dans la force donnée aux actes dressés par ce nouveau juge du
contrat qu’il faut rechercher l’évolution capitale : en effet, il est alors préconisé que
l’acte fasse foi par lui-même à l’égard des parties comme des tiers, et nonobstant
tout témoignage contraire de nature à en contester la véracité.
Il s’agit là, à nos yeux, d’un pas décisif dans la reconnaissance de
l’authenticité véritable puisque les notions de force probante et de force exécutoire y
sont nécessairement contenues en germes : c’est le document en tant que tel, c’està-dire, fiable par nature et par la qualité de son rédacteur qui se voit conférer une
7
Genèse, Ruth, Jérémie.
Voir en ce sens la Galerie du Musée du Caire ainsi que la collection égyptienne du Louvre.
9
Politique, livre VI, Chapitre 7.
8
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valeur probatoire supérieure ; cette même qualité de juge du contrat assurant en
outre les parties de la force de chose jugée.
Pour autant, l’effectivité de telles aspirations requerrait inévitablement la mise
en place de dispositifs fiables de conservation des documents. L’instauration de
registres officiels tenus par des professionnels relatant notamment les différents
transferts immobiliers en est un exemple majeur: la publicité foncière, si essentielle
encore aujourd’hui à l’information et à la sécurité des tiers, était née…
La Rome Antique devait, en cette matière comme pour beaucoup d’autres
structures et modèles d’organisations sociales, s’inspirer largement du modèle Grec
pour le moderniser… sur le tard :
Les écrits de droit privé étaient tout d’abord rédigés par des notarii, esclaves
ou affranchis, dont la qualité première était de retranscrire au plus vite les désirs des
parties, en s’aidant notamment d’une sorte de sténographie dénommé « notes
tironiennes » du nom de son inventeur Tiron, notaire et grammairien. L’intervention
des véritables juristes dans la rédaction ne se faisait alors que ponctuellement, au
gré des difficultés rencontrées.10 Il fallut ainsi attendre l’Empire et le développement
économique et technique qui l’accompagna pour retrouver la primauté de l’écrit sur le
témoignage, évoquée plus haut.
Sur le plan du droit public, l’héritage politique Grec devait ensuite constituer le
terreau de l’ émergence du Tabellion11 romain (du nom des tablettes de cire ou
tabellae utilisées à l’origine pour noter), rédacteur d’actes publics sur le forum.
Si, à l’origine, il établit des testaments, contrats et requêtes à l’Empereur, ce
personnage représente en réalité la vox populi ou plutôt l’audio populo au sens le
plus brut du terme dans la mesure où son témoignage n’atteste de la vérité des faits
qu’après reconnaissance préalable de son écriture (on pense ici aux prémices de la
procédure de dépôt d’un acte sous-seings privés au rang des minutes d’un notaire
avec reconnaissance d’écriture et de signature). Pour autant, il demeure un officier
public12 au sens strict du terme sans se voir reconnaître la qualité de fonctionnaire de
l’Empire, ce qui le rapproche encore un peu plus du notaire actuel.
Il ne s’agit toutefois nullement en la matière de conférer une quelconque force
directe aux actes signés par les tabellions dans ces circonstances, car le seul
caractère public de l’acte suffisait à obtenir sa publication auprès des archives
publiques où, après la procédure judiciaire de l’ « insinuato »13 le caractère
authentique leur était reconnu (on parle alors de la « fides publica », reprise en droit
espagnol sous l’appellation « fe publica »). A l’issue de la procédure, il était enfin
procédé à la délivrance d’expéditions par le greffier (procédure d’ « editio »).
Peu à peu néanmoins, sous l’influence successive des Empereurs Constantin
et Léon, la notion d’ « instrumentum publice confectum » apparaît comme devant
être réservée aux seuls officiers publics, et se voit reconnaître outre la pleine fides
10
Cicéron, De Oratore..
J. Michot, Origines du notariat, Paris 1878, t. I, p. 57, 132, 278 s.
12
La Constitution de Constantin de 316 parle d’ « officia tabellionum ».
13
Sur la procédure d’ insinuato, cf. Alain Moreau, L’histoire de l’authenticité, préc. , p 6
11
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publica évoquée plus haut, une prédominance sur les actes privés notamment en
matière hypothécaire14.
Signalons enfin l’influence de l’Empereur Justinien qui, dans les années 530,
prit le parti de réglementer plus précisément la fonction de tabellion dans l’Empire
romain d’Orient : ainsi, dans une novelle n°44 intitulée « Au sujet des tabellions »,
exige t-il la présence physique effective de ce dernier lors de la passation des actes
(condition centrale de l’authenticité actuelle comme nous l’étudierons plus loin15), et
permet-il la délégation de son autorité à un substitut (prélude à l’habilitation des
clercs actuellement en vigueur).
A défaut de celui d’authentificateur le rôle originaire de témoin privilégié du
notaire est consacré…
1.3 Du notaire féodal à la loi de Ventôse :
La chute de Rome devait laisser place, quelques siècles plus tard, au monde
carolingien au sein duquel les notaires se voient confortés dans leur rôle de juges
des contrats (« judices cartulari »16), même si l’effectivité de leurs actes demeure
ténue et leurs statuts extrêmement hétérogènes : notaires royaux, seigneuriaux,
ecclésiastiques et municipaux cohabitent, non sans mal.
Leurs compétences respectives apparaissent à cet égard fluctuantes : selon
un auteur, on peut véritablement parler d’authenticité à deux vitesses17, puisque les
actes des notaires seigneuriaux ne sont exécutables que dans le ressort où
l’authenticité de leur sceau est reconnue, alors que les notaires royaux , munis du
sceau royal, voient leur compétence territoriale élargie à l’ensemble du Royaume.
Pourtant, à la faveur de la renaissance italienne et de la création des
premières universités de droit romain, l’ars notariae18 émerge d’abord peu à peu et
fait l’objet de débats passionnés entre universitaires. La procédure de « confessio in
jure » directement héritée du droit romain laisse d’ailleurs une place plus
conséquente au seul notaire, qu’il détienne la double-qualité de juge ou qu’il ait été
investi à cet effet par le souverain.
Le monde ecclésiastique devait ensuite également jouer un rôle
primordial dans la persistance, certes contrariée, de l’authenticité notariale à cette
époque : soucieuse de se dégager de procédures judiciaires sommaires, l’Eglise
favorise dès le 13ème siècle le recours à la preuve écrite lors du concile de Latran
(1215) en droit canon. Signalons encore l’apport décisif du Pape Alexandre III
(pontificat de 1159 à 1181), ancien éminent juriste de la faculté de droit romain de
Bologne, dans cette résurgence des principes de Rome au sein de siècles
tourmentés par les conflits les plus divers et la mise en place de la féodalité : ce
dernier promulgue en effet une décrétale « scripta autentica » en 1167, qui précise
14
Constitution de Léon, 414.
Cf. infra. I, 2.3
16
Formule de « juge cartulaire » reprise plus tard par Loiseau, Cinq livres du droit des offices (1613).
17
Alain Moreau citant Ferrière, précité, p 6.
18
Ars notariae, du nom notamment de l’ouvrage de Rainier de Perouge qui sera très influent en Europe.
15
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que doit être considéré comme authentique le titre établi par la « manus publica »,
c’est-à-dire par le notaire.
Dans le prolongement de ce double mouvement, les différents souverains
européens de l’époque, à l’exception de l’Angleterre19, entreprennent de
s’accompagner de véritables « authentificateurs », mais dont les fonctions ne seront
que très tardivement unifiées :
Dans le Sud de la France, les notaires publics, favorisés par l’implantation des
premières universités de droit romain de Montpellier, Toulouse, Orléans et Aix-enProvence, sont régis par une ordonnance de Philippe IV Le Bel datant de 1304 et
assurent le rôle véritable d’authentification.
Au Nord au contraire, c’est la confusion qui règnera dans l’organisation
notariale, jusqu’à l’émergence d’un statut unitaire symbolisé par l’autonomie acquise
par les notaires du Châtelet en 1270 sous l’impulsion de Saint-Louis20. Cette
avancée significative ne se fait pas sans concession : les notaires du Châtelet ne
pouvaient instrumenter en dehors de ce lieu21 et devaient nécessairement faire
apposer le sceau du Châtelet par un magistrat pour conférer à leurs actes un
caractère authentique (on pense à un retour à la procédure d’insinuato romaine
évoquée plus haut).
L’étape décisive ne sera finalement franchie qu’au 16ème siècle sous
l’impulsion de deux monarques restés célèbres dans l’Histoire de France : François
Ier et Henri IV ; le premier instituant d’une part le tabellionnage au siège des
juridictions, « pouvant seul grossoyer, garde scels et autres », et le second achevant
d’unifier le notariat en une institution royale (édit de 1597). Parallèlement, la
réalisation et la conservation des minutes est progressivement réglementée par des
ordonnances royales successives (on pense à celle de Charles VII en 1437 jusqu’à
celle célèbre de Villers-Cotterêts de 1539 qui impose l’usage du français dans les
écrits), et deux édits de Louis XIV achèveront au siècle suivant de conférer un
monopole aux notaires royaux, en abrogeant l’activité des gardes scels.
L’authenticité accordée aux actes de ces nouveaux juges du consensuel est
alors pleinement couronnée :
« L’instrument public est un acte ou contrat reçu par personnes publiques
comme sont les notaires, tabellions, greffiers et autres.
De tels actes font foy pourvu qu’ils soient signés par celuiz qui les expédie et
par les parties en leurs originaux suivant les ordonnances »22
La période révolutionnaire, à l’origine de laquelle les notaires devaient être les
incontournables rédacteurs des cahiers de doléances23, allait appeler une profonde
réforme d’une profession victime de multiples dérives à la fin de l’Ancien Régime,
19
Un concile de l’Eglise d’Angleterre réuni en 1237 pose le prince selon lequel les notaires n’existent pas
(« publici notarii non existunt »)
20
V. de Boüard, Étude diplomatique sur les actes des notaires de Paris
21
Un arrêt du Parlement de Paris pris en 1303 ordonne la destruction d’un acte passé hors du Châtelet.
22
Ferrière, Introduction à la pratique, édition 1709.
23
J.-L. Magnan, Le notaire et la révolution française, Montauban 1952.
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telles que le nombre excessif de notaires nommés, l’incompétence notoire de
certains d’entre eux, ou encore l’absence de conservation satisfaisante des actes.
Les autorités de l’époque en effet prirent soin de doter d’un statut fortement
inspiré des aspirations civilistes de l’époque (Pothier avait dès 177724, dessiné les
contours des futurs articles du Code civil).
La loi des 1er, 20 et 29 septembre et 6 octobre 1791 marqua d’abord une
première étape décisive en reprenant d’une part la nécessité du caractère
authentique des actes établis par des « certificateurs de contrats, attestant la vérité
et consacrant la date », et en instituant d’autre part de façon novatrice le devoir de
conseil pesant sur ces notaires publics (art. 1er et 2, section 2, loi 1791).
Cette dernière catégorie unifiée de notaires rassemble tous les statuts
hétéroclites de l’ancien droit, et est soumise à une dévolution non héréditaire de la
charge, qui ne dépend plus des Tribunaux mais du Ministère de la Justice (Loi du 19
brumaire an IV, 10 nov. 1795). Pour autant, les difficultés politiques de la période ne
facilitèrent pas l’effectivité réelle de cette réforme, qui devait attendre un retour à la
stabilité pour être relancée et constituer le socle du notariat moderne.
1.4 L’authenticité notariale moderne: l’émergence du conseiller
responsable
La loi du 25 Ventôse an XI (16 mars 1803) est encore aujourd’hui le texte
fondateur véritable du notariat moderne, même si seulement 6 des 69 articles sont
encore littéralement en vigueur.
Présentée sous forme de statuts, cette loi régit dans son Titre 1er les fonctions
du notaire et les actes notariés, dans son Titre 2ème le régime du notariat (accès aux
fonctions, conservation et transmission des minutes, nombre de notaires et
réglementation disciplinaire interne de la profession…), et enfin dans un dernier Titre
3ème les dispositions transitoires.
L’authenticité est pleinement reconnue dans l’article 1er, qui dispose que l’acte
notarié comporte « le caractère de l’authenticité attaché aux actes de l’autorité
publique », mais cette consécration suppose alors la réception de l’acte par deux
notaires ou d’un notaire assisté de deux témoins (art.9).
Il convient de relever toutefois que deux éléments majeurs de l’authenticité
notariale moderne manquaient à cette charte fondatrice, et l’émergence ultérieure
devait véritablement bouleverser les pratiques de la profession et la portée du
caractère authentique conféré aux actes : il s’agit du devoir de conseil d’une part, et
de la responsabilité professionnelle notariale d’autre part.
En ce qui concerne le devoir de conseil25 d’abord envisagé, la jurisprudence
postérieure à la loi s’est attachée à reprendre les propos originaires du conseiller
Réal26 pour attribuer au notaire une mission nouvelle « d’éclairage des parties sur la
teneur et la portée de leurs engagements ». Il faut cependant attendre plus d’un
siècle pour que la solution devienne définitive et que la Haute Juridiction retienne
24
Traité des obligations, 1777.
Voir sur ce point : G.Rouzet, le devoir de conseil du notaire, préc.
26
Conseiller d’Etat Réal, prélude à l’exposé des motifs de la loi de Ventôse, préc.
25
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que « les notaires ont également pour mission de renseigner leurs clients sur les
conséquences des engagements qu'ils contractent »27.
De témoin privilégié, le notaire devient le conseiller à part entière des parties,
le guide de leur cheminement contractuel.
Le principe d’une responsabilité professionnelle fut lui aussi peu abordé par le
texte de Ventôse28 : malgré les sanctions disciplinaires qu’il prévoyait, l’attribution de
dommages et intérêts n’était prévue qu’à titre exceptionnel, en cas de faute lourde ou
dolosive29 du rédacteur de l’acte. Cette conception très tranchée avec l’importance
capitale qu’a prise ce principe à l’époque contemporaine s’explique par le fait que,
pour la doctrine du 19ème siècle, ce sont les parties qui devaient pâtir « d’avoir choisi
un notaire ignorant ou inattentif… »30.
Néanmoins, certains Tribunaux ont progressivement admis que la
responsabilité du notaire pour défaut de conseil donné puisse être engagée sur des
fondements d’abord implicites (comme la reconnaissance d’un mandat tacite donné
par le client : Cass. 27 janv. 1812 : S. 12-14, 1, 14), puis légaux (Cass., 3 août 1858 :
S. 1858, 1, 817).
Le rôle du notaire prit encore dans cette découverte une nouvelle dimension
dans la mesure où l’officier public se voyait contraint à assumer, autant que les
parties en présence, les conséquences des actes dont il était lui aussi signataire.
Les retouches apportées par le législateur à ce socle post-révolutionnaire
revisité par la jurisprudence ne furent dès lors que formelles au regard de la notion
d’authenticité qui nous intéresse. Cependant, elles contribuèrent à la résurgence
d’un certain formalisme (entrevu dès le Moyen-Age) ainsi qu’à l’acquisition d’une
importance économique et sociale conséquente jusqu’à aujourd’hui:
Etablis par un notaire nouvellement qualifié d’« officier public » par l’art.1er de
l’ordonnance du 2 Novembre 1945 (la loi de Ventôse faisant jusqu’alors
maladroitement référence à un « fonctionnaire public »), les actes authentiques
notariés se voient en particulier conférer un monopole essentiel par la réforme de la
publicité foncière de 1955, qui impose la forme authentique pour tout acte soumis à
publication au bureau des hypothèques (art.4 du Décret du 4 janvier 1955).
Ensuite, le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 devait surtout réglementer
les différentes modalités et mentions applicables aux actes notariés (qualité et format
du papier31, réglementation des blancs32 et renvois33, etc…), ainsi que leur forme
(l’art. 13 distingue les minutes des actes publiables sous forme de brevets).
Ce mouvement formaliste amorcé après-guerre se poursuit encore aujourd’hui
largement dans le domaine notarial : la réforme du contenu des copies exécutoires
dans le cadre de la transmission des créances34, ou la très récente loi SRU qui
impose un délai de réflexion à l’acquéreur d’un bien immobilier lors de la signature du
27
Sur ce point, voir Cass. civ., 21 juill. 1921 : DP 1925, 1, p. 29
malgré les vœux formulés par son initiateur, cf. Conseiller d’Etat Réal, préc.
29
Art.68, Loi de Ventôse, préc.
30
A.-J. Masse, Le parfait notaire ou la science des notaires, Paris 1827, cité par J.M Pillebout, Historique du
Notariat, Jurisclasseur notarial, ed. 2000, fasc. 10, n° 18.
31
Art.7, al.1er du Décret du 26 Novembre 1971, préc.
32
Art.7, al.3 du Décret, préc.
33
Art. 9, al.1er du Décret, préc.
34
Loi du 15 juin 1976, JO du 16 juin 1976, qui fait référence aux formalités du célèbre art. 1690 civ.
28
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titre authentique sont autant d’exemples du souci de parfaire la sécurité juridique des
actes conclus devant notaire35.
Mais du scribe antique au conseil éclairé et responsable des parties, le notaire
a t-il véritablement achevé sa mutation à l’heure où le support numérique fait son
apparition dans le droit de la preuve ?
Pour s’en convaincre, il convient au préalable d’analyser plus avant la notion
d’acte authentique en droit positif pour comprendre ses atouts et ses limites face au
nouveau formalisme électronique.
2. Notion d’acte authentique notarié :
2.1 Fondements de l’authenticité : le rôle du Notaire
Le contexte historique à l’origine du besoin d’authenticité, dont il vient d’être
fait brièvement état, trouve des échos dans l’organisation de la société
contemporaine :
Dans une étude approfondie36, Lapeyre relève que c’est le contrat en tant
qu’expression de « l’initiative privée » qui, par sa souplesse, doit suppléer le
processus étatique de création du droit dans de nombreux domaines.
Le simple accord des volontés n’est ainsi pas suffisant à ses yeux pour
garantir la sécurité des parties : face à la complexité accrue des réglementations et à
l’inflation chronique des textes, il apparaît que le recours à un conseiller au sens le
plus noble du terme37, spécialiste de la matière de surcroît, soit indispensable.
La qualité de témoin38 attribué à ce recours est un premier élément salvateur :
« Le témoin par sa seule présence, a un rôle moralisateur, il freine l’agressivité des
intérêts, il empêche la violence ».
Pour autant, les impératifs de transcription dans la langue juridique tout
comme ceux d’éclairage sur la valeur et la portée desdits engagements contractés
ne peuvent occulter d’autres qualités nécessaires à ce tiers :
Il se pose d’abord également en arbitre,
« gardien de la cause des contrats, c’est-à-dire de la contrepartie, autrement dit de
l’équilibre et par conséquent de l’équité »
Et en cela, il reçoit l’autorité nécessaire de la puissance publique39 sous la
forme du serment prêté devant le Tribunal, mais conserve sa liberté40 dans le choix
des moyens pour accomplir cette mission de service public (le statut de profession
35
Loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000, art. 72 (appelé à entrer en vigueur au 1er juin
2001).
36
Lapeyre, L’authenticité, JCP 1970, I, 2365.
37
L’auteur parle « de guide, de passeur », préc.
38
Sur l’apparition du rôle de témoin privilégié au travers du scribe, Cf. supra. I, 1.1
39
Lapeyre, préc., n°13
40
Lapeyre, préc., n°12
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libérale préféré au fonctionnariat en est l’exemple le plus éloquent malgré des
tentatives de réformes successives).
Cette analyse pertinente et mesurée du notaire en droit positif nous semble
devoir retenir l’adhésion, dans la mesure où elle préfigure du rayon d’action de l’acte
authentique notarié. Pour autant elle appelle deux mises en garde que l’auteur ne
manque pas de soulever :
En premier lieu, la dérive d’un officier public rendu tout puissant par un
désengagement excessif de la puissance publique, et dans un souci d’effectivité
accrue de l’authenticité, est dénoncée. Ce retour à une autonomie du droit
contractuel, d’ailleurs réfuté par de nombreux auteurs41, présente le risque majeur de
conduire à un arbitraire peu sécurisant pour les parties, et menace le nécessaire
équilibre sus-évoqué. Prolongeant son propos dans un autre article, Lapeyre y voyait
ainsi un excès du « libéralisme, qui enlève les prérogatives de la mission de l’arbitre
et la discrédite comme trop contraignante »42.
Une autre attitude fâcheuse serait ensuite de sacrifier, au prix du « culte du
monopole de l’authenticité »43, l’évolution nécessaire de la notion d’acte authentique
et son adaptation aux enjeux de la société contemporaine, tels que l’apparition des
nouvelles technologies de l’information. Car s’il apparaît essentiel que ce conseiller
qu’incarne l’officier public dispose d’une assise conséquente et incontestable quant à
la valeur qu’il donne à ses actes, cela n’est nullement exclusif de son obligation
d’adapter leurs portées aux vœux et intérêts des parties, tels qu’exprimés dans un
contexte social et économique précis. Ce processus suppose dès lors, outre une
écoute attentive et éclairée, une mise à jour régulière des connaissances et un travail
d’analyse approfondi de chaque situation, pouvant conduire à des remises en
question sur la pratique notariale quotidienne. Tel est d’ailleurs l’objet du devoir de
conseil qui transparaît en filigrane tout au long du travail et qui suppose, selon une
définition classiquement retenue par les Tribunaux que le professionnel s’informe des
besoins réels de son client pour lui proposer les meilleures options possibles tant sur
les plans juridiques que patrimoniaux, fiscaux, économiques ou sociaux.
Le caractère authentique s’exprime donc dans un contexte complexe et
fluctuant où il doit se muer en juste équilibre entre l’ordre légal et l’intérêt des parties
en présence.
2.2 Définition de l’authenticité :
Etymologiquement, l’adjectif authentique désigne sans le langage courant « ce
qui est vrai, dont on ne peut contester la véracité », par opposition à ce qui est
faux44. Mais la racine grecque du mot (authentikos) ajoute un
41
Jean-Michel Olivier, L’authenticité en droit positif français, in Modernité de l’authenticité, Rencontres
Notariat-Université 1992, préc., p 13.
42
Lapeyre, « De l’authenticité », ouvrage publié par le syndicat national des notaires, avril 1982, p 13.
43
Formule de Jean-Louis Magnan, in « Le notariat et le monde moderne », LGDJ 1979, p 161 et s.
44
Définition extraite du Petit Larousse.
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élément supplémentaire à la notion : le titre authentique est celui qui agit par luimême, de sa propre autorité et par sa seule nature intrinsèque45.
Sur le plan juridique, le Code Civil donne une définition claire de l’acte
authentique dans son art. 1317 :
« L'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le
droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les
solennités requises.
Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé
dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
L’acte considéré correspond alors à un procédé de preuve préconstituée
(instrumentum, support matériel de l’accord de volonté (negotium).
2.2.1 Conditions de l’authenticité:
La lecture de l’art. 1317 civ. précité oblige à considérer trois conditions
majeures pour qu’un acte juridique puisse se voir attribuer le caractère authentique.
Ledit acte doit correspondre à un titre dressé par un officier public (2.2.1.1), qui doit
disposer de la compétence nécessaire (2.2.1.2), et respecter les solennités requises
(2.2.1.3).
Il conviendra de détailler successivement ces trois éléments constitutifs :
2.2.1.1 Titre établi par un officier public :
Cette première condition apparaît comme essentielle dans la définition
précitée en vertu du crédit qui est conféré par la puissance publique à ces
personnes, du fait des conditions préalables à leur nomination d’une part (« les
arbitres ont été sélectionnés »)46 et de l’absence d’intérêt personnel aux actes reçus
d’autre part (l’interdiction d’instrumenter pour son propre compte ou celui des
membres de sa famille, lourdement sanctionnée civilement et pénalement, en est
l’exemple le plus frappant47).
2.2.1.1.1 Présence d’un titre :
L’apposition du caractère authentique requiert au préalable l’élaboration d’un
titre pouvant prendre trois formes différentes :
Les formes du titre authentique
45
L’adjectif authentique est un composé de « auto » et « hentès », qui réalise, achève. Sur ce point, voir Jean
Yaigre et JF Pillebout, Droit professionnel notarial, cinquième édition, pratique notariale, ed. Litec, N° 174.
46
Lapeyre, l’authenticité, préc.
47
Cf. Danielle Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. A-5, n°6
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L’acte peut d’abord avoir un caractère administratif s’il émane d’une autorité
de droit public qui agit dans les ressorts de compétence d’attribution et de
compétence territoriale qui lui sont alloués. A cet effet, il est curieux de relever qu’en
cas de titre dressé au delà de ces attributions, la doctrine ne retient la dénaturation
de l’acte authentique en sous seing privé prévue aux termes de l’art. 1318 civ. que
pour la seule incompétence d’attribution48, alors que la lettre de l’article ne fait
aucune distinction.
En second lieu, le titre authentique peut prendre la forme d’un acte judiciaire
ou extra-judiciaire. Il s’agit d’abord de tous les actes dressés par le juge dans
l’exercice de ses fonctions, au premier rang desquels les jugements émanant de tous
types de juridictions49. Mais différents actes de procédure acquièrent également le
caractère authentique tels que les rapports d’expertise établis en vertu d’une
délégation de justice, les actes établis par les greffiers dans les limites de leurs
compétences, ainsi que les exploits d’huissiers50 (sauf dans le cas où ils constatent
l’existence d’une convention51).
Enfin, il est une dernière catégorie d’actes dressés par un officier public à
l’initiative des parties, dans le but de faire constater un acte ou un fait juridique, et qui
sont dénommés actes de juridiction volontaire. C’est dans ce domaine que s’exerce
le monopole notarial, même s’il peut rencontrer une concurrence ponctuelle du fait
des actes dressés par les agents diplomatiques et consulaires d’une part (mais qui
exercent en réalité des compétences purement notariales), ou d’autre part des actes
de constatation dressés soit par huissier52, soit par le juge de la mise en état dans le
cadre d’un procès-verbal53.
Les formes du titre notarié :
Dans le cadre des actes notariés, il faut ensuite distinguer plus spécifiquement
deux formes de titres authentiques :
La rédaction en minute demeure d’abord le principe général applicable à
l ‘ensemble des contrats synallagmatiques54 et actes solennels55. Ce terme désigne
l’original de l’acte signé par les parties et le notaire, qui sera conservé par ce dernier
à charge pour lui d’en délivrer des copies, extraits, expéditions ou copies
exécutoires56.
Pour autant, il existe une seconde forme de rédaction de l’acte authentique
notarié, dite en brevet : dans cette hypothèse, le titre original est remis aux parties à
titre exceptionnel. Il s’agit d’hypothèses particulières expressément énumérées par la
loi, pour lesquelles la déclaration de volonté a souvent une valeur unilatérale ou
48
Aubry et Rau, Cours de droit civil français, Litec, § 755, texte p. 149 et note 99
Cf. art 457 NCPC sur la force exécutoire authentique des jugements.
50
Cass. soc. 25 juill. 1932 : S. 1933, 1, 8
51
Pour le cas d’une promesse de vente : cf. Civ. 1ère, 19 février 1991, Bull.civ.I, n°65.
52
Cass. soc. 23 janv. 1953 : D. 1953, 402.
53
Art. 768 NCPC cité par D. Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. A-5, n°17
54
Art.13 du décret du 26 novembre 1971, préc.
55
Art. 9-1° et 2° de la Loi du 25 ventôse an XI, préc.
56
Sur la copie exécutoire, cf. infra 2.2.2.3.
49
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relative (en tant qu’annexée à une minute par exemple). Ainsi, les « actes
simples 57» tels que « actes de suscription des testaments mystiques, certificats de
vie, procurations, actes de notoriété, quittances de fermages, de loyers, d'arrérages
de pensions et de rentes » sont concernés.
Notons pour le surplus qu’il est loisible au dépositaire d’un acte en brevet d’en
assurer la conservation efficace par la procédure de dépôt au rang des minutes d’un
notaire. Un acte de dépôt spécifique sera alors dressé (art. 854 du Code Général des
Impôts).
2.2.1.1.2 Diversité des officiers publics
Si la présente étude se focalise sur l’acte dressé par le seul notaire, il ne faut
toutefois pas oublier que le législateur a conféré la qualité d’officier public à différents
autres agents de droit public comme de droit privé :
Dans la sphère publique, les préfets, sous-préfets, maires et adjoints, dans
l'exercice de leurs fonctions, ont la possibilité de dresser des actes administratifs
prenant le caractère authentique dans les limites de leurs attributions et de leurs
ressorts : ainsi, l’art L. 76 du Code du domaine de l'État dispose que « les préfets
reçoivent les actes intéressant le domaine privé immobilier de l'Etat, confèrent à ces
actes l'authenticité et en assurent la conservation » 58 et l'article 98 de la loi du 2
mars 1982 (n° 82-213) établit une disposition analogue au profit du maire dans sa
commune, en lui laissant néanmoins la possibilité de faire appel subsidiairement aux
services d’un notaire59.
Dans le cadre du droit privé ensuite, il convient de citer, outre les actes établis
par les juges et experts judiciaires sus-évoqués, ceux élaborés par les officiers de
l'état civil, les notaires, les agents diplomatiques et consulaires exerçant les
attributions notariales, les greffiers et secrétaires-greffiers, les huissiers de justice et
les commissaires-priseurs.
2.2.1.1.3 Délégation de pouvoirs :
Le législateur a prévu différentes procédures destinées à soulager la tâche
des officiers publics en leur permettant de déléguer une partie de leur autorité à des
subordonnés tout en préservant l’apposition du caractère authentique aux actes.
Le strict respect des mécanismes d’habilitation et des conditions légales de
son exercice s’impose encore ici sous peine d’un affaiblissement probatoire. En vertu
des dispositions de l’art.1318 civ., c’est le retour du titre à la valeur sous seing privé
qui constitue la sanction. Selon cet article en effet :
« L'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité
de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il
a été signé des parties. »
57
Art.13 du décret du 26 novembre 1971, préc.
V. Dementhon, Des contrats en la forme administrative, D. 1946, chr. 18
59
aux termes d’une réponse ministérielle claire: JOAN Q, 15 juill. 1991, p. 2798
58
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Ainsi, le document reçu par un clerc, hors la présence du notaire qui l'aurait
signé postérieurement60, a t-il fait l’objet de disqualification au même titre que l’acte
dressé par un notaire mais non signé par lui61.
Pour autant, il convient de distinguer deux formes majeures de délégation de
l’autorité publique, qui témoignent de deux types de fonctionnement de la délégation
de puissance publique :
Dans le domaine public, la procédure d’habilitation des officiers de l’état civil
par le maire régie par l’article 6, 1er, 2e et 3e alinéas, du décret n. 62-921 du 9 août
1962, autorise le premier magistrat de la commune à conférer la faculté d’authentifier
les actes dressés par son subordonné sans pour autant que l’apposition de la propre
signature du délégant sur lesdits actes soit nécessaire.
Cette délégation initiale prend la forme d’un arrêté municipal qui n’engage que
le seul maire délégant, et est soumise à un double contrôle, à savoir : auprès de la
préfecture (contrôle classique de légalité) et auprès du Procureur de la République
près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la commune
intéressée.
L’habilitation des clercs dans la profession notariale témoigne quant à elle
d’une autre forme d’habilitation, décidée très tôt62 : réformée par l’art. 18 de la loi du
25 juin 1973, cette procédure ne permet au notaire que de déléguer au clerc « les
fonctions de lecture des actes et des lois, et de lui permettre de recueillir les
signatures des parties »63.
La signature de l’officier public demeure donc indispensable dans ces
circonstances à l’authentification de l’acte, et ne peut parler de délégation de
signature comme il a été évoqué plus haut pour l’officier d’état civil, mais plutôt d’une
délégation partielle de compétence. Cette pratique est d’ailleurs parfaitement
compréhensible au regard de l’étendue de la responsabilité notariale qui doit
associer de façon indiscutable le notaire à l’acte qu’il produit et dont il assure la
sécurité juridique.
A cette relativité des pouvoirs qu’il est possible de conférer au clerc s’ajoute
une double subsidiarité qui accentue la précarité de l’écran de fumée qui dissimule
l’officier public : ce dernier est d’abord en effet parfaitement libre d’habiliter ou pas un
ou plusieurs de ses clercs (contrairement au maire qui ne peut pratiquement se
passer des services d’un fonctionnaire subordonné à l’état civil, du moins pour les
communes conséquentes).
Ensuite, les parties peuvent elles-mêmes renoncer à ce qu’il y ait habilitation
pour l’acte considéré64. Mais, et c’est le point essentiel du problème pour un éminent
auteur65, pour être librement exercé, ce choix suppose alors nécessairement une
information préalable du client, qui s’exerce dans le cadre du devoir de conseil.
60
Sur cette espèce : Req. 16 avril 1845 : D.P. 45, 1, 293.
Pau, 14 juin 1977, JCP 1978, II, 18920, note Dagot.
62
La loi de Ventôse précitée, dans son art. 10 prévoyait déjà un mécanisme d’habilitation.
63
Art. 48 et 49 du décret du 28 décembre 1973, incorporés dans les articles 11 et 12 nouveaux du décret du 26
novembre 1971.
64
Art 11 al.2 nouveau du Décret du 26 novembre 1971, préc.
65
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité : Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s., n. 19 s.
61
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2.2.1.2 Compétence de l’officier public
La forme authentique qui s’analyse comme une délégation d’autorité publique
suppose à ce titre que l’officier public-délégataire ait reçu compétence pour exercer
son œuvre tant sur le plan de ses attributions que sur leur étendue géographique.
2.2.1.2.1 Compétence ratione materiae
La compétence d’attribution (ou ratione materiae) est un premier élément
variable selon l’officier public concerné :
Contrairement à la plupart des autres délégataires de l’autorité publique qui se
voient attribuer un domaine restreint de compétences correspondant à leurs secteurs
d’activités (l’officier de l’état civil n’est ainsi compétent que pour les actes de l’état
civil, le commissaire-priseur que pour les ventes publiques aux enchères des
meubles et effets mobiliers corporels selon les conditions légales66…), le notaire se
voit doté du monopole des actes de juridiction volontaire, qui lui confère une grande
liberté dans la plénitude des conventions qu’il se propose d’authentifier.
Cette position, parfois jugée hégémonique du notariat, dont nous analyserons
les perspectives au regard de l’intégration du formalisme électronique, est proclamée
dans l’art.1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat67 :
« Les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et
contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère
d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la
date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions. »
Selon P.E Normand68, la seule rédaction de cet article qui ne mentionne pas
des officiers publics, mais « les » officiers publics, témoigne à elle-seule de la volonté
du législateur de confier une compétence exclusive au notaire.
La jurisprudence s’est en ce sens montrée protectrice de ce privilège en
refusant notamment la valeur authentique au procès-verbal d’huissier constatant une
promesse unilatérale de vente69.
Pour autant, il faut préciser que cette exclusivité notariale n’est pas absolue :
outre les attributions notariales conférées aux agents diplomatiques et les rares
hypothèses d’actes authentiques déclaratifs dressés par le juge ou l’huissier que
nous avons mentionnées plus haut70, certaines réglementations offrent la possibilité
aux collectivités locales de se passer des services d’un notaire.
66
Ne revêt pas un caractère authentique le procès-verbal dressé par un commissaire priseur qui constaterait la
remise de fonds : Civ.1ère, 28 octobre 1980, Bull.civ. I, n° 216.
67
Ordonnance n° 45-2590 relative au statut du notariat, JO 3 nov. 1945.
68
P.E Normand, « la loi, le contrat et l’acte authentique », JCPN 1990, p 359, n°6 et 7, cité par Jean-Michel
Olivier, «L’authenticité en droit positif français », 2èmes Rencontres Notariat Université, 1992, préc.
69
Civ. 1ère, 19 février 1991, Rep. Def. 1991, art 35-077, p 815, obs. G. Vermelle : En l’espèce, le titre ramené à
une valeur sous seing privé est dès lors entaché de nullité pour ne pas avoir été enregistré dans les 10 jours
conformément à l’art. 1840-A du Code Général des Impôts.
70
Cf. supra, paragraphe 2.2.1.1.1
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Cette faculté, reconnue depuis longtemps71, a été reprise par le processus de
décentralisation (Loi du 2 mars 1982, art. 98-III, et pour rédaction Loi du 22 juill.
1982, art. 13) et continue de susciter de vives polémiques dans la profession
notariale72. Pour autant, il semble qu’elle ne constitue plus une menace sérieuse à
l’heure actuelle du fait du coût des actes administratifs73, et de la complexité de
certaines opérations qui conduisent de plus en plus les collectivités publiques à
s’attacher les services d’un notaire.
Ce dernier est en effet devenu un partenaire privilégié des autorités publiques
locales comme en témoigne le thème du récent Congrès organisé par la
profession74.
2.2.1.2.2 Compétence ratione loci
Si le principe général attribue un ressort territorial de compétence à l’officier
public, en dehors duquel le caractère authentique des actes ne peut être apposé, il
faut relever qu’ici encore le législateur a attribué au notaire un sort tout privilégié
dans l’exercice de ses attributions :
En effet, contrairement à l’officier d’état civil qui ne peut instrumenter que dans
sa commune ou à l’huissier de justice dont la compétence a été fortement réduite75,
le notaire s’est vu attribuer une compétence nationale, à l’exclusion des territoires
d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon
(article 8 du décret du 26 novembre 1971 modifié par un décret du 29 avril 1986, art.
14).
Signalons toutefois que le clerc habilité à recueillir les signatures ne peut
exercer ses fonctions que dans le ressort de la Cour d’Appel où est établi l’office et
dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui-ci (résurgence
de l’ancienne compétence territoriale du notaire).
Par ailleurs, certains actes qualifiés de « répétitifs » relèvent eux aussi de
cette ancienne compétence territoriale alors qu’ils sont directement établis par le
notaire : il s’agit des actes constatant la première mutation à titre onéreux de biens
immobiliers ou la première cession de parts ou actions à titre onéreux d'une société
d'attribution, après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement (art. 10
du Décret du 26 Novembre 1971). Cette limitation est double pour les auteurs,
puisqu’elle interdit au notaire compétent dans ce ressort de faire signer l’acte dans
un lieu situé hors dudit ressort76.
2.2.1.3 Les solennités requises
71
Civ. 9 janvier 1882, D.P 1883, 1, 136.
J-L Magnan, « le notariat et la concurrence des actes administratifs », Revue Ventôse 1980, n° 6, p 42
73
P.E Normand, art. préc., p 365, n° 67 (cité par J-M Olivier, préc.) évoque le rapport demandé à ce sujet par un
ministre des finances à la fin des années 1960.
74
Congrès des Notaires 2001, « Le notaire et les collectivités territoriales », Montpellier, avril-mai 2001.
75
Art. 5 et suivant du décret du 29 février 1956.
76
Jean Yaigre et J.F Pillebout, Droit professionnel notarial, n° 41, préc.
72
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« Bien souvent et trop, nous voyons des contracts remplis de clauses et de mots
inutiles qui gastent et corrompent la vraye forme des contracts… »
Cette « dérive » formaliste très tôt dénoncée par Cl. Berguere dans
l’ouvrage « le parfait notaire » (1644), témoigne toutefois d’une ancienne et
permanente préoccupation du législateur de lutter contre toute fraude lors de la
passation de l’acte comme en ce qui concerne ses conséquences ultérieures77.
Ces « rites extérieurs et contingents », selon la formule de J. Flour78, qui
accompagnent la passation des actes authentiques et plus spécialement des actes
notariés, ont acquis une valeur pratique essentielle, même si leur non-respect ne
prive pas nécessairement l’acte de son caractère authentique (l’art. 23 du Décret du
26 novembre 1971 distinguant de manière sélective les dispositions pouvant
entacher l’acte de nullité).
A ce propos, il convient de plus spécifiquement distinguer les formalités
inhérentes à la rédaction de l’acte notarié de celles relevant de sa réception, qui
constituent le cœur de l’authenticité pour une grande partie de la doctrine :
2.2.1.3.1 Les formalités de rédaction
La rédaction de l’acte notarié est précisément réglementée par les
dispositions du Décret du 26 Novembre 1971.
Nous ne citerons ici pour mémoire que quelques-unes de ces prescriptions :
• Support et apparence de l’acte:
« Les actes des notaires sont établis de façon lisible et indélébile sur un papier d'une
qualité offrant toute garantie de conservation » (art. 7 al 1er)
Si le support papier reste le seul préconisé à l’heure actuelle, il semble que les
exigences légales demeurent larges en la matière et soient tournées vers un souci
d’efficacité et de sécurité juridiques. Ainsi la suppression du recours systématique au
papier timbré79 a t-elle établi une certaine liberté dans le choix de ce support qui n’a
d’ailleurs pas à être spécialement formaté, si ce n’est à des fins fiscales.
Le procédé d’écriture préconisé témoigne d’une préoccupation analogue : le
texte ne vise que ses finalités et ne ferme pas la porte à la reconnaissance de
nouveaux modes d’écriture, notamment l’écriture informatique régissant l’Echange
Informatisé de Données (EDI). Pourvu qu’il soit inaltérable, compréhensible et
ineffaçable, l’instrumentum notarial pourra donc être manuscrit, dactylographié,
imprimé, lithographié ou typographié.
77
H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, éd. Montchrestien, 6e éd. par Chabas, t. 1, vol. 1, n. 412
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité, préc., n° 5.
79
L’article 43-IV de la loi de finances pour 1972 du 29 décembre 1971 abrogeant l’art. 882 Code général des
Impôts.
78
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Ces conditions larges d’apposition dans un but de conservation se retrouvent
ensuite reprises à l’alinéa 2 du même article pour les signatures80 : la
reconnaissance de la signature électronique par la loi du 13 mars 200081 en
constituant une illustration majeure.
Pour autant, nous estimons qu’une révision ponctuelle de ce Décret, sans
réelle difficulté quant à ses manifestations matérielles, devrait permettre d’ajuster de
façon plus explicite la forme authentique de l’acte notarié au support numérique.
• Enonciations et intégrité de l’acte :
Outre les mentions obligatoires prévues telles que « les noms, prénoms et
domiciles des parties et de tous les signataires de l’acte » (art 7 al.3), ceux du
notaire, ainsi que le lieu et la date82 d’apposition de chaque signature (art. 6), l’acte
notarié doit encore mentionner le nombre de pages, de blancs barrés, ainsi que celui
des mots et des nombres rayés (art. 7 al 3, 5 et 6).
Les abréviations83 et les renvois84 sont également précisément réglementés.
Par ailleurs, toujours pour un souci de clarté dans l’explication de
l’engagement souscrit, l’acte doit faire mention dans son corps des signatures qui
sont apposées à son terme (ce qui constitue en réalité une attestation de ces
signatures).
Il lui revient encore parfois de préciser ad validitatem certaines règles
spécifiques à l’opération considérée parmi lesquelles :
- les sanctions relatives à la répression des dissimulations du prix de
vente dans le cadre des ventes d’immeubles et de fonds de commerce
(art. 850 et 1837 du Code général des impôts, art. 366 du Code pénal)
- l’indication de la surface d’un lot de copropriété85, les déclarations
relatives à l’amiante, au saturnisme (plomb) et aux termites,
- les mentions concernant la publicité à inscrire dans le corps du contrat
de mariage lorsque l’un des époux est commerçant (art. 16 de la loi du
11 février 1994, nouvel art. 1394 civ.)
2.2.1.3.2 Les formalités de réception
L’acte authentique est normalement reçu devant un seul notaire (Loi du 28
décembre 1966), qui en fait la lecture86 aux parties.
80
L’alinéa 2 du même article élargit la condition indélébile de l’écriture aux signatures de parties.
Cf. infra.
82
La date de signature de l’acte par le notaire sera quant à elle énoncée en lettre conformément à l’art. 7 al.5 du
Décret du 26 Novembre 1971, préc.
83
L’art 7 al 4 n’autorise les abréviations que « dans la mesure où leur signification est précisée au moins une
fois dans l’acte »
84
Art. 9 du Décret, préc.
85
Loi Carrez du 18 décembre 1996, nouvel art 46 de loi sur la copropriété.
86
Mention de cette lecture devant être faite dans le corps de l’acte : art. 7 al. 7 du décret, préc.
81
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Pourtant, mis à part l’hypothèse du clerc habilité évoquée plus haut qui se
chargerait d’assurer cette lecture et de recueillir les signatures, la loi impose parfois
la présence de deux notaires à la réception de l’acte, ou celle d’un notaire assisté de
deux témoins, dans trois séries de cas particuliers :
- le testament authentique (art. 971 civ.) et les actes de suscription des
testaments mystiques (art. 976 civ.) : ces actes doivent être lus et
établis en présence simultanée des deux officiers publics
- les actes contenant révocation de testament et les procurations
données à cet effet (art. 9-2° de la loi de Ventôse, préc.)
- les actes dans lesquels l’une des parties ne sait ou ne peut pas signer
(art. 9-3° de la loi de Ventôse, préc.)
Pour ces deux derniers cas, la présence du second notaire ou des témoins
n’est au contraire requise qu’au moment de la réception de l’acte87, dans le seul
souci de solennité du moment de l’apposition des signatures, au regard des intérêts
en cause et de la faiblesse supposée de l’une des parties.
2.2.1.3.3 Point de vue critique sur le
formalisme
Ce formalisme triomphateur et croissant qui entoure la passation de l’acte
authentique a pu récemment faire l’objet de critiques variées88, notamment fondées
sur la lourdeur du style choisi (cas des clauses de style, qui correspondent à ces
mentions automatiquement répétées dans les actes89) ou encore sur la reprise
systématique des mentions légales dans le corps de l’acte90.
Pour autant, il convient à nos yeux de ne pas perdre sa finalité initiale. Ainsi
que pouvait le faire remarquer P.E Normand:
« Obliger les parties à respecter un certain formalisme, c’est leur donner les
moyens de faciliter la constatation de leurs droits»91
Cette « sclérose » du notariat selon la formule de J-L Magnan92 appelle certes
une refonte constante de la formule, tiraillée entre le pointillisme rigoureux des
exigences consuméristes d’une part et la rationalisation que tente d’imposer
l’informatique d’autre part.
A ce propos, cette dernière évolution majeure correspondant à un système de
traitement de l’information supposant de ne retenir que des éléments clairs et
dépouillés d’exhaustivité, peut à notre sens constituer un contre-poids non
87
Cf. Danielle Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. B-1, n° 22 et 24.
Sur ce point, voir l’étude approfondie de Me Henri Bosvieux, « Plaidoyer pour la rénovation de l’acte
authentique », JCP N 1981, Doctrine, I, p 391.
89
D.Denis, « La clause de style, études offertes à Jacques Flour », 1979, p 117.
90
Me Bosvieux cite l’exemple de la reprise quasi incontournable de la définition de la réception de l’art R 261-1
CCH dans les ventes d’immeubles à construire qu’il juge superfétatoire, art. préc., p 394, n° 14.
91
P.E Normand, préc., p 363, n° 38.
92
J-L Magnan, « Le notariat et le monde moderne », préc.
88
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négligeable dans la perspective d’un acte notarié plus accessible mais non moins
efficace93.
Tout est donc question d’équilibre en la matière entre la nécessaire
compréhension par les parties de la portée de leurs engagements et la « gravité » de
l’engagement, habilitant le notaire à conférer le caractère authentique à l’acte.
2.2.2 Effets de l’authenticité
Si ses justifications peuvent varier (2.2.2.1), la forme authentique n’en
conserve pas moins ses deux effets majeurs que sont la force probante (2.2.2.2) et
la force exécutoire (2.2.2.3).
2.2.2.1 Justifications de la forme authentique
Par delà les actes de juridiction volontaire sus-évoqués où les parties décident
spontanément de doter de la forme authentique un acte pour lequel la valeur sous
seing privé eût été suffisante, il est des situations où le droit impose le recours à
l’acte notarié, mais avec deux types de motivations très différentes:
•
L’authenticité ad validitatem et les actes authentiques solennels
Un certain type d’acte dont l’importance sociale a été jugée suffisamment
conséquente pour assurer le respect de l’ordre public ou la protection des parties,
requiert d’abord la forme authentique à peine de nullité.
Ainsi, outre les hypothèses précitées qui nécessitent l’intervention d’un second
notaire ou de deux témoins, il faut citer à titre d’exemples les actes de mainlevée
(pour l’hypothèque, art. 2158 civ.) ou les contrats de vente d’immeuble à
construire (art. L 261-10 CCH).
De plus, l’art. 10 al.3 de la loi de Ventôse ajoute une seconde condition de
solennité : aux termes de cette disposition en effet, certains actes parmi lesquels le
contrat de mariage (art. 1394 civ.) ou les actes de donation (entre vifs, entre époux
ou en cas de donation-partage : art. 931, 932 et 1075 civ.) ne peuvent faire l’objet
d’une habilitation de clerc telle qu’évoquée plus haut94 et devront être reçus par le
notaire en personne.
•
L’authenticité dans un but d’efficacité
Une seconde catégorie d’acte authentique se voit imposer cette forme dans le
seul souci d’assurer toute l’effectivité des dispositions qu’elle contient,
indépendamment de la validité intrinsèque de l’acte.
Les exigences de la publicité foncière sont un premier élément majeur de
l’authenticité, puisque cette forme n’est le plus souvent pas prescrite pour garantir la
validité même du titre entre les parties, mais pour en assurer son opposabilité aux
93
94
Cf. les développement sur la normalisation d l’acte notarié : infra, II, B, 2.1
Cf. supra 2.2.1.1.3.
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tiers (art. 4 du Décret du 4 janvier 1955). Citons à titre d’illustrations les ventes
d’immeubles, l’attestation de propriété notariée consécutive au décès (art. 28 du
Décret) ou les baux d’immeuble supérieurs à 12 ans.
Mais d’autres prescriptions légales peuvent également imposer la forme
authentique à des fins d’effectivité du titre établi, comme dans les cas de cession de
créance (art. 1690 civ.) ou de subrogation conventionnelle (art. 1250-2° civ.)
2.2.2.2 Force probante
« L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les
parties contractantes et les héritiers ou ayants cause »
Cette présomption de principe énoncée à l’art. 1319 al 1er civ. constitue l’un
des attraits principaux du titre authentique puisque ce dernier offre à son titulaire un
moyen de preuve autonome (scripta publica probant se ipsa95) et difficilement
réfragable, puisque qu’il suppose alors la mise en œuvre de la procédure
contraignante d’inscription de faux (art. 303 NCPC)96.
Pour autant, cette force probante n’est pas absolue.
D’abord, il faut distinguer en la matière les faits accomplis par l’officier public
ou s’étant passés en sa présence. Ces derniers, tels que la date de l’acte97 ou la
présence réelle des parties à l’acte98, demeurent pleinement soumis à la
présomption jusqu’à inscription de faux. Certains auteurs y ont vu le couronnement
de la compétence technique99 du notaire, qui joue à ce titre le rôle de certificateur100.
Au contraire, les énonciations relevant des seules déclarations des parties à
l’acte, pour lesquelles l’officier public n’avait aucun moyen de vérification, ainsi que
les constatations opérées en dehors de sa mission (comme l’appréciation de la
capacité intellectuelle d’une des parties101) doivent être écartées : la jurisprudence
opère en effet un retour au droit commun probatoire, et autorise la contestation
desdites dispositions du titre authentique par la seule preuve contraire102. C’est le
cas de la mention du paiement du prix de vente moyennant quittance et payé hors la
vue du notaire103.
2.2.2.3 Force exécutoire
Cette seconde facette de l’authenticité s’exprime dans le domaine notarial à
travers la délivrance des copies exécutoires (le notaire conservant l’original ou
minute de l’acte).
95
Adage rappelé par B. Starck, Droit civil, Introduction, Litec, n° 1469
Bien que simplifiée, cette procédure demeure lourde et onéreuse pour le demandeur en faux qui succombe à
l’instance et qui doit supporter les frais, ainsi qu’une éventuelle amende et des dommages-intérêts.
97
Civ. 2ème, 9 mai 1974, Bull. civ. II, n° 160.
98
Soc., 16 juin 1966, Bull. civ. IV, n° 602.
99
Jean Yaigre et JF Pillebout, Droit professionnel notarial, préc., n°177.
100
Cf. infra, 2ème partie sur cette notion appliquée dans le contexte informatique.
101
CA Besançon, 1er juill. 1986, Juris-Data n° 46135.
102
Civ. 1ère, 13 mai 1986, RTD civ. 1988145, obs. Mestre.
103
Civ. 3ème, 7 mars 1973, JCP N, Prat., N° 5966.
96
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Revêtus de la formule exécutoire104, ces titres font foi du même contenu que
l’original (art. 1334 civ.) et offrent aux créanciers la possibilité de poursuivre
directement l’exécution de leurs droits sans passer par l’intermédiaire des Tribunaux
(citons en particulier les possibilités de saisie-attribution de créance ou les prises de
sûreté conservatoire : art. 41 et 68 de la loi du 9 juillet 1991).
Limitée à l’origine au territoire français, cette faculté d’exécution du titre a été
étendue au delà de nos frontières où elle peut être applicable directement (dans le
cadre communautaire, en vertu de la Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968105) ou indirectement (procédure d’exequatur soumise à la légalisation du
Ministère des Affaires étrangères en vertu de la circulaire interministérielle du 4 mai
1981106).
2.3 Critère de l’authenticité
Par delà les éléments sus-évoqués qui caractérisent l’authenticité, une grande
partie de la doctrine, incarnée par un éminent auteur, s’est attelée à dégager un
critère central à cette notion dans la sphère notariale, dont il semble opportun de
discuter la pertinence à l’aube de l’apparition de l’acte notarié électronique.
•
La « doctrine Flour » : la consécration du critère de la réception
Dans un article107 devenu une référence pour les praticiens comme les
chercheurs, le Professeur Jacques Flour retient sans aucune hésitation le mot
« reçu » de l’art. 1317 civ.108comme l’élément constitutif central du caractère
authentique.
A l’appui de sa démonstration, l’auteur invoque deux séries d’arguments :
D’abord il rappelle les hypothèses sus-évoquées de réception des actes par
deux notaires ou avec l’assistance de deux témoins, pour lesquelles la présence de
ces derniers n’est requise que « lors de la lecture des actes et de leur signature par
les parties» 109. Par une double déduction a fortiori, il dégage alors la nécessaire
présence physique du notaire « en premier » et par là-même du notaire
instrumentant seul110.
Mais surtout, c’est un argument purement doctrinal qui lui permet ensuite
d’affiner encore son raisonnement : jugeant que « l’arbre se juge à ses fruits », le
Professeur J.Flour en cueille d’abord le plus précieux à son goût, à savoir la force
probante exorbitante conférée par la loi111, qu’il rend responsable de la nécessaire
104
En vertu de l’art. 18 du Décret du 26 novembre 1971, préc. renvoyant à la formule de l’art. 1er du Décret du
12 juin 1947.
105
Dont les dispositions ont été récemment couronnées par le célèbre arrêt Unibank, C.J.C.E., 17 juin 1999,
affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715 : cf. infra I.B.2.3 et note 205.
106
Cf. M. Revillard, Juris-Classeur Notarial, Légalisation, n° 16 et suivants.
107
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité : Defrénois 1972, art. 30159.
108
Art. préc.
109
Sur ces hypothèses, cf. supra 2.2.1.3.2
110
Les formules usuelles comportent en formule introductive la locution « Pardevant … »
111
Cet aspect du caractère authentique a été brillamment repris dans une intervention orale du Professeur P.
Catala au cours des 10èmes Rencontres Notariat-Université du 11 décembre 2000, préc. « quelle est
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confiance que doit inspirer le notaire, témoin privilégié. En cela, reprenant le postulat
d’équivalence déjà retenu en doctrine112 entre la réception de l’acte et la comparution
physique du notaire, l’auteur en conclut que
« S’il n’assiste pas à l’apposition des signatures dont il est témoin, l’acte ne
saurait
être authentique […]
Cette présence réelle est incluse dans la notion même d’authenticité. Elle en
constitue un élément substantiel. Elle en est, à la lettre, indissociable. »
La vérification de cette thèse, associant l’authenticité au témoignage, peut être
établie à notre sens au travers des limites de l’inscription de faux le protégeant,
indubitablement superposables « aux seuls faits que l’officier public y a énoncés
comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence
dans l’exercice de ses fonctions »113.
La réception est donc à ce stade entendue dans son sens le plus large
comme la juxtaposition cumulative des conditions légales de l’art. 1317 civ., que
seule la présence physique du notaire est en mesure d’assurer.
•
Regard moderne porté sur cette doctrine :
Il ne s’agit nullement ici, bien entendu, de contester la valeur de l’analyse de
l’éminent chercheur précité, mais tout au plus de confronter modestement ses
conclusions à l’épreuve de l’évolution juridique et sociale d’une part, et à la pratique
notariale d’autre part.
Un premier argument inhérent à la chronologie peut être d’abord invoqué :
Pour dater de près d’une trentaine d’années et être intervenue dans des
circonstances très particulières, à savoir la réforme de la procédure d’habilitation des
clercs de notaire114, cette doctrine ne témoigne plus complètement des nouvelles
exigences sociales de passation des contrats dans un contexte juridique
profondément bouleversé par les phénomènes de mondialisation115, largement
favorisés par le développement des nouvelles technologies de l’information.
Ainsi, l’internationalisation des échanges et des transactions met directement
la spécificité notariale des pays de droit latin en concurrence avec les systèmes de
Common Law, qui ne reconnaissent pas le caractère authentique et ont largement
développé les dispositifs de contractualisation à distance par tous types de médias116
(téléphonie, télématique, etc. ).
pratiquement la différence entre l’écrit authentique et l’écrit sous seing privé si ce n’est la contestation en
justice ? »
112
Laurent, Principes de droit civil français, t. XIX, n°102 cité par J. Flour, préc.
113
Civ. 1ère, 26 mai 1964, D. 1964, 627 ; JCP éd. G1964, II, 13758, note R.L.
114
Sur cette procédure, cf. supra 2.2.1.1.3
115
Sur ce sujet, cf. F. Béranger, Le notariat dans la mondialisation, Chapitre 2 in la sécurité juridique à
l’épreuve de la mondialisation, 31ème Congrès du Mouvement du Jeune Notariat, Pompadour 2000.
116
L’avance du droit américain pouvait notamment se mesurer dès 1981 sur les contrats à distance: Restatement
of the law, Second, Contracts 2d, The American Law Institute, vol l, St. Paul (Minn.), 1981, Article 64:
"Acceptance given by telephone or other medium of substantially, instantaneous two-way communication is
governed by the principles applicable to acceptance where the parties are in presence of each other"
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Se réfugier derrière le postulat selon lequel la comparution physique des
parties devant l’officier public confère un cœur sacramentaire au contrat,
l’authenticité, n’est-il pas nier cette nouvelle aspiration sociale d’un acte conclu à
distance, à l’heure où le commerce électronique représente un chiffre d’affaires
d’environ 350 milliards de dollars pour les Etats-Unis et de 600 milliards de dollars
pour le monde, dont plus de 80% pour les échanges d’entreprises à entreprises117 ?
Ne s’agirait-il pas d’une profonde carence de la profession notariale que de refuser
de prendre en compte ces nouveaux enjeux et d’assurer son service sur ces
nouveaux marchés, lorsque l’on connaît sa mission de service public ?
La question est alors, on l’aura compris, autant économique et politique que
technique et juridique. Ceci dit, elle ne présente aujourd’hui plus guère d’intérêt, du
fait de l’évolution du critère de la réception vers la consécration plus précise de celui
la signature de l’officier public d’une part118, et des réponses pratiques apportées par
la pratique à l’occasion de l’introduction du formalisme électronique d’autre part, qui
permettent de combiner l’impératif de réception et l’élaboration d’un acte à
distance119.
Il convient dans un second temps de relever l’apport de la pratique notariale
dans l’infléchissement de cette théorie de la réception entendue lato sensu :
Un premier mouvement jurisprudentiel s’était ainsi manifesté pour accorder
plus de souplesse au traditionnel triptyque que recouvrait cette notion (réception des
parties, recueil de leurs signatures, signature de l’officier public). En effet, la Haute
Juridiction avait dès les années cinquante ôté la condition de simultanéité lors de
l’apposition des signatures, en concluant que l’acte signé par les parties puis par le
notaire, même après le décès de l’une d’elles, ne perdait pas son caractère
authentique120. Ces décisions, qui ont pu être qualifiées d’opportunes121, ne peuvent
être cependant étendues à toutes les hypothèses (cas du contrat de mariage,
spécialement décrit comme un contrat simultané par l’art. 1394 al. 1er civ.).
•
De la réception à la signature :
La réforme de la procédure d’habilitation des clercs de notaire devait dans la
même perspective contraindre J. Flour à préciser plus avant la notion de réception
qu’il venait de couronner122.
En se fondant sur la nature même de ce procédé, qui comme nous l’avons vu
ne correspond nullement à une délégation de pouvoirs puisqu’elle suppose
(Traduction: l’accord donné par téléphone ou tout moyen de communication à double-sens, instantanée et
substantielle est régi par les principes applicables à ceux où les parties sont en présence l’une de l’autre)
117
Source : Rapport de synthèse de la mission commerce électronique pour le Ministère des Finances, F.
Lorentz, consultable à l’adresse Internet http://www.finances.gouv.fr/
118
Cf. infra
119
120
Civ., 22 avril 1950, JCP 1950, II, 5620, note Le Clec’h. confirmé par Civ. 3ème, 27 nov. 1990, JCP G 1991,
IV, 35.
121
N. Dutour, F.Vignal, Le moment de la signature de l'acte authentique : date unique ou pluralité de dates, JCP
N 1998, n° 7, p. 222.
122
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité, préc., n° 15.
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nécessairement la signature postérieure du notaire123, l’auteur retient une nouvelle
définition plus restrictive de l’authenticité :
« L’acte authentique devient celui qui est reçu, c’est-à-dire signé par l’officier
public après que les parties ont été reçues et leurs signatures recueillies par un
collaborateur habilité »
Les conditions traditionnelles de l’art. 1317 civ., à savoir la présence physique
du notaire et les solennités requises apparaissent dès lors superflues au regard
d’une telle consécration de la signature de l’officier public comme le nouvel élément
central de la réception, et a fortiori de l’authenticité.
Le Professeur P. Catala relèvera plus tard dans cette perspective le rôle tout à
fait secondaire de la signature des parties : par la seule présence du témoignage
privilégié fournie par le notaire, les manifestations individuelles de volonté s’en
trouvent naturellement parfaites124.
C’est de cette réflexion circonstancielle que nous apparaissent devoir émerger
les bases du futur acte authentique dématérialisé125 que nous étudierons plus
précisément dans le contexte de l’émergence du nouveau formalisme électronique
(B) en droit positif.
B. L’acte authentique
électronique :
à
l’épreuve
du
formalisme
La récente réforme du droit de la preuve qui s’est imposée en droit positif avec
l’apparition du support électronique (A), oblige dans une seconde approche à
poursuivre la réflexion et à repenser la possibilité d’une dématérialisation de l’acte
authentique (B) :
1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la
preuve aux nouvelles technologies
L’irruption des nouvelles technologies de l’information dans les échanges
internationaux avec le développement spectaculaire du commerce électronique et
l’apparition des réseaux mondiaux (comme le World Wide Web), allait être à l’origine
d’une volonté de régulation juridique exprimée au plus haut niveau international puis
retranscrite en droit positif interne, pour constituer le nouveau formalisme
électronique.
1.1 Le contexte international : la réglementation du commerce
électronique
123
Sur la notion d’habilitation, cf. supra 2.2.1.1.3
P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, art. 37210, n° 22.
125
Cf. infra, I, B, 2.
124
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2.7.3 L’impulsion supranationale : le projet
CNUDCI
Malgré une finalité initiale résolument tournée vers les rapports et échanges
commerciaux entre entreprises, les contrats électroniques ont rapidement acquis une
dimension sociale incontournable et universelle par la démocratisation des procédés
informatiques (micro-informatique personnelle) et des réseaux (notamment Internet).
C’est à partir de là une toute autre réalité que le droit se voit contraint
d’appréhender ; réalité qui déborde d’ailleurs largement des frontières du droit
commercial des affaires. Ainsi, comme le faisait remarquer le Professeur Pierre
Catala126 :
« Avec la banalisation d’Internet, le télé-contrat échappe au droit des affaires
pour envahir la vie quotidienne ; en devenant un phénomène de masse, il se civilise
au sens juridique. »
Saisie au niveau mondial de ce phénomène, la Commission des Nations
Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) a entrepris de rationaliser le
développement des échanges électroniques en droit commercial international par le
biais d’une loi-type adoptée en 1996127. D’une portée très large en tant qu’il vise
divers aspects du commerce électronique, tels que l’Echange de Données
Informatisés (EDI)128,ou la reconnaissance des messages, signatures et contrats
électroniques, ce texte n’en demeure pas moins « minimaliste » et relativement
neutre dans ses prescriptions pour permettre une adaptation réelle au progrès
technologique.
Pour autant, il faut relever dans cette initiative quelques apports juridiques
majeurs, au premier rang desquels la consécration du postulat de « l’équivalence
fonctionnelle » :
Soucieuse d’élargir le champ d’application du formalisme juridique aux
nouveaux documents électroniques, la loi-type propose en effet une redéfinition des
termes « écrit », « signature », et « original »129 fondée sur la neutralité du support
considéré et donc la reconnaissance implicite de la validité des nouveaux actes
dématérialisés.
Il semble d’ailleurs à ce stade que les nouveaux procédés techniques aient
plus suscité un besoin de redéfinition précise de notions juridiques traditionnelles que
de réelles interrogations sur leur pertinence.
126
P.Catala, Ecriture électronique et actes juridiques, in Mélanges Michel Cabrillac, Litec, 1999.
Sur l’origine du projet CNUDCI, Cf. Guide pour l'incorporation de la Loi type de la CNUDCI sur certains
aspects juridiques de l'échange de données informatisées (EDI) et des moyens connexes de communication,
http://www.uncitral.org/french/sessions/unc/unc-29/acn9-426-f.htm
128
L'échange de données informatisées (EDI) est le transfert électronique, d'un ordinateur à un autre, de données
commerciales et administratives sous la forme d'un message EDI structuré conformément à une norme agréée.
129
Art. 5, 6 et 7 de la loi-type CNUDCI, consultable à l’adresse : http://www.uncitral.org/french/texts/electcom/
m l-ec.htm
127
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En particulier, ce sont des critères de définition traditionnels qui sont retenus
pour apprécier la validité de la signature, fût-elle électronique, lorsque sa présence
est imposée par la loi : cette dernière doit ainsi permettre d’identifier la personne et
d’indiquer qu'elle approuve l'information contenue dans le message tout en
garantissant que la méthode utilisée soit suffisamment fiable, au regard de l'objet
pour lequel le message a été créé ou communiqué (art.6). Ces deux conditions
cumulatives constituent les fondements de l’ensemble des législations nationales et
supranationales, même si elles ont pu être ponctuellement édulcorées130.
Notons enfin qu’au regard du titre authentique qui nous préoccupe, les
grandes lignes directrices sont posées sous les réserves que nous développerons
plus loin131 :
Ainsi, en ce qui concerne l’original, le texte impose encore deux conditions
essentielles, à savoir une garantie fiable et durable d’intégrité d’une part, et la
possibilité d’en faire la présentation à l’ayant droit d’autre part (art.7). Les conditions
de conservation et la force probante du document électronique, qui sont quant à elles
régies aux art.10 et 11, achèvent a priori de préparer l’authenticité à son nouveau
support.
Loin de laisser aux Etats le soin d’adapter dans leurs législations internes les
principes sus-évoqués, la CNUDCI continue d’élaborer depuis quelques années un
ensemble de règles uniformes sur les signatures électroniques par l’intermédiaire de
son groupe de travail. Des précisions majeures telles que la distinction entre
signatures électroniques « simple » et « renforcée », ou la pondération de la
présomption de fiabilité des signatures132 sont autant d’exemples de cette activité
normative soutenue d’inspiration supranationale.
2.7.4 L’harmonisation communautaire : la
Directive du 13 Décembre 1999
Face aux premières initiatives législatives des Etats membres en matière de
signature électronique133, la Commission européenne s’est efforcée d’instaurer les
principes d’une véritable harmonisation au niveau européen dans le double souci de
protéger le marché intérieur contre les divergences ponctuelles des Etats d’une part,
et de promouvoir la confiance des utilisateurs en ces nouveaux procédés
technologiques d’autre part.
Les premières initiatives furent d’abord ponctuelles et tentèrent une première
adaptation du droit de la preuve dans le cadre de l’EDI (art. 4 de la recommandation
concernant les aspects juridiques de l'échange de données informatisées du 19
octobre 1994), ou dans celui du commerce électronique (Directive adoptée le 7
décembre 1999, prescrivant dans son art. 9 l’adaptation des droits nationaux à la
passation de contrats par voie électronique). Mais l’intérêt principal de notre étude
130
Sur la souplesse de la loi française du 13 mars 2000 au regard de l’art.6 de la loi-type, Cf. supra et JCP N,
N°11, Actualités, 15 mars 2000, p. 451, 1.
131
Cf. infra. B.
132
Art. 11 du projet CNUDCI publié le 9 décembre 1999
133
On citera notamment la loi italienne du 13 mars 1998, commentée par Massimo Riccio et Massimiliano
Russo, Gaz. Pal., 1999.2, doctr. p. 1542.
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doit être concentré sur la reconnaissance de la valeur juridique des signatures
électroniques.
Sur ce sujet, le texte définitif de la Directive adopté le 13 Décembre 1999134
tend à relayer les initiatives de la CNUDCI en développant deux axes majeurs : la
reconnaissance de la valeur juridique de la signature électronique (1.1.2.2) et les
attributions légales concernant les prestataires de service de certification (1.1.2.3). Il
s’inscrit dans le cadre du principe de libre circulation des marchandises et des
services dans le marché intérieur.
Mais il convient au préalable de relever que la portée de ce texte n’est pas
absolue. En effet, le formalisme de certains actes, et en particulier celui de
l’authenticité, est volontairement écarté du champ d’application de la Directive
(1.1.2.1).
2.7.4.1
Le formalisme et
l’authenticité mis à
l’index de la Directive
Soucieuse de ne pas outrepasser son champ de compétence, la Commission
a entendu dès l’art. 1er al 2 de la Directive, limiter son application au seul cadre
contractuel « général » (celui des actes sous seing privés) :
« Elle ne couvre pas les aspects liés à la conclusion et à la validité des
contrats ou d'autres obligations légales lorsque des exigences d'ordre formel
sont prescrites par la législation nationale ou communautaire; elle ne porte
pas non plus atteinte aux règles et limites régissant l'utilisation de documents
qui figurent dans la législation nationale ou communautaire. »
Il semble donc qu’au regard de ces dispositions, le formalisme inhérent aux
actes authentiques et aux actes solennels fasse obstacle à l’application des
dispositions communautaires. Il en est de même pour les déclarations
administratives, même si un auteur135 a pu relever une certaine contradiction de
l’article précité avec le Considérant 19 prévoyant l’utilisation des signatures
électroniques dans le secteur public, au sein des administrations nationales et
communautaires et dans le cadre de leurs communications avec les justiciables (cas
du réseau des cartes Vitale en France en particulier, dans le domaine de la santé).
Les justifications de cette limitation volontaire résident essentiellement dans la
difficulté du droit communautaire à concilier les deux systèmes juridiques majeurs
coexistants dans l’Union, à savoir les systèmes de droit romano-germanique et de
Common Law. Face à l’influence nord-américaine136 qui se préparait, l’enjeu était
semble t-il plus d’établir les principes fondateurs du commerce électronique que de
134
Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre
communautaire pour les signatures électroniques, JOCE, L, du 19 janvier 2000, p 12 à 20. (Cf. ANNEXE III)
135
E. Caprioli, La loi française sur la preuve et la signature électroniques dans la perspective européenne,JCP G
2000, n°18, p 787, n° 8.
136
On citera notamment la reconnaissance précoce des procédés de preuve informatisés dans la réforme du Code
Civil du Québec du 1er janvier 1994, puis la réglementation américaine postérieure matérialisée par la loi
fédérale S.761 (Electronic signatures in Global and National Commerce Act) du 30 juin 2000, qui autorise les
citoyens américains à utiliser une carte à puce pour attester de leur identité sur Internet.
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s’immiscer de façon hasardeuse dans des législations complexes et hétéroclites sur
des actes trop spécifiques. Pour autant, il ne s’agissait nullement d’une
condamnation définitive et la liberté conférée aux Etats dans la transposition de ce
texte (art.9 de la Directive) devait d’ailleurs permettre de combler cette lacune.
L’étude de l’apport intrinsèque du texte communautaire n’en demeure pas
moins essentielle toutefois pour mieux comprendre les mécanismes juridiques de
base applicables aux procédés de signature électronique, et que la loi française
devait étendre aux actes authentiques137.
2.7.4.2
La
reconnaissance
de la valeur légale
des
signatures
électroniques
A l’heure de la rédaction du texte communautaire, il est essentiel de relever
qu’un grand nombre d’Etats membres (dont la France138), ne donnaient encore une
valeur juridique qu’aux seules signatures manuscrites.
Dans cette perspective, la Commission entreprend d’abord d’établir le principe
de validité de la signature électronique par une double définition volontairement
neutre pour, à l’instar du projet CNUDCI, se prémunir de l’évolution technologique.
Constitue ainsi une « signature électronique » (simple) au sens de l’art. 2.1 :
« une donnée sous forme électronique, qui est jointe ou liée logiquement à
d'autres données électroniques et qui sert de méthode d'authentification; »
Toutefois, ladite signature pourra en outre prendre la qualification de
« signature électronique avancée » si elle respecte les quatre conditions
cumulatives suivantes:
« a) être liée uniquement au signataire;
b) permettre d'identifier le signataire;
c) être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son
contrôle
exclusif ;
d) être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute
modification ultérieure des données soit détectable; »
Les raisons de l’établissement de ces deux niveaux de signatures tiennent en
grande partie en la sécurité essentielle que la Directive compte conférer à cette
forme de manifestation du consentement : au regard de ces quatre éléments
137
Cf. . infra sur les nouveaux art. 1317 et 1316-4 civ.
Pour l’invalidation d’une signature informatique antérieurement à la loi française du 13 mars 2000, cf. TI
Sète, 9 mai 1984, D. 1985, 359, note Bénabent.
138
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constitutifs, ce sont les fonctions d’identification (b), et d’intégrité (d) de la signature
qui sont mises en lumière139.
Sous ces conditions restrictives supplémentaires, l’assimilation de ladite
signature avancée à celle manuscrite est ainsi proclamée, établissant ainsi le
principe fondamental d’une présomption de fiabilité en justice :
« Art. 5.1. Les États membres veillent à ce que les signatures électroniques
avancées basées sur un certificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé
de création de signature:
a) répondent aux exigences légales d'une signature à l'égard de
données électroniques de la même manière qu'une signature manuscrite
répond à ces exigences à l'égard de données manuscrites ou imprimées sur
papier et
b) soient recevables comme preuves en justice. »
Pour autant, le législateur européen nuance ensuite son propos et rappelle le
principe de non-discrimination des différents niveaux de signatures :
« Art 5.2. Les États membres veillent à ce que l'efficacité juridique et la
recevabilité comme preuve en justice ne soient pas refusées à une signature
électronique au seul motif que:
- la signature se présente sous forme électronique
ou
- qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié
ou
- qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié
délivré par un prestataire accrédité de service de
certification
ou
- qu'elle n'est pas créée par un dispositif sécurisé
de création de signature. »
Outre la valorisation du caractère général de la Directive, cet apport majeur
constitue, à notre sens, une volonté de ne pas fermer la porte à l’ensemble des
procédés de preuves imparfaits qui pourraient subvenir140, et permet la
démonstration en justice de la fiabilité d’un procédé de signature simple dont la
valeur probatoire n’aurait pas été présumée.
Pour autant, sur un plan strictement économique, ces deux niveaux de
signatures ne doivent pas masquer « une signature électronique à deux vitesses » :
celle simple de l’utilisateur lambda qui outre ses prétentions, devra défendre la
fiabilité des preuves électroniques qu’il énonce, et celle avancée d’une entreprise,
plus fortunée141, pour laquelle la présomption de fiabilité (apportée et sécurisée par
l’intervention du Prestataire de Services de Certification), permettra une défense plus
aisée. Ce risque, en germes dans le texte européen, se développera, comme nous le
verrons, en droit interne.
139
Cf. sur ce point l’étude très complète de M. Antoine et D. Gobert, La Directive européenne sur la signature
électronique. Vers la sécurisation des transactions sur l’Internet ?, JTDE, avril 2000, n°68, p 73 à 78.
140
A quand un commencement de preuve par écrit électronique ? La question reste en suspend…
141
Notons que la possibilité de signer électroniquement semble aussi dévolue aux personnes morales en vertu de
l’absence de précision de l’art.2, 3° qui définit de façon générale le signataire.
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2.7.4.3
Les
attributions
légales
concernant
les Prestataires de
Service
de
Certification
Le texte communautaire donne une définition large des Prestataires de
Service de Certification (PSC)142, organismes chargés d’assurer le fonctionnement
des principes de signature électronique « par la délivrance de certificats ou la
fourniture d’autres services liés aux signatures électroniques » (art. 2.11). Les
différentes opérations d’horodatage (signature datée d’un condensé du message),
d’annuarisation ou d’archivage sont ainsi concernées par la réglementation.
Par ailleurs, même si c’est le principe de liberté qui est proclamé quant à la
fourniture de ces services, les Etats peuvent instituer une procédure d’accréditation
volontaire de ces organismes afin d’améliorer la qualité de leur travail de certification
(art. 2.13). Ces derniers délivreront dès lors des « certificats qualifiés » (art. 2.10)
répondant aux critères de fiabilité de l’Annexe I du texte et permettant d’engager les
effets de l’art 5 précité.
La reconnaissance de la qualité de Prestataire de Service de Certification
emporte dès lors deux séries de conséquences :
Le PSC est en premier lieu responsable de l’exactitude des informations qu’il
inscrit dans les certificats au jour de leur délivrance, du lien unissant le signataire à
sa clef publique143, du caractère asymétrique des clefs générées et de la révocation
éventuelle à des dates et heures précises desdits certificats (art.6). Pour autant, il
apparaît que cette obligation soit limitée à la seule vérification de l’apparence de
conformité avec les pièces envoyées ou présentées lors de l’enregistrement du
client144. On est donc loin du certificat authentique notarié dont nous envisagerons
l’éventualité plus avant dans cette étude145.
Le Prestataire est ensuite confronté au nécessaire respect de la législation
concernant la protection des données à caractère personnel, notamment institué par
la Directive européenne du 24 octobre 1995146. En effet, la collecte des données par
cet organisme doit s’établir de façon directe avec la personne concernée, après
obtention de son consentement explicite, et uniquement dans la nécessité de
l’établissement et de la conservation du certificat (art. 8.2). Le recours à un
pseudonyme est également un nouveau moyen de protection offert au signataire (art.
8.3).
142
Sur le fonctionnement de ces organismes, et la fonction technique de tiers-certificateur, cf. infra. 2ème partie.
Sur cette notion, cf. supra 2ème partie sur les procédés de cryptologie asymétrique.
144
E. Caprioli, La loi française sur la preuve et la signature électroniques dans la perspective européenne, préc.,
n° 26
145
Cf. infra.
146
Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des
personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces
données.
143
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2.8
Le contexte français : la loi sur la signature
électronique du 13 mars 2000
Avant d’envisager les modalités de transposition de la réforme du droit de la
preuve dans le Code civil par la loi du 13 mars 2000147 et notamment la
reconnaissance de l’acte authentique électronique, il est nécessaire au préalable de
comprendre la préparation du droit positif français à cette évolution :
2.8.1 L’inadaptation du droit français de la
preuve
Jusqu’alors indubitablement assimilée à l’écriture manuscrite, la preuve
littérale codifiée de façon durable par le Code Napoléon s’est trouvée profondément
bouleversée en pratique par le développement croissant des nouvelles technologies
de l’information. Avec l’apparition de la photocopie148, de la télécopie, d’Internet ou
encore des réseaux fermés entre entreprises (Intranet), ce sont donc de nouveaux
problèmes de validité de ces messages électroniques et de leur transmission qui se
sont posés à un législateur relativement réticent149 et à une jurisprudence longtemps
partagée :
Ainsi, si le juge a longtemps hésité à relever la force probante du courrier
électronique150, il a pu par ailleurs faire preuve d’audace en reconnaissant
l’acceptation de la cession d’un Bordereau Dailly par télécopie en tant qu’écrit :
« [l'écrit] peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopie, dès
lors que son intégrité et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné, ont été
vérifiées ou ne sont pas contestées »151
Quelques années auparavant, la Haute Juridiction avait déjà posé les
principes de validité des conventions sur la preuve électronique dans le cadre d’une
affaire devenue célèbre en droit commercial, en présumant la fiabilité du procédé de
signature par carte bancaire, composé d’un code secret et de la présentation
physique de ce mode de paiement152. Cette étape essentielle, jugée dangereuse par
certains commentateurs153, eut au moins le mérite de positionner les enjeux les plus
cruciaux sur le plan technique, tout en laissant présager d’une remarquable
adaptabilité du droit civil de la preuve.
147
Cf. ANNEXE I.
Indubitablement qualifiée de commencement de preuve par écrit désormais, dans la mesure où elle constitue
« une copie sincère et fidèle à l’original » (Cf. Civ. 1ère, 30 mai 2000, JCP G, n°14, p 709, note Nizard).
149
A titre de réforme législative timide, on peut toutefois citer la dématérialisation des factures prévue à l'article
47 de la loi de finances pour 1990 (" Les factures transmises par voie télématique constituent des documents
tenant lieu de factures d'origine ") ou de la transmission par voie électronique d'une déclaration administrative
(article 4 de la loi du 11 février 1994).
150
Limoges, 18 mars 1999, Gaz. Pal. 14-15 janv. 2000, Somm. Obs. Cousin.
151
Com., 2 déc. 1997, SA Descamps c/ SA Banque Scalbert Dupont: D.1998, p.192, note D.-R.Martin JCP
E1998, p.178, note R.Bonneau; JCP G1998, n°25, II, 10097, note L.Grynbaum
152
Arrêt CREDICAS, Civ. 8 Nov. 1989, D. 25, 28 juin 1990 reprenant un arrêt de la CA de Montpellier, 1ère Ch.,
9 avril 1987, JCP G 1988, II, 20984.
153
H. Croze (in Informatique, preuve et sécurité, D. 1987, 24ème cahier, chron. 31.) retient notamment la nature
« probabiliste » de la présomption de fiabilité.
148
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Pour autant, selon le professeur P. Catala, si la notion d’écrit est incontestable
en ces espèces du fait de l’indifférence du support au regard de « la formalisation et
la conservation des volontés » qu’ils renferment, elle demeure insuffisante à garantir
l’identité de l’émetteur du message que seul le recours à la signature permet
d’établir154.
En marge de ces frémissements jurisprudentiels, les initiatives européennes
devaient être relayées au plan national: outre un discours novateur de Madame le
Garde des Sceaux au Congrès des Notaires de Lyon155 de mai 1998, un rapport du
Conseil d’Etat intitulé « Internet et les réseaux numériques » fut adopté par son
Assemblée générale en juillet 1998156. Le Ministère de la Justice avait parallèlement
nommé un groupe de travail composé de chercheurs157 et constitué sous la forme
d’un groupement d’intérêt public dont le rapport fut déposé en septembre 1997.
Tous ces projets devaient militer pour une véritable redéfinition de la preuve
littérale, indépendante du support utilisé et des moyens de son transfert, tout en
étant garantie par une identification précise de l’émetteur et une fiabilité technique
irréprochable des procédés utilisés.
L’héritage de la Directive était en cela assuré.
2.8.2 L’apport de la réforme législative
française :
2.8.2.1
La loi du 13 mars
2000
La loi de transposition de la Directive communautaire précitée s’articule autour
de quatre thèmes majeurs qui ont fait l’objet de larges développements en doctrine,
et dont nous nous contenterons de rappeler brièvement les apports essentiels au
regard de la reconnaissance de l’authenticité électronique :
•
La reconnaissance de la preuve littérale : l’écrit et son support.
Le nouvel art. 1316 civ. dispose que :
« La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de
caractères, de chiffres, ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une
signification intelligible, quels que soient leur support et leur modalité de
transmission »
Visant à clarifier le droit de la preuve et à corroborer les orientations
jurisprudentielles sus-évoquées, cette définition de l’écrit, par sa portée très large,
s’inscrit dans la reconnaissance des nouveaux modes de preuves dématérialisées.
154
P. Catala et Y. Gautier, L'audace technologique à la Cour de Cassation : vers la libéralisation de la preuve
contractuelle, JCP 1998, n°21-22, Actualité.
155
Un extrait des discours du Président de la République et du Garde des Sceaux prononcés en ouverture du
Congrès peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.congres-notaires.com
156
Source : Documentation française 1998
157
Ont fait partie du groupe de travail GIP nommé par le Ministère de la Justice: P. Catala, P.-Y. Gautier, J.
Huet, I. de Lamberterie, X. Linant de Bellefonds, A. Lucas, C. Lucas de Leyssac et M. Vivant.
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Pour autant, la pertinence de cette définition a pu être discutée : le Professeur
A. Raynouard158 démontre de façon convaincante à cet effet que le Code civil n’a
jamais exigé qu’un acte juridique soit prouvé « par papier » (comme cet article le
laisse entendre), et que la force probante des actes juridiques régie par l’art. 1341
civ. ne suppose au surplus qu’un « support » (authentique ou sous-seing privé).
Reconnaître l’incontestable universalité de l’écrit n’est-il pas éluder le problème de
son support ?
L’art. 1316-1 civ. tente de répondre à cette interrogation en stipulant que :
« L’écrit sous forme électronique est admis en mode de preuve au même titre
que l’écrit sous support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée
la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions
de nature à en garantir l’équité »
Au-delà de la reprise du principe de l’équivalence fonctionnelle159 déjà prescrit
par les instances internationales160, c’est donc une distinction dans la mise en œuvre
judiciaire du document qui est opérée. Selon qu’il prendra la forme corporelle et
autonome du papier ou celle électronique, c’est-à-dire immatérielle et fragile ou
incertaine sans autre précaution, les conséquences probatoires en seront
profondément modifiées.
En effet, les exigences de fiabilité apparaissent infiniment plus élaborées dans
le contrat électronique, puisqu’elles supposeront la démonstration de l’identification
de l’auteur de l’acte (assurée par la signature électronique) et l’assurance de
l’intégrité de son support lors de sa conclusion et tout au long de sa conservation.
Si l’écrit est universel, le support est indubitablement d’une fiabilité relative
selon la forme qu’il revêt. L’équivalence probatoire entre l’ensemble des preuves
écrites (art. 1316-2 civ.) appelait donc des conditions nivelant les contraintes du
support matériel pour ne retenir que la substance littérale161.
La valeur de ces conditions légales est ici encore mal établie : par
l’identification de la personne dont il émane faut-il entendre les seules parties qui
s’engagent ou également le témoin de cet accord (le notaire, le tiers-certificateur) ?
La question n’est pas tranchée même si nous privilégierons encore une portée
extensive, dans la mesure où elle constitue le pendant naturel de la responsabilité
allouée à ces « intermédiaires ».
Au surplus, un autre éminent auteur s’interroge sur l’intégrité du document
établie par la loi : selon lui, l’information apposée sur le support électronique n’est
« pas imprimée de manière irréversible et donc elle demeure, quelles que soient les
précautions prises ou les techniques utilisées, manipulable d'une manière ou d'une
autre par celui qui sait comment procéder162 ». La perfectibilité du support
158
A.Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature
électronique, Defrénois, 30 mai 2000, art. 37174., n° 8 et suivants.
159
Principe qui vaut aussi pour les effets de la signature, tel que la force probante en vertu de l’art. 1316-3 civ.
160
Cf. supra 1.2.2.
161
Pour le Professeur L. Grynbaum, il s’agit d’une réponse opportune à la multiplication des nouveaux moyens
de preuve tels que microfilm, photocopie, télécopie ou écrit électronique ( in La preuve littérale et la signature à
l’heure de la communication électronique, Revue Communication-Commerce Electronique, Nov. 1999, p 10)
162
J. Huet, Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, Recueil Dalloz 2000, Chron.p95
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électronique serait-elle irréversible ? La réponse semble en réalité plus technique
que juridique.
•
La reconnaissance de la signature électronique
Dans le prolongement de la Directive du 13 décembre 1999, l’art. 1316-4 civ.
propose une définition de la signature, ainsi que des précisions supplémentaires
lorsqu’elle revêt la forme électronique :
« La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui
l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui
découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle
confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable
d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La
fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la
signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité
de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La première remarque tient en la dualité que contient cet article :
contrairement à l’unicité de l’écrit décrite ci-dessus, la distinction entre la signature
« au sens large » et celle qui serait apposée par la voie électronique témoigne de la
volonté du législateur de cerner l’étendue du pouvoir que confère l’apposition de
cette marque, trop souvent fluctuante eu égard au contexte juridique dans lequel elle
était apposée.
« La signature est toujours absorbée dans le domaine duquel elle surgit.»163
Pour autant, l’intérêt essentiel de la définition générale de la signature de cet
alinéa premier consiste en la reprise des fonctions essentielles d’identification du
signataire et de manifestation de son consentement, déjà posées par la Directive
européenne164 et clairement accueillies par le droit français.
Le second alinéa au contraire s’apparente à une œuvre créatrice
nouvelle en tant qu’elle présente une définition spécifique de la signature
électronique reposant sur le lien qui l’unit à l’acte principal. Cette condition
supplémentaire fait écho à celle relative à la notion de signature électronique
avancée proposée par la Directive européenne et marque une volonté de disposer
d’un instrument juridique efficace, intègre et fiable. Le rapporteur de la loi parlait ainsi
de :
« signature élaborée, perfectionnée, indissolublement liée au texte auquel elle
se rapporte, […] revenant à signer chacun des mots du texte et leur
enchaînement ; pas une virgule du texte signé ne pouvant être modifiée sans
que cela ne soit immédiatement visible pour le destinataire du message »
Pour faciliter la reconnaissance judiciaire de cette relation, le texte établit une
présomption simple de fiabilité des procédés techniques utilisés, tout en s’inscrivant
163
164
I. Dauriac, La signature, thèse Paris II, 1997 citée par A.Raynouard, préc., n° 22.
Cf. supra. 1.2.3.2.
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dans l’indispensable neutralité technologique évoquée plus haut, seule garantie de la
pertinence du texte face à l’évolution des procédés techniques.
A cet égard, on peut certes noter que le renvoi au pouvoir réglementaire a pu
être critiqué dans la reconnaissance concrète des procédés fiables d’élaboration165.
Mais il nous semble au contraire judicieux de lui reconnaître la faculté de pouvoir
mieux appréhender que ne l’aurait fait une appréciation d’espèce d’un juge du
fond166 en la matière, la pertinence globale des procédés techniques, la rapidité de
leur évolution et l’influence des instances communautaires.
2.8.2.2
Le
Décret
d’application du 30
mars 2001
Dans cette perspective sus-évoquée, la parution tardive du premier Décret167
d’application de la loi de mars 2000, consécutive à la consultation publique organisée
à ce sujet, s’est révélée d’une importance capitale dans la mise en place du dispositif
français de formalisme électronique :
Visant à préciser la nature des procédés retenus comme fiables au regard des
articles du Code civil sus-évoqués, ce texte récent s’articule autour de trois axes
majeurs qui sont la certification des dispositifs de création des signatures
électroniques (art. 3), la possibilité d’un contrôle des procédés de vérification de
signature (art. 5) et enfin les conditions relatives aux certificats qualifiés et aux
Prestataires de Services de Certification (PSC) (art. 6,7 et 8)168.
Le processus de création des signatures électroniques obéit d’abord à une
procédure dont la conformité est appréciée par les services du Premier Ministre169
(ou un autre organisme désigné à cet effet par un Etat membre de la Communauté
européenne), et qui suppose l’assurance de toute confidentialité (art. 3-a), comme
l’impossibilité de toute falsification (art. 3-b), détournement par un tiers (art. 3-c), ou
altération avant et après la signature (art. 3-2).
Les logiciels ou matériels de vérification doivent ensuite répondre aux
exigences de l’art. 5 qui imposent, au profit du vérificateur (art. 5-a), la garantie de
non-altération (art. 5-b), de détermination du contenu (art. 5-c), de lien avec l’acte (art
5-d), d’identification (art. 5-e) et de possible vérification d’une éventuelle falsification
(art. 5-g) de la signature.
Les objections majeures à ce texte d’application ont pu être récemment mises
en lumière et doivent retenir notre attention :
165
Le Professeur A. Raynouard dénonce en particulier un tel abandon du pouvoir par le législateur qu’il juge
lourd de conséquences (art. préc., n° 26), mais on peut objecter qu’il en est de même en bien des matières.
166
Cf. en ce sens S. Azzabi, Le nouveau régime probatoire français après l'adoption de la loi portant adaptation
du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique du 13 mars 2000,
article consultable à l’adresse : http://rechtsinformatik.jura.uni-sb.de/cbl/comments/cbl-comment_20000013.html
167
Décret n°2000-272 du 30 mars 2000, J.O. Numéro 77 du 31 Mars 2001 page 5070, Cf. ANNEXE II.
168
Cf. infra, II, A sur la notion de PSC
169
dont la procédure a été définie aux termes du Décret n°2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la
certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information ; Voir le site :
http://www.scssi.gouv.fr
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En premier lieu, il est étonnant que le Décret en cause n’ait retenu que le seul
recours à un tiers-certificateur pour reconnaître pratiquement la valeur légale d’une
signature électronique. En effet, il existe d’autres procédés tout aussi fiables en
théorie pour valider les dispositions de l’art. 1316-4 civ. et on peut penser notamment
à l’élimination des signatures biométriques utilisant l’empreinte naturelle d’une
personne (iris, empreinte digitale ou vocale), ou des systèmes directs de carte à
puce170. Pour autant, il faut voir en cette reconnaissance restreinte la volonté de
rationaliser l’usage des signatures électronique vers la seule voie qui techniquement
aujourd’hui est unanimement reconnue comme fiable, à savoir celle de la cryptologie
asymétrique171. Des ajustements ultérieurs et dépendant des progrès techniques sur
les autres types de signatures ne sont donc pas à exclure.
Par ailleurs, on peut s’étonner des conséquences de la reconnaissance
explicite de la signature électronique « sécurisée » comme condition essentielle à la
présomption de fiabilité reprise à l’art. 2 du Décret : en voulant s’aligner sur le modèle
européen (celui de la signature électronique qualifiée déjà détaillé), le texte se veut
résolument plus restrictif à l’égard de la prise en compte des procédés retenus, ce
qui tranche singulièrement avec les intentions généreuses initiales du législateur à
l’égard de l’ensemble du formalisme électronique.
Une partie de la doctrine a d’ailleurs pu parler d’une « signature électronique à
deux vitesses » au regard des différences de traitement que le marché de la
certification allait nécessairement générer dans ce contexte : entre la « signature
sécurisée » des grandes entreprises et la « signature simple » des clients moins
fortunés, l’incertitude est permise sur la fiabilité future globale des échanges
électroniques.
2.8.2.3
Le projet de Loi pour
la Confiance dans
l’Economie
Numérique et
la
question des écrits
ad validitatem
Initié lors de la précédente législature172, le projet de loi « pour la Confiance
dans l’Economie Numérique » déposé par le gouvernement envisage dans son
article 14, la dématérialisation sous forme électronique des contrats pour lesquels
l’écrit est exigé à peine de nullité (contrats écrits ad validitatem)173.
Cette adjonction ponctuelle, dans un texte d’une portée par ailleurs très
générale, fait écho à un débat doctrinal soutenu sur la valeur de l’écrit électronique
ad validitatem, que les textes avaient jusqu’alors laissée dans l’ombre. Il faut y voir
en réalité les situations où la loi exige une transcription matérielle dans le double
170
Cf. le commentaire de C.Charbonneau et F-J Pansier, Petites affiches, 6 avril 2001, n°69 qui dénoncent le
paradoxe selon lequel la carte à puce, spécialité française, a été dénigrée par ses initiateurs et reprise aux EtatsUnis, notamment par la récente carte « Blue » mise sur le marché par American Express pour garantir les
transactions électroniques via Internet.
171
Cf. infra sur cette notion, II, A, 1.2.2
172
Projet de loi sur la Société de l’Information consultable à l’adresse suivante :
http://www.lesechos.fr/evenement/LSI/projet-LSI.pdf et pour une dernière rédaction en date du 14 juin 2001,
date de dépôt du texte à l’Assemblée Nationale, cf. ANNEXE IV et
http://www.legifrance.gouv.fr/html/actualite/actualite_legislative/prepa/pl_pli3.htm
173
Cf. Annexe V.
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souci d’ « attirer l'attention des parties sur l'importance de l'acte » et de permettre « à
chacun de mûrir sa décision et de mieux préciser sa pensée »174. Le « rite
d’écriture »175 prend alors tout son sens par l’impact psychologique intrinsèque qu’il
induit.
La question de l’extension du formalisme électronique à ce type d’acte,
soigneusement mise de côté par le législateur de 2000, avait été ardemment
défendue par le rapporteur Jolibois lors de son rapport de synthèse de la loi initiatrice
sur « la Société de l’Information » 176. Faisant suite aux vœux des parlementaires, ce
dernier s’était en effet attiré les foudres d’une partie de la doctrine qui concluait que
« la signature requise ad validitatem devait être nécessairement autographe », en
tant qu’elle faisait référence non pas à la valeur probatoire de l’acte mais à son
existence-même177.
De plus, la majorité des auteurs, se montrait assez méfiante sur les garanties
apportées par ce nouveau support pour des actes méticuleusement réglementés178.
La jurisprudence s’était d’ailleurs déjà manifesté en ce sens179.
Qu’il nous soit permis toutefois de contester cette opinion en prenant pour
preuve l’universalité de l’écrit dématérialisé de son support que nous avons extraite
des définitions légales180. Car si la condition de validité du titre réside dans la
production d’un écrit et que cet écrit peut-être établi sous forme électronique aux
termes de l’art. 1316-1 civ., il apparaît logiquement que l’écrit électronique puisse par
induction constater la passation d’un acte ad validitatem au même titre qu’un écrit sur
support papier.
L’impossibilité de constituer un écrit électronique pour ces types d’actes ne
peut donc résulter que d’autres circonstances indépendantes à la forme électronique
en tant que telle. Pour illustrer cette démonstration qu’il soutient, le Professeur
Raynouard cite à titre d’exemple le cas du bail d’habitation181, nécessairement établi
par écrit (art. 32 de la loi du 6 juillet 1989), et donc a fortiori valable aussi sous
support électronique, mais au titre duquel le congé devra en revanche être « notifié
par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifié par acte
d’huissier » (art. 15, loi préc.). Ce sont ici les circonstances de la notification qui
interdisent l’écrit électronique, puisqu’on imagine mal, pour l’heure, un cachet postal
sur un acte dématérialisé.
174
F. Gonthier, Réflexion sur la notion d’écrit, JCP N 1999, n°49, citant J.Carbonnier, préc., n°90 et F.Terré,
Ph.Simler et Y.Lequette, préc., n°126.
175
J.Carbonnier, préc., n°90
176
Ch. Jolibois, RAPPORT 203 (1999-2000) - commission des lois, consultable sur le site de l’Assemblée
Nationale http://www.assembleenationale.fr
177
Conclusion du Professeur J. Huet, Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, préc.
178
Le Professeur J. Huet (in Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, Recueil Dalloz
2000, préc.) cite l’exemple du crédit à la consommation, très encadré « en raison des dangers qu'il présente pour
les consommateurs et des problèmes soulevés pour la société dans son ensemble par l'endettement des
ménages »
179
Sur l’insuffisance de l’utilisation d’une clef informatique pour l’envoi d’un télex comme valant signature
d’un aval porté sur une traite, Cf. Com. 26 Novembre 1996, JCP E 1997, p. 906, note Th. Bonneau
180
Cf. supra 1.3.2.1, 1er point.
181
A. Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature
électronique, Defrénois, préc., n° 37
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A cet égard, la nouvelle loi s’inscrit dans cette reconnaissance explicite des
actes électroniques et mentions manuscrites prescrits à peine de nullité. Le projet
actuel en pose les principes de base dans le futur art 1108-1 civ. qu’il propose :
« Art. 1108-1.- Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique,
celui-ci peut être établi et conservé sous forme électronique dans les
conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu'un acte
authentique est requis, au second alinéa de l'article 1317.
Lorsque est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige,
ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette
apposition sont de nature à garantir que la mention ne peut émaner que de luimême. »
Cette codification nouvelle au sein des conditions de validité traditionnelles
des conventions a pu être, à juste titre, saluée dans sa logique182, vis-à-vis de
l’ancienne intégration prônée par le projet de loi sur la Société de l’information : ce
dernier qui prévoyait d’intégrer ces dispositions au sein de celles relatives à la preuve
en matière civile183, méconnaissait à notre sens cette nouvelle dimension donnée au
formalisme électronique, qui pénètre de fait les conditions essentielles de
l’élaboration du consentement.
Toutefois, le texte réserve dans l’article 1108-2 civ. proposé, plusieurs
exceptions notables pour les actes relatifs au droit des personnes et de la famille
(donc relevant directement de la compétence notariale), les actes soumis à
autorisation ou homologation de l'autorité judiciaire et enfin les sûretés passées pour
les besoins professionnels184 ainsi que concernant le sort des actes solennels qu’il
nous appartiendra d’envisager plus avant.
L’apport de la loi LSI sera par ailleurs détaillé au regard des dispositions
relatives à la cryptologie185.
2. L’acte authentique dématérialisé:
« L'esprit a tendance à se délivrer du palpable pour arriver à ses fins. »
Antonin Artaud
182
L. Grynbaum, « Projet de loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique : Encore un petit effort de
rigueur juridique pour un contrat électronique fiable », Dalloz 2003, n°11, p 748.
183
La loi LSI proposait une section spécifique sur les contrats par voie électronique et l’adjonction d’un nouveau
Chapitre VII au Titre III du Livre troisième du Code civil intitulé : " Des contrats ou obligations sous forme
électronique ", comprenant les nouveaux articles 1369-1 à 1369-5 civ.
184
Sur ce point, cf. le futur art. 1369-2 civ. proposé en Annexe IV.
185
Cf. sur ce point note n° 226, infra.
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Le nouveau contexte du formalisme électronique mis en place en droit positif
oblige à s’interroger sur la valeur et l’avenir de l’acte authentique, instrument de
sécurité juridique incontournable, que le passage au support numérique ne doit pas
être en mesure de remettre en cause.
2.1 L’art. 1317 civ. et le décret sur l’acte authentique
L’extension du support électronique à la passation des actes authentiques
s’inscrit, en premier lieu, en rupture avec les mesures européennes qui excluaient
formellement de leur champ d’application les actes relevant de l’activité notariale,
« dans la mesure où elles comportent une participation directe et spécifique à
l’exercice de l’autorité publique »186.
Pourtant, issue d’un amendement sénatorial, l’actuelle législation s’est
montrée résolument audacieuse187 en reconnaissant expressément l’authenticité
électronique avec l’adjonction de l’alinéa 2 à l’art. 1317 civ. :
« [L’acte authentique] peut être dressé sur support électronique s’il est établi
et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat »
Cette rédaction ne modifie pas spontanément les conditions de
l’authenticité188, telles qu’elles ont été envisagées au regard de l’évolution des
conditions de l’art. 1317 al 1er civ. demeuré inchangé189, et laisse au pouvoir
réglementaire le soin de définir ses modalités pratiques.
Pour autant, les enjeux sont essentiels, dans la mesure où cette authenticité
dématérialisée doit permettre de garantir les mêmes effets juridiques
(essentiellement force probante et force exécutoire) que ceux conférés aux actes
authentiques élaborés sur support papier.
Dans cette perspective, l’hétérogénéité des actes authentiques au regard de la
qualité de leurs rédacteurs et des buts poursuivis a conduit le législateur à confier la
préparation du décret d’application à un second groupe d’experts190 (groupe GIP
remodelé), dont la composition originelle, en particulier de juristes, a été en ce sens
élargie à des experts en matière de certification, d’horodatage et d’archivage des
documents191. Sont également associés à ce projet des membres des professions
judiciaires (notaire, huissier, avocat), des magistrats et un responsable d’un service
de l’Etat-civil.
186
Art. 1-5° de la Directive européenne sur le « commerce électronique » de mai 2000.
Le rapport de préparation précise : « Il ne s'agit pas là d'encadrer une pratique, mais plutôt d'ouvrir un cadre
légal pour l'avenir »
188
La position à cet égard est unanime, et rappelée récemment par Me Decorps, Président du Conseil Supérieur
du Notariat, Petites affiches, 11 avril 2000, n°72, p 3 et 4.
189
Cf. supra. A, 2.3 et B, 2.1
190
Ce groupe fait suite à celui chargé d’élaborer les bases du premier décret relatif à la signature électronique
paru le 30 mars 2001, cf. supra.
191
Cf. infra sur ces notions.
187
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Les objectifs fixés par la Chancellerie sont de deux sortes : outre l’adaptation
pratique au support électronique de la forme authentique, ce sont aussi les
conditions essentielles d’archivage et de conservation de l’acte qui sont visées.
2.2 La limite des actes authentiques solennels
Ainsi que nous l’avons vu plus haut192, un certain type d’actes authentiques,
qualifiés d’actes solennels, requiert ladite forme à peine de nullité en vertu des
intérêts d’ordre public ou de protection essentiels qu’ils mettent en jeu. Le respect
des solennités authentiques ne s’analyse donc dès lors comme un argument
probatoire, mais plutôt comme un élément constitutif majeur de l’instrumentum
considéré, seul à même d’en garantir la validité juridique.
Par delà la probable admission des actes électroniques ad validitatem dans le
cadre de la prochaine loi sur l’Economie Numérique que nous avons envisagée
(actes authentiques ou sous-seings privés à établir sous forme écrite à peine de
nullité), la question d’éventuels actes authentiques solennels électroniques se veut
résolument plus complexe puisqu’elle suppose, outre la dématérialisation de la forme
authentique traditionnelle193, celle des autres solennités inhérentes à l’acte telle que
la présence physique et simultanée des futurs époux lors du contrat de mariage194 :
En effet, comme le faisait justement observer un auteur à propos d’un
éventuel contrat de mariage en ligne, d’une donation-partage ou des actes translatifs
ou constitutifs de droits réels sur un immeuble :
« Quelle solennité virtuelle équivalente à l’acte notarié physique peut-on
imaginer ? Pour l’instant, on ne voit pas. »195
Si comme nous le verrons, la question d’une réception dématérialisée peut
être évoquée prospectivement, il nous apparaît encore hasardeux de sacrifier au
« tout électronique », pour reprendre une formule du Professeur Catala, les
modalités sacramentaires essentielles de certains types d’actes pour lesquels
l’engagement personnel prend une dimension institutionnelle forte, ou à l’issue
desquels les conséquences patrimoniales ou familiales peuvent se révéler
conséquentes.
Imaginer la dématérialisation pour ce type d’acte revient à porter atteinte à la
relation privilégiée forte qu’entretien le notaire public avec le client dans les
circonstances qui commandent ces solennités. L’exemple le plus frappant est celui
du testament authentique, où le notaire, tel un confesseur, retranscrit une part
profondément intime des intentions de la personne confrontée aux conséquences de
sa propre disparition :
« Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion,
192
Cf. supra. A, 2.2.2.1.
Cf. infra. sur la proposition d’une réception intellectuelle de l’acte.
194
Art. 1394 al 1er civ.
195
P.Y Gautier et X. Linant de Bellefonds, De l’écrit électronique et des signatures qui s’y attachent, JCP G, 14
juin 2000, p. 1116.
193
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Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux Tabellion,
Et de ta plus belle écriture,
Note ce qu’il faudrait qu’il advint de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord,
Que sur un seul point : la rupture. »196
Telle nous semble être, à l’heure actuelle la limite majeure et essentielle de
l’imprégnation du formalisme électronique sur le droit notarial. Car ce ne sont plus ici
seulement les dimensions probatoires qui sont en cause mais, au delà, une notion de
protection institutionnelle que l’acte notarié électronique ne semble pas encore
pouvoir appréhender et garantir.
2.3 Le débat doctrinal sur le critère de l’authenticité relancé
Reprenant avec déférence les propos de J. Flour évoqués plus haut sur le
critère majeur de la réception et de la signature dans l’authenticité197, le Professeur
Arnaud Raynouard198 écrivait récemment que cette thèse n’en contenait pas moins
certaines incertitudes :
La premier motif d’interrogation consiste selon lui en la contradiction de texte
qu’a suscitée la récente codification de la loi du 13 mars 2000 dans le Code Civil : en
effet, comment combiner les dispositions de l’art. 1316-4 civ. qui lient l’authenticité à
la signature de l’officier public d’une part, aux anciennes mais durables conditions
cumulatives de l’art. 1317 civ. ? Autrement dit, si la signature du notaire suffit à
conférer le caractère authentique, qu’en est-il de sa compétence et des solennités
requises ? Il semblerait à cet égard que la dérive du critère de la réception vers celui,
plus restrictif, de la signature déjà dénoncée par Flour199, trouve un nouvel écho à
l’occasion de cette réforme récente.
A l’appui de cette thèse, certains auteurs ont pu distinguer une « authenticité »
de l’écrit garantie par la seule signature de l’officier public (art. 1316-4 civ.), d’une
« authenticité » du support200 soumise aux conditions plus restrictives de l’art. 1317
civ., mais il ne nous semble pas que cette thèse doive emporter l’adhésion, tant les
qualités du titre, de la personne dont il émane, de ses énonciations, de ses qualités
probatoires, exécutoires et de conservation, sont à nos yeux indissociables. Plus
qu’une distinction ou une contradiction de texte, il nous semble que le caractère
cumulatif de ces conditions doit être retenu. Reste à savoir dans quelles proportions
ces divers éléments influent sur l’apposition de l’authenticité, ce qui préserve tout
l’intérêt du débat sur l’évolution de son critère central201.
196
Georges Brassens, Supplique pour être enterré sur la plage de Sète.
Cf. supra, A, 2.3.
198
A.Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature
électronique, Defrénois, préc., n° 30
199
Sur ce point, cf. supra. A, 2.3, 3ème point.
200
X. LINANT de BELLEFONDS, L’acte authentique électronique, entre exégèse des textes et expérimentation,
Communication - Commerce Electronique, Octobre 2002, p 9.
201
Cf. infra I.B.2.4
197
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Dans le prolongement, le Professeur Luc Grynbaum202 défend plus
radicalement que le nouvel art. 1317 civ. signe « la déchéance de l’acte
authentique », puisque la réception « physique » par le notaire a définitivement
succombé à l’occasion de cette réforme et qu’« il n’y aura, techniquement pas de
différence entre un acte authentique établi à distance et un acte sous seing privé
dont les auteurs seront identifiés par un tiers »203. Selon l’auteur, en consacrant « la
fonction authentifiante de la signature » de l’officier public, l’acte authentique devient
un « acte de foi » reposant sur la présomption que le notaire peut garantir la sécurité
et l’intégrité juridiques quand bien même il n’aurait pas été présent à l’acte.
Pour autant, on peut immédiatement répondre à cette analyse, pour le moins
pessimiste sur l’avenir de l’authenticité, par deux séries d’arguments :
D’abord, il faut rappeler l’élément de confiance à l’égard des parties, mais
également de l’Etat que constitue l’intervention d’un notaire à l’acte,
indépendamment de sa présence physique lors de la réception : par les
compétences inhérentes à sa formation et la délégation de puissance publique dont il
est investi, le notaire doit parfaire cet acte de foi sans qu’une contestation autre que
celles limitativement prévues par la loi, ne puisse être engagée. Pour paraphraser
Lapeyre,
«la confiance systématique de l’Etat est le dynamisme du système, le moteur
de l’activité de l’arbitre »204
Aussi, tant que la plénitude des attributions notariales n’aura pas été modifiée,
il ne nous apparaît pas opportun de contester l’efficacité de l’acte authentique en
droit positif.
Dans le prolongement de ce raisonnement, un élément plus convaincant
encore doit être signalé : contester la fonction authentifiante de la signature n’est-ce
pas méconnaître le devoir fondamental de conseil205 qui, comme le rappelle le
Professeur Raynouard, pèse sur l’officier public ?
Car, toujours selon ses propres termes, « l’intervention du notaire n’est pas
uniquement une garantie matérielle du contenu de l’acte et du consentement
manifesté par les parties », mais elle « entraîne un surplus de réflexion et assure une
prise de conscience de l’acte conclu ». Si les solennités tendent à disparaître, il
semble au contraire que leurs effets ne soient pas contestables à partir du moment
où ils accentuent le sérieux et la gravité des engagements contractés, dans un souci
de sécurité juridique206.
202
L. Grynbaum, La consécration de l’écrit et de la preuve électronique au prix de la chute de l’acte
authentique, préc., p 14.
203
le Pr Grimaldi cite pour exemple la reconnaissance de l’acte professionnel réclamée vainement par les
avocats : L’acte authentique électronique, Defrénois 2003, n°17, p 1023, art. 37798.
204
Lapeyre, L’authenticité, JCP 1970, I, 2365, préc.
205
Pour une étude approfondie du devoir de conseil, Cf. G. Rouzet, Le conseil notarié, JCP N 1995, n°46, p
1547.
206
Jurisclasseur Notarial : Le devoir de conseil ne fait peser sur le notaire qu'une obligation de prudence et de
diligence dont le manquement doit être prouvé (Obs. J.L. Aubert : Defrénois 1982, I, p. 361. – J.-P. Kuhn,
Quelques réflexions sur les nécessaires limites du devoir de conseil du notaire suivies de plusieurs décisions de
jurisprudence récentes : Gaz. Pal. 1983, 2, doctr. p. 103). En respectant cette obligation, même ramenée à de
justes proportions, le notaire répond au besoin de sécurité des usagers du droit.
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C’est en ce sens que le notaire ne peut a priori, comme le souligne fort
justement Me Reynis207, être assimilé à un simple rôle de tiers-certificateur, ce qui le
distingue indubitablement du « notary public » anglo-saxon (nouvellement et
maladroitement qualifié au regard du droit français de « cyber-notary »). Son rôle ne
se borne pas en effet à identifier les parties et à assurer le lien de leurs signatures
respectives avec l’acte qu’elles auront signé, il est étendu à la conservation du
document, ainsi qu’à la préservation du contenu et de la portée juridique de l’acte208.
La consécration de ce dernier argument peut être recherchée sur le plan
européen avec l’arrêt Unibank209 récemment rendu par la Cour de Justice de
Communautés Européennes : dans le cadre du litige en cause, la Cour s’est ainsi
notamment fondée sur le rapport Jenard-Möller concernant les conditions
d’application de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988210, qui retient
fondamentalement que :
«l'authenticité de l'acte doit avoir été établie par une autorité publique.
cette authenticité doit porter sur son contenu et non pas seulement, par
exemple, sur la signature »
Une telle déclaration, corroborée par de nombreux éléments de fait au premier
desquels l’extension de la responsabilité professionnelle à la teneur des obligations
convenues dans les actes, fait à notre sens basculer l’officier public d’un statut de
témoin privilégié à celui de partie pleine et entière au contrat, au terme duquel il
prend des obligations (vérifier les identités, la capacité juridique ou mentale, mais
aussi conseiller et garantir par sa responsabilité).
2.4 Vers une réception intellectuelle de l’acte authentique ?
La réflexion sur une redéfinition de la notion d’authenticité, orientée vers un
acte dématérialisé permettant de répondre aux impératifs socio-économiques de
l’acte à distance, s’accompagne du souci permanent de sauvegarder l’ensemble des
prérogatives juridiques de l’acte authentique.
2.4.1 Intérêt de la réflexion
207
B. Reynis, Cliquer c’est signer…, JCP N, 8 décembre 2000, n°49, p. 1749.
ce que sanctionne d’ailleurs une lourde responsabilité professionnelle.
209
C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715: “Un titre
de créance exécutoire en vertu du droit de l'État d'origine dont l'authenticité n'a pas été établie par une autorité
publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire par cet État ne constitue pas un acte authentique au sens de
l'article 50 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale. »
210
Ladite convention reconnaît principalement, dans son article 50, la force exécutoire des actes authentiques
dans l’espace européen,à l’exception du Royaume-Uni, moyennant la procédure de requête de l’article 31, qui ne
peut être rejetée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public. Mais l’acte en cause doit alors réunir les conditions
nécessaires à son authenticité dans l’Etat d’origine.
208
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Si, pour reprendre l’expression précitée de Me Decorps, « le support
électronique ne modifie en rien les conditions de l’authenticité », il nous apparaît
toutefois que la profession notariale, au même titre que les autres professions
titulaires du pouvoir d’authentification, ne peut faire l’économie d’engager une
réflexion approfondie sur l’évolution prévisible de cette prérogative exorbitante de
droit commun, à l’heure des commerce électronique et autre e-business.
En effet, est-il toujours concevable que le Notariat latin se retranche derrière le
monopole authentique qui lui est conféré pour les actes de juridiction volontaire, alors
que la concurrence des autres professions judiciaires (conseillers juridiques et
avocats spécialisés) se montre active, et que le contexte communautaire et
international plaide pour une uniformisation des échanges via les nouvelles
techniques de communication ? Plus précisément, le notariat peut-il encore exiger la
présence physique du notaire devant les parties lorsque l’on connaît les facilités
qu’offrent Internet et les réseaux pour échanger à distance les accords de volonté,
facilités pleinement mises en œuvre dans les pays anglo-saxons ?
On l’aura compris, cette question de la réception physique de l’acte par
l’officier public, battue en brèche plus haut et bien que défendue toujours ardemment
par la profession211, ne pourra encore longtemps continuer d’alimenter, en l’état et
sans adaptation possible, le cœur de l’authenticité. Car au-delà de l’habilitation des
clercs et des procurations sous-seings privés, les exigences de la pratique notariale
commandent nécessairement d’autres aménagements :
« N’y a-t-il pas, dès lors un paradoxe à admettre l’authenticité d’un contrat de
vente immobilière pour lequel les deux parties contractantes auraient donné
procuration par acte sous-seing privé et qui serait lu par un clerc habilité, tout
en refusant de conférer l’authenticité au même contrat signé à distance par
chacune des parties, puis reçu par le notaire lui-même ? »212
Reste alors à anticiper l’évolution des techniques pour imaginer une évolution
de l’acte authentique, qui sauvegarde à la fois ses prérogatives essentielles et face
preuve simultanément d’une modernité de nature à la préserver des effets de la
mondialisation.
2.4.2
La
réception
intellectuelle :
une
réception
imparfaite ?
La notion historique et originelle du caractère authentique, qui reposait sur
l’intervention d’un témoin privilégié et éclairé en la personne de l’officier public,
incarnée par la réception physique de l’acte puis plus précisément par l’apposition de
sa signature, devra t-elle franchir un nouveau palier à l’avenir vers une réception
intellectuelle de l’acte ?
Cette question, qui peut apparaître encore très prospective aux yeux du
praticien, encore familiarisé avec le « rapport tactile » qu’il entretient avec ses
211
Si l’on s’en réfère à la note d’information envoyée par le Conseil Supérieur du Notariat et envoyée aux
Présidents de Chambres les 11 et 12 juillet 2000, p.1
212
L. Jacques, L’authenticité de l’acte authentique électronique, Communication-Commerce Electronique,
janvier 2003, p 11.
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minutes, présente à nos yeux l’intérêt majeur de bousculer les idées reçues et
d’ouvrir le débat sur une possible redéfinition de l’authenticité plus recentrée sur le
negotium, solennel et guidé, que sur son support. Car plus encore qu’une présidence
physique des débats lors de l’élaboration de l’instrumentum, ce qui importe à nos
yeux est avant tout est la capacité d’écoute, de conseil et de transcription fidèle des
volontés213 initiée par l’officier public tant dans les aspects contractuels que
précontractuels, et tant sur le plan juridique que sociologiques, patrimoniaux voire
psychologiques.
Le Notaire redevient de fait « le Gardien du Temple » du contrat, plus que le
secrétaire dévoué et fidèle.
Néanmoins, la seule évocation d’une dématérialisation de l’acte authentique
oblige à reconnaître un grand nombre de contraintes qui rendent de fait ce processus
encore hors de portée :
L’argument principal a pu être développé sur le fondement de l’obligation
pesant sur le notaire de vérifier l’identité, la capacité des parties et leur pleine
compréhension des engagements contractés. Plus encore que le contenu des
dispositions contractuelles vérifiables pour l’essentiel à la seule lecture de l’acte
électronique signé et envoyé par courrier numérique à l’officier public qui en est
responsable214, la vérification de ces éléments dépend beaucoup plus de la
perception physique et « humaine » que peut ressentir le notaire à l’occasion du
rendez-vous215, à travers la vérification opérée sur l’apposition même de la signature
des parties (ou leur défaut de signature à l’acte, qui peut avoir une signification
propre).
L’absence de ce moment de contrôle matériel a pu être qualifié à juste titre par
le Pr A. Raynouard de consécration d’une « authenticité imparfaite »216, et peut faire
craindre, de fait, une dérive vers cet « acte de foi »217 dénoncé par le Pr L. Grynbaum
plus fondé sur le statut et la confiance prodigués par l’Etat envers l’officier public, que
sur les véritables engagements responsables et validés des parties. Loin des vœux
du Conseiller Réal sur le témoin éclairé, le Notaire en apposant sa signature sur un
acte qu’il n’aurait pas reçu, répondrait alors davantage au « service public de
l’authenticité »218 dans le sens administratif du terme.
Or, si ces deux facettes sont indissociables de la fonction notariale, la fonction
sociale de l’officier public soucieux de prévenir le contentieux ne doit aucunement
prendre le pas sur les obligations préalables pesant sur lui et destinées à remplir les
213
J-L Aubert, Le formalisme, Rapport de Synthèse des Journées J. Flour, Defrénois 2000, art. 37213.
Depuis l’arrêt Unibank, 214 C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G.
Christensen, Rec., I-3715, cf. note 214.
215
Le Pr Grimaldi et Me Reynis parlent « des expressions du visage, des intonations de la voix qui ne trompent
pas sur l’intelligence qu’a son interlocuteur de ce dont on lui parle… », in L’acte authentique électronique,
Defrénois 2003, n°17, art. 37798, note 68-2° et, par analogie sur la force probante : Req., 8 janvier 1907,
D.1907, 1, 95 : « Les faits mentionnés dans un acte authentique ne font foi, jusqu’à inscription de faux, que si
l’officier qui en est le rédacteur les a constatés d’après le témoignage de ses sens… »
216
A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, Défrénois 2003, n° 18,
p 1117, art. 37806, n°23.
217
L. Grynbaum, La consécration de l’écrit et de la preuve électronique au prix de la chute de l’acte
authentique, préc., p 14, cf supra note 207.
218
Lapeyre, L’authenticité, préc., n° 3.
214
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conditions légales de l’authenticité. Car de cette dernière qualité découle
nécessairement la première.
Un autre élément décisif est celui de la force probante relative qui
sanctionnerait la signature d’une partie recueillie à distance par le notaire : une telle
apposition, en cette qualité, ne serait pas, en droit positif, sanctionnée de la
procédure d’inscription de faux pour n’avoir pas été constatée personnellement et de
visu par l’officier public219. D’où une effectivité toute relative de l’acte et un
appauvrissement probatoire certain.
La réception de l’acte authentique à distance, c’est-à-dire sans la présence
physique de l’officier public, nous apparaît donc, en l’état actuel du droit positif,
encore inopportune au regard des intérêts en jeu.
Pour autant, deux séries d’arguments peuvent, à notre sens, laisser encore la
porte ouverte à un débat prospectif sur cette question :
Le premier nous est fourni par le droit positif, qui offre la possibilité pour l’une
des exceptions que nous avons entrevues au principe de la réception physique, de
« parfaire l’authenticité »220 d’un acte reçu au moyen d’un mandat sous-seing privé :
la force probante peut être ainsi restaurée par le mandant seul par le procédé de
reconnaissance d’écriture et de signature (art. 1322 civ.), alors qu’un acte de dépôt
au rang des minutes assurera le plus souvent de rétablir les autres prérogatives
(date certaine, force exécutoire, possibilité de publication au Bureau des
Hypothèques, etc…)221.
La perfectibilité juridique de l’acte non reçu par l’officier public en dehors des
tempéraments légaux que sont l’habilitation des clercs et les mandats, n’est donc pas
irrémédiable. Nul doute dès lors que le formalisme électronique ne puisse
appréhender ces dispositions pour inventer une reconnaissance électronique de la
signature (d’ailleurs facilitée si le Notariat français devient l’institution de délivrance et
de contrôle des signatures électroniques dans le domaine qui le concerne, à l’instar
de son homologue québécois), et un acte de dépôt au rang des minutes…
électroniques.
Sur le plan matériel ensuite, si les arguments développés par certains auteurs
sur la vérification nécessairement matérielle de l’identité et de la capacité des parties
semblent convaincants222, ils n’en demeurent pas moins essentiellement limités aux
procédés techniques actuels, encore largement éloignés de l’œil du professionnel
averti :
Mais précisément quelles limites, autres que techniques, nous interdisent
d’imaginer par le biais d’entretiens à distance ou de vérifications diverses et
novatrices, que le Notaire ne sera pas à même de vérifier tout autant, sinon plus
précisément encore, ces éléments dans les décennies à venir ?
219
A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, préc., n° 39.
A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, précité.
221
L’authenticité reconnue à une convention sous-seing privé déposée au rang des minutes, si elle est validée par
les textes (art. 17 du Décret du 26 novembre 1971) et la jurisprudence (Civ., 25 janvier 1927, S. 1927, I, p 237),
fait encore l’objet de nombreuses réticences en pratique : P. Calle, Réflexions sur la nature juridique d’un acte
sous-seing privé déposé au rang des minutes d’un notaire, JCPN 2003, n°7-8, p 302.
222
On rappellera les exemples cités par le Pr Grimaldi et Me Reynis plus haut, cf. note 220.
220
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L’illustre auteur à l’origine du débat avait d’ailleurs dès 1972, pour ce qui est
de la qualité de rédaction de l’acte223, laissé la porte ouverte à une liberté des
moyens plus qu’à une finalité dans la qualité de rédaction incertaine :
« Il est d’évidence […] qu’une présence physique n’ajoute rien, non plus
qu’une absence ne retranche rien. Tout est fonction de la direction de l’étude.
En ce sens, mieux vaut que le notaire, après avoir étudié sérieusement le
dossier et contrôlé la rédaction de l’acte, n’assiste pas à la signature, plutôt
que l’inverse. »224
La signature électronique, éminemment liée à l’identité du signataire de sa
création à sa révocation, la multiplication des fichiers informatisés (Intergreffes, en
attendant l’accessibilité aux registres d’état-civil et des incapables en lignes), et plus
largement le développement des procédés de communication (e-mail, visioconférence…) sont autant de pistes incitatrices en ce domaine.
Le progrès fait son œuvre, le débat ne fait que commencer…
2.4.3 La réception intellectuelle : de la signature à la marque du
conseil responsable ?
La perfectibilité actuelle de l’acte authentique dématérialisé, fondé uniquement
sur la signature de l’officier public et non plus sur la réception physique des parties
(fût-elle déléguée à un clerc), oblige également encore à poursuivre la réflexion sur
l’évolution du critère de l’authenticité entrevue plus haut.
En réalité, plutôt que de rechercher un nouveau point d’ancrage parmi ceux de
l’art. 1317 civ., ou un équilibre parmi leurs influences respectives, il convient de
cerner plus avant selon nous les contours de la valeur intrinsèque de la signature de
l’officier public.
Car si la signature du notaire est, en droit positif, actuellement couronnée
comme le critère majeur de l’authenticité du fait de la sanction exorbitante qui en
frappe le défaut225, il apparaît bien qu’elle soit insuffisante dans ses seules fonctions
identificatrice et authentificatrice traditionnelles226 à justifier la force sans équivalence
qu’elle donne aux actes.
Y aurait-il donc, par delà, la définition de l’art. 1316-4 civ. et les composantes
traditionnelles de la signature, un élément supplémentaire, exhorbitant de droit
commun, qui expliquerait par son ajout, le statut et l’effectivité toute particulière de
l’acte authentique ?
Plus que dans la qualité du rédacteur, il nous semble devoir puiser dans le
devoir de conseil de l’officier public un premier élément de réponse :
223
Cf. infra pour le débat sur cette notion : I, B, 2.4.3, 1er point.
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité (commentaires de la loi du 26 novembre 1971) : Defrénois
1972, art. 30159, p. 977 s, préc., n°28-a.
225
Le défaut de signature du notaire est une cause de nullité absolue de l’acte authentique : Civ. 1ère, 29
novembre 1989, Bull. civ. I, n°368.
226
Sur les fonctions et la définition légale de la signature dans le cadre du formalisme électronique, Cf. supra
I.B.1.
224
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Garant, comme nous l’avons vu, du contenu des énonciations de l’acte227, le
notaire entoure la réalité d’un acte authentique d’une prestation intellectuelle
indispensable à l’égard des parties, sanctionnée d’ailleurs par une lourde
responsabilité professionnelle.
« L’authenticité a besoin du conseil pour se nourrir, et le conseil a besoin de
l’authenticité pour se couvrir »228
Ce rôle de conseil, de recherche de l’intérêt des parties, d’analyse, de
proposition de solutions juridiques ou autres, et d’implication de l’officier public déjà
évoqué plus haut est devenu aujourd’hui quasi-absolu : Il s’applique en effet y
compris à l’égard des professionnels229, et sa permanence (de la phase
précontractuelle à la signature et au suivi des engagements) constitue à nos yeux la
véritable valeur ajoutée de l’authenticité.
En outre, il permet de préserver la liberté contractuelle des parties, en aucun
cas tenues de suivre les incitations de l’officier public230.
Mais ne nous y trompons pas : l’intérêt est ailleurs, puisque la seule existence
du conseil de l’officier public, principalement incarnée par l’apposition de sa signature
sur l’acte, nous semble devoir retenir l’attention.
•
Une première distinction : la doctrine Flour
Dans son article fondateur, J. Flour nuançait plus avant son propos sur ce
point, en relevant qu’il y a avait lieu de distinguer :
les garanties juridiques offertes par le notaire,
garantissant l’information préalable et la validité des
consentements des parties d’une part (qualité du
consentement, inhérente à la valeur du juriste-spécialiste
qui le transcrit),
des effets produits par l’acte d’autre part (notamment la
force probante, inhérente à la réalité du consentement,
soumis à une présomption de véracité en vertu de du
statut de l’officier public qui le reçoit).
« la loi a promis [au notaire] qu’on le croirait sur parole »231
L’instrument probatoire majeur que constitue l’acte authentique procèderait
selon lui de la deuxième partie de cette distinction: c’est-à-dire d’un postulat de foi
publique, nécessaire à la recevabilité des énonciations des parties. Mais pour être
fondé, ce postulat suppose alors nécessairement le témoignage réel et physique de
227
Cf. Arrêt Unibank, C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec.,
I-3715, note 214, et les développements sur le devoir de conseil, supra, I, B, 2.3
228
P.E Normand, « la loi, le contrat et l’acte authentique », JCPN 1990, p 359, préc., n°46. Voir également sur
ce point B.Reynis, Signature électronique et acte authentique : le devoir d’inventer…, JCPN 2001, n°41, p 1494,
n°31 : « Il n’y a pas d’authenticité sans conseil préalable ».
229
Civ. 1ère, 28 novembre 1995, Jurisdata n°003593 et 19 mai 1999 Defrénois 1999, n°23, p 1339, note J-L
Aubert.
230
CA Toulouse, 17 décembre 1990, Jurisdata n°049302.
231
J. Flour, préc., n°28-b
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l’officier public, ce qui met fin, de fait, à la discussion sur une possible
dématérialisation.
« La force probante est confiance faite à un témoignage privilégié […]
Pour être témoin privilégié, il faut, d’abord, être témoin. »
On quitte ainsi le domaine juridique, pour celui, plus prosaïque, du fait
présumé véridique… et la réflexion sur l’authenticité s’éloigne d’autant.
•
La qualification du devoir de conseil : la doctrine GrimaldiReynis
Récemment reprise sous la plume du Pr Grimaldi et de Maître Reynis232, cette
distinction a été remise au goût du jour, et recentrée plus particulièrement sur la
qualification du devoir de conseil :
Dans cette perspective, ces auteurs retiennent en effet que le conseil notarié
relève plus de la qualité du juriste-professionnel, de ses compétences propres, que
de son statut d’officier public à travers notamment l’exemple des mentions
manuscrites de l’art.1326 civ., dont l’apposition n’est pas nécessaire sur les actes
notariés233.
Or, comme nous l’avons vu, puisque les effets exceptionnels de l’acte notarié
découlent du statut d’officier public, délégataire de la foi et de la puissance publique,
un imparable syllogisme oblige à considérer que le rôle de conseil du notaire ne peut
valablement expliquer la force toute particulière conférée aux actes et donc à leur
authenticité.
Avec le devoir de conseil, c’est bien de l’existence du consentement dont il
s’agit, plus que de la véracité des faits énoncés.
•
Réserves critiques porté sur cette thèse
Qu’il nous soit permis d’émettre modestement quelques réserves sur cette
démonstration pourtant très réfléchie, dans le but de soutenir au contraire les
développements énoncés plus haut sur l’orientation de la signature de l’officier public
vers son devoir de conseil :
Une première remarque oblige d’abord à soulever une certaine contradiction :
Celle-ci découle du constat susvisé selon lequel le devoir de conseil, inhérent
à la qualité de l’acte et de son rédacteur, apparaît insuffisant à justifier les effets
exorbitants de l’authenticité. L’acte authentique retomberait par là-même, comme
évoqué par ces auteurs, dans la plus grande catégorie des actes professionnels au
regard de sa confection juridique, dont il ne serait qu’une curiosité sur le plan des
effets juridiques et probatoires.
Dans ce contexte, quel autre fondement que la foi publique inhérente à la
qualité d’officier public peut dès lors expliquer ses effets probatoires juridiques de
232
J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité (commentaires de la loi du 26 novembre 1971) : Defrénois
1972, art. 30159, p. 977 s, préc., n°28-a et Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, Defrénois
2003, n°17, art. 37798, n°12.
233
Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, préc., n°12.
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droit commun ? Le Pr Grimaldi, lors d’un entretien qu’il nous accordait234 le
reconnaissait à demi mot.
On en revient, semble t-il, à « l’impasse » dénoncée par Flour235...
Mais dans ce cadre, il est utile de relever que le statut du Notariat, reconnu
pourtant comme élément « [explicatif] de la foi prêtée aux énonciations de l’officier
public »236 tout en faisant l’objet de vives critiques sur son insuffisance237, ne permet
pas de faire progresser la discussion de façon satisfaisante. Défendre le postulat de
la foi conférée en l’officier public sans attester de la solidité de ses fondations offre
encore matière à discussion à nos yeux…
Dans un second temps, on peut objecter que la négation relative de l’influence
du devoir de conseil dans la signature du notaire, au profit des effets exceptionnels
produits et de la véracité du consentement, méconnaît dans une certaine mesure la
composition « chronologique » de l’acte sur le plan du droit des obligations:
Car avant d’être un instrument de preuve et d’exécution, l’acte authentique est
avant tout, un contrat ou un acte juridique pour lequel la manifestation d’un
consentement non vicié s’impose préalablement à la production de tout effet
juridique obligataire,.
On pourra certes objecter le principe d’instantanéité, appliqué la plupart du
temps, aux effets produits :
Ainsi la remise des clefs à la signature de l’acte de vente emporte t-elle, sauf
clause contraire, le transfert immédiat de propriété. La force probante (en ce qui
concerne en particulier la date certaine qu’elle induit) et la force exécutoire conférées
à l’acte authentique se confondent pareillement à sa perfection juridique
contractuelle.
Mais il ne s’agit que d’une coïncidence de circonstances, imposée par la
pratique et les intérêts en cause, qui ne doit en aucune façon occulter, sur le plan
juridique, le nécessaire lien de dépendance, sanctionné par la nullité, qui unit les
conditions de perfection de l’acte créateur d’obligations à l’effectivité de ces
dernières.
Enfin, si l’on abandonne le cadre du droit des obligations pour revenir au
débat, plus spécifique, sur l’authenticité, il nous apparaît qu’il faille proclamer une
véritable indissociabilité de ses conditions d’une part (triptyque : réception par
l’officier public - ayant compétence - avec les solennités requises, pour la signature
de l’officier public constitue le point d’orgue), de ses effets exorbitants de droit
commun d’autre part.
Car, plus que dans tout autre instrument probatoire ou contractuel, c’est la
perfection de l’acte qui à nos yeux confère l’authenticité238 : parce qu’il ne peut y
avoir d’authenticité à demi-mesure, il n’y pas lieu de distinguer à notre avis la qualité
des dispositions juridiques constitutives, de la véracité effective des énonciations des
parties (fussent-elles erronées ou tronquées). L’authenticité est, ou n’est pas…
234
Entretien recueilli à la suite d’un dîner-débat organisé par l’Association Rencontres Notariat-Université de
Nice, Septembre 2003.
235
J. Flour, Ibid.
236
Pr Grimaldi et Me Reynis Ibid.
237
Notamment celles fondées sur les allégations selon lesquelles le numerus clausus, la discipline, les sanctions
professionnelles permettraient d’expliquer la force exorbitante des actes : Pr Grimaldi et Me Reynis Ibid, n°11.
238
Il ne peut y avoir d’authenticité de demi-mesure, puisque l’acte est alors considéré comme un acte sous-seing
privé (art. 1318 civ.). Mais l’authenticité peut se parfaire… cf supra I.B.2.4.2
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Si l’on en revient, dans une certaine mesure, sur la condamnation de
« l’authenticité imparfaite » susévoquée239, son cadre apparaît ici élargi à l’ensemble
des dispositions tant constitutives qu’effectives
A titre d’illustration, on rappellera que la différence de traitement, sur le plan
probatoire, entre les dispositions protégées par l’inscription de faux et les autres240,
ne doit pas faire perdre la valeur intrinsèquement authentique de ces dernières, qui
demeurent par ailleurs pleinement exécutables et soumises à la même date certaine
que la globalité de l’acte. Ubi lex non distinguit…
Le conseil notarié nous apparaît donc comme très spécifique, non dans sa
qualité (« personne ne peut prétendre que du notaire ou de l’avocat, l’un fût plus
important que l’autre »241), mais par son rôle impartial, apaisant et incontournable
tout au long du processus d’élaboration de l’instrumentum notarial. Peut-être y a-t-il
donc matière à rechercher encore dans cette voie la substantifique moelle de
l’authenticité ?
Si ces considérations se veulent encore ambitieuses et prospectives au regard
de la récente réforme du droit de la preuve, il est souhaitable qu’elles participent tout
du moins à la naissance d’un débat sur l’authenticité du siècle à venir. La parution du
décret sur l’acte authentique devrait à cet égard fournir des nouvelles pistes
d’introspection.
Pour autant, et sans préjuger de cette anticipation, il est important d’envisager
dans un second volet de notre analyse, les modalités pratiques de la mise en place
de l’authenticité notariale électronique telles qu’elles apparaissent à l’issue de la
longue évolution de cette notion (2ème partie) :
239
Cf. supra et note 221.
Cf. Civ. 1ère, 13 mai 1986, RTD civ. 1988145, obs. Mestre et supra. I.A.2.2.2.2.
241
Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, préc., note 68, 2°.
240
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Deuxième Partie : La mise en œuvre
pratique de la forme électronique pour les
actes notariés
« La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne
fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne
et que personne ne sait pourquoi »
Albert Einstein.
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L
a mise en œuvre pratique de l’acte authentique électronique dans le
milieu notarial oblige à envisager dans un premier temps la position du
notaire comme tiers de confiance de l’engagement des parties (A), afin
de mieux percevoir ses attributions au regard des nouvelles pratiques
informatiques (B) :
A. Le notaire, tiers
électroniques
de
confiance
des
échanges
Dans le dispositif retenu par le législateur français à l’occasion du premier Décret
sur la signature électronique, il apparaît que ce soit l’unique système technique de la
cryptologie asymétrique qui ait été retenu (1).
Dans ce dispositif, le notaire occupe une place de choix puisqu’il tend à
représenter ce tiers de confiance essentiel dans la constatation de l’accord passé
entre les parties (2). En cela, et dans l’attente du futur Décret sur l’acte authentique, il
conviendra de préciser l’apport du réseau REAL mis en place depuis 1992 dans la
profession (3) et dont les possibilités apparaissent renouvelées par l’authenticité
électronique.
1
Introduction à la cryptologie asymétrique
1.1
Notion de cryptologie
L’élaboration des messages électroniques que laisse apparaître la récente
réforme introduisant le formalisme juridique en droit français ne doit pas faire oublier
le délicat problème de la circulation de ces messages de façon directe ou par
l’intermédiaire de réseaux de communication fermés (Intranets) ou ouverts tels
qu’Internet.
En effet, le cheminement technique de ces messages sur les réseaux précités
rend possible de multiples interceptions à différents endroits de la chaîne
informationnelle et ne permet pas de garantir une fiabilité suffisante de l’échange
sans autre précaution: le réseau mondial Internet repose en particulier sur un relais
de l’information de serveur en serveur, ce qui permet de multiplier les risques
d’attaques mal intentionnées. En outre, la copie successive de ces messages sur ces
serveurs se heurte au droit de regard absolu détenu par l’administrateur du système
sur les documents déposés sur la machine dont il est responsable242.
C’est donc dans un souci de confidentialité permettant d’assurer l’équivalence
fonctionnelle avec le support papier qu’est intervenu l’impératif de recourir à un
système de codification des messages. Cette exigence n’est pas nouvelle et a
242
H. Bitant, La signature électronique : comment la technique répond t-elle aux exigences de la loi ?, Gaz. Pal.
20 juillet 2000, p 10.
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longtemps été utilisée, notamment à des fins militaires, depuis des temps fort
anciens243.
A cet égard, la cryptologie (ou cryptographie) peut être définie comme :
« L’ensemble des moyens, tant logiciels que matériels, pour rendre une
information inintelligible et pour la restituer dans son état premier »244
A cet égard, et dans le souci de répondre aux exigences posées à l’origine par
la Directive communautaire précitée, la technique de cryptologie permet de garantir :
•
l’identité de l’auteur à l’origine du message telle qu’établie lors
du processus de création de la signature électronique (fonction
identifiante)
•
la volonté de s’engager manifestée par l’auteur du message
(fonction d’authentification/non répudiation)
•
le contenu du message et de l’acte transmis tel qu’établi par
son auteur (fonction d’intégrité)
Pratiquement, les dispositifs de cryptologie reposent sur des algorithmes
mathématiques245 permettant de « chiffrer » un message originaire au moyen d’un
code (ou cryptogramme). Ces algorithmes sont apposés sur le document à protéger
par l’intermédiaire de clefs (« sorte de donnée numérique nécessaire au lancement
des algorithmes arithmétiques »246), dont la complexité est proportionnelle au niveau
de sécurité atteint.
1.2
Cryptologies symétrique et asymétrique
Il convient de distinguer deux niveaux progressifs majeurs de protection dans
l’évolution de la cryptologie actuelle :
1.2.1 Cryptologie symétrique (ou à clef unique)
La cryptologie symétrique tout d’abord met en jeu une clef unique, échangée
et conservée par chacun des correspondants pour le chiffrement et le déchiffrement
du message envoyé (schéma n°1247).
243
Cf. Jules César, La guerre des Gaules : l’Empereur romain avait pris l’habitude de décaler les lettres de
l’alphabet dans les messages qu’il adressait à ses légats.
244
Thierry Piette-Coudol, Echanges électroniques certification et sécurité, Litec, collection Maîtriser, n° 25.
245
Sur les aspects mathématiques de la cryptologie, voir l’étude très complète de Ghislaine Labouret,
Introduction à la cryptologie, consultable à l’adresse :
http://www.multimania.com/labouret/realisations/cryptologie/#242
246
Thierry Piette-Coudol, Echanges électroniques certification et sécurité, préc., n° 26.
247
Cf. Schéma n°1, page suivante.
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Schéma n°1 : cryptologie symétrique
Clef unique pK
Clef unique pK
Transfert de la clef
CHIFFREMENT
DECHIFFREMENT
Transfert du message crypté
Emetteur
Récepteur
Si ce système présente l’avantage d’une certaine rapidité dans la
communication de l’information, il demeure peu adapté à la pratique des échanges
en réseau : en effet, chaque clef étant propre à chaque opération, leur gestion
globale se révèle extrêmement complexe sur des réseaux mondiaux tels qu’Internet.
De plus, l’envoi de la clef de déchiffrage simultanément au document codé248 ne
permet plus à l’heure actuelle d’atteindre un degré de fiabilité et de confidentialité
suffisant au regard des législations en vigueur et des critères sus-évoqués qu’elles
imposent.
Pour autant, de tels modes de chiffrement sont à l’heure actuelle toujours
utilisés par les secteurs bancaires ou administratifs249.
1.2.2 Cryptologie asymétrique (ou à clef publique)
Devant les nouveaux impératifs imposés à la cryptologie par le
développement de l’EDI (Echange de Données Informatisées), différentes méthodes
ont été développées afin de pallier à la principale faille des système de clef
symétrique : le nécessaire transfert de la clef.
Ainsi une nouvelle méthode de codification mise au point en 1980, baptisée
RSA250, reposait sur un algorithme novateur faisant intervenir un bi-clef (sorte de
scission de la clef unique considérée plus haut) composé :
•
248
D’une clef privée, servant à chiffrer le message et qui est secrètement
gardée par son titulaire ;
Même si on peut penser que cet envoi se fera de façon distincte de celui du message, selon des canaux
fortement sécurisés : téléphone, courrier recommandé, échange direct…
249
On peut penser notamment au système DES (Data Encryption Standard) utilisé depuis 1977 par
l’administration américaine. Cet algorithme est exécuté trois fois en série pour augmenter la sécurité. Il est
réactualisé tous les 5 ans.
Source : http://securinet.free.fr/crypto-cles-secretes.html
250
RSA du nom de ses trois concepteurs : Rivest , Shamir et Adleman. Il sert encore aujourd’hui à protéger les
codes nucléaires de l'armée américaine.
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•
Et d’une clef publique, servant à déchiffrer le message reçu, qui est
librement communiquée aux utilisateurs du système.
Génération logicielle
Clef privée
Clef publique
Librement
communicable
Secrète
Cette méthode est actuellement unanimement reconnue pour sa fiabilité et
présente à ce titre l’avantage d’être expressément couronnée par le récent décret
français d’application de la loi française sur la signature électronique251. Mais c’est
surtout sa démocratisation récente via le réseau Internet qui lui a permis d’atteindre
une situation quasi-monopolistique dans les échanges sécurisés actuels : ainsi, la
reprise de l’algorithme RSA dans le logiciel PGP252 (Pretty Good Privacy) développé
par Philip Zimmermann, et sa libre diffusion sur le réseau ont largement contribué à
l’émergence du courrier électronique sécurisé, en particulier aux Etats-Unis.
Pour autant, l’architecture de ce logiciel présente le risque potentiel de ne pas
faire intervenir de tiers-certificateur pour contrôler la fiabilité du système et les
correspondances des clefs (la machine gérant seule les clefs privées librement
choisies par l’utilisateur à partir d’un « trousseau de clefs publiques » préétablies)253.
Le fonctionnement du dispositif de cryptologie asymétrique se révèle plus
complexe que celui déjà évoqué de la cryptologie symétrique :
1.3
Principes de
asymétrique
fonctionnement
de
la
cryptologie
Après avoir obtenu préalablement la création d’un bi-clef auprès d’un
organisme habilité, l’utilisateur est en mesure d’utiliser le procédé de cryptographie
asymétrique pour sécuriser l’envoi de son message par voie électronique. En cela, il
convient de distinguer le processus même de cryptage du message électronique, de
celui de sa seule signature :
251
Cf. infra.
http://www.pgpi.com : pour plus d'informations sur la version "internationale" de PGP
253 253
H. Bitant, La signature électronique : comment la technique répond t-elle aux exigences de la loi ?, préc.,
p 11.
252
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1.3.1 Le cryptage du message électronique par la bi-clef
Schéma n°2 : cryptologie asymétrique pour
le message électronique
CHIFFREMENT
DECHIFFREMENT
par Clef publique puB
par Clef privée prB
Transfert du message crypté
Emetteur A
Récepteur B
Dans le cadre de la cryptologie du seul message électronique, sans
intervention de la signature de la partie qui s’engage, ce sont les clefs publiques et
privées du récepteur du message qui entrent en jeu :
•
L’émetteur A utilise la clef publique « puB » du récepteur B, librement
communicable, pour chiffrer le message ;
•
Le récepteur B utilise sa propre clef privée B « prB », dont il détient un
usage exclusif, pour déchiffrer le message reçu.
En pratique notariale, ce système peut être utilisé pour l’envoi de pièces et de
documents confidentiels pour lesquels l’identification de l’auteur n’est pas essentielle
(communication du registre de disposition de dernières volontés, communication
d’extrait de matrices cadastrales…).
1.3.2 Le cryptage de la signature électronique par la biclef
Schéma n°3 : cryptologie asymétrique pour
la signature électronique
CHIFFREMENT
DECHIFFREMENT
par Clef privée prA
par Clef publique puA
Transfert du message crypté
Emetteur A
Récepteur B
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Afin de garantir l’identification de la partie qui s’engage, la cryptologie de la
signature électronique fait naturellement intervenir les clefs publiques et privées de
l’émetteur A :
•
L’émetteur A utilise sa clef privée « prA », dont il détient l’usage
exclusif, pour signer le message ;
•
Le récepteur B utilise la clef publique « puA » de A, librement
communicable, pour vérifier la validité de la signature électronique.
Pour autant, ce système gagne à être parfait par l’intervention d’un tiers de
confiance susceptible de vérifier au mieux l’exactitude de la validité de la
signature254.
1.4
Réglementation de la cryptologie
Nous nous conterons ici d’évoquer les lignes directrices qui encadrent le statut
juridique dévolu à la cryptologie.
1.4.1 Les initiatives internationales
De nombreux organismes internationaux se sont récemment souciés des
problèmes de cryptologie. En effet, cette réglementation qui a pu être qualifiée de
« réponse aux exigences de la sécurité des Etats »255, témoigne de leur volonté de
maîtriser les incidences de l’utilisation et de l’exportation de ces procédés techniques
en constante évolution.
Diverses initiatives internationales ont d’abord tenté une rationalisation de ces
techniques par l’intermédiaire de l’énoncé de grands principes : l’OCDE a d’abord
défini « les lignes directrices régissant la politique de cryptographie » dans un
document daté du 27 mars 1997 qui tente d’influencer les législations nationales.
Différents postulats y sont proclamés : confiance en ces procédés, libre choix
des méthodes au regard du marché, respect des réglementations nationales
spécifiques respectueuses du droit à la vie privée et de la protection des données à
caractère personnel, et reconnaissance explicite des tiers-certificateurs256.
Notons que le Conseil de l’Europe avait déjà adopté une recommandation le
11 septembre 1995 reconnaissant la plupart de ces concepts et entendant en outre
s'opposer à la criminalité induite par la cryptographie.
254
Cf. infra, II, A, 2 et Schéma n°4
255
Cl. Guerrier, Le droit actuel de la cryptologie est-il adapté aux utilisateurs d'Internet ?, article consultable sur
le site http://www.lex-electronica.org
256
Cf. infra sur cette notion.
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Mais il serait inexact d’envisager une vision globale de la réglementation de la
cryptologie sans préciser l’enjeu stratégique qu’elle représente, notamment quant à
son exportation.
Diverses organisations internationales ont en ce sens tenté de restreindre
pendant de nombreuses années l’exportation des divers moyens de cryptologie,
considérés comme des procédés technologiques à finalité stratégique, à destination
de certains pays présentés comme potentiellement « à risques » (notamment
terroristes) : Le COCOM (Coordination Committe for Multilateral Export Controls) fut
à ce titre remplacé par l’arrangement de Wassenaar (établi en 1995 et publié le 15
janvier 1998 sur le territoire américain) lui-même destiné à contrôler l’exportation de
biens de nature civile et militaire, dont la cryptologie fait naturellement partie.
Révisé en décembre 1998, cet accord s’est considérablement assoupli en
libéralisant l’exportation des produits cryptographiques au dessous de 56 bits ou
celui des produits utilisant le chiffrement pour protéger la propriété intellectuelle.
Pour autant, ce dispositif n’est pas directement applicable dans les législations
internes, chaque Etat se devant de l’y intégrer.
1.4.2 La réglementation française
La France fut pendant longtemps l’un des Etats les plus réticents à
reconnaître la fiabilité des techniques de cryptologie puisque le Décret du 18 avril
1939 soumettait la cryptologie au régime du matériel de guerre de deuxième
catégorie257.
Malgré quelques assouplissements majeurs258, la véritable libéralisation n’est
intervenue que dans le cadre de la loi sur la réglementation des télécommunications
de la loi du 29 décembre 1990259, qui proclame notamment une première définition
de la cryptologie en droit français dans son art. 28 :
« On entend par prestations de cryptologie toutes prestations visant à
transformer à l'aide de conventions secrètes des informations ou signaux
clairs en information ou signaux inintelligibles pour des tiers, ou à réaliser
l'opération inverse, grâce à des moyens, matériels ou logiciels conçus à cet
effet »
Le texte met en place de plus une procédure d’habilitation à deux niveaux
auprès des services du Premier Ministre (SCSSI): celui d’une déclaration préalable
"lorsque ce moyen ou cette prestation ne peut avoir d'autre objet que d'authentifier
une communication ou d'assurer l'intégrité du message transmis" ou celui d’une
demande d'autorisation préalable dans les autres cas.
257
Assemblée nationale, Rapport de M. Claude Gaillard, ndeg.2750 du 30 avril 1996, v. p.215 cité par E.
Caprioli, Sécurité technique et cryptologie dans le commerce électronique en droit français, article consultable
sur le site http://www.lex-electronica.org
258
259
Voir notamment le Décret n°86-250 du 18 février 1986.
loi ndeg.90-1170 du 29 décembre 1990, J.O. du 30 décembre 1990 ; J.C.P. 1991, éd. G, III, 64426
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Face au nouveau contexte informatique, une nouvelle loi du 26 juillet 1996260
s’est par la suite efforcée de re-préciser et d’assouplir encore les conditions de cette
libéralisation, parfois relative au regard de la lourdeur des procédures administratives
sus-évoquées261. Le législateur retient ainsi, dans son art. 17, que l’utilisation d’un
moyen ou d’une prestation de cryptologie est libre262, sous conditions alternatives:
Si « elle ne permet pas d'assurer des fonctions de confidentialité,
notamment lorsqu'il ne peut avoir comme objet que d'authentifier une
communication ou d'assurer l'intégrité du message transmis »
Il s’agit ici de la reconnaissance explicite de la liberté de gestion des procédés
de signature électronique et de cartes bancaires (si tant est que le dispositif de
cryptologie utilise une clef de chiffrement de longueur inférieure à 128 bits). Cette
libéralisation du procédé technique fut d’ailleurs, à notre sens, un préalable
indispensable à la reconnaissance du formalisme électronique sus-évoqué. Elle
s’inscrit aussi dans la nécessaire libéralisation qu’appelle le commerce électronique.
Ou si elle « assure des fonctions de confidentialité et n'utilise que des
conventions secrètes gérées selon les procédures et par un organisme
agréés »
Ce deuxième volet proclame la confiance et la sécurité conférées par les
organismes de tiers-certificateur dans la gestion des dispositifs de cryptologie via la
signature électronique, et couronne le système de cryptologie asymétrique avec tiers
de confiance que nous allons détailler. En effet, la procédure légale d’habilitation de
ces tiers est jugée suffisamment stricte pour dispenser postérieurement les
requérants de ce système de toute formalité superflue.
Pour les autres dispositifs de cryptologie, notamment ceux qui ne font pas
intervenir de tiers de confiance pour des opérations de confidentialité, c’est
l’ancienne procédure d’autorisation préalable qui prévaut (la déclaration préalable
perdurant pour les seules fonctions d'authentification et d'intégrité).
Il faut signaler, enfin, que les sanctions pénales prévues par ce dernier texte
ont été à leur tour réaménagées :
défaut d'autorisation préalable lors de la fourniture,
l'importation de pays non membres de l'Union européenne ou
l'exportation de moyens ou prestations de cryptologie : six
mois d'emprisonnement et 200.000 francs d'amende ;
défaut d'agrément du tiers : deux ans d'emprisonnement et
300.000 francs d'amende ;
260
.JO. du 27 juillet 1996, p.11384 s. V. égal. : Frédérique Olivier et Eric Barbry, Aperçu rapide sur la loi du 26
juillet 1996 de réglementation des télécommunications, J.C.P. 1996, éd. G, Actualité du 18 septembre 1996
261
E. Caprioli, Sécurité technique et cryptologie dans le commerce électronique en droit français, préc.
262
L’ensemble de ces conditions semble repris dans le projet de loi LSI préc., aux art. 41 et suivants.
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fourniture ou utilisation de moyens ou prestations de
cryptographie ayant permis un crime ou délit : cinq ans
d'emprisonnement et 500.000 francs d'amende.
A la suite d’un rapport critique du Conseil d’Etat et d’un Décret du 19 mars
1999, diverses modalités techniques ont été ponctuellement révisées avec
notamment un rehaussement du seuil de libre chiffrement des dispositifs de
cryptographie, qui passe de 48 à 128 bits (adéquation nécessaire à l’évolution
technologique pour garantir la sécurité du dispositif)263.
2
Tiers de confiance et « notarisation » des échanges
La notion de recours à un tiers de confiance que nous avons déjà esquissée au
travers de l’authentification des actes par l’officier public prend une nouvelle vigueur
avec l’apparition des nouveaux dispositifs de signature électronique fondée sur la
cryptographie asymétrique.
D’éminents juristes ont ainsi très tôt préconisé le « passage par un organisme
intermédiaire, indépendant des interlocuteurs et jouant le rôle de tierscertificateur [assurant en outre] une fonction d’archivage des messages passant par
lui, permettant de ménager une preuve. »264
Le rôle « prospectif » du notaire doit être en ce sens analysé au regard des
diverses conceptions que peut revêtir ce tiers de confiance dans le processus
contractuel électronique.
2.1
Notion de tiers de confiance
Les tiers-certificateurs, ou autorités de certification, ou Prestataires de
Services de Certification (PSC) sont des autorités désignées comme telles par la
puissance publique pour :
• recueillir les clefs publiques des utilisateurs des dispositifs de
signatures électroniques,
• et émettre des certificats (sorte de passeport informatique de tout
signataire).
Ce dernier document établit de façon certaine le lien unissant l’identité du
signataire à sa clef publique et constitue un gage de sécurité supplémentaire à
l’égard du cocontractant, notamment au sein du dispositif de cryptologie asymétrique
sus-évoqué : en effet, ce dernier n’aura la plupart du temps aucune connaissance de
l’identité de la partie avec laquelle il contracte et il convient de lui assurer toute
l’effectivité de l’engagement conclu.
263
Thierry Piette-Coudol Echanges électroniques certification et sécurité, Editions Litec, collection Maîtriser,
n°47 et suivants, p 29.
264
J. Huet, Formalisme et preuve en informatique et télématique, JCP 90, I, p 103.
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La confiance sur laquelle repose l’ensemble de ce système résulte des strictes
conditions d’agrément auxquelles sont soumis les PSC, notamment au travers de la
Directive communautaire du 13 Décembre 1999265et du récent Décret d’application
du 31 mars 2001266 en ce qui concerne les signatures électroniques d’une part, mais
aussi conformément aux dispositions réglementant la cryptologie d’autre part (art. 28
II, al 1er de la loi du 29 décembre 1990 précitée telle que modifiée par la loi du 26
juillet 1996 et le décret du 24 février 1998).
Si ces attributions ont vocation à être remplies par les mêmes organismes en
pratique, il convient néanmoins de distinguer les deux types de certification imposées
par ces régimes :
2.2
Conditions de la certification
2.2.1 Les conditions de la certification au regard
de la signature électronique
Le décret du 31 mars 2001 portant application de la loi du 13 mars 2000
définit dans ses articles 6 et 7 la notion de certificat électronique qualifié, ce qui
participe du niveau de sécurité volontairement accru que souhaite mettre en place le
législateur267, et pose les conditions légales susceptibles de se voir reconnaître la
qualité de PSC.
Le certificat qualifié doit d’abord respecter trois séries d’exigences (art. 6) :
•
en tant que tel, il doit mentionner sa qualité propre (a), indiquer sa
durée de validité (f), et le nombre de transactions autorisées (i)
•
l’identité du prestataire doit être précisée : nom, pays d’établissement
(b), signature sécurisée (h)
•
l’identité du signataire est enfin essentielle : nom ou pseudo (c), qualité
(d), correspondance de données entre création et vérification (e)
Le Prestataire de Service de Certification (PSC) est quant à lui régi par les
dispositions du II du même article, essentiellement articulées autour des exigences
de fiabilité (a), de fourniture d’un annuaire des certificats (b), d’horodatage (c), de
confidentialité (i), d’archivage et d’intégrité (k et l) et d’information préalable (o). S’il
respecte ces conditions, il peut obtenir la qualité de tiers certifié aux termes d’une
procédure diligentée auprès des services du Premier Ministre (art. 7).
Il est fort probable qu’en pratique cette dernière voie soit incontournable
puisqu’elle est la seule à pouvoir garantir la présomption de fiabilité conférée au
système telle que nous l’avons décrite plus haut268.
Notons enfin que le décret semble laisser à la prochaine Loi sur la Société de
l’Information le soin de traiter le délicat problème de la responsabilité des PSC269.
265
Cf. supra, I, B, 1.1.2.3
Cf. supra. et art. 6,7 et 8 du Décret.
267
Le certificat qualifié est à rapprocher de la signature électronique avancée, cf. supra I, B, 1.2.2.1
268
Cf. supra, I, B, 1.2.2.1
266
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Dans le projet de loi servant de fondement à ce futur texte, un art. 45 établit une
véritable présomption de responsabilité à leur encontre, d’ailleurs probablement
encadrée par une garantie financière ou un système d’assurance :
« Les personnes physiques ou morales exerçant l'activité consistant à fournir
des certificats électroniques ou à fournir d'autres services liés aux signatures
électroniques sont responsables de plein droit du préjudice causé aux
personnes qui se sont fiées raisonnablement aux certificats qu'elles délivrent,
résultant notamment de l'utilisation d'un certificat dont elles ont omis de faire
enregistrer la révocation. »
2.2.2 Les conditions de la certification au
regard de la réglementation de la cryptologie
Les articles 28 II, al 1er de la loi du 29 décembre 1990 précitée telle que
modifiée par la loi du 26 juillet 1996 et le décret du 24 février 1998 témoignent de
l’agrément nécessairement conféré aux PSC selon une procédure réglementée et
diligentée auprès du Service Central de Sécurité des Systèmes d’Information270
(SCSSI).
Après avoir rempli les conditions légales, ces organismes se voient confier
une mission générale de gestion des conventions pour le compte d’autrui271. En vertu
d’un contrat passé par écrit (art. 10 du décret du 24 février 1998) qui reprend pour
l’essentiel les caractéristiques posées par le décret précité du 31 mars 2001 relatif à
la signature, sont ainsi rappelées comme essentielles les obligations de secret
professionnel et de confidentialité (art. 28 II, al 2. précité et al 4), d’intégrité (art. 12 et
13 du décret du 24 février 1998), alors que l’exigence majeure de fiabilité est
implicitement contenue dans le cahier des charges imposé dans le cadre de la
procédure d’agrément (art. 8 du décret précité).
Ici encore c’est à la future loi sur l’Economie Numérique précitée que le
législateur français semble confier le soin de régir le sort de la future responsabilité
des prestataires de service de cryptologie, sensiblement calquée sur celle des PSC
(art. 17 et suivants du projet de loi).
269
Cette lacune du décret avait été unanimement dénoncée, notamment par Me C. Rojinsky, Le décret et la loi
devront être complétés, entretien paru dans Les Echos, 11 avril 2001, p. 47
270
Pour de plus amples informations sur cette procédure, consulter le site suivant : http://www.scssi.gouv.fr
271
Cf. Lamy informatique et réseaux, 2001, n°3030.
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2.3
Fonctionnement de la certification
Schéma n°4 : cryptologie asymétrique pour
la signature électronique avec recours à un
Prestataire de Service de Certification
Demande de
certificat à partir
de la clef
publique puA.
CHIFFREMENT
Prestataire de Service
de Certification
Délivrance du
certificat crypté
par clef privée du
PSC (prPSC)
DECHIFFREMENT
du CERTIFICAT par Clef
publique du PSC (puPSC) et
extraction de la clef publique de
A (puA)
Demande de la
clef publique du
PSC (puPSC)
par Clef privée prA
DECHIFFREMENT
du MESSAGE par Clef publique
de A extraite du certificat (puA)
Transfert du message crypté
Emetteur A
Transfert du certificat crypté
par la clef privée du PSC
(prPSC)
Récepteur B
Contrairement aux dispositifs sus-évoqués de cryptologie asymétrique
classique272, l’adjonction d’un Prestataire de Service de Certification dans le
processus contractuel permet une fiabilité accrue du dispositif de signature
électronique par l’intermédiaire du certificat délivré.
Il se déroule dès lors en trois étapes :
2.3.1 Création du certificat électronique
A l’origine de la procédure contractuelle, le signataire qui aura généré un biclef par l’intermédiaire d’un générateur logiciel, demande au PSC la création d’un
certificat sur la base du dépôt de sa clef publique et de la garantie de son identité.
Le PSC élabore alors ledit certificat mentionnant toutes les informations utiles
au processus contractuel et intégrant notamment la clef publique qui lui a été
confiée.
Ce certificat peut-être lui-même chiffré au moyen de la clef privée du PSC.
2.3.2 Signature et transmission du message
272
Cf. supra, Schéma n°3
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Le message électronique étant élaboré, il fait l’objet d’une signature au moyen
de la clef privée de la partie qui s’engage, puis est transmis au co-contractant en
même temps que le certificat émis par le PSC.
En pratique, la transmission du certificat s’établit de façon automatique par les
logiciels dédiés à cet usage.
2.3.3 Déchiffrement du message à partir du
certificat
Le destinataire du message est soumis à une double opération lui permettant
d’obtenir le déchiffrement du message :
Il doit au préalable procéder à la vérification du certificat transmis au moyen
de l’obtention de la clef publique du PSC qu’il sollicite (ou obtient automatiquement
par procédé logiciel) et qui lui permettra en outre d’extraire dudit certificat la clef
publique de l’émetteur du message crypté.
Ensuite, il procèdera au déchiffrement du message crypté grâce à la clef
publique obtenue dans les mêmes conditions que celles évoquées plus haut pour la
cryptologie asymétrique classique.
2.4
Responsabilité liée à la certification
Le PSC agréé tel que défini précédemment est soumis à une responsabilité
tant dans le domaine civil (droit commun de l’art. 1382 civ.) que pénal273.
Le projet de loi sur l’Economie Numérique entend à ce sujet remédier
explicitement à un défaut de qualification précise du dommage causé en détaillant
dans son art. 21 que:
« Sauf à démontrer qu'ils n'ont commis aucune faute intentionnelle ou
négligence, les prestataires de services de certification électronique sont
présumés responsables du préjudice causé aux personnes qui se sont fiées
raisonnablement aux certificats présentés par eux comme qualifiés, dans
des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat lorsque :
1° Les informations contenues dans le certificat qualifié, à la date de sa
délivrance, étaient inexactes ou lorsque les données prescrites pour que le
certificat puisse être regardé comme qualifié étaient incomplètes ;
2° Les prestataires n'ont pas procédé à la vérification de :
a) La détention par le signataire, au moment de la délivrance du certificat
qualifié, des données relatives à la création de signature correspondant aux
273
Sur un exemple de sanctions pénales, notamment le défaut d’agrément, cf. supra. 1.4.2 et art. 28 III a al. 2 de
la loi du 29 décembre 1990 modifiée.
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données fournies ou identifiées dans le certificat et permettant la vérification
de la signature ;
b) La possibilité d'utiliser de façon complémentaire les données relatives à
la création et à la vérification de signature, dans le cas où le prestataire de
services de certification électronique peut être à l'origine de ces deux types
de données ;
3° Les prestataires n'ont pas, le cas échéant, fait procéder à
l'enregistrement de la révocation du certificat qualifié et tenu cette
information à la disposition des tiers.
Les prestataires ne sont pas responsables du préjudice causé par un usage
du certificat dépassant les limites fixées à son utilisation ou à la valeur des
transactions pour lesquelles il peut être utilisé, à condition que ces limites
aient été clairement portées à la connaissance des utilisateurs dans le
certificat.
Ils doivent justifier d'une garantie financière suffisante, spécialement
affectée au paiement des sommes qu'ils pourraient devoir aux personnes
s'étant fiées raisonnablement aux certificats qualifiés qu'ils délivrent, ou
d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de leur
responsabilité civile professionnelle. »
Il est par ailleurs tenu à un devoir essentiel d’information de l’autorité judiciaire
(art. 28 II al. 4 précité), qualifié « d’une des principales obligations imposées aux tiers
agréés »274 et établi dans le cadre de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des
correspondances dans le domaine des télécommunications. Ce devoir est
matérialisé notamment par la tenue régulière d’une liste des clients et d’un registre
réglementé.
2.5
Certification et « notarisation »
Il convient au préalable de procéder à une précision terminologique utile quant
à la suite de cet exposé : en effet, de nombreuses études traitent de la notion de
« notaire électronique » ou de « notarisation » des échanges en l’apparentant fort
improprement à celle traditionnelle de l’officier public que nous avons détaillée.
Or, il est indispensable de préciser que l’expression « notaire électronique »
ne concerne que le droit spécifique de la cryptologie au sein duquel elle ne vise
qu’une catégorie particulière de tiers-certificateur. Ce dernier, pour être consultable
en ligne et présenter la particularité d’être soumis notamment à l’horodatage et à un
archivage275, semble avoir été à ce titre injustement qualifié par une simple analogie
274
B. Warusfel, Les conditions juridiques de la sécurité sur Internet et le régime juridique de la cryptologie en
France, in Internet saisi par le Droit, ed. des Parques, 1997, p 199 et suivantes, spéc. P 213 cité in Lamy
Informatique et Réseaux, 2001, n° 3033.
275
Selon la définition donnée par le Livre Blanc de l’IALTA (version du 29 Novembre 1998) consultable sur
http://www.ialta-france.org , l’Autorité de Notaire Electronique (Digital Notary Authority) est soumise à une
procédure aux termes de laquelle un document est déposé chez le notaire électronique pour faire preuve
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trompeuse avec certaines attributions du notaire-officier public, et une traduction
sans doute trop hâtive de l’expression anglaise « notary autority ».
Car la différence reste fondamentale, comme a pu la mettre justement en
évidence un auteur276 :
« L'acte solennel a la particularité d'être garanti par le Tiers Certificateur Public
du monde du papier (le notaire). Les actes sous seing privé ne seront garantis
par le Tiers Certificateur "électronique" que sur le seul aspect cryptographique
; les émetteur et destinataire restent maîtres de la signature elle-même.
Il faut en effet marteler cette réalité : le tiers certificateur ne garantit pas la
signature, il garantit la clé publique (en réalité, il garantit la correspondance
entre la clé publique et l'identité déclarée du détenteur de la clé) »
Ce rôle passif du « notaire électronique », qui agit comme un « révélateur »277
du contrat plus que comme un éclaireur (notaire-officier public) a été fort injustement
ignoré par le législateur à l’occasion de l’introduction récente du formalisme
électronique en droit français, puisque ses caractéristiques essentielles (horodatage
et autorité de resignature) n’ont pas été retenues dans les textes définitifs.
Cette dualité de fonctions, pourtant clairement établie, devrait suffire en ellemême à mettre un terme à toute polémique sur ce point278, d’autant que la fonction
notariale, reposant sur le témoignage éclairé du contenu des dispositions de l’acte,
remplit mieux qu’aucune autre ce premier degré de simple certification279 . Mais aux
yeux du grand public il n’est pas certaine que la confusion perdure…280
Pour autant, il est essentiel de rappeler l’opportunité, pour le notariat
traditionnel, à se rapprocher de cette fonction de tiers-certificateur des accords sousseing privé281, ne serait-ce qu’à titre d’activité annexe à l’authentification. Et c’est
d’ailleurs à ce titre qu’il convient d’analyser les composantes de la notarisation
électronique :
2.5.1 L’horodatage
L’expression horodatage désigne « l’envoi d’un message signé à un serveur
de temps, possédant une référence temporelle de confiance dont l’exactitude est
d’existence. On peut déposer des données électroniques comme des transactions horodatées, des sources, des
textes de brevet ou exécutables de référence, etc.… Ce service pourrait aussi être appelé Autorité d’Archivage
Electronique.
276
Th. Piette-Coudol, Avis sur le projet de Loi relatif a la preuve, 19 septembre 1999, article consultable sur le
site du Ministère de l’Economie et des Finances à l’adresse :
http://www.finances.gouv.fr/societe_information/contributions/Piette-Coudol.htm
277
. Congrès des Notaires de France, « Le contrat, Liberté contractuelle et sécurité juridique », Lyon, 17/20 Mai
1998, Petites Affiches N° 54, 6 mai 1998, p.5.
278
E.A Caprioli, Traçabilité et droit de la preuve électronique : Droit et Patrimoine 2001, n°93, p 68.
279
A. Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’informatique et à la signature
électronique, préc., n° 29.
280
D.Grillet-Ponton, L’acte notarié : un nouveau souffle consumériste et technologique, JCPN 2001, n°30-35, p
1262.
281
Voir à ce titre les propositions du 94ème Congrès des Notaires de France, Lyon, 1994, JCP N, 1998, n°31
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assurée avec différentes sources de temps »282. Il s’agit en réalité d’assurer la date
de l’élaboration du document ou de sa transmission, en vue de sa non-répudiation ou
falsification postérieure.
Notons que, sauf texte spécial, la date d’un acte n’est pas une condition de
validité, mais elle peut avoir une valeur essentielle quant à ses effets : point de
départ d’un délai, d’une tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée283.
Il est regrettable à ce titre que ni la loi française du 13 mars 2000 sur la
signature électronique, ni son premier décret d’application ne soient venus prendre
en compte l’insertion des conditions temporelles de l’acte dans les modalités de sa
signature.
Un auteur a notamment mis en évidence cette lacune qui, selon lui,
contraindra rapidement la Cour de Cassation à garantir l’effectivité des actes sous
seing privé à l’égard des tiers malgré les conditions restrictives de l’art. 1328 civ. Au
delà des conditions limitatives énumérées (enregistrement, décès d’une des parties
ou mention dans un acte authentique), il apparaît en effet que l’écrit électronique ait
besoin d’un « état fixe » spécifique permettant d’évacuer tout risque de
manipulation284.
La réponse la plus adaptée réside donc par la certification accessoire de la
date opérée par un PSC : dès lors, outre la vérification de la date intrinsèque de
l’acte, celle de la validité de la signature peut aussi être opérée dans une dimension
temporelle (« cette dernière ne sera [reconnue en tant que telle] que si elle a été
produite à l’aide d’une clé privée dont le certificat était valide à l’instant de la
signature »285).
2.5.2 La resignature
Le procédé de resignature consiste en la prise en compte de l’évolution
technique dans le processus de signature électronique par une mise à jour technique
de la signature apposée afin d’assurer sa validité et sa vérification futures.
Ainsi, diverses contributions au projet de décret ont-elles mis en avant la
nécessité d’adaptation face à l’obsolescence inexorable des moyens techniques286
sur la totalité de la durée de vie du contrat. Ces préoccupations se retrouvent
d’ailleurs par analogie dans l’évolution de la réglementation des procédés
cryptographiques (le seuil de 48 bits concernant le libre usage de ces procédés
ayant notamment été porté récemment à 128 bits287).
282
P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers
l’authenticité électronique, 2000, préc.
283
V. Sédallian, Preuve et signature électronique, 9 mai 2000, article consultable sur http://www.juriscom.net
284
S. Mercoli, Incertitude sur la date des actes sous seing privé, JCP N 12 janvier 2001, n° 20 et suivants.
Synthèse des réponses à la consultation publique sur l'avant projet de décret "signature électronique",
consultable sur le site http://www.internet.gouv.fr
285
286
287
Synthèse des réponses à la consultation publique sur l'avant projet de décret "signature électronique", préc.
Cf. supra.
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Pour autant, il nous semble fort dangereux de retenir de tels procédés dans le
contexte contractuel défini par le droit positif : en effet, l’atteinte modificative à la
signature présente en elle-même un risque potentiel de fraude ou de négation de
l’engagement contracté très prononcé au regard de la sécurité juridique légitimement
attendue par les parties. Les conséquences en terme de confiance en ces nouveaux
procédés pourraient en conséquence s’avérer très péremptoires.
Certes, on peut penser que le recours à un tiers éclairé dans le cadre de cette
procédure devrait permettre de restreindre ces dérives potentielles : le contrôle du
tiers certificateur selon des procédés techniques réglementés, ou plus sûrement
encore, l’intervention de l’officier public dans le contexte particulier de l’acte
authentique288, constituant d’indiscutables facteurs de sécurité.
Mais l’enjeu est trop important à notre sens, d’autant que d’autres parades
que la resignature ont été avancées pour pallier au nécessaire besoin d’évolution de
la signature : si certains prévoyaient d’utiliser les procédés technologiques les plus
avancés pour atténuer ce problème (on a ainsi parlé de clef de 20.000
bits289permettant d’assurer une fiabilité sur 50 ans), il semble largement préférable
de reconsidérer le problème dans sa dimension juridique originelle.
Car, comme le précise un commentaire du décret précité du 30 mars 2001, la
signature doit être appréciée non pas lors de la phase « post-transactionnelle » du
contrat, où son efficacité importe peu, mais dans sa phase originelle de conclusion
où elle est successivement créée, liée au document auquel elle se rattache et
vérifiée par le cocontractant290. Ses effets juridiques ont donc tout lieu d’être
appréciés à ce moment là.
Qu’il nous soit permis, tout en relevant la pertinence de cette analyse qui
consacre les rôles majeurs d’identification et de consentement originels de la
signature sus-évoqués, d’émettre une réserve pour le cas des contrats à effets
différés (cas d’une vente avec retard du transfert de propriété) ou à exécution
successives (baux notamment). En effet, il peut apparaître opportun aux contractants
de pouvoir vérifier la validité de l’engagement électronique très postérieurement à la
conclusion du contrat, alors que de nouvelles obligations deviennent exigibles
(modification dans le paiement du loyer, travaux à effectuer, etc..).
Par ailleurs, la pérennité de la signature peut aussi se justifier au regard des
possibles avenants au contrat, susceptibles de changer la nature des obligations
contractées sans forcément en créer de nouvelles.
2.5.3 L’exemple québécois : le notaire agentcertificateur des signatures électroniques
Soumis à un régime hybride entre prédominance du notariat latin d’une part et
influence fédérale anglo-américaine d’autre part, le droit québécois s’est néanmoins
288
Contexte où, comme nous l’avons vu, sa signature tend à constituer le cœur du caractère sacramentaire du
contrat.
289
P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers
l’authenticité électronique, 2000, préc.
290
Consultation sur le projet de décret, contribution de l’association Ialta France, disponible sur le site :
http://www.ialta-france.org
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posé en précurseur quant à l’intégration des nouvelles technologies et à l’évolution
du rôle dévolu à l’officier public, en particulier dans le domaine notarial291.
2.5.3.1
Un
cadre
précurseur
législatif
L’évolution du droit positif fut un premier facteur d’inspiration majeure de cette
prise en compte de besoins nouveaux292 :
Ainsi, le Code Civil du Québec devait consacrer dès 1994 le formalisme
électronique, notamment au travers de l’équivalence fonctionnelle de l’écrit
électronique (art. 2837 et 2837 c. civ. québ.), ou de la reconnaissance de la
signature électronique par la définition large de l’art. 2827 c. civ. québ.
Parallèlement, le principe de l’acte authentique notarié électronique adopté
par le Code devait trouver un prolongement efficace dans la nouvelle loi 139 sur le
notariat datée du 23 novembre 2000293.
Aux termes de ce texte extrêmement précis et qui peut présenter une source
d’inspiration non négligeable pour le futur décret d’application de l’art. 1317 civ.
français, le notaire se voit en effet attribuer une signature électronique officielle et
personnelle par le secrétaire de l’Ordre (organe de la profession), « susceptible
d’être apposée par un procédé approprié si le support d'un acte notarié ou d'un autre
document fait appel aux technologies de l'information. » (art. 21).
Par ailleurs, le texte étend expressément la forme électronique pour les actes
en minute ou brevet et leurs annexes (art 34, 38 et 56), ainsi que pour la délivrance
des copies et extraits d’actes (art. 84). Ces précisions laissent présager une refonte
semblable de la loi de Ventôse française.
Mais c’est dans le rôle novateur reconnu au notaire en tant que certificateur
d’identité qu’il faut relever la véritable audace du système québécois : aux termes de
l’art. 16 en effet, le notaire peut expressément attester l’identité, la qualité ou la
capacité d’une personne pour accomplir ou passer un acte juridique autre qu’un acte
notarié et à ce titre établir un certificat par acte notarié (certificat authentique294).
Il faut noter toutefois que cette extension d’activité accompagnée par le
législateur avait été à l’origine initiée par la profession notariale :
2.5.3.2
291
La mise en
l’Inforoute
québécoise
œuvre de
notariale
Cf. rapport de Me Pépin, L'acte notarié et le défi informatique, nov. 1991, incorporé au Congrès de l'Union
Internationale du Notariat Latin à Carthagène en mai 1992.
292
L’avance en la matière semble générale puisque de nombreux Etats canadiens se sont montrés actifs à
légiférer en ce domaine : Cf. notamment la loi de l’Ontario du 16 octobre 1999.
293
Projet de loi 139, loi sur le notariat, Assemblée Nationale du Québec, 1ère session, 36ème législature, 2000.
(http://www.bibl.ulaval.ca/info/ajour141.html)
294
Sur la notion de certificat authentique, Cf. infra.
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En partenariat avec sa division technologique Notarius295, la Chambre des
Notaires du Québec296 a mis pratiquement à disposition des notaires en 1998 un
dispositif de signature électronique leur permettant d’accomplir dans un premier
temps297 différentes opérations basiques par voie électronique (échange de
documents ou projets d’actes par courrier électronique, transmission aux Registres
des testaments et mandats d’aptitude298, mais aussi consultation de bases de
données juridiques)299.
Mais l’intérêt de ce processus s’est trouvé relancé par le règlement du 23 juin
1999 modifiant le Registre des Droits Personnels et Réel Mobiliers (RDPRM)300 : en
effet, le notaire s’est alors vu conférer le rôle tout à fait novateur d’Agent Vérificateur
d’Identité (AVI) des personnes désireuses d’obtenir une signature électronique dans
le but de procéder à la publication électronique de leurs droits réels et personnels.
Pratiquement, l’officier public établit un certificat authentique pour le compte
de son client (par acte notarié électronique) qu’il communique au RDPRM en le
chiffrant par sa propre signature. En retour, cet organisme, assuré sur l’identité du
client par ce procédé, lui fournira un bi-clef permettant de transiger électroniquement
avec le registre informatisé selon les mécanismes étudiés plus haut301.
Cette reconnaissance essentielle du notaire comme tiers-certificateur des
échanges semble devoir être étendue aux conditions de publication sur de nouveaux
registres, tels que le registre foncier québécois302.
2.6
Les réseaux notariaux français,
communication électronique
supports
de
la
2.6.1 Le réseau national mis en place par le
Conseil Supérieur du Notariat : l’Intranet REAL
Après avoir subi un certain nombre de révolutions techniques majeures (dont
la télécopie et la photocopie n’ont pas été les moindres), la profession notariale s’est
efforcé de mettre en place un réseau électronique fermé baptisé REAL (pour Réseau
Electronique notariAL, en hommage au brillant rapporteur de la loi de Ventôse303),
directement inspiré du projet initial européen OSCAR.
Promu en 1999 par le Conseil Supérieur du Notariat, la mise en place de ce
réseau fermé s’effectue de façon progressive, même si plus de 3.800 notaires sont
295
http://www.notarius.com
http://www.cdnq.org
297
Dans l’attente de l’entrée en vigueur postérieure des dispositions précitées de la loi 139.
298
Equivalent du Registre français des dispositions de dernières volontés
299
Cf. Annexe V, Formulaire d’émission d’une signature électronique d’un membre du Conseil de l’Ordre.
300
Equivalent du fichier immobilier français tenu auprès des Conservations des Hypothèques.
301
Cf. supra. Schéma n°4 sur le fonctionnement de la cryptologie asymétrique avec intervention d’un tiers et
pour le fonctionnement technique du réseau notarial québécois : http://icp.notarius.com/
302
Sur ces perspectives et l’ensemble du système québécois, cf. B. Lefebvre, L’échange de documents
informatisés : l’expérience du notariat québécois, in Association Rencontres Notariat-Universités, 2000, préc.
303
Cf. supra, épitaphe à la première partie.
296
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abonnés à cet Intranet à l’heure du Congrès de Lille304 de 2000, plus de 4.469 en
septembre 2003, tandis que 5.168 cartes REAL ont été livrées ou sont en
commande.
Dans son élaboration initiale, cet outil technique repose sur un système de
cartes à puce permettant la mise à disposition de clefs selon les procédés de
cryptologie asymétrique sus-étudiés et la garantie d’une signature électronique
sécurisée au sens du décret du 30 mars 2001305. Mais c’est au delà de cet aspect
encore prospectif de tierce-certification, une véritable informatisation et mise en
réseau globale qu’a appelée de ses vœux une profession soucieuse de s’inscrire
dans le processus européen de libéralisation des échanges.
Le système de sécurisation des échanges immatériels a été spécialement
adapté aux exigences du notariat : ainsi sont séparés le serveur générant les
certificats sur les cartes à puce (installé sur un site sécurisé), des demandes
préalables de certificats (le personnel interne au CSN accède alors à un serveur
d`enregistrement local). La procédure reste manuelle pour les notaires306.
Le dispositif permet au notaire de bénéficier de nombreux outils307 parmi
lesquels :
un accès au réseau mondial Internet (connexion Numéris et ADSL) ;
une messagerie sécurisée destinée à la transmission d'informations
entre les offices notariaux et permettant aux notaires de communiquer
avec leurs clients et partenaires ;
la consultation à distance automatisée
professionnels à accès restreint dont :
de
différents
services
le Fichier central des dispositions de dernières volontés
(FCDDV),
o Le Réseau Européen des Registres des Testaments
(RERT),
o La
Base
Documentaire
Européenne
Notariale
(BADEN)308,
o Le cadastre ou la conservation des Hypothèques ;
o
la consultation à distance en libre accès (sans carte nécessaire) de
certains services :
du fichier de référence immobilière PERVAL (facilitant
l’expertise) ;
du service du cadastre (SPDC : possibilité de demande
des extraits cadastraux en ligne) ;
304
Discours de Me J-P Decorps, Président du Conseil Supérieur du Notariat, Congrès des Notaires de Lille 2000,
disponible sur http://www.congres-notaire.com
305
Sur ce point, Cf. supra I.B.1.2.2.2
306
Thierry Lévy-Abégnoli, La standardisation des infrastructures à clés publiques jugée insuffisante, 01
Informatique, 13 octobre 2000, consultable sur : http://www.01net.fr
307
Pour une étude détaillée, on se reportera au numéro hors-série de la revue professionnelle Notaires-Vie
Pratique de septembre 2003.
308
Base de données des différents CRIDON de France comprenant quelques 18.000 documents.
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des contrats de Sécurité Nouvelle (assurance),
des accès bancaires (CDCNet/REAL),
Enfin à terme, la publication auprès des Conservations des
Hypothèques ainsi que la généralisation de l’ensemble des
téléprocédures (déclarations de TVA…)
Malgré ces objectifs initiaux ambitieux, il apparaît que la frilosité d’un grand
nombre de praticiens à l’égard de ces nouvelles techniques soit vivace, aux vues des
incertitudes pesant toujours sur l’effectivité technique d’un tel système (coût encore
élevé des connexions et des matériels), face à une administration lentement
informatisée309 et à une pratique notariale trop rigide dans son fonctionnement
quotidien :
« Aujourd'hui on peut estimer, sans certitude aucune, mais en toute
objectivité, que 10 % de la profession utilise occasionnellement internet
ou l'intranet, la connexion en masse sur l'intranet devrait évidemment
faire augmenter ce nombre, mais les fonctionnalités de ce réseau,
réduites à leur plus simple expression pour un coût majoré, risquent de
dissuader les notaires plutôt que de les inciter »310
Aussi une subvention globale a t-elle été décidée au niveau du Conseil
Supérieur du Notariat pour faciliter l’installation et le développement de ces
installations au sein de chaque office311.
2.6.2 Le réseau de la Chambre des Notaires de
Paris : De l’Intranot à l’Extranot…
Parallèlement à l’initiative nationale du Conseil Supérieur du Notariat, la
Chambre des notaires de Paris a mis en place en septembre 1997, un réseau fermé
de type Intranet liant quelques 250 études fin 2000, dans le souci majeur de
« favoriser l’accès à une documentation mise à jour quotidiennement sur le réseau et
de favoriser les échanges sécurisés ainsi que le partage de documents confidentiels
entre les études »312.
Parmi les informations313 mises à la disposition des utilisateurs professionnels,
on peut citer : flashs d'informations, arrêtés de périls (avis des immeubles présentant
des risques, à ne pas acheter), circulaires en vigueur, annuaire des études et des
notaires de Paris et de la Petite-Couronne, règlements de la profession, bibliographie
309
Cf. infra. sur l’informatisation des Conservations des Hypothèques.
D. Mathy, in Questions à un notaire... dont les réponses s'appliquent aux autres professions pour une bonne
part !, article disponible sur http://www.village-justice.com/journal/articles/webjuriste3.html
311
Plan de soutien aux abonnements à REAL de 1999, repris par une circulaire n°1533 du 17 mars 1999.
312
J. Binard, Directeur des Systèmes d'Information de la Chambre des notaires de Paris, Propos recueillis le 16
juillet 1999 par Christophe Dupont, disponibles sur le site http://www.flexum.net
313
Le site utilise le logiciel DIANE, produit de documentation, de calcul et outil de communication utilisé par
plus de 2000 notaires constamment remis à jour, amélioré, complété, en collaboration avec des notaires et les
chercheurs.
310
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juridique, revue de presse juridique et législative, dossiers juridiques et présentation
des grands arrêts de la Cour de Cassation314.
L’interaction du réseau est notamment assurée par un lien vers la Caisse des
Dépôts et Consignations.
Enfin, avec la reconnaissance de la valeur juridique des signatures
électroniques, il apparaît essentiel de relever qu’un service de délivrance de
certificats s’est trouvé adjoint aux fonctionnalités de ce réseau ; chaque notaireutilisateur disposant de la possibilité de délivrer des certificats électroniques à son
client pour, dans un premier temps, les seuls échanges que ce dernier pourrait avoir
avec sa seule étude.
Ce mouvement devrait se prolonger par la mise en place d’un réseau ouvert
baptisé Extranot, visant à permettre un accès direct, gratuit et sécurisé des clients
aux différents services offerts par chaque office par une délivrance immédiate (en
ligne) du certificat.
2.7 L’authentification numérique des actes
2.7.1 Le certificat authentique : une garantie accrue
pour les actes sous-seings privés
Dans le cadre des travaux réalisés par le Congrès des Notaires de Lyon de
1994, une proposition novatrice s’est fait jour dans le but de faire naître une nouvelle
catégorie de contrat à côté de la traditionnelle opposition des actes authentiques et
sous-seing privé :
Ainsi a t-il été proposé que le notaire, dans son rôle de tiers de confiance
d’une part et de spécialiste des contrats d’autre part, puisse fournir un certificat
authentique315 pour renforcer la valeur juridique des contrats sous seing privé sans
pour autant que ces derniers ne soient apparentés à un contrat authentique. Ces
vœux s’inscrivent dans le prolongement des dispositifs de « notarisation » que nous
avons évoqué et marquent la volonté de constituer une autorité de certification
privilégiée.
Au delà de l’identité des parties et de l’intégrité du contrat déjà garanties par la
simple qualité de tiers-certificateur, la fonction notariale, par ses attributions
spécifiques est en effet la plus à même de certifier la date (par un procédé
d’horodatage tel qu’évoqué plus haut), la capacité des parties ou encore la légalité
apparente des conventions contractées. L’acte ainsi contrôlé et validé occupe dès
lors une fonction novatrice dans la hiérarchie des preuves préconstituées puisque sa
date certaine semble pouvoir être assurée a priori au regard de l’art. 1328 civ. (qui
314
Selon le responsable cité à la note précédente, la base de données renfermerait quelques 5000 documents
interrogeables par un moteur de recherche.
315
Congrès des Notaires de Lyon, 1994, consultable sur http://www.congres-notaire.com et Petites Affiches, 6
mai 1998, n°54, p 37 et s.
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cite notamment le cas de la transcription du sous seing privé dans les actes dressés
par les officiers publics316).
Pour autant, ce « contrat du troisième type »317, composé de l’adjonction du
certificat authentique à l’écrit sous seing privé originaire, ne pourra en aucun cas
valoir authentification de la convention dans la mesure où l’officier public y conserve
un rôle résolument passif (et non actif comme éclaireur des parties au titre du devoir
de conseil), et où il ne reçoit pas l’acte, au sens concret (physique) ou abstrait
(réception intellectuelle) que nous avons évoqué. Sa force probante demeurera donc
celle de l’art. 1322 civ. (limitée aux effets entre les parties), et il y aura lieu d’obtenir
un titre exécutoire pour en assurer l’effectivité pratique318
Cette prise en compte d’un acte à valeur probatoire intermédiaire, si elle
devait être reconnue par les décrets d’application de la loi de mars 2000, serait
susceptible de consacrer par ailleurs la prédominance économique essentielle du
Notariat face aux autres prestataires de service de certification. Ces derniers, du fait
du manque de spécialisation juridique et de l’absence de prérogatives
d’authentification, se trouveraient contraint à mettre en avant leurs avantages
techniques dans la fourniture de leurs services sans pouvoir véritablement combler le
déficit de sécurité juridique constaté.
A l’inverse, il est de l’intérêt du Notariat de mettre en œuvre tous les moyens
techniques319 susceptibles de répondre aux exigences de la certification authentique
pour préserver si ce n’est un monopole, tout au moins une place de choix dans la
certification des échanges.
2.7.2 L’authentification numérique des actes : la
garantie de l’application du devoir de conseil
par la signature électronique du notaire.
Face à la simple certification authentique électronique des actes sous seing
privé, assimilable à la « notarisation » des échanges sus-évoquée, l’authentification
électronique s’articulera autour des deux piliers inhérents l’authenticité apposée dès
rédaction de l’acte, à savoir l’application du devoir de conseil, garanti par l’apposition
de la signature électronique du notaire320.
Il nous semble d’ailleurs que c’est dans ces deux différences majeures que le
Notariat doit rechercher les sources de sa spécificité moderne dans un contexte
profondément concurrentiel321 : la signature de l’officier public demeurant la marque
316
Voir en ce sens S. Mercoli, Incertitude sur la date des actes sous seing privé, préc., n° 22.
Congrès des Notaires de Lyon, préc. : il est fait référence, non sans risque de confusion, à un ersatz de l’acte
authentique. Nous préfèrerons parler d’acte sous seing privé renforcé.
318
Art. 502 NCPC.
319
Systèmes de cryptologie, délivrance de clef et certificat, horodatage, archivage et transmission électronique.
320
Notons que la preuve du devoir de conseil peut toutefois être rapporté par un acte distinct de l’acte
authentique, tel qu’une dispense de conseil donné : Civ. 1ère, 10 juin 1997, Roquebrun c/ de Poulpiquet de
Brescanvel, JCP N 1997, n° 47
321
Les avocats testeront en septembre prochain la « Chaîne civile électronique », qui devrait être opérationnelle
dans le courant 2002.
317
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du conseil donné et le déclenchement volontaire de la responsabilité professionnelle
de ce dernier. Car l’avantage pour les contractants apparaît essentiel :
« Avec l’acte notarié informatisé, il ne sera plus nécessaire de recourir à des
notaires électroniques puisqu’il y aura recours à un vrai notaire. »322
Ainsi, à côté des contrats directement passés sous la forme authentique
électronique telle que le futur décret portant application de l’art. 1317 civ. la définira,
il semble qu’une procédure analogue à celle de dépôt au rang des minutes du
contrat sous seing privé, moyennant reconnaissance d’écriture et de signature puisse
être mise en œuvre par le biais des dispositifs techniques au sein desquels le notaire
est tiers de confiance. Un acte de dépôt authentique électronique sera alors dressé à
cette occasion et uniformément confondu avec l’acte déposé323.
322
323
J.M Poisson, Modernité de l’authenticité : prospective, in ARNU 1992, préc., p 26
Selon une jurisprudence constante depuis : Req., 7 nov. 1843 : DP 1844, 1, p. 133.
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B. Le notaire face aux nouvelles pratiques informatiques
1 Les conséquences pratiques de l’adoption du support
électronique pour les actes authentiques
En premier lieu, il s’agit de relever que l’élaboration de l’acte authentique
électronique ne pose aucun problème majeur dans la mesure où, pratiquement, la
quasi-totalité des actes actuels sont rédigés directement sur ordinateur par le biais
des traitements de texte, des logiciels professionnels spécialisés (Daxel, GenApi,
etc…) et de leurs « bibles » intégrées.
L’impression sur support papier est à tout moment offerte, mais n’en demeure
pas moins superflue, puisque le notaire peut effectuer une lecture directe sur l’écran
de l’acte aux parties, y apporter directement et facilement toute modification ou
correction qu’il juge utile, puis recueillir électroniquement les signatures des parties
pour les adjoindre à l’acte.
Sur ce dernier point, il convient de rappeler que l’option privilégiée par le
Professeur P. Catala324 d’une signature bio-métrique (empreinte vocale, digitale,
oculaire) ou manuscrite (signature reproduite sur l’écran à l’aide d’une palette
graphique et d’un crayon optique) ne puisse s’imposer face à la généralisation des
procédés de signatures électroniques relevant du système de cryptologie
asymétrique couronné par le premier décret d’application de la loi.
En revanche, il apparaît important de distinguer, dans le cadre de la
réalisation pratique de l’acte authentique électronique, les hypothèses où l’ensemble
des parties sont présentes à la conclusion de l’acte d’une part (1.1.1), de celles, plus
inhérentes au support électronique et à l’acte à distance, dans lesquelles une ou
plusieurs parties fait défaut d’autre part, (1.1.2) :
1.1 En présence de toutes les parties
La présence simultanée de l’ensemble des parties devant le notaire lors de la
signature de l’acte ne semble pas devoir poser difficulté dans la mesure où ces
dernières disposeront du choix du support de rédaction et d’apposition de leurs
signatures respectives (papier ou électronique), dès que le principe de l’équivalence
fonctionnelle entre ces différentes formes d’écrits se voit couronné. Il apparaît qu’il en
soit de même pour la rédaction des actes unilatéraux (procurations, attestations…).
Tout au plus des considérations personnelles ou pragmatiques (méfiance des
signataires à l’égard du support électronique, respect de procédures administratives
non encore mises à jour…) pourront-elles freiner l’utilisation du support
dématérialisé.
Concrètement, les documents annexés à la minute se trouveront adjoints par
le procédé de « pièce jointe », après avoir fait éventuellement l’objet d’une
324
P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, préc. N° 22.
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transmission électronique depuis le service administratif concerné (cadastre,
Conservation des Hypothèques, état-civil, etc…).
Il est utile de noter en outre, que les droits de timbre devraient être acquittés
selon la même méthode que le support papier (nombre de pages utilisées), si tant est
que l’administration fiscale consente à reconnaître la valeur fiscale déclarative des
documents électroniques325.
1.2 En l’absence d’une ou plusieurs parties : l’acte
à distance
Dans son intervention sur la mise en place pratique de l’acte authentique
électronique dans les offices, Me Jean-Dominique Mathias326 envisageait le cas
concret de l’acte authentique à distance, pour lequel il propose des solutions
juridiques déjà éprouvées en droit positif.
A cet égard, et retenant ainsi l’incontournable condition de réception de l’acte
par un officier public que nous avons analysée, l’auteur préconise la présence d’un
officier public compétent à chaque bout de la chaîne de manifestation des volontés,
c’est-à-dire auprès de chaque partie qui s’engage, quelle que soit sa situation
géographique. Mais il nuance ensuite la formation ultérieure de l’acte par la
rencontre des consentements dans les deux solutions distinctes qu’il propose :
1.2.1
La procuration annexée à l’acte
La technique de la procuration (ou mandat) est incontournable de la pratique
notariale, puisqu’elle met en place un mécanisme de représentation de la partie qui
s’engage par le biais de l’intervention d’un mandataire censé agir au nom et pour le
compte de cette dernière.
En cela, il est essentiel de relever que si l’art. 1985 civ. n’impose pas de forme
spéciale à la formation du contrat de mandat ainsi considéré327, un mouvement tant
doctrinal que jurisprudentiel invite à recourir obligatoirement à la forme authentique :
« toutes les fois où l'authenticité d'un acte est prescrite par la loi à titre de
solennité, soit dans un intérêt d'ordre public, soit dans l'intérêt des parties,
pour assurer leur sécurité et protéger leur indépendance par l'intervention d'un
officier public qui les conseillera et attirera leur attention sur la portée réelle de
leurs engagements 328»
325
Cette reconnaissance fiscale de la validité des signatures électroniques semble être en bonne voie si l’on en
croit l’instruction du 4 avril 2001, BOI 13-K-01, qui impose aux entreprises de plus de 100 millions de francs de
chiffre d’affaire de souscrire par voie électronique leurs déclarations d’Impôt sur les Sociétés et de TVA.
326
Me J-D Mathias, administrateur au Conseil Supérieur du Notariat, intervention dans le cadre des Rencontres
Notariat-Université, 2000, préc., p 25.
327
La forme authentique, sous seing privé ou même verbale peut être adoptée, hormis le cas du mandat ad litem
(art. 306, 343 et 332 NCPC notamment).
328
D. Montoux, Jurisclasseur notarial, ed. 2001, fasc. Procurations A1, n° 50 et pour une illustration Civ. 3ème , 3
déc. 1889 : S. 91, 1, 525. et 29 juin 1895 : S. 95, 1, 73.
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Pour les autres hypothèses plus traditionnelles où la forme authentique de
l’acte principal ne vise qu’à assurer la publicité de ce dernier, la procuration pourra
conserver une forme sous seing privé (procuration dans le cadre des ventes ou
acquisitions d’immeubles, cessions de créances, des inventaires, des subrogations
conventionnelles de l’art 1250-2 civ., etc…).
Archivage numérique
Principe de la procuration authentique électronique
Transmission Electronique Sécurisée
(REAL)
Procuration
authentique
électronique
Signature
électronique
Vendeur
Procuration en
annexe
Acte Authentique
Electronique
Signature
électronique
Notaire en second
Signature
électronique
Acquéreur
Signature
électronique
Notaire
instrumentaire
Dès lors, le notaire en second (celui qui ne rédige pas l’acte principal) établira
la procuration électronique, authentique ou sous seing privé selon les cas, dont il
transmettra copie au notaire instrumentaire par transmission sécurisée. L’exigence
de sécurité de la transmission prend alors tout son sens puisque par là-même le
notaire en second se dessaisit de l’acte de mandat passé en son étude : c’est alors
l’illustration parfaite pour le professeur Catala de l’exigence chronique d’un recours à
l’intervention d’un tiers-certificateur329.
Ladite copie sera alors annexée à l’acte principal par le notaire rédacteur,
selon les dispositions traditionnelles de l’art. 8 al. 2 du décret du 26 novembre 1971
régissant les actes notariés, puis déposée au rang des minutes.
329
P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, préc. N° 23.
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1.2.2
La
technique
de
l’offre-acceptation
pollicitation électronique
ou
Une autre technique de formation des conventions réside dans l’adaptation au
support électronique dématérialisé de la technique de l’offre acceptée, très répandue
dans le milieu commercial et immobilier :
Ainsi, le notaire en second assistant le vendeur rédigerait une offre de vente
limitée dans le temps tandis que le notaire instrumentaire assistant l’acquéreur serait,
à l’autre bout de la chaîne, chargé d’élaborer un acte d’acceptation. Par la
transmission directe et simultanée de ces deux actes, le contrat serait dès lors formé
sur le réseau
Principe de la pollicitation électronique
Archivage numérique
Acte Authentique
Electronique
Offre
authentique
électronique
Acceptation
authentique
électronique
Transmissions électroniques sécurisées
(REAL)
Signature
électronique
Vendeur
Signature
électronique
Signature
électronique
Acquéreur
Signature
électronique
Notaire en second
Mais ce système n’est pas sans poser quelques problèmes qu’il nous
appartient de soulever :
D’abord, quant à la nature de l’acte rédigé par le vendeur, il nous appartient
d’écarter la qualification de promesse unilatérale de vente dont la rédaction
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entraînerait de surcroît un enregistrement à peine de nullité aux termes de l’art.
1840-A du Code Général des Impôts. En effet, il s’agit ici non pas d’un engagement
contractuel ayant force obligatoire, mais bien d’une disposition unilatérale, offrant à
son auteur un libre droit de révocation, certes au delà du délai prévu330 et sauf à
invoquer une révocation abusive. En outre, la caducité dudit engagement devra
normalement être reconnue en cas de décès de l’offrant331.
La question de la conclusion en deux phases complémentaires et imbriquées
de ce contrat pose ensuite le délicat problème de la loi applicable dans la mesure où
l’accord des volontés en tant que tel est réalisé sur cet espace de communication
neutre que constitue le réseau.
La loi applicable au contrat constitué d’une offre émise par un vendeur
australien assisté de son conseil dans son pays et d’une acceptation par un
acquéreur français assisté de son notaire relève en pareille hypothèse d’un enjeu
majeur à défaut de toute clause contraire susceptible de prévenir salutairement ce
genre d’incertitude.
A cet égard, il nous apparaît devoir privilégier la qualité de notaire rédacteur
de l’acceptation de l’offre comme attribuant sa compétence territoriale et donc sa loi
nationale au contrat 332: Cette solution, qui a d’ailleurs été retenue classiquement
dans le cadre des contrats par correspondance333 avant d’être remise en cause en
matière contractuelle, présente le plus souvent l’intérêt de protéger l’acquéreurdébiteur de l’obligation monétaire. En cas de litige, notons toutefois que le vendeur a
le choix d'agir devant le tribunal du domicile du défendeur ou celui de la situation de
l'immeuble (art. 46 NCPC).
1.2.3 Exemple prospectif d’acte à distance :
Si nous envisageons, pour l’exemple, le cas d’une vente immobilière
susceptible d’être reçue dans quelques années sur le modèle de l’acte à distance
susévoqué, nous pouvons imaginer le processus suivant:
Le projet d’acte pourrait être d’abord communiqué par courrier électronique
aux parties (sorte de « devis » soumis à leur approbation et à leurs interrogations),
faire l’objet par la même voie de corrections notariées à distance, de questionsréponses personnalisées, de conseils prodigués selon une grille réglementée par la
profession., et enfin dans sa rédaction définitive d’une signature électronique à
distance par l’officier public et les contractants (mécanisme de clefs publiques et
privées334). Les annexes à l’acte seraient fournies sous formes de « pièces jointes »
indubitablement attachées à celui-ci. A l’issue de la procédure contractuelle, l’acte
ainsi dématérialisé serait publié directement à la Conservation des Hypothèques par
transmission informatique335, et enregistré de même auprès des Services fiscaux
compétents. La minute électronique de l’acte ferait l’objet d’un archivage numérique
sur support durable, et consultable indépendamment de l’évolution technologique.
330
Civ. 3ème , 10 mai 1978 : Bull. civ. III, n° 209 : où l’offre est apparenté à une promesse de vente
Civ. 3ème , 10 mai 1989 : D. 1990, p. 365 et s., note G. Virassamy
332
Cf.. en ce sens A. Gobin, Pour une problématique notariale des autoroutes de l'information
Le notariat et les contrats immatériels, JCP N 1995, n°50, p 1749, paragraphe 164.
333
Soc. 20 juill. 1954 : JCP 1955 G II, 8775, obs. Rabut., 4 mai 1961 : Bull. civ. IV, n° 459., 9 mai 1962 : Bull.
civ. IV, n° 353 et Com., 22 juin 1976 : Bull. civ. IV, n° 215
334
Pour une analyse de la cryptologie asymétrique, Cf II, A.
335
Comme cela est déjà en place : pour le système Fidji, cf. Supra II.
331
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Quant au paiement du prix et des droits, il se ferait par simple virement de compte à
compte, ce qu’un auteur nomme « la monnaie scripturale sous forme
électronique »336, née à la faveur de la loi du 13 mars 2000, en attendant l’apparition
d’une véritable monnaie fiduciaire337.
Dans une telle perspective, les moyens techniques mis en œuvre se révèlent
essentiels, puisque la sécurité qu’ils procurent constitue la clef de voûte du système :
Le Professeur P. Catala fait à cet égard référence à l’indispensable conservation de
ces documents électroniques que la technique doit garantir :
« Ces enregistrements constituent la boîte noire de la navigation notariale »338
Sans parler de l’utilisation malaisée des « webcams » et autres systèmes de
visio-conférence, il semble donc plutôt que cette dématérialisation prenne la forme
du courrier électronique sécurisé, auquel il pourrait être adjoint des plans et notices
descriptives numérisées (en annexes).
Cette ambition audacieuse ne peut pour autant s’accompagner que d’une
rationalisation de l’acte et de ses formules339. Un tel processus est d’ailleurs
pratiquement mis en œuvre puisqu’une étude de l’Hérault340 vient d’obtenir le premier
certificat de normalisation ISO 9002, qui sanctionne un contrôle permanent de
l’ensemble de ses services341. Si ce terme peut inquiéter par le risque potentiel qu’il
renferme de ne plus tenir compte de la spécificité du cas d’espèce posé au notaire, ni
de ses qualités et aspirations propres, il n’en demeure pas moins un facteur évident
d’efficacité comme un élément de renouvellement salvateur d’un profession trop
longtemps conservatrice. Pour Me Bosvieux, « [la rationalisation] ne nuit ni à
l’efficacité juridique de la formule, ni à sa compréhension, mais exige une rédaction
concise d’où est banni tout détail inutile. Elle introduit rigueur et économie dans la
rédaction.342»
2 Une évolution inscrite dans un processus global d’informatisation :
2.1 La normalisation de l’activité notariale
2.1.1 La normalisation de l’acte notarié par l’électronique
L’irruption de l’informatique dans la rédaction des actes suppose que soit
opéré un premier travail de normalisation et d’unification des techniques avant d’être
étendue à leur signature authentique et à leur conservation.
336
Cf. Cl. Lucas de Leyssac et X. Lacave, Le paiement en ligne, JCP G, n°10, p. 481.
Que les américains envisagent sous l’appellation suggestive « e-cash ». Il s’agirait d’une monnaie autonome,
susceptible de circuler sur les réseaux et d’encaissement immédiat (Cf. Cl. Lucas de Leyssac et X. Lacave, préc.)
338
P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, préc. , n°19.
339
Me Bosvieux, Plaidoyer pour la rénovation de l’acte authentique, préc.
340
SCP Grasset-De Benoist de la Prunarede, Baillargues (Hérault), dont le site Internet est très fourni :
http://www.onb-france.com
341
La Chambre des notaires de Paris recommande la certification à la norme ISO 9001 version 2000 dans un
guide établi à l’usage de ses membres.
342
Me Bosvieux, préc., n° 22.
337
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Comment en effet concevoir qu’un acte établi chez un notaire parisien, selon
un logiciel et un procédé de conservation qui lui seraient propres, soit illisible chez un
confrère du Midi après sa transmission électronique, pour un défaut de comptabilité
des moyens mis à la disposition de ce dernier ?
On l’aura compris, l’enjeu d’une authenticité effective présuppose un choix de
moyens techniques uniformes, évolutifs et contrôlés par la puissance publique.
Dans cette perspective, nous nous concentrerons plus particulièrement sur la
notion d’encodage du fichier constituant l’acte, rédigé le plus souvent aujourd’hui sur
ordinateur au moyens de logiciels spécialisés343.
L’encodage désigne en réalité « la manière dont les informations sont
structurées au sein du fichier » : son contenu propre, mais également sa mise en
page générale, les polices de caractères utilisées, les balises et commentaires
intégrés, etc… Mais de cet encodage dépend également la compatibilité du
document contenu dans le fichier (un encodage de haut niveau très spécifique à un
logiciel, ne pourra être lu que par lui, au contraire des encodages universels, tels que
les fichiers sous format texte TXT), et les possibilités de sa modification ultérieure
(élément essentiel au regard de l’indispensable non-répudiation de l’acte signé).
La modélisation de l’acte authentique par le langage XML
Dans ces circonstances, et sans rentrer dans les détails techniques, un
auteur, repris par les instances chargées de la préparation du Décret sur l’acte
authentique, avançait que la norme de fichiers informatiques la plus à même, à
l’avenir, de remplir au mieux ces différentes exigences, soit la norme XML
(eXtensible Markup Language)344.
Contrairement aux autres formats de fichiers essentiellement destinés, à
terme, à l’impression papier, ce langage constitue un véritable outil universel et
autonome de création, de gestion et d’échange des documents notariés. L’acte n’est
pas seulement créé dans son corpus, il est d’ores et déjà analysé dans son contenu
et modélisé.
Sur le plan technique cette standardisation relève de la particularité de ce
langage qui sépare :
- le contenu du document, rédigé grâce à n’importe
quel traitement de texte, en langage balisé XML au
sein d’un DTD (Document Type Definition),
- de la forme du texte, établie en langage XSL sous
un fichier séparé,
C’est donc un véritable système global de traitement de l’information, indépendant
des plates-formes matérielle ou logicielle mises en place qui peut être envisagé, avec
les atouts que l’on sait :
« Au niveau de la rédaction de l’acte, le passage à l’XML ne fera que
rationaliser un processus déjà largement entamé : la plupart des logiciels de
343
On citera pour exemples de logiciels de rédaction : GénApi, Daxel, InfoLib…, tous intégrés (plugins) au
logiciel de traîtement de texte Microsoft Word.
344
Pour une vulgarisation informatique très accessible de ce langage, on se reportera au lien suivant :
http://www.commentcamarche.net/xml/xmlintro.php3
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rédaction d’acte combinent actuellement différentes bases de données (bases
de clients, clausiers, etc…) pour produire un modèle de document qui est
ensuite transféré à Word pour être sauvegardé et imprimé. L’information est
donc déjà structurée, mais elle n’est pas susceptible d’être échangée, puisque
chaque logiciel définit son propre format de données. Le XML permettra de
standardiser ce processus, qui aura alors l’avantage de pouvoir permettre
l’échange de données directement entre les administrations et d’automatiser
les étapes qui peuvent l’être.
Pour tout ce qui concerne les aspects d’échanges de données, le passage à
l’XML semble donc assez logique, puisque celui-ci semble s’imposer comme
norme globale de structuration de l’information. »345
De plus, le langage XML présente sur le plan économique la particularité de
ne pas être un langage « propriétaire », c’est-à-dire relevant de la propriété d’une
entreprise privée (comme le format Word pour Microsoft), ce qui permet un contrôle
plus aisé de la puissance publique sur les perspectives de son évolution.
Pour autant, ce nouveau procédé de confection d’un acte entièrement
numérique n’est pas sans révéler quelques insuffisances :
Les limites du langage XML :
De nombreux auteurs ont à juste titre stigmatisé l’engouement suscité par le
langage XML quant à sa consécration dans le Décret à paraître sur l’acte
authentique électronique :
Un premier argument découle de la nature susévoquée de ce langage : en
distinguant le fond de la forme, et en scindant l’instrumentum électronique en
différents documents (DDT, fichier XSL), ce procédé méconnaît l’unicité particulière
et fondamentale instrumentum-negotium de l’acte authentique346 et présente en
germes un risque de faille dans le système en cas d’interception de l’un ou l’autre
des fichiers.
De cette caractéristique découle également ensuite une « lisibilité » très
relative du document affiché à l’écran, dans la mesure où au DDT d’origine peut-être
associé un fichier XSL différent en fonction de la configuration matérielle et logicielle
de l’utilisateur. On imagine mal dans ces conditions qu’un notaire puisse recueillir les
signatures sur un acte qui s’afficherait différemment sur différents ordinateurs.
Enfin, et surtout, la fixité de l’acte, essentielle aux effets de l’authenticité dès
l’apposition des signatures, n’est que faiblement assurée par ce procédé comme
nous l’avons vu plus adapté au traitement et à la transmission des données qu’à leur
non-répudiation. Une conversion vers des formats de fichiers « image » (de type
JPG, GIF ou TIFF) a été ainsi préconisée pour que, à l’issue de l’élaboration de
l’instrumentum, sa cristallisation juridique soit rendue possible par des signatures
345
J-F. Blanchette, Les technologies de l’écrit électronique : synthèse et évaluation critique, in I. de Lamberterie,
les actes authentiques électroniques, préc., p 139
346
Cf. supra I, B, 2.4.3 3ème point.
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électroniques fondées sur la notion du What You See Is What You Sign
(WYSIWYS)347, et l’archivage électronique grandement facilité.
Mais une remarque importante oblige à reconnaître qu’en pareilles
circonstances, cette conversion de fichier s’apparente à un retour vers l’acte
authentique « papier » (numérisé)348, et témoigne d’une certaine insatisfaction
intellectuelle envers un langage XML encore à parfaire sur ce point.
En conclusion, l’évolution des techniques ne permet pas de se satisfaire
pleinement, à l’heure actuelle, du seul langage de type XML, au sein duquel les
informations traitées peinent à être verrouillées lors de la perfection de l’acte par les
signatures. Mais ne doutons pas que la rapidité du progrès technique puisse faire
évoluer ces quelques lacunes.
2.1.2 La normalisation du service notarial
Au même titre que l’ensemble des autres entreprises de service, l’activité
notariale se voit offerte depuis peu la possibilité d’opter pour la démarche qualité
offerte par l’adoption de la norme ISO 9001349. Celle-ci vise à définir un certain
nombre de concepts et d’exigences dans l’organisation générale de l’office,
susceptibles d’accroître la productivité de l’entreprise et la sécurité garantie aux
clients.
L’adoption de ce dispositif s’articule en trois points cruciaux, supposant
chacun une mise par écrit de l’organigramme et des objectifs 350:
services offerts aux clients (conseil, rédaction d’actes,
conservations, séquestres…)
management de l’office (personnel employé, hiérarchie et
contrôle exercés sur eux…)
supports employés (outils matériels et logiciels pour la
rédaction, la comptabilité, l’archivage, la documentation…)
Au terme d’un audit opéré par un organisme de certification agrée (tel l’AFAQ,
LRQA, SGS-ICS…) à partir des documents réalisés avec l’aide de consultants, un
certificat d’une durée de 3 ans pourra être délivré, sans préjuger d’une éventuelle
remise en cause lors d’audits ultérieurs de contrôle (tous les ans).
Ces impératifs, assez contraignants en temps et pour l’introspection qu’ils
nécessitent, se heurtent encore à une certaine réticence de la profession, et plus
347
Littéralement : « Ce que vous voyez est ce que vous signez »
F. Banat-Berger et Y. Rabineau, L’établissement et la conservation des actes authentiques dématérialisés :
problématiques, Rapport VII in in I. de Lamberterie, les actes authentiques électroniques, préc., p 261
349
Nous citerons pour l’exemple l’Office SCP Grasset-De Benoist de la Prunarède, Baillargues (Hérault), 1ère
étude notariale certifiée à la norme ISO 9002 puis ISO 9001, dont le site Internet est très
fourni : http://www.onb-france.com
350
Pour un examen détaillé de ce dispositif : cf. F. Béranger, La certification ISO 9001 dans les offices de
notaires, JCPN 2003, n°29, p 1106 et le Guide pratique de la certification à l’usage des Notaires édité par la
Chambre des Notaires de Paris, version 2000.
348
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particulièrement des petites structures, encore attachées à une certaine liberté dans
l’exécution de leurs services.
Pourtant, il faut y voir à notre sens, dans ce contexte de rationalisation de
l’activité notariale, un terreau profitable à l’émergence de l’acte authentique
électronique, dans un souci de qualité et de sécurité accrues prodiguées au client :
car à une technique accrue de perfection de l’acte par la signature, doit correspondre
un degré au moins équivalent de rigueur et d’efficacité dans la préparation, la
confection et la conservation de l’instrumentum.
2.2 L’informatisation des services administratifs
Engagée dans un vaste processus d’informatisation et de simplification des
procédures, l’administration française semble accompagner un certain renouveau de
la pratique notariale quotidienne, soucieuse de profiter des gains de rapidité et de
confort apportés par les nouvelles technologies. A cet égard, il semble d’ailleurs que
l’interconnexion des réseaux notariaux REAL et Extranot précités avec les différents
systèmes de gestion de base de données administratives FIDJI (pour les
Conservation des Hypothèques) et MAJIC 2 (pour le cadastre) laisse augurer à
l’avenir d’un véritable consensus dans le traitement du dossier et du service apporté
au client.
Il nous appartiendra à cet égard de détailler quelques unes des différentes
réformes mises en place au niveau des différents services de l’Etat et des
collectivités territoriales pour mieux comprendre leurs incidences sur le travail de
l’officier public.
2.2.1 L’informatisation des Conservations des Hypothèques
Déjà encouragée à l’occasion du rapport Marchand de 1996351,
l’informatisation des registres de publicité foncière a été initiée dans le cadre des
projets MADERE (Module Accéléré de DElivrance des REnseignements)352 et FIDJI
(Fichier Informatisé des Données Juridiques sur les Immeubles) développés auprès
de la Direction Générale des Impôts depuis 1991.
Cette modernisation technique visait à répondre aux insuffisances chroniques
(longueur des délais de délivrance des renseignements hypothécaires notamment)
constatées auprès des quelques 354 Conservations dans la fourniture de leurs
351
Cf. note de synthèse de M. Chatelain sur le rapport Marchand, L'administration communicante et le
développement des téléprocédures, Octobre 1996, Commission pour la simplification des formalités, Réf. n°
96.246 : l’auteur prône la normalisation de l’acte notarié autour d’un document type respectant la norme SGML
pour améliorer la productivité des notaires et des Conservations des Hypothèques.
352
Cf. Jurisclasseur Notarial, 2001, Publicité foncière, fasc. 10, n°17 : « [le programme MADERE] comprend
deux modalités, à savoir le système MADERE comptable et le système MADERE réserve d'immeubles ; le
premier concerne la tenue informatique du registre sur lequel les conservateurs doivent inscrire la publication
des documents remis à cette fin par les usagers et le second leur permet de délivrer des renseignements
hypothécaires comprenant les documents déposés mais non encore publiés »
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services auprès des usagers, tant professionnels que particuliers, à l’occasion du
développement croissant du marché immobilier353.
Elle fut en outre récemment ponctuée d’une adjonction législative
conséquente apportée par la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la
réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière, entrée en
vigueur le 1er juillet 1998, visant à améliorer et simplifier les mécanismes des décrets
des 4 janvier 1955 et 14 octobre 1955, tout en facilitant l’informatisation354.
Ainsi, le registre des biens immobiliers a t-il été admis dans sa forme d’écrit
informatique par le nouvel art. 2201 civ. (cet article reprenant par là-même le principe
de l’équivalence fonctionnelle et la présomption de fiabilité du document électronique
déjà évoqués plus haut pour les actes) :
Art. 2201 al. 2 civ. :(Alinéa créé par la Loi n° 98-261, 6 avr. 1998, art. 14 )
Par dérogation à l'alinéa précédent, un document informatique écrit peut tenir
lieu de registre ; dans ce cas, il doit être identifié, numéroté et daté dès son
établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve.
Dès lors, ce sont tous les services de tenue des registres, de délivrance des
renseignements et de publication des formalités qui bénéficieront d’un traitement
résolument plus efficace et immédiat dans leur accès ; cette réforme étant
accompagnée
de surcroît par la généralisation du Document Hypothécaire
Normalisé (DHN) rendue obligatoire à compter du 1er juillet 1998355 en matière de
vente. Les modalités du rejet de formalité réalisées dans le cadre de cette
informatisation ont par ailleurs été récemment précisées dans une instruction
ministérielle du 7 juin 2000356.
L’apport informatique permet par ailleurs d’améliorer sensiblement le service
rendu : il est ainsi notamment institué un nouveau document, le certificat des
formalités, délivré auprès des services informatisés. Ce dernier se révèle fort utile
aux notaires en tant qu’il permet de vérifier l’état des inscriptions qui postérieures à
l’état hors formalités peuvent intervenir en cours d’élaboration du titre de vente
authentique (nouvel art. 2203 civ. créé par la loi n° 98-261, 6 avril 1998, art. 15 ).
Mais une telle modification des conditions de délivrance des formalités de
publicité foncière a pu éveiller l’attention de certains auteurs sur les risques inhérents
à la protection des données personnelles et à la vie privée contenus en germes dans
la facilitation de la délivrance des renseignements (coûts amoindris, rapidité de
communication…) et la généralisation de leur accès (par le biais des réseaux
informatiques).
353
Pour un exemple de connexion directe via « L'EDV-Grundbuch » entre les notaires allemand et le « livre
foncier » : cf. J. Picard, Le livre foncier allemand passe sur autoroute, JCP N 1996, n° 25.
354
Sur cette question cf. PJC, Publicité foncière, Commentaire de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 : JCP N
1998, n° 21, p. 801.
355
Art. 19-1, Loi 6 avril 1998, préc.
356
Instruction publiée dans le Supplément rapide Defrénois, n° 9 du 26 juin 2000, p. 8.
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Ainsi, pour J-L Vallens357 :
« Définir les principes applicables à la diffusion des données de caractère
patrimonial, contenues dans un système de publicité foncière, impose
d'harmoniser les finalités de cette publicité avec les principes essentiels du
droit français mis en cause: le droit de propriété, le droit au respect de la vie
privée, mais aussi l'égalité d'accès et le droit à l'information. »
La nécessaire imbrication des caractéristiques du patrimoine considéré avec
les droits essentiels de la personne relatifs, d’une part, au respect de sa vie privée358,
et d’autre part, à la protection des données à caractères personnels359, suppose
donc de considérer plusieurs paramètres dans l’accessibilité des renseignements
fournis aux tiers, tels que :
« […] les types d'informations accessibles, les catégories de consultants et le
but de la consultation. »
En outre, le caractère nominatif des données supposera que soient garanties
les modalités d’exercice d’un droit d’accès, de communication et de rectification des
informations enregistrées sur les Livres fonciers (art. 34, 35 et 36 Loi 6 janvier 1978
préc.) ainsi qu’un droit d’opposition à leur traitement (art. 26 Loi préc.).
Le dernier stade de l’évolution technique déjà programmée pour 2005 devrait
voir la mise en place du projet Tele@ctes, permettant sous forme électronique :
- la délivrance des renseignement hypothécaires,
- l’acquisition des données nécessaires à l’enregistrement et à la formalité de
publication ou d’inscription,
- l’alimentation de la base nationales des données patrimoniales
Ces procédures, sécurisées par l’emploi du réseau REAL permettant par
ailleurs un télépaiement sécurisé des transactions, devraient permettre un traitement
accru des actes et une meilleure fiabilité du fichier immobilier.
2.2.2 L’informatisation des services du cadastre
L’outil informatique s’est une nouvelle fois révélé comme un instrument
salvateur par sa vitesse de traitement quant à la collecte et la mise à jour des
matrices et documents cadastraux, de même que pour la délivrance des différents
certificats administratifs :
Ainsi un système dénommé MAJIC 2 (Mise A Jour des Informations
Cadastrales 2e génération) a t-il été mis en place dans l'ensemble des communes
357
J-L Vallens, Publicité foncière et vie privée : les enjeux de l'informatisation, Recueil Dalloz 2000, Chron. p.
375.
358
L’art. 9 civ. s’est vu reconnu comme principe à valeur constitutionnelle par la décision CC du 23 juillet 1999
en tant que composante de la liberté individuelle
359
Loi n°78-17 « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 et Directive communautaire du 24 octobre 1995.
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métropolitaines, dans le cadre des Centres Régionaux Informatiques (CRI) gérant
ces nouvelles bases de données, tenues à jour en temps réel. Dans la rédaction de
l’arrêté du 30 mai 1996 (art. 2)360, ce système a pour objectifs majeurs d’assurer :
la mise à jour des fichiers cadastraux concernant les titulaires des droits
réels sur les propriétés bâties et les propriétés non bâties ;
l'identification et la détermination physique des immeubles ;
la détermination de la valeur locative des biens fonciers bâtis et non
bâtis ;
la prise en charge et l'édition des rôles et avis d'imposition de taxes
foncières;
la comptabilisation des droits perçus à l'occasion de la délivrance
d'extraits ou de reproductions de la documentation cadastrale;
le traitement et le suivi du contentieux. »
Par ailleurs, différents fichiers, désignant les propriétaires, les propriétés
bâties et non bâties, ainsi qu’un Répertoire Informatisé des Voies et Lieux-dits
(RIVOLI), comportant les codifications des éléments (nom des propriétaires, nom des
rues, lieux-dits, etc.), ont été préconisés pour faciliter la gestion des parcelles.
Mais c’est à une toute autre révolution technique que se préparent ces
services avec la mise en place de plans cadastraux numériques (FTC) dans
plusieurs communes urbaines importantes (Paris, Bordeaux, Saint-Etienne, Belfort...)
dans lesquels chaque parcelle, bâtiment et délimitation est définie à partir de
coordonnées géographiques précises résultant de relevés cartographiques ou
satellitaires. Pour autant, de tels procédés s’accompagnent d’investissements dont
les coûts se révèlent assez prohibitifs, si bien qu’à l’heure où nous écrivons ces
lignes, les documents d'arpentage, croquis de conservation, ainsi que l'incorporation
des plans résultant des opérations de remembrement dépendent encore largement
d’un travail graphique non-automatisé.
L’accès encore restreint au service cadastral tend néanmoins à s’élargir, avec
l’utilisation nouvelle du réseau mondial Internet361 : ce sont ainsi quelques 600 000
documents numérisés qui sont appelés à être mis à disposition du public dans une
totale gratuité (novatrice si l’on en juge aux quelques 70 francs correspondant aux
frais d’édition de la demande papier actuelle).
L’enjeu est en réalité d’offrir à chaque administré les moyens de connaître
précisément et directement ses droits et contributions liés à la propriété foncière
(taxe d’habitation, impôts locaux, nature et localisation des sols et bâtiments,
montant des subventions allouées aux agriculteurs par l’Union européenne…)362.
2.2.3 L’informatisation des greffes des Tribunaux de commerce
360
Cf. Defrénois 1996
A l’heure actuelle, le cadastre est exclusivement consultable
362
Cf. Service public : le cadastre se prépare au réseau, article de ZDNet France du 2 mars 1999, consultable
sur http://www.zdnet.fr
361
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Mis à part la généralisation des dispositifs de signature électronique précités,
un certain nombre de procédures télématiques ont été mises en œuvre au sein des
greffes, et il s’agira d’en évoquer quelques exemples majeurs :
D’abord, la consultation à distance, par voie télématique, d’un extrait K-bis,
mais aussi la transmission à domicile (notamment de l’étude requérante via les
prochaines fonctionnalités du réseau REAL) et l’obtention de copies de certains
documents, sur les serveurs INFO- GREFFE, INTER GREFFE et EURIDILE, ont
grandement facilité la préparation des dossiers.
Par ailleurs, un arrêté du 29 janvier 1985 fixe les dispositions relatives à la
constitution d'une banque de données télématique363 des informations contenues
dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et à sa
commercialisation (JO 31 janv. 1985).
Notons enfin que dans le même cadre des mesures de publicité inhérentes
aux sociétés, il est permis d’effectuer un « simple dépôt » des documents
comptables par voie télématique auprès des greffes des Tribunaux de commerce en
vertu de l'article 4 de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise
individuelle364.
2.2 L’archivage sur support numérique
En vertu de son titre d’officier public, le notaire demeure tenu de « conserver
dépôt » de tous les actes qu’il aura réalisés (art. 1er de l’ordonnance du 21 novembre
1945 précitée), pendant une durée de 100 ans à compter de la date de leurs
signatures (fixée par l’art. 17 du décret du 3 décembre 1979).
« Ils [les notaires] sont les dépositaires légaux des titres des citoyens. Ils
doivent veiller sur ce dépôt avec le plus grand soin, conserver leurs minutes
chez eux, dans la maison même où ils ont leur étude, et ne négliger aucune
précaution pour les mettre à l'abri des risques d'incendie, d'inondation,
d'humidité et de destruction de toute sorte... »365
Au delà du délai légal, les actes sont dévolus aux archives publiques (dépôt
obligatoire des anciennes minutes et anciens documents aux archives
départementales ou nationales en vertu de l’art. 3-3° de la loi du 3 janvier 1979) et
font l’objet d’une libre consultation par le public366.
363
Version télématique instituée à l’origine par un arrêté du 17 mai 1984 restreignant la commercialisation des
informations contenues dans cette base de données et autorisant un droit d’accès et de rectification
conformément à l’art. 34 de la loi du 6 janvier 1978 « Informatique, fichiers et libertés » à exercer auprès de la
direction des Journaux Officiels.
364
Cf. Jurisclasseur Notarial, Sociétés, fasc. C-130, n° 81 : « Lorsqu'il est fait usage de cette faculté, la
transmission est faite à un Centre de dépôt électronique organisé en commun entre les greffes de l'INPI dans les
conditions fixées au nouvel article 28-1 de l'arrêté du 9 février 1988 modifié. »
365
Circulaire du Ministre de la Justice du 10 février 1988, citée in Jurisclasseur notarial, Acte notarié, fasc. B-10,
n° 6.
366
Voir en ce sens le site : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/
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Or, à l’heure où le notariat autrichien vient de réaliser un système Cyberdoc
consistant en un minutier central électronique de tous les actes passés par le
notaires de ce pays367, le notariat français ne semble pouvoir s’exonérer d’une
réflexion sur l’opportunité d’user des nouveaux procédés d’archivage numérique à
des fins de conservation des actes authentiques. Cette utilisation massive des
moyens de communication, au moins dans un souci de double conservation (le
minutier électronique composant un appui efficace au minutier papier traditionnel en
cas de sinistre notamment) a pu être ainsi recommandée par de nombreux
auteurs368.
Elle présente des avantages non négligeables à notre sens, qui ont été
notamment mis en avant lors du récent colloque international de Vienne369 :
•
•
•
•
•
•
•
archivage permanent dans une centrale électronique
rapidité d'accès
sécurité garantie (carte à puce, numéro d'identité, mot de passe, cryptage
asymétrique)
gain de temps et réduction des coûts (plus besoin d'aller rechercher l'acte,
d'en faire des copies, de les envoyer et de remettre l'acte à sa place)
les actes notariés sont à disposition en tout temps des autorités
administratives (Registre du Commerce, Registre Foncier, fisc, etc), qui sont
elles-mêmes reliées, mais n'ont accès, grâce au cryptage, qu'aux
renseignements qui les concernent
avantage concurrentiel face à d'autres prestataires de conseils juridiques,
notamment les organismes fiduciaires et les banques
vis-à-vis de la clientèle, image de dynamisme d'une profession en phase avec
les nouvelles technologiques.
Dès lors, l’utilisation des nouveaux moyens de stockage offerts par les
nouvelles technologies se posent comme des procédés fiables de conservation : en
effet, l’écriture et le contenu formel du message étant alors numérisés (c’est-à-dire
encodés en un langage binaire intrinsèquement inaltérable), ils constitueront un objet
facile, compact et rapide à sauvegarder, sur des supports aussi variés que les CDRoms, DVD-Roms, bandes magnétiques, disques durs ou optiques (de type
WORMS notamment), disquettes ZIP…
Pour autant, certains impératifs techniques majeurs devront alors être
respectés : d’abord le recours à un organisme spécialisé dans les opérations
d’archivage et capable de sauvegarder l’intégrité du document lors de sa conversion
binaire, puis la garantie d’un choix de format de fichier universel, qui puisse être
efficacement restauré sur un système ayant évolué avec le temps370 (tel que le
367
http://www.cyberdoc.at: Dès que l'acte est signé, l'original est scanné, puis enregistré chez le notaire et
envoyé de manière cryptée par messagerie électronique (Intranet) dans une centrale d'archivage.
368
Voir en ce sens, P. Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, préc., n° 19.
369
« Electronique et acte notarié », colloque international de Vienne, du 7 au 10 juin 2000, cité in
http://www.vaud-online.ch/
370
Si on peut lire aisément au XXI ème siècle le contrat de vente contenu sur la tablette de Fara qui date de 2600
avant JC, pourra-t-on, dans vingt ans, lire ce qui est enregistré sur les supports numériques d'aujourd'hui ? La
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format RTF ou en langage XML, où les dispositions relevant du fond et de la forme
du document sont dissociées371).
question est posée par le programme du Mouvement du Jeune Notariat pour 2001-2002 (http://www.jeunenotariat.com)
371
Cf. P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers
l’authenticité électronique, 2000, préc., et supra II, B, 2.1.1
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ANNEXES
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Annexe I
Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13
décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures
électroniques
(Journal officiel n° L 013 du 19/01/2000 p. 0012 – 0020)
Article premier
Champ d'application
L'objectif de la présente directive est de faciliter l'utilisation des signatures électroniques et de
contribuer à leur reconnaissance juridique. Elle institue un cadre juridique pour les signatures
électroniques et certains services de certification afin de garantir le bon fonctionnement du marché
intérieur.
Elle ne couvre pas les aspects liés à la conclusion et à la validité des contrats ou d'autres obligations
légales lorsque des exigences d'ordre formel sont prescrites par la législation nationale ou
communautaire; elle ne porte pas non plus atteinte aux règles et limites régissant l'utilisation de
documents qui figurent dans la législation nationale ou communautaire.
Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1) "signature électronique", une donnée sous forme électronique, qui est jointe ou liée logiquement à
d'autres données électroniques et qui sert de méthode d'authentification;
2) "signature électronique avancée" une signature électronique qui satisfait aux exigences suivantes:
a) être liée uniquement au signataire;
b) permettre d'identifier le signataire;
c) être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif
et
d) être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure
des données soit détectable;
3) "signataire", toute personne qui détient un dispositif de création de signature et qui agit soit pour
son propre compte, soit pour celui d'une entité ou personne physique ou morale qu'elle représente;
4) "données afférentes à la création de signature", des données uniques, telles que des codes ou des
clés cryptographiques privées, que le signataire utilise pour créer une signature électronique;
5) "dispositif de création de signature", un dispositif logiciel ou matériel configuré pour mettre en
application les données afférentes à la création de signature;
6) "dispositif sécurisé de création de signature", un dispositif de création de signature qui satisfait aux
exigences prévues à l'annexe III;
7) "données afférentes à la vérification de signature", des données, telles que des codes ou des clés
cryptographiques publiques, qui sont utilisées pour vérifier la signature électronique;
8) "dispositif de vérification de signature", un dispositif logiciel ou matériel configuré pour mettre en
application les données afférentes à la vérification de signature;
9) "certificat", une attestation électronique qui lie des données afférentes à la vérification de signature
à une personne et confirme l'identité de cette personne;
10) "certificat qualifié", un certificat qui satisfait aux exigences visées à l'annexe I et qui est fourni par
un prestataire de service de certification satisfaisant aux exigences visées à l'annexe II;
11) "prestataire de service de certification", toute entité ou personne physique ou morale qui délivre
des certificats ou fournit d'autres services liés aux signatures électroniques;
12) "produit de signature électronique", tout produit matériel ou logiciel, ou élément spécifique de ce
produit destiné à être utilisé par un prestataire de service de certification pour la fourniture de services
de signature électronique ou destiné à être utilisé pour la création ou la vérification de signatures
électroniques;
13) "accréditation volontaire", toute autorisation indiquant les droits et obligations spécifiques à la
fourniture de services de certification, accordée, sur demande du prestataire de service de certification
concerné, par l'organisme public ou privé chargé d'élaborer ces droits et obligations et d'en contrôler
le respect, lorsque le prestataire de service de certification n'est pas habilité à exercer les droits
découlant de l'autorisation aussi longtemps qu'il n'a pas obtenu la décision de cet organisme.
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Article 3
Accès au marché
1. Les États membres ne soumettent la fourniture des services de certification à aucune autorisation
préalable.
2. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, les États membres peuvent instaurer ou maintenir
des régimes volontaires d'accréditation visant à améliorer le niveau du service de certification fourni.
Tous les critères relatifs à ces régimes doivent être objectifs, transparents, proportionnés et non
discriminatoires. Les États membres ne peuvent limiter le nombre de prestataires accrédités de
service de certification pour des motifs relevant du champ d'application de la présente directive.
3. Chaque État membre veille à instaurer un système adéquat permettant de contrôler les prestataires
de service de certification établis sur son territoire et délivrant des certificats qualifiés au public.
4. La conformité des dispositifs sécurisés de création de signature aux conditions posées à l'annexe III
est déterminée par les organismes compétents, publics ou privés, désignés par les États membres. La
Commission, suivant la procédure visée à l'article 9, énonce les critères auxquels les États membres
doivent se référer pour déterminer si un organisme peut être désigné.
La conformité aux exigences de l'annexe III qui a été établie par les organismes visés au premier
alinéa est reconnue par l'ensemble des États membres.
5. Conformément à la procédure visée à l'article 9, la Commission peut attribuer, et publier au Journal
officiel des Communautés européennes des numéros de référence de normes généralement admises
pour des produits de signature électronique. Lorsqu'un produit de signature électronique est conforme
à ces normes, les États membres présument qu'il satisfait aux exigences visées à l'annexe II, point f),
et à l'annexe III.
6. Les États membres et la Commission oeuvrent ensemble pour promouvoir la mise au point et
l'utilisation de dispositifs de vérification de signature, à la lumière des recommandations formulées,
pour les vérifications sécurisées de signature, à l'annexe IV et dans l'intérêt du consommateur.
7. Les États membres peuvent soumettre l'usage des signatures électroniques dans le secteur public
à des exigences supplémentaires éventuelles. Ces exigences doivent être objectives, transparentes,
proportionnées et non discriminatoires et ne s'appliquer qu'aux caractéristiques spécifiques de
l'application concernée. Ces exigences ne doivent pas constituer un obstacle aux services
transfrontaliers pour les citoyens.
Article 4
Principes du marché intérieur
1. Chaque État membre applique les dispositions nationales qu'il adopte conformément à la présente
directive aux prestataires de service de certification établis sur son territoire et aux services qu'ils
fournissent. Les États membres ne peuvent imposer de restriction à la fourniture de services de
certification provenant d'un autre État membre dans les domaines couverts par la présente directive.
2. Les États membres veillent à ce que les produits de signature électronique qui sont conformes à la
présente directive puissent circuler librement dans le marché intérieur.
Article 5
Effets juridiques des signatures électroniques
1. Les États membres veillent à ce que les signatures électroniques avancées basées sur un certificat
qualifié et créées par un dispositif sécurisé de création de signature:
a) répondent aux exigences légales d'une signature à l'égard de données électroniques de la même
manière qu'une signature manuscrite répond à ces exigences à l'égard de données manuscrites ou
imprimées sur papier
et
b) soient recevables comme preuves en justice.
2. Les États membres veillent à ce que l'efficacité juridique et la recevabilité comme preuve en justice
ne soient pas refusées à une signature électronique au seul motif que:
- la signature se présente sous forme électronique
ou
- qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié
ou
- qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié délivré par un prestataire accrédité de service de
certification
ou
- qu'elle n'est pas créée par un dispositif sécurisé de création de signature.
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Article 6
Responsabilité
1. Les États membres veillent au moins à ce qu'un prestataire de service de certification qui délivre à
l'intention du public un certificat présenté comme qualifié ou qui garantit au public un tel certificat soit
responsable du préjudice causé à toute entité ou personne physique ou morale qui se fie
raisonnablement à ce certificat pour ce qui est de:
a) l'exactitude de toutes les informations contenues dans le certificat qualifié à la date où il a été
délivré et la présence, dans ce certificat, de toutes les données prescrites pour un certificat qualifié;
b) l'assurance que, au moment de la délivrance du certificat, le signataire identifié dans le certificat
qualifié détenait les données afférentes à la création de signature correspondant aux données
afférentes à la vérification de signature fournies ou identifiées dans le certificat;
c) l'assurance que les données afférentes à la création de signature et celles afférentes à la
vérification de signature puissent être utilisées de façon complémentaire, dans le cas où le prestataire
de service de certification génère ces deux types de données,
sauf si le prestataire de service de certification prouve qu'il n'a commis aucune négligence.
2. Les États membres veillent au moins à ce qu'un prestataire de service de certification qui a délivré
à l'intention du public un certificat présenté comme qualifié soit responsable du préjudice causé à une
entité ou personne physique ou morale qui se prévaut raisonnablement du certificat, pour avoir omis
de faire enregistrer la révocation du certificat, sauf si le prestataire de service de certification prouve
qu'il n'a commis aucune négligence.
3. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification puisse indiquer, dans
un certificat qualifié, les limites fixées à son utilisation, à condition que ces limites soient discernables
par des tiers. Le prestataire de service de certification ne doit pas être tenu responsable du préjudice
résultant de l'usage abusif d'un certificat qualifié qui dépasse les limites fixées à son utilisation.
4. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification puisse indiquer, dans
un certificat qualifié, la valeur limite des transactions pour lesquelles le certificat peut être utilisé, à
condition que cette limite soit discernable par des tiers.
Le prestataire de service de certification n'est pas responsable des dommages qui résultent du
dépassement de cette limite maximale.
5. Les dispositions des paragraphes 1 à 4 s'appliquent sans préjudice de la directive 93/13/CEE du
Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les
consommateurs(8).
Article 7
Aspects internationaux
1. Les États membres veillent à ce que les certificats délivrés à titre de certificats qualifiés à l'intention
du public par un prestataire de service de certification établi dans un pays tiers soient reconnus
équivalents, sur le plan juridique, aux certificats délivrés par un prestataire de service de certification
établi dans la Communauté:
a) si le prestataire de service de certification remplit les conditions visées dans la présente directive et
a été accrédité dans le cadre d'un régime volontaire d'accréditation établi dans un État membre
ou
b) si un prestataire de service de certification établi dans la Communauté, qui satisfait aux exigences
visées dans la présente directive, garantit le certificat
ou
c) si le certificat ou le prestataire de service de certification est reconnu en application d'un accord
bilatéral ou multilatéral entre la Communauté et des pays tiers ou des organisations internationales.
2. Afin de faciliter les services de certification internationaux avec des pays tiers et la reconnaissance
juridique des signatures électroniques avancées émanant de pays tiers, la Commission fait, le cas
échéant, des propositions visant à la mise en oeuvre effective de normes et d'accords internationaux
applicables aux services de certification. En particulier et si besoin est, elle soumet des propositions
au Conseil concernant des mandats appropriés de négociation d'accords bilatéraux et multilatéraux
avec des pays tiers et des organisations internationales. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.
3. Lorsque la Commission est informée de l'existence de difficultés rencontrées par des entreprises
communautaires pour obtenir l'accès au marché de pays tiers, elle peut, au besoin, soumettre au
Conseil des propositions en vue d'obtenir le mandat nécessaire pour négocier des droits comparables
pour les entreprises communautaires dans ces pays tiers. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.
Les mesures prises au titre du présent paragraphe ne portent pas atteinte aux obligations de la
Communauté et des États membres qui découlent d'accords internationaux pertinents.
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Article 8
Protection des données
1. Les États membres veillent à ce que les prestataires de service de certification et les organismes
nationaux responsables de l'accréditation ou du contrôle satisfassent aux exigences prévues par la
directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection
des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données(9).
2. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification qui délivre des
certificats à l'intention du public ne puisse recueillir des données personnelles que directement auprès
de la personne concernée ou avec le consentement explicite de celle-ci et uniquement dans la
mesure où cela est nécessaire à la délivrance et à la conservation du certificat. Les données ne
peuvent être recueillies ni traitées à d'autres fins sans le consentement explicite de la personne
intéressée.
3. Sans préjudice des effets juridiques donnés aux pseudonymes par la législation nationale, les États
membres ne peuvent empêcher le prestataire de service de certification d'indiquer dans le certificat un
pseudonyme au lieu du nom du signataire.
Article 9
Comité
1. La Commission est assistée par le "comité sur les signatures électroniques", ci-après dénommé
"comité".
2. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, les articles 4 et 7 de la décision
1999/468/CE s'appliquent, dans le respect des dispositions de l'article 8 de celle-ci.
La période prévue à l'article 4, paragraphe 3, de la décision 1999/468/CE est fixée à trois mois.
3. Le comité adopte son règlement de procédure.
Article 10
Tâches du comité
Le comité clarifie les exigences visées dans les annexes de la présente directive, les critères visés à
l'article 3, paragraphe 4, et les normes généralement reconnues pour les produits de signature
électronique établies et publiées en application de l'article 3, paragraphe 5, conformément à la
procédure visée à l'article 9, paragraphe 2.
Article 11
Notification
1. Les États membres communiquent à la Commission et aux autres États membres:
a) les informations sur les régimes volontaires d'accréditation au niveau national ainsi que toute
exigence supplémentaire au titre de l'article 3, paragraphe 7;
b) les nom et adresse des organismes nationaux responsables de l'accréditation et du contrôle, ainsi
que des organismes visés à l'article 3, paragraphe 4
et
c) les nom et adresse de tous les prestataires de service de certification nationaux accrédités.
2. Toute information fournie en vertu du paragraphe 1 et les changements concernant celle-ci sont
communiqués par les États membres dans les meilleurs délais.
Article 12
Examen
1. La Commission procède à l'examen de la mise en oeuvre de la présente directive et en rend
compte au Parlement européen et au Conseil pour le 19 juillet 2003 au plus tard.
2. Cet examen doit permettre, entre autres, de déterminer s'il convient de modifier le champ
d'application de la présente directive pour tenir compte de l'évolution des technologies, du marché et
du contexte juridique. Le compte rendu d'examen doit notamment comporter une évaluation, fondée
sur l'expérience acquise, des aspects relatifs à l'harmonisation. Le compte rendu est accompagné, le
cas échéant, de propositions législatives.
Article 13
Mise en oeuvre
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et
administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 19 juillet 2001. Ils en
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informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la
présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les
modalités de cette référence sont adoptées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit
interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 14
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés
européennes.
Article 15
Destinataires
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
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ANNEXE II
LOI n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la
preuve aux technologies de l'information et relative à la signature
électronique
(J.O. Numéro 62 du 14 Mars 2000 page 3968)
Article 1er
I. - L'article 1316 du code civil devient l'article 1315-1.
II. - Les paragraphes 1er, 2, 3, 4 et 5 de la section 1 du chapitre VI du titre III du livre III du
code civil deviennent respectivement les paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6.
III. - Il est inséré, avant le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre VI du titre III du livre III du
code civil, un paragraphe 1er intitulé : « Dispositions générales », comprenant les articles
1316 à 1316-2 ainsi rédigés :
« Art. 1316. - La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d'une suite de lettres, de
caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification
intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.
« Art. 1316-1. - L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit
sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
« Art. 1316-2. - Lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention
valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous
moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu'en soit le support. »
Article 2
L'article 1317 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Article 3
Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :
« Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur
support papier. »
Article 4
Après l'article 1316-3 du code civil, il est inséré un article 1316-4 ainsi rédigé :
« Art. 1316-4. - La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui
l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet
acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
« Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification
garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est
présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du
signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'Etat. »
Article 5
A l'article 1326 du code civil, les mots : « de sa main » sont remplacés par les mots : « par
lui-même ».
Article 6
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-etFutuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
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ANNEXE III
Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de
l'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique
(J.O. Numéro 77 du 31 Mars 2001 page 5070)
Art. 1er. - Au sens du présent décret, on entend par :
1. « Signature électronique » : une donnée qui résulte de l'usage d'un procédé répondant aux
conditions définies à la première phrase du second alinéa de l'article 1316-4 du code civil ;
2. « Signature électronique sécurisée » : une signature électronique qui satisfait, en outre, aux
exigences suivantes :
- être propre au signataire ;
- être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif ;
- garantir avec l'acte auquel elle s'attache un lien tel que toute modification ultérieure de l'acte
soit détectable ;
3. « Signataire » : toute personne physique, agissant pour son propre compte ou pour celui de
la personne physique ou morale qu'elle représente, qui met en oeuvre un dispositif de création de
signature électronique ;
4. « Données de création de signature électronique » : les éléments propres au signataire, tels
que des clés cryptographiques privées, utilisés par lui pour créer une signature électronique ;
5. « Dispositif de création de signature électronique » : un matériel ou un logiciel destiné à
mettre en application les données de création de signature électronique ;
6. « Dispositif sécurisé de création de signature électronique » : un dispositif de création de
signature électronique qui satisfait aux exigences définies au I de l'article 3 ;
7. « Données de vérification de signature électronique » : les éléments, tels que des clés
cryptographiques publiques, utilisés pour vérifier la signature électronique ;
8. « Dispositif de vérification de signature électronique » : un matériel ou un logiciel destiné à
mettre en application les données de vérification de signature électronique ;
9. « Certificat électronique » : un document sous forme électronique attestant du lien entre les
données de vérification de signature électronique et un signataire ;
10. « Certificat électronique qualifié » : un certificat électronique répondant aux exigences
définies à l'article 6 ;
11. « Prestataire de services de certification électronique » : toute personne qui délivre des
certificats électroniques ou fournit d'autres services en matière de signature électronique ;
12. « Qualification des prestataires de services de certification électronique » : l'acte par
lequel un tiers, dit organisme de qualification, atteste qu'un prestataire de services de certification
électronique fournit des prestations conformes à des exigences particulières de qualité.
Art. 2. - La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée jusqu'à preuve
contraire lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un
dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature
repose sur l'utilisation d'un certificat électronique qualifié.
Chapitre Ier
Des dispositifs sécurisés de création
de signature électronique
Art. 3. - Un dispositif de création de signature électronique ne peut être regardé comme
sécurisé que s'il satisfait aux exigences définies au I et que s'il est certifié conforme à ces exigences
dans les conditions prévues au II.
I. - Un dispositif sécurisé de création de signature électronique doit :
1. Garantir par des moyens techniques et des procédures appropriés que les données de
création de signature électronique :
a) Ne peuvent être établies plus d'une fois et que leur confidentialité est assurée ;
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b) Ne peuvent être trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée
contre toute falsification ;
c) Peuvent être protégées de manière satisfaisante par le signataire contre toute utilisation par
des tiers.
2. N'entraîner aucune altération du contenu de l'acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que
le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer.
II. - Un dispositif sécurisé de création de signature électronique doit être certifié conforme aux
exigences définies au I :
1o Soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes
d'information, après une évaluation réalisée, selon des règles définies par arrêté du Premier ministre,
par des organismes agréés par ces services. La délivrance par ces services du certificat de conformité
est rendue publique ;
2o Soit par un organisme désigné à cet effet par un Etat membre de la Communauté
européenne.
Art. 4. - Le contrôle de la mise en oeuvre des procédures d'évaluation et de certification
prévues au 1o du II de l'article 3 est assuré par un comité directeur de la certification, institué auprès
du Premier ministre.
Un arrêté du Premier ministre précise les missions attribuées à ce comité, fixe sa composition,
définit les procédures de certification et d'évaluation des dispositifs de création de signature
électronique mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que les procédures d'agrément des organismes
d'évaluation. Il détermine, en outre, les obligations incombant à ces organismes et fixe les conditions
dans lesquelles sont présentées et instruites les demandes de certification.
Chapitre II
Des dispositifs de vérification de signature électronique
Art. 5. - Un dispositif de vérification de signature électronique peut faire, après évaluation,
l'objet d'une certification, selon les procédures définies par l'arrêté mentionné à l'article 4, s'il répond
aux exigences suivantes :
a) Les données de vérification de signature électronique utilisées doivent être celles qui ont
été portées à la connaissance de la personne qui met en oeuvre le dispositif et qui est dénommée «
vérificateur » ;
b) Les conditions de vérification de la signature électronique doivent permettre de garantir
l'exactitude de celle-ci et le résultat de cette vérification doit sans subir d'altération être porté à la
connaissance du vérificateur ;
c) Le vérificateur doit pouvoir, si nécessaire, déterminer avec certitude le contenu des
données signées ;
d) Les conditions et la durée de validité du certificat électronique utilisé lors de la vérification
de la signature électronique doivent être vérifiées et le résultat de cette vérification doit sans subir
d'altération être porté à la connaissance du vérificateur ;
e) L'identité du signataire doit sans subir d'altération être portée à la connaissance du
vérificateur ;
f) Lorsqu'il est fait usage d'un pseudonyme, son utilisation doit être clairement portée à la
connaissance du vérificateur ;
g) Toute modification ayant une incidence sur les conditions de vérification de la signature
électronique doit pouvoir être détectée.
Chapitre III
Des certificats électroniques qualifiés
et des prestataires de services de certification électronique
Art. 6. - Un certificat électronique ne peut être regardé comme qualifié que s'il comporte les
éléments énumérés au I et que s'il est délivré par un prestataire de services de certification
électronique satisfaisant aux exigences fixées au II.
I. - Un certificat électronique qualifié doit comporter :
a) Une mention indiquant que ce certificat est délivré à titre de certificat électronique qualifié ;
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b) L'identité du prestataire de services de certification électronique ainsi que l'Etat dans lequel
il est établi ;
c) Le nom du signataire ou un pseudonyme, celui-ci devant alors être identifié comme tel ;
d) Le cas échéant, l'indication de la qualité du signataire en fonction de l'usage auquel le
certificat électronique est destiné ;
e) Les données de vérification de signature électronique qui correspondent aux données de
création de signature électronique ;
f) L'indication du début et de la fin de la période de validité du certificat électronique ;
g) Le code d'identité du certificat électronique ;
h) La signature électronique sécurisée du prestataire de services de certification électronique
qui délivre le certificat électronique ;
i) Le cas échéant, les conditions d'utilisation du certificat électronique, notamment le montant
maximum des transactions pour lesquelles ce certificat peut être utilisé.
II. - Un prestataire de services de certification électronique doit satisfaire aux exigences
suivantes :
a) Faire preuve de la fiabilité des services de certification électronique qu'il fournit ;
b) Assurer le fonctionnement, au profit des personnes auxquelles le certificat électronique est
délivré, d'un service d'annuaire recensant les certificats électroniques des personnes qui en font la
demande ;
c) Assurer le fonctionnement d'un service permettant à la personne à qui le certificat
électronique a été délivré de révoquer sans délai et avec certitude ce certificat ;
d) Veiller à ce que la date et l'heure de délivrance et de révocation d'un certificat électronique
puissent être déterminées avec précision ;
e) Employer du personnel ayant les connaissances, l'expérience et les qualifications
nécessaires à la fourniture de services de certification électronique ;
f) Appliquer des procédures de sécurité appropriées ;
g) Utiliser des systèmes et des produits garantissant la sécurité technique et cryptographique
des fonctions qu'ils assurent ;
h) Prendre toute disposition propre à prévenir la falsification des certificats électroniques ;
i) Dans le cas où il fournit au signataire des données de création de signature électronique,
garantir la confidentialité de ces données lors de leur création et s'abstenir de conserver ou de
reproduire ces données ;
j) Veiller, dans le cas où sont fournies à la fois des données de création et des données de
vérification de la signature électronique, à ce que les données de création correspondent aux données
de vérification ;
k) Conserver, éventuellement sous forme électronique, toutes les informations relatives au
certificat électronique qui pourraient s'avérer nécessaires pour faire la preuve en justice de la
certification électronique.
l) Utiliser des systèmes de conservation des certificats électroniques garantissant que :
- l'introduction et la modification des données sont réservées aux seules personnes autorisées
à cet effet par le prestataire ;
- l'accès du public à un certificat électronique ne peut avoir lieu sans le consentement
préalable du titulaire du certificat ;
- toute modification de nature à compromettre la sécurité du système peut être détectée ;
m) Vérifier, d'une part, l'identité de la personne à laquelle un certificat électronique est délivré,
en exigeant d'elle la présentation d'un document officiel d'identité, d'autre part, la qualité dont cette
personne se prévaut et conserver les caractéristiques et références des documents présentés pour
justifier de cette identité et de cette qualité ;
n) S'assurer au moment de la délivrance du certificat électronique :
- que les informations qu'il contient sont exactes ;
- que le signataire qui y est identifié détient les données de création de signature électronique
correspondant aux données de vérification de signature électronique contenues dans le certificat ;
o) Avant la conclusion d'un contrat de prestation de services de certification électronique,
informer par écrit la personne demandant la délivrance d'un certificat électronique :
- des modalités et des conditions d'utilisation du certificat ;
- du fait qu'il s'est soumis ou non au processus de qualification volontaire des prestataires de
services de certification électronique mentionnée à l'article 7 ;
- des modalités de contestation et de règlement des litiges ;
p) Fournir aux personnes qui se fondent sur un certificat électronique les éléments de
l'information prévue au o qui leur sont utiles.
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Art. 7. - Les prestataires de services de certification électronique qui satisfont aux exigences
fixées à l'article 6 peuvent demander à être reconnus comme qualifiés.
Cette qualification, qui vaut présomption de conformité auxdites exigences, est délivrée par
les organismes ayant reçu à cet effet une accréditation délivrée par une instance désignée par arrêté
du ministre chargé de l'industrie. Elle est précédée d'une évaluation réalisée par ces mêmes
organismes selon des règles définies par arrêté du Premier ministre.
L'arrêté du ministre chargé de l'industrie prévu à l'alinéa précédent détermine la procédure
d'accréditation des organismes et la procédure d'évaluation et de qualification des prestataires de
services de certification électronique.
Art. 8. - Un certificat électronique délivré par un prestataire de services de certification
électronique établi dans un Etat n'appartenant pas à la Communauté européenne a la même valeur
juridique que celui délivré par un prestataire établi dans la Communauté, dès lors :
a) Que le prestataire satisfait aux exigences fixées au II de l'article 6 et a été accrédité, au
sens de la directive du 13 décembre 1999 susvisée, dans un Etat membre ;
b) Ou que le certificat électronique délivré par le prestataire a été garanti par un prestataire
établi dans la Communauté et satisfaisant aux exigences fixées au II de l'article 6 ;
c) Ou qu'un accord auquel la Communauté est partie l'a prévu.
Art. 9. - I. - Au titre de la déclaration de fourniture de prestations de cryptologie effectuée
conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi du 29 décembre 1990 susvisée, le prestataire
de services de certification électronique doit, quand il entend délivrer des certificats électroniques
qualifiés, l'indiquer.
II. - Le contrôle des prestataires visés au I est effectué par des organismes publics désignés
par arrêté du Premier ministre et agissant sous l'autorité des services du Premier ministre chargés de
la sécurité des systèmes d'information.
Ce contrôle porte sur le respect des exigences définies à l'article 6. Il peut être effectué
d'office ou à l'occasion de toute réclamation mettant en cause l'activité d'un prestataire de services de
certification électronique.
Lorsque le contrôle révèle qu'un prestataire n'a pas satisfait à ces exigences, les services du
Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information assurent la publicité des résultats
de ce contrôle et, dans le cas où le prestataire a été reconnu comme qualifié dans les conditions
fixées à l'article 7, en informent l'organisme de qualification.
Les mesures prévues à l'alinéa précédent doivent faire l'objet, préalablement à leur adoption,
d'une procédure contradictoire permettant au prestataire de présenter ses observations.
Chapitre IV
Dispositions diverses
Art. 10. - Le présent décret est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, aux
îles Wallis et Futuna et à Mayotte.
Art. 11. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la garde des sceaux,
ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer et le secrétaire d'Etat à
l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera
publié au Journal officiel de la République française.
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ANNEXE IV
Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la
sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information
Article 1
La sécurité offerte par des produits ou des systèmes des technologies de
l'information, au regard notamment de leur aptitude à assurer la disponibilité,
l'intégrité ou la confidentialité de l'information traitée face aux menaces dues en
particulier à la malveillance peut être certifiée dans les conditions prévues au présent
décret.
Les administrations de l'Etat recourent, dans la mesure du possible et en fonction de
leurs besoins de sécurité, à des produits ou des systèmes des technologies de
l'information certifiés suivant la procédure prévue au présent décret.
Chapitre Ier
Procédure d'évaluation et de certification
Section 1
Evaluation
Article 2
Une évaluation en vue de la certification prévue à l'article 1er est effectuée à la
demande d'un commanditaire qui adresse à la direction centrale de la sécurité des
systèmes d'information un dossier d'évaluation. Le dossier comporte notamment la
description du système de sécurité à évaluer, les dispositions prévues pour lui
conférer sa pleine efficacité ainsi que le programme de travail prévisionnel
permettant une évaluation.
Dès réception de ce dossier, la direction centrale de la sécurité des systèmes
d'information si elle estime que les objectifs de sécurité ne sont pas définis de
manière pertinente au regard des normes, prescriptions techniques ou règles de
bonne pratique applicables au moment où commence l'évaluation, notifie au
commanditaire qu'elle ne pourra pas en l'état du dossier procéder à la certification
envisagée.
Article 3
Le commanditaire de l'évaluation choisit un ou plusieurs centres d'évaluation, agréés
dans les conditions prévues au chapitre II, pour procéder à celle-ci. Avant le début
des travaux, il détermine avec chacun de ces centres :
a) Le produit ou le système à évaluer ainsi que les objectifs de sécurité ;
b) Les conditions de protection de la confidentialité des informations qui seront
traitées dans le cadre de l'évaluation ;
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c) Le coût et les modalités de paiement de l'évaluation ;
d) Le programme de travail et les délais prévus pour l'évaluation.
Le commanditaire est tenu d'assurer la mise à la disposition des centres d'évaluation
qu'il a choisis et de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, si
elle en fait la demande, de tous les éléments nécessaires au bon accomplissement
de leurs travaux, le cas échéant après accord des fabricants concernés.
Article 4
Le commanditaire peut décider à tout moment de mettre fin à une évaluation.
Il est décidé entre les parties du dédommagement éventuellement dû au centre
d'évaluation.
Article 5
La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information veille à la bonne
exécution des travaux d'évaluation. Elle peut à tout moment demander à assister à
ces travaux ou à obtenir des informations sur leur déroulement.
Article 6
Au terme des travaux d'évaluation, chaque centre remet un rapport d'évaluation au
commanditaire et à la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information.
Ce rapport est un document confidentiel dont les informations sont couvertes par le
secret industriel et commercial.
Section 2
Certification
Article 7
Le commanditaire et la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information
valident les rapports d'évaluation en liaison avec le centre d'évaluation intervenant.
Lorsque l'ensemble des rapports prévus a été validé, la direction centrale de la
sécurité des systèmes d'information élabore un rapport de certification dans un délai
d'un mois. Ce rapport, qui précise les caractéristiques des objectifs de sécurité
proposés, conclut soit à la délivrance d'un certificat, soit au refus de la certification.
Le rapport de certification peut comporter tout avertissement que ses rédacteurs
estiment utile de mentionner pour des raisons de sécurité. Il est, au choix du
commanditaire, communiqué ou non à des tiers ou rendu public.
Article 8
Le certificat est délivré par le Premier ministre.
Il atteste que l'exemplaire du produit ou du système soumis à évaluation répond aux
caractéristiques de sécurité spécifiées. Il atteste également que l'évaluation a été
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conduite conformément aux règles et normes en vigueur, avec la compétence et
l'impartialité requises.
Article 9
La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information peut passer, après
avis du comité directeur de la certification, des accords de reconnaissance mutuelle
avec des organismes étrangers homologues, ayant leur siège en dehors des Etats
membres de la Communauté européenne.
Ces accords peuvent prévoir que les certificats délivrés par les organismes étrangers
cosignataires, dans le cadre de procédures comparables à celle prévue au présent
chapitre, sont reconnus comme ayant la même valeur que les certificats délivrés en
application du présent décret. La reconnaissance mutuelle des certificats peut être
limitée à un niveau d'assurance déterminé.
Sans préjudice des règles régissant la certification des dispositifs sécurisés de
création de signature électronique mentionnées au 2° du II de l'article 3 du décret du
30 mars 2001 susvisé, le Premier ministre reconnaît aux certificats délivrés par les
organismes ayant leur siège dans un Etat membre de la Communauté européenne,
dans le cadre de procédures comparables présentant des garanties équivalentes, la
même valeur qu'aux certificats délivrés en application du présent décret.
Chapitre II
Agrément des centres d'évaluation
Article 10
Les centres d'évaluation chargés de procéder à l'évaluation prévue au présent décret
sont agréés dans les conditions fixées par le présent chapitre.
Article 11
I. - La demande d'agrément est formulée auprès de la direction centrale de la
sécurité des systèmes d'information. Cette demande précise le domaine dans lequel
l'organisme demandeur entend exercer son activité.
II. - L'organisme demandeur doit faire la preuve :
a) De sa conformité aux critères de qualité selon les règles et normes d'accréditation
en vigueur ;
b) De son aptitude à appliquer les critères d'évaluation en vigueur et la méthodologie
correspondante ainsi qu'à assurer la confidentialité requise par l'évaluation ;
c) De sa compétence technique à conduire une évaluation.
La conformité mentionnée au a et l'aptitude mentionnée au b sont attestées par une
accréditation délivrée par une instance reconnue dans les conditions prévues à
l'article R. 115-6 du code de la consommation ou délivrée par une instance étrangère
équivalente.
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La compétence technique mentionnée au c est appréciée par la direction centrale de
la sécurité des systèmes d'information, notamment à partir des moyens, des
ressources et de l'expérience du centre d'évaluation.
Article 12
L'agrément est délivré par le Premier ministre, après avis du comité directeur de la
certification.
Il peut énoncer les obligations particulières auxquelles est soumis le centre
d'évaluation.
Il est valable pour une durée de deux ans renouvelable.
Article 13
Lorsqu'un centre d'évaluation situé hors du territoire national ou d'un autre Etat
membre de la Communauté européenne a déjà fait l'objet d'un agrément par les
autorités de son pays d'installation dans le cadre d'une procédure homologue, le
Premier ministre peut, après avis du comité directeur de la certification, le déclarer
agréé au titre du présent décret. Cet agrément, qui est accordé pour une durée de
deux ans renouvelable, peut être limité à un niveau d'assurance déterminé.
Lorsqu'un centre d'évaluation situé dans un Etat membre de la Communauté
européenne a déjà fait l'objet d'un agrément par les autorités de cet Etat dans le
cadre d'une procédure équivalente, le Premier ministre, après avis du comité
directeur de la certification, le déclare agréé au titre du présent décret.
Article 14
La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information peut s'assurer à tout
moment que les centres d'évaluation continuent à satisfaire aux critères au vu
desquels ils ont été agréés.
Lorsqu'un centre ne satisfait plus aux exigences mentionnées à l'article 11 ou qu'il
manque aux obligations fixées par la décision d'agrément, l'agrément peut être retiré
par le Premier ministre, après avis du comité directeur de la certification. Le retrait ne
peut être prononcé qu'après que le représentant du centre d'évaluation a été mis à
même de faire valoir ses observations devant le comité directeur de la certification.
Chapitre III
Comité directeur de la certification
en sécurité des technologies de l'information
Article 15
Le comité directeur de la certification en sécurité des technologies de l'information a
notamment pour mission :
a) De formuler des avis ou des propositions sur la politique de certification, sur les
règles et normes utilisées pour les procédures d'évaluation et de certification et sur
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les guides techniques mis à la disposition du public ;
b) D'émettre un avis sur la délivrance et le retrait des agréments aux centres
d'évaluation ;
c) D'examiner, à des fins de conciliation, tout litige relatif aux procédures d'évaluation
organisées par le présent décret qui lui est soumis par les parties ;
d) D'émettre un avis sur les accords de reconnaissance mutuelle conclus avec des
organismes étrangers en application de l'article 9.
La mission prévue au c ci-dessus peut être déléguée par le comité à l'un de ses
membres, elle comporte obligatoirement l'audition des parties.
Article 16
Le comité directeur de la certification en sécurité des technologies de l'information
est présidé par le secrétaire général de la défense nationale ou son représentant.
Outre son président, il comprend :
a) Un représentant du ministre de la justice ;
b) Un représentant du ministre de l'intérieur ;
c) Un représentant du ministre des affaires étrangères ;
d) Un représentant du ministre de la défense ;
e) Un représentant du ministre chargé de l'industrie ;
f) Un représentant du ministre chargé de l'économie ;
g) Un représentant du ministre chargé de l'emploi ;
h) Un représentant du ministre chargé de la santé ;
i) Un représentant du ministre chargé de l'éducation nationale ;
j) Un représentant du ministre chargé de la communication ;
k) Un représentant du ministre chargé de la réforme de l'Etat ;
l) Un représentant du ministre chargé des transports ;
m) Un représentant du ministre chargé de la recherche.
Lorsque le comité directeur examine des questions concernant les dispositifs de
création et de vérification de signature électronique, tels que définis à l'article 1er du
décret du 30 mars 2001 susvisé, il comprend en outre douze personnalités qualifiées
nommées pour trois ans par arrêté du Premier ministre.
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Le secrétariat du comité directeur est assuré par la direction centrale de la sécurité
des systèmes d'information.
Article 17
Le comité directeur se réunit sur convocation de son président qui en fixe l'ordre du
jour.
Le président peut inviter tout expert ou personne qualifiée dont la participation aux
débats lui paraît nécessaire.
Le comité rend compte de ses travaux au Premier ministre.
Article 18
La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information fait annuellement
rapport au comité directeur de la certification de l'activité qu'elle exerce dans le cadre
de la mise en oeuvre du présent décret.
Chapitre IV
Dispositions diverses et transitoires
Article 19
Dans la partie « Sécurité et défense nationale » du paragraphe 2 de l'annexe au
décret n° 97-1184 du 19 décembre 1997 susvisé, il est ajouté, à la suite du tableau
relatif au décret n° 2001-143 du 15 février 2001, les mots et le tableau suivants :
« Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la
sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n°o 92 du 19/04/2002 page 6944 à 6946
Article 20
Le décret du 30 mars 2001 susvisé est ainsi modifié :
I. - Le 1° du II de l'article 3 est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Soit par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le décret n° 2002535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par
les produits et les systèmes des technologies de l'information. La délivrance du
certificat de conformité est rendue publique. »
II. - L'article 4 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 4. - La mise en oeuvre des procédures d'évaluation et de certification prévues
au 1° du II de l'article 3 est assurée dans les conditions prévues par le décret n°
2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité
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offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information. »
III. - Au premier alinéa de l'article 5, les mots : « l'arrêté » sont remplacés par les
mots : « le décret ».
IV. - Au deuxième alinéa de l'article 7, les mots : « selon des règles définies par
arrêté du Premier ministre » sont supprimés.
V. - Au premier alinéa du II de l'article 9, les mots : « par des organismes publics
désignés par arrêté du Premier ministre et agissant sous l'autorité des services du
Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information » sont remplacés
par les mots : « par la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information ».
Article 21
Les certificats et les agréments des centres d'évaluation délivrés avant la date
d'entrée en vigueur du présent décret, en application des dispositions de l'avis du
Premier ministre relatif à la délivrance de certificats pour la sécurité offerte par les
produits informatiques vis-à-vis de la malveillance, publié au Journal officiel de la
République française du 1er septembre 1995, sont reconnus comme délivrés au titre
du présent décret.
Article 22
Le présent décret est applicable :
a) En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en tant qu'il concerne la
signature électronique ;
b) Dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte.
Article 23
Les dispositions du présent décret pourront être ultérieurement modifiées par décret,
à l'exception :
a) Du premier alinéa des articles 8 et 12, du deuxième alinéa de l'article 14 et de
l'article 19 dont la modification s'effectuera, le cas échéant, dans les conditions
prévues à l'article 2 du décret du 15 janvier 1997 susvisé ;
b) De l'article 20.
Article 24
Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
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ANNEXE V
PROJET DE LOI
POUR LA CONFIANCE DANS L’ECONOMIE NUMERIQUE
Déposé à l’Assemblée Nationale le 15 janvier 2003,
CHAPITRE III
Les contrats par voie électronique
Article 14
I.- Après l'article 1108 du code civil, sont insérés les articles 1108-1 et 1108-2
ainsi rédigés :
« Art. 1108-1.- Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, celui-ci
peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues
aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au second
alinéa de l'article 1317.
« Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce
dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette
apposition sont de nature à garantir que la mention ne peut émaner que de luimême.
« Art. 1108-2.- Il est fait exception aux dispositions de l'article 1108-1 pour :
« 1° Les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions ;
« 2° Les actes soumis à autorisation ou homologation de l'autorité judiciaire ;
« 3° Les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de
nature civile ou commerciale, sauf s'ils sont passés par une personne pour les
besoins de sa profession. »
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ANNEXE V
Formulaire type - Chambre des notaires du Québec
DEMANDE D’ÉMISSION DE LA SIGNATURE
NUMÉRIQUE D’UN MEMBRE DE L’ORDRE
1. IDENTIFICATION DU NOTAIRE
....
CETTE SECTION DEVRA ÊTRE ENTIÈREMENT COMPLÉTÉE
SOUS PEINE DE REJET DE LA DEMANDE
Code du notaire:
Nom:
Prénom:
Ville d’exercice: Selon l’élection du domicile professionnel en vigueur
Adresse de courrier électronique sur l’Inforoute notariale MC *:
Logiciel de gestion d’étude: VU Focus:
AUTRE (précisez):
VU Para-Maître:
* Il est nécessaire d’être abonné à l’Inforoute notariale MC (abonné principal, supplémentaire ou le plan signature numérique seulement) pour pouvoir
obtenir, utiliser et maintenir une signature numérique.
SIGNATURE
....
POUR FIN DE CERTIFICATION, LA SIGNATURE APPOSÉE DEVRA CORRESPONDRE AU SPÉCIMEN DE SIGNATURE
OFFICIELLE, TEL QUE DÉPOSÉ AU BUREAU DU SECRÉTAIRE EN VERTU DE LA LOI SUR LE NOTARIAT
Je demande à la Chambre des notaires du Québec de me délivrer une signature numérique qui
pourra engager ma responsabilité professionnelle au même titre que ma signature manuscrite. J’ai lu
les conditions et modalités d’émission et d’utilisation énoncées au verso et je m’engage à les respecter.
J'autorise expressément le Syndic ainsi que tout officier de l'Ordre à divulguer tout renseignement me
concernant relativement à l’examen de la présente demande et conviens que celle-ci pourra être
rejetée si les informations obtenues le justifient.
De plus, j’autorise la Chambre des notaires du Québec et tout mandataire de celle-ci à divulguer et
publier, en outre des informations publiques du Tableau de l’Ordre, les renseignements inscrits à la
section 1 ci-dessus dans mon certificat électronique d’identité et dans la liste des certificats révoqués,
accessibles à tous les utilisateurs de signatures numériques.
SIGNATURE DU NOTAIRE:
Signature officielle telle que déposée conformément à la Loi sur le notariat incluant le mot notaire à la fin.
SIGNÉ CE 200 _____ / _______ / _______
(mois) (jour)
3. FRAIS
....
VEUILLEZ JOINDRE VOTRE CHÈQUE FAIT À L’ORDRE DE
LA CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC
Émission : 25,00$
TPS (7%) : 1,75$ N o enregistrement : R106906688
TVQ (7,5%): : 2,01$ N o enregistrement : 1006163277TQ0001
TOTAL : 28,76$
NOTE: La livraison de vos codes d’activation et du logiciel sera effectuée à votre domicile élu, selon la procédure établie.
CDN-SN/01V8.
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CONDITIONS ET MODALITÉS D’ÉMISSION ET D’UTILISATION D’UNE SIGNATURE NUMÉRIQUE
1. Équipements et installation
Je m’engage à fournir toutes les installations et les liens de télécommunications nécessaires pour accéder
aux
services* ainsi que tout autre équipement nécessaire à l’utilisation des services, notamment le poste de
travail.
Je suis responsable de l’installation de l’équipement et du logiciel** nécessaires pour accéder aux services
fournis, y compris les travaux de préparation et de modification des équipements ou des installations et le
coût de ces travaux.
2. Obligations de l’utilisateur
2.1 Activation et confirmation
Suivant la réception du dernier code d’activation, je m’engage à compléter la procédure d’activation
de façon à générer ma signature numérique, dans un délai de quinze (15) jours, sous peine
d’annulation de mes codes.
De plus, je m’engage à retourner à la Chambre des notaires, dans les quinze (15) jours suivant
l’activation, le formulaire de confirmation d’activation de ma signature numérique, dûment
complété et signé.
2.2 Confidentialité et contrôle
Jusqu’à ce que la procédure d’activation soit complétée, je ne dois en aucun cas divulguer mes
codes
d’activation.
Je m’engage à choisir un MOT DE PASSE ET UN CODE DE VÉRIFICATION conformément
aux directives indiquées dans la documentation reçue ET À NE JAMAIS LES DIVULGUER, À
QUICONQUE ET POUR QUELQUE RAISON QUE CE SOIT, SOUS PEINE DE
RÉVOCATION DE MA SIGNATURE NUMÉRIQUE ET DE MESURES DISCIPLINAIRES.
Je m’engage aussi à me soumettre à toute vérification et contrôle par la Chambre des notaires du
Québec, ses officiers et ses mandataires sous peine de révocation de ma signature numérique.
2.3 Utilisation
Je m’engage à utiliser les services dans le respect des politiques de certification et énoncés de
pratique adoptés par la Chambre des notaires ainsi que des dispositions du présent contrat, de la
licence d’utilisation du logiciel et des lois et règlements en vigueur au Québec et au Canada.
2.4 Avis à la Chambre des notaires
Je m’engage à aviser sans délai la Chambre des notaires lorsque ma signature numérique est
compromise, en raison notamment de la perte ou du vol du poste de travail sur lequel est entreposée
la clé de signature ou en cas de divulgation volontaire ou involontaire du mot de passe ou du code
de vérification.
Je m’engage également à aviser la Chambre des notaires de tout événement qui pourrait affecter
mon statut professionnel en vertu de la Loi sur le notariat et du Code des professions.
2.5 Frais exigibles
Je m’engage à acquitter sans délai tous frais exigibles en vertu des présentes.
2.6 Abonnement à l’Inforoute notariale_
Je m’engage à maintenir en vigueur un abonnement à l’Inforoute notariale_, à défaut de quoi ma
signature numérique pourra être révoquée.
3. Révocation
J’autorise irrévocablement la Chambre des notaires à révoquer ma signature numérique en tout temps. Sans
restreindre la généralité de cette autorisation, la révocation de ma signature numérique pourra survenir
notamment lors d’un changement à mon statut professionnel ou dans toute situation où un gardien provisoire
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peut être nommé.
4. Renouvellement
Je reconnais que les clés d’encodage et de signature ont une période de validité limitée à deux (2) ans et que
je devrai, lors du renouvellement de ces clés, acquitter les frais alors exigibles et remplir toutes les
formalités et conditions requises par la Chambre des notaires, le cas échéant.
* services: Les services reliés à l’utilisation d’une signature numérique, incluant l’accès au répertoire contenant les certificats d’identité des
détenteurs de signature numérique et l’accès à la Liste des certificats révoqués.
** logiciel: Le logiciel Entrust, de Entrust Technologies.
POUR TOUT RENSEIGNEMENT CONCERNANT LA SIGNATURE NUMÉRIQUE OU LE PRÉSENT FORMULAIRE,
VEUILLEZ
CONTACTER LE CENTRE DE SUPPORT À LA CLIENTÈLE DE NOTARIUS AU (514) 281-1442 OU AU 1 800 567-
6703.