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Actualité et Droit International
Revue d'analyse juridique de l'actualité internationale
MANDAT D'ARRÊT INTERNATIONAL ET STATUT DE MINISTRE
par
Joe Verhoeven
Professeur à l’Université Paris II (Panthéon-Assas)
Résumé : L'arrêt du 14 février 2002 rendu par la Cour internationale de Justice dans l'affaire du
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) devrait mettre un
terme aux controverses entourant l’immunité dont jouit un ministre des Affaires étrangères lorsqu’il est
en exercice. L’arrêt, relativement court, est dans l’ensemble très clair. Il ne devrait pas surprendre les
familiers du droit international, même s’il décevra ceux qui, pour de bonnes ou de moins bonnes
raisons, souhaitent en modifier les règles.
Note : Cet article a été publié dans le Journal des procès, N° 435 du 19 avril 2002, pp. 20-23. Il est
reproduit ici avec l'aimable autorisation de l'auteur et du Journal des procès. Le Journal des procès a
été fondé il y a vingt ans par Philippe Toussaint, sous la présidence d'honneur de feu le ministre d'Etat
Robert Henrion, et sous l'égide des présidents des Facultés de droit de l'Université Libre de Bruxelles,
de l'Université Catholique de Louvain et de l'Université de Liège. Il paraît tous les quinze jours, de
septembre à fin juin. Comme le soulignait récemment le journal Le Monde, le Journal des procès est
essentiellement consacré à des problèmes de société.
1. Il est possible que l’arrêt du 14 février 2002 ne mette pas totalement fin au différend qui oppose la
République démocratique du Congo à la Belgique à propos des poursuites pour crime de guerre et
pour crime contre l’humanité qui sont exercées par celle-ci contre Mr. Yerodia sur la base des lois du
16 juin 1993 et du 10 février 1999. Il devrait néanmoins mettre un terme aux controverses entourant
l’immunité dont jouit un ministre des Affaires étrangères lorsqu’il est en exercice. L’arrêt, relativement
court, est dans l’ensemble très clair, ce qui témoigne d’un large accord des membres de la Cour sur
les règles qui doivent être suivies. Il ne devrait pas surprendre les familiers du droit international,
même s’il décevra ceux qui, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons, souhaitent en modifier les
règles.
L’essentiel de l’arrêt tient en quelques propositions simples, qui ne sont pas sans importance,
beaucoup s’en faut.
2. Immunité et inviolabilité pénales. Selon la Cour, « les fonctions d’un ministre des Affaires
étrangères sont telles que, pour la durée de sa charge, il bénéficie d’une immunité de juridiction pénale
et d’une inviolabilité totales à l’étranger ». Le motif apporte quatre enseignements :
i. le fondement de l’immunité est purement fonctionnel. C’est parce qu’il doit pouvoir exercer
librement ses fonctions « internationales », dans l’intérêt bien compris tant de l’État qu’il représente
que de la communauté internationale dont celui-ci est membre, que le ministre des Affaires étrangères
ne peut, sans le consentement de « son » État, être soumis à un tribunal étranger ;
ii. l’immunité est acquise à la personne qui exerce les fonctions de ministre des Affaires étrangères
« pour toute la durée de sa charge ». Elle disparaît lorsqu’il est mis fin à celle-ci, ce qui n’empêche
pas qu’elle demeure protégée, après la fin de ses fonctions, pour les actes qui participaient de
l’exercice de celles-ci. La précision, surabondante en l’espèce, est explicitement apportée par la Cour,
ce qui confirme son souci de clarifier l’ensemble du régime juridique applicable au ministre des
Affaires étrangères ;
iii. l’immunité et l’inviolabilité sont « totales ». Il s’ensuit qu’elle ne peut être déniée au motif que les
actes incriminés :
- ont été accomplis avant l’entrée en fonction du ministre des Affaires étrangères, ce qui était
précisément le cas dans l’affaire Yerodia ;
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- ont été accomplis à titre « privé » plutôt qu’ « officiel », même si ce caractère est décisif lorsque
des poursuites sont engagées contre un ministre qui n’est plus en exercice ;
- sont constitutifs d’un crime dit international, et notamment d’un crime de guerre ou d’un crime
contre l’humanité.
Peu importe aussi que, quels que soient la nature de l’acte ou le lieu où il a été accompli, le ministre
soit en visite « privée » ou officielle sur le territoire du for.
Il n’y a là substantiellement rien que de très classique. Si innovation il y a, elle tient seulement au
rejet, dénué d’ambiguïté, d’une prétendue exception à l’immunité en cas de crime « international ».
Dans l’exposé des motifs de la loi du 10 février 1999, il était fait mention d’une règle de droit
humanitaire, « bien établie », qui écarterait toute immunité en pareille hypothèse. Son existence est
clairement démentie par la Cour, en dépit des précédents tirés des tribunaux pénaux internationaux. Il
est difficile d’en être surpris, tant il est vrai que l’existence d’une immunité ne se conçoit guère devant
un juge international. La question peut être de déterminer si la personne accusée d’un crime est ou
non en droit de se prévaloir devant celui-ci de l’immunité que lui reconnaît son droit national, ce qui a
notamment été rejeté par le tribunal de Nuremberg ; elle n’est pas de faire état devant lui de l’immunité
accordée par le droit international, laquelle n’a de sens que devant un juge national.
3. Autres immunités. Ainsi que cela a été souligné, la Cour ne statue explicitement que sur
l’immunité ou l’inviolabilité pénale qui est reconnue à un ministre des Affaires étrangères. Elle ne dit
rien des autres immunités qui pourraient leur être accordées ni des autres personnes qui pourraient se
prévaloir d’une immunité comparable. Il n’y a pas à en être surpris, puisque la Cour n’en était pas
saisie.
Cela dit, il paraît clair que ce qui est vrai pour le ministre des Affaires étrangères doit l’être aussi
pour le Chef de l’État ou le Chef de gouvernement. Particulièrement à l’époque contemporaine, ceuxci exercent également, toute représentation de l’État mise à part, des fonctions « internationales »,
lesquelles sont souvent bien plus importantes que celles dont celui-là a formellement la responsabilité.
On ne comprendrait guère partant qu’une immunité comparable leur soit refusée. Celle-ci a toujours
été clairement reconnue aux agents diplomatiques, à tout le moins depuis l’entrée en vigueur de la
convention de Vienne (1961) qui a « codifié » la protection qui leur est due. Il n’est pas sans intérêt
toutefois de souligner que, dans leur chef aussi et pour les mêmes raisons, aucune exception tirée du
caractère international du crime allégué ne peut être apportée à l’immunité de juridiction et à
l’inviolabilité pénales. Mutatis mutandis, il devrait sans doute être semblablement admis que tout autre
membre d’un gouvernement bénéficie de celle-ci lorsqu’il est appelé à exercer à l’étranger des
fonctions « internationales », quand bien même il n’est investi de plein droit d’aucune tâche de
représentation. Logiquement, rien ne devrait justifier qu’il en aille autrement ; sous la réserve du
régime juridique des missions spéciales, la pratique demeure toutefois incertaine sur ce point.
C’est une autre question qu’établir la mesure dans laquelle un ministre des Affaires étrangères est
en droit de se prévaloir, toute considération de courtoisie mise à part, d’une immunité de juridiction ou
d’exécution civile. En cette matière aussi, c’est l’entrave apportée à l’exercice de ses fonctions qui doit
être déterminante pour son octroi. L’importance de cette entrave est toutefois singulièrement plus
délicate à apprécier, ce qui rend plus aléatoire l’affirmation de règles claires à ce propos. Il n’y a pas
lieu de s’étonner dès lors que la Cour ne s’y soit pas aventurée, tout didactique qu’elle se veuille à
d’autres égards.
4. Actes d’autorité. Selon la Cour, l’immunité « protège […] l’intéressé contre tout acte d’autorité
de la part d’un autre État qui ferait obstacle à l’exercice de ses fonctions » (§ 54). On ne saurait
réduire ces actes « d’autorité » à des actes de contrainte sur la personne ou sur les biens du ministre
des Affaires étrangères. Telle était sans doute la position — un peu naïve — de la Belgique, d’après
laquelle aucune atteinte n’est apportée à l’immunité tant que le mandat d’arrêt décerné contre celui-ci
n’est pas mis à exécution. L’argument est clairement écarté par la Cour, qui considère que le seul fait
d’ « expose[r] [ce] ministre […] à une procédure judiciaire » (§ 55) porte atteinte, à tout le moins en
matière répressive, à cette immunité.
Autrement dit, une entrave en quelque sorte virtuelle à l’exercice des fonctions suffit ; il n’est pas
requis qu’elle soit effectivement réalisée. S’il en allait autrement, cela ne pourrait qu’inciter le ministre
des Affaires étrangères à ne pas se déplacer, au risque de ne plus exercer correctement ses fonctions
ce qui est précisément le danger contre lequel l’immunité entend le prémunir. Toute ouverture
officielle d’une procédure pénale paraît dès lors méconnaître l’immunité due à ce ministre, par cela
même qu’elle peut aboutir à le soumettre directement ou indirectement à des actes ou à des mesures
qui ne lui permettent plus d’exercer librement ses fonctions. Il est vain de s’engager à ce propos dans
de subtils distinguos entre actes préparatoires ou non, mesure d’instruction, …, etc., comme certains
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paraissent y avoir été enclins au lendemain du prononcé de l’arrêt. L’immunité doit être dans tous les
cas accordée, comme elle l’est de longue date d’ailleurs aux agents diplomatiques dont l’immunité
pénale est également « absolue ».
5. Immunité et impunité. Pas plus en droit international qu’en droit interne, immunité ne signifie
impunité. Qu’un ministre des Affaires étrangères en exercice ne puisse pas être pénalement poursuivi
devant et jugé par un tribunal étranger n’implique aucunement qu’il ne soit pas punissable pour les
infractions qu’il a commises. Il en résulte seulement qu’il doit l’être par un autre juge que celui devant
lequel il est cité ou à un autre moment que celui où il l’a été.
La conclusion est à ce point évidente qu’elle ne devrait appeler aucun commentaire particulier. Il est
remarquable que la Cour s’y attarde quelque peu, plus que cela ne paraît a priori nécessaire. Il y a là
sans doute une préoccupation un peu technique, celle de dissiper les confusions qui ont été faites
dans l’argumentation de la Belgique entre la « responsabilité pénale [qui] touche au fond du droit » et
l’immunité qui « revêt un caractère procédural ». Plus fondamentalement, il faut sans doute y voir
l’expression d’un réel souci didactique. La Cour est manifestement consciente des réticences
croissantes de l’opinion à l’endroit d’immunités qui semblent plus d’une fois permettre abusivement à
certains criminels d’échapper à toute poursuite. Et elle entend sur ce point se faire clairement
comprendre de tous, y compris de ceux qui ne sont pas (très) familiers du droit international. Cela
explique en particulier le soin qu’elle prend à préciser quelles sont concrètement les (quatre)
possibilités qui existent d’engager des poursuites pénales contre un (ancien) ministre des Affaires
étrangères (§ 61).
D’aucuns jugeront peut-être ces possibilités dérisoires. Ce serait une erreur. Cela dit, il est souvent
vrai que l’immunité ne favorise pas la répression effective de comportements criminels. On ne saurait
cependant, pour cette raison, la condamner. Il demeure en effet impérieux de protéger le libre
exercice par un ministre des Affaires étrangères de ses responsabilités propres, qui sont
indispensables à la réalisation du « bien commun » tant de l’État qu’il représente que de la
communauté dont celui-ci est membre, même si la perception d’un bien commun est en ce dernier cas
singulièrement plus atténuée.
La coexistence paisible des États pourrait être radicalement
compromise s’il suffisait d’alléguer que leurs représentants ont commis un crime ou tout autre
infraction pour pouvoir les poursuivre à l’étranger et les arrêter ou les détenir en conséquence. A une
époque où les déplacements étaient exceptionnels, l’inconvénient demeurait quelque peu théorique ;
ce n’est plus le cas aujourd’hui, où ils sont devenus quotidiens. La bonne gestion des rapports
internationaux commande impérativement qu’ils soient protégés contre de telles entraves. Ce n’est
pas moins important que de sanctionner des comportements criminels, étant entendu que l’immunité
dont peuvent bénéficier leurs auteurs devant un juge étranger « ne saurait [les] exonérer […] de toute
responsabilité pénale » (§ 60).
6. Compétence (universelle). L’immunité est en principe sans intérêt si le juge devant lequel son
bénéficiaire prétendu est poursuivi n’a pas compétence pour connaître de la demande. Il suffit qu’il
constate son incompétence. Si curieux que cela paraisse, il est fréquent toutefois que l’immunité soit
soulevée avant même que la compétence soit établie. Quelque économie de moyens bien comprise
suffit d’autant mieux à l’expliquer que l’exception doit être soulevée in limine litis. L’illogisme de la
démarche est souligné par la Cour de justice (§ 46). Ce n’est toutefois pas que sa compétence propre
pour connaître de la requête du demandeur soit mise en doute. C’est plus simplement que le Congo,
qui avait initialement contesté la légalité de la base de compétence sur laquelle s’était appuyé le juge
belge pour délivrer un mandat d’arrêt contre le ministre Yerodia, y avait par la suite renoncé, se
contentant de dénoncer la violation de l’immunité de juridiction dont bénéficiait celui-ci en vertu du droit
international. Ce qui est autre chose.
On sait qu’en l’espèce, le juge s’était prévalu des lois du 16 juin 1993 et du 16 février 1999 qui lui
accordent une compétence universelle. Celle-ci s’entend du pouvoir qui lui est conféré de réprimer un
crime (en l’occurrence international) alors même qu’il ne présente aucun lien de rattachement avec
l’État dont ce juge est l’organe. Une telle compétence ne pose guère de problème lorsqu’elle est
prévue dans une convention. On voit mal que les États qui ont conclu celle-ci se plaignent des
prérogatives exorbitantes qu’ils ont accordées à un juge pour satisfaire un objectif qui leur est
commun. Cela dit, il n’y a de convention qui ait à ce jour organisé intégralement une telle
universalisation du pouvoir de juger. Les exemples que l’on cite se limitent en effet à imposer une
obligation de punir ou d’extrader — cette dernière n’ayant pas de sens si l’intéressé ne se trouve pas
sur le territoire du for —, ce qui est fort différent. C’est notamment ce que prévoient les conventions
de Genève du 12 août 1949, auxquelles la loi du 16 juin 1993 entend tardivement donner exécution. Il
en va tout différemment en revanche lorsque la compétence universelle ne s’appuie sur aucun traité
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international. Elle est en pareil cas purement unilatérale dans la mesure où elle n’est l’expression
d’aucune concertation entre des Etats qui se seraient entendus sur des objectifs à atteindre et sur les
moyens d’y parvenir. C’est une compétence de cette nature qui est accordée au juge belge par la loi
du 10 février 1999 et, pour ce qui concerne les crimes de guerre commis lors de conflits internes, par
la loi du 16 juin 1993.
On peut estimer opportune la consécration d’une compétence universelle ainsi comprise, compte
tenu notamment d’une impunité jugée grandissante. Il n’est pas difficile cependant de comprendre
qu’elle pose des problèmes sérieux. Toute conception de la justice réservée, il est clair par exemple
que si chaque État prétendait exercer une telle compétence, il ne pourrait en résulter qu’un
monstrueux désordre. Il aurait été particulièrement utile partant que la Cour se prononçât sur sa
licéité. Elle ne l’a pas fait. La raison en est simplement que la République démocratique du Congo ne
le lui a pas demandé, ses conclusions finales ne faisant plus référence à un moyen qui avait été
invoqué dans la requête introductive d’instance. Rien n’empêchait sans doute que la question soit
évoquée par la Cour dans une manière d’obiter dictum. Certains de ses membres semblent y avoir
été favorables ; la majorité ne les a pas suivis. Pourquoi ? La Cour n’en dit rien et il n’y a pas à
conjecturer sur ce qu’on ignore. Après tout, il paraît sage d’ailleurs de ne pas hâtivement trancher une
question difficile, sur laquelle les parties n’ont pas eu le loisir de s’exprimer pleinement.
La licéité au regard du droit international de l’octroi d’une compétence universelle au sens précité
est dès lors une question réservée. On ne saurait toutefois considérer qu’une telle compétence est
licite au seul motif qu’elle n’est pas déclarée illicite dans l’arrêt du 14 février 2002. Il suffit de constater
que la Cour ne se prononce pas explicitement sur ce point, dans un sens ou dans l’autre. Cela
n’empêche pas qu’elle fait, à trois reprises, expressément référence à la légalité au regard du droit
international de l’octroi d’une compétence juridictionnelle : « ce n’est que lorsqu’un État dispose, en
droit international, d’une compétence à l’égard d’une question particulière qu’un problème d’immunité
peut se poser … » (§ 46) ; « la Cour examinera d’emblée si, à supposer que la Belgique ait été
compétente au plan du droit international, pour émettre et diffuser le mandat d’arrêt … » (ibid.) ; « à
condition d’être compétent selon le droit international, le tribunal d’un État peut juger un ancien ministre
… » (§ 61). La Cour ne précise pas quelles sont les conditions que le droit international impose en
l’occurrence ; elle souligne toutefois sans ambiguïté qu’il en existe. Le principe d’une compétence
universelle, du moins sous sa forme la plus radicale — celle que consacre la loi du 10 février 1999 —,
est peu compatible avec cette affirmation. Pour qu’une telle compétence, affranchie de quelque
restriction que ce soit, soit octroyée, il suffit du bon plaisir du législateur ; et il suffit du bon plaisir du
juge pour qu’elle soit exercée. On voit mal comment cela peut se concilier avec le respect de
conditions imposées par le droit international. Au minimum, celles-ci paraissent bien, en l’absence de
conventions particulières, imposer quelque rattachement de la personne poursuivie ou de l’acte
incriminé avec l’État poursuivant, conformément à une perspective « classique ». Sauf à considérer
que la seule condition tient au caractère « international » du crime … Si l’on ne se satisfait pas de
cette dernière « condition », cela paraît bien condamner en son principe une compétence dont
l’exercice est indépendant de quelque rattachement que ce soit.
7. Autres questions de droit international. Tout centrale qu’elle soit, l’immunité n’est pas le seul
point de droit qui ait été tranché par la Cour à l’occasion de l’affaire Yerodia. D’autres questions,
relevant de la procédure ou du fond, ont été, plus ou moins explicitement, résolues. Il paraît inutile d’y
revenir dans la présente note. Une d’entre elles mérite seule qu’on s’y arrête brièvement. Elle
concerne la réparation, dont les principes ont été quelque peu obscurcis à la suite des hésitations
entourant le caractère continu ou non d’une violation qui aurait ou n’aurait pas pris fin lorsque Mr.
Yerodia a abandonné le portefeuille des Affaires étrangères. L’arrêt n’en est pas moins très clair sur
ce point. La Cour considère, d’une part, que la constatation officielle de l’illicéité, au regard du droit
international, de l’émission et de la diffusion internationale du mandat d’arrêt décerné contre
Mr. Yerodia « constitue[…] une forme de satisfaction permettant de réparer le dommage moral dont se
plaint le Congo » (§ 75), ce qui est en quelque sorte l’équivalent de la condamnation symbolique à un
franc (euro ?) de dommages et intérêts. Elle « estime », d’autre part, que la Belgique « doit mettre à
néant » ce mandat, et informer de cette mise à néant les autorités auprès desquelles celui-ci a été
diffusé (§ 76). On remarquera qu’elle n’annule pas elle-même le mandat pas plus qu’elle n’enjoint à
proprement parler de le faire annuler. Elle se contente — ce qui est pleinement conforme à sa mission
propre — de préciser les conséquences naturelles de l’illicéité qu’elle a constatée, en laissant à la
Belgique le choix des moyens d’y mettre effectivement fin. La Cour ne fait que donner suite sur ce
point aux demandes qui lui ont été adressées par la République démocratique du Congo. Certaines
formules pourraient laisser croire qu’elle est en droit de décider discrétionnairement des réparations à
accorder (« la Cour ne voit aucune autre mesure de réparation à prescrire », § 77). Il n’en est rien. La
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Cour peut d’évidence rejeter une demande ; c’est ce qu’elle fait en ne donnant pas suite aux
conclusions du Congo concernant les « implications éventuelles de son arrêt pour des Etats tiers »
(ibid.) ; il ne lui appartient pas d’accorder ce qui ne lui a pas été demandé.
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