Les secrets de Xavier Niel (2). L`autobiographie faite devant le juge
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Les secrets de Xavier Niel (2). L`autobiographie faite devant le juge
1 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr tribunal correctionnel de Paris, en date du 27 mars 2003, aux peines de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à 15 000 euros d’amendes. Mais dans ce caslà, Xavier Niel avait été mis hors de cause et n’avait été entendu que comme simple témoin. Les secrets de Xavier Niel (2). L'autobiographie faite devant le juge PAR LAURENT MAUDUIT ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 11 JANVIER 2013 Mais en ce printemps 2004, c’est Xavier Niel que la justice a dans son collimateur. Au terme de son instruction, Renaud Van Ruymbeke renverra d’ailleurs le patron de Free devant le tribunal de grande instance de Paris. Et au terme d’un procès mouvementé, ce dernier condamnera Xavier Niel le 27 octobre 2006 à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 250 000 euros pour des faits de « recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas cinq ans d’emprisonnement » – nous verrons tout à l’heure de quoi il s’agit –, jugement dont Xavier Niel n'a pas fait appel. Xavier Niel se tient à distance de la presse. Avec le banquier de Lazard Matthieu Pigasse et le milliardaire Pierre Bergé, il a certes mis la main sur Le Monde. Mais des journalistes, il se défie, et n’aime guère parler de lui. Ses apparitions publiques sont rares, tout comme le sont les entretiens qu’il accorde à la presse. En bref, Xavier Niel ne parle jamais de lui, et surtout pas des conditions dans lesquelles il a fait fortune. Ou plutôt si, une fois il a raconté sa vie et le début de son ascension professionnelle. Il l’a même racontée par le menu, avouant que son métier d'alors lui procurait « un retour sur investissement intéressant et non fiscalisé car le fonctionnement reposait sur une comptabilité occulte et des recettes en espèces non déclarées ». Il s’est livré à l’exercice, parce qu’il n’avait pas le choix. C’est le 8 juin 2004, et il se trouve même un greffier pour noter que son récit commence à 15 h 17. On l’aura deviné, Xavier Niel est ce jour-là devant un juge d’instruction, en l’occurrence Renaud Van Ruymbeke, qui le presse de questions. Ce 8 juin 2004, ce sont donc sur tous ces faits que Renaud Van Ruymbeke essaye de faire la lumière. Et c’est la raison pour laquelle l’interrogatoire qu’il mène de Xavier Niel est du plus grand intérêt, tout comme l’est le second interrogatoire qu’il conduit quelque temps plus tard, le 25 juin 2004. A ces deux occasions, il invite Xavier Niel à raconter sa vie, à raconter ses débuts tumultueux avec Fernand Develter, la façon dont il jonglait avec de l’argent liquide, grâce à des sex-shops et ses activités dans le « Minitel rose », sans tenir de comptabilité rigoureuse, sans non plus déclarer ces activités lucratives mais opaques à l’administration fiscale, bref en violation de nombreuses obligations légales. C’est une dénonciation anonyme qui a conduit la justice à s’intéresser à Xavier Niel et à celui qui a été jusqu’en 2002 son principal associé, un dénommé Fernand Develter, personnage truculent, parlant à la façon d’Audiard et ressemblant comme deux gouttes d’eau à l’un des personnages des Tontons flingueurs. Enquêtant sur des soupçons d’abus de biens sociaux, Renaud Van Ruymbeke a, le 27 mai 2004, placé les deux anciens associés en détention provisoire, Xaviel Niel à la Santé et Fernand Develter à Fresnes. Et c’est en qualité de détenu que Xavier Niel, mis en examen, comparaît devant le juge d’instruction. Il restera détenu à la Santé jusqu’au 25 juin, et ne sera astreint ensuite qu’à une mesure de contrôle judiciaire. Avec le recul, maintenant que Xavier Niel est devenu l’un des grands patrons français et l’un des principaux copropriétaires du Monde, ces deux interrogatoires ont valeur d’autobiographie impudique. C’est Xavier Niel raconté par lui-même, Xavier Niel en vrai, tout cru, sans la protection et l’opacité des services de communication qui entourent ordinairement les grands patrons et interdisent de comprendre vraiment ce qu’ils sont. Déjà, la justice s’était intéressée dans le passé à certains des exploitants des sociétés contrôlées en partie par Xavier Niel. Plusieurs d’entre eux avaient été condamnés par jugement de la 12e chambre du 1/6 2 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr Dans ces interrogatoires, Xavier Niel ne dit sûrement pas tout. Il passe, évidemment, sur des détails. Mais il dit l’essentiel. • un intérêt publicitaire pour les services Minitel de rencontres car cette activité permettait d’attirer des clients vers le Minitel. » Voici, pour la première fois, la version intégrale de ces deux interrogatoires (nous avons juste masqué les données personnelles qui apparaissent dans ce procèsverbal mais qui n'ont pas d'intérêt direct avec cette instruction): Et Xavier Niel poursuit: « Dans le même temps, à compter des années 1993, 1994, l’activité Minitel rose s’est mise à décliner. J’ai donc créé sur Fermic, qui deviendra Iliad en 2000, des services tels que 3617 Annu, des services de conventions collectives, des services d’envoi d’actes civil. Fin 1993, j’ai également créé le premier fournisseur d’accès Internet en France, Worldnet. J’ai investi globalement une dizaine de millions de francs, essentiellement de 1992 à 1997 dans des sex-shops, environ une dizaine à Paris. Ces 10 millions de francs avaient plusieurs origines : • en 1991, j’ai cédé ma première société de Minitel rose pour environ 1 million de francs (Pon Editions) ; • de 1993 à 1996-1997, j’ai perçu de 20 à 30 millions de francs de dividendes provenant de la société Phoneline, société sœur de Fermic, spécialisée dans la téléphonie de rencontres ; • j’avais également des salaires importants (…) » « Le roi du porno » Face à Renaud Van Ruymbeke, en présence seulement d’une greffière et de ses deux avocats, le patron de Free raconte ses débuts : « J’étais un passionné d’informatique. À 16 ans, j’ai travaillé pour des journaux en participant à la création de Minitel de rencontres hommes-femmes. En 1986, alors que j’étais à Maths-Sup, j’ai décidé de travailler dans des sociétés de Minitel “rose”. J’ai fait la connaissance de Fernand Develter, fin 1990. » Devant le juge, Xavier Niel ne prend pas le soin de préciser qu’il fait la connaissance de celui qui va devenir son principal associé au restaurant « Le Petit Ramoneur », rue Saint-Denis, l’un des hauts lieux de la prostitution et des sex-shops à Paris. Il poursuit, en évoquant toujours son ex-associé, Fernand Develter : « Il avait créé une société Fermic avec Michel Artaud et qui exerçait son activité dans le Minitel de rencontres et l’émission de presse boursière. Fermic perdait de l’argent et ne fonctionnait pas. J’ai acquis 50 % des parts pour un montant symbolique. Puis j’ai pris la direction de Fermic que j’ai développée jusque fin 1993 dans l’activité de Minitel rose. » Interrogé par le juge d’instruction, Xavier Niel détaille ensuite le fonctionnement des sex-shops : « Fernand et moi étions des investisseurs passifs associés avec des exploitants qui venaient du milieu du sex-shop. En général, Fernand et moi détenions chacun 25 % du capital de chaque société. L’autre moitié du capital appartenait aux exploitants. À la fin du mois, ces exploitants venaient voir Fernand et lui remettaient des espèces correspondant à la part nous revenant, que Fernand partageait ensuite avec moi sur la base généralement de 50-50. » Xavier Niel poursuit un récit, qui n’est pas vraiment sur un registre dont les grands patrons du CAC 40 sont coutumiers : « À cette époque, Fernand Develter me parlait de ses investissements dans le sex-shop Sylvialize et me disait qu’il était très content des rentrées d’argent que cela lui procurait. J’ai vu un double intérêt à investir dans cette activité : • un retour sur investissement intéressant et non fiscalisé car le fonctionnement reposait sur une comptabilité occulte et des recettes en espèces non déclarées ; — « Combien de temps cette période a-t-elle duré ? » interroge le juge. Réponse de Xavier Niel : « Un premier point d’arrêt est intervenu en 1999 lorsqu’un article duCanard enchaîné m’a dénommé “le roi du porno”. J’ai donc rationalisé les choses. S’agissant des petites exploitations, qui rapportaient peu, j’ai cédé mes parts pour un montant symbolique (…) S’agissant des exploitations plus importantes qui rapportaient, il en restait trois : 2/6 3 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 9 200 euros par mois pendant 30 ans, payable… en liquide ! Xavier Niel raconte ensuite dans quelles conditions il décide à l’époque, avec Fernand Develter, de racheter les parts de leurs associés dans Sylvialize. Il est convoqué une nouvelle fois par le juge d’instruction, le 25 juin 2004. Et il conteste de nouveau avoir eu connaissance de faits de prostitution dans les établissements dont il est actionnaire – ce dont le juge lui donnera acte peu après. Tout juste admet-il avoir manqué de vigilance. • Sylvialize qui avait des revenus déclinant mais pour lesquels, Fernand, ses proches et moi-même détenions les murs via la SCI Maurice, laquelle recevait ainsi des loyers de l’ordre de 55 000 francs par mois ; • Cargo qui est une société qui fait de la vente par correspondance de produits de sex-shop ; je détiens toujours 30 % des parts de Cargo, laquelle ne générait pas d’espèces compte tenu de son activité (…) ; • les deux sex-shops de Strasbourg, Roxane et Selena. » — « Avant 1999, quels étaient les revenus en espèces que vous procuraient ces sex-shops ? », questionne Renaud Van Ruymbeke. Évoquant un autre établissement, dénommé Roxane, le juge lui demande s’il était au courant des « pratiques en vigueur », à savoir des « prestations complémentaires proposées aux clients ». Réponse de Xavier Niel : « Non, je n’étais pas au courant. Néanmoins, quand j’ai vu les dépositions des jeunes filles, je ne suis pas tombé des nues, je n’ai pas été surpris. J’avais lu le même type de PV concernant Sylvialize et j’avais mis immédiatement le holà. J’ai manqué de vigilance. Il y avait des risques. C’était loin, je ne m’en occupais pas. Je n’y suis jamais allé, je ne savais même pas s’il y avait des glaces. Je connaissais les risques et j’aurais dû être vigilant. » — « De l’ordre de 100 000 francs par mois. Fernand recevait globalement la même chose. Je les dépensais », répond Xavier Niel. — « Pourquoi avez-vous conservé une activité de ce type générant des recettes non déclarées alors que parallèlement vous développiez une activité déclarée qui paraît sans commune mesure ? » — « Je vivais de cet argent. Je voulais avoir un retour sur investissement. Fernand m’avait ainsi présenté Sylvialize comme une affaire en or dans laquelle il avait investi un ou deux millions de francs et dans laquelle il avait un retour de 50 à 60 000 francs par mois. À partir de la parution de l’article en 1999, j’ai rationalisé mais j’ai conservé ces parts (Sylvialize et Strasbourg) car cela rapportait de l’argent facile. Ces espèces étaient utilisables instantanément et ne donnaient pas la même sensation de gain que l’argent que je gagnais de façon orthodoxe dans mes activités d’opérateur de télécommunications (…) » Dans ces deux procès-verbaux d’interrogatoire (à la fin du premier et tout au long du second), Xavier Niel revient par ailleurs longuement sur les conditions dans lesquelles il rachète au début des années 2000 à son associé, Fernand Develter, les 14 % qu’il détient du capital de la société Fermic, qui a été rebaptisée Iliad. Si Xavier Niel devient en très peu de temps l’une des plus grandes fortunes françaises, c’est en effet, en grande partie, parce qu’il a l’habileté de racheter les parts de ses associés – nous y reviendrons dans un prochain épisode, car l’histoire ne manque vraiment pas d’intérêt. Après quelques échanges avec le juge, Xavier Niel raconte ensuite dans quelles conditions, avant que la police ne soit saisie de l’affaire, il apprend début 2001 qu’il y a de la prostitution dans Sylvialize : « Fou de rage, j’ai appelé Fernand Develter qui m’a dit “non, non, tu dois te tromper”. Il m’a donné le numéro de téléphone de Claude Monali principal dirigeant de Sylvialize et qui m’a juré que c’était faux. Trois ou quatre jours après, la police est intervenue et l’établissement a fermé pendant plusieurs mois. » Mais sans entrer immédiatement dans le détail de l’opération financière entre Xavier Niel et ses associés, au terme de laquelle l’homme d’affaires va contrôler à lui tout seul près de 70 % du groupe, ces interrogatoires font apparaître un détail du montage : il était convenu entre Xavier Niel et Fernand Develter que le premier 3/6 4 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr verse au second un complément de prix, sous la forme d’un versement de 9 200 euros par mois pendant 30 ans, payable… en liquide. biographie que Xavier Niel a dressée de lui-même deux ans auparavant devant le juge d’instruction. C’est écrit dans le style juridique austère dont ce type de juridiction est coutumier. La scène se passe lors du premier interrogatoire. « N’avez-vous pas par ailleurs une dette à (l’égard de Fernand Develter) sur le rachat de ses parts Iliad ? » Réponse de Xavier Niel : « Oui, j’ai une dette de 9 200 euros par mois pendant trente ans. J’ai déjà payé pendant trois ans (…) C’est Fernand qui m’a demandé de lui faire ces règlements en espèces. C’est un complément de prix sur le rachat de ses parts Iliad (…) » Cela commence par l’histoire de la rencontre NielDevelter : « Attendu que l’information a établi que Fernand Develter, né en 1942, avait fait la rencontre entre 1986 et 1988, à Paris, de Xavier Niel, de 25 ans son cadet, dans un restaurant de la rue SaintDenis à l’enseigne “Le Petit Ramoneur”, dont la clientèle d’habitués était principalement composée des employés des sex-shops de la rue ; qu’il entamait à cette époque une seconde carrière professionnelle, ayant démissionné en février 1985 de son poste de responsable des opérations boursières sur l’étranger à la Société générale, au siège de la banque, où il était entré comme commis 28 ans plus tôt et dont il avait gravi tous les échelons, jusqu’à ce poste de fondé de pouvoir qu’il quittait après avoir été mis en cause dans une opération boursière controversée en 1984 ; que libre de tout engagement et à la tête d’un patrimoine personnel évalué alors à 7,5 millions de francs, il décide de créer avec Michel Artaud, également démissionnaire de la Société générale, la Sarl Fermic (pour Fernand et Michel), qui exploitait des services de Minitel rose et dont il prenait la gérance ; qu’également, il s’associait le 5 décembre 1986 avec Eduardo Montero et Claude Monali dans la création de la Sarl Sylvialize, sise 35, rue de la Gaîté à Paris 14e, qui exploitait un sex-shop et un peep-show. » — « Comment avez-vous remboursé jusqu’à présent ces 9 200 euros mensuels ? » interroge le juge. — « L’année dernière, je prélevais ces 9 200 euros sur les rentrées de Sylvialize qui étaient de l’ordre de 12 000 euros. Je versais ces sommes en espèces à Fernand à peu près tous les deux ou trois mois. Depuis le début de cette année, je retire les espèces de mon compte en banque chez Fortis. J’ai retiré environ 90 000 euros depuis le début de l’année. Je dépensais les 3 000 euros perçus de Sylvialize, comme je l’ai expliqué tout à l’heure. » Ce sont donc tous ces faits – et de nombreux autres – qui sont ensuite évoqués en octobre 2006, à la 11e chambre du tribunal de grande instance de Paris, devant laquelle Xavier Niel, Fernand Develter et plusieurs de leurs associés finissent par être renvoyés. Et tous ces interrogatoires, on en retrouve la trace dans le jugement qui est finalement rendu par cette juridiction le 27 octobre 2006, jugement contre lequel Xavier Niel ne fait pas appel et qui permet de cerner encore un peu mieux son parcours. Le jugement s’attarde ensuite sur les premiers pas professionnels de Xavier Niel : Ce jugement, le voici dans sa version intégrale (nous avons juste masqué les données personnelles du jugement qui n'ont pas d'intérêt direct avec la décision de justice) : « Attendu que Xavier Niel, âgé d’une vingtaine d’années et tout juste sorti de deux années de maths-sup et maths-spé, après avoir travaillé pour le compte d’une société Framacom, dont l’activité consistait notamment à gérer des serveurs de minitel rose, s’associait au nommé Pascal Pasinetti dans la Sarl Pon Editions, qui développait également une activité de minitel rose ; que Fernand Develter, séduit par les connaissances informatiques de Xavier Niel Un dessous de table de 200 000 euros en espèces Dans ses attendus, le jugement – qui en page de garde relève que, par le passé, Xavier Niel a été « déjà condamné » – vient compléter et résumer la 4/6 5 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr en matière télématique et informatique proposait à ce jeune ingénieur “brillant mais désargenté” de s’associer, l’un apportant sa technicité, l’autre une structure juridique et des moyens financiers ; que, fin 1990, Xavier Niel faisait ainsi l’acquisition de 50 % des parts de Fermic, qui perdait de l’argent et que Michel Artaud souhaitait quitter ; que la société connaissait un renouveau avec son arrivée et continuait à se développer sur les services de minitel rose et avec le lancement de l’annuaire inversé grand public 3617 Annu ; que Xavier Niel, également, était sollicité courant 1992 par Fernand Develter pour racheter à parts égales la société civile immobilière Maurice, propriétaire des murs de la Sarl Sylvialize ; qu’à partir de 1993, il créait le premier fournisseur d’accès à Internet en France sous le nom de Worldnet ; que le boom des activités télématiques puis Internet faisait prospérer la Sarl Fermic, qui était transformée en société anonyme, rebaptisée Iliad, au sein de laquelle Xavier Niel montait en puissance ; que parallèlement, il s’associait avec Develter dans une dizaine d’autres sex-shops de la capitale, et notamment en mai 1997, dans Sylvialize. » Et le jugement ajoute : « Attendu que le 8 mars 2001, la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) de la Préfecture de police de Paris intervenait au 35, rue de la Gaîté, dans l’établissement exploité par la société Sylvialize ; que les deux associés historiques, Claude Monali et Edouard Montero, étaient poursuivis pour proxénétisme aggravé et condamnés par jugement de la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris en date du 27 mars 2003 aux peines de deux ans d’emprisonnement avec sursis et de 15 000 euros d’amende ; que Xavier Niel, dans ce contexte, était entendu comme simple témoin ; qu’à la suite des poursuites, il décidait d’obtenir l’éviction de Montali et Montero en refusant de signer les comptes annuels et en menaçant de faire nommer un administrateur judiciaire ; que les deux concernés acceptaient finalement de céder leurs parts pour le prix officiel de 7 300 euros à Véronique Niel épouse André, sœur et prête-nom de Xavier Niel, avec un dessous de table de 200 000 euros en espèces partagé entre les deux associés évincés. » Abus de biens Le jugement passe ensuite en revue les faits commis à Paris au préjudice de deux sociétés dont Xavier Niel est actionnaire, la société Sylvialize et la société Looksor. Là encore, c’est une décision de justice austère qui s’applique à recenser les abus de biens qui ont été commis, mais cela se lit comme un roman policier, et compte tenu de ce qu’est devenu depuis Xavier Niel, cela prend avec le recul un formidable relief. Quel autre PDG français dispose-t-il d’un curriculum vitæ aussi méticuleusement écrit, sans les accommodements avec la vérité qu’organisent ordinairement les cabinets en communication ? Aucun. Et c’est la raison pour laquelle il faut aller au bout de cette lecture, car toute la vie de Xavier Niel y est racontée, sans doute de la manière la plus fiable qui soit. Poursuivons donc notre lecture : « Attendu que courant 1999, à la suite d’un article du Canard enchaîné le décrivant comme “le roi du porno”, Xavier Niel décidait de se séparer de la plupart des activités du groupe le rattachant à l’industrie du sexe, cette décision étant également prise dans la perspective de l’entrée au capital de Free et d’Iliad de la banque d’affaires Goldman Sachs ; qu’à la fin il cédait les parts qu’il détenait dans différents sex-shops à deux sociétés luxembourgeoises ; qu’il revendait également l’activité minitel, exploitée par la société Marketing téléphonique européen (MTE). » « Attendu qu’il était acquis que Véronique Niel servait de prête-nom à son frère, qui ne souhaitait pas apparaître dans ce type de société en raison de ses fonctions au sein d’Iliad ; que Claude Monali indiquait ainsi n’avoir jamais rencontré Mme Niel, alors qu’il lui avait cédé à deux reprises ses parts de Sylvialize et qu’il était en relation téléphonique habituelle avec Xavier Niel ; que Fernand Develter détenait quant à lui une procuration sur l’un des comptes bancaires de Véronique Niel ; que celleci était représentée par Olivier Andrianarimanga (le 5/6 6 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr gérant de droit de Sylvialize) lors de son acquisition de 200 parts en 2002 ; qu’entendue, enfin, elle déclarait elle-même qu’elle ne connaissait pas Sylvialize ; Le jugement s’attarde longuement sur le cas de l’autre société parisienne, Looksor. Le début suffit à donner le ton : « Attendu qu’Olivier Andrianarimanga a été cité pour avoir, entre le 27 mars 2000 et le 27 mai 2004, en tant que gérant de droit de la société Looksor, fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de cette société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, en l’espèce en prélevant sur les recettes en espèces non déclarées de l’établissement une somme d’environ 30 000 euros remise à Xaviel Niel en plusieurs versements en paiement du prix de la cession par ce dernier à son profit du fonds de commerce et des parts sociales ; que Xavier Niel a été cité pour le recel de cette infraction. » « Attendu que l’information établissait qu’une pratique consistant à ne déclarer qu’une partie des recettes en espèces avait existé de longue date dans l’établissement ; que Christine Boursier, ainsi, employée dans le sex-shop jusqu’en 2000, indiquait que Fernand Develter et Xavier Niel se faisaient régulièrement remettre des enveloppes contenant des espèces par Claude Monali et Edouardo Montero ; que Develter et Niel, de fait, reconnaissaient avoir perçu des fonds prélevés sur les recettes non déclarées de Sylvialize depuis 1989 ; que l’intervention de la BRP le 6 mars 2001 avait cependant eu pour effet de faire cesser les abus de biens sociaux, qui avaient recommencé dès janvier 2003 ; qu’Olivier Andrianarimanga a ainsi déclaré qu’à sa nomination en qualité de gérant de la société le 24 décembre 2002, il avait été “convenu entre moi, Fernand et Xavier Niel que je dégage du black de la société et leur remette” Après de longs développements, le jugement passe ensuite à l’examen des faits qui concernent les deux sociétés de Strasbourg, Roxane et Selena. « Attendu qu’après avoir contesté avoir perçu des fonds de Selena », relève entre autres le jugement, « Xavier Niel a reconnu avoir été destinataire de 25 % des espèces non comptabilisées de l’établissement, soit environ 5 000 euros par trimestre, ces sommes étant cependant conservées par Fernand Develter. » « Attendu que les auditions et les écoutes téléphoniques effectuées ont permis d’établir que les espèces détournées et remises à chacun s’élevaient à 4 000 à 5 000 euros par mois ; que cette répartition égalitaire avait cependant été reportée dans le temps à la suite de la cession le 24 décembre 2002 de leurs parts par Monali et Montero ; que Xavier Niel avait versé en paiement de ces parts une somme de 188 667 euros ; qu’il avait été remboursé par la suite en percevant l’intégralité des espèces détournées ; que ce remboursement avait pris fin en décembre 2003 ou au début de l’année 2004. » D’où pour finir, cette condamnation de Xavier Niel à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende délictuelle de 250 000 euros – peine dont il fera appel avant de se désister. C’est la singularité de ces interrogatoires et de ce jugement : ils ont valeur de curriculum vitæ pour Xavier Niel. Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 1 538 587,60€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Gérard Cicurel, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart. 6/6 Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Courriel : [email protected] Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08 Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90 Propriétaire, éditeur, imprimeur et prestataire des services proposés : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions simplifiée au capital de 1 538 587,60€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS, dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris. Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart peut être contacté par courriel à l’adresse : [email protected]. Vous pouvez également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012 Paris.
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