Droit civil_Jouissance et exercice autorité

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Droit civil_Jouissance et exercice autorité
© JURISCOPE - 2000
LA JOUISSANCE ET L’EXERCICE DE L’AUTORITE
DES PERE ET MERE SUR LEUR ENFANT MINEUR
EN TUNISIE
Textes de référence :
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loi du 12 juillet 1993.
loi du 28 octobre 1998 portant code du statut personnel.
Table des matières
A. L'ATTRIBUTION DE L'AUTORITÉ PARENTALE...................................... 2
1. Egalité parentale dans la garde : Articles 57 et 67 C.S.P. ............................ 2
a) En cas d'existence du lien conjugal............................................................ 2
b) En cas de rupture du mariage..................................................................... 3
2. Préeminence paternelle quant à la tutelle ..................................................... 5
a) La tutelle prérogative paternelle................................................................. 5
b) Rôle supplétif de la mère ........................................................................... 6
B. LA PERTE DE L'AUTORITE PARENTALE ................................................. 7
1. Perte de la garde............................................................................................ 7
a) Perte volontaire .......................................................................................... 7
b) Déchéance .................................................................................................. 7
2. Perte de la tutelle ........................................................................................... 8
Introduction
Avant d'étudier la jouissance et l'exercice de l'autorité des père et mère sur leur
enfant mineur en droit tunisien, il faut signaler que la matière gouvernée a priori par les
institutions du droit musulman : La Wilaya et la Hadhana, a subi en droit tunisien des
modifications législatives successives destinées à donner un rôle de plus en plus
prépondérant à la mère et à tenir compte de plus en plus de l'intérêt de l'enfant.
Les deux institutions de la tutelle et de la garde sont parfois distinctes, parfois
enchevêtrées, parfois antagonistes. L'évolution législative a été de favoriser la garde aux
dépens de la tutelle. Cette évolution a connu son apogée grâce à la loi du 12 juillet 1993.
Par ailleurs, il faudrait faire une distinction selon que la filiation légitime de l'enfant
est établie ou non, selon que sa filiation naturelle est prouvée ou non.
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Depuis la loi du 28 octobre 1998, trois situations peuvent, en effet, se présenter :
D'après la première l'enfant est légitime, il a donc un lien juridique établi avec son père par
application de l'article 68 du code du statut personnel qui dispose que «Le Naçab (filiation
paternelle légitime) s'établit par le mariage (valable ou nul), par l'aveu du père ou par le
témoignage de deux personnes honorables ou phis».
D'après la deuxième, la filiation naturelle est établie par application de la loi du 28
octobre 1998 qui dispose que la filiation paternelle (naturelle) peut être établie par l'aveu
du père, les témoignages ou l'analyse génétique. Dans ces deux hypothèses, l'enfant a à
l'égard de son père et de sa mère les mêmes droits et les mêmes obligations relativement à
l'autorité parentale. Mais il y a une troisième situation dans laquelle la filiation paternelle
de l'enfant ne sera pas établie, qu'il s'agisse d'ailleurs de filiation légitime ou de filiation
naturelle. Dans ce cas, l'enfant n'a de lien juridique qu'avec sa mère qui cumulera les
attributions de la garde et de la tutelle.
C'est pour cela que nous nous concentrerons sur la jouissance et l'exercice de
l'autorité des père et mère mariés sur leur enfant mineur.
Il faut d'ailleurs noter que l'expression de l'autorité parentale n'existe pas en droit
tunisien qui connaît en revanche les deux institutions de garde et de tutelle. Il faudrait donc
rechercher les modalités d'attribution de l'autorité parentale (A) mais cette autorité peut
être modifiée, voire disparaître (B).
A. L'ATTRIBUTION DE L'AUTORITÉ PARENTALE
Si l'on considère l'évolution législative depuis la promulgation du code du statut
personnel, on peut constater qu'entre les parents le législateur a établi une égalité pour la
garde. En revanche, une prééminence paternelle subsiste pour la tutelle.
1. Egalité parentale dans la garde : Articles 57 et 67 C.S.P.
La garde consiste à élever l'enfant et à assumer sa protection dans sa demeure
(Article 54 C.S.P.). L'attribution de la garde varie selon que le lien conjugal existe ou
n'existe plus.
a) En cas d'existence du lien conjugal
L’article 57 C.S.P. dispose «la garde appartient durant le mariage au père et
mère». Que faire cependant si, bien que le lien du mariage existe encore l'un des deux
parents exerce seul la garde de l'enfant ?
On peut imaginer par exemple le cas de l'épouse ou l'époux qui quitte le domicile
conjugal en emmenant avec lui l'enfant, l'autre époux peut-il dés lors réclamer la garde ?
Deux actions seraient a priori possibles : une action en référé ou une action au fond.
L’action en référé est-elle cependant recevable ? Deux obstacles peuvent surgir, le premier
tiré de la procédure, le deuxième du fond.
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Sur le plan de la procédure, le juge du référé est compétent à condition qu'il y ait
urgence et que la demande ne touche pas au fond (Article 201 code de procédure civile et
commerciale).
Or, si l'on peut estimer qu'il y a urgence on ne peut pas ne pas estimer que l'affaire
touche au fond. En effet, pour accorder la garde il faut rechercher l'intérêt de l'enfant. Or
cette recherche implique nécessairement la désignation d'une assistante sociale qui procède
à une enquête. Son rapport doit être soumis au juge et faire l'objet d'un débat contradictoire
entre les parties.
Le deuxième argument est tiré du fond, d'après l'article 67 C.S.P. la garde
appartient aux deux parents tant que le mariage existe. La jurisprudence s'est prononcée
pour le rejet de l'action en référé (voir Cass. Civ. n° 9965 du 1 janvier 1974 B 1974 1 p.
207). Peut-on aller devant le juge de fond pour réclamer la garde d'un enfant alors qu'il n'y
a pas d'action de divorce ?
Si l'argument tiré des articles 201 et 202 du code de procédure civile et
commerciale relativement au fait que l'action ne doit pas toucher au fond n'est plus
recevable, l'argument tiré de l'article du code 57 C.S.P. peut constituer une fin de non
recevoir pour une telle action (sur l'ensemble de la question voir en arabe notre article :
«peut-on confier la garde à l'un des époux ou à une tierce personne alors que le mariage
existe encore et sans qu'il y ait une action en divorce», RJ.L. 1994, n° 5, p. 7).
Le lien conjugal peut cependant être rompu. Il faut dès lors déterminer qui pourra
assurer la garde de l'enfant.
b) En cas de rupture du mariage
Le mariage peut être rompu soit par le décès, soit par le divorce.
Dissolution par décès
D'après l'article 67 C.S.P. «En cas de décès la garde est attribuée au survivant des
deux époux». La règle semble simple et claire. Cependant, elle a soulevé une difficulté
d'application. Une tierce personne ; la grand-mère par exemple, peut-elle réclamer la garde
à son profit ?
Deux réponses sont possibles - D'après la première, la présomption posée par l'art.
67 al. 1 C.S.P. est absolue, ce qui signifie que nul ne peut contester la Vocation du
survivant des parents à assurer la garde.
D'après la deuxième cette présomption n'est que relative. Elle peut donc être
combattue par le candidat à la garde (voir Cass. civ. n° 10473 du 12 mai 1975 B 1975, Il p.
87). D'ailleurs, il suffit d'appliquer le critère général tiré de l'intérêt de l'enfant et prévu par
l'article 67 lui-même pour la rupture en cas de divorce.
Dissolution par le divorce
Il faut signaler une évolution législative du droit tunisien qui au départ prévoyait
une liste des titulaires du droit de garde par ordre de préférence. Cette liste était inspirée du
rite Malikite. Elle citait en premier lieu la mère et reposait sur une double présomption :
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que les femmes sont plus aptes que les hommes à assurer la garde,
que les parentes de la ligne maternelle doivent être préférées aux parentes de la ligne
paternelle.
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Cette liste a été supprimée en 1966.
De même, il était prévu que le père pouvait toujours par application du rite Malikite
réclamer l'attribution de la garde lorsque l'enfant de sexe masculin arrivait à l'âge de 7 ans
et l'enfant de sexe féminin à l'âge de 9 ans sauf si le juge en dispose autrement dans
l'intérêt de l'enfant.
Cette disposition a été aussi supprimée, désormais le juge par application de l'al. 2
art. 67 C.S.P. n'est pas tenu de suivre un ordre de préférence. En cas de divorce, il peut
attribuer la garde à l'un des parents ou à une tierce personne.
Il doit cependant par application de l'alinéa 3 de l'article 67 C.S.P. tenir compte de
l'intérêt de l'enfant.
Les arrêts faisant application de cette règle sont innombrables et la jurisprudence
est aussi ferme que constante (voir par exemple :
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Civ. n° 4875 du 24 août 66 B 66, p. 33.
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Civ. N° 4812 du 1412167 B. 67, p. 55.
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Civ. n° 6827 du 117169, R.J.L. 1970, n° 4, p. 35.
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Civ. N° 2717 du 12janvier 1979, B 1979, 1, p. 13.
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Civ. n° 5241 du 12 mai 1981, B 1981, 1, p. 306.
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Civ. n° 5522 du 1911111981, B 1981, III p. 259.
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Civ. n° 8625 du 517183, R.J.L. 1985, n° 4, P. 82.
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Civ. n° 20431 du 112189, R.J.L. 1991, n° 7, p. 94. - Civ. n° 20913 du 8 mai
1990, B 1990, p. 259.
Cependant, l'intérêt de l'enfant soulève plusieurs problèmes :
En quoi consiste t-il ?
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Comment le rechercher ?
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Quel est le rôle du juge du fond et de la Cour de cassation ?
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Un accord est-il possible entre les parents ?
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Qu'est-ce que l'intérêt de l'enfant :
Le code du statut personnel ne l'a pas défini. On peut cependant de la lecture des
arrêts déduire que cet intérêt est composé de données matérielles et morales.
Sur le plan matériel, il est utile de savoir dans quelle condition l'enfant vivra et dans
quel environnement il habitera (ville, quartier, logement ...) mais les données matérielles
ne sont pas à elles seules suffisantes, il faut aussi rechercher les données morales et
psychologiques. Il est important en effet, de savoir avec qui et dans quel environnement
affectif l'enfant va vivre (voir par exemple Civ. 4483 du 2/2/89 RJ.L. 9 L n'°7, p. 94).
Mais comment connaître cet intérêt ?
Le législateur est resté muet sur la question. La pratique judiciaire consiste en la
désignation d'une assistante sociale qui procède à une enquête. La jurisprudence décide que
cette enquête n'est pas une expertise et que les parties n'ont pas à être convoquées par
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avance pour ne pas porter atteinte à l'effet de surprise que nécessite ce genre d'enquête
(voir Cass. civ. n° 4406 du 7 juin 1966 R.J.L. n° 9, 1966, p. 25).
Le rapport établi par l'assistance sociale ne lie naturellement pas le juge mais s'il
l'écarte, il doit motiver sa décision. L’appréciation de l'intérêt de l'enfant est une question
de fait laissée a priori au juge du fond mais la Cour de cassation exerce son contrôle sur la
motivation des juges (Civ. 6827 du 1/7/69 RJ.L. 70, -Civ. 7019 du 24/3/70 B 70, p. 57).
Elle peut être amenée à casser si elle estime que les juges du fond n'ont pas recherché
l'intérêt de l'enfant.
Peut-on conclure un accord relativement à la garde ?
A priori cet accord doit être conforme à l'intérêt de l'enfant, ce qui permet de dire
s'il ne l'est pas le juge peut l'annuler. Cependant, cette solution ne trouve pas de fondement
dans le code du statut personnel.
En effet, d'après l'article 32 C.S.P. les époux peuvent lors de la tentative de
conciliation, demander au juge de la famille de ne pas prendre des mesures provisoires
relatives à la garde par exemple, ce qui laisse penser qu'ils ont accompli un accord sur la
question. Le juge est tenu alors de respecter leur accord et de ne prendre aucune mesure
contraire. On peut aussi déduire de l'article 55 C.S.P. que la titulaire de droit de garde ne
peut être obligée d'exercer son droit que s'il n'y a personne d'autre pour le faire. Un accord
devrait être possible entre les deux parents. Il semble cependant dans ce cas que le juge
garde un droit de regard sur le refus de la mère d'assurer la garde de ses enfants.
Dans une espèce, une mère a renoncé à la garde de ses cinq enfants lors de la
tentative de la conciliation. Mais il apparût que le père travaillait à l'étranger, qu'il n'y avait
aucune femme pour assurer la garde, que l'attribution de la garde de ses enfants à leur
oncle n'était pas dans leurs Intérêt.
Le juge a passé outre le refus de la mère et lui a attribué d'office la garde des
enfants. La Cour de Cassation a estimé que la solution est conforme à la loi (voir Cass.
Civ. 3615 du 8/3/93, R.J.L. 93, p. 294).
2. Préeminence paternelle quant à la tutelle
La tutelle est en principe une prérogative du père, elle peut cependant être attribuée
en tout ou en partie à la mère.
a) La tutelle prérogative paternelle
D'après l'article 154 C.S.P. le père est le tuteur de l'enfant mineur. La tutelle
s’exerce soit sur la personne du mineur soit sur ses biens.
Lorsqu'elle porte sur la personne, elle signifie un droit de regard du tuteur sur les
affaires du mineur et se manifeste par un pouvoir de direction relatif à son éducation.
Lorsqu'elle porte sur les biens elle signifie que le mineur bénéficie de la capacité de
jouissance mais est frappé d'une incapacité d'exercice en fonction de son âge. Il est alors
représenté par son tuteur.
En fait au cours du mariage les deux époux sont appelés à coopérer dans l'exercice
de la tutelle sur la personne par application de l'art. 23 al. 3 C.S.P. qui dispose «Ils
coopèrent pour la conduite des affaires de la famille, la bonne éducation des enfants, ainsi
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que la gestion des affaires de ces derniers y compris l'enseignement, les voyages et les
transactions financières».
b) Rôle supplétif de la mère
Dans certains cas la mère peut avoir un rôle supplétif. Du vivant du père, elle peut
avoir certains droits attachés à la tutelle. Après son décès, elle devient tutrice légale de
l'enfant.
En cas de décès
Le code du statut personnel a subi une évolution quant à la rédaction de l'article
154. Cet article disposait «qu'à défaut du père ou du tuteur testamentaire un tuteur doit
être désigné à l'enfant mineur".. La loi du 18 février 1984 a modifié ce texte en instituant la
mère tutrice légale de ses enfants en cas du décès du père ou de la déchéance de la tutelle.
Si le père a désigné un tuteur testamentaire, la désignation ne devient effective
qu'au décès de la mère et ce n'est qu'en cas de décès des parents ou de déchéance de la
tutelle et à défaut du tuteur testamentaire qu'un tuteur est désigné par le juge. Cette
évolution législative doit s'insérer dans le mouvement de la promotion de la femme
puisque désormais elle est considérée comme pouvant exercer à elle seule en cas du décès
du père les attributions de la tutelle qu'il s'agisse de la tutelle sur la personne ou sur les
biens du mineur. Assez curieusement, cependant le législateur a réservé le cas de l'article 8
relatif au tuteur matrimonial.
Ce tuteur doit être toujours de sexe masculin et en cas du décès du père, le tuteur
matrimonial est le plus proche agnat.
La mère par application des articles 67 et 154 C.S.P. pourra donc réunir sur sa tête
en cas du décès du père les deux fonctions celle de la garde et celle de la tutelle.
En cas de divorce
Si la garde est attribuée à la mère en cas de divorce, un conflit peut surgir entre elle
et le père tuteur quant à l'exercice de certaines prérogatives rattachées à la tutelle. Ce
conflit peut devenir paralysant et pour le trancher la mère va se trouver parfois obligée de
recourir à l'intervention du juge.
Pour éviter cela, le législateur tenant compte de l'intérêt de l'enfant et donnant plus
de droit à la mère, a modifié l'article 67 C.S.P. par la loi du 12 juillet 1993, en accordant à
la mère titulaire de droit de garde les prérogatives de la tutelle relatives aux voyages de
l'enfant, à ses études et à la gestion des comptes financiers.
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B. LA PERTE DE L'AUTORITE PARENTALE
Cette perte doit être envisagée dans les deux composants de l'autorité parentale c'est
à dire la garde et la tutelle.
1. Perte de la garde
La garde peut être perdue soit volontairement, soit judiciairement.
a) Perte volontaire
La garde a été définie par la Cour de cassation comme étant à la fois une obligation
et un droit pour la titulaire de droit de garde.
Certes, comme nous l'avons vu en première partie, la liste établissant un ordre de
priorité pour assurer la garde a été supprimée depuis 1966. Donc, en fait, on ne sait pas
plus qui doit être considérée comme titulaire de droit de garde. On peut toutefois, penser
que la mère doit être considérée comme telle.
Elle peut donc se refuser à exercer la garde par application de l'article 55 C.S.P. et il
faut signaler par ailleurs que l'article 64 disposait que «celui à qui la garde est attribuée
peut y renoncer». La garde est attribuée alors à celui qui le suit dans la liste prévue dans
l'article 67 C.S.P. Cette liste ayant été supprimée, l'article 64 a été modifié et il dispose
désormais que le juge confie dans ce cas la garde à une tierce personne. Cependant dans
l'application de l'article 55 et 64 C.S.P. la jurisprudence prend soin de vérifier qu'il y a une
personne susceptible d'exercer la garde (Tunis n° 55681 du 10/ 1/63 R.J.L. 63 n° 8 p. 48).
En fait, il est plutôt rare en pratique que la mère se désiste de son droit à la garde.
On peut toutefois imaginer que souhaitant se remarier avec un mari qui n'est pas prêt à
recevoir au domicile conjugal les enfants du premier lit, elle soit amenée à le faire. Il reste
toutefois qu'elle est plus fréquemment plutôt déchue de son droit à la garde.
b) Déchéance
Le titulaire de droit de garde peut être déchu de ce droit en principe chaque fois que
l'intérêt de l'enfant l'exige les décisions relatives à la garde sont donc toujours susceptibles
de révision que la garde ait été attribuée à la suite d'un accord (Civ. 2651 du Août 1978 B.
78, 11, p. 54) ou par une décision judiciaire ne s'appuyant pas sur un accord. En plus de
cette hypothèse générale le code a prévu des cas spécifiques de la perte de la garde. Ce sont
les cas prévus par les articles 58 et 61 du C.S.P.
Cas prévu par l'article 58
D'après l'article 58 si l'enfant est de sexe féminin, la titulaire de droit de garde ne
peut pas se remarier avec un mari qui a consommé le mariage. Dans ce cas elle peut perdre
la garde sauf si le juge estime le contraire compte tenu de l'intérêt de l'enfant ou si entre le
mari et l'enfant existe un cas d'empêchement à mariage ou si la mari est tuteur de l'enfant
ou si la titulaire de la garde s'abstient de le faire pendant une année après avoir pris
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connaissance de la consommation du mariage ou encore si la titulaire du droit de garde
allaite l'enfant ou si la mère assume la garde et la tutelle en même temps.
La perte de la garde à cause du mariage de celle qui a la garde est motivée par le
souci du législateur de ne pas fournir au mari une association pour avoir des rapports avec
l'enfant de sexe féminin.
Mais, il a pu penser que dans les exceptions, citées à l'article 58 ce risque n'existe
pas.
Il faut toutefois signaler que l'une de ces exceptions ne semble pas fondée. En effet,
d'après l'article 58 si le père s'abstient de demander la déchéance de la garde pour
remariage de la mère pendant un an, il perd le droit d'agir. Cette solution peut conduire à
des abus. En effet, il se peut qu'après le délai d'un an le mari n'ait un comportement nocif à
l'égard de l'enfant. Ainsi refuser de prononcer la déchéance de la garde sous le prétexte que
l'abstention d'agir a duré plus d'un an pourrait conduire à léser l'intérêt de l'enfant.
Cas prévu par l'article 61 C.S.P.
La garde est perdue si la titulaire du droit de garde change de résidence et s'installe
à une distance qui empêche le tuteur d'accomplir ses devoirs envers son pupille.
Cet article doit être rattaché à l'article 60 qui dispose que « le père, le tuteur et la
mère de l'enfant peuvent avoir un droit de regard sur ses affaires, pouvoirs à son
éducation et l'envoyer aux établissements scolaires».
Le législateur considère, donc, que la garde peut être perdue si le tuteur est
empêché d'exercer ses prérogatives. Il n'a pas déterminé la distance pouvant entraîner la
déchéance du droit de garde. Ainsi, celle-ci relève de l'appréciation des juges de fond mais
sous le contrôle de la Cour de cassation. C'est ainsi que la mère habitant à l'étranger perd le
droit de garde par application de l'article 61 C.S.P. (Civ. n° 6791 du 9/11/82, B 82 n° 4, p.
211). Cependant il n'est pas indispensable que la mère habite à l'étranger pour qu'elle perde
la garde. Dans une autre espèce le père vivait à Gabès, la mère s'est installée à Menzel
Bourguiba après le divorce, les juges de fond n'ont pas prononcé la déchéance de la garde.
La Cour de Cassation a cassé (Civ. 33540 du 22/12/92 B. 92 p. 177).
2. Perte de la tutelle
Dans certains cas, le père qui est normalement tuteur de l'enfant mineur peut perdre
la tutelle par application de l'al. 4 de l'article 67 C.S.P. introduit par la loi du 12 juillet
1993. Ce texte dispose que «le juge peu confier les attributions de la tutelle à la mère qui a
la garde de l'enfant, si le tuteur se trouve empêché d'en assurer l'exercice, fait preuve de
comportement abusif dans sa mission, néglige de remplir convenablement les obligations
découlant de sa charge, ou s'absente de son domicile et devient sans domicile connu, ou
pour toute cause portant préjudice à L'intérêt de l'enfant».
Ce texte constitue un énorme progrès par rapport à l'état antérieur de droit puisqu'il
permet à la mère de joindre aux attributions de la garde celles de la tutelle.
On peut imaginer que la mère pourra obtenir un jugement après avoir convaincu le
juge de l'existence de l'une des hypothèses visées par l'al. 4 de l'article 67 C.S.P.
Il ne semble pas cependant que la mère fasse usage en pratique de ce texte. Son
existence constitue cependant une garantie pour la mère et l'enfant en cas de carence du
père.