Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni. Expériences et
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Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni. Expériences et
Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni. Expériences et projets de réutilisation et réaménagement pour la croissance culturelle et économique Federico OTTOLENGHI After a brief look to the historical background of industrial Sesto, the author investigates the whole set of regulations, planning, joint initiatives which are today allowing the municipality to pay tribute to its considerable industrial built patrimony by enabling it to play a variety of roles in the new activities and urban redevelopment of the city. The complex interactivity between a number of public and private actors means that industrial heritage has now become a fully accepted asset by administrations as well as by businessmen and more generally by the younger generations who are now at work after the de-industrialisation. Intensely reusing its industrial heritage with such a clear awareness of how to draw from the past in order to build a new future, justifies the decision of the local authorities to prepare an application to the UNESCO World Heritage List. Further, Sesto San Giovanni is now participating in plans for increasing cultural tourism at a broader scale – that of the whole territory of the Province of Milan. Deux mots sur Sesto San Giovanni 14 Sesto San Giovanni est une ville d’environ 83.000 habitants, située dans une zone de population dense à la limite nord-est de Milan, en totale continuité avec celleci. C’est là véritablement un de ses caractères distinctifs: en effet, l’origine de la Sesto d’aujourd’hui se trouve dans le développement de nouveaux quartiers industriels qui a été programmé par Milan entre la fin du XIXe siècle et les premières années du XXe, qui ont vu surgir le siège de nouvelles grandes industries et d’industries déjà installées à Milan le long de l’axe routier nord-est, à cheval sur le territoire de Milan et sur celui de Sesto. La ligne de chemin de fer Milan-Monza, inaugurée en 1840, et en 1882 l’ouverture du tunnel du Saint-Gothard qui reliait Milan à l’Europe Centrale en passant par Sesto, ont joué un rôle décisif dans ce processus. Le bourg agricole de Sesto est passé en dix ans seulement (1901 - 1911) de 7.000 à 15.000 habitants. Son panorama physique s’en est trouvé bouleversé. Le curé de l’époque, don Paolo Molteni, enregistre avec désarroi dans son Liber Chronicus cette révolution. Il parle de l’impossibilité d’organiser lors des fêtes religieuses les processions traditionnelles parce que, tout simplement, les constructions édifiées par les usines ont supprimé les sentiers et les chemins que les fidèles avaient parcourus au cours des siècles, et que les murs des usines avaient dissimulé, englobé, englouti les chapelles et les statues saintes auxquelles les processions s’arrêtaient pour une prière. L’attitude des patrons et des ouvriers, elle aussi, avait changé. Don Molteni rappelait que les propriétaires des rares filatures et des champs qui prédominaient jusqu’alors dans le paysage avant l’arrivée des grandes fabriques étaient de Sesto San Giovanni et entretenaient des relations étroites avec l’Eglise, au point que lors des fêtes religieuses majeures ils autorisaient leurs salariés à commencer le travail à une heure plus tardive, de façon qu’ils puissent aller à la messe avant de commencer leur journée. A l’inverse, les nouveaux patrons venaient de l’extérieur, et ne respectaient pas cette conduite déférente à l’égard de l’Eglise. De ce fait les cérémonies religieuses rencontraient sans cesse de nouvelles difficultés à trouver des participants. La croissance de la ville s’est poursuivie par la suite jusqu’à atteindre 100.000 habitants dans les années 1970, contre environ 40.000 dans les années 1940, lorsque 45.000 ouvriers travaillaient dans ses Federico OTTOLENGHI usines. Les 83.000 résidents actuels, qui en font la seconde ville de la province de Milan et la cinquième de la Lombardie, occupent une surface de 11,8 km². Une autre caractéristique historique de la ville est donc la haute densité de l’habitat, d’autant plus qu’il faut se souvenir que dans la période où la population a atteint les 100.000 habitants, environ un tiers du territoire de la ville était occupé par des établissements industriels. Les années 1980 sont déjà des années de crise et de fermetures, et l’événement symbolique de la fin de l’épopée de la grande industrie sidérurgique de Sesto est la dernière coulée du haut fourneau T3 de la société Falck en 1996. (Photo 1) Cette histoire titanesque s’est donc déroulée entièrement dans le cours de quatrevingts dix brèves années, et s’est conclue aussi rapidement qu’elle s’était ouverte. Mais au cours de cette période restreinte on a vu opérer des entreprises telles que la Breda, avec 4 divisions (sidérurgie, fonderie, matériel ferroviaire, aéronautique), les Acciaierie e Ferriere Lombarde Falck avec 5 départements, la Ercole Marelli, la Magneti Marelli, l’Osva, la Pompe Gabbioneta, toujours en activité, la Campari – qui aujourd’hui a délocalisé la production mais a établi à Sesto le siège du groupe – et d’autres encore. Du point de vue de la production, ce qui marque le profil de Sesto est sans nul doute la grande industrie sidérurgique, mécanique et électromécanique, quoique dans le cadre d’une forte diversification des entreprises et des secteurs de la fabrication. Mais l’histoire de Sesto est faite aussi d’un tissu social, d’une identité collective, d’une activité politique et syndicale qui ne font qu’un avec l’histoire des usines: il suffit de se souvenir des deux mois de grèves du début de 1919 pour la défense des salaires contre l’inflation, des 25 jours de passage de la production sous la conduite des conseils d’usine en 1920, ou de la difficulté rencontrée par le fascisme à pénétrer dans les usines. Au cours des deux décennies du fascisme on comptera par centaines les personnes assignées à résidence surveillée; ou arrêtées et déférées devant le tribunal spécial. Le 23 mars 1943 à dix heures, de l’atelier de boulonnerie de la Falck Concordia (aujourd’hui MAGE), qui employait presque exclusivement des femmes, partit le premier acte de résistance de masse au nazisme et au fascisme. Ce fut le point de départ d’une implication de plus en plus intense des habitants et des ouvriers de Sesto dans la lutte de libération, conduite à l’intérieur comme à l’extérieur des usines. D’autres grèves suivirent, ainsi que l’organisation d’actions de partisans. Les partisans et les patriotes qui participèrent aux diverses brigades de Sesto furent plus de trois mille, dont 325 tombèrent durant les luttes de la libération, au cours d’actions de partisans ou par suite de leur déportations dans les camps nazis qui frappa plus de 600 personnes. L’importance de l’engagement de Sesto dans la guerre de libération a été officiellement reconnue le 18 juin 1971 avec l’attribution à la ville de la Médaille d’or de la valeur militaire. Ce n’a pas été seulement dans la période épique du début du siècle et dans les tragédies de la seconde guerre mondiale que se sont formées et exprimées la culture et l’organisation des travailleurs et des syndicats. Toute l’ histoire de l’industrie à Fig.1 Le haut fourneau T3 de la Falck Unione de nos jours. 15 Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni Fig.2 Panneaux de sécurité à l’usine, exposition “La fabbrica della memoria”. Fig.3 Sortie du dopolavoro Breda, 1935. 16 Sesto est marquée, en alternance, par les conflits pour l’amélioration des salaires, des conditions d’organisation du travail, et par des phases de décrochage ou de repli. Les deux années 1968/69 ont été caractérisées par une très grande force des conflits et par des conquêtes sociales très significatives. C’est au cours de cette période, à la suite de nombreuses grèves et conflits syndicaux, accompagnés d’une ample mobilisation impliquant toute la ville, qu’ont été solidement jetées les bases de la création en 1972 du Service de médecine sur les lieux du travail (SMAL), qui a constitué une grande victoire sociale, fruit de l’intense activité syndicale dans la revendication de la sécurité et de la santé dans les usines aussi bien que de la volonté exprimée par tout le conseil municipal de Sesto San Giovanni. (Photo 2) Beaucoup d’éléments de ce patrimoine immatériel, qui est au moins aussi important que le patrimoine matériel, sont aujourd’hui recueillis, conservés et pour une bonne part accessibles à Sesto auprès de la Fondation ISEC (Institut pour l’histoire de l’époque contemporaine), qui possède l’une des plus importantes collections italiennes d’archives d’entreprises et de fonds de bibliothèques thématiques, et exerce en outre des activités de recherche et de divulgation scientifique très significatives. L’histoire industrielle et l’histoire sociale ont façonné la forme même de la ville, depuis les établissements ceints de murs, inaccessibles et impénétrables, contournés par les voies urbaines ou sur lesquels celles-ci se brisaient, jusqu’aux grands axes de transport routier et ferroviaire; depuis les rails qui sillonnaient les rues de la ville jusqu’aux bâtiments et aux quartiers ouvriers, répartis par entreprises (Falck, Breda, Marelli, Garelli…) et par catégories sociales et par fonctions (ouvriers, employés, cadres, dirigeants). La vitalité et la solidarité ouvrières se reflètent dans la prolifération des cercles, des centres sportifs, des institutions de loisir. Les écoles professionnelles témoignent pour leur part l’investissement fait par certaines firmes – telles la Breda et la Marelli – dans la formation. Dans les cercles, les villages et les immeubles ouvriers, dans les centres sportifs s’expriment les modèles divers et concurrents d’organisation sociale, du paternalisme industriel à l’organisation ouvrière de type communiste et socialiste, et à la matrice d’inspiration catholique. (Photo 3) Le projet de candidature à l’UNESCO Dans l’exceptionnalité de cette histoire et de ses témoignages on retrouve les raisons qui nous ont conduits à préparer la candidature du site industriel de Sesto San Giovanni à la liste du patrimoine mondiale de l’humanité de l’ICOMOSUNESCO, dans la catégorie du paysage culturel évolutif. Je ne veux pas maintenant m’attarder sur les motivations spécifiques de la candidature, mais seulement souligner qu’on a beaucoup travaillé, dès les années 90, sur la mémoire, sur le paysage, sur la recherche historique, sur la conservation des archives et des témoignages, mais aussi sur la façon de garder le patrimoine, et ici nous avons rencontré le thème de la Federico OTTOLENGHI réutilisation et nous nous sommes posé la question: où trouver les ressources pour la réutilisation – c’est-à-dire pour le réaménagement mais, surtout, pour la gestion – et comment mettre la réutilisation au service d’un développement durable. Les grandes lignes de la réutilisation La décision de conserver et de mettre en valeur le patrimoine matériel et immatériel de l’histoire de la ville en cherchant des occasions de réutilisation pour les édifices historiques comporte des prémisses et des conséquences. Les prémisses – outre la reconnaissance de la valeur intrinsèque de ce patrimoine – résident dans la conviction que, comme l’a encore récemment rappelé le Maire Oldrini, à l’ occasion de la réunion du Conseil municipal consacré à la candidature, “en l’absence d’une mémoire appropriée il n’existe pas d’avenir” 1, et que la conservation, la mise en valeur et la visibilité de l’identité et de la vocation historique de la communauté des citoyens constituent, en dépit de leur évolution continuelle, un ancrage et une ressource en vue de la définition des orientations de son développement à venir. La conséquence en est la nécessité, en premier lieu, d’identifier les critères généraux d’une sélection des biens à sauvegarder – comme cela a été fait d’abord à l’occasion du Plan général d’urbanisme de 2000, puis du catalogue des biens en vue de la candidature et enfin avec le nouveau Plan de aménagement du territoire – en d’autres termes, de définir cas par cas les actions à entreprendre en vue de rendre possible et intéressante leur sauvegarde, tout en conservant la capacité de ramener les cas particuliers à un cadre général cohérent. A la lumière de l’expérience telle qu’elle a été conduite jusqu’à présent, s’ il est encore trop tôt pour établir un bilan, du moins est-il possible de développer de premières conclusions. La réutilisation “facile”: confirmer la fonction d’origine Fig.4 Une image du Village Falck. Les habitations Il n’y a pas de grandes difficultés quand il s’agit d’une réutilisation qui est en effet la continuation de l’usage originel. Parfois cela se passe sans aucune solution de continuité: c’est le cas, surtout, des habitations. La principale différence, en ce cas, tient à la propriété: s’il s’agit de propriété privée, il faut établir des règles indiquant le prescriptions auxquelles il faut se tenir pour faire des travaux dans la maison. Le Village Falck C’est ce qui s’est fait avec les «Normes techniques pour la mise en valeur typologique, fonctionnelle, architectonique et décorative du Village ouvrier Falck». Pourtant, la municipalité s’est aperçue qu’il faut accompagner les normes avec des aides économiques, soit pour compenser les propriétaires face aux contraintes imposées par les normes, soit pour rendre les normes plus efficaces. En effet le but n’est pas de punir ceux qui ne respectent pas les prescriptions, bien que de garder le patrimoine: et cela se fait beaucoup mieux si l’on rallie tous les citoyens – et, en ce cas, les propriétaires – à l’idée qu’il faut conserver les caractères originaux des propriétés; ce qui, à son tour, est plus facile s’ils voient que cette conservation ne comporte pas de coûts plus élevés, ou peut se révéler carrément avantageuse. (Photo 4) 17 Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni Fig.5 La tour des maquettes Breda, aujourd’hui Vetrobalsamo, photo d’époque. Le village Diaz et les maisons pour travailleurs Breda Quand, au contraire, la propriété est publique, la municipalité a choisi la voie de la coopération formalisée avec l’organisme propriétaire en signant un accord avec l’Agence régionale pour l’habitation populaire (ALER), qui possède de nombreux logements et, parmi eux, le Village Diaz et les maisons Breda, qui sont classés patrimoine historique industriel. Cet accord mentionne de façon explicite la classification de ces biens dans le parcours de candidature à l’UNESCO. Les usines: Vetrobalsamo et Pompe Gabbioneta 18 Il y a parfois parmi les usines une situation qui ressemble à celle qu’on a décrit à propos des habitations: c’est quand la même entreprise continue à fonctionner sur son site historique. Ou, peut- être aussi, quand une nouvelle entreprise succède à l’antérieure sur le même site, soit qu’elle continue la production précédente, soit qu’elle appartienne à un autre secteur. Apparemment, en ce cas, il n’y aura aucun problème. En réalité, nous nous sommes aperçus que dans cette situation il y a le risque de ne pas prendre en considération, de ne pas mettre an valeur le patrimoine constitué par ces entreprises. On est maintenant en train de réfléchir sur le fait qu’il faudrait associer deux entreprises qui rentrent dans les deux cas ci-dessus et qui n’ont pas fait partie, jusqu’à ce moment-là, de la mobilisation autour de la candidature. Je me réfère à Vetrobalsamo, une grande verrerie qui s’est installée dans la zone Breda il y a 13 ans, tout en conservant les bâtiments originaires, y compris la Tour des modèles (Photo 5) et quelques autres très intéressants, bien qu’ils ne soient pas – jusqu’à présent – protégés pour la candidature. Et je pense aussi aux Pompe Gabbioneta, qui sont toujours là depuis 1906. Il y a deux raisons pour s’engager dans cet enjeu. La première est évidemment que, comme cela est valable pour les habitations, sans la participation des propriétaires le patrimoine est à risque. Et, face aux difficultés de projet et de budget associées à la sauvegarde du patrimoine industriel, ce serait un paradoxe si, lorsque la conservation est assurée par un sujet privé, pour les fonctions mêmes pour lesquelles ce patrimoine fut construit (ce qui à pour conséquence de garder les murs mais aussi le contexte) cette activité de sauvegarde, utilisation et transmission du patrimoine n’était pas soutenue, contrôlée et mise en valeur. La deuxième raison est aussi que ces entreprises font elles-mêmes partie du patrimoine culturel – en plus d’être un patrimoine économique et social – si on ne s’arrête pas aux bâtiments, si l’on prend en compte l’importance du patrimoine technique, des connaissances, des relations sociales qui a été constitué par les entreprises et par le monde du travail. Les usines: Campari et Milano Metropoli Dans l’expérience de Sesto, je classerai sous le titre de la continuité aussi les bâtiments industriels dont les activités restent dans le domaine économique, bien Federico OTTOLENGHI qu’elles changent de nature en se transformant d’entreprises de production en entreprises du secteur tertiaire. Il y a à ce propos au moins deux cas différents. Dans le cas de Campari (Photo 6), qui avait son établissement dans le centre de la ville dès 1904, la production vient d’être délocalisée, tandis que la direction du groupe s’est déplacée du centre de Milan à Sesto. Cette opération a été financée par la reconversion d’une partie de l’établissement de production en habitations privées et en activités tertiaires (y compris la direction de Campari), mais ce qui en fait un cas atypique et intéressant est que cette transformation est réglée par un accord entre Campari et la municipalité, qui oblige Campari: • à restaurer le corps central de l’ancien bâtiment du 1902-1904 et à le dédier à l’institution du musée Campari; • à coordonner le projet du musée avec celui du Musée de l’Industrie et du Travail développé par la municipalité; • à se charger de la gestion du musée. Les travaux son presque terminés, maintenant il faut réaliser le musée. Si tout fonctionne comme il faut, ce sera un cas de «fonction publique» exercée et soutenue par un sujet privé. La raison de mon appréciation favorable d’une telle solution est qu’il faut reconnaître que les institutions publiques – notamment les municipalités – n’ont pas assez d’argent ni d’autres ressources pour soutenir toutes les activités de conservation, de mise en valeur et de gestion du patri- moine. Il faut ajouter, une fois encore, que la participation des citoyens, des propriétaires, des entreprises à ce projet est très importante parce qu’elle signifie que ce n’est pas seulement l’institution municipale, mais aussi la communauté urbaine qui partage l’engagement pour le patrimoine. Le cas de Milano Metropoli (Photo 7), bien qu’il rentre dans la même catégorie de réutilisation, est tout à fait différent: agence au capital mixte, mais à majorité publique, instituée il y a plus de dix ans par les municipalités de Milan Nord et par la Province, à fin d’envisager le redéveloppement du territoire après la fermeture des grandes usines, Milano Metropoli a conduit le réaménagement, en deux phases différentes, d’une cantine de la Falck et d’une cantine de la Breda, et en a fait des incubateurs d’entreprises. Ici on est donc en face d’ un sujet public, qui travaille comme une entreprise, en réalisant une activité économique, et qui cependant poursuit des objectifs Fig.6 Le corps central ancien de la Campari. Fig.7 LIB – Laboratoire de l’Innovation Breda (ex-réfectoire), aujourd’hui siège de Milano Metropoli. d’intérêt public en même temps qu’il travaille pour faire naître de nouvelles entreprises. Ce qui rapproche ce cas de celui de Campari, tout à fait différent, est qu’il s’agit d’une réutilisation dans le domaine des activités économiques, qui doivent se soutenir par elles-mêmes. La réutilisation difficile: l’identification de nouvelles fonctions publiques Enfin, il y a le cas où l’on essaie de passer de l’ancienne fonction industrielle à une 19 Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni Fig.8 Le pont roulant et la locomotiva Breda 830 de 1906. Fig.9 Giovanni Sacchi au travail (reconstruction d’une machine de Leonardo da Vinci). Fig.10 MIL – Musée de l’Industrie et du Travail (ex-magasin de pièces de rechange Breda). nouvelle fonction publique, notamment culturelle. Dans notre expérience, cela a réussi quand deux conditions étaient réunies: la propriété était publique et il y a eu l’engagement et le soutien financier d’autres institutions, notamment la Région et la Province, grâce à ce que l’on appelle des «accords de programme». Le parc archéologique Breda C’est le cas du Pont roulant (Photo 8), situé dans l’un des endroits les plus saisissants, dans la zone Breda entre Milan et Sesto, qui aujourd’hui, après le réaménagement, vit comme un grand théâtre à ciel ouvert ou site pour des concerts et des fêtes, et qui abrite une locomotive Breda du 1906. Près du Pont roulant s’élève le bâtiment du Spazio MIL (Museo dell’Industria e del Lavoro - Musée de l’Industrie et du Travail) (Photo 9), qui accueille soit les activités du Théâtre Filodrammatici, soit l’Archive de Giovanni Sacchi, le grand artisan de Sesto qui, travaillant avec les plus grands designers et architectes, réalisa les modèles en bois de nombreux objets qui ont fait l’histoire du design et de l’industrie. (Photo 10) 20 Le MAGE et l’OMC Le MAGE (ancien dépôt général de l’établissement Falck Concordia Sud) est aujourd’hui le bâtiment industriel le plus significatif de ceux qui appartiennent à la municipalité. Il est prés de l’OMC, ancienne cantine ouvrière, elle-même propriété municipale. La requalification et la réutilisation de ces deux bâtiments ont été possibles grâce à la contribution de la Région et de la Province de Milan, qui en l’occurrence est également destinataire d’une part notable des espaces, utilisés par une école de formation professionnelle et par d’autres activités dans les domaines de l’orientation et du travail – et par suite contribue activement à la gestion. Le vaste espace de presque 2.000 m² au premier étage du MAGE, qui constitue une antenne du Musée du Travail, est en revanche destiné aux activités culturelles, et il est soutenu par un espace consacré à la restauration. Il a déjà accueilli de nombreuses manifestations, parfois de grande ampleur, que ce soit avant ou après la restructuration. Il sera Federico OTTOLENGHI nécessaire, sur la base de l’expérience accumulée jusqu’ici, de mettre au point un modèle de gestion pour assurer son fonctionnement permanent. (Photo 11) programmation au niveau supra-communal. Dans le cas de Sesto on peut distinguer divers agents d’intégration du système. Fig.11 MAGE, intérieur. Le Plan d’ aménagement du territoire La Tréfilerie Bliss Il y a un cas très intéressant, dans la grande transformation des zones Falck, tracée par Renzo Piano. Il s’agit de deux très grands bâtiments, dont la propriété est privée – elle est la même que celle de toute la zone Falck – où l’on a décidé d’installer le nouveau siège des écoles municipales de danse et de musique (Tréfilerie) et de la bibliothèque municipale (Bliss). Une fois achevé le réaménagement, ils deviendront propriété de la municipalité. Les ressources pour le réaménagement viennent en ce cas de la transformation de l’ensemble de la zone dans le contexte des politiques d’urbanisme. La base de la gestion sera bien sûr assurée par les ressources actuellement utilisées pour la bibliothèque et pour les écoles, mais les caractères et l’échelle différents des nouveaux sièges demandent aussi une augmentation significative de ressources aussi bien que la définition d’un nouveau modèle de gestion. Les éléments du système Naturellement, pour que ces interventions sur les édifices ou sur des complexes aient un sens elles doivent réunir un ensemble de politiques du territoire (urbanistiques, culturelles, économiques) et s’insérer dans un cadre de Adopté en janvier par le conseil municipal, le Plan devra être approuvé définitivement en juillet; il constitue le cadre à l’intérieur du cadre s’inscrivent toutes les politiques territoriales. Le plan prévoit entre autres: • la reconnaissance et la sauvegarde des biens classés et protégés dans le cadre de la démarche de candidature; • le principe de la remise en état de l’environnement, sur la base duquel la partie nouvelle de la ville doit remédier à certaines déficiences de la ville historique, à commencer par les espaces vers publics; • le principe du rééquilibrage des services et des fonctions entre ville historique et nouveaux quartiers; • le développement de la partie nouvelle de la ville au moyen d’une mixité de fonctions, comprenant des fonctions de production et des activités d’innovation et de recherche. Le système culturel de la zone nord de Milan Les sept communes de Milan Nord, qui représentent une population totale de plus de trois cent mille habitants, ont développé une collaboration institutionnelle étroite dans de nombreux domaines d’intervention. Au début de mai a été signé un pacte «pour la programmation et la coordination du système culturel intégré de Milan Nord», constituant expressément une association entre les municipalités, la Province de Milan et l’Agence de développement Milano Metropoli, ayant pour objectif de coordonner l’offre culturelle, les musées et les bibliothèques des villes associées, les ressources du territoire – voire 21 Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni l’université ou les parcs. Le système provincial des musées d’entreprise Concernant les musées, il faut signaler l’importance et la nouveauté du rôle joué par la Province de Milan (voir la communication de Claudio Minoia, “Milan ville du projet”): la Province regroupe et assure la promotion du circuit des musées liées au monde de l’entreprise sur son territoire. Sesto participe d’ores et déjà à ce réseau avec le concours des Archives Sacchi, du Musée de l’Industrie et du Travail et du Pont roulant, et dans un avenir rapproché pourra y contribuer également à travers le musée Campari qui prendra place dans le siège historique de la firme, aussitôt après sa restauration, par les soins de la société Campari elle-même. Le système touristique provincial 22 C’est encore la Province qui gère les activités de développement du tourisme sur tout son territoire, que ce soit sur une base territoriale ou thématique. On en est à la phase de départ, mais le projet est prometteur et ambitieux. La municipalité de Sesto San Giovanni a adopté en juillet dernier l’adhésion à ce système touristique provincial en voie de constitution. Sur ces bases a été réalisé un guide touristique provincial et a été expérimentée une activité de visites guidées de la ville historique et de la ville industrielle. Le succès que cette initiative a rencontré en ville et en dehors de la ville a incité la municipalité à travailler à la réalisation de nouveaux cycles de visite dans l’avenir. Toujours dans le domaine de la mise en valeur (et de la requalification) du territoire à des fins touristiques, il faut signaler la réalisation – en collaboration avec l’Institut Européen du Design (IED) de Milan – d’une carte à l’usage des piétons et des cyclistes de tout le territoire urbain et des deux parcs qui délimitent la commune de Sesto à l’est et à l’ouest, mettant en évidence le patrimoine indus- triel. Il est remarquable que le territoire des parcs est lui-même le produit des diverses phases de l’histoire industrielle. Le Parc Nord, à l’ouest, s’est constitué à partir de la zone du [del campo volo], puis progressivement sur les terrains libérés de la production de la Breda, et la colline qui se trouve à l’intérieur du Parc était à l’origine un dépôt de scories de l’établissement sidérurgique de la Breda siderurgica. Le territoire du Parc de la moyenne vallée du Lambro, à l’est, s’est fortement modelé sur les activités de la Falck, avec les collines constituées par les scories de l’activité sidérurgique et d’extraction (carrières). Actuellement la municipalité de Sesto, avec les deux parcs et la commune limitrophe de Bresso, participe à un concours régional visant à favoriser la mise en réseau des activités de récupération et de valorisation dans le domaine culturel, environnemental et touristique. La formation: écoles, universités, formation professionnelle (v. Bottega Sacchi) Les politiques de formation sont une formidable ressource pour deux raisons: l’établissement de sièges de formation aide en effet: • l’enrichissement et la qualification du territoire • la création de sources intellectuelles et de compétences qui soutiennent la croissance du territoire même C’est dans ce sens que l’on doit interpréter l’ouverture, en 2006, du pôle de la communication de l’Université d’État à Sesto Marelli, ou la conversion de deux structures industrielles – MAGE et OMC – l’un comme centre de formation professionnelle Achille Grandi, et l’autre comme siège du nouvel Office pour la formation, l’orientation et le travail (AFOL). L’attention apportée par la Mairie à la création de conditions favorables pour l’établissement d’ activités de formation supérieure et de recherche Federico OTTOLENGHI dans les zones Falck a le même objectif. (Photo 12) La capacité d’insérer le territoire et son histoire dans les curricula et de faire vivre les institutions de formation en qualité d’acteurs du territoire a une double conséquence: • permettre de construire dès l’école une conscience et une capacité de lecture du territoire urbain de la part de ses habitants, tout en facilitant sa protection • donner aux compétences présentes dans les institutions de formation la chance de contribuer à la promotion urbaine, ce qui fait des étudiants des ambassadeurs potentiels du territoire C’est dans ce cadre qu’un espace sera réservé aux activités de formation auprès des Archives Sacchi: à l’intérieur de l’atelier de Sacchi, reconstruit avec son outillage et sur les plans originaux, sera installé un laboratoire où les étudiants pourront faire l’expérience du travail du bois et de la création de maquettes. et d’ intervention; c’est-à-dire, s’il sera un facteur de stimulation, de connexion, d’intégration – et aussi une obligation, en cas de besoin. Ce que nous percevons comme un besoin et que j’avance comme une proposition de travail à l’intention de tous les participants de ce workshop, c’est d’organiser un panel permanent de contacts – une sorte d’ observatoire – à l’aide duquel on puisse s’informer sur les expériences et mettre en commun les difficultés et les succès, acquérir et échanger des données, construire – si ce n’est pas trop ambitieux – des standards internationaux de référence, tant pour les procédés que pour les résultats, tant pour les coûts et l’utilité sociale que pour les coûts de gestion, tant pour la recherche de ressources économiques que pour l’engagement des opérateurs publics et privés. Ma conviction est que la conservation est nécessaire à la mémoire et qu’une transformation bien conduite, socialement et économiquement soutenable, est nécessaire à la conservation. Fig.12 OMC (ex-réfectoire Falck Concordia), aujourd’hui siège de AFOL. Federico Ottolenghi est Directeur des Relations extérieures de la Ville de Sesto San Giovanni Notes: 1 - Séance du Conseil municipal, 4 mai 2009. VIDEOREGISTRAZIONE sur le Portail du citoyen www.sestosg.net Conclusion Pour la conservation et la réutilisation des sites et de comme éléments d’entraînement de la croissance culturelle et économique du territoire on est en train de parcourir des trajets parallèles, à des stades plus ou moins avancés. En tout cas il est encore trop tôt pour dresser un bilan. Le plan de gestion du patrimoine de Sesto San Giovanni sera efficace s’il réussit à créer une interaction entre ces différentes politiques et l’ensemble des instruments de participation 23
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