Dossier pédagogique
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DOSSIER PEDAGOGIQUE MYSTERE DE NOEL 2010 1 SOMMAIRE INTRODUCTION : Présentation du Mystère de Noël 2010 1. Présentation du spectacle 2010 «Il a habité parmi nous» 2. Plan du spectacle 3. Quelques « secrets » de la création 2010… à ne pas dévoiler avant la représentation ! PREMIERE PARTIE : Sources bibliques et spirituelles du Mystère de Noël 2010 1. Sources bibliques a. Le Prologue de Jean b. Les Psaumes 2. Noël chez les mystiques rhénans a. Introduction b. Maître Eckhart et la naissance de Dieu dans l’âme c. L’Hymne de Noël de Tauler DEUXIEME PARTIE : Sources populaires et littéraires du Mystère de Noël 2010 1. La tradition de Noël en Alsace a. la tradition de l’arbre de Noël b. la tradition du pain d’épices c. les personnages emblématiques de la tradition de Noël en Alsace d. un conte de Noël e. des poètes d’Alsace disent Noël 2. La cathédrale de Strasbourg dans la littérature 3. Le cycle de Noël : activités pédagogiques TROISIEME PARTIE : Sources théâtrales du Mystère de Noël 4. Les mystères, un genre théâtral du Moyen-Âge 5. L’aventure du « Mystère de Noël » en la cathédrale de Strasbourg BIBLIOGRAPHIE 2 INTRODUCTION 1. PRESENTATION DU MYSTERE DE NOEL « Il a habité parmi nous » L’argument du Mystère de Noël 2010 Une aïeule conte les récits des « Noëls en Alsace » à sa petite fille. Héritière des traditions vivantes de notre région, elle introduit les différents tableaux qui rythment le spectacle. Loin des légendes et fariboles, Noël vibre alors au cœur d’un sculpteur sur bois, d’un charpentier, d’un artisan bien de notre région et les ouvre à la Parole et au Verbe grâce à des psaumes du Premier Testament. 2. SUJET DU SPECTACLE « Il a habité parmi nous » Tableau 1 : La mémoire Au commencement était le Verbe : le premier tableau évoque l’origine des temps, l’origine du monde, l’attente du Verbe, la naissance des récits. Et c’est une aïeule qui en transmet la mémoire à sa petite-fille. Tableau 2 : Le feu La nuit est traversée par le jour : c’est ce mystère primordial qui suscite l’espérance de l’homme. Et quand il apprivoise enfin le feu, il peut affronter la peur et vivre debout. Il invente les rites et les contes qui célèbrent cette conquête d’une nature d’abord hostile à l’homme. Tableau 3 : Le village La lumière se partage de maison en maison. L’homme construit une communauté solidaire où personne n’est oublié. Car la parole circule entre tous. C’est ainsi que l’enfant peut grandir en paix au milieu des siens. Tableau 4 : Saint Nicolas Sur le chemin de la réalisation de soi, il y a la rencontre d’êtres de bonté qui aident l’homme à se construire, à faire son unité. C’est la découverte de l’amour et de la bonté qui encourage l’homme à poursuivre sa quête d’humanité. Tableau 5 : Hans Trapp Pour devenir qui il est, l’homme a besoin d’affronter sa nuit intérieure. Au-delà du paraître, il apprend à faire confiance à la vie et à s’ouvrir à la lumière. C’est en traversant sa peur de l’autre qu’il peut vivre en plénitude sa vocation d’homme. Tableau 6 : Les chanteurs de l’étoile Quand l’homme rencontre l’amour, son cœur se dilate aux dimensions du monde. Au long des jours, il reste fidèle à sa quête de la lumière en laquelle son être se réalise. 3 Tableau 7 : Persévérance Aux jours d’errance, une voix l’invite à ne pas désespérer, à garder le cap sur l’espérance. Son avenir est toujours à inventer. L’homme s’exerce alors à la constance et à la patience, vertu divine. Tableau 8 : Couronne de l’Avent Le rite de lumière rassemble la communauté et l’invite à attendre la vraie lumière qui va vaincre toutes les nuits du monde. A chaque Noël, l’Enfant de Lumière nous rappelle la présence et l’amour inconditionnel de Dieu pour l’homme. En Lui, toutes les promesses sont accomplies. 3. QUELQUES SECRETS DE LA CREATION 2010 … à ne pas dévoiler avant la représentation ! - les jeux de lumière : en couleurs chaudes, le monde de la réalité ; en couleurs froides, le monde des mythes et légendes. - le dialogue entre Dinah Faust et Roland Engel rythme le spectacle et évoque les traditions d’Alsace, interroge la façon de vivre Noël aujourd’hui. - un paysage se développe sur le plateau : toute l’Alsace entre dans la cathédrale. - la création d’un village alsacien est l’une des composantes essentielles du décor 2010; la scène finale présente le village en entier avec ses deux églises catholique et protestante. 4. L’association MYSTERES DES CATHEDRALES remercie pour la création du Mystère de Noël 2010 « Il a habité parmi nous » Programme d’une veillée de Noël organisée à Périgueux par les réfugiés Alsaciens en 1939. 98 AL 289 - Archives Départementales du Bas-Rhin. Texte : Michel Jermann - Robert Riber Mise en scène : Michel Jermann Direction d’acteurs : Martine Jacquemin Direction chorégraphique : Stéphanie Hénot Création musicale : Roland Engel Création affiche : Bruno Boulala Création décors : Yves Christmann, Claude Helmlinger, Gérard Schultz, François Wimmer, CFA Eschau Costumes : Pascale Berthelot Régie plateau : Christophe Merkel, Dima Hajjara, David Schoch, François Wimmer Régie son et lumière : Alpha Sono Accueil du public : Myriam Ricotier, Elisabeth Pernot, les élèves de l’aumônerie du Lycée Alexandre Dumas Dossier pédagogique : M. Jacquemin, M. Jermann, M. Odeau Création site : Dima Hajjara Responsables ressources : Geneviève Diss, Matthieu Diss Coordination générale : Martine Jacquemin, Myriam Odeau Un merci tout particulier à Dinah FAUST et Roland ENGEL pour leur amitié et leur engagement généreux dans l’aventure 2010 ! 4 PREMIERE PARTIE Sources bibliques et spirituelles du Mystère de Noël 2010 « Il a habité parmi nous » 1. SOURCES BIBLIQUES Le Prologue de Jean 1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement tourné vers Dieu. 3 Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. 4 En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes, 5 et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. 6 Il y eut un homme, envoyé de Dieu : son nom était Jean. 7 Il vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui. 8 Il n’était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière. 9 Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. 10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. 11 Il est venu dans son propre bien et les siens ne l’ont pas accueilli. 12 Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. 13 Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. 14 Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. 15 Jean lui rend témoignage et proclame : “ Voici celui dont j’ai dit : après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que, avant moi, il était. ” 16 De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce. 17 Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. 17 Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé. Traduction TOB 5 Dieu vient prendre place parmi nous J'établirai ma demeure au milieu de vous Levitique 26, 11 Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous Jean1,14 Que le langage du Christ habite parmi vous avec richesse ; Instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres avec sagesse, Par des psaumes, des hymnes, des chants inspirés, Que la reconnaissance vous fasse chanter à Dieu de tout votre cœur. Colossiens 3,16 Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre; Car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus. Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, La ville sainte, la nouvelle Jérusalem, Préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux. Et j'entendis du trône une forte voix qui disait: Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. Apocalypse 21, 1-5 Les Psaumes Les Psaumes sont un livre de la prière biblique : cent cinquante poèmes composés et chantés pour près de la moitié par David. Les Psaumes accompagnent la prière et la vie quotidienne des hommes depuis plus de 2000 ans. Aujourd’hui encore les juifs les chantent à la synagogue, les chrétiens dans les églises et les monastères. « Nous naissons avec ce livre aux entrailles. Un petit livre : 150 poèmes, 150 marches érigées entre la mort et la vie 150 miroirs de nos révoltes et de nos fidélités, De nos agonies et de nos résurrections. Davantage qu’un livre, Un être vivant qui parle Qui vous parle, Qui souffre, qui gémit et qui meurt, Qui ressuscite et qui chante Au seuil de l’éternité Et vous emporte, Vous et les siècles des siècles, Du commencement à la fin » André Chouraqui , traducteur de la Bible 6 Des psaumes à découvrir, des psaumes à écrire Choisis une phrase qui te plait, qui te convient et écris un poème dans lequel cette phrase est insérée. "Je lève les yeux vers les montagnes. C’est de là que vient mon aide. Mon aide vient du Seigneur, celui qui a fait le ciel et la terre Psaume 121, 1-2 C'est sûr, bonheur et bonté iront vers moi tous les jours de ma vie, et j'habiterai dans la Maison de Yahvé tout au long des jours. Psaume 23,6 Le jour où je T'appelai, Tu m'as répondu, Tu m'as donné du courage en fortifiant mon être Psaume 138,3 Yahvé protège ceux qui l’ont choisi et rendra à l’orgueilleux tout ce qu’il mérite. Soyez forts, que vos cœurs soient forts, vous qui attendez Yahvé. Psaume 31, 24-25 Je suis plus sage que tous mes enseignants car Tes vérités sont le thème de mes réflexions. Psaume 119,99 Ta parole éclaire mes pas, Ta parole est une lumière pour ma route Psaume 119, 105 Les justes possèderont la terre, et ils y habiteront pour toujours. Psaume 37,29 Mon âme a soif du Dieu vivant. Quand le verrai-je face à face ? Psaume 42,3 L’angoisse de mon cœur augmente, j’étouffe ; fais-moi sortir, Regarde ma misère et ma peine, arrache moi de mes égarements. Psaume 25,17-18 Mon âme attend plus sûrement le Seigneur que les veilleurs n’attendent l’Aurore Psaume 130,6 7 A propos du Roi Messie Tu es beau, le plus beau des enfants des hommes…aussi tu es béni de Dieu à jamais Psaume 45,3 Le seigneur est mon berger, rien ne pourra me manquer Psaume 23,1 D’un cœur brisé, broyé, tu n’as pas de mépris. Psaume 51,19 Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant Psaume 84,3 Je crois et j’ai confiance, même lorsque je suis malheureux Psaume 116,10 Rends-moi la musique de la joie et de la fête Ne regarde pas mes crimes, oublie mes fautes Dieu me fait un cœur pur, un grand souffle neuf en moi Psaume 51,10 Il y avait ceux qui erraient dans le désert, Solitude dans le chemin Ils ne trouvaient pas une ville habitable. Faim et soif Tout en eux s’affaiblissait C’est là qu’ils ont crié vers Yahvé dans leur détresse il les délivre de cette angoisse Psaume 107,4-6 Détourne ta face de mes fautes et tout mon mal, efface-le Psaume 51,11 Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui donc subsistera ? Psaume 130,3 8 Seigneur, vers Toi j’ai crié, et tu m’as guéri Psaume 30,3 Merveilles que fit pour eux le Seigneur! Merveilles que fit pour nous le Seigneur, nous étions dans la joie Psaume 126,2 Regardez! Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble! Psaume 133,1 Bientôt, il n’y a plus de criminels Tu as beau chercher, il n’y en a plus Les humbles posséderont la terre, Il y a beaucoup de joie sur la terre. Psaume 37,10-11 Ceux qui sèment dans les larmes, moissonnent dans la joie Psaume126, 5 Les ténèbres n’ont aucune obscurité pour toi, la nuit s’illumine comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. Psaume 139,12 9 2. NOEL CHEZ LES MYSTIQUES RHENANS Introduction de l’ouvrage Noël chez Eckhart et les mystiques rhénans, Essai sur les origines de la spiritualité de Noël, Marie-Anne Vannier, Arfuyen, 2005 … Eckhart et les mystiques rhénans ont donné une remarquable expression du sens de la fête de Noël à partir de la naissance de Dieu dans l’âme, qui est une autre manière de parler avec saint Jean de la filiation divine ou d’affirmer avec saint Irénée que « Dieu s’est fait homme pour que l’homme participe à la vie de Dieu ». C’est ce remarquable approfondissement que reprend Marie-Anne Vannier à partir des trois naissances distinguées par Jean Tauler, sans en oublier les sources chez Origène et les Cisterciens, l’influence sur Angelus Silesius, Nicolas de Cues… On trouvera également des textes peu connus comme l’admirable hymne de Noël de Tauler, aujourd’hui encore chantée et donnée ici en bilingue : « Voici que nous vient un bateau, / Lourd d’un beau chargement. / Des nuées d’anges l’accompagnent / Et il dresse un grand mât. // Le bateau nous vient glissant, / Le batelet arrive à terre, / Il a ouvert grand le ciel / Et en apporte le fils » (tr. G. Pfister). Alors que dans les premiers siècles, l’année religieuse est centrée sur Pâques, la fête de Noël, commémorant le 25 décembre la Nativité du Christ, est introduite vers 336 comme début de l’année liturgique et va prendre au Moyen Âge une place de plus en plus importante. Le premier témoignage que nous ayons de la fête de Noël date de 354. Mais c’est principalement avec saint Léon le Grand que la fête de Noël se développe en Occident. Eckhart et Tauler qui sont avant tout des prédicateurs, s’attachent, comme Léon le Grand à donner à leurs auditeurs de vivre pleinement le mystère de Noël. Ils s’inscrivent dans le cadre liturgique qui, à leur époque est plus élaboré, pour aider leurs contemporains à entrer véritablement dans le mystère de Noël. Aussi ne s’intéressent-ils pas tant à la commémoration historique de l’Incarnation, à l’anniversaire de la naissance du Christ à Bethléem, qu’à son sens théologique et spirituel, ce qui les amène à considérer son origine dans la vie même de la Trinité. Dans la chrétienté médiévale, où le baptême n’a plus la même importance vitale pour la survie de l’église que dans les premiers siècles, la fête de Noël est ainsi, pour Eckhart et Tauler, l’occasion de rappeler le sens même de la vie chrétienne. Texte © Editions Arfuyen Nativité, Hortus Deliciarum 10 Maître Eckhart et la naissance de Dieu dans l’âme « Dieu, de toute éternité a engendré Son Fils. Il l’engendre encore maintenant et l’engendrera toujours éternellement. C’est ainsi que le Père enfante dans chaque âme bonne. Heureux celui qui doit ainsi enfanter Dieu dans son âme ! N’oublie donc pas d’être heureux, très profondément heureux, toi qui, dans ton âme, dois enfanter Dieu. Écoute. Annonciation, Le Caravage, Musée municipal de Nancy Ce que ton âme offre volontiers à Dieu ici-bas, elle en jouira par Lui dans la vie éternelle. C’est pour cela que Dieu a créé l’âme : pour y engendrer son Fils unique. Quand cette naissance eut lieu spirituellement en Marie, cela fut plus agréable encore à Dieu que lorsqu’il naquit d’elle corporellement. Et quand cette naissance a lieu aujourd’hui encore dans une âme bonne et aimante, cela est plus agréable à Dieu que lorsqu’il créa le ciel et la terre. Écoute encore. Dieu ne désire dans le monde entier qu'une seule chose, la seule dont il ait besoin, mais il la désire d'une façon si extraordinairement forte qu'il lui donne tous ses soins. Voici cette seule chose. C'est de trouver vide et préparé le noble fond qu'il a mis dans le noble esprit de l'homme, afin de pouvoir y accomplir son oeuvre noble et divine. Car Dieu a toute puissance au ciel et sur la terre. Seulement, une chose lui manque, c'est de ne pas pouvoir accomplir en l'homme la plus exquise de ses œuvres, sa propre naissance. Pour accueillir cette naissance, tu dois revenir en notre divine origine, commune à tous et chacun. Dès lors, il te faut entrer en toi pour sortir de toi-même. Si tu veux sortir de toi-même, tu dois alors renoncer à tout vouloir, désir et agir propres. Il ne doit plus rester en toi qu’une simple et pure recherche de Dieu, pour lui faire place de la façon la plus élevée et la plus intime avec Lui. Dieu pourra ainsi accomplir son œuvre, et naître en toi. » Extrait de Gottesgeburt, Lecture-concert, Le Rhin Mystique, Rémy Vallejo o.p. 11 L’hymne de Noël de Tauler Uns komt ein schif gewaren Es bringt ein schoenen last. Darruf vil engelscharen Und hat ein grossen mast. Voici que nous vient un bateau Lourd d’un beau chargement. Des nuées d’anges l’accompagnent Et il dresse un grand mât. Daz schif komt uns geladen Got vater hatz gesant, Ez bringt uns grossen staden, Jesum unsern heilant. Le bateau nous vient chargé, Dieu le Père l’a envoyé Il nous apporte un grand bien, Jésus notre Sauveur. Daz schif komt uns geflossen, Daz schiflein get am lant, Hat himel ufgeschlossen, Den sün heruz gesant. Le bateau nous vient glissant, Le batelet arrive à terre, Il a ouvert grand le ciel Et en apporte le fils. Marie hat geboren Uz irem fleisch un bluot Daz kindlin uz erkoren, War mensch und waren Got. Maria a engendré De sa chair et de son sang L’enfant élu entre tous, Vrai homme et vrai Dieu. Ez ligt in der wigen Daz liebe kingelin, Sin geist liubt wie ein spiegel : Gelobet muost du sin ! Il est couché dans son berceau L’aimable petit roi, Son esprit brille comme un miroir : Loué, loué sois-tu ! Maria Gotes muoter : Gelobet muost du sin ! Jesus ist unser bruoder, Daz liebe kindelin. Marie, Mère de Dieu, Louée, louée sois-tu ! Jésus est notre frère, Ah, l’aimable enfançon ! Möcht ich daz kindlin küssen An sin lieplichen munt: Und waer ich krank für gewisse, ich würd davon gensunt ! Puissé-je l’embrasser Sur sa mignonne bouche Serais-je bien malade Que j’en serais guéri. Maria, Gotes Muoter, Din lob ist also breit ! Jesus ist unser bruoder, Gibt dir gross wüdigkeit. Marie Mère de Dieu, De toutes parts louée ! Jésus est notre frère, Par lui sois glorifiée ! Trad. Gérard Pfister Extrait de Noël chez Eckhart et les mystiques rhénans, Marie-Anne Vannier, Arfuyen, 2005, p. 59-63 12 DEUXIEME PARTIE Sources populaires et littéraires du Mystère de Noël « Il a habité parmi nous » 1. LA TRADITION DE NOEL EN ALSACE La tradition de l’arbre de Noël « Le sapin de Noël surgissait droit devant nous. Rutilant du feu de cent lumières, il nous envoyait l’éclat de ses fruits d’or, de ses boules de verre couleur pourpre brillamment illuminées de l’intérieur, de ses branches d’un vert sombre courues de cheveux d’anges, qui sentaient bon la cire fondante et la résine fraîche mordue par la flamme. Au pied de l’arbre incandescent s’entassait une montagne de cadeaux enveloppés de papier de soie et ornés de rubans aux nœuds immenses. Le sapin vosgien, levant ses sept bras d’archange, emplissait de ses ramures aux longues aiguilles d’émeraude la moitié de la chambrette, qui paraissait incendiée par cette splendeur d’outre-monde. Le ciel étoilé lui-même était descendu ce soir sur la terre hivernale. Il scintillait de toute sa force, dans l’embrasement de l’arbre des montagnes au visage transfiguré de séraphin ! Jamais je n’avais vu surgir devant mes yeux un être créé d’une telle beauté. » Christkindel et Hans Trapp, Gouache sur papier 1902, Paul Kauffmann (vers 1849-1939), Strasbourg, MAMCS - Cabinet d’arts graphiques Claude Vigée évoque avec émotion ses souvenirs de la veillée de Noël en Alsace quand, petit garçon juif, il était invité à partager la fête chez ses voisins catholiques de Bischwiller. Un récit évocateur et enchanteur, dans une langue magnifique. Claude Vigée, Le buisson ardent, 1970, Mon heure sur la terre, Galaade Editions, pp. 808 – 820, 2008 Bref historique Dès l’Antiquité, les romains ornaient le 1er janvier leurs maisons de branches de conifères en l’honneur du dieu Janus. C’était un acte magique aidant à capter la longévité de la plante. Cette coutume s’est perpétuée dans les maisons des particuliers jusqu’à la Renaissance puisque Sébastien Brant la cite dans ses écrits en 1494. En revanche, les corporations ont dressé dans leurs salles de réunions des sapins décorés dès la fin du XVème siècle. 13 Le sapin de Noël est un arbre décoré. Et c’est précisément cette décoration qui lui donne une dimension explicitement chrétienne. Pour en retrouver l’origine, il faut remonter aux « mystères » du Moyen-Age. Sur le parvis des églises alsaciennes, le 24 décembre, on voyait représentée l’histoire d’Adam et Eve chassés du Paradis , avec bien entendu l’arbre « du bien et du mal », souvent un sapin auquel on accrochait une ou plusieurs pommes. Peu à peu, la les pays rhénans du Paradis » dans suspendre des pommes. Ainsi, le symbole du celui du Salut On y ajouta par la pour rappeler bougies pour désormais « la coutume s’installa dans de dresser cet « arbre les maisons, d’y hosties à côté des sapin portait à la fois le « péché originel » et apporté par le Christ. suite des roses de papier l’arbre de Jessé, des manifester que lumière brille dans les La fête de Noël dans une famille d’artisans, vers 1840 ténèbres » (Jean 1,5), puis des noix, symbole de la fécondité, des objets en paille, espoir des futures récoltes, des jouets … Quelques dates • Dès 1521, il fallut prendre des dispositions pour limiter l’abattage illicite des sapins aux approches de Noël dans les forêts alsaciennes. • Un auteur anonyme décrit en 1605 un sapin richement décoré aperçu à Strasbourg, mais c’est seulement au XVIIème siècle que l’on mentionne les bougies. • Le premier arbre de Noël sera dressé à Paris en 1840, dans le jardin des Tuileries, grâce à la duchesse d’Orléans, originaire d’Allemagne. • C’est seulement après 1870 qu’il se popularisera peu à peu en France, et c’est également au XIXème siècle qu’il se répandra en Angleterre et en Amérique. D’après Annales d’Issoudun, Décembre 2009 La tradition du pain d’épices En alsacien, on les appelle « Lebküeche ». Ce mot vient sans doute de l'ancien allemand « lebbe » qui signifie doux, sucré. Déjà les Grecs, les Romains et les peuplades germaniques faisaient des gâteaux au miel. Ceux des Germains revêtaient la forme d'un disque qui symbolisait le soleil. Dans nos contrées, on les épiçait à l'origine avec de l'anis. Après les croisades, l'Europe découvrit les épices de l'Orient qui vinrent, à partir de Venise jusqu'à Nuremberg, considérée, au XVe siècle, comme la capitale des pains d'épices. A cette époque, la ville allemande possédait déjà une corporation de 14 « Lebküchler » (confectionneurs de pains d'épices). Mais d'autres villes avaient acquis une solide réputation dans le domaine : Aix-la-Chapelle, Thor, Offenbach, Ulm, Erlangen, Metz, Verdun et Bâle dont la tradition se perpétue avec les célèbres « Leckerli » A la même époque, il existait aussi des « Lebkuechler » à Strasbourg, qui, d'abord membres de la corporation des boulangers, furent attachés à celle des pâtissiers lors de la séparation des deux professions, en 1476. Ce sont donc ces derniers qui, en général, confectionnaient les pains d'épices dont on connaît même une recette : du miel, de la cannelle, quelques noix, des clous de girofle, autant de gingembre et beaucoup de farine. On leur avait, à cette époque, déjà, confié la délicate mission de réjouir les grands et les petits, à partir de la Saint-Nicolas jusqu'à la fête des Rois-Mages. C'est dans cet ordre d'idées qu'on les trouve dès 1453, à Noël, sur la table des moines cisterciens de Marienthal … Leur importance fut telle que Geiler de Kaysersberg crut devoir en faire le titre d'un sermon. Il les y compara à Jésus-Christ, avec lequel il leur trouva vingt et un points communs. Ils laissèrent d'ailleurs des traces parmi les noms de famille. On considère, en effet, que « Letzelter » est dérivé de « Lebzelter », soit « Lebkuechler ». Au XVIIe siècle, ils formaient même un élément important de la cuisine. On les durcissait au four, pour ensuite les écraser en vue de les utiliser, notamment pour faire des gelées de fruits On cite, en général, deux sortes de formes de pains d'épices : les langues et les coeurs. On peut y ajouter les petits fours et les « Rübeltzle » (Pères-Noël) ou « Niklausle » (Saints-Nicolas). Les premières, glacées de sucre blanc sur le dessus, minces ou épaisses, dures ou molles, s'offrent, par petits paquets, à Noël et au Nouvel An, alors qu'on trouve les autres de la Saint-Nicolas jusqu'à Noël, à l'exception des coeurs qui, géants ou moyens, apparaissent à l'occasion des « Messti » ... François Voegling, Pain d’épices, La gastronomie alsacienne, DNA, 1978 Le marché de Noël Christkindelmärik, Gouache sur papier 1902, Paul Kauffmann (vers 1849-1939), Strasbourg, MAMCS - Cabinet d’arts graphiques Longtemps les cadeaux ont été distribués le jour de la Saint-Nicolas. Pour se procurer les objets et les friandises nécessaires, les parents se rendaient au « Nikolausmarkt », marché de la Saint-Nicolas, qui battait son plein à ce moment-là. Mais en 1570, un prédicateur protestant du nom de Johannes Flinner monta en chaire à la cathédrale de Strasbourg et se mit à critiquer sévèrement l’habitude de remettre les cadeaux aux enfants le jour de la Saint-Nicolas, disant que saint Nicolas est un « morceau du levain des Pharisiens », qu’il est un élément du papisme et qu’il fallait dire aux enfants que c’est l’enfant Jésus qui leur faisait des cadeaux et non Saint-Nicolas. Le sermon eut un tel impact sur les fidèles présents, que lors de la réunion du Conseil des XXI le jour du 4 décembre 1570, la question fut abordée … 15 Après discussion, le Conseil des XXI décida « que l’on doit supprimer la Saint-Nicolas, et l’interdire, mais l’on doit autoriser les marchands à tenir leur marché trois jours avant ... » Ainsi, à partir de décembre 1570, le marché de Saint-Nicolas a été remplacé par celui de l’enfant Jésus (Christkindlein), la remise des cadeaux s’est progressivement déplacée de la Saint-Nicolas à la veille de Noël ou au jour même de Noël. Sous l’influence du protestantisme strasbourgeois, luttant contre les coutumes catholiques, naît une nouvelle tradition. Extrait de Noël Wihnachta en Alsace ,Gérard Leser, 2006, pp32-33. Les personnages emblématiques de Noël en Alsace Saint Nicolas Le personnage historique de Nicolas est mal connu. Il est né vers 270 à Patara, une cité de Lycie, au sud-ouest de l'Asie Mineure et mort entre 345 et 352 dans la ville portuaire de Myre (Demre, Turquie), en Asie Mineure, dont il était évêque. Il semble qu’il ait été en bute aux persécutions de l’empereur Dioclétien. Arrêté et emprisonné, il fut contraint à vivre un certain temps en exil. En 313, l'empereur Constantin établit la liberté religieuse et Nicolas revient à Myre pour y exercer son autorité. Il participa sans doute, en tant qu’évêque, au 1er Concile Œcuménique de Nicée en 325 (mais son nom n’est pas mentionné dans l'ancienne liste des évêques). Saint Nicolas de Myre Fresque de l'Abbaye Notre-Dame du Bec (France) Après sa mort, le culte de Nicolas s’étendit très rapidement. C’est l’une de ces figures de saint que la tradition populaire a chargée de nombreux faits et légendes, ce qui en fit, au fil du temps, un des saints la plus populaires de la chrétienté. Chaque épisode de sa vie a donné lieu à un patronage ou une confrérie d'un métier ou d'une région. C'est aussi l'un des saints le plus souvent représenté dans l'iconographie religieuse : sur les vitraux des églises, dans les tableaux, en statue, sur les taques de cheminée, les images d'Epinal sur pain d’épice … On dit que le jour de sa naissance, il se tint debout dans le bain… Devenu grand, il évitait les divertissements et préférait fréquenter les églises… Collégiale Saint-Martin, Colmar, tympan de Saint-Nicolas, 1270 Il aurait ressuscité 3 enfants qu´un aubergiste avait assassiné et caché dans son saloir… Mais l’épisode « légendaire » le plus important attaché à la vie du personnage est celui des trois jeunes filles : un père, noble appauvri et endetté, vivait autrefois à Patara avec ses trois filles ; pour améliorer la situation familiale, il était sur le point de prostituer ses filles ou de les vendre comme 16 esclaves, lorsque Nicolas eut vent de l’affaire. Trois nuits de suite, il alla jeter par la fenêtre de la chambre à coucher de l’or et de l'argent, avec lequel le père put non seulement rembourser ses dettes, mais encore doter ses trois filles afin de les marier correctement et de leur trouver une bonne situation. Certaines versions de cette histoire racontent que saint Nicolas aurait jeté les pièces d'or par la cheminée... Rapidement, son culte s´étend en Orient et il devint le saint patron de la Russie. Au début du VIè siècle, l'empereur Justinien construit une église en son honneur à Constantinople. Les légendes traditionnelles à son sujet furent pour la première fois recueillies et écrites en Grèce par Metaphrastes au Xème siècle. Lorsqu’en 1087 les Sarrasins s’emparent de Myre, des marins italiens emportent ses ossements à Bari (d’ou le nom de saint Nicolas de Bari dans certaines régions…) En Allemagne, son culte s’étend à partir du règne déjà sous Otto II, probablement à cause de son épouse, la grecque Théophane. Au fil des siècles la légende disparaît peu à peu, à l'exception d'un épisode conté par Saint Bonaventure au XIIIe siècle. Celle des enfants enlevés, tués, mis au saloir et sauvés par le saint Nicolas qui leur rendit la vie. C'est la légende la plus marquante sur Saint Nicolas. La légende des trois petits enfants La légende de Saint Nicolas raconte que le saint ait ressuscité trois petits enfants qui étaient venus demander l’hospitalité à un boucher. Celui-ci les accueillit et profita de leur sommeil pour les découper en morceaux et les mettre au saloir. Sept ans plus tard, Saint Nicolas passant par là demande au boucher de lui servir ce petit salé vieux de sept ans. Terrorisé, le boucher pris la fuite, et Saint Nicolas fit revenir les enfants à la vie. Cet épisode est aujourd’hui le plus célèbre concernant le personnage de Nicolas de Myre, et est à l’origine de la célèbre chanson qu’autrefois l’on apprenait dans toutes les maternelles. L’arrivée de Saint Nicolas, Gouache sur papier 1902, Paul Kauffmann (vers 1849-1939), Strasbourg, Cabinet des Estampes et des Dessins 17 Saint Nicolas en Alsace Lorraine En Allemagne, en Suisse et dans l'est de la France surtout en Lorraine et en Alsace, c'est Saint Nicolas, patron des enfants, qui apporte les présents. Dans ces régions la date du 6 décembre, fête de la Saint Nicolas, revêtait jadis autant d'importance, si ce n'est pas plus que Noël, le 25 décembre (particulièrement en Suisse). Saint Nicolas faisait le tour des villes, visitait les écoles maternelles, distribue des friandises aux enfants (du pain d'épices, des oranges et de mandarines) et se voit remettre les clés de la ville par le maire. Chars, défilés prestigieux, feux d'artifices accompagnaient souvent le cortège du saint qui faisait équipe avec un personnage sinistre, le père Fouettard. Celui-ci, tout vêtu de noir était chargé de distribuer les coups de trique aux garnements qui n’avaient pas été sages et d’effrayer les autres pour rendre la figure du saint plus sympathique…. Saint Nicolas va aussi de maison en maison dans la nuit du 5 au 6 décembre pour demander aux enfants s'ils ont été obéissants. Les enfants sages reçoivent des cadeaux, des friandises et les méchants reçoivent une trique donnée par le Père Fouettard. Hans Trapp Hans Trapp serait une figure faisant référence à un personnage historique : il Le seigneur Hans von Trotha a vécu au XVè et habitait un château près de Wissembourg, dans le Palatinat : le château de Berwartstein. Il avait aux yeux des Wissembourgeois une réputation exécrable, car la ville lui disputait la propriété du château : l’abbaye de Wissembourg avait en effet acquis la forteresse, mais suite à divers conflits l’avait perdu, tout en en restant le propriétaire légal. En 1480 L'électeur palatin Philipp I Le Franc, prêta Berwartstein au chevalier thuringien Hans von Trotta et le lui vendit cinq ans après, malgré les protestations de Wissembourg. Von Trotta était entre-temps devenu maréchal du Palatinat. Von Trotta fit du château une véritable forteresse adaptée à l’artillerie, entendant bien le garder. Malgré tous leurs efforts, les abbés de Wissembourg n'arrivèrent pas à récupérer Berwartstein. La position de Hans von Trotha dans l’échiquier politique de ces années là fut tellement protégée, que même un anathème du pape et les tentatives de conciliation de l'empereur Maximilien restèrent sans succès. Il fallut attendre la mort du maréchal en 1503 pour obliger ses successeurs de rendre aux abbés quelques villages, domaines et droits, mais le château de Dans un village d’Alsace... 1953 Berwartstein resta la propriété des von Trotha. 18 En tout cas, la réputation de von Trotta auprès des Wissembourgeois fut exécrable de son vivant, et empira après sa mort… On raconte qu’il aurait assiégé la ville de Wissembourg et construit un barrage sur la Lauter afin de priver d'eau la ville, le monastère et ses habitants. Puis, après plusieurs semaines, le barrage étant rempli, il aurait lâché l’eau pour inonder la cité… Pendant de longues années il aurait fait régner la terreur dans la région… Ainsi la figure historique de Hans von Trotha est devenu le Hans Trapp qui la veille de Noël emporte les méchants enfants dans son sac. Jadis, il venait dans les maisons et faisait réciter une poésie ou une prière, et si les enfants ne le savaient pas, il les fouettait … Christkindel L’origine de la tradition du « Christkindel », l’« l’EnfantChrist » est à rechercher dans la Réforme protestante. À la fin du XVIe siècle, la Réforme veut remplacer Saint Nicolas, dont elle trouve la célébration trop païenne, par le Christkindel, personnage qui doit rappeler le don de Dieu fait aux hommes. La tradition évolue au fil des siècles et fait oublier ce pieux changement. C’est sans doute la figure la plus énigmatique de tous les personnages qui peuplent la période de Noël. Très attendu dans les maisonnées alsaciennes il y a encore à peine 50 ans, il est aujourd'hui inconnu de la plupart des enfants. Cette figure est-elle la survivance d’une figure féminine qui incarne la fertilité et annonce le nouveau cycle de la nature, ou s’agit-il de Sainte Lucie, toujours majestueusement fêtée dans les pays scandinaves ? À partir du XIXe siècle, le Christkindel est représenté sous les traits d’une jeune fille voilée, tout de blanc vêtue, parée d’une couronne dorée faite de branches de sapin et ornée de 4 bougies et tenant en main un bâton avec une étoile. Elle venait s’approvisionner en présents (des « bredele » et des mandarines) à l’intention des enfants sages. À ses côtés, le redoutable Hans Trapp continue à jouer le rôle du Père Fouettard. La veille de Noël en Alsace M.T. Schuler, Gravure extraite du «Journal illustré », 1875. 19 Un conte de Noël : Les deux sapins de Sainte-Aurélie à Strasbourg Le soir de Noël, l’enfant pauvre allait de porte en porte, il frappait et disait : - Voulez-vous mes deux petits sapins ? … Vous y attacherez des boules d’or et des étoiles de papier … c’est bien amusant pour les enfants … Mais à chaque maison, les gens lui répondaient : - Il est trop tard, petit. Il y a longtemps que les arbres de Noël sont achetés ! … Passe l’an prochain ! Et l’enfant se désespérait, car il n’y avait pas de pain chez lui. Son père était très vieux, sa mère malade, et les deux autres enfants au berceau. Il savait que lui seul pouvait gagner quelque argent afin de nourrir les siens, et malgré la grande froidure, il errait dans les rues, toujours en quête d’une maison où l’on voudrait lui acheter ses sapins qu’il avait cueillis à l’orée du bois, à la nuit tombante, à l’heure où l’on entend la plainte lugubre des loups affamés. Après bien des demandes et bien des réponses indifférentes ou dures, il se trouva devant la maison d’Eidel, le jardinier. A-t-on jamais eu l’idée de vendre des sapins à l’homme dont c’est le métier de les faire pousser ? Le pauvre innocent frappa et la grosse voix d’Eidel lui répondit : - Qui frappe à pareille heure ? L’enfant n’osa répondre. - Mais qui frappe chez moi quand je veux être en paix ? reprit Eidel et ses sabots claquèrent sur le plancher. Il ouvrit sa grande porte, et l’humble quémandeur aperçut un arbre magnifique, tout rutilant, tout chargé de richesses et qui jeta sa vive lueur jusque dans la rue déserte. Et trois enfants assis près d’un bon feu regardaient au foyer la dinde de Noël qui cuisait dans son jus. - Qu’est-ce que tu veux, petit ? demanda Eidel, tu as l’air d’un béjaune avec tes deux sapins rabougris ! L’enfant se tenait tout triste, sans rien dire, parce qu’il comprenait que sa dernière espérance s’était envolée. - Le froid entre chez moi, reprit le jardinier. Parle vite ou je te ferme la porte au nez ! C’était un homme qui avait le ton bourru. Autant dire qu’il était bon. Il regarda le déshérité qui avait l’âge de ses enfants, et qui, pieds nus dans la neige, n’osait même pas lever les yeux. Il songea qu’une fois sa mort venue, peut-être les siens viendraient-ils, les soirs de neige, mendier chez les autres. Il parla d’une voix radoucie. - Que veux-tu ? Je te donnerai suivant mon possible … - Vendre mes deux sapins pour Noël … mais le vôtre est bien plus beau. - N’importe ! dit Eidel. Donne-les-moi ! Et il alla quérir une pièce d’or qu’il gardait en réserve dans un tiroir. Ce que voyant, le pauvre petit ne pouvait en croire ses yeux, et pensait que l’homme se moquait de lui. 20 Mais les enfants lui donnèrent chacun une cuisse de la dinde, et la mère, dans un bol, une part de bonne soupe chaude, et le chien aussi fut aimable pour lui et lécha bonnement ses mains rougies par le froid. Alors il osa croire à sa joie, il remercia du mieux qu’il pût et rentra chez lui, heureux comme une alouette au printemps. (Le chien l’accompagna jusqu’à la porte par criante de mauvaises rencontres). Cependant Eidel, qui n’aimait pas les attendrissements, jeta dans un coin les deux sapins du pauvre, et se mit à table. Le repas fut bon, la dinde bien cuite, le vin bien frais, puis chacun s’en fut se coucher. Le lendemain matin, jour de Noël, Madame Eidel balaya soigneusement sa maison, car les jours de fête sont des jours où l’on combat le désordre et elle poussa les deux sapins dans la rue. Ses enfants qui se battaient dans la neige, en attendant l’heure de la messe, prirent les deux arbustes et par jeu, pour imiter leur père, s’en furent les planter derrière l’église. Et les cloches sonnèrent. La foule prit place dans la nef et les bas-côtés. Eidel, au banc d’œuvre, avec sa belle redingote priait Dieu pour sa famille. Les chants célébraient la gloire du Sauveur des hommes et le jardinier se disait qu’on n’est jamais trop bon pour les enfants pauvres, puisqu’ils sont les frères véritables de celui qui est né dans une étable parce qu’on voulait de lui nulle part. Mais quand la messe fut dite, quand les cierges furent éteints, l’encens dissipé, l’église désertée, la foule sur la place cria au prodige. Deux sapins hauts comme le clocher, aux troncs tout droits comme des mâts de navires, aux branches vastes et lourdes, s’élevaient au ciel. Et dans l’air pur de noël, les oiseaux chantaient la gloire des charitables : de ceux qui aiment leur prochain. Et l’on vit la colombe d’un vitrail s’animer soudain, voler au faîte de chaque sapin, battre des ailes par trois fois et revenir prendre place au vitrail chrétien ! Ayez la foi, l’espérance et la charité ! Jean Varior, Légendes et traditions orales d’Alsace, tome 3, 1919, pp. 213-217 Des poètes d’Alsace disent Noël De Nathan Katz (né à Waldighoffen en 1892 et mort à Mulhouse en 1981) à Roland Engel (né à Bischheim en 1948), les poètes d’Alsace évoquent Noël. Wiehnächtsnacht D’Glocke lütte d’Wiehnacht i --Still heer i di geh, Herr Jesis, dusse dur d’Nacht. Arem, bleich, läufsch dur d’Gasse duss Mi dim mitlidige Harz.Dur Schnee un Sturm.Millione Mensche lide. De weisch’s. Millione gehn unger in Chrieg un Verbäuscht. De weisch’s. Hass isch un Eland dur d’ganzi Walt.De weisch’s.Verlosse n irsch, Herr Jesis, dusse dur d’Nacht.- 21 Nuit de Noël Le son des cloches ouvre la nuit de Noël En silence, je t’entends marcher, Seigneur Jésus, au-dehors, dans la nuit Pauvre, blême, c’est ainsi que tu vas à travers les petites rues, Le coeur plein de miséricorde. A travers la neige et la tempête. Des millions d’hommes souffrent. Tu le sais. Des millions d’hommes périssent par la guerre et Tu le sais. La haine et l’envie règnent dans le monde entier. Tu le sais. par l’envie. Abandonné tu erres, Seigneur Jésus, au dehors dans la nuit. Nathan Katz Es wurd Wihnachte Es wurd Wihnachte S'blost e nejer Wind Wenn mr d'Angscht vertriebt Un macht de Find ze Frind Jeder kan füer d'andre E echter Engel sin... Bringt in s'Lewe vom andre Wieder Hoffnung un Sin Es wurd Wihnachte Wenn de Hass verschwind Wenn endlich d'Menschheit De Wäj züe de Lieb find Wenn s'ken Ungerichtichkeit Ken armuet meh gibt Wenn s'riche Land im arme Nim in de Hintre tritt Es wurd Wihnachte Wenn de Kriej verschwind Kommt endlich die Zit Wie Friede mit sich bringt Jesüs isch gebore Mer fiere die Geburt Gott isch uf d'Welt rab komme Das d'Menschheit menschlich wurd Gloria in exelsis Deo ! Alleluia ! Roland Engel 22 2. LA CATHEDRALE DE STRASBOURG DANS LA LITTERATURE Nombreux sont les auteurs qui évoquent la cathédrale de Strasbourg dans leurs écrits. A un peu plus d’un siècle de distance, voici en extrait du récit de Victor Hugo et un poème de Hans Arp. « Tout-à-coup, à un tournant de la route, une brume s’est enlevée, et j’ai aperçu le Munster. Il était six heures du matin. L’énorme cathédrale, le sommet le plus haut qu’ait bâti la main de l’homme après la grande pyramide, se dessinait nettement sur un fond de montagnes sombres d’une forme magnifique, dans lesquelles le soleil baignait çà et là de larges vallées. L’œuvre de Dieu faite pour les hommes, l’œuvre des hommes faite pour Dieu, la montagne et la cathédrale, luttaient de grandeur. Je n’ai jamais rien vu de plus imposant. […] Hier, j’ai visité l’église. Le munster est véritablement une merveille. Les portails de l’église sont beaux, particulièrement le portail roman, il ; y a sur la façade de très superbes figures à cheval, la rosace est noble et bien coupée, toute la face de l’église est un poème savamment composé. Mais le véritable triomphe de cette cathédrale, c’est la flèche. C’est une vraie tiare de pierre avec sa couronne et sa croix. C’est le prodige du gigantesque et du délicat. J’ai vu Chartres, j’ai vu Anvers, il me fallait Strasbourg. L’église n’a pas été terminée. L’abside, misérablement tronquée, a été arrangée au goût du cardinal de Rohan, cet imbécile, l’homme du collier. Elle est hideuse. Le vitrail qu’on y a adapté a un dessin de tapis courant ; c’est ignoble. Les autres vitraux sont beaux, exceptées quelques verrières refaites, notamment celles de la grande rose. Toute l’église est honteusement badigeonnée ; quelques parties de sculpture ont été restaurées avec quelque goût. Cette cathédrale a été touchée par toutes les mains. La chaire est un petit édifice du quinzième siècle, gothique fleuri, d’un dessin et d’un style ravissants. Malheureusement on l’adorée d’une façon stupide. Les fonts baptismaux sont de la même époque et supérieurement restaurés. C’est un vase entouré d’une broussaille de sculpture la plus merveilleuse du monde. […] Les statues me disent beaucoup de choses ; aussi j’ai toujours la manie de les questionner, et quand j’en rencontre une qui me plaît, je reste longtemps avec elle. J’étais donc en tête à tête avec le grand Erwyn, et profondément pensif depuis plus d’une grosse heure, lorsque un bélître est venu me déranger. C’était le suisse de l’église qui, pour gagner trente sous, m’offrait de m’expliquer sa cathédrale. Figurez-vous un horrible suisse mi-parti d’allemand et d’alsacien, et me proposant ses explications – Monsir, fous afre pas fu lé champelle ? – J’ai congédié assez rudement ce marchand de baragouin. Je n’ai pu voir l’horloge astronomique qui est dans la nef et qui est un charmant petit édifice du seizième siècle. On est en train de la restaurer, et elle est recouverte d’une chemise en planches. L’église vue, je suis monté sur le clocher. Vous connaissez mon goût pour le voyage perpendiculaire. Je n’aurai eu garde de manquer la plus haute flèche du monde. Le Munster de Strasbourg a près de cinq cents pieds de haut. Il est de la famille des clochers accostés d’escaliers à jour. C’est une chose admirable de circuler dans cette monstrueuse masse de pierre toute pénétrée d’air et de lumière, évidée comme un joujou de Dieppe, lanterne aussi bien que pyramide, qui vibre et palpite à tous les souffles du vent. Je suis monté jusqu’en haut des escaliers verticaux. J’ai rencontré en montant un visiteur qui descendait tout pâle et tout tremblant, à demi porté par son guide. Il n’y a pourtant 23 aucun danger. Le danger pourrait commencer au point où je me suis arrêté, à la naissance de la flèche proprement dite. Quatre escaliers à jour, en spirale, correspondant aux quatre tourelles verticales, enroulés dans un enchevêtrement délicat de pierre ouvragée et amenuisée, s’appuient sur la flèche, dont ils suivent l’angle et rampent jusqu’à ce qu’on appelle la couronne, à environ trente pieds de distance de la lanterne surmontée d’une croix qui fait le sommet du clocher. Les marches de ces escaliers sont très hautes et très étroites, et vont en se rétrécissant à mesure qu’on monte. Si bien qu’en haut elles ont à peine la saillie du talon. Il faut gravir ainsi une centaine de pieds, et l’on est à quatre cents pieds du pavé […] D’où j’étais la vue est admirable. On a Strasbourg sous ses pieds, vieille ville à pignons dentelés et à grands toits chargés de lucarnes, coupée de tours et d’églises, aussi pittoresque qu’aucune ville de Flandre. L’Ill et le Rhin, deux jolies rivières égaient ce sombre amas d’édifices de leurs flaques d’eau claires et vertes. Tout autour des murailles s’étend à perte de vue une immense campagne pleine d’arbres et semée de villages. Le Rhin, qui s’approche à une lieue de la ville, court dans cette campagne en se tordant sur lui-même. En faisant le tour du clocher trois chaînes de montagnes, les croupes de la Forêt Noire au nord, les Vosges à l’ouest, au midi les Alpes. » Me voilà à Strasbourg, Victor Hugo, Le Rhin, 1839 Cathédrale Notre-Dame, aquarelle, Jean-Paul Ehrismann 24 La cathédrale est un cœur Comment ai-je pu dire que la cathédrale de Strasbourg était un cœur ? Pour la même raison que vous pourriez dire que nous sommes une branche d’étoiles que les anges ont des mains de poupée que le bleu est en danger de mort qu’il déteste les surhommes et qu’il préfère les hommes de neige qui fondent sur une plage d’été entourés de lampes à pétrole. La cathédrale est un cœur. La tour est un bourgeon. Avez-vous compté les marches qui mènent à la plate-forme ? Elles deviennent chaque soir de plus en plus nombreuses. Elles poussent. La tour tourne et tourne autour d’elle. Elle tourne elle pousse elle danse avec ses saintes et ses saints avec ses cœurs. S’envolera-t-elle avec ses anges La tour de la cathédrale de Strasbourg ? La cathédrale de Strasbourg est une hirondelle. Les hirondelles croient aux anges des nuages. Les hirondelles ne croient pas aux échelles. Pour monter en l’air elles se laissent tomber en l’air dans l’air tissé de bleu infini. La cathédrale de Strasbourg est une hirondelle. Elle se laisse tomber dans le ciel ailé Dans l’air des anges. Jean Hans Arp, Jours effeuillés, Gallimard, 1966 25 3. LE CYCLE DE NOEL : ACTIVITES PEDAGOGIQUES MOTS MELES Règle du jeu : Dans la grille de mots mêlés, retrouvez les mots liés à Noël indiqués dans ces listes. Les mots marqués d’une (<) sont écrits à l’envers dans la grille. Vous pourrez ensuite prendre le temps de vous demander pourquoi tel ou tel terme est associé à la fête de Noël... ORANGES WIEHNACHT POMME (<) SAPIN AVENT NATIVITE NAISSANCE AVE CIEL SAUVE VIE PAIX REVEILLON NOEL ETOILE EPICES BUCHE (<) HOSTIE W Z R O R A N G E S I U N A E M M O P H E K A V E N T X I O H S T E M P G B C S N A I S S A N C E T A P V Q A I M N S I C I E L U X J O R E H N T B V I E E F W T R E V E I L L O N E T O I L E H C U B 26 QUESTIONNAIRE 1. Qui a fixé la date de Noël au 25 décembre ? les romains l’Eglise 2. Que signifie le mot Noël ? jour de naissance nouveau jour premier jour 3. Depuis quand l’Eglise fête-t-elle Noël ? depuis le IVème siècle depuis le XIème siècle 4. Combien existe-t-il de psaumes ? 72 103 depuis le XVème siècle 150 5. St Nicolas a-t-il existé ? oui non 6. Quelle est la ville d’Alsace qui a inventé la légende du Hans Trapp ? Kayserberg Altkirch Wissembourg 7. Par qui a été imaginé le personnage de Christkindel ? par les catholiques par les protestants 8. Quand le marché de Noël de Strasbourg a-t-il eu lieu pour la première fois ? 1120 1805 1570 9. Que symbolise à l’origine l’arbre de Noël (Wihnachtsbauïm) ? l’arbre de l’enfantement l’arbre du Paradis 10. Quand apparaît la tradition du sapin de Noël ? 1354 1521 1870 11. Quand le sapin de Noël a-t-il été installé pour la première fois à Paris ? au XVII ème siècle au XVIII ème siècle au XIXème siècle 12. Quand l’arbre de Noël devient-il obligatoire dans les écoles d’Alsace ? en 1669 en 1870 13. Quels sont les premiers décors de l’arbre de Noël ? pommes et hosties boules de Noël 14. Quelle pièce de théâtre jouée pendant 40 ans évoque la fidélité des Alsaciens à la tradition de l’arbre de Noël ? Enfin, redde m’r nimm devun Le Père Noël est une ordure Le voyage de Noël 15. D’où vient la tradition de la bûche de Noël ? une tradition de bûcherons une bûche déposée dans l’âtre avant la messe de minuit pour réchauffer la maison 16. Quel saint fête-t-on le 26 décembre ? Saint Jean Saint-Etienne Saint-André 27 17. Que signifie le mot « crèche » ? mangeoire étable grotte 18. Où est représentée à la cathédrale la scène des rois mages ? portail Saint-Laurent chapelle Sainte-Catherine chapelle Saint-Jean-Baptiste 19. Où se trouve à la cathédrale une nativité peinte de l’école de Schongauer ? sur une tapisserie au dessus de l’entrée de la chapelle Saint-André 20. De quelle époque date la confection des tapisseries exposées dans la cathédrale durant le temps de l’Avent ? XVIIème siècle XVIIIème siècle Réponses 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. l’Eglise jour de naissance (dies natalis) depuis le IVème siècle 150 oui ; c’est le personnage historique de l’évêque de Myre, né vers 270 Wissembourg par les protestants contestant que Saint-Nicolas puisse apporter des cadeaux. C’est le Christ qui offre des cadeaux. 8. 1570 9. l’arbre du Paradis 10. 1521 11. au XIXème siècle (1840) 12. après 1870, Guillaume II voulant insister sur l’origine « germanique » des traditions d’Alsace 13. pommes (tentation) et hosties (rédemption) 14. Enfin … redde m’r nimm devun 15. une bûche, parfois aspergée d’eau bénite, déposée dans l’âtre 16. Saint-Etienne, premier témoin (martyr) de la chrétienté 17. mangeoire (cripia) 18. portail Saint-Laurent 19. au-dessus de l’entrée de la chapelle Saint-André 20. confection : XVIIème (1638-1657); elles sont arrivées à la cathédrale au XVIIIème (1739). La tradition des papiers découpés ou canivets. Canivet est le nom donné à une image pieuse dont les bords ou le fond sont découpés comme de la dentelle. À l'origine il s'agissait d'une image de papier découpé finement au canif d'où le nom. Le canivet désigne également l'outil (lame ou point fine) qui permet le découpage. Par la suite les découpages en dentelles se firent mécaniquement. Ce mot est à l'origine de « canivetie » qui désigne l'activité de collectionner des images pieuses (collectionneur = canivetiste). Les papiers découpés permettent de réaliser un joli décor de fenêtres pour Noël. 28 29 30 TROISIEME PARTIE Sources théâtrales du Mystère de Noël « Il a habité parmi nous » 1. LES MYSTERES, UN GENRE THEATRAL DU MOYEN – AGE Le mystère est un genre dramatique qui nous vient du Moyen - Age. Le théâtre médiéval entretient à l'origine des rapports étroits avec l'Eglise et son rituel. La messe, centre de la liturgie chrétienne, a donné naissance au drame liturgique par le développement progressif de passages dialogués : les tropes. Les premiers tropes remontent sans doute au Xème siècle. Ils s'inscrivent dans les grandes célébrations : Pâques, Epiphanie, Nativité. Au début, il s'agit d'une liturgie théâtralisée, plutôt que de théâtre proprement dit. Toutes ces "dramatisations" se déroulent dans l'église, la langue utilisée est le latin, les acteurs sont des membres du clergé et les thèmes sont liés au culte. Dès le XIIème siècle se développent des processions plus élaborées dramatiquement qui vont progressivement conduire à un véritable théâtre religieux dans la langue du peuple. Dans toute l'Europe, ces expressions théâtralisées passeront du choeur à la nef des églises, pour gagner le parvis et la rue. Pour compléter l'enseignement des bas-reliefs et des vitraux, les jeux du XIIIème siècle présenteront l'histoire sainte de façon divertissante. Au XIVème siècle, les porches et les parvis des églises, les places des cités de France, d'Italie, d'Angleterre ou d'Espagne vont accueillir les miracles. Ces manifestations dramatiques deviendront les mystères au XVème siècle et à la première moitié du XVIème siècle. Clercs et magistrats municipaux ont mis en commun leurs ressources pour donner aux fêtes, tant civiles que religieuses, un éclat qui rehausse le prestige de la cité. Les drames liturgiques laisseront place à des tableaux vivants, qui s'animaient, se mêlaient aux processions, s'ordonnaient en jeux scéniques, s'enrichissaient d'un dialogue, d'une musique, d'un décor. Une fresque pour l'éveil des consciences Ce théâtre vise à reporter les acteurs et les spectateurs à l'origine du monde et de la création. Devant la représentation d'un mystère, chaque homme peut se sentir interpellé. Il est question de son âme, de la préparation de sa mort, de son salut personnel. Enraciné aux sources de la sensibilité, ce christianisme du Moyen - Age invitait à une prise de conscience et à la responsabilité. A l'opposé du théâtre moderne dit de la "distanciation", le mystère est un théâtre de "communion" dans lequel le spectateur cesse d'être un assistant pour devenir un participant. Dans ce théâtre symbolique se sont développés des éléments de réalisme : on passait ainsi d'un système évocatif à un système illustratif tel qu'on a pu comparer la scène médiévale à un "grand livre d'images" ou à une "fresque". 31 La fin des Mystères Par le jeu de la représentation, les conditions sociales et les réalités de la vie quotidienne sont recréées et condensées dans la perspective d'une histoire de la Création et de l'humanité. Pendant deux siècles, des confréries planteront ainsi, dans les bourgs et les cités, la Croix de la Rédemption au centre du mystère joué en rond. Devant l'ampleur et le succès de ces manifestations dramatiques, les autorités religieuses vont passer de la méfiance à la sanction. Un arrêt du Parlement de Paris de 1548 s'insurgea contre les confréries de la Passion. Depuis 1565, il n'y a plus eu de mystère joué à l'intérieur des cathédrales. Suite au concile de Trente, les autorités ecclésiastiques avaient mis fin, dans le cadre de la réforme catholique des fêtes, aux anciens jeux para liturgiques de Nativité et de Résurrection représentés dans les cathédrales. Encyclopaedia Universalis ; Le Moyen - Age, G. Duby ; Histoire du théâtre, A. Degaine. Le « Mystère » dans le théâtre contemporain « Depuis la création du Martyre de Saint – Sébastien, de d’Annunzio, au Châtelet en 1911, de l’Annonce faite à Marie, de Claudel, à l’oeuvre en 1912, du Pauvre sous l’escalier, de Ghéon, au Vieux Colombier en 1921, du Mystère du Dieu mort et ressuscité de Dujardin, au Théâtre Antoine en 1923, on assistait sur la scène à l’expansion des pièces à sujet religieux. Les représentations du Soulier de Satin, à la Comédie française en 1943, puis, au lendemain de la guerre, une succession de drames à sujets religieux de Claudel, Montherlant, Gabriel Marcel, Thierry Maulnier, Sartre, Obey, Bernanos, Cocteau, Julien Green, Ghelderode, Anouilh, manifestent, selon A - M Carré, la permanente « actualité de Dieu au théâtre ». De grands metteurs en scène aspiraient également à recréer la ferveur et la solennité sacrées des cérémonies théâtrales antiques et médiévales …Renouant avec la tradition des mystères et des jeux médiévaux, des dramaturges et des comédiens se dévouèrent à la représentation d’un répertoire essentiellement religieux. Grâce à eux, le public, en province et à Paris, reprenait goût à la représentation des mystères. Ainsi dramaturges et metteurs en scène, acteurs et spectateurs s’accordaient – ils pour promouvoir un théâtre illustrant l’idéologie religieuse et tourmentée d’un siècle hanté par la tragédie antique et le drame chrétien, la tentation de l’athéisme et l’obsession de l’absurde.» Le théâtre religieux en France, Michel Lioure, « Que sais – je ? », PUF, 1983 « Mais le mystère moderne ne conserve du genre ancien que le caractère religieux du sujet. Il emprunte sa forme au drame du XIXème siècle. » Le théâtre, M – C Hubert, Armand Colin, 1988 32 2. L’AVENTURE DU MYSTERE DE NOEL EN LA CATHEDRALE DE STRASBOURG Une aventure collective Depuis 1995, à l’initiative de Michel Jermann et de Robert Riber, le Mystère de Noël en la cathédrale de Strasbourg propose une aventure théâtrale qui renoue avec la tradition des mystères tout en mettant en oeuvre pour un large public les arts du spectacle contemporain. Comme toute représentation scénique, le spectacle propose une approche sensible et émotionnelle des récits dont il s’inspire et repose sur une adaptation libre des textes bibliques. Chaque mystère entre ainsi en résonance avec la perception actuelle des textes et s’attache à faire connaître la spécificité du Dieu des chrétiens. Ainsi, la forme de la fiction théâtrale ouvre le dialogue avec les convictions et les spiritualités de ce temps. Mis en oeuvre par une cinquantaine de collégiens, lycéens et étudiants de toutes convictions, le spectacle offre la parole aux jeunes à la cathédrale, leur permet de valoriser leurs capacités et de poser la question du sens. Il leur permet de découvrir la richesse du patrimoine culturel et religieux de Strasbourg. L’organisation du Mystère de Noël, fondé dans le contexte de l’Aumônerie de l’Enseignement Public, est assurée depuis 2007 par l’association « Mystères des cathédrales » présidée par le Père Etienne Uberall. Tous, auteurs, musiciens, chanteurs, comédiens, figurants, équipes logistiques et organisateurs sont bénévoles. Ne sont rémunérés que les intervenants professionnels. Une aventure artistique L’écriture du « Mystère de Noël » est une écriture plurielle qui, inspirée par la riche tradition biblique, traduit les défis posés par la société contemporaine dans les termes où le dialogue entre les différentes générations les nomme. Le texte du spectacle est ainsi l’aboutissement d’un montage d’expressions et de sensibilités différentes. Il ordonne dialogues, textes poétiques, chants, monologues, jeux d’acteurs et actions scéniques autour du sujet. C’est la répétition avec les jeunes comédiens qui fixe définitivement la forme écrite du spectacle. Ce texte est écrit pour être joué et représenté dans une cathédrale : c’est aussi une de ses exigences. La dramaturgie est conditionnée de façon directe par l’espace scénique de la cathédrale. Musique, jeux d’acteurs, lumières, chorégraphies, mouvements d’ensemble, expressions scéniques diverses actualisent l’utilisation médiévale de la cathédrale par le peuple. La scénographie met en valeur, grâce à une régie son et lumière performante, l’espace symbolique et spirituel de la cathédrale de Strasbourg et permet de redécouvrir un site prestigieux du patrimoine religieux de France. Les allées sont également investies par le jeu pour impliquer davantage les spectateurs dans le rythme du mystère. Un plateau nu au centre de la cathédrale facilite la visibilité des spectateurs et impose aux comédiens un jeu bi – frontal. Point de coulisses ou de rideau de scène : les entrées et sorties des comédiens et des figurants, le jeu des musiciens, des lecteurs et des chanteurs, 33 les changements de décor sur le plateau, la régie : tout « joue » et manifeste l’engagement de chacun dans le spectacle: silence, rapidité, rigueur, concentration - voire recueillement – de tous sont indispensables pour assurer le bon rythme du spectacle. Les éléments du décor du plateau sont légers, stylisés, mobiles : le cadre de la cathédrale ne tolère aucune surcharge ; le placement des accessoires de scène, les accrochages de tentures font partie du « spectacle », permettant aussi de prendre conscience des dimensions de l’espace sacré. Les jeux de lumière dessinent également des décors. Les costumes s’inspirent du vêtement historique de l’Antiquité mais en proposent une stylisation contemporaine décalée, aux formes sobres, aux couleurs riches. La définition d’un code des couleurs facilite la compréhension du public. Chaque année, de nouveaux éléments de costumes sont réalisés. Les comédiens sont de jeunes amateurs formés dans le cadre d’un atelier de théâtre spécifique. Tous les talents, confirmés ou non, sont accueillis. Cet atelier de formation – production a lieu de septembre à décembre. Dans les dernières semaines avant le spectacle, la troupe est renforcée par les figurants indispensables pour le développement du spectacle dans la cathédrale. L’expérience montre que, souvent, après avoir été figurants, les jeunes rejoignent la troupe pour un engagement dans la préparation et le spectacle plus conséquent. Pour certains rôles, des professionnels sont parfois sollicités. Tous les arts du spectacle et du mouvement sont sollicités : projections, danse, arts du cirque, GRS, théâtre de rue, arts martiaux … Les musiciens et choristes sont recrutés selon leur niveau musical et interprètent en direct la partition originale de chaque spectacle. La part de la création musicale est importante. 34 BIBLIOGRAPHIE • APPROCHE BIBLIQUE L’Evangile de Jean, Commentaire pastoral, Alain Marchadour, Centurion, 1992 repris dans Les Evangiles, Textes et commentaires, Bayard Compact, Bayard, 2001 Avec Jean, Pour accompagner une lecture de l’Evangile de Jean, Jean, chapitres 1 à12, Jean Landier, François Pécriaux, Daniel Pizivin,Les Editions ouvrières, 1990 • APPROCHE SPIRITUELLE Noël chez Eckhart et les mystiques rhénans, Marie-Anne Vannier, Arfuyen, 2005 • APPROCHE POPULAIRE ET LITTERAIRE Au pays de Noël, Les Saisons d’Alsace, Novembre 2009 Noël Wihnachta en Alsace, Rites, coutumes, croyances,Gérard Leser, Editions du Donon, 2006 Fêtes de fin d’année, fins d’années en fête, Noël et Nouvel an à Strasbourg du Moyen-Age à nos jours, Catalogue Archives municipales de Strasbourg Mon heure sur la terre, Claude Vigée, Galaade Editions, 2008 S’isch Wihnachte, mi corazon, CD Rolan Engel 2003, [email protected] Bie uns isch Noël « Wihnachte », CD Roland Engel, 2007 • APPROCHE THEATRALE Le théâtre religieux en France, Michel Lioure, PUF, 1983 Histoire du théâtre dessinée : de la préhistoire à nos jours, André Degaine, Nizet, 1992 Le Moyen – Age, Georges Duby, Seuil, 1995 Le théâtre, MC Hubert, Armand Colin, 1988 Mystères des cathédrales 27 rue des juifs 67000 STRASBOURG [email protected] Contact : Myriam Odeau 03 88 21 29 77 [email protected] 35