Sommaire - L`adoption sans tabou
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Sommaire - L`adoption sans tabou
Sommaire Introduction p.1 I/ Référence à la législation p.2 A/ L’adoption à travers l’Histoire p.2 B/ Qu’est ce que adopter ? 1- L’adoption plénière en France 2- Quel enfant peut-on adopter ? 3- Quelle est la procédure d’adoption ? a- La demande d’agrément b- L’accueil de l’enfant c- Le jugement d’adoption p.3 p.3 p.4 p.6 p.6 p.9 p.11 II/ Réalités de l’adoption p.14 A/ Qui peut réellement adopter ? - Les couples mariés et les célibataires - Les couples non mariés - Les couples pacsés - Les couples homosexuels p.14 p.14 p.15 p.15 p.15 B/ Obstacles à l’obtention de l’agrément - Avoir déjà des enfants - Etre malade, avoir un handicap - Religion et croyances - Adopter l’enfant accueilli par une famille d’accueil p.16 p.16 p.16 p.16 p. 16 C/ Quels enfants peuvent être adoptés ? - Garçon ou fille ? - L’enfant de couleur ? - L’enfant à particularité ? - L’enfant malade ou handicapé ? - Enfant unique ou fratrie ? p.17 p.17 p.17 p.17 p.18 p.18 D/ L’adoption en France et dans le monde - Y a-t-il des enfants à adopter en France ? - Y a-t-il beaucoup d’enfants abandonnés dans le monde ? - L’adoption : action humanitaire ? - Le coût de l’adoption p.19 p.19 p.20 p.20 p.21 E/ Aides et soutiens - Les associations - Le congé en vue d’adoption - Le congé d’adoption - Le congé parental - Le complément optionnel de libre choix d’activité p.21 p.21 p.22 p.22 p.23 p.23 F/ Renoncer à l’adoption - Le refus d’agrément - Les difficultés financières p.23 p.23 p.24 III/ Du côté des parents : comment devenir famille ? A/ L’enfant et ses origines 1- Une histoire de vérité 2- Vers la construction d’une nouvelle identité 3- De la rencontre à l’arrivée de l’enfant p.25 p.25 p.25 p.27 p.30 B/ Devenir parent p.31 1- L’agrément, métaphore de la grossesse p.32 2- De l’enfant imaginaire à l’enfant réel p.34 vers un sentiment de filiation 3- Filiation juridique, filiation psychique : p.35 l’indispensable duo pour que naisse un sentiment d’appartenance C/ De l’attachement à l’abandon 1- La théorie de l’attachement 2- Les troubles de l’attachement 3- De la difficulté de s’attacher 4- L’échec de l’adoption p.37 p.37 p.38 p.39 p.41 Conclusion p. 45 Bibliographie p.46 Annexe 1 : Questionnaire « Parents, votre réalité de l’adoption » Annexe 2 : Statistiques de la MAI Introduction « L’adoption, c’est le parcours du combattant ! » Qui n’a donc jamais entendu de tels propos…. Nous nous sommes intéressés à la thématique de l’adoption dans la perspective de mettre en lien les textes de loi réglementant l’adoption, et la réalité vécue par les adoptants, couples ou célibataires, notamment suite à la réforme du 4 Mai 2005, et à l’ouverture récente de la Maison de l’Adoption, à Paris, en 2006, à laquelle nous nous sommes rendus afin d’y rencontrer des professionnels aptes à répondre à nos interrogations. Nous avons donc élaboré une questionnaire destiné à des parents ayant adopté afin de comprendre comment ces adoptants ont vécu ce parcours, quels étaient leurs ressentis, et approcher au plus près leurs difficultés. C’est d’après ce questionnaire que nous avons construit réflexion que nous vous proposons à présent : - tout d’abord, nous commencerons par prendre connaissance des repères juridiques qui encadrent la procédure d’adoption en France. - puis nous mettrons en lien cette législation avec la réalité vécue par les adoptants en s’intéressant également aux diverses difficultés qu’ils ont pu rencontrer. - enfin, il nous a semblé important d’aborder également l’adoption d’un point de vue psychologique afin de comprendre par quels processus on devient parent, enfant, famille ? I/ REFERENCE A LA LEGISLATION A) L’adoption à travers l’Histoire Nous avons souvent tendance à croire que le terme d'adoption est récent, or ce n'est pas du tout le cas, en effet l'adoption existe bien depuis l'Antiquité!! Si l'adoption est connue depuis Antiquité, elle disparaît des pratiques du Moyen-âge et ne se trouve rétablie qu'au début du 19ème siècle par l'inscription dans le Code civil de 1804. L’abandon d’enfants est une pratique connue dès cette époque : qui n’ignore pas la célèbre histoire de Rémus et Romulus ! Depuis toujours, la question du recueil des enfants nouveau-nés abandonnés dans des conditions de secret a constitué une préoccupation et au cours de l'histoire, il y a eu une organisation des pouvoirs publics pour recueillir et accueillir des enfants abandonnés quelle que soit la forme de leur abandon. En 1534fut créé un premier Refuge pour Orphelins connu sous le nom des "Enfants Rouges", ceci est fait suite à la demande de la sœur de François Ier, Marguerite de Valois, érigé à l'Hôtel-Dieu. En 1556, Henri II signe un édit qui rend obligatoire la déclaration de grossesse et d'accouchement. Un asile réservé à l'accouchement clandestin est crée à L'hôtel-Dieu à Paris. Sur les registres d'admission, en lieu et place du nom de l'accouchée était indiqué "secret". Le 28 juin 1670, l'œuvre de Saint -Vincent -de- Paul est reconnue et officialisée par l'édit royal. Cet homme a mis en place un règlement, avec des principes stricts pour le recrutement des nourrices, pour permettre l'accueil et le placement des enfants abandonnés. L'âge minimum pour adopter est de 50ans en 1804. Le Service d'Assistance à l'Enfance voit le jour en 1789 : il n'est plus question d'une assistance basée sur la charité mais d'un acte de justice sociale. En 1801 est apparu le Conseil général des Hospices qui devient l'Assistance Publique en 1849, celle-ci continue de gérer le service des enfants assistés. Dès 1920, il y a eu une multiplication des centres nourriciers par l'Assistance publique suite à la première guerre mondiale qui a fait de nombreux orphelins. L'Assistance crée aussi, pour prévenir les abandons, des maisons maternelles chargées d'accueillir les mères et leur bébé à la sortie de la maternité. En 1923, on peut adopter à l'âge de 40ans. Dans le courant de l'année 1943, le service des enfants assistés est renommé Service de l'Assistance à l'Enfance qui devient le Service de l'Aide Sociale à l'Enfance en 1959. En 1960, la possibilité d’adopter est ramenée à 35 ans. La loi du 11 juillet 1966 réorganise l’adoption et distingue l'adoption plénière et l'adoption simple. En 1975, le décret du 16 juillet, crée le Conseil Supérieur de l'Adoption ayant pour mission d'émettre des avis et de formuler toutes propositions utiles relatives à l'adoption y compris l'adoption internationale. Dès 1976, avec la loi du 22 décembre, les parents ayant déjà des enfants biologiques peuvent recourir à l'adoption, et l'âge minimum pour adopter est baissé à 30ans. La Direction de l'Action Sociale de l'Enfance et de la Santé DASES, est créée en 1985 et a en charge l'Aide Sociale à l'Enfance. Il s'agit d'une mission départementale qui relève de l'autorité du Président du Conseil Général depuis les lois de la décentralisation. Création de la Mission de l'Adoption Internationale MAI, en 1988, qui dépend du Ministre des Affaires étrangères et qui a pour rôle d'informer les familles sur les procédures d'adoption des enfants à l'étranger. En 1993, la France ratifie la Convention de la Haye relative à l'adoption internationale qui a pour but d'unifier un certain nombre de règles pour faciliter, clarifier, et sécuriser l'adoption des enfants à l'étranger. L'âge minimum légal pour adopter est porté à 28 ans à partir de 1996. La loi du 22 janvier 2002 crée le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles CNAOP qui permet à toute personne née sous X de retrouver sa famille d'origine. Création de l'Agence Française de l'Adoption AFA avec la loi du 4 juillet 2005. B) Qu’est ce que adopter ? L'adoption plénière en France est soumise à une condition préalable qui est la délivrance d'un agrément administratif. Ensuite, l'adoption plénière doit être prononcée par un jugement du tribunal de grande instance ou jugement étranger. 1- L’adoption plénière en France L'adoption en France est ouverte pour toute personne âgée de plus de 28 ans : • • soit célibataire ; soit mariée : les époux doivent avoir au minimum 2 ans de mariage s'ils font la demande ensemble, et ne pas être séparés de corps. Mais si les 2 époux ont tous les deux plus de 28 ans, il n'y a pas de condition de durée de mariage. Attention, la condition d'âge n'est pas exigée en cas d'adoption de l'enfant du conjoint. Il faut en outre justifier d'une bonne réputation (enquête sociale), d'une bonne santé (examen médical) et d'un bon équilibre psychologique (examen auprès d'un psychologue). Il est indispensable de remplir ces conditions pour pouvoir adopter un enfant mais cela ne suffit pas car il existe beaucoup moins d'enfants à adopter que de couples candidats à l'adoption et l'écart s'accentue chaque année. Cas particuliers: les concubins et les homosexuels: La loi française est sans appel: des concubins ne peuvent pas adopter ensemble. En revanche, l'une des deux personnes peut adopter seule, et l'enfant adopté dans le cadre du concubinage a une filiation établie avec seulement l'un des deux parents. En cas de décès du parent concerné ou de séparation du couple, le parent non reconnu par la loi n'a légalement aucune possibilité de garder contact avec l'enfant, de l'élever voire de l'adopter. Ce qui explique que, face à ces difficultés et incertitudes, des couples réticents au mariage finissent, en cours de procédure, "par passer devant le maire"! De même, un couple d'homosexuels ne peut pas adopter conjointement: comme les couples hétérosexuels, même s'ils sont pacsés, les homosexuels, faute d'être mariés, doivent adopter en "célibataire" (l'un ou l'autre devient seulement parent). ¾ POINT DE DROIT - Ce que dit le Code Civil : • Art. 343: l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans. • Art. 343-1: l'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans, soit des célibataires. • Art. 346: Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est deux époux (le cas des concubins et des homosexuels). • Art. 353-1: Dans le cas d'une adoption d'un pupille de l'Etat, d'un enfant remis à un organisme autorisé pour l'adoption ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, le tribunal vérifie, avant de prononcer l'adoption, que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés. 2- Quel enfant peut-on adopter ? - L’origine de l’enfant : D'après l'article 347 du Code civil, les enfants adoptables en France sont: des enfants pour lesquels les pères et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption. des pupilles de l'État. des enfants déclarés judiciairement abandonnés aux termes de l'article 350 du Code civil suite à un désintérêt de leurs parents depuis plus d'un an. Les enfants français adoptables sont très peu nombreux. A l'étranger sont adoptables des enfants qui, au titre de la législation du pays dont ils sont ressortissants, peuvent juridiquement bénéficier de cette procédure. La plupart des enfants adoptables sont des enfants étrangers se trouvant encore dans leur pays d'origine. - Le sexe de l’enfant : les familles sont invitées à formuler leurs préférences si elles en ont, mais elles ne seront pas toujours prises en compte. -L'âge de l’enfant : ¾ POINT DE DROIT- Ce que dit le Code civil : • Art. 344: les adoptants doivent avoir quinze de plus que les enfants qu'ils se proposent d'adopter. Si ces derniers sont les enfants de leur conjoint, la différence d'âge exigée n'est que de dix ans. Toutefois le tribunal peut, s'il y a de justes motifs, prononcer l'adoption lorsque la différence d'âge est inférieure à celles que prévoit l'alinéa précédent. Les enfants peuvent être adoptables dès l'âge de: Pour un enfant français: au moins 3 mois, au plus 15 ans. (Les enfants âgés d'au moins 13 ans doivent consentir personnellement à leur adoption). Pour un enfant étranger : dès les premiers jours de la naissance. Si on accepte un enfant relativement âgé, on aura plus de chances de voir sa candidature retenue (ces enfants sont plus difficiles à placer que des bébés) mais il ne faut pas sous-estimer les problèmes d'adaptation. ¾ Chiffre-clé: Un couple postulant à l'adoption sur cinq a déjà des enfants: des enfants biologiques et surtout des enfants adoptés. La demande d'agrément se fait pour un deuxième ou troisième enfant, après une première ou deuxième adoption. 3- Quelle est la procédure d'adoption ? Tout d'abord, pour pouvoir adopter un enfant, il faut s'adresser à la Direction de l'Action Sociale de l'Enfance et de la Santé, DASES: il faut se renseigner à la préfecture pour en connaître l'adresse, ou bien à un organisme d'adoption privé français ou étranger. La liste des organismes autorisés pour l'adoption peut être fournie par la DASES. Toute adoption, qu'elle passe par un organisme privé français ou étranger, ou par l'Assistance publique, ne peut se faire sans l'agrément de la Direction de l'action sociale de l'enfance et de la santé (DASES). La procédure d'adoption se décompose en trois phases: - a) Obtention d'un agrément auprès des services du conseil général. b) Accueil d'un enfant. c) Obtention du jugement d'adoption. a) La demande d'agrément La première démarche est le dépôt d'une demande d'agrément auprès de la DASES. Sauf pour l'adoption d'un enfant avec lequel on est déjà parent ou allié (neveu, cousin …), l'adoption de l'enfant du conjoint ou celle de l'enfant qu'on élève au titre de famille d'accueil, l'agrément constitue le sésame obligatoire pour adopter un enfant: en l'absence d'agrément, la démarche d'adoption ne peut aboutir; en particulier, les adoptants ne peuvent obtenir un visa pour un enfant venant de l'étranger et, surtout, aucun tribunal ne prononce l'adoption requise. Mais l'agrément ne constitue pas un "droit à l'enfant" (qui d'ailleurs n'existe pas en droit, alors que la Convention internationale des droits de l'enfant reconnaît bien un droit pour les enfants d'avoir des parents): chaque année, il y a de milliers de postulants qui obtiennent leur agrément sans aboutir dans leur projet d'adoption. L'agrément est donc une étape incontournable, mais seulement une étape. L'agrément en vue d'adoption se fait en plusieurs étapes: - réunion d'information, confirmation de la demande et constitution du dossier, enquête sociale et psychologique, examen du dossier à la commission d'agrément, décision du président du conseil général. Les postulants commencent tout d'abord par saisir par téléphone le bureau des adoptions, sousdirection des affaires familiales et éducatives de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé, service du conseil général de Paris. Il est toutefois systématiquement demandé de confirmer cette demande par un courrier. A réception de cette lettre, les postulants sont convoqués à une réunion d'information. Un dossier de demande d'agrément leur sera remis, il devra être retourné au service. Mais si les postulants ont déjà adopté ou résident à l'étranger, le dossier leur sera adressé dès réception de leur courrier. La constitution du dossier Le dossier présenté pour la demande d'agrément doit comporter les pièces justificatives suivantes: • • • • • • • • extrait d'acte de naissance des postulants (de manière à vérifier leur identité) et le cas échéant, un extrait d'acte de mariage ; une copie du livret de famille si les postulants sont mariés ou ont déjà des enfants (pour connaître précisément la composition de la famille) extrait de casier judiciaire (pour vérifier que l'agrément peut, sans crainte, leur être délivré); photo du ou des demandeurs ; certificat médical datant de moins de trois mois, établi en vue de l'adoption et comportant une radiographie pulmonaire (afin de vérifier que la famille "ne présente pas de contre-indication à l'accueil d'enfants en vue d'adoption"). attestation favorable délivrée par un psychologue habilité par la préfecture (on peut choisir son nom sur une liste de médecins donnée par le Bureau des adoptions) ; tout document attestant de ressources suffisantes pour élever des enfants (avis d'imposition, bulletin de salaire, fiches de revenus…) lettre de motivation expliquant les raisons pour lesquelles le/les demandeurs souhaitent adopter un enfant et leur projet d'adoption. C'est au retour de ces documents que la demande est officiellement enregistrée. Si l'on s'est adressé à un organisme privé, français ou étranger, il faut, en outre, fournir la réponse favorable de celle-ci. Dans le cas d'adoption d'un enfant étranger, il faut adresser à l'organisme autorisé, pour accord du ministère dans son pays, un double du même dossier. Toutes les pièces ci-dessus doivent donc être traduites dans la langue du pays et authentifiées deux fois : • • d'une part pour la France, par chaque ministère concerné (Intérieur, Santé, Justice) ; pour le pays de l'enfant, par le consulat de ce pays en France. Une précaution indispensable : garder des photocopies de tout le dossier traduit et authentifié. L'enquête sociale et psychologique: Une fois leur demande enregistrée, les candidats à l'adoption sont soumis à une enquête sociale et à des entretiens psychologiques, pour permettre à la DASES " d'apprécier les conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur le plan familial, éducatif et psychologique ". Cette enquête psychosociale est la phase majeure de l'agrément en vue d'adoption puisque c'est le moment où les travailleurs sociaux (assistantes sociales, éducateurs, puéricultrices) et des psychologues et/ou psychiatres évaluent la capacité des postulants à offrir un bon foyer pour des enfants adoptifs et les aident à formuler et à mûrir leur projet d'adoption. Après que les professionnels concernés aient déposé leur rapport, une commission d'agrément se réunit afin de formuler un avis. Les postulants seront avisé de la présentation de leur dossier à la commission d'agrément quinze jours avant la daté fixée, par courrier recommandé avec accusé de réception. Ils peuvent durant le délai, demander à consulter les pièces de leur dossier et le cas échéant: -à ce que tout ou partie des investigations soient reprises par de nouveaux intervenants. -à formuler des remarques écrites qui seront communiquées à la commission. -à être entendu(s) par la commission, seul(s) ou accompagné(s) d'une personne de leur choix. La commission est composée de personnes qualifiées et formule un avis destiné à éclairer le président du conseil général qui prend la décision finale. Au vu du dossier remis lors de la demande d'agrément et de l'enquête que la DASES va effectuer, l'agrément sera accepté (dans la grande majorité des cas) ou refusé. L'agrément est valable sur tout le territoire. Un refus éventuel peut faire l'objet d'un recours gracieux durant un délai de deux mois. Dans ce cas, de nouvelles investigations sont effectuées et une nouvelle décision formulée. Toute décision de l'administration, qu'elle soit formulée en première instance ou à l'issue d'un recours gracieux peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif. Si les postulants sont de nationalité étrangère, la délivrance de l'agrément ne préjuge en rien de votre capacité d'adopter au regard de la loi du pays dont ils sont ressortissants. Les délais de l'agrément est de neuf mois au maximum à compter de la demande. Il est valable cinq ans à partir de sa date de notification et valide aussi bien sur l'ensemble du territoire français qu'à l'étranger. Mais il faut noter que ce délai dont le point de départ a été modifié par la loi du 4 juillet 2005 n'est pas encore respecté partout, de nombreux départements disposant d'un personnel insuffisant pour faire face à toutes les demandes… Loi 2005-744 du 4 juillet 2005 modification de l'art. L.225-2: " l'agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis d'une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. Le délai court à compter de la date à laquelle la personne confirme sa demande d'agrément dans les conditions fixées par voie réglementaire. L'agrément est délivré par un arrêté dont la forme et le contenu sont définis par décret. Ce délai permet aux demandeurs de: -postuler à l'adoption d'un enfant pupille de l'état; -de se tourner vers l'adoption internationale dans le cadre d'une démarche individuelle -de s'adresser à un organisme autorisé pour l'adoption (pour l'accueil d'un enfant recueilli en France ou d'un enfant étranger); -de s'adresser à l'agence française de l'adoption. Dans tous les cas, titulaire(s) d'un agrément, les postulants doivent confirmer leur demande tous les ans au service qui leur a délivré l'agrément. Cas particulier: l'agrément pour un deuxième enfant. Pour adopter un deuxième enfant, la procédure est la même pour la première adoption que pour les autres: ce n'est pas parce que des parents ont déjà adopté une première fois qu’ils obtiendront forcément un nouvel agrément. Dans ce cas-là, des travailleurs sociaux évaluent l'intégration du premier enfant dans sa nouvelle famille et sa capacité à vivre le bouleversement que représente l'arrivée d'un frère ou d'une sœur. Ils peuvent aussi amener les parents à retarder leur projet pour lui laisser le temps de s'adapter. Toutefois, il faut rappeler que la procédure est souvent plus rapide: parce que les grandes questions ont déjà été abordées et que les parents voient désormais les difficultés auxquelles eux-mêmes ou leur enfant à venir peuvent se retrouver confrontés. b) Accueil de l’enfant : Dans la période qui s'étend de l'arrivée de l'enfant au domicile des parents jusqu'à la prononciation du jugement d'adoption français ou à la transcription du jugement étranger au service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères, l'enfant conserve son état civil, et lorsqu'il s'agit d'un enfant étranger, sa nationalité. L'adoption d'un enfant pupille de l'Etat: Les pupilles de l'Etat sont, soit des enfants sans filiation connue (enfants issus d'accouchements anonymes, enfants trouvés), soit des enfants sont les parents ont consenti à l'adoption dans les formes prévues par la loi, soit des enfants qui ont fait l'objet d'un constat judiciaire de désintérêt de la part de leur famille d'origine, soit enfin des enfants orphelins en faveur desquels une tutelle de droit commun n'a pu se faire. La tutelle des pupilles est exercée par le préfet du département dans lequel ceux-ci sont recueillis. Il est assisté dans sa tâche par un conseil de famille. Le conseil de famille comprend notamment des représentants du conseil général, des membres d'associations à caractère familial (assistante familiale, ancien pupille…) et des personnalités particulièrement qualifiées désignées par le représentant de l'Etat dans les départements. C'est au conseil de famille qu'il appartient de prononcer le placement en vue d'adoption des pupilles de l'Etat. Le service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE) qui assure l'accueil des pupilles de l'Etat jusqu'à leur placement en vue d'adoption communique au conseil de famille la liste des personnes agréées en vue de l'adoption d'un enfant dans le département concerné. Pour chaque enfant pupille de l'Etat au bénéfice duquel est élaboré un projet d'adoption, le service départemental de l'ASE étudie de manière approfondie la situation des familles agréées et présente au conseil de famille celles qui lui paraissent offrir les meilleures conditions d'accueil possibles. ¾ Chiffre-clé: Il y a un peu plus de 3500 pupilles de l'Etat juridiquement adoptables en France: − 35% sont sans filiation établie (enfants trouvés, enfants nés dans le cadre d'un accouchement sous le secret dit " sous X", enfants non reconnus par leurs parents); − 27% ont fait l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon; − 17% ont été confiés par leurs parents à l'ASE ou à une association agréée; − 11% ont été retirés à leurs parents, déchus de l'autorité parentale; − 8% sont orphelins sans famille. De plus, il y a un fait alarmant: environ 2000 pupilles ne sont pas adoptés, dont plus de 1000 parce que l'on ne trouve pas de parents pour eux: − à cause d'un handicap ou d'un problème de santé(660); − car ils sont en fratrie (260); − ou en raison de leur âge (180). A cela s'ajoutent les enfants qui ont encore de la famille avec laquelle ils entretiennent des liens (160 enfants), ce qui implique de trouver des parents prêts à envisager une adoption simple. Et par ailleurs, 500 pupilles environ ne sont pas proposés à l'adoption, bien que juridiquement adoptables, du fait de leur bonne intégration dans leur famille d'accueil. L'adoption internationale: L'adoption à l'étranger, phénomène nouveau à la fin des années soixante, représente aujourd'hui la majorité des adoptions par des familles françaises: chaque année, quatre enfants adoptés sur cinq viennent d'un autre pays. La MAI (Mission de l'adoption internationale) a pour mission d'informer les postulants à l'adoption internationale sur les pays ouverts à l'adoption, les conditions requises, les étapes de la procédure, les pièces à fournir pour constituer un dossier. Elle se charge aussi de transmettre le dossier à certain pays. Au cours de l'année 2006, l'AFA (Agence Française de l'adoption) est mise en place, suite aux réformes de la loi du 4 juillet 2005, avec des correspondants pour chaque département: elle reprendra et prolongera les missions de la MAI en devenant l'interlocuteur privilégié des postulants qui souhaitent adopter à l'étranger. Les personnes agréées qui souhaitent adopter à l'étranger peuvent suivre trois démarches: - L'adoption par l'intermédiaire d'une association autorisée: Des associations type loi 1901 servent d'intermédiaire à l'adoption d'enfants à l'étranger. Elles sont autorisées à exercer par le président du conseil général du département de résidence des adoptants. Pour l'adoption internationale, elles sont habilitées pour chacun des pays concernés par le ministère des Affaires étrangères. Les seuls intermédiaires pour l'adoption autorisés par la loi française sont les OAA (Organisme Autorisé pour l'Adoption). Certains réalisent la quasi-totalité de la démarche pour les adoptants: transmission du dossier aux autorités locales, suivi de la procédure dans le pays d'origine, et démarches permettant à l'entrée de l'enfant sur le territoire français. Les associations sont libres de retenir les candidatures de leur choix, et procèdent à la constitution des dossiers et les présentent à leurs interlocuteurs étrangers. - L'adoption par l'intermédiaire de l'agence française de l'adoption. L'agence française de l'adoption, AFA, est un groupement d'intérêt public qui associe les départements, l'Etat et des personnes morales de droit privé. Grâce à ses correspondants, elle assure un rôle d'information, de soutien et d'accompagnement des procédures pour les adoptants qui la sollicitent. Sous réserve d'être conforme aux critères imposés par les pays d'origine, l'agence retiendra à terme tous les dossiers des candidats qui souhaitent adopter dans les pays où elle est habilitée. Ce sont les autorités étrangères qui restent décisionnaires dans le choix des familles. - L'adoption directe- les démarches individuelles: Cette forme d'adoption permet aux parents de réaliser leur projet sans aide ou accompagnement d'un organisme. Dans tous les cas, le ministère des Affaires étrangères reste seul compétent pour la délivrance des visas d'adoption long séjour pour les enfants adoptés à l'étranger. Le département met à disposition des adoptants un correspondant de l'agence française de l'adoption chargé d'orienter les personnes agréées et de les assister dans la mise en place de leur dossier d'adoption d'un enfant étranger. IL assure aussi avec l'accord des parents ou sur leur demande, un accompagnement des enfants à l'arrivée du territoire français. ¾ Chiffre-clé: Les adoptions par démarche individuelle ont représenté 59% des adoptions à l'étranger en 2004 contre 41% par les OAA. ¾ Un fait social à prendre en compte: Parmi ces trois démarches possibles pour adopter un enfant à l'étranger, beaucoup d'adoptants préfèrent passer par les OAA. Ils espèrent ainsi éviter les difficultés, surtout les tentatives de détournement d'enfants et de corruption, mais aussi limiter l'attente, le stress, pour se consacrer dans les meilleures conditions possibles à l'attente de leur enfant. Toutefois, la majorité des adoptants procèdent par démarche individuelle: en effet, la plupart des OAA ne traitent que quelques dossiers d'adoption par an et ne peuvent répondre à la demande des postulants à l'adoption. Et aussi la plupart voient leur dossier refusé par les OAA. Légalement, ils ont le droit de refuser un dossier car ils ne sont pas en mesure de le traiter, mais ne peuvent le faire en invoquant d'autres critères que ceux indiqués par le pays d'origine. De plus, passer par un OAA ne met pas forcément les adoptants à l'abri des difficultés. (il y a encore d'autres infos intéressantes ds ce domaine, mais je vs les montrerai avant, pr savoir s'il est nécessaire de les ajouter ici…) c) Le jugement d'adoption. Pour l'adoption d'un enfant pupille de l'Etat: - Procédure et tribunal compétent La procédure est la même pour l'adoption simple et plénière, sauf en matière de publicité du jugement. La compétence appartient au tribunal de grande instance du lieu de résidence des parents postulants. - Saisine du tribunal Les parents ne peuvent déposer leur requête auprès du tribunal qu'après avoir accueilli leur enfant à leur domicile pour une durée d'au moins six mois. Le recours à un avocat n'est pas obligatoire, sauf si l'enfant a plus de quinze ans. La requête doit être adressée au procureur de la République et le tribunal doit statuer dans un délai de six mois après sa saisine. - Les pouvoirs du juge Le tribunal vérifie non seulement que les conditions légales pour adopter l'enfant ont été respectées, mais il va aussi exercer un contrôle en opportunité pour déterminer si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. − Contrôle de légalité: Le tribunal vérifie que l'enfant fait bien partie de la catégorie des enfants adoptables (voir article 347 du Code civil dans la partie "quel enfant peut-on adopter - origine des enfants adoptables"). Il examine si le ou les adoptants ont bien la différence d'âge requise avec l'adopté. − Le contrôle de l'opportunité: Pour effectuer ce contrôle, le tribunal dispose d'importants pouvoirs d'investigation qui vont lui permettre de procéder à des enquêtes et/ou à des examens médicaux. Le tribunal vérifie également que l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant et qu'elle ne porte pas atteinte à l'équilibre de la vie familiale quand il y a déjà des enfants chez le/les adoptant(s). Et le juge a un pouvoir souterrain d'appréciation en ce domaine dont la seule limite réside dans le fait qu'il est obligé de motiver sa décision. - Les voies de recours Le recours devant la Cour d'appel est ouvert au Parquet et à toute personne présentant un intérêt à agir. Il doit être formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification. La cour d'appel vérifiera à la fois les conditions légales et la notion d'intérêt de l'enfant et puis la cour de cassation qui peut être saisie dans les deux mois ne jugera que le respect des conditions légales. - La publicité du jugement d'adoption Il faut faire la différence entre les règles pour l'adoption simple et l'adoption plénière. La transcription et l'annulation de l'acte de naissance d'origine pour l'adoption plénière: Le jugement prononçant l'adoption plénière est transcrit sur les registres de l'état civil du lieu de naissance de l'adopté. Cette transcription tiendra lieu de l'acte de naissance pour l'adopté. L'acte de naissance d'origine est annulé par les soins du procureur de la République qui va y porter la mention " adoption". A partir de là, l'enfant pourra alors figurer dans le livret de famille. Le nouvel extrait de naissance fera apparaître le nom des adoptants comme s'ils ont toujours été le/les parents de l'enfant. Cette disposition protège l'enfant, en ce sens qu'elle ne permet pas à un tiers de connaître sa qualité d'enfant adopté. En revanche la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant adopté, qui ne peut être délivré qu'à l'intéressé, son ou ses parents ou le procureur de la République, doit comporter le mention de la date du jugement d'adoption. Si les adoptants choisissent la simple transcription pour l'adoption simple: L'adoption simple fait seulement l'objet d'une mention en marge ou d'une transcription de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil dans les quinze jours de la date à laquelle il est passé en force de chose jugée, à la requête du procureur de la République (art.362 du Code civil). La mention précise les noms, date et lieu de naissance du ou des adoptants et la date du jugement. Elle est non seulement apposée sur l'acte de naissance de l'adopté mais aussi le cas échéant sur son acte de mariage ou sur d'autres actes d'état civil concernant le conjoint de l'adoptant ou ceux de ses enfants mineurs. L'enfant adopté simplement peut être alors inscrit sur le livret de famille de son/ses parents adoptifs. Pour l'adoption internationale, des enfants à l'étranger: Les jugements rendus par les autorités des pays d'origine des enfants adoptés sont assimilés au regard du droit français, soit à des adoptions simples, soit à des adoptions plénières en fonction de leurs effets. En vertu de l'article 370-5 du Code civil, si les adoptants ont obtenu un jugement étranger assimilé à une adoption française simple, ils peuvent solliciter du tribunal de grande instance de leur lieur de résidence le prononcé d'une adoption plénière. Si le jugement obtenu à l'étranger s'apparente à une adoption plénière française, il fait l'objet d'une transcription directe au service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères. Pour ce cas d'adoption internationale, et selon les pays, l'adoption de l'enfant donne lieu à un jugement dans un tribunal ou à une décision administrative. Et dans tous les cas, les adoptants trouvent auprès de l'ambassade ou du consulat de France les informations nécessaires sur la manière de procéder. Les démarches peuvent être rapides (quelques jours, le temps de faire tamponner les documents) ou plus longues: de quelques semaines, le temps que les autorités s'assurent que l'apparentement fonctionne bien et de finaliser les documents, à quelques mois. (C'est le cas à Haïti ou à Madagascar où les adoptants ont intérêt à se déplacer quand la procédure arrive à son terme.) Que ce soit pour une adoption en France ou à l'étranger, c'est seulement une fois que le jugement d'adoption est prononcé que l'adoption est reconnue. L'enfant acquiert donc la nationalité et le nom des parents adoptifs (s'il est étranger, il peut aussi changer de prénom). Si l'adopté est né à l'étranger, la décision est inscrite sur les registres du service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères, à Nantes. II/ REALITES DE L’ADOPTION A) Qui peut réellement adopter ? En France, la loi prévoit que peuvent adopter soit deux époux mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans, soit toute personne (homme ou femme) âgée de plus de 28 ans. Dans les deux cas, la présence d’enfants au foyer ne constitue pas un obstacle. Mais au-delà de la loi, il convient de réfléchir sur les parents que nous pouvons être pour les enfants en recherche de famille. - Les couples mariés et les célibataires : La loi de 1996 prévoit que l’on peut adopter si l’on a 28 ans ou si l’on est marié depuis deux ans, mais nous constatons que les très jeunes couples rencontrent des difficultés à faire accepter leur projet par le Conseil de famille ou une OAA (organisme autorisé pour l’adoption), qui ne peuvent plus exclure de candidatures au seul fait de leur jeune âge, dans la limite légale, mais peuvent toujours arguer qu’elles ont trop de demandes pour ne pouvoir toutes les satisfaire. Enfin, de nombreux pays étrangers fixent leurs propres limites inférieures et parfois supérieures en terme d’âge. Les jeunes célibataires cumulent donc parfois ces deux difficultés : le célibat et leur jeune âge. Les professionnels leurs conseillent souvent de différer leur projet, dans l’attente d’une nouvelle vie de couple, ou de préciser, mûrir leur projet. La loi n’a pas prévu de limite supérieure d’âge à l’adoption, mais les conseils de famille, les OAA et de nombreux pays étrangers refusent de confier un nourrisson à des parents ayant plus de quarante ans (certains pays fixent un écart d’âge maximum entre parents et enfants).en effet, au cours de la procédure d’agrément, les professionnels abordent la question de l’avenir , de la différence d’âge, des générations. Cela ne signifie pas que l'adoption d'un bébé est totalement impossible, mais il est réaliste d’envisager, passé un certain âge, de prévoir l’adoption d’un enfant plus âgé. Lors de notre enquête nous avons constaté que l’âge moyen des adoptants est de 31à35 ans. Les célibataires ont le droit d’adopter mais rencontrent plus de difficultés que les couples mariés. Bien que leur aptitude à élever un enfant ait été largement démontrée et officiellement reconnue (il est interdit de leur refuser l’agrément en raison de leur situation matrimoniale), mais il est plus simple pour eux d’adopter à l’étranger quand France car il y a moins de règles. Notre étude nous montre que seules 8,5% des adoptions par des célibataires ont eu lieu en France, le Conseil de famille préférant en effet confier les pupilles de l’État à des couples. Depuis la réforme de 2002, les OAA ne peuvent plus exclure de candidatures au seul fait qu’il s’agit de célibataires, même s’ils continuent dans les faits à leur préférer des couples. La seule voie possible reste donc l’adoption internationale ; mais là encore, le nombre de pays acceptant leurs candidatures est restreint car certain pays par exemple le Chili, les Philippines, la Russie, la Thaïlande, refusent l’adoption des célibataires. Notons enfin que la plupart des pays n’acceptent pas les candidatures de célibataires hommes, ce qui rend l’aboutissement de leur projet plus difficile. La présence dans l’entourage d’une "personne référent" de sexe opposé, un métier sûr, une organisation sans faille et un réel soutien familial sont des éléments favorables à l’aboutissement du projet d’adoption d’un ou d’une célibataire. - Les couples non mariés : De plus en plus de couples non mariés font le projet d’adopter un enfant. Or l’article 346 du Code civil, applicable à toutes les adoptions, simples et plénières, françaises et internationales, n’autorise l’adoption par des couples que lorsqu’ils sont mariés. Les concubins ne peuvent donc adopter ensemble un enfant. L’adoption ne peut être réalisée qu’au profit d’un des deux membres du couple, considéré comme célibataire. L’agrément sera donc nominatif. Cette situation présente deux inconvénients majeurs, l’un au stade de la réalisation du projet d’adoption si elle est internationale, l’autre au stade de ses effets. Au stade de la réalisation du projet, dans le cadre international : - Les lois de nombreux pays étrangers interdisent aussi l’adoption aux couples non mariés ; l’enquête sociale faisant apparaître la situation de vie maritale, le postulant aura plus de difficulté à se voir confier un enfant. - Inversement, si un jugement étranger a prononcé l’adoption d’un enfant par deux parents non mariés, l’adoption ne pourra avoir effet en France (ce jugement ne pourra pas être transcrit à l’état civil de Nantes ou recevoir l’exequatur, et il ne pourra y avoir de nouveau jugement d’adoption, simple ou plénière, en France). Au stade des effets de l’adoption: L’adoption n’étant réalisée qu’au profit d’un seul membre du couple, aucun lien juridique ne sera établi entre l’enfant et le compagnon (ou la compagne) de l’adoptant. De ce fait, ce compagnon (ou cette compagne) n’aura pas l’autorité parentale. En cas de séparation du couple, il risque de ne pas avoir de droit de visite sur l’enfant. En cas de décès, l’enfant n’aura aucun droit dans sa succession. Le compagnon ne pourra adopter l’enfant à son tour que dans deux hypothèses : - le mariage avec l’adoptant (e), permettant alors l’adoption de l’enfant du conjoint : art. 345.1 ; - le décès de l’adoptant(e). Il est important que les enfants adoptés par un couple puissent être juridiquement reconnus comme étant enfants de leurs deux parents. - Les couples pacsés : La situation est encore plus complexe, car le Pacs apparaît sur l’extrait d’acte de naissance, ce qui signifie qu’aux yeux de nombreux pays, l’adoptant n’est ni célibataire, ni marié : cela l’exclut, sur le plan légal, de l’adoption dans presque tous les pays. - Les couples homosexuels : Un couple d’homosexuels ne peut adopter en tant que couple, eut égard au fait que la loi n’autorise pas l’adoption par plusieurs personnes, "si ce n’est par deux époux" article 346 du Code civil. En outre, la Cour Européenne des droits de l’homme a récemment entériné une décision française de refus d’agrément motivé par l’orientation sexuelle du postulant. Cela ne signifie pas qu’une personne homosexuelle ne peut absolument pas adopter, mais simplement que cette homosexualité peut « lui être opposée comme néfaste à la bonne intégration de l’enfant ». Les OAA et la plupart des pays étrangers préfèrent des familles "traditionnelles" (homme/femme) de peur que les enfants qu’ils confient, qui souffrent déjà de leur passé et qui ont des problèmes d’identité, ne parviennent pas à intégrer sereinement cette particularité familiale. B) Obstacles à l’obtention de l’agrément ? - Avoir déjà des enfants : D’après la loi, la présence d’enfants au foyer ne constitue pas un obstacle à l’obtention de l’agrément en vue d’adoption. L’enquête sociale s’assurera néanmoins que les enfants sont ou seront impliqués dans le projet. Dans notre enquête, 38% des familles (uniquement des couples) avaient au moins un enfant biologique avant d’entamer une procédure d’adoption. Les réglementations sont extrêmement variables d’un pays à un autre. En France, il est des Conseils de famille et certaines OAA qui préfèrent confier les enfants qu'ils ont en charge à des foyers qui n’en ont pas. Certains pays étrangers excluent même de confier des enfants à des familles qui en ont déjà. Lors de l’enquête sociale, les professionnels amènent ces familles à réfléchir sur l’accueil d’enfants plus grands, ou d’enfants dits "à particularité". L’avis des enfants déjà présents pourra être pris en compte. Enfin, les parents réfléchiront tout particulièrement à la place de l’enfant dans la fratrie, si la chronologie des naissances venait à être bousculée. - Etre malade, avoir un handicap : Les demandes d’agrément émanant de personnes malades ou handicapées posent quelques problèmes pour acquérir un agrément. Il est demander un examen médical exigé pour connaître l’état de santé des postulants au moment de la demande. En cas de maladie grave, l'Aide Sociale à l’Enfance s’informe de l’évolution possible, les conséquences sur la vie familiale et le devenir de l’enfant. Quant au handicap, le fameux slogan "un handicapé qui travaille est un travailleur comme les autres" pourrait aussi s’appliquer à l’adoption. Mais dans la pratique, de même qu’on préfère les couples aux célibataires, on préfère les couples en bonne santé aux postulants touchés par la maladie ou le handicap ; ceci n’exclut pas un projet d’adoption, à condition qu’il soit réaliste et tienne compte, en priorité, des besoins de l’enfant, dont les parents devront assumer l’éducation à long terme de manière autonome. Certains états sont extrêmement exigeants ; par exemple la Chine demande systématiquement un dossier médical avec recherche de VIH, diabète, hépatite, surpoids… - Religion et croyances : La loi française n’autorise aucune discrimination de religion ou de croyance pour ce qui est de l’adoption. Néanmoins, l’enquête sociale pourra prononcer un refus d’agrément si des personnes vivent leurs croyances d’une manière qui peut entraver le développement d’un enfant. Depuis la réforme de 2002, les OAA ne peuvent plus exclure de candidats au seul fait de leurs croyances ou de leur (non-)appartenance religieuse. Certains pays étrangers ont des exigences en matière de croyances quant aux familles auxquelles ils souhaitent confier leurs enfants, et réclament des certificats de baptême, de mariage religieux, des attestations de prêtres, ou refusent les divorcés. - Adopter l’enfant accueilli par une famille d’accueil : Les assistantes maternelles auxquelles le service d’Aide sociale à l’enfance a confié un enfant peuvent, si l’enfant devient adoptable, formuler une demande qui sera examinée en priorité par le Conseil de famille, leur agrément professionnel les dispensant de demander un agrément en vue d’adoption. C) Quels enfants peuvent être adoptés ? Nourrisson ou déjà plus grand ? Fille ou garçon ? Enfant unique ou fratrie ? Français ou étranger ? Voici quelques questions que chaque parent, couple, professionnel pose au moment de l’adoption d’un enfant. Beaucoup de postulants à l’adoption rêvent d’adopter un tout-petit : "pas plus de trois mois", "six mois maximum !". Il est légitime que de nombreux parents désirent "pouponner". Ils craignent en adoptant un enfant déjà grand, avec un passé éventuellement lourd, de rencontrer trop de difficultés et de ne pas pouvoir l’élever selon leurs souhaits. Notre enquête nous montre en effet que 37,5% des familles souhaitent adopter un enfant de moins de un an, et 45%, un enfant de moins de 4 ans. La plupart d’entre elles ont obtenu un agrément répondant à ce désir. Actuellement, l’adoption concerne de moins en moins de bébés et de plus en plus d’enfants grands. En France, les conseils de familles ont peu de nourrissons à placer (environ 500 par an, pour 23 000 titulaires d’un agrément). À l’étranger aussi, il y a de moins en moins de bébés à adopter, même s’ils sont encore nombreux à être abandonnés. En outre, la situation de certains pays s’améliore et les enfants les plus jeunes sont adoptés dans leur pays. Il convient donc de penser le projet d’adoption en tenant compte des réalités du pays auquel on adresse sa demande pour que celle-ci soit plus rapidement satisfaite. - Garçon ou fille ? Les parents adoptifs peuvent, avant l’arrivée de l’enfant, désirer qui un garçon, qui une fille et, sont encouragés à faire part de ce désir aux travailleurs sociaux ou aux organismes avec lesquels ils sont en contact en vue d’une adoption. Nous verrons dans une autre partie combien la formulation de ce désir est importante dans le processus de filiation psychique. Notre étude révèle que seuls 39% des parents formulent un souhait précis concernant le sexe de l’enfant. Les autres parents laissent ce choix au hasard, un peu comme lors d’une grossesse. - L’enfant "de couleur" ? La question de l’ethnie de l’enfant est à envisager en priorité, que ce soit pour une adoption à l'étranger mais aussi pour une adoption en France, les enfants adoptables en France étant de toutes origines. Dans une relation qui engage plusieurs personnes pour la vie, il serait dangereux de forcer ses sentiments et d’accepter un enfant d’ethnie différente "faute de mieux". Les adoptants doivent s’imaginer, un jour, parents d’un adulte différent d’eux. Il faut également se sentir prêt à affronter le regard des autres : adopter un enfant d’une origine différente de la sienne, c’est accepter de lire sans cesse, dans le regard des autres, que la famille que l’on constitue repose sur l’adoption. Ce peut être difficile à vivre pour soi-même. Ce peut être également difficile à vivre pour l’enfant concerné, voire pour ses frères et sœurs. Enfin, il faut se sentir prêt à faire face au problème du racisme. L’environnement social de la famille, le milieu dans lequel l’enfant va vivre, va être important pour son intégration. - L’enfant à particularité ? Dans le vocabulaire de l'adoption, un enfant grand et/ou avec un problème de santé, victime de violences physiques ou sexuelles, mais aussi des enfants en fratrie (frères et sœurs biologiques) sont qualifiés d’enfants "à particularité". Ce vocable recouvre donc des situations très différentes : de la simple question de l’âge au sérieux problème de santé, y compris, dans quelques cas, avec une hypothèque sur le pronostic vital, en passant par des maladies plus ou moins bénignes ou des handicaps sensori-moteurs. On peut trouver cette dénomination maladroite, car tous les enfants ont leurs particularités. Si, en France, la "particularité" est en général bien définie, ce n’est pas encore le cas de nombreux pays étrangers qui n’ont pas les moyens de fournir un dossier médical précis et étayé sur les enfants adoptés, comme nous l’indique notre enquête qui révèle que 32% des enfants confiés à l’adoption n’avaient pas de carnet de santé. - L’enfant malade ou handicapé ? Adopter un enfant qui souffre d’une maladie où présente un handicap nécessite une certaine réflexion. En effet, la famille devra tenir compte de ses capacités matérielles : la présence à proximité d’une école adéquate, pour l’enfant déficient, sourd ou mal voyant, par exemple ; la disposition de la maison s’il s’agit d’un enfant qui se déplace difficilement, etc. La famille devra également envisager les changements que cela peut entraîner dans son mode de vie (renoncer à certaines activités, déménager pour se rapprocher d’une structure spécialisée…), la réaction que pourront avoir les enfants déjà présents au foyer (qui peuvent accepter facilement l’idée, moins facilement la réalité), les réactions que cela pourra susciter dans l’entourage familial, amical, dans le voisinage… L’accueil d’un enfant malade ou handicapé doit se préparer avec soin ; là encore, il faut savoir reconnaître ses limites. Les postulants doivent se renseigner sur les pathologies et les handicaps qui peuvent se présenter, de façon à cerner précisément leur projet : ce n’est pas la même chose d’adopter un enfant malentendant qu’un enfant trisomique. Et, pour chaque particularité, ils doivent s'interroger sur la manière dont ils envisagent leur vie avec cet enfant Il faut aussi avoir à l'esprit qu'une maladie peut évoluer: il faut donc évaluer ses forces en envisageant le fait que cela puisse être plus grave. Dans l’ensemble nous avons pu constater grâce à notre enquête que seuls 21% des familles ont pu envisager l’adoption d’un enfant handicapé. Lors de la procédure d’agrément, elles sont invitées à se prononcer sur le handicap qu’elles peuvent accepter mais surtout sur celui qu’elles ne pourront pas assumer. - Enfant unique ou fratrie ? De nombreuses ASE sont réticentes à l'idée de délivrer un agrément pour l’adoption simultanée de plusieurs enfants. L’arrivée d’un enfant au foyer, avec son histoire, ses difficultés propres, prend parfois l’allure d’une épreuve pour les parents : pleurs, mutisme, opposition ou, au contraire, refus d’être laissé un seul instant… Un enfant, même grand, peut avoir besoin de régresser, de se faire materner, porter, et réclamer les mêmes soins qu’un nourrisson pendant un certain temps. Les postulants qui ont le projet d’accueillir plusieurs enfants ont donc intérêt à procéder par étape, en adoptant un premier enfant puis en demandant un nouvel agrément, même si cela implique de prendre son temps et d’accepter un certain écart d’âge entre les frères et sœurs futurs. En France et dans le monde, des enfants sont proposés à l’adoption en "fratries" : en règle générale, les enfants élevés ensemble ne sont pas séparés lors de leur adoption. Il faut donc leur trouver des familles prêtes à les accueillir en même temps, qu’ils soient deux, trois, parfois plus, petits ou déjà grands. Dans le cas d’une fratrie préexistante, la présence d’un frère ou d’une sœur peut être un élément de stabilité ou un facteur sécurisant pour chacun des enfants, surtout s’ils arrivent de l’étranger. Cela ne signifie pas que tous les enfants s'acclimateront au même rythme : l'un des enfants peut avoir besoin de plus de temps que son frère ou sa sœur pour s’intégrer à son nouvel environnement. Différents types de difficultés peuvent surgir : les relations entre les frères et sœurs peuvent se resserrer ou, au contraire, se distendre ; ils peuvent aussi faire bloc face à leurs nouveaux parents ; parfois, un aîné refuse de lâcher son rôle de substitut parental et voit ses nouveaux parents comme des rivaux. Dans notre étude, nous avons constaté que 50% des familles ont formulé le désir d’accueillir une fratrie. Il arrive dans certains cas que des frères et sœurs soient adoptés séparément. S’ils en ont connaissance, les parents s’interrogeront alors sur l’opportunité d’informer leurs enfants de l’existence de frères ou sœurs parfois inconnus. D’après notre enquête, nous constatons que 69,23 % de célibataires n’ont pas songé à l’adoption d’une fratrie. Contrairement aux couples, soit 60 % qui sont pour l’adoption d’une fratrie. La décision des célibataires peut nous amener à penser que les célibataires ne se voient pas élever une fratrie d’un coup et seul. Cela pourrait demander beaucoup d’effort. Une Maman en témoigne : « je suis célibataire et ça me paraît trop dur à gérer une fratrie ». Néanmoins, 30,77 % de célibataires ont songé à adopter une fratrie mais aucun n’y est parvenu. Nous pensons que les services sociaux sont très réticents sur de tels projets. En revanche, 53,85 % de célibataires ont effectué ou songent à une deuxième démarche d’adoption. Nous pensons donc, qu’il leur est plus simple d’adopter un enfant à la fois, afin d’organiser leur nouvelle vie quotidienne. D) L’adoption en France et dans le monde - Y a-t-il des enfants à adopter en France ? En 1985, on comptait plus de dix mille "pupilles" en France, c’est-à-dire des enfants juridiquement adoptables. Aujourd’hui, ils sont encore un peu plus de trois mille, dont un peu plus d’un tiers sont effectivement adoptés. En 2003, 2 882 pupilles ont été admis comme pupilles,1 009 d’entre eux ont été placés en vue d’adoption. Les autres, c'est-à-dire le plus grand nombre, trouvent difficilement une famille en raison de problèmes de santé, de handicap, ou parce qu’ils sont plus grands ou en fratrie : autant d’éléments que des parents potentiels ne peuvent pas toujours assumer. Pour eux, l'absence de projet d'adoption s'explique par la bonne insertion dans la famille d’accueil (21%), le maintien des liens familiaux (8,5%), la qualification de pupille à titre provisoire (4,8%), l’état de santé (32,5%), l’âge (9,1%), l’existence d’une fratrie (11,7%), un projet différé (3,5%), une recherche large de famille d’adoption (5,5%), un échec d’adoption (3%). Il ne s’agit pas là de juger des limites que chacun se fixe. Il importe au contraire de savoir, avec authenticité, définir l’enfant que l’on se sent prêt à accueillir. Mais il faut aussi comprendre les raisons pour lesquelles il y a si peu d’adoptions d’enfants nés en France. Les seuls enfants adoptables en France sont ceux que les pères et mères de naissance, ou le Conseil de famille ou un juge, ont déclarés adoptables, à savoir : – une majorité d’enfants remis à la naissance après accouchement secret, ou avec demande de secret si la filiation était connue, et plus rarement avec une filiation connue et un consentement nominatif ; – quelques enfants plus âgés, dont les parents ont tardivement consenti à l’adoption ; – quelques enfants déclarés abandonnés par décision judiciaire (ceux dont les parents de naissance se sont vu retirer tous les droits d’autorité parentale), généralement âgés de plus de cinq ans, souvent adoptés par leurs familles d’accueil ; – très peu d’orphelins, ceux-ci étant généralement pris en charge par le reste de leur famille (mais bien des mères isolées et atteintes de pathologies graves risquent, à l’avenir, de laisser des orphelins). Ces enfants adoptables sont placés sous la tutelle de l'État, suivis par le Conseil de famille mais accompagnés et placés provisoirement en foyers ou en familles d'accueil par l'Aide sociale à l'enfance. - Y a-t-il beaucoup d’enfants abandonnés dans le monde ? Nul ne sait réellement combien ils sont, dans le monde, les réalités sont complexes, ouvertes à des interprétations différentes et évoluent au cours de la vie d’un enfant. Si l’on s’interroge sur le nombre d’enfants privés d’enfance, si l’on évalue le nombre d’enfants orphelins, ceux qui n’ont plus aucun contact avec leur famille, ou seulement un contact épisodique, ceux qui travaillent pour faire vivre leur famille, ceux qui sont recueillis par des structures spécialisées (orphelinats, asiles…) mais aussi tous ceux qui errent dans les rues, sur les routes, qui vivent de la mendicité, du vol, de ce qu’ils trouvent dans les décharges publiques, on se trouve sans doute devant des chiffres horrifiants : plusieurs millions d’enfants, dont un bon nombre meurt, chaque année, faute de nourriture, de soin, mais aussi, il faut le dire, ici comme ailleurs, grandissent mal faute d’affection. Tous ne sont cependant pas adoptables : la loi (celles des pays d’origine, celles des pays d’accueil), les coutumes et les habitudes, certaines spécificités de ces enfants (leur âge, leur apparence physique, leurs problèmes de santé, leur forte désocialisation pour certains…) font que beaucoup ne peuvent légalement pas (ou n’ont aucune chance) de trouver une famille ; ils grandiront sans affection, sans repère, sauf pour ceux qui auront la chance de croiser les personnels dévoués de structures d’accueil (trop insuffisantes) pensées pour eux. La situation évolue, d’un pays à l’autres : certains qui recherchaient hier des familles étrangères n’en cherchent plus aujourd’hui que pour des enfants dits "à particularité", proches de ceux pour qui les Conseils de familles en France recherchent aussi des parents. On peut difficilement estimer le nombre d'enfants adoptés dans leur pays d'origine, mais environ 35 000 enfants sont, chaque année, adoptés par des parents venus d'un autre pays que le leur. - L’adoption : action humanitaire ? Bien des pistes s'ouvrent à celui qui veut aider les enfants dans la misère : faire des dons aux œuvres humanitaires, partir construire une école ou un dispensaire, donner du temps pour distribuer des vivres et des repas, parrainer un enfant en France ou à létranger… "Une vraie bonne action consisterait à aider les enfants en souffrance à rester dans leur famille d'origine, dans leur pays, à faire en sorte qu'ils puissent grandir là où ils sont nés, auprès des leurs", dit une adhérente d’une association. Mais adopter un enfant pour le sauver de la misère, c'est prendre le risque de le regarder toujours comme un rescapé, celui de ne pas fonder un véritable lien de filiation, voire celui de considérer l'adopté comme ayant contracté une dette envers ses parents. Sans compter que, contrairement à l'engagement humanitaire), adopter nous engage à vie ! Construire une famille, c'est partager la même chance de créer ensemble une vie heureuse pour tous. Pour les parents, c'est le plaisir d'accompagner un enfant tout au long de sa vie afin qu'il se construise lui-même et qu'il se sente le mieux possible. L’association EFA ne di t pas que l'adoption ne puisse être imprégnée d'aucune motivation humanitaire : la plupart des parents adoptifs ont une grande ouverture de cœur qui n'est pas étrangère à leur choix, mais ils sont parents avant d’être militants. Nous pensons simplement que fonder une famille ne peut pas reposer sur une motivation humanitaire. Certaines personnes peuvent penser que l'adoption a pour conséquence d'arracher un enfant à son pays. Il est vrai que, dans le cas d'une adoption internationale, l'enfant quitte son pays de naissance pour aller définitivement vivre ailleurs. Si l'enfant est grand, notamment s'il parle déjà, ce peut être un déracinement douloureux pour lui. S'il est petit, les bruits, les odeurs, la température sont autant de repères qu'il va perdre. Dans tous les cas, ses parents devront l'aider dans cette transition et la prendre en compte pour l'aider à s'adapter à sa nouvelle vie. Mais grandir sans parent, sans famille, sans amour, n'est-ce pas pire qu'être "arraché" à son pays ? C'est pourquoi adopter n'est pas arracher un enfant à son pays : c'est lui donner des parents, et si, pour cela, il faut l'emmener loin de son pays, c’est parce qu’aucune solution n’a été trouvée pour lui dans son pays de naissance. C’est ce qu’on appelle le principe de subsidiarité, inscrit dans la Convention de la Haye. Enfin, rappelons, s'il est nécessaire, que notre langue, notre culture, notre mode de vie, notre pays même ne sont nôtres que parce que nous sommes baignés en leur sein. Ce n'est en rien héréditaire : un enfant, qu'il soit né au Vietnam, en Colombie ou en Russie, est français parce qu'il grandit en France dans une famille française. - Le coût d’une adoption : En théorie, cela ne coûte rien : l’agrément est gratuit, ainsi que le jugement d’adoption. Il est très important de rappeler qu’il ne peut être question, en France comme à l’étranger, de payer pour avoir un enfant : un enfant n’est pas une marchandise. Accepter de payer, c’est prendre le risque de séparer un enfant de sa famille d’origine pour l’appât du gain de quelque intermédiaire peu scrupuleux. En revanche, il est vrai que l’adoption à l’étranger entraîne généralement des frais conséquents : traduction puis légalisation, en France, du dossier auprès du ministère des Affaires étrangères, coût des procédures sur place et traduction des pièces, remboursement éventuel des frais médicaux et des frais d’entretien de l’enfant depuis sa prise en charge par les services sociaux qui l’ont accueilli, voyages et séjours éventuels des parents dans le pays d’origine, voyage de l’enfant vers la France, dons à l’OAA (organisme autorisé pour l’adoption ) ou à l’orphelinat qui s’est occupé de lui. Les cas de figure sont donc extrêmement variables selon le pays d’origine de l’enfant et la durée d’un éventuel séjour des parents (de trois jours à trois mois selon les pays). Certains conseils généraux peuvent offrir une aide financière. Il s’agit de l'allocation départementale pour l’adoption d’un enfant en provenance de l’étranger. Le montant de l’allocation varie entre 1 000 à 3 500 €. La Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE), peut être versé par la CAF. Cette prestation comprend une prime à l’adoption (certifiée par ASE, OAA, autorité étrangère compétente) et/ou une allocation à la base (versée pendant 3 ans dès l’arrivée de l’enfant adopté dans le foyer dans la limite des 20 ans). D’après notre enquête, les adoptants ont généralement rencontré des difficultés économiques. Il faut savoir que la PAJE n’a été mise en place qu’au 1er janvier 2004 et que l’allocation pour l’adoption départementale est récente (ex : celui des Hauts de Seine depuis 2006). N’ayant pas le choix, les postulants n’ont pu recourir qu’à des prêts bancaires ou à des aides de leur famille. Globalement, les adoptants avaient besoin d’une somme d’entre 5 000 et 10 000 € pour mener à bien leur projet. E) Aides et soutiens : - Les associations : D’après notre enquête, les parents adoptants estiment que le soutien est important et très utile tout au long de leur parcours : - 88,46 % des adoptants (couples et célibataires) se sentent bien accueillis dans leur démarche d’adoption, par leur entourage. - 77,77 % d’adoptants ont été en contact avec des associations en lien avec l’adoption. - 64 % des adoptants estiment que les apports, aides, orientation des associations ont été utiles. Nous venons de voir qu’il y a des points positifs dans le soutien de l’entourage et des associations. En revanche, le soutien des services sociaux a été moins important : - 59,18 % des adoptants affirment ne pas avoir eu besoin du soutien psychologique. - 40,34 % seulement se sont bien sentis encadrés dans les démarches auprès des services sociaux. Mais 29,16 % d’adoptants auraient souhaité plus de soutien et 20,83 % auraient souhaité obtenir des informations concrètes. Lorsqu’ils en ont éprouvé le besoin, les adoptants ont préféré s’adresser plutôt à des associations qu’à l’ASE. En effet, l’association est un point de rencontre, un repère essentiel pour les adoptants qui s’interrogent. Les membres ont des points en commun, ils y trouvent donc presque tout ce dont ils ont besoin comme de l’assurance, du soutien, des informations et des conseils. Les associations semblent être plus facilement accessibles et leur accès, par Internet, par le biais de forums facilite les échanges. Voici les associations les plus fréquemment citées par les parents interrogés : Rayon de soleil, Comité des œuvres de Cognac, Amis des Enfants du Monde, Cœur Vietnam, Adoption Russie, EFA, Adoption solo, Bouilles de Vietnam. - Le congé en vue d'adoption Les postulants à l'adoption et les nouveaux parents ont le droit à des congés et à des prestations sociales. Tout salarié titulaire de l’agrément en vue d’adoption peut bénéficier d’un congé non rémunéré d’une durée maximale de 6 semaines s’il se rend dans les territoires d’outre-mer ou à l’étranger pour adopter un enfant (Code du travail L.228-10, pour les fonctionnaires décret 97-1127 article 1er). Le salarié doit informer son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception deux semaines avant le début de ce congé. Ce congé est également un droit pour les demandeurs d’emploi indemnisés par les ASSEDIC. - Le congé d'adoption Le congé d’adoption est ouvert à tout salarié à qui un service départemental d’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou une œuvre d’adoption autorisée confie un enfant en vue de son adoption ou qui adopte dans la légalité un enfant arrivant de l'étranger. Ce congé peut débuter dans la semaine précédant l’arrivée de l’enfant et peut être pris par le père ou la mère ou être partagé entre eux. Si ce congé est pris par un seul des deux parents, il est d’une durée de : - 10 semaines pour les deux premiers enfants arrivant au foyer, - 18 semaines pour une adoption portant le nombre d’enfants du foyer à trois ou plus ; - 22 semaines en cas d’adoptions multiples (trois ou plus) et quelque soit le nombre d’enfants vivant au foyer. En cas de partage du congé entre les deux parents, la durée maximale du congé est augmentée de 11 jours (18 en cas d’adoptions multiples) (Code du travail article L122-26). Pendant le congé d’adoption, le contrat de travail est suspendu. Le congé ouvre donc droit aux indemnités journalières de la sécurité sociale. La loi ne fait pas obligation aux employeurs de maintenir tout ou partie du salaire pendant les congés mais une telle obligation peut être prévue par les conventions ou accords collectifs. Les fonctionnaires perçoivent l’intégralité de leur salaire pendant la durée de ce congé. En outre, toute disposition figurant dans une convention ou un accord collectif de travail en faveur des salariés en congé de maternité pour un avantage lié à la naissance est, de plein droit, applicable aux salariés en congé d’adoption (Code du travail L 122-26-3). Les textes semblent sans ambiguïté mais certains pères se voient refuser leur congé lorsque leur femme ne travaille pas. Les caisses d’assurance-maladie ou l’employeur justifient ce refus par l’article L331-7 du code de la sécurité sociale : "Lorsque les deux conjoints travaillent, l’indemnité journalière de repos est accordée à la mère ou au père à condition que l’un des conjoints ait renoncé à ce droit". - Le congé parental Tout salarié peut prendre un congé parental d’éducation ou réduire son temps de travail à n’importe quel moment pendant la période qui suit l’expiration de son congé d’adoption et ceci jusqu’au : - troisième anniversaire de l’arrivée de l’enfant au foyer s’il s’agit d’un enfant de moins de deux ans, - premier anniversaire de l’arrivée de l’enfant au foyer s’il s’agit d’un enfant de plus de deux ans. Le salarié doit informer son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, du point de départ et de la durée de ce congé. - Le complément optionnel de libre choix d'activité Le 1er juillet 2006, le Complément Optionnel de Libre Choix d' Activité (COLCA) a été mis en place en complément du dispositif existant du Complément de Libre Choix d'Activité (CLCA) qui propose un congé d'une durée maximale de 3 ans (pour un enfant entre 0 et 3 ans), rémunéré 525 euros par mois. Cette nouvelle mesure est issue des réflexions menées dans le cadre de la Conférence de la Famille tenue en 2005. Le COLCA concerne le parent ayant 3 enfants ou plus et souhaitant cesser totalement son activité professionnelle pendant le congé (pas de COLCA partiel). D'une durée d'un an, il est rémunéré 746.06 euros par mois et intervient dès la naissance ou l'adoption du 3e enfant (ou plus), sous réserve d'une activité professionnelle antérieure de 2 ans au cours des 5 dernières années précédant l'arrivée de l'enfant. En outre, l'enfant doit être né ou adopté à partir du 1er juillet 2006. A savoir que le choix du COLCA ne permet pas aux parents de bénéficier du CLCA. D’après notre enquête, les mères sont principalement concernées par les congés. 46,15% de pères ont repris leur activité professionnelle après leur congé paternité. 67,57 % des mères ont repris leur activité professionnelle après 6 mois de congés. 35,14 % des mères ont demandé à bénéficier d’un congé parental, et 21,62 % n’avaient à ce jour, pas encore repris d’activité professionnelle. F) Renoncer à l’adoption : - Le refus d’agrément : Le refus d’agrément doit être motivé et ne peut pas se fonder sur les causes non reconnues par la loi : l’âge (dans la limite inférieure légale), le fait d’être célibataire, avoir déjà des enfants… Le recours gracieux Il est possible d’entreprendre, avant toute démarche contentieuse, un recours gracieux auprès du président du conseil général dans les deux mois qui suivent la notification du refus. Les candidats doivent rédiger un véritable recours : il doit être précis et contenir les raisons (circonstances de faits et règles de droit) pour lesquelles, selon eux, l’administration doit revoir sa décision. Il peut être judicieux de demander de nouvelles évaluations avec de nouveaux travailleurs sociaux n’ayant pas eu accès aux premières évaluations. La réponse qui doit être prononcée dans les deux mois peut se conclure par la délivrance de l’agrément, la décision d’une nouvelle procédure avec de nouvelles évaluations avec un nouveau passage en commission, une confirmation du refus. En cas de non-réponse (dans un délai de deux mois), il pourrait s’agir d’un refus implicite. Le recours contentieux ou requête devant le tribunal administratif. Si l’administration rejette une demande, les candidats peuvent entamer une procédure de recours contentieux devant le tribunal administratif. Ce recours, qui peut se faire sans avocat, doit intervenir dans les deux mois suivant le refus d’agrément, suivant la confirmation du refus d’agrément ou suivant le rejet implicite. Il s’exerce sous la forme d’une requête (mémoire) écrite adressée au tribunal administratif. La requête présente les faits (motifs du refus) et expose ce que les postulants demandent et les fondements de leur demande. La nouvelle demande d’agrément Le refus d’agrément a une validité de trente mois et est valable sur tout le territoire national. Passé ce délai, que le candidat ait ou non fait un recours, il peut déposer une nouvelle demande d’agrément et entamer une nouvelle démarche pour adopter. Nous avons relevé 13 ,95 % de refus d’agrément dans notre enquête. Les refus concernaient en particulier les couples ayant déjà des enfants biologiques, ayant échoué à un examen psychologique, ou des candidats qui n’avaient pas été jugés prêts pour ce projet. Nous rappelons que les services sociaux ne fonctionnent pas tous de la même manière. La décision dépend donc des professionnels et de leur personnalité. Nous avons noté que les candidats se voyant refusé et incompris, ont recouru au tribunal administratif ou auprès du président du Conseil Général. 83,33 % ont eu un recours favorable. - Les difficultés financières : Comme nous l’avons expliqué précédemment, beaucoup de postulants ont rencontré des difficultés économiques pour entamer la longue démarche d’adoption. Les seules solutions étaient le prêt bancaire, ou aide de la famille (financièrement). Du coup, ceux qui ne pouvaient vraiment pas, ont dû renoncer à l’adoption. Nous pensons qu’il existait beaucoup de candidats rencontrant ce problème, puisque un projet de loi de finances pour 2005 a été entendu par la ministre de famille et de l’enfance, Marie Josée Roig. Le 5 octobre 2005, la ministre a proposé de doubler la prime d’adoption (PAJE). Celle-ci estimait que les parents en quête d’adoption devaient supporter des coûts spécifiques dans le cadre de démarches coûteuses et il était légitime qu’il en soit financièrement tenu compte. La loi du 4 juillet 2005 rentre donc en vigueur pour faciliter les démarches financières aux candidats. Ainsi, il y aura moins de renoncement à l’adoption en matière de budget. III/ DU COTE DES PARENTS : COMMENT DEVENIR FAMILLE ? A) L’enfant et ses origines 1- Une Histoire de vérité Tout enfant a droit à la vérité sur son histoire. Si par le passé, il était fréquent de taire l’adoption à son enfant (lorsque cela était possible), nous constatons que la tendance actuelle est de raconter dès que possible la vérité à l’enfant. Cela apparaît d’autant plus évident lorsque l’enfant est étranger, et donc soumis à des regards et questionnements sur ses origines. Dans cette logique, un article du Journal de pédiatrie et de puériculture souligne qu’ « il ne faut pas hésiter, dès le début, à raconter son histoire à l’enfant. Il peut, dès ses premiers jours de vie, percevoir quelques émotions. [En parler assez tôt rendra] plus naturel d’évoquer [l’adoption] quand l’enfant sera en âge de comprendre. » (1) C’est exactement ce que nous avons pu constater au travers de notre étude : 22 familles sur les 28 ayant répondu à la question ‘ A quel âge avez-vous parlé de l’adoption à votre enfant ?’ ont choisi d’évoquer l’adoption dès le début. Pour deux d’entre elles, il a été néanmoins difficile d’aborder ce sujet, tandis que les autres se sont généralement senties plus à l’aise. Nombreux sont les parents qui, une fois que la parole a été posée, et selon l’âge de l’enfant, le laissent venir à eux afin de les questionner. Il est nécessaire en effet de permettre à l’enfant de s’interroger, de refuser, ou de s’intéresser à son histoire au moment qui lui conviendra le mieux. Dès lors qu’il sait que ses parents et sont entourages sont disponibles pour cela, l’enfant est rassuré car il sait qu’à chaque instant, il pourra trouver les éléments de réponse à ses questions. Il sait que quelqu’un aura quelque chose à lui dire de son passé. En même temps, il faut se montrer vigilent afin de ne pas tomber dans l’excès qui voudrait que l’on parle constamment de l’adoption à l’enfant, comme pour justifier sa présence désirée au sein de la famille, et l’amour que celle-ci lui porte. Cette démarche peut en effet être douloureuse pour un enfant qui cherche à s’inscrire comme l’enfant de ses parents, mais à qui l’on rappelle sans cesse, et souvent innocemment, ses origines. Une maman explique que face au refus de son enfant d’entendre parler de son adoption, elle a décidé de laisser à sa disposition, dans un tiroir, le livre de son histoire. C’est l’enfant qui a choisi luimême d’ouvrir ce livre afin que sa maman le lui raconte, le jour où il était prêt à entendre parler de son passé. L’article précédemment cité précise également que « le plus grand respect que l’on doit avoir pour un enfant est la vérité. […] il a aussi droit à son histoire. Il est capital qu’il n’ait pas honte de cette histoire. » (2) Un enfant ne peut se construire sans aucune référence à son passé. De même, la connaissance de cette histoire sera, tant pour les parents adoptifs que pour l’enfant adopté, un des facteurs de la réussite de création et de la permanence d’une nouvelle filiation. Celle-ci passe en effet par l’acceptation et la reconnaissance du passé de l’enfant. Si on nie cette histoire, la création des liens de filiation psychique, et le sentiment d’appartenance familiale risquent d’être fragilisés. ____________________________________________________________ 1- Article extrait du Journal de pédiatrie et de puériculture – n°1 2- Article extrait du Journal de pédiatrie et de puériculture –n°1 . Néanmoins, il faut également considérer la réalité : les professionnels ne connaissent pas toujours l’histoire de l’enfant avant son accueil. Ainsi, les seules informations qui pourront lui être transmises concernent les circonstances de son abandon, les personnes qui l’ont entouré en attendant d’être adopté, l’environnement dans lequel il a commencé sa vie…laissant malheureusement à l’enfant beaucoup d’interrogations sans réponses concernant cet abandon, et d’en fantasmer les causes. Il faut préserver à l’enfant un lien de continuité. L’adoption ne doit donc pas représenter une rupture avec le passé, mais s’inscrire dans la continuité de la vie de l’enfant. Bernard Prieur nous précise effectivement que « pour que la greffe prenne, pour que les enfants grandissent harmonieusement, les parents adoptifs doivent accepter que toute l’histoire n’ait pas commencé le jour où ils se sont rencontrés, et où ils ont créé ensemble une nouvelle famille » (1) mais celle-ci inscrit bien son origine dès la conception et lors de la naissance de cet enfant. C’est un processus difficile à accepter par les parents adoptifs qui ont plutôt tendance à vouloir nier un passé et une vérité parfois trop difficiles à entendre. Ces parents doivent savoir que tôt ou tard, l’enfant exigera qu’on lui raconte la vérité. Nous convenons bien du fait que celle-ci ne peut pas toujours être entendue à tout âge, mais il est semble-t-il préférable de différer les propos de vérité plutôt que de les taire. J. Bowlby nous informe sur les effets d'un changement de lieu lorsque l'enfant, déjà âgé, a acquis un certain nombre de représentations et d'attachements à sa culture-mère. Cela fait partie de son développement, et dans son existence d'enfant adopté, sa culture représente un pôle d'identification important, que certains enfants tenteront rapidement de refouler, tandis que d'autres le revendiqueront avec passion. Ceci n'épargne pas les enfants adoptés tout jeunes, qui peuvent eux aussi revendiquer cette culture d'origine à laquelle ils se sentent appartenir. N’oublions pas que même si l’adoption plénière reconnaît à un parent l’enfant comme étant le sien, celui-ci continue pourtant de venir d’ailleurs, et ce n’est pas parce que l’enfant n’a pas le souvenir de son abandon, de son passé, que l’impact de cette expérience traumatisante s’en trouve amoindri. L’enfant adopté, tout comme n’importe quel autre enfant, aura besoin de connaître ses origines pour se connaître lui-même. Mais surtout pour se reconnaître. Il est en effet fréquent que l’enfant s’interroge : pourquoi a-t-il les cheveux frisés ? De qui lui viennent ses yeux verts ? A qui ressemble-t-il le plus ? Car à qui peut donc s’identifier un enfant qui ne ressemble pas à ses parents ? Dire la vérité à son enfant, lui raconter son histoire, c’est lui permettre de se l’approprier et de construire avec lui sa nouvelle histoire, dans une relation de confiance qui a été détruite par l’abandon. L’enfant a en effet vécu plusieurs traumatismes de séparation : - la séparation d’avec le corps de la mère, lors de la naissance - la séparation liée à l’abandon. Cette séparation est qualifiée par M. Berger comme « un traumatisme difficilement intégrable pour le psychisme des enfants. […] les enfants ne peuvent ni l’accepter, ni en donner du sens. » (2) 1- Bernard Prieur dans Adoption, une aventure familiale,ESF, 1995 2- M. Berger dans L’enfant et la souffrance de la séparation, Dunod, 2003 2- Vers la construction d’une nouvelle identité Adopter, c’est aussi comprendre ce que représente la perte liée à l’abandon. C. Delannoy énumère dans un chapitre intitulé ‘L’abandon, une perte originelle’, ces pertes successives, ces manques avec lesquels l’enfant devra accepter de se construire : - le manque d’avoir été désiré, formulant ainsi l’hypothèse selon laquelle nombre d’enfants abandonnés n’étaient pas attendus, comme l’atteste ce témoignage d’une jeune fille abandonnée à la naissance : « je suis sûre […] depuis toute petite que ma mère a cherché à se débarrasser de moi. » (1) Ce manque a pour corollaire le manque de se sentir aimé : les jeunes enfants imaginent souvent qu’ils ont été abandonnés car leurs parents ne les aimaient pas. - le manque de mots, ces mêmes mots qui donnent du sens aux événements et permettent à l’enfant de comprendre son histoire. Un petit garçon a pu dire un jour à sa maman adoptive : « Mon moman m’a dit : ‘Dors, je vas chercher du poisson.’ Pourtant, j’a dormi, mais elle n’est pas revenue. » (2) Françoise Dolto disait que « l’être humain est un être de parole », ce qu’a repris C. Eliacheff écrivant que « l’enfant abandonné peut survivre psychiquement grâce aux liens symboliques et imaginaires qu’il pourra créer si on lui parle. » (3) - la perte de l’identité, qui survient avec le changement de nom, prononcé par l’adoption plénière, mais également par la perte du prénom qui, comme nous le verrons plus avant, est souvent modifié, voire oublié. - la perte du passé, du pays d’origine, de la langue, de la culture. Cette perte est d’autant plus significative que l’enfant est grand, et imprégné de la langue, de la culture, d’habitudes. Cette perte engendre parfois aussi la perte du souvenir. Les professionnels émettent l’idée qu’il est impératif que l’enfant renonce à son passé pour pouvoir s’inscrire dans sa nouvelle filiation, sa nouvelle vie. Dans ces circonstances, nous nous interrogeons sur les enfants qui ont quitté leur pays d’origine avec comme souvenir, une photo, un courrier, un objet ayant appartenu à une maman, un papa biologique. D’après notre étude, 72% des enfants adoptés ont quitté leur foyer en emportant avec eux des objets divers (photos, vêtements, jouets, sac, bijoux…) et 38% de ces objets étaient des photos, représentant les parents de naissance, l’orphelinat, les personnes s’étant occupée de l’enfant. Comment ces enfants peuvent-ils donc se situer dans leur filiation adoptive alors que ces souvenirs les ramènent finalement à leur passé ? Est-il possible de combiner les deux ? Conserver ces objets comme la seule trace du passé de l’enfant, c’est le respecter, accepter et conserver l’histoire qui était sienne avant son adoption. La démarche est généreuse, elle est le signe que cette nouvelle famille ne s’inscrit pas dans le déni de l’abandon. Dans la démarche des parents adoptants, conserver des photos de l’enfant dans ses premiers instants de vie, revient à faire, comme pour tout parent, l’album de vie de leur enfant. Il s’agit d’un album qui, par son contenu bien spécifique, souligne la spécificité de l’histoire de leur famille, et reconnaît les origines de l’enfant. Celles-ci ne pourront donc jamais connaître l’oubli. D’ailleurs, S. Marinopoulos, C. Sellenet et F. Vallée prononcent cette phrase très juste : « L’enfant abandonné porte en lui ses parents d’origine pour toujours. » (4) 2- C. Delannoy dans Au risque de l’adoption. Une vie à construire ensemble, La Découverte, 2004, p.156 3- Idem, p.161 4- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p. 195 5- Idem, p. 197 La question des origines est étroitement liée à celle de la culture, notamment dans le cadre de l’adoption internationale, qui est la plus représentative. Notre étude nous précise que l’adoption nationale ne représente que 8,5% de l’ensemble des adoptions, les autres se faisant donc à l’étranger, en particulier sur le contient américain (38%) et asiatique (28%). Adopter un enfant à l’étranger n’est pas toujours un choix, c’est aussi le moyen de contourner des délais d’apparentement trop longs en France, pays qui est par ailleurs confronté à un nombre d’agréments trop importants au regard du nombre d’enfants réellement adoptables sur le territoire. Adopter à l’étranger n’est pas un acte anodin. Le choix du pays vers lequel on s’oriente est souvent chargé d’affects, en souvenir d’un voyage, en réponse à l’émotion qu’il nous procure… Lorsqu’on se rend sur place pour aller chercher son enfant, c’est également l’occasion d’une découverte. La découverte des origines de son enfant. Et cette découverte, on a envie de la faire partager à son enfant, envie qu’elle l’accompagne tout au long de sa vie. Il n’est donc pas rare que des parents, revenant avec leur enfant, reviennent également chargés d’objets cultes (kimono, temple, masque, CD musicaux) qui rappelleront, dans la chambre de l’enfant ou ailleurs dans le domicile, d’où vient l’enfant. Nous pouvons nous interroger sur le fait que par cette démarche, c’est la volonté de l’adulte, de rattacher l’enfant à ses origines qui s’exprime, mais non la volonté propre de l’enfant. Un enfant qui grandit en France, mais dont la chambre est remplie de petits temples chinois n’éprouvera-t-il pas, à l’égard de ses origines, des difficultés d'appartenance ? A ce sujet, nous avons formulé dans notre questionnaire, une question relative à la décoration de la chambre de l'enfant adopté : 71% des familles reconnaissent avoir décoré la chambre de leur enfant avec des objets rappelant l'origine géographique de l'enfant, et pour 68%, il s'agit de la volonté des parents. La majorité des parents évoque ce choix par le fait que l'enfant était encore trop petit pour donner son avis, mais que celui-ci sera invité plus tard à conserver ou se séparer de ces objets. Même si certains enfants refusent totalement que leur univers matériel les ramène à leur pays de naissance, ce n'est pas pour autant qu'ils renient leur origine biologique. De telles démarches montrent combien la question du lien aux origines est importante pour les parents adoptifs. Ce sont parfois eux, plus que l'enfant qui veulent maintenir réel ce lien, tandis qu'en même temps, ils souhaitent que leur enfant se construise dans un total sentiment d'appartenance à sa nouvelle famille, sa nouvelle culture. La même question peut se poser lorsque des parents adoptifs ayant rencontré les parents de naissance de l'enfant, souhaitent garder contact avec eux. Comment l'enfant peut-il se construire et s'inscrire dans sa nouvelle filiation si quelque chose lui rappelle sans cesse d'où il vient ? Nous n'étayerons pas plus longtemps cette éventualité dans ce devoir, aucune des familles ayant répondu à notre étude se trouvant dans cette situation. Rappelons juste que cela existe, car il est des pays qui exigent, lorsque est prononcé le jugement d'adoption, que les parents de naissance, s'ils sont encore vivants, assistent au jugement avec les parents adoptifs. Enfin, nous souhaitons aborder la question du prénom de l'enfant. Tout parent, tout couple qui conçoit un enfant, ou l'adopte, se pose à un moment, la question du prénom à donner à cet enfant. Réfléchir à ce prénom, c'est donner vie à l'enfant imaginaire, le nommer, le faire exister en tant que sujet. Il est des parents qui bien avant que la maternité ne devienne une réalité, avaient choisi ce prénom : il est alors clair que ce prénom sera celui de l'enfant à venir, biologique ou adopté. La question du prénom est abordée lors des entretiens avec les psychologues pendant la phase de l'agrément, d'autant plus que depuis la loi du 23 avril 1949, modifier le prénom de l'enfant est devenu un droit. Faut-il conserver le prénom de l'enfant ? Lui en donner un autre ? Le plus important pour les parents, est de savoir que le choix existe, qu'il leur appartient de donner ou non un autre prénom à cet enfant qui devient le leur. Mais dans leur esprit se mêlent nombre de pensées, entre autres liées à la culpabilité de toucher à l'identité même de leur enfant : − choisir le prénom de son enfant, c'est la façon la plus symbolique et réelle de reconnaître l'enfant comme le sien − changer son prénom, n'est pas nier l'histoire de la naissance de cet enfant ? Provoquer une rupture supplémentaire avec ses origines ? − Conserver le prénom d'origine et en attribuer un autre, serait-ce la solution pour que l'enfant puisse plus tard choisir lui-même celui dans lequel il se reconnaîtra le mieux ? Le rôle des professionnels qui accompagnent les parents dans cette réflexion est de leur permettre de se dégager de ce sentiment de culpabilité et d'agir selon ce qui répond le mieux à leurs attentes et à leur conception de la filiation. S. Marinopoulos, C. Sellenet, et F. Vallée estiment que s'autoriser à choisir le prénom de son enfant, c'est permettre que sentiments d'appartenance et sentiment de filiation puissent exister dès les débuts de l'aventure; elles précisent que la réflexion s'oriente généralement du côté de l'enfant, au détriment des parents : 'Or le parent est non seulement directement concerné, mais aussi porteur d'un désir de transmission qu'il nous faut pouvoir entendre. S'inscrire parent d'un enfant, vouloir devenir son père ou sa mère, c'est pouvoir lui transmettre quelque chose d'une histoire portée par le couple parental. Celuici, en pensant les prénoms, en imaginant ce nouvel enfant dans la famille, favorise cette inscription. [D'autant plus que] un prénom n'est jamais choisi au hasard, et bon nombre de parents adoptifs désireux de changer le prénom de leur enfant le font avec beaucoup de soin et de respect pour son histoire. » (1) L'étude que nous avons menée nous révèle ceci : supprimer le prénom de l'enfant au profit d'un nouveau, c'est inscrire l'enfant dans sa nouvelle filiation : quelque part il n'est plus l'enfant d'une autre, mais bien le nôtre. Conserver les deux prénoms, en revanche, c'est aussi conserver les traces des deux parentalités. Nous remarquons que lorsqu'on ne touche pas au prénom de l'enfant, c'est généralement lorsqu'il est plus grand, et que ce prénom constitue pour lui un repère auquel on ne veut pas toucher, afin de ne pas rompre avec l'identité qui s'est déjà créée. Il s'agit également de ne pas nier l'histoire originelle de l'enfant, de lui conserver une trace de son histoire, quand c'est souvent la seule chose qui lui reste de son passé. Les chiffres sont d'ailleurs très éloquents : - 22% des parents ont choisi de modifier le prénom de leur enfant : les raisons les plus fréquemment nommées étaient que cela leur permettait de « donner un nouveau départ à l'enfant », de lui « donner un prénom français » car son prénom n'était pas prononçable en français oui lui éviter des discriminations futures, mais surtout, 43% d'entre eux affirmaient que c'était le moyen pour eux de « construire leur parentalité. » - 40 % ont désiré conserver le prénom d'origine en seconde place, afin de construire sa parentalité par le biais du prénom sans occulter l'histoire de l'enfant, et lui permettre un retour à ce prénom originel s'il le souhaite. - Enfin, 46% des familles évoquent n'avoir pas voulu modifier ce prénom car d'une part il leur plaisait, et surtout, il y avait la volonté de ne pas toucher à l'identité de l'enfant. Lorsque l'enfant était plus âgé l'éventualité d'un changement a été soumis auparavant à une proposition à l'enfant. Une seule famille nous dit avoir imposé ce choix. 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.122 3- De la rencontre à l’arrivée de l’enfant Première rencontre, premiers pas… La première rencontre entre l’enfant et ses nouveaux parents est toujours un moment important. Elle se fait parfois dans de bonnes conditions (l’enfant et dans son lieu de vie habituel), parfois dans de moins bonnes (enfant et parents se retrouvent à l’aéroport,). Elle peut avoir été bien préparée (on a expliqué au bébé, à l’enfant, qu’il allait rencontrer ses parents et ce que cela représentait pour son avenir) ou mal préparée, voire pas du tout (l’enfant est « collé » dans les bras de ses futurs parents). Les parents ayant répondu à notre questionnaire sont nombreux à déplorer le manque d’intimité lors de la rencontre avec leur enfant : cet instant de magie tant attendu est alors perturbé par la présence d’enfants, d’adultes, d’étrangers… qui rompent l’intimité que l’on souhaiterai pour ce moment unique. le pire pour les parents reste la rencontre à l’aéroport… le bruit, l’agitation, les gens… mais comme a pu l’expliquer une maman, dans ces moments, on oublie tout, on n’existe que pour les yeux de son enfant, on ignore le reste… Les parents peuvent régir très différemment (laisser à l’enfant le temps de comprendre, le temps de venir, ou se précipiter vers lui, l’étouffer de baisers, de paroles, garder une certaine distance ou se laisser submerger par l’émotion, ce que l’enfant ressent nécessairement…). L’enfant peut aussi avoir été plus ou moins préparé à son départ vers un ailleurs : notre étude relève que seuls 45% des enfants ont été informés de ce que représenterait leur adoption, et préparés à leur départ. Dans le doute, les parents ont toujours intérêt, même dans leur propre langue, et même si l’enfant est un bébé, à verbaliser qui ils sont (maman, papa), à le rassurer et lui dire qu’ils sont là pour toujours (phrase qu’ils répéteront beaucoup, dans les premiers temps, mais plus tard aussi, pour aider l’enfant à surmonter ses angoisses) et qu’ils vont l’emmener avec eux dans sa nouvelle vie. La période d’apparentement et de rencontre avec les différents interlocuteurs présents lors des rencontres, est un temps pour recueillir le plus d’informations possibles concernant l’enfant : - sur sa vie quotidienne, ses habitudes, ses horaires, ses rythmes, ses goûts… : les biberons, les couches (prévoir, dans un premier temps, de lui conserver sa marque de lait ou de couche pourra l’aider à faire la transition entre sa vie actuelle et son nouveau foyer), les plats qu’il aime, mais aussi les jeux auxquels il joue, son surnom, la chanson qu’il écoute avant de dormir, sa position préférée pour dormir, sa position pour boire son biberon… - sur son histoire, sa vie avant son arrivée à l’orphelinat, par exemple, mais aussi depuis, ce que les personnes qui s’en occupent savent de lui, ont remarqué, les événements qui ont eu lieu, éventuellement des photographies, et pourquoi pas, des objets de la vie quotidienne… 64% des familles interrogées nous disent avoir pu obtenir des informations sur les habitudes quotidiennes de l’enfant, et 60% sur l’histoire personnelle de l’enfant. Ces informations sont importantes pour les parents car elles leur permettent d’adopter une attitude qui peut rassurer, créer, dans un premier temps une continuité, afin que la rupture d’avec les origines ne soit pas trop brutale. L’arrivée de l’enfant : le début d’une vie de famille… L’installation de l’enfant dans son nouveau foyer est le moment que les parents ont attendu et imaginé. Pour eux, c’est la concrétisation de leurs rêves, l’aboutissement de démarches souvent longues et pénibles. Quand arrive cette période d’accalmie, où les parents peuvent enfin ‘se poser’, certains parents peuvent ressentir ce qu’on a appelé le « baby blues de l’adoptant ». après tant d’énergie dépensée, il arrive que des parents, des mamans surtout, se sentent perdues, vidées, d’une tristesse infinie, un peu comme les mamans qui viennent d’accoucher. D’après notre étude, 20% des parents ont ressenti cet état, tandis que d’autres, n’allant pas jusqu’à affirmer avoir connu le baby blues, parlent d’un état étrange, d’égarement. C’est le moment de réaliser qu’enfin on devient parent, et ce n’est pas toujours évident. Pour l’enfant, c’est également un temps difficile : lui que son histoire a rendu sensible aux changements, à la séparation, perd soudain tous ses repères (son lieu de vie, ses personnes référentes, ses habitudes…) et doit renoncer à sa vie d’avant sans encore savoir tout ce que sa nouvelle vie va lui apporter. Il peut se montrer souriant, ouvert, paisible, parce qu’il est heureux du changement de vie et en comprend d’emblée le sens. Attention cependant à ce qu’il ne masque pas ses inquiétudes pour se montrer conforme à ce qu’il pense que ses parents attendent de lui. Il peut aussi se montrer mutique, entêté, triste, désintéressé ou, au contraire, pleurer, crier, se mettre en colère. Cela peut-être le moment d’une profonde désorganisation des fonctions essentielles (sommeil, alimentation, propreté). D’un enfant à l’autre, les attitudes sont différentes. Certains « grands » passent par une phase de régression : ils demandent qu’on les habillent, qu’on les nourrisse à la cuillère voire au biberon, qu’on les porte. Que ces premiers moments soient agréables, peu gratifiants, ou étouffants, l’attention des parents n’est jamais excessive et tout ce qui peut être mis en œuvre pour aider l’enfant à franchir ce cap le plus facilement possible est positif. Il faut veiller à respecter le rythme de l’enfant, lui laisser le temps de s’adapter, de découvrir, de s’installer. Pour ces premiers temps bien particuliers, il est conseillé de créer une atmosphère protectrice et rassurante. Pour cela, les parents devraient : - limiter les sorties mais aussi les visites des proches (même s’il a l’air d’en redemander ; il s’agit de l’aider à s’ancrer dans sa nouvelle vie, pas de papillonner), - conserver les habitudes et mettre en place une routine pour créer des repères (heure des repas, rituel de la toilette…), - éviter ce qui peut effrayer (un animal domestique, un jouet trop grand, le jet de la douche…), - attendre pour mettre en place « l’éducatif » (sauf pour les dangers bien sûr) et se montrer compréhensif (ne pas laisser l’enfant dans sa chambre la nuit s’il n’a jamais dormi seul, le prendre dans les bras autant qu’il le demande…), - verbaliser ce que l’on fait, va faire, est entrain de faire, prévoit de faire, quelle que soit la barrière de la langue ou l’âge de l’enfant, de façon à ce qu’il comprenne que l’on souhaite l’aider à anticiper. Ainsi préparés, les parents n’ont plus qu’à se laisser porter par les joies – et les difficultés, de la maternité, de la paternité. La famille est à présent réunie. La vie à trois, quatre, cinq peut alors commencer ! B / Devenir parent Nous avons fait le choix dans cette partie de considérer davantage le « devenir parent », plutôt que le « devenir enfant », notre étude préalable s’étant orientée autour de questionnaires concernant les adoptants plus que les adoptés. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de nous situer certaines fois du côté de l’enfant adopté. Etre parent est aujourd’hui presque devenu une norme sociale ; il existe en effet chez de nombreuses femmes et couples, le désir et le besoin d’une conformité sociale, tout comme le souhait de donner la vie et de devenir parents. Que l’on soit en couple ou célibataire, lorsqu’une femme atteint un certain âge, se pose presque systématiquement la question de la maternité. Certaines femmes y renoncent, souvent par choix, tandis que d’autres sont confrontées à une faiblesse de leur corps qui les conduit à la maternité par l’adoption. D’autres encore se tournent vers l’adoption, par conviction, ainsi qu’en témoigne une Maman, en réponse à notre questionnaire : « l’évidence pour nous que nous ne sommes pas parents de nos enfants parce que nous les « fabriquons » mais parce que nous les aimons et les élevons au quotidien avec leurs différences ». Les données suivantes illustrent les raisons qui ont conduit les parents que nous avons interrogés à entamer une démarche d’adoption : Couples Célibataires Total Incapacité physiologique 13 2 15 Risque/maladie Volonté Autre 2 5 7 2 9 2 7 16 On ne naît pas parents, on le devient. Si une femme le devient en mettant au monde un enfant, une autre peut le devenir en accueillant comme sien un enfant né d’une autre. Dans tous les cas, cet enfant est son enfant. Mais avant que la rencontre se fasse, les futurs parents devront traverser de nombreuses remises en question, des temps d’espoir et de solitude, des temps d’attente… Nous avons vu dans un précédent chapitre quelles étaient les conditions requises afin de pouvoir prétendre à l’adoption d’un enfant. Il nous semble important à présent de nous pencher avec une particulière attention sur le processus qui va reconnaître à une femme, un homme, un couple, la capacité à accueillir en son foyer un enfant abandonné : l’agrément. 1- L’agrément, métaphore de la grossesse : Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’agrément est le sésame dont l’obtention est indispensable pour mener à terme une démarche d’adoption. Divers témoignages que nous avons pu lire présentent cette instance comme le parcours du combattant, qui a pu conduire certains parents à avoir le sentiment de n’avoir pas été compris ou entendus sur le sens de leur démarche et plus rarement, à des jugements erronés menant à un refus d’agrément. Avant d’entamer une réflexion sur ce que représente l’agrément, nous souhaitons faire ici un petit rappel du déroulement de la procédure. En référence au Code de l’Action Sociale et des familles (Art. L.225—2 à L.225-9, L.223-1 et Décret n° 98-771 du 1er Septembre 1958), les futurs adoptants doivent soumettre une demande écrite à la Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé (DASES). Cette demande sera instruite dans un délai de 9 mois au cours desquels un dossier sera constitué. Travailleurs sociaux et psychologue seront sollicités afin de mener une évaluation familiale, éducative et psychologique. De plus, un entretien avec un psychiatre et une visite médicale chez un médecin généraliste devront être effectués. Après avis de la Commission Départementale d’agrément, le président du Conseil Général délivre un agrément valable sur l’ensemble du territoire français pour une durée de 5 ans. Il est à distinguer du jugement d’adoption qui, lorsqu’il est prononcé (après requête auprès du Tribunal de Grande Instance, au minimum 6 mois après l’accueil de l’enfant), vaut reconnaissance juridique de l’adoption et donc de la nouvelle filiation. Avec l’adoption, on ne fait pas l’enfant, mais on fait sien un enfant. Si la durée maximale de l’obtention de l’agrément est de 9 mois, c’est d’une part parce que les démarches sont longues et nombreuses, mais également parce que cette temporalité est symbolique d’une grossesse. C’est un moment où chacun des parents va avoir le temps de mûrir le projet, de le préciser, de le remettre en question. C’est le temps du doute, des incertitudes, des peurs, mais aussi le temps de la frénésie, de l’envie, des prémices du bonheur. Dans notre étude, 27 familles considèrent ce temps comme ‘court’ ou ‘acceptable’, tandis que autres estiment qu’il est ‘long’, voire ‘trop long’. Mais finalement toutes s’accordent à dire que là l’attente est plus longue, et moins acceptable, c’est l’attente de l’apparentement, qui rallonge moyenne la procédure de une à deux années. Si on ne devient pas parents par l’agrément, on s’inscrit néanmoins dans une démarche parentalité, qui souvent existe bien en amont. 16 où en de L’agrément juge de la capacité réelle de parents à accueillir un enfant , avec les différentes problématiques liées à la fois à l’abandon et à l’adoption. Dans leur approche, les professionnels cherchent avant toute chose à préserver l’intérêt de l’enfant (loi du 11 Juillet 1966 qui place l’intérêt de l’enfant au cœur des préoccupations), qui prime sur celui des adoptants. Le législateur parle bien à ce sujet du droit de l’enfant à avoir une famille, et non d’un droit des parents à avoir un enfant. L’évaluation des candidatures constitue une prévention primaire indispensable afin de prévenir au mieux l’échec de l’adoption en évitant d’inscrire un parent ou un couple dans une trop grande difficulté. C’est pourquoi il est primordial que les parents puissent formuler précisément et sans crainte de jugement, les appréhensions mais également les désirs concernant l’origine ethnique, le sexe, l’âge de l’enfant. Une erreur dans l’appréciation de la capacité parentale dans d’un de ces paramètres peut mettre gravement en jeu l’équilibre de la construction de relation parent-enfant. Ainsi, il est important que les entretiens avec les professionnels puissent se dérouler dans un climat de confiance, afin que puissent s’exprimer les désirs et les appréhensions les plus secrètes. Les professionnels doivent repérer quelles sont les motivations réelles de ces femmes et de ces hommes à devenir parents. Si dans les années 70 l’adoption n’était réservée qu’aux couples mariés, sans enfants biologiques et pouvant prouver la stérilité de l’un ou de l’autre conjoint, aujourd’hui l’aventure est devenue plus humanitaire (1), et vouloir rendre heureux un enfant malheureux ne peut être considéré comme la seule motivation à l’adoption. 1 – 25% des demandes d’après les chiffres proposés par S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005 Les professionnels sont particulièrement vigilants à l’enfant-objet, désiré uniquement dans le but de combler la blessure narcissique parentale liée à la parentalité biologique blessée. L’enfant accueilli ne doit pas devenir le thérapeute de ses parents. Il arrive même parfois que l’enfant, tout comme dans le cas d’une grossesse, ne soit pas désiré pour lui-même, mais pour ressouder un couple fragilisé. C’est pourquoi il ne faut pas toujours vouloir répondre favorablement à la demande de l’enfant réel, mais permettre, lorsque des difficultés sont repérées, le cheminement et la maturation du projet. C’est ainsi que des couples ont pu, après un refus d’agrément, régler des difficultés qui auraient certainement conduit à un échec, et reformuler quelques années plus tard, une nouvelles demande d’agrément qui connut alors une réponse favorable. L’équipe travaille également sur les représentations conscientes et inconscientes de l’enfant rêvé afin de limiter les risques de déception et d’échec lors de la confrontation avec l’enfant réel. Tout désir, même celui de choisir le sexe, l’origine ou l’âge de son enfant, comme nous avons pu l’évoquer précédemment, a du sens dans l’histoire du couple, et à ce titre, se doit d’être respecté, car ces demandes, d’après S. Marinopoulos, C. Sellenet, et F. Vallée « sont constitutives de l’intégration future de l’enfant dans sa famille. » (1) Nous relevons également que pendant de nombreuses années, la posture des professionnels s’est pourtant plus située du côté du jugement que du respect et il n’était pas rare d’entendre des phrases telles que « les futurs adoptants sont tenus d’accepter n’importe quelle proposition ». Lors des entretiens, qui plus est lorsqu’ils concernent un couple, celui-ci est reçu une première fois ensemble, puis séparément. Cela permet de mesurer l’engagement, mais aussi l’envie réelle de chacun des parents dans le processus les menant à l’adoption. Il y a certains couples chez qui existe un total décalage, voire même un refus de l’adoption, mais qu’ils n’osent exprimer à l’autre conjoint. Dans l’ouvrage Moïse, Œdipe, Superman…de l’abandon à d’adoption, nous avons pu lire le témoignage d’un père qui exprimait avec soulagement son refus de devenir père, et son souhait que l’agrément soit refusé. Recevoir les parents individuellement permet également de dégager les représentations personnelles que chacun se fait de cet enfant imaginaire, et de repérer les éventuels décalages qui sont susceptibles de mettre à mal l’équilibre d’un couple autour d’une adoption qui répondrait aux attentes de l’un mais pas de l’autre. Les parents doivent comprendre ce que représente l’adoption dans leur histoire, dans la transmission transgénérationnelle qui va s’établir avec l’enfant. Vouloir être parent, c’est vouloir prendre sa place dans la lignée familiale. 2- De l’enfant imaginaire à l’enfant réel : vers un sentiment de filiation Qu’est ce que adopter ? C. Launay, M. Soulé et S. Veil nous proposent cette définition : « Adopter ce n’est pas prendre avec soi un enfant parce qu’on en a besoin, mais ce n’est pas ouvrir non plus son cœur à n’importe quel enfant, dans n’importe quelle circonstance. » (2) Il ne suffit donc pas d’avoir plein d’amour et de vie à donner à un enfant pour qu’une adoption puisse se réaliser. __________________________________________________________________________________ 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.119 2- C. Launay, M. Soulé, S. Veil dans L’adoption, Editions Sociales, 1968 C. Delannoy va jusqu’à dire que « l’adoption, dans l’imaginaire collectif, est une variante moderne du conte de fées : ils adoptèrent, ils furent heureux, ils aimèrent beaucoup l’enfant. » (1) Mais cette image n’est pas toujours aussi idyllique. Adopter un enfant c’est souvent renoncer à un enfant biologique, c’est accepter l’attente, c’est admettre l’enfant avec son passé, son histoire, sa blessure. L’adoption, c’est la création d’un lien à la fois juridique et psychique. En effet, la filiation s’exprime dans une dimension psychique mais se construit dans un cadre juridique qui définit la place de chacun. C. Delannoy envisage le lien parental sous trois axes : biologique, juridique et psychique : - le lien biologique, qui transmet la vie et l’héritage génétique - le lien juridique, qui correspond au nom du père qui donne une place et légitime cette place de l’enfant dans la société - le lien psychique, qui traduit l’attachement mutuel longuement construit par des parents qui prennent soin de leur enfant. C. Delannoy considère que « dans la parenté adoptive, le lien biologique est absent, le lien psychique est à construire comme dans toute famille, et le lien juridique doit être très clairement affirmé dans son caractère définitif, irrévocable, qui met l’enfant adopté en sécurité. » (2) 3 - Filiation juridique, filiation psychique : l’indispensable duo pour que naisse un sentiment d’appartenance. La filiation est le lien qui unit un enfant à sa mère et à son père et par delà, à leur lignée respective. Elle fonde la parenté et confère à chaque personne un statut juridique déterminé au plan patrimonial (obligation alimentaire, droits de succession) et extrapatrimonial (attribution du nom patronymique, exercice de l'autorité parentale). La filiation juridique se distingue de la filiation affective. Selon C. Ghasarian, anthropologue « la filiation ne repose pas nécessairement sur des critères biologiques et dépend plutôt de la conception du lien de parenté. » Si toute société reconnaît la filiation, toutes ne la définissent pas de la même manière, comme c'est le cas en Polynésie où « les enfants appartienne à une communauté familiale et les liens de parenté ne reposent pas sur une base biologique. On est géniteur par nature mais parent par volonté. » (3) Dans le cadre de la filiation juridique par adoption, l’adoption simple est à distinguer de l’adoption plénière, comme nous l’avons déjà vu dans un chapitre précédent. Nous connaissons donc les paramètres légaux qui vont faire d’une femme et d’un homme, les parents d’un enfant. Concernant la filiation psychique, elle est intimement liée au sentiment d’appartenance à une famille. __________________________________________________________________________________ 1- C. Delannoy dans Au risque de l’adoption, une vie à construire ensemble, La Découverte, 2004, p. 16 2- idem 3- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p79 Si ces deux filiations trouvent leur origine dans des domaines différents, Lucette Khaïat, ancienne avocate à la Cour d’Appel de Tunis et de Paris préconise que la justice et la psychologie s’unissent dans leurs réflexions afin de proposer les meilleures garanties du côté de l’enfant : « Il est important que les juristes entendent par la voix des psychanalystes la parole des sujets sur lesquels le droit va apposer une marque : fils, fille, père, mère […]. Il est important que les psychanalystes connaissent le cadre légal dans lequel se déroule la vie de l’individu, la réalité qui le soutient ou qui le torture. » (1) Elle s’interroge également sur la façon dont « le droit peut énoncer des règles applicables à tous, dans un domaine qui touche à l’intimité la plus profonde de l’être, à son essence et à son cœur, comment le droit peut appréhender l’amour qui, c’est bien connu, n’a jamais connu de loi. » (2) Le premier lien d’un parent à son enfant, et inversement, d’un enfant vers son parent, est d’ordre fantasmatique. Les parents commencent à éprouver leur parentalité à travers l’élaboration psychique de l’enfant imaginaire. C’est en se projetant en tant que parent d’un enfant que le sentiment de filiation trouvera ses origines. Avant même que l’enfant ne soit, chaque parent le façonne inconsciemment, il se projette dans l’avenir avec cet enfant imaginaire, dans une vie familiale imaginaire. Chaque parent développe son propre enfant imaginaire, et les divergences entre les conjoints ne sont donc pas rares. En effet, les femmes imaginent plus souvent leur maternité auprès d’un enfant jeune, d’un nourrisson, afin de pouvoir le materner, tandis que les hommes se projettent plus facilement dans l’accueil d’un enfant plus âgé, afin de pouvoir plus rapidement partager avec lui jeux et activités. Ces divergences conduiront nécessairement à un compromis (formulé dans la demande d’agrément) qui sera à l’origine de la naissance de l’enfant imaginaire du couple, et viendra se greffer sur chacune des représentations parentales. Il ne faut pas oublier que de son côté, l’enfant, notamment lorsqu’il est plus âgé, et qu’il a intégré l’abandon dans l’histoire de sa vie, lui aussi construit en son for intérieur, les parents imaginaires qu’on lui promet et qu’il attend, auxquels il se raccroche pour fantasmer sa vie future. Chacun sera donc confronté au moment de la rencontre, parfois en amont, grâce à des photos échangées, à la confrontation de l’imaginaire et du réel. Nous souhaitons vous proposer ici le témoignage d’une Maman qui explique être devenue Maman de son enfant, le jour où elle a reçu sa première photo : « Il y a deux mois, on m’annonçait que j’étais la maman d’un bébé : un enchantement, un de ces moments de grâce que l’adoption nous permet de vivre. Ensuite, LA photo, le coup de foudre, une évidence. C’était lui et aucun autre : Mon fils. D’un seul coup, toute cette longue préparation prenait tout son sens. Bien sûr, qu’il fallait tout ce temps, toute cette maturation, pour qu’une photo d’un bébé, devienne, sans aucun doute possible, la photo de Mon bébé. C’est un moment d’une grande intensité. » Mais ce n’est pas parce que le fantasme de l’appartenance familiale est fort et évident que le sentiment d’appartenance le sera également. C’est ce qu’illustrent les propos de S. Marinopoulos, C. Sellenet, et F. Vallée : « Se sentir l’enfant de son parent est le résultat d’un processus psychique qui s’inscrit dans le temps ; c’est l’éprouvé qui se construit dans la relation et les affects qui s’y nouent. » (3) _________________________________________________________________ 1- L. Khaïat – « La filiation, entre normes et affects » dans Vérité scientifique, vérité psychique et droit à la filiation, Erès, 1996 2- Idem 3- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.173 Car pour s’attacher à ses parents adoptifs, l’enfant doit faire le choix d’une rupture, d’un renoncement à ses attaches antérieures ; ce n’est pas nier son passé ni ses origines, mais les intégrer à la construction de son avenir. Le sentiment d’appartenance, même s’il est une évidence pour certains parents, est un processus long, qui appartient également à l’enfant. Devenir famille nécessite de la part de tous les acteurs « des capacités et une souplesse psychique indispensables ». (1) Il faut pouvoir distinguer l’appartenance effective à une filiation, de l’appartenance psychique. Le sentiment d’appartenance vécu par l’enfant peut être remis en question par celui-ci au travers de questionnements de l’enfant sur les raisons de cette adoption : les parents l’ont-il choisi lui ? Auraientils pu choisir un enfant autre que lui ? Il arrive qu’un enfant puisse penser que c’est le désir d’adoption de ses parents adoptifs qui a provoqué chez ses parents biologiques, la nécessité de son abandon. Pour qu’il puisse s’inscrire dans la lignée familiale et se sentir ‘enfant de’, il a besoin de saisir chez ses parents, la distinction entre le simple désir d’enfant, et le désir de cet enfant-là, c'est-à-dire lui. Il a besoin de ce regard sur lui qui dit qu’il est unique. Rappelons enfin que, même si toutes les conditions nécessaires à l’adoption, tant du côté des parents, que de celui des enfants, sont réunies, l’adoption, d’un point de vue psychique n’est elle, pas toujours réalisable. Tous les enfants ne peuvent pas être adoptés. Malgré tout, certains subissent le choix de l’adoption, qui apparaît alors comme l’expression du simple désire des adultes auxquels des organismes répondent par l’apparentement d’un enfant abandonné. Ces rares situations peuvent mener les familles à des difficultés de tous ordres et parfois même jusqu’à l’abandon des enfants adoptés __________________________________________________________________________________ 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon l’adoption, Fayard, 2005, p232 C/ De l’attachement à l’abandon 1- La théorie de l’attachement Elle est formulée dès 1958 par John Bowlby (pédiatre et psychanalyste anglais) après les travaux précédemment publiés par Winnicott, Lorenz et Harlow. John Bowlby a bâti la théorie de l’attachement à partir de l’étude du lien mère/enfant, et en partant de l’observation de la réaction du petit enfant à la séparation. Cette approche permet de mieux comprendre les premières interactions de l’enfant avec son environnement, l’importance de la continuité du lien et leur influence sur le développement psychologique de celui-ci. Bowlby formule que l’attachement est un des besoins primaires du jeune enfant. Il est vital et nécessaire à sa survie. Il démontre que le bébé s’attache à la personne qui s’occupe de lui car il en a besoin pour être protégé et rassuré. L’attachement est donc pour l’enfant un moyen de développer un sentiment de sécurité. Il cherche, au travers de comportements et de réactions, à s’assurer de la présence, de la disponibilité et de la permanence de la figure maternelle ou de son substitut. L’enfant est ainsi reconnu comme un être social qui éprouve le besoin primordial d’être en relation avec son entourage. Dans une situation d’adoption, les deux principales questions en termes d’attachement sont : - quelles sont les personnes susceptibles d’être des figures d’attachement pour l’enfant ? - quels sont les facteurs qui vont influencer la sécurité de son attachement ou, en d’autres termes, quels sont les facteurs susceptibles d’influencer la construction des modèles internes opérants ? La notion de figure d’attachement correspond au fait que le comportement d’attachement est orienté vers une figure particulière. Toute personne qui s’engage dans une interaction sociale animée et durable avec le bébé dans les premiers mois de sa vie, qui répond facilement et de façon sensible à ses signaux de détresse et à ses approches lorsqu’il a besoin d’être rassuré, est susceptible de devenir une figure d’attachement. Les théories de « l’étayage » qui prévalaient au début des travaux de Bowlby décrivaient le développement du lien comme une conséquence des gratifications maternelles, d’abord orales. Dans ces conceptions, les seuls besoins primaires étaient ceux du corps, et c’était la satisfaction de ces besoins, avec la dimension de plaisir qu’elle comporte, qui « attachait » l’enfant à sa mère. Les travaux des ethnologues, en particulier ceux de Lorenz sur l’empreinte et de Harlow, ont conduit Bowlby à faire l’hypothèse d’un comportement primaire d’attachement., actif dès la naissance, qui permet de lier l’enfant à sa mère, est une composante fondamentale de l’être humain. Si c’est le plus souvent la mère biologique qui devient la première et principale figure d’attachement, cela n’est absolument pas exclusif : toute autre personne se trouvant dans ce type d’interaction avec l’enfant peut également le devenir, que se soit une nourrice ou une mère adoptive. L’enfant a une tendance innée à s’attacher plus spécialement à une figure, ce qui signifie que dans un groupe stable d’adultes, un individu deviendra la figure d’attachement privilégiée : c’est le concept de la « monotropie ». Cela ne signifie pas que l’enfant s’attache à une seule personne, mais qu’il existe une hiérarchie. Même à l’âge adulte, la plupart d’entre nous vivent avec ce schéma, une personne aimée se détachant des autres du fait que sa présence est la plus à même de procurer un sentiment de sécurité. Bowlby suggéra que la capacité à s’attacher rapidement reste intacte au moins jusqu’à la fin de la première année de l’enfant. 2- Les troubles de l’attachement Tout d’abord, il faut savoir qu’on peut retrouver ces troubles chez tous les enfants, pas seulement les enfants adoptés. Ils ne sont donc pas spécifiques des enfants abandonnés, mais on les retrouve fréquemment chez les enfants carencés et dont les liens et les repères à autrui sont pauvres et/ou fragilisés. C. Delannoy explique que les troubles surviennent « quand la capacité à faire confiance à un adulte est détruite, que toute manifestation d’affection est vécue par lui comme une menace. » En effet, certains enfant ne savent plus, ne veulent plus, ne parviennent plus à prendre le risque de s’attacher à leurs familles adoptives en toute confiance et sécurité. D’autres sont agressifs, rejetants, colériques, utilisent leurs parents pour obtenir la satisfaction de leurs besoins sans jamais leur manifester d’affection. D’autres, semblent sans problème, mais s’adaptent sans s’attacher, ils seraient prêts à partir avec le premier venu qui leur manifeste un peu d’intérêt, restent toujours indifférents à l’affection de leurs parents. C’est un trouble que J.F Chicoine, un élève de Bowlby définit comme « un problème de santé mentale très complexe […] dont les adoptants ne sont pas coupables. » (1) C’est un élément rassurant pour des parents qui face à ces difficultés ont tendance à culpabiliser, à remettre en question leur façon d’être parents, parents d’un enfant adoptés. J.F Chicoine explique ces troubles par la multiplication des ruptures avec des adultes significatifs pour l’enfant, des négligences physiques et affectives, un contexte de violence et d’abus… Ils se caractérisent par une grande ambivalence du comportement de l’enfant qui va rechercher l’affection de ses parents pour la rejeter ensuite avec violence. Ces enfants qui mettent la relation à rude épreuve sont pour autant plongés dans la crainte permanente de l’abandon. De plus, S. Marinopoulos, C. Sellenet, et F. Vallée ajoutent que « pour qu’il y ait sécurité d’attachement , il faut une proximité corporelle, un contact physique avec la figure d’attachement, mais aussi une proximité psychologique. Autrement dit, il ne suffit pas que la mère soit présente, il faut aussi qu’elle puisse capter correctement les signaux de son bébé et y répondre efficacement [pour que puisse se construire] une relation qui témoigne d’un lien d’attachement dont la qualité sera déterminante dans les réactions de l’enfant à la séparation. » (2) Winnicott disait : « lorsqu’on confie un enfant à une mère adoptive, on lui confie en même temps un « patient » à soigner, on lui demande d’être à la fois sa mère et sa thérapeute. » Il existe des enfants adoptifs heureux, résilients, le plus souvent parmi ceux qui ont bénéficié tout jeunes d’une figure d’attachement affectueuse et fiable. Mais d’autres ont été victimes de négligence, de maltraitance, de chocs traumatiques. Reconnaître cela, c’est mettre en avant le fait qu’ils ont besoin de soins particuliers, physiques et psychiques. Les enfants adoptés venus de l’adoption internationale en particulier, arrivent presque toujours en France avec un retard de croissance et un poids inférieur à la norme de leur âge. Ils rattrapent rapidement la courbe de croissance normale grâce à des soins appropriés. 1- J.F Chicoine, P. Germain, J. Lemieux – L’enfant adopté dans le monde, Editions de l’hôpital Sainte Justine, Hôpital de Montréal, 2003 2- d’après J.Bowlby dans l’ouvrage de S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005 p.220 Les parents adoptifs sont rarement à l’origine du trouble de l’attachement de l’enfant. « Pour aider les enfant adoptifs qui vont mal, il faut aider leur parents à trouver les comportements susceptibles d’aider leurs enfants, à tout le moins des comportements qui n’aggravent pas leurs souffrances et leurs symptômes . » (1) 3- De la difficulté de s’attacher… Sans parler de troubles de l’attachement, nous ne pouvons faire l’impasse sur les difficultés d’attachement éprouvées par certains parent à l’égard de leur enfant. Ces situations sont heureusement rares, mais elles existent et il est important qu’elles puissent être verbalisées, repérées et enfin accompagnées dans une démarche de prévention de l’échec de l’adoption. Les difficultés peuvent avoir des origines diverses et varier d’un simple sentiment de déception jusqu’à un rejet complet de l’enfant. Tout comme dans le cas d’une grossesse, même si l’enfant a été très attendu, il peut décevoir son parent sans qu’une explication précise puisse y être allouée. C’est un sentiment fort et encombrant, qui déstabilise les parents qui n’osent pas en parler, comme s’ils éprouvaient de la honte à ne pas pouvoir être aussi heureux que prévu. Malgré toute l’envie qu’une personne peut avoir d’être père ou mère, il arrive qu’un parent ne parvienne à reconnaître l’enfant adopté comme sein. Ce sentiment est fréquemment lié à celui de la déception : on ne trouve pas les qualités attendues ou espérées chez l’enfant, celui-ci éprouve trop de difficultés à s’intégrer à l’école, ou pire encore met en échec le schéma familial rêvé. Il y a dans ces circonstances un trop grand décalage avec l’enfant imaginaire et imaginé, mais aussi avec la vie imaginaire que tout parent a souhaitée en adoptant. La déception est parfois si importante qu’elle conduit au rejet de l’enfant, voire à une séparation définitive. Pour illustrer cela, S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée nous proposent deux témoignages. L’histoire d’Anastasia : « Madame décrit ses réticences et peut parler avec sincérité de ce qu’elle nomme je ‘rejet’ d’Anastasia. ‘je me sens bien avec mes autres enfants [également adoptés], mais je n’arrive pas à être sa mère. Je sais que c’est terrible ce que je dis et je veux justement pouvoir faire quelque chose. Je n’ai pas été la chercher en Roumanie, où elle a vécu des moments très durs, pour maintenant la laisser tomber. » (1) L’histoire de Robert : Robert a été accueilli dans les services de l’Aide Sociale à l’Enfance peu après sa naissance. […] il devient adoptable à l’âge de 3 ans après une procédure de l’article 350. il intègre une famille d’instituteurs déjà parents de deux enfants plus grands […]. Six mois plus tard, Robert, qui a entretemps changé de prénom, est de retour au foyer de l’enfance ; il présente des troubles de l’identité, ne connaît plus son nom et dit qu’il s’appelle ‘Nono le petit robot’. Les parents adoptifs n’ont pas trouvé chez lui les qualités attendues. Son développement intellectuel, notamment, a été jugé trop lent, et face à l’hypothèse d’une adaptation moins facile que prévu, le couple a préféré mettre un terme à l’adoption dans les délais légaux. Robert a donc vécu un second abandon, lourd de conséquences. » (2) 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.247 2- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.257 Nous percevons ici combien la prévention est primordiale. Elle permet aux parents de ne pas ignorer que de telles difficultés peuvent survenir, mais surtout, lorsqu’une relation de confiance a pu s’instaurer avec les professionnels, elle crée un repère pour plus tard : les parents savent ainsi qu’ils pourront trouver à tout moment des interlocuteurs qui pourront les aider dans la compréhension et l’acceptation de tels sentiments. C. Delannoy écrit qu’ « on a besoin de croire que l’amour peut tout, qu’un enfant en manque de parents ne peut que s’attacher à ceux qui l’accueillent ». (1) Mais la réalité n’est pas si belle que le laisseraient entendre de telles pensées. 4- L’échec de l’adoption La préparation à l'adoption : un premier pas vers la réussite ? D'une filiation à l'autre, la construction se fait pas à pas. Le premier pas vers l'adoption, pour un enfant, est d'évoquer avec lui, quel que soit son âge, son histoire, et cet ailleurs vers lequel il se destine, auprès d'adultes aimants qui deviendront ses parents. Notre étude nous montre combien en matière de préparation les enfants sont inégalitaires suivant qu'ils se trouvent dans tel ou tel autre pays et selon la structure qui l'a recueilli (orphelinat, famille d'accueil...) : 43% d'entre eux ont été préparés, par le personnel les entourant, à ce futur changement, tandis que les autres, soit 57%, n'ont pas (ou à priori pas) reçu d'information préalable. On sait pourtant désormais combien il est important de verbaliser les événements, même chez un nourrisson. Préparer un enfant à son départ nécessite un temps variable selon l'âge de l'enfant. C'est l'inscrire dans une double histoire : l'une qui prend fin, et l'autre qui s'ouvre à lui. Lui parler de cette histoire, c'est à la fois réactiver l'angoisse de l'abandon, mais aussi lui permettre de faire le deuil de son passé, de renoncer définitivement à cette mère dont il pouvait malgré tout fantasmer le retour, et donner les clés à l'enfant pour qu'il puisse se réinvestir dans la création de nouveaux liens avec ses parents adoptifs. Cette préparation, comme nous l'avons précédemment évoqué, diffère selon les pays. Cela peut aller de l'envoi d'un simple jouet demandé à la famille adoptante, à l'album photo envoyé à l'enfant. « Les parents sont invités à envoyer des photos, des jouets, des objets imprégnés de leur odeur pour les tout-petits. Dans l'orphelinat même, on leur parle français, on les dote d'un dossier sur leur passé, on tente de mettre des mots justes et rassurants sur ce qu'ils vont devoir vivre. » (2) Mais chez des enfants plus grands, bien qu'informés sur les événements qui allaient arriver, le choc de la rencontre est si fort que toute la préparation antérieure en est annihilée : « J'ai le souvenir de mon arrivée en France, c'était terrifiant. Nous arrivions en groupe, accompagnés par un couple qui s'occupait de nous à l'orphelinat, je ne voulais pas les quitter. Se retrouver tout à coup face à des inconnus et se dire qu'on vivra toute sa vie avec eux! »(3) __________________________________________________________________________________ 1- C. Delannoy dans Au risque de l’adoption. Une vie à construire ensemble, La Découverte, 2004 2- Idem, p.23 3- Idem, p.24 Quand la greffe ne prend pas... Il est difficile de connaître avec exactitude les chiffres sur la réalité des échecs de l'adoption. Une enquête réalisée par l'Association Terre des Hommes France entre 1992 et 2002 évoque que 4,6% des enfants adoptés se sont révélés être confrontés à d'importantes difficultés au sein de leur famille. De même il faut distinguer l'échec d'une adoption internationale et l'échec d'une adoption nationale qui est beaucoup moins concernée. Il ressort des constats de cette étude qu'il existe deux périodes relativement critiques où l'enfant et sa famille peuvent se montrer particulièrement vulnérables : dans les premiers mois suivant l'adoption et à l'adolescence. Notre propos n'est pas de d'analyser ici les possibles raisons conduisant à l'échec de l'adoption mais d'évoquer quelques-unes de ces difficultés. Nous avons longuement parlé de la difficulté éprouvée par certaines familles autour du lien d'attachement. Il est des enfants en effet qui, brisés par les abandons successifs qu'ils ont pu connaître, ne parviennent pas à nouer de relations affectives satisfaisantes, refusent l'amour de leur entourage comme s'il était un danger. Tout enfant naît vulnérable, et pour se sentir en sécurité, il a besoin de sentir que le monde qui l'entoure pourra lui apporter en permanence les soins et l'affection dont il a besoin pour construire harmonieusement son monde psychique. L'enfant abandonné est certes carencé, mais « il ne sera pas forcément un enfant carencé si des adultes substitutifs prennent rapidement et durablement le relais. » (1) M. Lemay explique dans ces mêmes pages que la carence existe « lorsque enfants expérimentent une rupture sans pouvoir la réparer, lorsque aucune personne substitutive stable ne vient prendre la place laissée vacante. » Certains enfants ont tellement fantasmé sur cette figure ou en ont expérimenté tellement, qu'ils en arrivent à perdre confiance en son existence. Et plutôt que de s'attacher à cette mère, à ce père qui arrivent de nulle part, l'enfant préfère rejeter l'objet afin de ne pas réveiller la blessure initiale de l'abandon. Niels Peter Rygaard, psychothérapeute danois, explique qu’en matière de carences, on peut distinguer deux types d’enfants : - ceux en carence totale d’affection dans la petite enfance, dont la croissance psychique a été lourdement handicapée par le manque de soins et de stimulations affectives et cognitives, actuellement inaccessibles à toute thérapie par le langage parce qu’ils ne sont pas entrés dans l’univers symbolique (ils ne savent pas jouer à faire semblant, sont incapables de se mettre à la place d’un autre, de se représenter le point de vue de l’autre). Tout est alors à construire avec eux, dans une thérapie qui est une rééducation, une « thérapie du milieu ». - ceux qui ont un fonctionnement psychique normal, mais qui se protègent contre de nouvelles déceptions, contre de nouvelles séparations, soit en refusant leur confiance et leur amour à leurs parents, soit en s’y attachant de manière panique, soit encore de manière ambivalente, furieux qu’ils sont de la dépendance où les mène leur amour filial. Ceux là sont accessibles à des thérapies basées sur le langage et peuvent être aidés par leurs parents adoptifs si ces derniers les comprennent mieux. (2) 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.263 2- N.P Rygaard dans L’enfant abandonné. Guide de traitement des troubles de l’attachement Ces conclusions lui ont permis d’élaborer une thérapie pour le langage, adaptée à ces enfants abandonnés et s’étant construits avec des carences de toutes sortes. Un enfant en difficulté peut aller jusqu'à douter de la capacité exprimée par ses parents d'avoir voulu faire de lui leur enfant. Pour certains, il est inconcevable de parler d'acte d'amour car cela reviendrait à dire que si l'adoption est un acte d'amour, l'abandon serait un acte de désamour. Et il est autant destructeur pour un enfant d'imaginer et d'accepter qu'il a été aimé de ses parents de naissance puis abandonné, que d'imaginer que ce rejet originel puisse générer l'amour actuel de ses parents adoptifs. L'échec d'une adoption, c'est un nouvel abandon, lorsque l'enfant adopté est remis aux services de l'Aide Sociale à l'Enfance. L'échec a pour origines des problèmes relationnels divers dont le propos n'est pas ici d'en établir la liste. D'après diverses lectures, nous avons pu constater que c'est l'enfant qui est fréquemment désigné comme le responsable de cet échec, tout comme en atteste ce témoignage : « Nous étions dans une démarche humaniste et humanitaire, nous souhaitions adopter des enfants dont les parents étaient morts. Nous ne voulions pas qu'il reste des racines pour ne pas avoir de problèmes plus tard. [...]Aurélie nous a trahis elle savait que ses parents étaient vivants. C'est une sorcière pour son frère, nous ne voulons pas qu'elle reste avec lui, ni qu'elle nous toise du regard, nous ne voulons plus la voir. » (1) Mais ce positionnement nie que toute relation engage deux parties et que l'on ne doit ainsi pas toujours attribuer des difficultés qu'à une seule d'entre elles. Il n'est pas rare en effet que des motivations d'adoption mal définies, voire dangereuses (de l'ordre du remplacement d'un enfant décédé, de la réparation, du secret de famille...) conduisent à ce processus d'échec. Nous avons dit précédemment que tout enfant, bien que légalement adoptable, ne l'était pas forcément psychiquement. Tout dépend en effet, tout comme on demande aux parents d'accepter le passé de l'enfant, de la capacité de celui-ci à faire le deuil de sa filiation antérieure : « Si ce deuil est impossible, si l'enfant reste tout entier tourné vers son histoire passée, l'adoption sera mise en échec. [...] Matthieu a réussi à nous dire qu'il ne nous aimait pas, que l'adoption ne pouvait pas se faire. C'est un garçon totalement tourné vers son passé et sa mère de naissance. » (2) Toutes ces situations montrent bien l'importance de la prévention et justifient des divers entretiens avec les professionnels et les psychologues pendant la phase de l'agrément. On ne peut certes pas présager de toutes les difficultés, mais il est en qui sont tellement évidentes, tant il existe d'incertitudes et de fragilités chez certains adoptants, qu'il est préférable de prononcer un refus d'agrément plutôt que de prendre le risque d'aboutir à un abandon de l'enfant. Les professionnels ont donc dans ce domaine une responsabilité importante qui les conduit à questionner énormément la réussite de l'adoption, à se montrer vigilants et prudents. Car rappelons-le, c'est l'intérêt de l'enfant qui prime avant toute chose. 1- S. Marinopoulos, C. Sellenet, F. Vallée dans Moïse, Œdipe, Superman… de l’abandon à l’adoption, Fayard, 2005, p.269 2- idem, p.254 Cette question de l'échec nous permet de nous questionner, pour finir, sur le suivi postadoption exercé par l'Aide Sociale à l'Enfance. Nous constatons qu'il n'est pas systématique, surtout avec l'adoption internationale, et qu'il faudrait qu'il soit plus largement généralisé, proposé, voire même imposé. Il permet d'être un repère pour des parents qui se questionnent sur la relation avec leur enfant, et de repérer plus vite les difficultés afin de mieux les encadrer et éviter ainsi qu'un acte d'amour finisse en acte d'abandon. D'après notre étude, la majorité des familles en a bénéficié – 72%. Mais qu'en est-il des 28% autres ? Presque tous conviennent que ce suivi a été pour eux une aide, un appui réellement bénéfique, parfois présenté comme une obligation, mais toujours quelque chose de positif et évocateur d'une réelle nécessité. Conclusion La recherche que nous avons menée nous a montré combien le parcours de l’adoption est différent pour chaque famille. On ne peut donc jamais définir de norme générale bien que la loi soit, elle, générale. Ce que nous retenons de toutes nos lectures, c’est que malgré les difficultés rencontrées, face à la loi, comme face à la société, adopter n’est pas anodin. C’est faire sien un enfant que l’on n’a pas mis au monde et accepter de créer avec et autour de lui une nouvelle vie. Certaines trouvent que le parcours est difficile, mais en réalité, il est justifié car il permet d’évaluer avec les adoptants toutes les difficultés à être parents d’enfants abandonnés. Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur la facilité et la rapidité avec laquelle les personnalités du monde entier ont actuellement accès à l’adoption internationale. Ont-elles bien eu le temps de réfléchir à ce projet ? Ne s’agit-il pas juste d’un phénomène de mode ?