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Libre comme le vent
Les deux «nomades des mers» autrichiens Doris Renoldner (44 ans) et Wolf Slanec
(56 ans) naviguent ensemble sur les mers du globe depuis près de vingt ans. Ils ont
déjà fait deux fois le tour de la planète. Pour «marina.ch», Doris Renoldner jette un
œil sur le passé et se rappelle comment tout a commencé, comment tous deux ont
dépassé ensemble leurs limites et comment ils ont parfois dû accepter les leurs.
Texte: Doris
Renoldner
photos: wolf Slanec
La belle vie au mouillage:
snorkling et farniente dans
une île de l’océan Indien.
J’ai l’impression que j’ai rencontré Wolf il y a un siècle.
Nous étions jeunes et si beaux, c’était la fin des années 1980, nous étions assis au Café Hummel et nous
nous buvions un verre. Wolf a rapidement fini le café
tout en parlant avec un enthousiasme incroyable. Il
m’explique alors qu’il possède un bateau et qu’il rêve
de faire le tour du monde à la voile. Il décrit avec
enthousiasme des scènes de bateaux échoués, des
balades sur Gomera et une tempête dans le détroit
de Gibraltar. Je n’ai pas cru un seul mot de ce qu’il m’a
raconté. Mais il me plaisait. Je l’ai revu une fois et je
me suis alors rendue compte que c’était sûrement
l’homme le plus libre que je n’avais jamais rencontré.
Il n’était pas intéressé par un livret d’épargne ou par
un bon travail, il avait de longs cheveux et des lunettes
multicolores et il m’a surtout montré que l’on pouvait
aussi vivre sa vie d’une autre manière. Depuis, nous
nous sommes mariés, nous avons fait deux fois le tour
du monde et nous avons parcouru près de 110’000
milles marins. Nous avons navigué pendant 20 ans.
Ce n’était pas une petite escapade d’un instant, ni un
voyage ou un projet… C’était notre vie. Nous possédions peu, mais nous avions beaucoup. Beaucoup de
nature, beaucoup de moments à deux et beaucoup
d’autodétermination. Nous vivions ici et maintenant.
«Nomad», notre bateau, était notre maison flottante.
Tous ce que nous possédions se trouvait à portée de
main. Et ce que nous ne pouvions pas prendre avec
nous, nous l’avons gardé dans nos souvenirs. Mais ce
mode de vie n’était pas possible sans certaines conditions: une bonne santé (surtout), une confiance à
toute épreuve et une façon détendue d’accepter le
manque de sécurité.
En janvier 2002, avant le début de notre deuxième
grand tour, nous devons affronter un vieux problème
bien connu. Nous avons besoin d’argent. Toutes nos
économies ont été utilisées pour la rénovation du bateau. Nous avons donc accueilli des navigateurs qui
nous ont payés pour être à bord durant la première
partie de notre voyage. Nous sommes alors obligés de
naviguer en respectant des délais. Un aspect tout de
même moins intéressant. En règle générale, nous ne
savions pas où nous serions dans un mois et encore
moins ce que nous ferions dans une demi-année. Tout
se déroule très bien en mer Méditerranée et à travers
l’océan Atlantique. Mais nous arrêtons de rigoler dès
que nous atteignons l’Argentine. Nous avons regretté
ici de ne pas avoir planifié et suivi une route très précise.
Le tour de l’Amérique du Sud
En Patagonie, nous sommes complètement dépendants du vent: il est la mesure de toutes choses,
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Le long voyage des nomades
des mers
65’000 milles marins, 30 pays, 24 fuseaux
horaires, 7 ans et 9 mois: ce voyage a débuté
en automne 2000 avec l’achat d’un Sonate
Ovni 41 de 12 ans, un bateau de charter en
aluminium déclassé qui devait être remis à
neuf en janvier 2002 avant son appareillage
à Izola (Slovénie). Retour en Slovénie au
mois d’octobre 2009.
Le livre «Frei wie der Wind – Unter Segeln
zu den entlegensten Winkeln der Welt»
décrit un tour du monde à la voile à deux.
Empathique, personnel, touchant et délicieusement autodérisoire. Dans ce livre
richement illustré en photos, Doris Renoldner et Wolf Slanec laissent le lecteur participer au récit et l’embarquent avec eux à
bord du Nomad. Ces nomades des mers ont
concrétisé le rêve de bien des personnes:
faire une fois le tour du monde en suivant
son rêve.
ISBN 978-3-2000-1986-7
www.seenomaden.at
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­ écide de la forme des arbres et nous apprend la
d
patience et le respect. De violentes tempêtes nous
ont mis nez-à-nez avec notre lâcheté, nous avons
connu l’enfer de la peur et avons eu peur pour notre
bateau. Et pour la première fois aussi pour notre vie!
Lorsque tout est passé, il est peut-être plus simple
d’être courageux: nous pourrions en parler très longtemps. Mais il ne faudrait jamais perdre son humilité
qui est une excellente compagne en haute mer. Après
avoir passé la pointe de l’Amérique du Sud et être
arrivés à Puerto Williams, un navigateur sur un bateau
voisin nous demande d’où nous venons. En véritables
héros, nous répondons avec nonchalance: «Le Cap
Horn. Et toi?» Il nous répond alors: «L’Antarctique.»
Nous repasserons pour l’héroïsme…
A la mi-mars (début de l’automne dans l’hémisphère
sud), nous nous attaquons au plus long et sauvage
des labyrinthes de fjords de notre planète: les 2000
milles marins de la côte sud du Chili, tous seuls et loin
de toute civilisation. Pendant des semaines, nous nous
battons pour chaque mille grappillé vers le nord contre
de violentes tempêtes de neige, des averses de grêle
et des accalmies étouffantes. L’humidité et le froid
pénètrent dans nos os. Notre bon vieux Nomad non
isolé se transforme en une vraie petite grotte.
Malgré son humeur plutôt mauvaise, la nature nous
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récompense tout de même en nous offrant des paysages incroyablement beaux. Des panoramas qui se
sont gravés à jamais dans nos mémoires: la proue de
Nomad grinçant à travers les glaces flottantes et les
morceaux de glacier, le souffle des lions de mer, le
battement d’ailes rotatif des brassemers ou encore le
premier rayon de soleil après une longue période de
mauvais temps. Bien que nous ayons perdu notre
course contre l’hiver des mers du Sud, nous réussissons à atteindre Puerto Montt à la pointe nord de ce
labyrinthe de fjords malgré les différents obstacles.
Ce tour de l’Amérique du Sud nous a mis à rude
épreuve…
déchirés et inutilisables sur la plateforme de la poupe,
hélice et arbre tordus, bimini en loques… Un vrai choc!
Nous déposons alors notre embarcation endommagée dans un chantier naval et prenons un avion pour
Vienne afin de gagner un peu d’argent. Une fois arrivé,
nous produisons le show multimédia «Um Kap Hoorn
in die Südsee» et le présentons dans le pays. Christian
Berger, un caméraman renommé, a quant à lui produit
un DVD documentaire sur nous intitulé «Leben mit
dem Wind» et que nous distribuons. Dès que nous
avons suffisamment d’argent de côté, nous achetons
nos billets d’avion pour Tahiti…
Retour au Nomad, retour à la maison
Le temps arrêté du Pacifique
Après plus d’une année passée en Patagonie, nous
commençons à ressentir une certaine nostalgie pour
les régions tropicales au climat chaud. En février 2004,
nous décidons de pointer la proue de Nomad vers
l’étendue infinie du Pacifique et nous mettons en route
pour découvrir les îles éloignées qui peuplaient notre
imagination depuis notre enfance. Le rêve et la réalité
se rejoignent lorsque nous arrivons sur l’île de Robinson Crusoé et nous montons à l’endroit où le navigateur écossais Alexander Selkirk (alias Robinson Crusoé) venait attendre jour après jour l’arrivée d’un
bateau, il y a trois cents ans de cela. Arrivés au large
de l’île de Pâques, nous mouillons dans la baie d’Anakena devant les mystérieux géants de pierre de l’île
baptisés Moaï. Sur les îles Pitcairn, nous faisons une
balade à cheval plutôt mouvementée avec Steve Christian, l’arrière-arrière-arrière-petit-fils du principal
mutin du Bounty, Christian Fletcher, qui voulait profiter du ressac pour mouiller dans la Bounty Bay. Dans
les Tuamotu, Nomad croise la route de Susi Q, notre
premier bateau. Nous avons toujours rêvé de pouvoir
revenir sur ces atolls et ces îles qui semblent bien nous
avoir marqués. Et nous y sommes. Tout comme neuf
ans auparavant, nous jetons l’ancre au sud de l’atoll de
Fakarava. Nous rêvions depuis si longtemps de pouvoir
revoir notre ami Manihi qui a aujourd’hui abandonné
ses pièges à poissons pour gérer une petite pension.
Le temps s’arrête et nous traversons cet empire d’atolls,
réveillés tous les matins par des paysages de carte
postale. Nous restons un mois entier au large d’un
motu (un atoll de récifs) où nous nous nourrissons de
poissons, de riz et de noix de coco.
Mais même si nous sommes très économes, la caisse
du bord semble arriver sur ses réserves et notre Nomad a besoin d’une nouvelle colonne de direction. A
Tahiti, nous sommes rattrapés par une tempête dont
nous nous rappelons encore aujourd’hui: des vents
non annoncés de 60 à 70 nœuds dans une nuit incroyablement sombre, une ancre qui glisse, puis une
collision avec le bateau voisin... Dinghy et girouette
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Nous quittons alors Tahiti contre les alizés jusqu’aux
spectaculaires îles Marquesas puis mettons sérieusement le cap vers l’ouest au mois de mai 2006. Les
îles se succèdent. Nous accostons à Suwarrow, la
légendaire île inhabitée des Îles Cook où Tom Neal
avait vécu il y a cinquante ans de cela pour réaliser
son rêve. Au milieu de l’archipel des Fidji, nous explorons le groupe d’îles de Lau où se rendent peu de
bateaux. Mais la saison des ouragans débute déjà à
la fin octobre. Mieux vaut ne pas commencer à danser avec les cyclones. Nous nous éloignons de la région
et faisons cap vers la Nouvelle-Zélande: 1200 milles
marins en sept jours! Et tout ça par vent de travers.
Mais ça vaut le coup: à peine arrivés à Opua, nous
sommes accueillis par une tempête. Parfois, la vitesse
est aussi synonyme de sécurité.
La plupart des navigateurs baissent leurs voiles pendant une demi-année en Nouvelle-Zélande. Pour
nous, ça a été le début d’une nouvelle aventure: nous
décidons de descendre dans les mers du Sud jusqu’à
l’Île Stewart située aux antipodes de l’Autriche. Nous
voulions alors jeter un œil à l’horizon et pouvoir dire:
«Toutes les directions nous mènent à la maison.» Situé à 47° Sud, Port Pegasus est balayé par les vents.
C’est là que nous découvrons l’autre bout du monde.
Il est ici impossible de s’éloigner encore plus de chez
nous et nous devons donc inévitablement reprendre
le chemin de la maison.
Les rafales tempétueuses
giflent la mer au large de
Simonstown, Afrique du
Sud (à g.). Dans les glaces
de Patagonie (en bas).
L’arrière-cour des mers du Sud
Nous avons décidé de nous offrir une autre année dans
les mers du Sud. Mais nous n’allons par rester dans le
«petit coin» situé entre Tahiti et les Fidji: cap vers le
monde sauvage, à des années-lumière de la civilisation,
à Bora Bora. En juillet 2007, nous mettons les voiles en
direction de la Mélanésie et de la Micronésie, longeons
une série d’archipels à l’ouest du Pacifique et traversons
un monde océanique bien éloigné des trajets connus.
Comme nous nous y attendions, ce voyage n’est pas
des plus agréables: notre Nomad se bat contre le vent
pendant des journées entières à travers les zones de
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convergence et autres alizés tempétueux. A terre, nous
sommes accueillis par des dizaines de milliers de moustiques et de mouches. La chaleur étouffante fait de la
moindre activité un effort insurmontable. Nous découvrons des cultures archaïques où se succèdent tabous
et autres rituels mystérieux. Nous nous sentons parfois
comme des extra-terrestres. A Tikopia, nous entrons à
quatre pattes dans la hutte du chef de tribu et en ressortons comme nous sommes arrivés après avoir discuté
avec lui. La coutume veut cela. Montrer son postérieur
au chef est considéré comme une impolitesse. Sur les
Îles Marshall, je suis uniquement autorisée à porter de
longues robes, car les cuisses et les genoux féminins
font, paraît-il, tourner la tête des hommes. A Kitava, les
habitants offrent toute leur récolte d’ignames afin de
recevoir à leur tour des cadeaux. Donner va de pair avec
obliger, alors qu’offrir rapproche les gens. Nous sommes
rapidement intégrés à cette culture archaïque du don.
Les insulaires nous apportent des ignames, des patates
douces, des papayes et des sculptures. Nous leur offrons
du riz, du sucre, des vêtements et une canne à pêche.
Nous passons onze mois dans l’arrière-cour des mers
du Sud, vivons comme hors du temps et ne maquons
de rien. Les insulaires nous apprennent la modération:
moins plutôt que toujours plus.
Nous sommes soudainement gagnés par un malaise
avant de retourner à la civilisation. Nous ressentons
même une sorte de déchirement. C’est comme si cette
escapade entre les mondes nous empêchera de nous
sentir chez nous n’importe où. Arrivés à Darwin (Australie), nous nous émergeons enfin de notre rêve pacifique et nous devons y séjourner un long moment
et déposer notre bateau dans un chantier naval.
Océan Indien et Atlantique
Île de Pâques: Les géants
silencieux et secrets de la baie
d’Anakena.
Nous quittons l’Australie au mois d’août 2008 et
mettons le cap sur l’Océan Atlantique. Nous faisons
alors des pas de géants sur le chemin du retour: 7000
milles marins jusqu’en Afrique du Sud, avec étapes
intermédiaires sur le récif d’Ashmore, l’île Christmas
et les Îles Cocos. Dans notre dos, une dépression
t­ ropicale prend petit à petit de la puissance pour devenir le premier cyclone tropical de la saison. L’atoll
idyllique de Chagos se transforme alors en un véritable cauchemar. Un vent de mer très puissant nous
force à changer de place de mouillage peu de temps
après notre arrivée. Fouettés par la pluie et avec une
visibilité misérable, nous avançons à tâtons dans la
lagune parsemée de récifs comme à travers un champ
de mines. Deux jours plus tard, la dépression nous
quitte et nous pouvons enfin aller à terre. Mais nous
ne sommes pas au bout de nos surprises: voilà que
nous devons affronter un K-O par une noix de coco!
Celle-ci est en effet tombée de trois mètres de haut
sur la tête de Wolf. Pour la première fois, je jure contre
le fait d’être seule, sans médecin, hôpital ou autre
aide. Mais heureusement, mon skipper s’en sort avec
une plaie, une bosse et une nuque amochée. Notre
bonheur est parfois bien fragile…
Changement de plan: étant donné l’activité précoce
des cyclones, nous décidons de ne pas passer par le
nord de Madagascar, mais d’emprunter la route du
sud via l’Île Maurice et La Réunion pour atteindre
l’Afrique du Sud en décembre. Nouveau continent,
nouveau pays, nouvelles aventures. Comme toujours
après de longues périodes en mer, nous nous réjouissons de retrouver la terre ferme. Au programme: un
safari dans une réserve naturelle, un trekking dans le
Drakensberg et une escalade de la Montagne de la
Table. Entre ces différentes activités «terrestres»,
nous naviguons le long des côtes aussi bien sous un
soleil apaisant qu’à travers des tempêtes glaciales:
nous croisons des ports remplis et balayés par la
houle, des vents puissants au cap des Aiguilles (la
pointe Sud de l’Afrique) et le calme plat au cap de
Bonne-Espérance. Après le Cap Horn il y a six ans,
nous passons aujourd’hui un autre cap célèbre. A
chaque sortie à terre, nous partons à la chasse aux
cafés Internet afin de consulter les informations les
plus récentes des sites météo. Nous naviguons sans
téléphone satellite, ni e-mail à bord de notre Nomad.
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«Les navigateurs couronnés»
des mers du sud: Wolf Slanec
et Doris Renoldner.
L’Atlantique, le dernier océan géant de ce voyage. Au
début avril 2009, nous vivons un départ difficile au
Cap. Direction Ste-Hélène. Il nous suffit de onze jours
pour atteindre l’île de l’exil de Napoléon. Dans la
James Bay, le Nomad tangue encore plus qu’en pleine
mer. Pour pouvoir nous rendre sur la terre ferme, nous
devons jouer à Tarzan et Jane et nous balancer avec
des cordages entre le bateau annexe et le quai. 700
milles plus loin, la houle de l’Atlantique Sud nous harcelait toujours. Ascension, cette portion de lune tombée en pleine mer, refuse de nous accueillir. Des déferlements de plusieurs mètres de haut nous
empêchent même d’imaginer aller à terre. Nous continuons donc notre route. Les alizés faiblissent et nous
arrivons beaucoup trop tôt dans la zone de calme plat.
Mètre après mètre, nous nous tourmentons pendant
une semaine avec des voiles plates en direction de
l’équateur. «Si ça continue comme ça, il nous faudra
encore cinq semaines pour atteindre le Cap-Vert!»,
calcule Wolf en tapant nerveusement contre le moteur. Mais après deux heures, nous reprenons nos
esprits: l’océan est simplement beaucoup trop grand
pour le réservoir de diesel du Nomad. Nous atteignons
enfin l’île de Santiago après 25 jours, notre grandvoile déchirée et le moteur foutu.
La boucle est bouclée!
C’est justement au large de Santiago que nous croisons
notre propre cap de 2002, bouclant ainsi notre deuxième tour du monde. Le temps semble avoir disparu,
comme si nous avions commencé notre périple hier.
Notre tour du monde à la voile est bouclé, mais le
voyage du retour est loin d’être terminé. Il nous reste
1500 milles jusqu’aux Açores, puis plus de 4000
milles jusqu’à Izola (Slovénie), où nous avions accosté
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il y a si longtemps de cela. Mais cette fin de trajet ne
sera pas de tout repos: des bandits sont venus à bord
de notre bateau en pleine nuit. Ordinateur, argent
liquide, vêtements, chaussures… Plus rien. Heureusement pour nous, nous ne nous en rendons compte
qu’au moment où les voleurs sont déjà partis avec leur
butin. Sous le choc, nous appareillons. Nous ne voulons pas rester ici.
L’étape suivante durant laquelle nous devons affronter
les alizés du nord-est nous pousse au bord de l’épuisement. Nous ressentons encore les conséquences des
tournus épuisants de ces derniers mois. Souvent, lors
d’un tournus, je devais crier cinq fois le nom de Wolf
avant que ma voix ne le sorte de son sommeil et qu’il
soit enfin capable de se lever. La fatigue peut parfois
être une véritable torture. La vie à bord se limitait alors
au strict nécessaire: manger et dormir.
C’est alors que sont apparus les murs du port de
Horta sous une brume matinale: un moment magique.
Nous avons ressenti une profonde libération en arrivant sains et saufs en Europe.
Pas très intéressant de naviguer en mer Méditerranée:
accalmies et vents contraires se sont en effet succédés durant notre voyage. Celui-ci se termine le 9 octobre 2009 à Izola, là même où notre aventure avait
commencé. Boucler un deuxième tour du monde, ça
rend humble et reconnaissant. Mais il nous a semblé
incroyablement difficile de quitter notre bateau.
Nous habitons actuellement dans un petit appartement à Puchberg am Schneeberg (Basse-Autriche).
Nous sommes en train d’écrire notre livre et préparons
un nouveau show Multivision. Et parfois, je rêve que
Wolf me demande si nous ne voulons pas larguer une
nouvelle fois les amarres. Il n’aurait aucune peine à me
persuader…
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