Nouvelle maquette
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scènes magazine au poche genève : l’enseigneur © Nicolas Golovtchiner ISSN 1016-9415 263 / juin 2014 CHF. 10.-- 7 € 28.08 – 12.09.2014 www.septmus.ch sep t m u s c h Charles Char es D Dutoit utoit Jiří iř Bělohlávek Bě oh ávek Conrad Conrad v van an Alphen A phen Ricardo Ricardo C Castro a tro Yuri Azevedo Yur A zevedo Philharmonie Philha monie ttchèque chèque Royal Roya Ph Philharmonic lharmon c O Orchestra rchestra London London Russian Russian Nat National iona O Orchestra rchestra Youth Youth Orchestra Orchestra o off Bahia Bahia Quatuor Van Quatuor V an Kuijk Kuijk Martha Ma tha A Argerich rger ch Delphine Delphine B Bardin ardin Corey C erov ek Corey Cerovsek Alexandra Conunova Conunova Alexandra Lionel L onel C Cottet ottet Colin Col n C Currie urrie James ames E Ehnes hnes Alexander Gurning Gu ning Alexander Mami H agiwara Mami Hagiwara Chihiro Chihiro H Hosokawa osokawa Alexey Alexey IIvannikov vann kov Paavali Paavali Jumppanen Jumppanen Alexander Alexander Kutuzov Kutuzov err y Léonide Léon de Jerry Radu Lupu Lupu Radu Mikhail Mikha l P Pletnev etnev Julien ul en Q Quentin uent n Conrad Conrad T Tao ao Var vara Varvara C audio Vignali V ignali Claudio Alisa A isa W Weilerstein ei erstein s o m m a i r e 6 cinéma 6 8 9 10 11 12 18 cine die / raymond scholer cinémas du grütli : quinzaine des réalisateurs / chr. bernard brève : sortie dvd / christian bernard cinémathèque suisse en juin / raymond scholer sous la loupe : deux jours, une nuit / christian bernard les films du mois / christian bernard, serge lachat nyon : visions du réel / christian bernard 19 on ne dit pas ‘je’ de laure mi hyun croset / rosine schautz 20 21 22 22 le poche genève : l’enseigneur /rosine schautz vidy-lausanne en juin : théâtre et danse / nancy bruchez théâtre du passage, neuchâtel : les fleurs du mal théâtre du casino, évian : staying alive 24 marionnettes de genève : saison 2014-15 / l. tièche chavier 26 28 29 30 31 32 32 33 34 36 37 38 39 40 grand théâtre : la wally / éric pousaz entretien : frank beermann / éric pousaz lausanne : les joyeuses commères de windsor / éric pousaz avenches : carmen / bernard halter la route lyrique : phi-phi / bernard halter marseille : le roi d’ys / françois jestin toulouse : les pigeons d’argile / pierre-rené serna barcelone : kitège / christophe imperiali milan : les troyens & le lac des cygnes / éric pousaz bâle : the indian queen / éric pousaz berlin : tannhäuser, parsifal & roméo et juliette / éric pousaz berlin : les contes d’hoffmann / christian bernard monte-carlo : ernani / frank fredenrich mémento 42 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 entretien : tobias richter / éric pousaz en septembre : rigoletto / éric pousaz portrait : michael nagy / pierre jaquet en octobre : eugène onéguine / éric pousaz entretien : agathe mélinand / pierre-rené serna portrait : harmut haenchen / beata zakes portrait : violeta urmana / françois lesueur portrait : marko letonja / christian wasselin portrait : pinchas steinberg / frank langlois entretien : xavier dayer / christian bernard ballet du grand théâtre : saison / emmanuèle rüegger 19 livres 20 théâtre 24 spectacles 54 récitals : bryn terfel, elina garanca, patricia petibon, michael volle, laurent naouri et natalie dessay, diana damrau 57 musique 57 58 59 60 cully classique / yves allaz agenda romand / yves allaz agenda genevois / martina diaz l’orchestre de chambre de genève : saison / f. fredenrich 62 63 63 64 65 66 68 69 70 73 montpellier danse / bertrand tappolet colmar : hommage à evgueny svetlanov / pierre jaquet vienne : 34e festival de jazz / christian bernard lyon : les nuits de fourvières / nancy bruchez avignon / anouk molendijk gstaad : menuhin festival / christian bernard entretien : raymond duffaut, orange / françois jestin présentation : radio france et montpellier / françois jestin entretien : bernard foccroule, aix / françois jestin bellerive : 19e édition / christian bernard 74 76 78 78 79 79 80 80 81 81 82 83 84 fondation beyeler : gerhardt richter / régine kopp schaulager : paul chan / régine kopp mémento beaux-arts : france palais lumière, évian : chagall, œuvre gravé mémento beaux-arts : ailleurs rancate : céramiques d’art italiennes mémento beaux-arts : suisse romande fondation de l’hermitage : peindre l’amérique mémento beaux-arts : suisse alémanique fondation gianadda : revoir renoir genève : art en vieille ville / françoise-h. brou ferme de la chapelle : bernard garo & jo fontaine /f.-h. brou musée de la croix rouge : trop humain / christophe rime 85 86 88 90 90 91 91 chronique des concerts / david verdier opéra : arbre florissant / pierre-rené serna sélection musicale de juin / françois lesueur mémento théâtre grande halle de la villette : josef nadj mémento expositions jeu de paume : oscar munoz 62 festivals 26 opéra 74 expositions 41 saison du grand théâtre 85 paris 263 / juin 2014 90 les mémentos ABONNEZ-VOUS! Découvrez chaque mois dans nos pages : L’actualité culturelle d’ici et d’ailleurs Cinéma Concerts Livres Opéra Critiques Danse Expositions Théâtre Entretien Avant-Premières Mémento Scènes Magazine - Case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346.96.43 / de France +41 22 346.96.43 www.scenesmagazine.com / e-mail : [email protected] COMMANDE D’ABONNEMENT scènes magazine Nom Prénom Adresse Code Postal Localité Pays o un abonnement (10 numéros) à 80 SFrs / Europe : 120 Sfrs. / hors Europe : 140 Sfrs. o un abonnement France (10 numéros) à 70 € o un abonnement de soutien (10 numéros) à 100 SFrs à partir du N° A renvoyer à SCENES MAGAZINE CP 48 - 1211 GENEVE 4 - Suisse avec le règlement par chèque ou virement sur le CCP Scènes Magazine 12-39372-8 Date Signature EDITO direction Frank Fredenrich, Jean-Michel Olivier, Jérôme Zanetta comité de rédaction Christian Bernard, Serge Bimpage, Françoise-Hélène Brou, Laurent Darbellay, Frank Dayen, Martine Duruz, Frank Fredenrich, Jérôme Zanetta éditeur responsable Frank Fredenrich publicité Bimpage Communication Viviane Vuilleumier secrétaire de rédaction Julie Bauer collaborateurs Yves Allaz, Philippe Baltzer, Julie Bauer, Nancy Bruchez, Gabriele Bucchi, Claudia Cerretelli, Romeo Cini, Sarah Clar-Boson, Martina Diaz, Catherine Graf, Emilien Gür, Bernard Halter, Christophe Imperiali, Pierre Jaquet, François Jestin, Régine Kopp, Serge Lachat, Frank Langlois, David Leroy, François Lesueur, Anouk Molendijk, Paola Mori, Michel Perret, Eric Pousaz, Stéphanie Nègre, Christine Pictet, Christine Ramel, Serene Regard, Christophe Rime, Julien Roche, Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz, Rosine Schautz, Raymond Scholer, Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet, Laurence Tièche Chavier, Tuana Gökçim Toksöz, David Verdier, Christian Wasselin, Beata Zakes, François Zanetta maquette : Viviane Vuilleumier imprimé sur les presses de PETRUZZI - Città di Castello, Italie Incrédulité ? Tout ce que l’on pourra faire pour que rien ne se fasse sera bon à faire. (Xavier Gorce) D epuis plusieurs années, trois projets agitent à juste titre les milieux culturels genevois. Dans une cité qui consacre un montant important aux divers aspects de la création artistique - au point que le pourcentage du budget culturel est sans égal en Europe – on ne peut que s'étonner de la difficulté récurrente à finaliser des projets de construction ou de rénovation. Ainsi en est-il de la « comédie de la Nouvelle Comédie » dont on peut rappeler à la manière d'une médiocre pièce que s'il y a un prologue, il date de la fin des années 1980 avec le projet de Matthias Langhoff avant de connaître divers développements si l'on songe par exemple à une conférence de presse organisée par l'Association pour une Nouvelle Comédie datant de septembre 2005, sensée être un acte fondateur de cette « Nouvelle Comédie, une institution phare pour Genève et sa région ». En février 2010, on pouvait publier (Scènes Magazine no 219) un éditorial intitulé « La (Nouvelle) Comédie de fait que commencer !». Mais de délai en délai, on ne voit rien venir ! En bref, on aura compris que les actes ne suivent guère le prologue et que le phare se fait attendre, ou plutôt reste à quai en attendant – en théorie ? - la première rame du CEVA. Côté rénovation et agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire, aux dernières nouvelles, un communiqué de presse du 6 mai 2014 assure que « le Cercle de soutien au MAH+ Genève se réjouit du rejet des recours de Patrimoine Suisse Genève et d'Action Patrimoine Vivant », marquant ainsi « une étape importante et positive vers le projet de rénovation et d'agrandissement du Musée d'Art et d'Histoire ». Ainsi, selon le Cercle de soutien au MAH+ (qui compte plus de 1100 membres), les travaux pourraient commencer «rapidement ». Un bel optimisme que ne saurait refroidir la réaction immédiate du cercle des opposants irréductibles et entêtés, lesquels se promettent de s'opposer par tous les moyens – y compris référendaires – à un projet pourtant nécessaire. Désormais, Carouge bouge également du côté de la rue Ancienne et de son théâtre. Porté par l'enthousiasme de Jean Liermier et un soutien presque unanime de la classe politique locale, une reconstruction de la salle du Théâtre de Carouge est en projet. Comme il se doit, une réaction populiste n'a pas tardé et quelques débats sont à planifier, sans parler d'un possible référendum. Affaire à suivre, car on a pu le constater avec les votes au sujet de la Maison de la danse ou d'un projet de Musée d'ethnographie, rien n'est jamais acquis si l'on fait appel à l'opinion populaire. On peut au moins supposer que ces sujets resteront longtemps encore d'actualité, de quoi fournir bien des sujets de débats, commentaires, invectives et autres éditoriaux... Rendez-vous au prochain éditorial consacré à l'un de ces sujets ! FF/SCENESMAGAZINE scènes magazine case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346 96 43 de France 00-41-22 346 96 43 www.scenesmagazine.com e-mail : [email protected] c i n é le cinéma au jour le jour Cine Die 16e Far East Film Festival (FEFF) Udine confirme la prépondérance de la Corée du Sud et de Hong Kong en matière de cinéma populaire asiatique. Corée du Sud 6 Miss Granny (2014) de Dong-hyuk Hwang, dont le précédent film Silenced (2011) sur une affaire d’abus d’enfants dans une école pour sourds-muets, plébiscité au FEFF, avait entraîné dans son pays un renforcement significatif de la protection des mineurs, concerne une vieille dame qui ne s’en laisse conter par personne. Elle a un caractère bourru, un langage de charretier, et est en bisbille avec sa dondon de belle-fille. Elle se chamaille même avec le seul homme qui l’adule en secret depuis toujours, son collègue de travail. Un jour, elle se fait tirer le portrait par un photographe qui lui offre une « photo de jouvence ». En voyant sa réflexion dans une vitrine plus tard, elle réalise qu’elle a maintenant le physique d’une jeune fille. Les membres de sa famille ne la reconnaissent pas. Comme elle adore chanter, elle fait tout pour se faire « découvrir » par son petit-fils qui dirige un groupe rock. L’effet comique qui a fait trembler de rire les salles de la péninsule naît du talent de la jeune comédienne Eungyeong Shim, qui mime les manières brusques et le franc-parler cru de la vieille dame à la perfection, lesquels détonnent bien sûr sur un corps si juvénile. Le développement économique foudroyant du pays aidant, le gouffre séparant les sexagénaires de la jeune génération coréenne n’est plus seulement culturel, mais aussi linguistique. SHIM Eun-gyeong dans «Miss Granny» The Terror Live (2013) de Byung-woo Kim met aux prises, en direct et en exclusivité, un journaliste de télé soi-disant honnête avec un maîtrechanteur qui fait exploser un pont routier sur la rivière Han pour montrer que ses revendications doivent être prises au sérieux. Il n’est d’ailleurs pas motivé par le lucre, il émet simplement une exigence morale : que le président vienne faire des excuses à la télé pour les morts que des économies indues dans la réfection dudit pont quelques années en arrière ont occasionnées. Il donne un temps de réponse, faute de quoi il procédera à d’autres explosions bien placées. D’emblée, le journaliste se retrouve entre le a c t m a marteau et l’enclume, avec les révélations de médias concurrents jaloux qui ont déniché des irrégularités dans son passé professionnel, les services secrets qui ne veulent pas laisser le président céder au chantage, les dirigeants de la télé qui poussent vers une issue violente parce que celle-ci fait normalement exploser le taux d’écoute, et le terroriste qui perd patience. Le spectateur passe tout le film en compagnie du journaliste dans le studio de la télé, d’où on a une belle vue sur le pont en question. Les effets des tractations secrètes deviennent donc immédiatement visibles in situ. Lorsque les premières pertes humaines arrivent à mi-film, on espère que tout le monde y mettra du sien pour éviter le pire, mais le film est coréen et donc noir jusqu’au bout. Le remake hollywoodien aura à coup sûr une fin plus lénifiante. The Attorney (2013), premier film de Woo-seok Yang, est un peu le prolongement de National Security de Ji-Yeong Jeong, vu l’année passée. Alors que ce dernier décrivait les tortures subies par les victimes innocentes de la dictature de Chun Doo-hwan (1980-1988), le film de Yang se déroule au milieu de la population et se focalise sur un avocat sans forma- Do-won KWAK dans «The Attorney» tion universitaire, opportuniste, spécialisé en conseils fiscaux, qui, en 1981, n’a aucun grief contre le gouvernement et ne veut pas croire tout ce qu’on dit, jusqu’au moment où un jeune étudiant dont il connaît la famille pauvre et travailleuse, est arrêté par les services secrets et accusé d’être un agent communiste. Il découvre alors les fallacieux prétextes et sordides réalités des détentions de civils innocents et décide de se muer en avocat de la défense. Comme les dés sont pipés d’avance, il perd le procès, non sans avoir hurlé ses quatre vérités à la face des juges dans une scène mémorable. Mais on le retrouve en 1987 comme activiste en tête des manifs et cette fois-ci, c’est à lui que le régime fera un procès. Le nom de l’avocat fictionnel est Song Woo-seok, clairement fabriqué à partir du nom de l’acteur qui l’incarne, le toujours impressionnant Song kang-ho, et le prénom du réalisateur. Le personnage est d’évidence basé sur Roh Moohyun, qui a suivi grosso modo le même parcours avant d’être élu Président de la République en 2002. Mais comme la Corée a maintenant un régime de droite, il n’est pas nommé expressément. Hong Kong Firestorm (2013) de Alan Yuen pose un nouvel étalon. Le film est un véritable bulldozer qui a laissé bouche bée les spécialistes des films d’action de l’ex-colonie britannique, pourtant habitués depuis longtemps à toutes sortes d’excès, mais là, il faut bien l’avouer, Dante Lam a été battu sur son propre terrain, et encore par un novice ! L’histoire a à peine commen- u a l i t é c i n é m a sympathiques du cinéma de genre philippin des années huitante, lequel profitait de la manne étatique sous les auspices d’Imelda Marcos, fondatrice du Manila Film Center. Souffrant de nanisme primordial, le petit gamin s’enthousiasma assez tôt pour les arts martiaux et devint ceinture noire. «Adopté » l’espace de quelque 6 films par le producteur Peter Caballes et sa femme, l’acteur devint la coqueluche du Manila International Film Festival avant de sombrer dans l’oubli et la dèche quelques années plus tard. Le film de Leavold, construit comme une véritable enquête, alterne les extraits de films (où l’on peut constater l’extrême agilité du cascadeur miniature, son espièglerie et le charme trouble qu’il exerce sur les femmes) avec les interviews de collègues de travail, et surtout, cerise sur le gâteau, une réception chez l’ex Première Dame en personne à l’occasion de son 83e anniversaire. Andy Lau (3e) dans «Firestorm» cé qu’un transport de fonds se fait harponner et hisser dans les airs par une grue, en pleine ville. La police a beau être vite sur place, la bataille qui s’enclenche n’est que la première de toute une série au cours desquelles civils innocents et policiers paient de leur vie, sans parler des dégâts matériels. Les nouveaux gangsters venus du continent utilisent des armes de guerre qui pulvérisent des bus, font s’affaisser des ponts et creusent des cratères ; ils poussent le sadisme jusqu’à jeter une petite fille autiste d’un balcon devant les yeux de son père avant de torturer celui-ci, un infiltré, à mort. Andy Lau, le commissaire, n’a dès lors plus qu’un désir: liquider la racaille par tous les moyens possibles, fussent-ils illégaux ou immoraux ! Il tabasse un gangster à terre jusqu’à l’envoyer dans le coma, laisse tranquillement un autre mourir d’une crise d’asthme, trahit ses taupes, etc. Le film d’action devient ainsi un film catastrophe, donnant corps à cet idéal du romantisme, selon lequel le déchirement intérieur des personnages se reflète dans la réalité extérieure. Alors qu’un typhon encercle Hong Kong, le monde urbain plonge dans le chaos : le flic honnête devient l’incarnation du mal et le gangster pourri se mue en père de famille responsable. Lorsqu’au terme de cette orgie de destruction, le seul survivant s’efforce de rétablir l’ordre ancien, le ciel s’éclaircit aussi. Japon The Eternal Zero (2013) de Takashi Yamazaki reçut le maximum de votes de la part du public, mais la gêne était palpable chez certains spectateurs à la lecture du palmarès. Le Zéro dont il est question est bien sûr l’avion des kamikazes, déjà l’objet de Le Vent se lève (Hayao Miyazaki, 2013). À l’occasion de l’enterrement de leur grand-mère, ses petitsenfants apprennent qu’elle avait eu un premier mari, pilote d’avion et instructeur de vol, lequel mourut en mission au-dessus du Pacifique en 1945. Des témoignages contradictoires louaient le héros ou dénonçaient le couard. Mais peu à peu se dessine le portrait d’un homme qui aimait tendrement son épouse et sa petite fille, à tel point qu’il mettait sa survie audessus de toute considération de sacrifice pour la patrie. Pendant les combats aériens au-dessus de Rabaul, il restait souvent à l’écart en prenant littéralement de la hauteur : pour l’état-major, il devint alors de plus en plus Philippines Un des meilleurs documentaires de ces dernières années nous vient de Andrew Leavold, un historien australien (qui publiera sous peu sa thèse Bamboo Gods and Bionic Boys : A History of Pulp Filmmaking in the Philippines). Le film, une coproduction philippino-australienne s’intitule The Search for Weng Weng (2013). Weng Weng est le pseudonyme de Ernesto de la Cruz (1957-1992), qui du haut de ses 83 cm, fut au cinéma l’inoubliable Agent 00 dans For Y’ur Height Only (Eddie Nicart, 1981) et The Impossible Kid (E. Nicart, 1982), deux exemWeng Weng ples symptomatiques et a c t u a l Les kamikazes de «The Eternal Zero» suspect. On lui confia l’entraînement des kamikazes. Et là, il recalait ses élèves aussi souvent qu’il le pouvait pour les maintenir en vie. Mais ils finissaient toujours par être envoyés à une mort certaine. Le film laisse supposer que, se sentant coupable de toutes ces morts, il décida de s’immoler lui-même en lançant son Zéro sur un navire américain, non sans avoir sauvé une dernière fois un de ses élèves qui deviendra le deuxième mari de la grand-mère et sera un grand-père empreint de toute la noblesse des samouraïs d’antan. Un film donc tout à fait dans l’esprit de Shinzo Abe. Au mois prochain Raymond Scholer i t é 7 c i n é m a les cinémas du grütli La Quinzaine des Réalisateurs On le sait, Edouard Waintrop, le directeur des Cinémas du Grütli, est également aux commandes de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Une douzaine de films de la sélection 2014 seront présentés à Genève entre le 5 et le 11 juin, immédiatement après leur première sortie cannoise. 8 apprentie coiffeuse, lui déserteur de l’armée et leur bonheur de s’aimer évident. Le père de Laïla décide d'envoyer son fils Zaheer et une bande de chasseurs de prime, certains musulmans, d’autres britanniques de souche, à la recherche de sa fille. Quand ils la trouvent, il y a confrontation violente entre elle et son frère qui se blesse mortellement en chutant. La violence montera encore entre les poursuivants cette fois, la violence des immigrés tabassant le petit ami de Laïla entraînant celle des Britanniques… Laïla ayant accepté de retourner chez son père, la conclusion sera un terrible face à face père-fille. “Les films de série noire“ et “L'échappée belle“ sont d'après Edouard Waintrop, les maîtres-mots de la Quinzaine 2014. Passage en revue de deux films relevant de la première catégorie, Catch me Daddy de Daniel Wolfe (GB) et Les Combattants de Thomas Cailley (France), et d’un film de l’Argentin Diego Lerman Refugiado, appartenant de plein droit, on verra pourquoi, à la seconde. Catch Me Daddy Un premier film loin d’être sans défaut, mais qui s’impose progressivement et ose un regard sidérant de justesse sur une réalité hélas banalisée et édulcorée par le moulinage médiatique: les rapports père-fille et frère-sœur tels qu’ils sont régis par la tradition dans une famille d’immigrés musulmans dans le Yorkshire, en Grande-Bretagne. Laïla, une jeune fille d’une vingtaine d’années, a fui sa famille et se cache avec son petit ami, un Britannique de souche (le titre du film «Les Combattants» renvoie à une chanson de Janis Joplin tirée de l’album Cheap Thrills (1968), époque où régnait le fantasme du drop out). Elle est A verser au débit du film, l’étirement excessif de la traque jusqu’à ce que le couple soit retrouvé. Mais tout change dans les scènes mettant en présence Laïla, son frère, puis son père. La violence verbale et physique des hommes et la soumission de Laïla, propres aux sociétés patriarcales, sont montrées sans fard aucun, mais - ce qui est exceptionnel - en révélant les sentiments contradictoires de chacun sous les comportements dictés par l’honneur. On n’oubliera pas de sitôt l’explosivité du père poussant Laïla au suicide tout en l’assurant de son amour. Je ne me souviens pas d’un film osant montrer aussi crûment les différences culturelles sans souci du politiquement correct. Les Combattants Représentant d’un cinéma français que l’on qualifiera de viril, Thomas Cailley intrigue et accroche avec le récit de la rencontre d’Arnaud et de Madeleine. Arnaud a 17 ans, la tête sur les épaules, mais un peu indécis quant à son avenir. «Catch Me Daddy» a c t u a l i t é c i n é m a Gérant avec son frère aîné et sa mère une petite entreprise d’abris de jardin, il est attiré par l’armée de terre qui fait circuler un bus de promotion dans la région. Comme l’est également Madeleine, 19 ans, “un bloc de muscles tendus, de phrases lapidaires et de regards noirs”. Madeleine est une (com)battante se préparant pour une guerre (mais laquelle ?). Elle veut un régiment dur pour apprendre à survivre (mais à quoi ?). Pour s’entraîner elle avale un poisson cru passé tout entier au mixer. Leur différence n’empêchera pas un rapprochement à l’instinct. Arnaud va-t-il s’engager à sa suite, mais sur quel chemin ? On a aimé la façon dont Thomas Cailley parvient à faire échapper ses personnages à tout typage déjà connu, à leur donner (surtout pour Madeleine) une consistance forte faite d’un mélange de familiarité et d’étrangeté, à intéresser à une relation dont rien ne permet d’anticiper l’évolution. Chemin faisant, dans un film fondamentalement réaliste et témoignant d’un grand souci du détail parlant, il dresse un portrait d’une certaine jeunesse, ni marginalisée ni privilégiée dans la France d’aujourd’hui, sonnant particulièrement juste. Refugiado On reste dans le genre réaliste avec le film de Diego Lerman, qui suit Matias, 8 ans et Laura, sa mère en début de grossesse. Passant successivement de l’école où personne n’est venu chercher Matias, au foyer de femmes où «Refugiado», photo Wojtek ils ont trouvé refuge, puis au commissariat où Laura fait une déposition (le père, Fabian, jaloux, l’a menacée d’un couteau et l’a frappée au ventre), le spectateur comprend qu’ils ont été obligés de fuir à la hâte l’appartement familial. Fabian ayant réussi à les localiser grâce au portable de Laura, ils doivent quitter le foyer, la fuite se poursuivant d’hôtel en hôtel jusqu’au cabanon habité par la mère de Laura. Evitant tout misérabilisme, manifestant une empathie dépourvue de pathos à l’égard de ses personnages (absence notable de toute musique dramatisante), refusant de dramatiser outre mesure, gardant la juste distance, Diego Lerman, dans ce film sans homme (on n’entend Fabian qu’au téléphone), rend un bel hommage à la force des femmes et à leur solidarité. On admire le portrait de Laura en Mère Courage à la fois forte et fragile, mais plus encore celui de Mathias et de la petite fille rencontrée dans le centre d’accueil: tout est dit de la faculté des enfants à jouer de leurs traumatismes en les rejouant comme une histoire fantastique, en une thérapie instinctive. Aussi instinctive que la formule de Laura à Mathias à un des pires moments de leur fuite: “Dans la vie, tout a une solution, sauf la mort”. Christian Bernard Sortie DVD LE REPENTi de Merzak Allouache, Algérie, 2012 (DVD BLAQ OUT) Projeté à Cannes en 2012 (Quinzaine des réalisateurs), repris au FIFDH et aux Cinémas du Grütli en 2013, Le Repenti suit Rachid, jeune combattant islamiste des années 90 venu se rendre à l’armée, donc repenti au sens de la loi dite de concorde civile, censée mettre un terme à la guerre civile. Ce faisant, c’est le portrait d’une société frappée d’amnésie qu’Allouache dessine. Le Repenti est un film clair, intelligent et humain, qui vous prend dès les premières images (l’Algérie des hauts plateaux sous la neige) pour ne plus vous lâcher grâce à un sens du récit consommé. La narration, très fluide, enchaîne les saynètes semant des indices dont l’explication est savamment retardée pour relancer l’intérêt du spectateur. a c t u «Le Repenti » La situation des personnages y compris secondaires dans l’Algérie d’aujourd’hui, riche en tabous, se précise par petites touches à travers mille détails très concrets (et souvent très drôles). Le dénoue- a l i t ment indique clairement que la guerre civile n’est en réalité pas terminée, et il laisse planer le doute sur l’identité des bourreaux actuels ou futurs. Christian Bernard é 9 c i n é m a juin à la Cinémathèque suisse Philip Seymour Hoffman 10 On l’avait cru ancré dans la première moitié d’une carrière époustouflante (qui était censée s’achever en douceur après le milieu du siècle), on ne savait pas que c’était un grand angoissé en lutte permanente avec des démons que lui seul connaissait : il a lâché prise début février et l’avenir du cinéma s’est soudain appauvri. Car il était l’un de ces comédiens inclassables qui investissait chacun de ses personnages d’une empreinte singulière, d’une respiration bien à lui. Caméléon, il surprenait toujours par une coloration spécifique. Un rôle tenu par Hoffman acquérait automatiquement une signification, un poids particuliers. Sur la soixantaine de titres que comporte sa filmo, l’hommage de la Cinémathèque en propose une douzaine, judicieusement choisis. Et si on peut regretter l’absence de certains films portés aux nues outre-Atlantique [Synecdoche, New York (Charlie Kaufman, 2008) ; The Savages (Tamara Jenkins, 2007) ; Love Liza (Todd Luiso, 2002) ; Next Stop Wonderland (Brad Anderson, 1998) ; Owning Mahowny (Richard Kwietniowsky, 2003)], c’est qu’ils ne sont tout simplement pas sortis sur nos écrans : ils ne sont donc pas dans les dépôts de la Cinémathèque. En revanche, celle-ci a acquis le seul film mis en scène par Hoffman, Jack Goes Boating (2010), aussi inédit que les précédents : il y incarne un chauffeur de limousine timide et vulnérable qui rencontre, grâce à un couple ami, une jeune femme souffrant du même symptôme. À première vue, il y a donc du Mike Leigh dans l’air. Le récit, à ce qu’il paraît, réserve pourtant des surprises. Les autres titres ne nécessitent pas de recommandations : qu’il incarne Truman Capote (Capote de Bennett Miller, 2005), un prêtre accusé de pédophilie (Doubt de Patrick John Shanley, 2008), un travesti (Flawless de Joel Schumacher, 1999), le jouisseur épicurien Freddie Miles imaginé par Patricia Highsmith (The Talented Mr. Ripley de Anthony Minghella, 1999), un professeur d’anglais potelé et flegmatique, fasciné par le tatouage d’Anna Paquin (25th Hour de Spike Lee, 2002) ou un agent moustachu de la CIA (Charlie Wilson’s War de Mike Nichols, 2007), Philip Seymour Hoffman est toujours stupéfiant. Histoire Permanente du Cinéma 3 titres de 1964 qui ne courent pas les rues : Hamlet (Grigori Kozintsev) transpose les vers du Barde dans les mélodieux chuintements de la langue de Boris Pasternak, co-scénariste, vers prononcés ici par l’incomparable Innokenti Smoktounovski, ancien déporté de Sibérie, connu par son portrait du physicien Koulikov dans Neuf Jours d’une Année (Mikhaïl Romm, 1962). Selon Ado Kyrou, « jamais on n’avait encore vu un Hamlet aussi viril. Et jamais on n’avait vu des rencontres avec Ophélie aussi physiquement érotisées ». Thomas l’Imposteur (Georges Franju), le rêveur juvénile de Jean Cocteau veut vivre l’aventure de la guerre - sans se rendre compte que la guerre n’est pas une aventure, mais une réalité sordide ! Il se fait passer pour le neveu d’un général héros de Philip Seymour Hoffman est «Capote» a guerre. Son imposture révèle toutes les autres, celles des nobles, des religieux, des militaires. Les Diamants de la Nuit (Jan Nemec) raconte la fuite éperdue de deux jeunes Tchèques échappés d’un train de déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Une meute de vieux chasseurs des Sudètes se lancent à leur poursuite, les capturent, se moquent d’eux et feignent de les relâcher. La course éperdue recommence. « Version singulière du mythe de Sisyphe filmée à l’allure des fugitifs, dans un enchevêtrement de travellings, d’images mentales obsessionnelles et de flash-back » (Anne Kiefer, Dictionnaire des Films, Larousse). Séances Spéciales 10 juin : Das Notizbuch des Mr. Pim de Frank Ward Rossak est un long métrage produit par le Parti social-démocrate autrichien (SDAP) dans le cadre des élections parlementaires du 9 novembre 1930. Le rédacteur en chef d’un journal américain, Mr. Pim, se rend en Autriche pour se rendre compte du danger que représente le socialisme, mais le spectacle des acquis sociaux finit par le convaincre du bien-fondé d’une politique pour les masses. Seule copie 35mm connue. 19 juin : Heaven’s Gate (1980), le western à la fois colossal et intimiste de Michael Cimino, dans sa version restaurée de 216 minutes. 21 juin : Egged on (1926) de Charley Bowers, qui intègre avec virtuosité l’animation dans la prise de vue réelle. « Qui n’a pas vu les petits tacots éclore d’œufs couvés par le moteur d’une voiture, les mains mécaniques donner la vie à une merveilleuse poupée de son, la souris dégainer son revolver devant le chat, la machine à rendre les œufs incassables, n’a rien vu .. » (Jean-Pierre Jeunet, Positif, 1981). Raymond Scholer Innokenti Smoktounovski dans «Hamlet» c t u a l i t é c i n é m a sous la loupe Deux jours, une nuit On sait que tous les films des frères Dardenne ont été projetés en première vision à Cannes depuis Rosetta en 1999 et qu’ils sont dans le club très fermé des cinéastes récompensés par deux Palmes d’Or, pour Rosetta et pour L’Enfant en 2005. Seront-ils les premiers à l’obtenir une troisième fois? A l’heure où ces lignes sont écrites, nous ne le savons pas, mais, primé ou non, Deux jours, une nuit s’impose comme une grande réussite. La réussite est à la mesure des pièges tendus par leur propre scénario. Qu’on en juge: Sandra (Marion Cotillard), employée d’une PME de panneaux solaires sortant d’un congé maladie pour dépression, doit chercher en un week-end, avec l’aide de son mari (Fabrizio Rongione), à convaincre un à un sa quinzaine de collègues de voter pour son maintien dans l'entreprise plutôt que pour une prime de 1000 euros. La tâche s’annonce d’autant plus difficile qu’un premier vote a déjà eu lieu, largement favorable à la prime, mais que la direction pressée par une syndicaliste amie de Sandra, a accepté d’invalider vu la pression douteuse exercée par un contremaître. Mise sous pression généralisée On retrouve pleinement les Dardenne dans la description précise et sans fard du monde du travail où règne la mise sous pression généralisée. Sans fard, mais sans caricature: la pression s’applique du haut au bas de la hiérarchie, de la direction soumise à l’obligation de tenir ses coûts, au Noir en CDD tremblant pour sa place. Comme on retrouve les cinéastes dans le soin pris à inscrire la dureté de ce monde du travail dans les corps, à commencer par celui de Marion Cotillard. C’est dans son corps et sur son visage sans maquillage que s’éprouvent la fatigue, les tensions et la fragilité d’une Sandra au bord de Fabrizio Rongione et Marion Cotillard dans «Deux jours, une nuit» Un schéma narratif qui n’est pas sans rappeler Douze hommes en colère, même si, ici, c’est la victime qui essaie de convaincre les “jurés”. Avec un scénario aussi tenu, inhabituel pour eux, les frères Dardenne couraient le risque de nous priver du sentiment de partir à l’aventure, si caractéristique de leur manière, au profit de l’observation satisfaite d’une belle mécanique qui se serait enfermée dans le suspense: réussira-t-elle ou non; happy end ou non? On verra plus loin l’habileté avec laquelle ils évitent le piège. a c t u Marion Cotillard dans «Deux jours, une nuit» l’effondrement, mais aussi sa force. On ne peut qu’être admiratif, soit dit en passant, devant la liberté avec laquelle Marion Cotillard gère son image et sa carrière, loin de l’obsession d’être une star (ce qu’elle est aussi). Le film doit relever le défi de faire exister avec très peu de temps à l’écran tous les collègues que va rencontrer Sandra. Si elle présente toujours sa demande de la même manière (c’est le patron qui a mis en balance les 1000€ et son licenciement), les réponses varient, même si la plus fréquente est “on n’a rien contre toi, mais on a a besoin des 1000€”, tout comme les attitudes: il y a le rejet violent du jeune macho à la voiture tunée, d’autant plus hostile que son père est, lui, solidaire; l’indifférence de celui qui ne voit que l’intérêt de faire des heures sup si le travail est fait avec une personne en moins; celui qui voudrait qu’on sauve à la fois la prime et l’emploi; le oui du collègue footballeur se sentant coupable; le courage de celle qui décide (pour la 1ère fois de sa vie, dit-elle) de voter pour Sandra et de quitter son mari qui l’a frappée lorsqu’elle a envisagé de renoncer aux 1000€; l’hésitation, enfin, du Noir qui a peur de ne pas être gardé à l’issue de son CDD en septembre s’il vote pour elle. Or son vote est celui qui peut faire pencher la balance, les oui et les non s’équilibrant. Il lui promet de voter pour elle… Ce défi de faire exister autant de personnages secondaires est parfaitement relevé par les Dardenne. Il faut dire qu’à leur habitude, ils ont soigné les castings et multiplié les répétitions. Le piège scénaristique de l’alternative happy end ou échec est évité: le vote n’aura pas lieu le lundi car Sandra a la surprise d’être convoquée par le patron qui lui annonce qu’au vu de sa combativité, il la réengagera en septembre après un court chômage et qu’il ne renouvellera pas le CDD du Noir. Sandra refuse quand elle l i t comprend que le maintien de son emploi est au prix du non-renouvellement du CDD de son collègue. Elle échoue ainsi volontairement, gardant intacte son intégrité morale: en renonçant à l’emploi pour lequel elle s’est tant battue, elle n’a pas fait à autrui ce qu’elle ne veut pas qu’on lui fasse. D’où la sorte de bonheur dans la défaite qui s’empare d’elle. Comme elle le dit à son mari, “on s’est bien battu!”. Y croire, se battre, “Fais ce que dois, advienne que pourra”: tout l’humanisme moral des Dardenne est là. Christian Bernard é 11 c i n é m a Les films du mois MELAZA de Carlos Lechuga, avec Yuliet Cruz, Amando Miguel Gomez,… (Cuba 2013) 12 Dans le village cubain de Melaza, la vie se déroule au ralenti depuis que la production sucrière a cessé. Monica, dernière employée d’une usine à l’arrêt qui rouille lentement, envoie quotidiennement son rapport certifiant le bon état des machines, pendant qu’Aldo, son compagnon, instituteur du village, enseigne aux enfants à nager dans une piscine vide et à apprendre les rudiments d’un art martial susceptible de les faire triompher des potentiels envahisseurs américains ! Quotidiennement, un avion passe qui largue des paquets du journal officiel du Parti que personne ne lira, et une camionnette traverse le village en scandant les slogans qui disent les succès du régime contre la menace yankee. Ne réussissant plus à nouer les deux bouts, le couple loue sa petite cahute (où vivent encore la grand-mère handicapée et la fille de Monica) à une amie de Monica qui survit grâce à la prostitution. Mais la police met fin à ce commerce, condamnant le couple à une amende tellement salée qu’Aldo, après avoir proposé sans succès des cours d’anglais, ne voit comme solution que de se lancer dans le trafic autrement plus risqué de viande. Toujours sans succès, son partenaire étant même arrêté ! Reste pour survivre à proposer les charmes de Monica… Ce portrait sans concession de la situation économique catastrophique de Cuba ne sombre pourtant jamais dans le misérabilisme. Pour son premier long-métrage, Carlos Lechuga trouve un ton doux-amer et une forme d’humour à froid qui ne sont pas sans rappeler ceux du film mexicain Workers de José Luis Valle. Derrière le discours collectiviste officiel, ce que montre le cinéaste, ce sont les petites astuces individuelles pour s’en sortir au quotidien. Sans grands discours, mais avec un peu de musique et les gestes (un peu las, certes) d’une tendresse encore vive. En 80 minutes, le cinéaste trouve une manière assez brechtienne de nous dépeindre sans concession la situation de son pays. Plus, par sa grande maîtrise formelle et sans jamais som-brer dans la psychologie, il réussit à nous parler de manière émouvante du quotidien de gens vrais auxquels le régime n’a plus rien à offrir… Serge Lachat TOUT EST PERMiS (France, 2014) documentaire de Coline Serreau A mon goût, Coline Serreau s’est souvent révélée meilleure cinéaste dans ses documentaires que dans ses fictions. Son goût pour les « sujets de société » comme l’oppression des homosexuels (Pourquoi pas ? 1977) ou des fem- «Melaza» © Trigon films a c t u a mes (Mais qu’est-ce qu’elles veulent, 1977), ou encore comme, plus récemment, les mises en garde contre les désastres écologiques (Solutions locales pour un désordre global, 2010) lui donne un punch que ses comédies comme Trois hommes et un couffin (1985) ou La Crise (1992) n’ont pas forcément, noyées qu’elles sont dans les bons sentiments. Elle revient aujourd’hui avec ce que certains verront comme un « petit » sujet, mais que d’autres, dont je suis, considéreront comme un vrai film « citoyen ». Marquée par ce qu’elle a entendu lors de son passage dans un stage de récupération des points du permis de conduire, elle a voulu partager cette expérience où, autour d’une table, des gens de tous milieux, de toutes origines, de toutes professions, viennent dire d’abord leur sentiment d’être victimes d’une injustice, et écoutent ensuite ce que des techniciens, des juristes, des médecins ont à leur dire sur les risques provoqués par leurs infractions au code de la route. Je précise que même les spectateurs de pays qui ne connaissent pas le permis à points ont intérêt à voir ce documentaire : ils y retrouveront les discours mille fois entendus sous nos latitudes aussi sur le caractère scandaleux de la répression des infractions routières (« l’Etat veut seulement nous prendre des sous »), sur le sentiment d’injustice de ceux qui ont été pris (« pour un km/h d’excès de vitesse !!! », « un excès de vitesse alors que j’étais seul sur la route ! »), avec les excuses-bidon (« je n’appelle pas au téléphone, je réponds aux appels »), les arguments de mauvaise foi (« en Allemagne, il n’y a pas de limitations de vitesse et il y a moins d’accidents », ou pire encore, « conduire vite est un droit de l’homme » !!!), Coline Serreau ne prend jamais la parole, mais elle répond à ces formules par un montage de réponses de responsables de la sécurité routière. Certains ne manqueront pas de lui reprocher d’approuver les mesures strictes adoptées, mais son montage prouve qu’elles sont prises pour sauver des vies humaines. D’ailleurs, après quelques discussions et quelques images particulièrement « efficaces », la plupart des participants reconnaissent le bien-fondé des limitations de vitesse et des contrôles. Reste la question du caractère cinématographique d’un tel documentaire : il faut reconnaître que Coline Serreau fait plus qu’un film d’éducation routière. Son art de dénicher des « trognes » qu’elle ne se prive pas de filmer en gros, voire très gros-plans (à noter que ceux qui ne voulaient pas être à l’image ont leurs visages floutés), son art de laisser les gens s’exprimer avec leurs mots, l i t é c i n é m a leurs hyperboles, leur accent, leur colère donne à son film une « épaisseur » humaine indéniable. Même dans leurs propos les plus extrêmes, voire les plus stupides ou les plus intransigeants, tous les intervenants gardent une humanité qui témoigne de l’absence de tout mépris dans l’approche de la cinéaste. Beau travail documentaire donc, dont on peut seulement se demander si sa place n’est pas à la télévision plus que sur grand écran… Serge Lachat GRACE OF MONACO d’Olivier Dahan, avec Nicole Kidman, Tim Roth, France, 2014 Projeté en avant-première et hors-compétition pour l’ouverture du Festival de Cannes, Grace of Monaco est le type même du film globalisé. Olivier Dahan ayant fait un tabac outreAtlantique avec La Môme (2007, biopic retraçant la vie d’Edith Piaf), veut manifestement récidiver avec cet autre biopic évoquant un moment de la vie de Grace Kelly devenue Princesse de Monaco. Chaque seconde du film exprime le souci de plaire au public américain et pour ce faire, le réalisateur français reproduit tous les clichés américains sur la France et l’Europe, mais «Tout est permis» © Agora et son rôle de Princesse. Isolée dans une culture qui lui est étrangère, mal-aimée des Monégasques, négligée par un “Ray” qui ne pense qu’aux affaires d’Etat, elle va devoir choisir. Elle choisira d’être Princesse tout en restant elle-même, c’est-à-dire bonne épouse, bonne mère et bonne Américaine… Ce ne sera pas facile dans une Principauté où tout est mensonge et double jeu, soumise qu’elle est au blocus économique de la France gaullienne pour des raisons fiscales (tiens, tiens!), mais Grace sauvera Monaco. Le film serait-il une hagiographie ? ler à la rencontre des gens sur les marchés et même des douaniers français à la frontière. Une quasi campagne électorale… Prenant le parti de laisser de côté tant l’accident de voiture fatal que les aspects intimes de la vie du couple, Dahan donne une place démesurée au conflit avec la France pour créer un suspense. Au mépris de toute vérité historique, le conflit menace de tourner à une guerre menaçant Monaco d’anéantissement. La France, forcément impériale, (et peu importe si de Gaulle au même moment est en train de résoudre le conflit algérien…) menace d’envoyer ses tanks sur le Rocher! Heureusement, Grace a l’idée de génie d’inviter de Gaulle au Bal de la Croix-Rouge où elle prononcera un grand discours pacifiste reproduisant quasi à l’identique le discours final du Dictateur de Chaplin, qui soulève l’enthousiasme général… Quand Robert McNamara (à l’époque responsable des bombardements au Viet-Nam) se penche vers de Gaulle pour lui glisser “Hey Charlie, vous n’allez pas bombarder la Princesse ou bien!”, on comprend que le happy end est au rendez-vous. Ouf! Christian Bernard L’ARMEE DU SALUT d’Abdellah Taïa (France, Maroc, Suisse) avec Saïd Mrini, Karim Ait M’hand, Frédéric Landenberg… (2013) Nicole Kidman dans «Grace of Monaco» © Ascote Elite aussi sur l’Amérique elle-même. Recenser ces clichés est le principal intérêt que l’on peut prendre au film… Monaco au début des années 60. Grace Kelly mariée depuis 6 ans au Prince Rainier III cherche sa place entre la tentation de reprendre sa carrière d’actrice (le film s’ouvre sur la proposition que lui fait Hitchcock de jouer dans Marnie) a c t u L’isolement culturel ? En bonne Américaine, “Gracie” visitant un hôpital pour enfants, dit ce qu’elle pense, voit immédiatement comment améliorer les choses en abattant quelques cloisons, alors que les bienfaitrices l’accompagnant ne pensent qu’au Bal de la Croix-Rouge… Elle décide d’apprendre le français (trop difficile, mission impossible…) et d’al- a l i t Né en 1973 à Rabat, Abdellah Taïa est un écrivain marocain de langue française qui a publié au Seuil quelques romans et recueils de nouvelles d’inspiration autobiographique dans lesquels il traite de sa jeunesse et de son homosexualité comme Une Mélancolie arabe (2008), Lettres à un jeune Marocain (2009), Le Jour du roi (2010, pour lequel il a obtenu le Prix de Flore) et Infidèles (2012). é 13 c i n é m a 14 L’Armée du Salut est son premier film et est une adaptation que Taïa juge lui-même très infidèle de son livre éponyme paru en 2006. Sélectionné à la Semaine de la critique à Venise, aux Festivals de Toronto, de Namur et de Tanger, il a remporté le Prix spécial du Jury au Festival Tous Ecrans de Genève en décembre 2013 et le Grand Prix du Jury à Angers en janvier 2014. Le film raconte de manière très elliptique deux moments de la vie d’Abdellah. Dans une première partie, ce dernier nous apparaît comme un adolescent doux et sensible, qui adore les chansons « sucrées » des vieux films égyptiens qui passent à la télévision, qui préfère les occupations féminines (laver le linge, préparer les repas) au grand dam de sa mère et qui aime passionnément Slimane, son frère aîné, au point d’entrer en cachette dans sa chambre pour l’observer lorsqu’il se change ou, en son absence, se glisser dans son lit pour humer ses draps et ses vêtements. Ses sœurs se moquent de son côté féminin, ses voisins lui jettent des pierres ou ont avec lui des étreintes fugaces sur un chantier, dans un recoin du marché ou sur la plage, mais nous ne saurons jamais si ces rapports sont subis ou désirés. De même, nous ne saurons jamais ce qui cause les violences du père sur la mère après les étreintes conjugales, un père par ailleurs tout de douceur à l’égard de son fils… De même, pour la deuxième partie, rien ne nous sera dit ou montré de ce qui motive l’ellipse de 10 ans qui nous fait découvrir Abdellah à Genève cherchant à revoir un amant suisse rencontré au Maroc non pas pour solliciter son aide, pour trouver un refuge (il est « condamné » à dormir à l’Armée du Salut du titre !) ou du travail (il a obtenu une bourse pour étudier à l’Université), mais pour violemment refuser de s’expliquer sur «L’Armée du Salut» © Rita Productions la fin de son amour et sur leur rupture… Abdellah Taïa trouve indéniablement une manière très personnelle de raconter son histoire, loin de toute psychologie, de toute revendication politique ou sociale même si son film dit bien quelque chose de la réalité marocaine, de son opacité, de ses refoulements (violences familiales, homosexualité, difficultés économiques…). Mais en procédant ainsi « en creux » (souvenir de Bresson ?), dans une absence presque totale de dialogues, il risque de perdre son spectateur faute d’une dramaturgie suffisante, faute de références déchiffrables. Alors certes ce spectateur est d’autant plus attentif, à l’affût de tout renseignement lui permettant de comprendre l’histoire ou les personnages, mais l’opacité devient si impénétrable qu’il « décroche » parfois. Ce qu’un livre permet, un film ne le permet pas forcément. Reste à évoquer ce qui pour moi est une des raisons principales d’aller voir ce film : la photographie d’Agnès Godard dont le cinéaste avait découvert le travail pour Nénette et Boni de «Bird People» © Agora films a c t u a Claire Denis. Dans son film, que ce soit dans la partie marocaine aux couleurs douces, comme tamisées, tout en nuances ou dans la partie genevoise aux couleurs froides et sombres dans l’université comme dans les rues ou sur les bords du lac, Agnès Godard évite tous les clichés touristiques et fait littéralement redécouvrir les lieux de cette « histoire en pointillés »… Serge Lachat BiRD PEOPLE de Pascale Ferran, avec Anaïs Demoustier, Josh Charles, Roschdy Zem, Camelia Jordana… (USA, 2014) « Il est libre Max, y a en même qui disent qu’ils l’ont vu voler… » 20 ans après son premier long métrage, Petits arrangements avec les morts, qui avait fait sensation et lui avait permis d’obtenir la Caméra d’Or, Pascale Ferran revient à Cannes avec Bird People. Cinéaste rare et précieuse, elle n’a réalisé « que » 3 longs-métrages avant ce dernier : Les petits arrangements…, L’Age des possibles en 1996 (récompensé à Venise et Belfort), Lady Chatterley en 2006, (5 Césars et le prix Louis Delluc). A chaque fois, elle porte un regard quasi documentaire sur la grisaille du monde et sur le temps qui passe inexorablement mais dont elle réussit à extraire quelques moments de plénitude, quelques instants de bonheur. Pascale Ferran fait preuve de la même délicatesse et de la même indulgence dans Bird People qui jette un regard impitoyable sur le monde d’aujourd’hui, avec ses parcours balisés vers les lieux de travail ou vers le domicile, ses systèmes de contrôles de cartes diverses (dont la cinéaste tire une véritable symphonie des différents bruits électroniques qui nous submergent et qui certifient appels, connexions, déconnexions, l i t é c i n é m a acceptations, refus, signaux que nos mails sont bien partis…), ses panneaux indicateurs, ses rituels, ses faux-semblants. Et tout à coup, elle s’envole et filme le monde tel que peut le percevoir un moineau ! Bird People commence donc en montrant de manière presque documentaire notre monde d’aujourd’hui, avec ses foules immenses qui se déplacent chaque jour dans différents moyens de transports, foules dont vont émerger quelques personnages, deux principalement, qui fréquentent le même hôtel de Roissy près de l’aéroport Charles-de-Gaulle (nous ne cesserons durant tout le film d’assister à des décollages et atterrissages d’avions) : l’un est un client américain en transit (Josh Charles), l’autre une nettoyeuse (Anaïs Desmoustier) peut-être aussi étudiante dans une fac parisienne dont nous ne verrons jamais rien. Et le film devient fiction. Et il se divise alors en deux parties. Dans la première, nous suivons l’ingénieur en informatique américain qui vient régler à Paris quelques derniers détails avant de conclure une affaire importante à Dubaï. Epuisé par son voyage, par le stress et par l’absurdité de ses déplacements professionnels, il passe une mauvaise nuit. Ses insomnies le décident à refuser de poursuivre son travail (il quitte son entreprise) comme sa vie familiale (il quitte femme et enfants). Décision incompréhensible pour tout son entourage. Ce qui amène Pascale Ferran à proposer une scène de rupture par « skype » (toujours cette inscription du film dans le monde d’aujourd’hui !) qui par sa longueur et par la dureté des échanges que permet la distance deviendra sûrement un exemple dont d’autres cinéastes s’inspireront. L’autre partie du film est consacrée à l’étudiante-femme de chambre. Epuisée elle aussi par ses déplacements dans les transports en commun et par la lourdeur de sa tâche (augmentée encore par les multiples sollicitations de ses cheffes), elle saisit l’occasion d’une panne d’électricité pour se rendre sur une terrasse de l’hôtel. De là, fascinée par les mouvements incroyablement libres d’un moineau, elle se met à voler (et nous avec elle, qui partageons son regard) longuement autour de l’hôtel, dans les chambres, et plus loin en pleine nature dans un endroit où vont dormir dans leur voiture des gens sans domicile… Vol libre, mais soumis à divers dangers : un chat, une chouette, rester enfermé dans une chambre. Cette partie dont le statut fantastique reste peu clair (on retrouve plus tard la jeune fille endormie sur la terrasse, tout n’est donc peut-être qu’un rêve) lui permet de frôler l’Américain en crise qui ne sera croisé que tout à la fin du film, mais permet aussi a c t u quelques rencontres dont l’une avec un dessinateur-aquarelliste japonais ou coréen qui « croque » magnifiquement l’oiseau… Cette deuxième partie, que certains trouveront assurément trop longue, permet à Pascale Ferran de filmer en donnant une impression de liberté totale dans les mouvements de la caméra et dans son mépris de toutes les règles dramaturgiques qui visent à l’efficacité narrative traditionnelle. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas encore quel accueil Cannes aura réservé à ce film qui concourt dans la section « Un certain regard ». Mais jamais peut-être un film n’aura pareillement correspondu à l’appellation de cette section ! Serge Lachat DER GOALiE BiN iG de Sabine Boss (CH, 2014) avec Markus Signer, Sonja Riesen, Pascal Ulli, Michael Neuenschwander… Tiré du roman éponyme de Pedro Lenz (Prix Schiller en 2011) qui a d’ailleurs collaboré au scénario, le film de Sabine Boss a remporté cette année le Quartz d’Or du meilleur film suisse. joué gardien de but), s’explique par le fait qu’il avait voulu défendre un garçon particulièrement maladroit que ses coéquipiers voulaient punir de sa faible prestation du match. Ces retours en arrière nous permettent de mieux comprendre comment et pourquoi Ernst est devenu dans les années 80 un trentenaire glandeur et mollachu, vaguement alcolo et drogué dans son gros bourg du canton de Berne. Comment et pourquoi il s’est laissé entraîner dans une affaire de trafic de drogue pour laquelle il a purgé un an de prison au pénitencier de Witzwil pour avoir refusé de donner Ueli son meilleur ami d’enfance qui l’avait entraîné dans cette histoire pourrie. Revenu de prison, il essaie de se réinsérer, de trouver un boulot, de vivre une histoire d’amour avec la serveuse du Central, le bistrot du coin. Peu à peu, devant l’hostilité générale, il comprend de quelle manipulation il a été le naïf objet. Anti-héros, mais toujours au grand cœur, il renonce à dénoncer ses « amis » et admet, avec le flic du village, être un dinosaure. Et il annonce sa volonté de poursuivre cahincaha sa petite vie dans la capitale… Le film, comme le roman, nous plonge dans la médiocrité d’un gros village suisse où tout le «Der Goalie Bin Ig» avec Sonja Riesen (Regula) et Marcus Signer (Goalie) © Ascot Elite Jeune réalisatrice remarquée dès son premier long-métrage Urgences à la Havane (2002) Sabine Boss travaille en même temps pour le théâtre et la télévision suisse-alémanique. Le film comme le livre racontent (en « je ») quelques épisodes de la vie d’Ernst, appelé « der Goalie » par tout le monde. Ce surnom, nous l’apprenons en cours de film, au gré de flashes back sur l’enfance de ce personnage, incompréhensible dans un premier temps (il n’a jamais a l i t monde connaît tout le monde. Pire : les rapports d’amitié, de haine, de jalousie créés et les « rôles » joués dans l’enfance semblent perdurer pour le pire (et le meilleur) dans le monde des adultes. Ce monde où le silence règne sur les petites ou moins petites magouilles, tout Suisse né dans une petite ville ou un village le reconnaîtra. Et le fait que le film soit parlé en dialecte suisse alémanique ne le rend pas moins compréhensible de ce côté de la Sarine. é 15 c i n é m a Dans son langage cinématographique assez classique (avec, hérités du roman, une narration à la première personne et des flashes back), Sabine Boss réussit, en évitant les clichés folkloriques d’une Suisse paysanne et en refusant la nostalgie des années 80 simplement signalées par quelques voitures et objets d’époque, à faire exister vraiment ces personnages et cette Suisse profonde. Le mérite en revient aussi aux acteurs, à Markus Signer et Sonja Riesen, en particulier qui dégagent un parfum d’authenticité qui n’est pas pour rien dans le charme opéré par le film. Serge Lachat TWO MEN iN TOWN / LA VOiE DE L’ENNEMi de Rachid Bouchareb (2013, France, Belgique, USA, Algérie) avec Forest Whitaker, Brenda Blethyn, Harvey Keitel, Luis Guzman, Helen Burstyn… 16 Après une carrière de producteur admirable (associé à Jean Bréhat, il a par exemple produit les films de Bruno Dumont La Vie de Jésus, 1997, L’Humanité, 1999, et Flandres, 2006 !), Rachid Bouchareb s’est fait remarquer comme réalisateur avec des films comme Little Senegal (nommé pour l’Ours d’Or à Berlin en 2001) et surtout Indigènes en lice pour la Palme d’Or à Cannes en 2006 où il reçut le Prix d’interprétation masculine pour tous les acteurs du films, avant qu’Horsla-loi (2010) ne soulève de grandes polémiques en France à cause de l’évocation des heures sombres de la guerre d’Algérie avec les massacres de Sétif et Guelma et le massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Bouchareb décide alors de traverser l’Atlantique pour réaliser une trilogie sur les rapports entre les Etats-Unis et l’Islam. Bien qu’inspiré par le film de José Giovanni, Two Men in Town n’est en rien un remake de Deux hommes dans la ville (1973) avec Jean Gabin et Alain Delon. D’abord, le cinéaste choisit comme décor le paysage frontière désertique du Nouveau-Mexique et il ne fait pas de son film un plaidoyer contre la peine de mort (le Nouveau Mexique étant justement un des états américains qui l’a abandonnée). Mais il se penche sur la question de la possible réinsertion d’un homme condamné pour meurtre. Après 18 ans de prison pour meurtre de l’as- a sistant du shérif, William (Forest Whitaker) est libéré pour bonne conduite. Il a non seulement été un prisonnier exemplaire, mais il a profité de cette incarcération pour apprendre à lire et à écrire, pour passer son bac et pour se convertir à l’Islam et à la non-violence. A sa sortie de prison, son rêve est de mener une vie « normale » avec femme, enfants et un métier à exercer. Il trouve immédiatement un boulot de vacher et, un peu miraculeusement (le cinéma permet ce genre de coup de force), le grand amour en ouvrant un compte en banque ! Mais la réalisation de son rêve va se heurter au harcèlement du shérif Agati (Harvey Keitel) qui ne lui pardonne pas le meurtre de son adjoint et pense qu’un meurtre mérite la peine de mort, ainsi qu’aux efforts de son ancien boss (Luis Guzman) dans le monde du crime qui cherche à le faire à nouveau travailler pour lui. Malgré l’aide de deux femmes, sa compagne et Emily, une policière chargée d’aider à sa réinsertion après sa sortie de prison, William retombera dans la violence… On mesure à quel point on est loin du film de Giovanni et plus près d’un western « à la John Ford » (un plan cite d’ailleurs explicitement La le village, les pratiques religieuses du protagoniste suscitent à peine de l’étonnement autour de lui, mais aucune animosité… Les personnages ont presque tous une certaine « épaisseur » : le shérif veut la mort de William, mais il est en larmes lorsqu’il trouve dans le désert les cadavres d’immigrés clandestins et s’oppose aux milices qui les pourchassent; l’employeur de William ne cède qu’à contre-cœur au « conseil » du shérif de licencier son employé ; Emily, l’agente de probation, malgré son allure de « tough girl » écoute Barbara (oui, la chanteuse française!) et malgré son respect de la hiérarchie, n’hésite pas à se heurter violemment au shérif lorsqu’elle estime qu’il sort de la légalité ; et le trafiquant mafieux témoigne d’une véritable amitié pour celui qui ne l’a pas trahi jadis… A l’évidence, le choix de ses actrices et acteurs permet à Bouchareb de faire un film qui surprend souvent en bien malgré un scénario terriblement ténu et qui manque souvent de crédibilité, particulièrement dans son histoire d’amour ! Mais on reste loin des enjeux politiques qui firent la renommée du cinéaste en France, même s’il est vaguement question d’immigration, de frontière et de deuxième chance pour un afro-américain converti à l’islam. Forest Whitaker et Luis Guzman dans «Two Men in Town» © Tessalit-Pathé. Photo Gregory Smith Prisonnière du Désert et le titre français du film est emprunté à une chanson indienne d’une tribu rencontrée par le cinéaste lors de sa recherche d’un lieu pour le film). Loin de vouloir s’enfermer dans un plaidoyer, Bouchareb évite tout manichéisme : il « n’exploite » en rien la conversion de William à l’islam et, alors même qu’à son retour d’Afghanistan un GI est fêté en héros par c t u a Or La Voie de l’ennemi constitue le deuxième volet de la trilogie que le cinéaste voulait consacrer aux relations entre les Etats-Unis et le monde arabe. Le premier volet, Just like a Woman, est sorti à la télévision américaine et en DVD sans passer par le grand écran. On n’en sait donc pas grand-chose. Peut-être le troisième volet sera-t-il plus ambitieux par rapport au pro- l i t é c i n é m a nyon : visions du réel tient ses paris Points forts 33'000 entrées vendues, soit dix pour cent de plus qu'en 2013... Le projet de faire se croiser professionnels et grand public a atteint sa vitesse de croisière, témoin cette dame d'âge respectable qui me confiait qu'elle réservait cette semaine-là et allait voir « plusieurs films par jour... enfin des films stimulants et passionnants, au lieu de voir toutes ces c... qu'on déverse à la télé ». il faut espérer que les programmeurs de chaînes sauront répondre à cette tendance qui prend de l'ampleur. Témoins, bien entendu, ces réalisateurs du monde entier déambulant dans les rues de Nyon. 18 Le festival, pour les spectateurs de plus en plus nombreux, c'est une plongée dans cent mondes, mille subjectivités, l'occasion d'essayer de saisir en profondeur, loin des clichés, un pays en train de se reconstruire, comme avec le Focus sur la Tunisie. Portraits sensibles, tel celui de l'institutrice rurale du Chant du millénaire, complexes, celui du militant de L'opposant nous faisant vivre en direct la campagne et les élections dans une ville ; et parfois on rit aussi, avec le peintre en bâtiment cinéaste de VHS Kaloucha. Le public retenait son souffle en découvrant The Empire of Shame, de la Sud-Coréenne LiGyeong Hong, ou les dessous de Samsung. De toutes jeunes filles embauchées à l'entrée de leur école professionnelle, euphoriques à l'idée de bien gagner leur vie dans une multinationale prestigieuse... Le journal intime troublant de l'une d'elles, une parmi près de 200, découvrant à peine 20 ans passés qu'elle est atteinte d'un cancer du cerveau ; une parmi d'autres, parmi les nombreux autres cas de leucémie. Des protections inexistantes ou inefficaces contre les produits toxiques. La caméra nous montre avec tact la lutte des proches de certaines, déjà décédées, et le travail de l'association qui entoure ces jeunes filles. La scène où l'une d'elle, désormais en «The Empire of Shame» de Li-gyeong Hong a lement dans le wagon, partageant thé, vodka et histoires de vie. Toujours sur les rails, mais cette fois en hommage au cinéaste Medvedkine et à son train : 15 équipes de réalisation ont exploré avec talent les clichés du pays : l'hiver, la vodka, la Lada, l'ours, la datcha... c'est un ping pong de rires avec Cinétrain russian winter. Le film a obtenu le Prix du public de la ville de Nyon. Très beau travail des Suissesses Céline Carridroit et Aline Suter avec Räsuns (Echos) ; à travers de belles personnes, deux enfants, un berger-poète, une musicienne et une Grisonne d'adoption tombée amoureuse des forêts et des montagnes de ce pays, au milieu de paysages à couper le souffle, nous percevons à quel point les langues rhéto- chaise roulante et parlant avec difficulté, questionne en plein parlement le vice-président de Samsung filmé frontalement, lui qui n'a de cesse d'éviter son regard et de ne rien répondre, est quasiment insoutenable, mais jamais voyeuse. La firme a réagi en niant, puis contrant les arguments, puis achetant le silence d'une partie des victimes, puis coupant sa subvention à un festi«Industrial Revolution» de Frederico Lobo, Tiago Hespanha val de films de femmes, puis reconnaissant certains cas de leucémie. Ce n'est romanches gardent un goût de début du monde jamais un film militant, juste une description de en lien profond avec la nature. Small instruments ce qui se cache derrière l'un de nos objets fami- de la Polonaise dyta Wróblewska trace le portrait liers. de musiciens qui improvisent ou jouent des œuvDans la Chine rurale mise à mal par la cour- res classiques sur des instruments chinés divers, se galopante au profit, Ye Zuyi, avec The avec une inventivité réjouissante. Voyage dans Gleaners - Les glaneurs - a filmé en 26 longs l'histoire, au fil du rio Ave et de leurs rencontres, plans fixes comment les parents, dans une famille Tiago Hespanha et Frederico Lobo dressent dans de paysans sans aucune protection sociale, sont Industrial revolution le portrait d'une région fraacculés à vendre leur terre et à travailler jusqu'à gilisée du Portugal. la mort. Le fils, de son côté, cherche les bribes La masterclass avec Ross McElwee, qui a d'un passé occulté et rompt avec la tradition d'en- commencé son œuvre en Super 8 dans sa terre tretenir ses parents. natale, la Caroline du Sud, documente un peu Song de Selma Vilhunen nous a entraînés plus de 20 ans de vie quotidienne, familiale, coldans les grands espaces de neige de lective à travers des personnages particuliers ; la Finlande, avec une artiste qui répare caméra est un interlocuteur à part entière, à qui le son passé en apprenant les poèmes cinéaste confie ses réflexions « Le souvenir de traditionnels d'un très vieux chanteur nos enfants petits les protège à l'adolescence,heude runes; fluidité des plans, délica- reusement». Reste à espérer que The Optimists tesse des sentiments, émotion... un de Gunhild Westhagen Magnor sorte en salle, grand moment. tant la vie et l'entraînement de cette équipe de Quelques jours ensemble avec basketteuses norvégiennes de 64 à 98 ans en vue le peuple russe, c'est l'invitation du d'un match avec une équipe de seniors suédois Français Stéphane Breton qui filme sonne juste, avec un punch nordique qui a mis avec un dispositif minimal dans un des étoiles dans les yeux de toutes les classes compartiment 3e classe Moscou- d'âge présentes. Catherine Graf Vladivostock : nous sommes littéra- c t u a l i t é l i v r e laure mi hyun croset On ne dit pas ‘je’ ! Ce nouvel opus de Laure Mi Hyun Croset relate l’histoire véridique de Lionel Stéphane Dulex, fondateur d’un label suisse de musique électronique, Littlehouse records. Le héros ? Un quadragénaire, Lionel, dont on suit l’histoire faite de méandres assez emblématiques de notre époque et d’une certaine génération, dont plusieurs années ‘pas tristes’ dans le monde de la toxicomanie. C’est un livre, mais ce n’est pas un roman. Pas un traité. Pas un texte documentaire. Pas un essai sur, autour de, avec, contre. Pas un témoignage. Ni une fiction. Pas un pamphlet, ni un dossier à charge ou un essai d’admiration. Non, nolens volens, ce livre est un objet littéraire d’un genre nouveau qui croise non pas plusieurs styles - car Laure Mi Hyun Croset comme à son habitude cisèle avec précision et virtuosité les mots pour ‘le’ dire – mais qui tisse entre eux les instants mémorables d’une vie d’errance dont le slogan, injonction maternelle entendue dans l’enfance, serait effectivement de ne pas dire ‘je’. A comprendre comme un encouragement à se défaire de tout égoïsme, une sommation idéologique post-68 et déjà punk, ou comme l’incitation à vivre en compagnie, en groupe, en troupe, en clan, en meute. Aller là-bas vivre ensemble… Hasard d’une rencontre Un soir d’hiver, l’auteure rencontre ‘son héros’ dans un bar de quartier. Elle connaît son œuvre et son label de musique électronique. Ils échangent quelques propos, et Lionel, en confiance, lui parle de son ‘bilan sacré’, texte de synthèse sur une partie de sa vie que ses médecins lui avaient demandé de rédiger lors d’une ultime cure de désintoxication. Laure Mi Hyun Croset en lisant ce bilan comprend qu’il y a matière à écriture, à ré-écriture en quelque sorte, et forte de ce constat s’attelle à une tâche à la fois iconoclaste et respectueuse de ce qui est écrit. Elle reprend les anecdotes, restitue les moments-phares, et telle une petite fille aux allumettes, éclaire les pans de vie d’un parcours peu banal. A l’économie, avec une fulgurante rapidité de ton, elle dessine un petit halo au moyen de ses allumettes modernes, et ce trait de lumière fonctionne comme un frêle focus mis sur une réalité crue et parfois cruelle que nous laissons exister en tapinois dans le noir de nos cités. Livre à lire en une fois, ou pourquoi pas à feuilleter en en mélangeant délibérément les parties, car la vie de Lionel, comme souvent la vie, est à la fois linéaire et border (line). Rosine Schautz On ne dit pas ‘je’, Lausanne, BSN Press Récit, 96 pages, collection « Fictio » Laure Mi Hyun Croset a c t u a l i t é 19 t h é â t le poche genève L’enseigneur « En entrant, j’ai compris. J’ai vu leurs jeans et leurs baskets. J’ai vu leurs fesses en équilibre précaire au bord des chaises. J’ai vu leurs torses affalés. Et leurs chewing-gums. Leurs yeux vides et leurs regards morts. Une classe terminale ! » En phase terminale ? Peut-être un peu aussi, car dans le calme de leurs bibliothèques, les enseigneurs se posent parfois par-devers eux la question : « A quoi qu’on sert ? »… Vent debout 20 Un « enseigneur » ? Le mot de prime abord embarque l’enseignant et le professeur dans la même valise, mot en mode de clin d’œil narquois inventé par l’auteur de la pièce, Jean-Pierre Dopagne. Ici, l’enseigneur apparaît vent debout devant sa classe. Il veut jouer les passeurs, mais le fleuve est large, et les eaux tumultueuses. Et les barques moins solides qu’il n’y paraît. Ce prof en scène et presqu’en arrêt sur itinéraire ne sait pas manier l’indifférence, cette version un brin aristocrate du je-m’en-foutisme ou de la désinvolture dont on aime tant se plaindre ici et là. C’est ce qui le rend attachant, évidemment. Abandonné, épuisé, et finalement presque déçu, il lutte avec une malice joyeuse face à des évidences douloureuses qui, à force d’être répétées, ne lui font presque plus ‘mal’. Quoiqu’il ne faille pas toujours croire aux apparences car à bas bruit elles peuvent entamer même les plus motivés. Spectacle brûlant et nécessaire. Nécessaire comme l’est toujours la vocation, surtout quand au loin brûlent les quelques derniers vaisseaux de nos engagements. Rosine Schautz Entretien avec Patrick Lapp Ce texte est-il révélateur d’un état de la question actuel ? Ou dresse-t-il le constat du pire à venir ? Constat du pire ? En fait c’est surtout l’histoire d’un prof qui a la vocation, qui aime son métier, mais qui peine à communiquer ses enthousiasmes à ses élèves. J’ai joué cette pièce devant une classe de terminale, et la situation au théâtre était presque déjà celle d’une classe : les élèves en bloc se sont groupés au fond, se sont collés les uns aux autres, sifflaient, commentaient, se manifestaient pendant la représentation… A la fin, j’ai parlé aux profs qui les avaient amenés au théâtre. Je voulais comprendre l’attitude de ces jeunes gens, et l’on m’a répondu : « Nous, voyez-vous, c’est toute l’année comme ça ! ». Alors oui, c’est le constat d’un état actuel. Comment faire aimer la littérature aux nouvelles générations ? Le fait d’aimer ce que l’on veut transmettre ne suffit pas. Il faut savoir communiquer, trouver une voie, un trait d’union qui permette de faire entrer dans les matières selon le public que l’on a devant soi. Avec notre émission Aqua Concert, avec Jean-Charles Simon, on a essayé de faire aimer la musique classique d’une autre manière, en souriant, et c’est ce qui a fait le succès de cette émission. On avait trouvé une porte d’entrée, une façon moins rébarbative de transmettre. Quel rapport entretenez-vous avec ‘les grands textes’ ? «L’enseigneur» © Nicolas Golovtchiner e r e apprécie beaucoup. Mais je lis plutôt les auteurs modernes et contemporains, moins les classiques, à part l’Iliade et l’Odyssée que j’ai toujours plaisir à relire. Je lis surtout les prix littéraires, et chaque fois, ça me plaît. Les auteurs disent le monde d’aujourd’hui, et j’aime ça. En ce moment, je lis Yasmina Khadra. La discipline a-t-elle à voir avec l’enseignement ? C’est toujours la question… En fait, si le prof est bon, sait faire passer son savoir, il n’a pas besoin d’être autoritaire. Il a une autorité naturelle qui fait qu’on l’écoute. Un peu comme un chef d’orchestre qui sait inclure tous les participants et communiquer avec son auditoire. Cela étant, il y a aussi des chefs d’orchestre qui sont détestés, que les musiciens ne respectent pas. Je me souviens d’une soirée où on les voyait tirer sans vergogne des boulettes de papier sur leur chef, en plein concert! Quelle différence faites-vous entre une salle de classe et une salle de spectacle ? Après le spectacle, les profs me disent souvent qu’ils se retrouvent dans mon personnage… Le dialogue entretenu entre un comédien et son public peut ressembler à ce que vivent les enseignants avec leurs élèves. Même rapport de l’acteur ‘seul en scène’ face au grand nombre. Au théâtre aussi les spectateurs qui s’ennuient toussent, se tassent, se recroquevillent, et décrochent par instants. Pourquoi ce texte ? Comment l’avezvous découvert ? C’est Lova Golovtchiner qui me l’a fait lire. D’emblée, j’ai été ‘branché’, car le thème nous concerne tous. On a tous eu des amis profs, on a presque tous eu des enfants qui nous racontaient leurs cours. Ce qui a à voir avec l’éducation, la formation, la transmission ne peut pas être inintéressant. Les profs restent ‘de première nécessité’ comme on le dit de certains médicaments, ou de certains aliments. Y a-t-il des similitudes avec La journée de la jupe, le film de Jean-Paul Lilienfeld ? Oui, on touche aux mêmes problématiques, quoiqu’ici l’intrigue soit moins ‘politique’, revendique moins. Propos recueillis par Rosine Schautz Du 10 au 19.6. : L'Enseigneur de Jean-Pierre Dopagne, m.e.s. Martine Jeanneret. Le Poche-Genève, lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, mardi relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59) Quand je les joue, je les n t r e t i e n t h é â t r e lausanne A Vidy avant l’été… En juin, à Vidy, le prologue imaginé par Vincent Baudriller a des airs de mini-saison : un concentré de théâtre participatif et de danse contemporaine. Du théâtre… Du 3 au 5 juin, Please, Continue (Hamlet) de Yan Duyvendak et Roger Bernat Depuis sa création par Shakespeare, Hamlet fascine autant les lecteurs que les critiques. Cette tragédie ambigüe suscite des questions : fou ou pas, coupable ou non ? Yan Duyvendack et Roger Bernat ont choisi de mettre le texte dans les mains de la justice d’aujourd’hui. C’est le tribunal qui est exhibé ici, la parole qui cherche la vérité. Cette performance hors du commun remporte l’adhésion du public partout où elle est jouée depuis sa création à Genève en 2011. Cette fiction théâtrale mêle trois acteurs et six vrais professionnels de la justice qui reçoivent tous un même dossier d’instruction qui fait office de canevas. C’est le juge qui décide ensuite de la tournure du spectacle. Un jury choisi dans le public à l’issue des plaidoiries décidera du sort d’Hamlet. Jusqu’ici, il a été acquitté dans la moitié des procès. De la rencontre d’un ancien architecte catalan, Roger Bernat, et d’un plasticien suisse, Yan Duyvendak, est né un théâtre participatif où le spectateur devient spect'acteur. Du 3 au 5 juin également, Jérusalem Plomb Durci de la Winter Family Ruth Rosenthal est une performeuse et chanteuse juive israélienne. Sa présence scénique incroyable, notamment grâce à sa voix grave, remplit la scène d’une tension presque sacrée. En tandem avec le musicien français Xavier Klaine, ils forment la Winter Family. La a c t u base de ce spectacle est le son. Pendant deux ans, le duo a accumulé du matériel sonore et visuel partout dans la ville : écoles, rues, lieux symboliques. Nous visitons ainsi la société israélienne par immersions lors de courts et intenses tableaux. Cette performance de théâtre documentaire convie le public à « un voyage Foofwa d’Imobilité dans «Musings» © Fred Ruegg halluciné dans une dictature émotionnelle ». … et de la danse Du 11 au 14 juin 2014, le mini-festival Let’s dance! verra pendant 4 jours, danseurs et chorégraphes d’aujourd’hui venir s’interroger sur la danse contemporaine de façon vibrante, dans et aux abords du Théâtre de Vidy. Le Musée de la danse & guests de Boris Charmatz fera la part belle à plusieurs spectacles. Tout d’abord Flip Book du 11 au 12 juin 2014, à la salle Charles Apothéloz. Tout part ici d’un livre qui devient partition chorégraphique. Dans Merce Cunningham: un demi-siècle de danse, on trouve des photos du chorégraphe américain depuis l’âge de cinq ans ainsi que des images de toutes ses créations. Il y a là sa vie, son œuvre en poses successives que a l i t des danseurs s’approprient librement. Puis (sans titre) (2000), du 13 au 14 juin 2014, un spectacle conçu par Tino Sehgal, sous le Chapiteau. Dans les deux versions proposées ici, Boris Charmatz et Frank Willens donnent chacun une interprétation très différente du solo. À partir d’une même composition, chacun l’ouvre sur un imaginaire singulier, l’un en salle, et l’autre en plein air. Du 13 au 14 juin 2014, dans l’herbe, à la tombée de la nuit, danseurs et spectateurs se rassemblent pour une pièce conçue comme une sculpture mécanique. Il y a constamment du mouvement dans Levée des conflits. 24 danseurs entrent l’un après l’autre, prennent et lâchent la danse, participent à un tourbillon constitué de 25 mouvements dans la plus belle des fluidités, d’autant plus libre et évanescent qu’il est dansé en plein air. Foofwa d’Imobilité proposera deux spectacles : à commencer par Musings, du 11 au 12 juin 2014. Brillant interprète de Merce Cunningham pendant plusieurs années, Foofwa d’Imobilité a écrit un hommage au chorégraphe américain après sa mort en 2009. Il s’agit d’une ultime promenade avec le maître et ami. Puis du 13 au 14 juin 2014, dans un registre plus humoristique, Pina Jackson in Mercemoriam est aussi un hommage. Ce sont ici trois grandes figures de la danse disparues la même année, Pina Bausch, Merce Cunningham et Michael Jackson, qui se retrouvent en enfer. Pour conclure, du 13 au 14 juin 2014, Dub Love où les chorégraphes et danseurs François Chaignaud et Cecilia Bengolea, accompagnés d’une troisième danseuse, suivent sur pointes les vibrations dub balancées en live par un DJ réunionnais. Joyeuse liberté côté musique, contraintes extrêmes côté danse: cette rencontre fait l’effet d’une bombe. Nancy Bruchez Programme complet sur : www.vidy.ch é 21 Théâtre du Passage, Neuchâtel « Les Fleurs du Mal » de Baudelaire - mise en scène de Françoise Courvoisier Du 3 au 15 juin 2014 (Location : 032 / 717.79.07) Théâtre du Casino, Evian © Erika Irmler « Staying Alive » d’Antonio Buil, Delphine Lanza, Paola Pagani et Dorian Rossel Les 3 et 4 juin 2014 (Location : 04.50.71.39.47) LESS DESIGN | PHOTO : ADRIEN BARAKAT SAISON 2014-15 UNE PLUIE D’ ÉTOILES BILLETTERIE DÈS LE 2 JUIN T 021 315 40 20 WWW.OPERA-LAUSANNE.CH SUIVEZ-NOUS SUR s p e c t a c l e s diens mèneront les spectateurs à la poursuite d’un serial killer de marionnettes. Carnage, meurtres et vision d’horreur sont réservés à un public d’adultes et d’adolescents. Création, du 19 mai au 7 juin. théâtre des marionnettes de genève Saison 2014-2015 Guy Jutard, entamera sa dernière saison à la tête du théâtre des Marionnettes de Genève qu’il dirige depuis 2002 et qui a acquis au-delà des frontières genevoises une réputation d’exigence grâce à la qualité des spectacles proposés, quel que soit l’âge du public auquel ils s’adressent. En témoigne le nombre croissant de spectateurs, avec un taux de remplissage de 96%. Coup d’œil sur une saison ponctuée par quatre créations, des spectacles invités et des reprises, et dont l’affiche réalisée par l’artiste et illustratrice genevoise Albertine, qui réalise tous les visuels depuis six ans, tire la langue avec impertinence. Points forts 24 Deux moments forts marqueront la saison 2014-2015 : En ouverture de saison, La Leçon du Montreur, que la population est invitée à suivre gratuitement et en plein air dans la cour de l’école Hugo-de-Senger. Le guignoliste Louis-Do Bazin y donnera un cours de manipulation drolatique, à la manière d’un instituteur des années cinquante. Spectacle invité, les 20 et 21 septembre, dès cinq ans. En clôture de saison, Rififi rue Rodo, un polar sous forme de déambulation théâtrale imaginée par Claude-Inga Barbey, René Delcourt et Guy Jutard. Une quinzaine de comé- Créations Trois autres créations ponctueront la saison : La Ligne de Chance, de et par LaureIsabelle Blanchet, une habituée du TMG, puise au bestiaire fantastique suisse, dans une scénographie inspirée des papiers découpés du Pays d’En-Haut de H. J. Hauswirth. Tradition et modernité vont s’allier pour séduire un public dès quatre ans, du 3 au 21 décembre. Le Dératiseur de Hamelin par la Compagnie Pied de Biche de Lausanne reprend la légende du Joueur de Flûte de Hamelin pour en faire un conte musical évoquant des thèmes graves tels que pauvreté et richesse, soif de profits, place de l’artiste et sacrifice d’enfants. Dès 7 ans, du 24 janvier au 8 février 2015. Reprise : «Soucis de plume» © Cédric Vincenzini a c t u a l i t é s p e c t a c l e s 25 Reprise : «Mam’zelle Chapeau», photo de répétition Olivier Carrel Le Bob Théâtre adapte la nouvelle Bartleby d’Herman Melville qui met en scène le discret employé d’un cabinet d’avocats, lequel entre peu à peu dans la désobéissance civile tout en répétant la formule « Je préfèrerais ne pas ». Fable politique ou révolte individuelle, cette énigmatique nouvelle s’adressera aux adultes et adolescents du 8 au 20 janvier 2015. Accueils Outre le spectacle d’ouverture, trois spectacles invités : Mathilde, dernier opus de l’australo néerlandais Neville Tranter, bien connu du public genevois. Conte cruel sur l’attente infinie, entre la vie qui n’est plus tout à fait et la mort qui n’est pas encore, où l’humanité est cependant très présente, Mathilde s’adresse aux adultes et ados, du 24 au 28 septembre. Toi du monde met en scène les petites difficultés et les grandes préoccupations de l’enfance, qui vont de comment lacer ses chaussures à comment faire face à la séparation de ses parents. Serge Boulier emmène l’enfant sur les toits afin de lui apprendre la confiance. Dès 4 ans, du 4 au 19 octobre. Le très grand marionnettiste Frank Soehnle conduit un public d’adultes et d’ados dans sa a c t u chambre des curiosités avec Wunderkammer. Clin d’œil à la peinture contemporaine, le spectacle fait dialoguer l’amateur et l’artiste dans un voyage rêveur porté par une bande son d’une grande variété d’inspiration. Du 31 octobre au 5 novembre. Reprises Enfin, des reprises qui raviront celles et ceux, petits et grands, qui n’ont pas vu ces spectacles : Laure-Isabelle Blanchet propose à nouveau ses deux spectacles pour tout petits (1 à 3 ans) : Turlututu du 20 au 30 octobre et Mam’zelle Chapeau du 12 février au 1er mars 2015. Monsieur Petitmonde – Guy Jutard entraînera son public dès 4 ans dans sa quête drolatique de l’origine d’une plume somme toute très familière. Soucis de plume du 8 au 26 novembre. Les Chaises d’Eugène Ionesco adaptées par Guy Jutard en 1991, farce sur la monotonie, l’ennui et l’espoir vain que cela change, s’adresseront du 19 février au 1er mars 2015 à un public d’adultes et d’ados. On retrouvera une nouvelle fois LaureIsabelle Blanchet dans Loulou d’après Grégoire Solotareff. Une histoire d’amitié, de tolérance, a l i t de respect de l’autre. Dès 4 ans, du 7 au 25 mars 2015. Enfin, une reprise attendue qui s’imposait après la votation du 9 février dernier, Le Vilain petit mouton d’Olivier Chiacchiari, mis en scène par Guy Jutard. À l’origine motivé par les affiches de l’UDC sur le mouton noir, le spectacle trouve à nouveau – hélas ! – sa justification. O. Chiacchiari, graphiste de formation et satiriste, propose une fable amère sur l’intégration puis le rejet au gré des besoins et des intérêts. L’auteur et le metteur en scène ont souhaité faire réentendre au jeune public une forme de désobéissance civile. Dès 6 ans, du 15 avril au 3 mai 2015. Laurence Tièche Chavier Réservations et abonnements dès le 19 août 2014. 022 807 31 07 / www.marionnettes.ch é o p é r fin de saison au grand théâtre de genève Exhumation d'un opéra injustement oublié Le Grand Théâtre de Genève termine sa saison sur un coup d'éclat en proposant la création en pays de langue française de La Wally du compositeur italien Alfredo Catalani. En France, l'ouvrage a pourtant connu un début de popularité lorsque Jean-Jacques Beneix s'est décidé à utiliser, dans son film à succès Diva, l'air de La Wally 'Ebben... Nè andro lontana...' que chante Wilhelmenia Wiggins-Fernandez. Le succès mondial remporté par la bande sonore du film n'a semble-t-il pas suffi à inciter un grand théâtre lyrique de l'Hexagone à tenter l'expérience d'une mise à l'affiche de l'ouvrage original, et l'on ne saurait assez louer l'Opéra genevois de permettre enfin à son public de juger sur pièce. 26 'Un homme de bien et un musicien excellent' C'est Giuseppe Verdi qui, à l'annonce de la mort d'Alfredo Catalani, a formulé ce jugement certes flatteur, mais qui venait du cœur. Il n'était d'ailleurs pas le seul à admirer le génie de ce compositeur ; le grand chef d'orchestre italien Arturo Toscanini tentera toujours de s'entremettre auprès de la direction des théâtres italiens et étrangers pour qu'ils mettent à l'affiche cette Wally qu'il jugeait d'excellente facture et il parviendra même à en imposer la création américaine au Metropolitan Opera de New York. Mais le compositeur italien, enclin à de violents accès de mélancolie, se montrait excessivement sourcilleux en société et rebutait les meilleures volontés par son attitude rébarbative; de plus, il exprimait en public une haine presque viscérale à l'encontre d'un jeune compositeur dont l'étoile brillait chaque jour un peu plus, un certain Giaccomo Puccini... Le livret de La Wally a été conçu à partir de l'intrigue d'un roman à l'eau de rose, avec happy end obligé, écrit par la romancière bavaroise Wilhelmine von Hillern; publié en 1873 sous le titre Die Geyer-Wally (littéralement : La Wally des vautours), il parut en traduction italienne a sous la forme d'un feuilleton aux début des années 90. L'auteure y dépeint une femme de caractère bien trempé qui refuse les projets matrimoniaux conçus par son père à son encontre et préfère quitter la maison paternelle plutôt que de se soumettre; ce qu'elle fait sans hésiter, dans l'opéra aussi, en entonnant l'air célèbre utilisé ensuite par le cinéaste français. Après la mort de son père, elle hérite de ses terres et devient la femme forte du lieu; elle résiste vaillamment aux avances de ses nom- Evelino Pidò sera à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande c t u a a breux prétendants, qu'attirent autant sa fortune que sa beauté. Mais elle s'amourache d'un jeune homme du village voisin, un certain Hagenbach qui est connu loin à la ronde pour sa moralité douteuse. Lorsque ce dernier se fiance à une femme plus jeune, la Wally se retire, humiliée, dans les montagnes pour vivre en ermite. Rejointe plus tard par un Hagenbach soudain conscient de l'erreur de jugement qu'il a commise, elle vit quelques instants de pur bonheur partagé avant qu'une avalanche ne lui arrache des bras celui qu'elle aime déraisonnablement. Incapable de surmonter ce deuil, elle se jette à son tour dans l'immensité blanche. Ce final tragique, qui s'inscrit en faux contre les épousailles du livre original, n'est pas sans rappeler celui d'une certaine Floria Tosca qui se lance dans le vide du haut du Château Saint-Ange à Rome après avoir perdu son Mario... Une musique à la croisée des styles Ce final dramatique, imaginé par Luigi Illica (qui fut également le librettiste de Puccini pour Tosca, Manon Lescaut et Madama Butterfly, entre autres) ancre fortement l'ouvrage dans cette période particulière de la culture italienne où l'intelligentsia cultivait à la fois le vérisme le plus cru et un symbolisme décadent encore teinté de romantisme allemand tardif. Dans l'opéra coexistent ainsi deux langages musicaux différents: il y a la peinture d'un univers paysan, ici évoqué, par exemple, dans les airs populaires et l'accompagnement à la cithare de la 'Chanson de l'Edelweiss' qu'entonne Walter au début de l'ouvrage et qui revient par la suite hanter, tel un leitmotiv, la mémoire des protagonistes. Mais il y a aussi le langage harmonique extraordinairement développé qui accompagne le chant de l'héroïne de l'opéra; cette femme rebelle, hostile aux conventions du temps, incarne à sa façon le triomphe des forces naturelles de l'instinct qui refusent toute soumission. Dans son ermitage, elle fait un avec la montagne et l'irruption inopinée du drame sous la forme de l'avalanche meurtrière ne fait que sceller le destin des deux héros dont on imagine mal qu'ils eussent pu mener une vie paisible dans un chalet confortable éclairé par les rayons rougeoyant du soleil couchant! Hagenbach et la Wally doivent mourir parce que leur volonté s'avè- l i t é o p é r a re trop faible pour se forger un avenir qui leur soit favorable. Lorsque la Wally se précipite dans le vide après son amant, elle ressemble moins à la diva furieuse qu'incarnera plus tard une Floria Tosca dévorée par sa passion jalouse qu'à une Senta qui, à la fin du Vaisseau fantôme, se noie dans les flots tempétueux pour retrouver celui avec lequel il lui est impossible de rêver une vie en commun sur la terre dans le cadre d'une union bourgeoise. Le compositeur introduit dans le langage lyrique italien une sensibilité nouvelle, où l'orchestre joue un rôle inhabituellement prépondérant jusqu'ici. S'il ne parvient encore à se hisser aux hauteurs instrumentales qu'atteindra plus tard Giaccomo Puccini, habité par une même ambition, c'est d'abord parce que son inspiration mélodique est trop hétéroclite pour se graver de façon durable dans la mémoire de l'auditeur. Tenté à la fois par les harmonies hallucinogènes des émules de Wagner et par la générosité mélodique de ses contemporains italiens, Catalani ne parvient pas à trancher. Comme chez Wagner, récitatifs et arias s'entremêlent et se fondent les uns dans les autres dans un langage instrumental dont la voix humaine peine souvent à se détacher, comme si finalement c'était à l'orchestre que le musicien voulait donner le rôle principal. Or en Italie, l'opéra reste d'abord une affaire de voix.... Oeuvre charnière, La Wally n'a pas encore trouvé son public au Nord des Alpes. Peut-être cette tardive exhumation genevoise aidera-t-elle ce titre à retrouver un lustre qui a déjà malheureusement tendance à se ternir en Italie aussi. Eric Pousaz La Wally est à l'affiche au Grand Théâtre les 18, 20, 22, 24, 26 & 28 juin Morenike Fadayomi interprétera La Wally (en alternance avec Ainhoa Arteta) Vitaliy Bilyy sera Vincenzo Gellner Bálint Szabó sera Strommiger a c t u a l i t é 27 o p é r a les joyeuses commères de windsor à l’opéra de lausanne Frank Beermann Après avoir fêté des triomphes inégalés sur toutes les scènes germanophones d'importance, y compris les Opéras de Vienne, Berlin ou Munich, Les Joyeuses commères de Windsor d'Otto Nicolaï foulent de plus en plus rarement les planches dans les théâtres situés au Nord du Rhin. Ailleurs en Europe, où elles n'ont qu'accidentellement conquis les faveurs du public, elles ne font plus aucun bruit depuis longtemps... Entretien avec Frank Beermann, chef d'or- 28 Pour terminer sa saison en beauté, l'Opéra de Lausanne a décidé de programmer ce titre dont ce sera vraisemblablement la première en Suisse romande. Frank Beermann se réjouit de voir l'impact que cette musique pleine de verve et de charme aura sur un public forcément libre de tout préjugé, car il est persuadé qu'il s'agit-là d'un chef-d'œuvre absolu injustement tombé dans l'oubli. Lors de notre rencontre, je lui ai d'abord demandé quelles étaient, à son avis, les raisons de cette désaffection des théâtres à l'encontre de cette œuvre, même en Allemagne où elle a fait partie du répertoire de base jusqu'à une époque fort récente. Sa réponse a fusé spontanément : - La faute en incombe principalement aux artistes allemands eux-mêmes qui passent la musique de Nicolaï à la moulinette wagnérienne!... Or le style du langage lyrique de Nicolaï n'a rien à voir avec la déclamation véhémente chère à Wagner et exige une approche qui tienne compte de ses véritables antécédents musicaux, qui sont à chercher du côté de l'Italie et de la France, non de l'Allemagne. Un autre malentendu joue un mauvais tour au compositeur : dans les studios d'opéra où sont formés les jeunes talents de demain ou dans les écoles de chant, il est devenu traditionnel de monter ces Joyeuses commères comme spectacle de fin d'année scolaire, au prétexte que l'écriture en est aisée pour les chanteurs et pour les musiciens d'orchestre. Ce qui est faux, archifaux! Nicolaï demande a être abordé avec le même soin que Mozart et ce n'est pas parce que les profils mélodiques de son ouvrage shakespearien comportent peu de vocalises d'une extrême difficulté d'exécution que l'interprétation de ses airs et ensembles puisse être considérée comme techniquement facile. poque et a pris pour modèles les ouvrages à succès d'un Bellini, d'un Rossini ou d'un Donizetti. Il reste toutefois un Allemand dans sa recherche d'effets instrumentaux et s'inscrit très vite en faux contre la transparence et la grâce de la tradition italienne où la voix doit toujours avoir priorité absolue sur l'orchestre. Dans Les Joyeuses commères de Windsor, il n'y a pas de divas ou de vedettes incontestées. Aucun rôle ne s'impose à l'attention au détriment d'un autre. C'est véritablement un opéra de troupe où la place de chacun est essentielle à l'équilibre de l'ensemble. Son insuccès actuel serait-il dû au fait que Nicolaï a fait moins bien que ses modèles ? Je ne le pense honnêtement pas car son tempérament d'artiste le poussait vers d'autres voies. Il a certes été influencé par l'écriture belcantiste des opéras italiens d'alors, mais son style d'orchestration renouvelle profondément le rôle des musiciens assis en fosse. Prenez par exemple l'un des effets comiques les plus efficaces cultivé par un Rossini dans ses ouvrage bouffes, celui du crescendo. Par la rapidité du débit du texte et la répétition de certaines formules musicales immédiatement reconnaissables, le compositeur italien crée progressivement un effet de chaos qui englobe tous les acteurs présents sur la scène et aboutit à un final dont la vis comica se révèle Que faut-il faire alors pour rendre justice au langage lyrique de Nicolaï ? Il faut alléger au maximum. Et encore alléger! L'idéal serait de pouvoir utiliser des instruments d'époque accordés plus bas et dont le jeu serait moins épais. Au risque de me répéter, je dirai qu'il faut impérativement oublier Wagner... Cette musique colle-t-elle au texte de façon plus précise que celle d'un Rossini ? Un tel constat est difficile à faire, car les intentions des auteurs divergent fortement. Lorsqu'on lit le livret que Hermann von Mosenthal a écrit pour Nicolaï, on s'étonne que le compositeur ait pu accepter une langue qui se prête en apparence si peu au chant. Puis on en vient à se demander si le compositeur ne conserve pas expressément ces tournures 'inchantables' afin d'en tirer un effet comique démontrant la supériorité de sa poétique musicale sur les mérites littéraires du texte!... Pour rester sérieux, je dirai que l'ambition du librettiste dépasse le seul souci de fournir au compositeur un texte sur lequel il pourra écrire facilement sa musique. Car il y a déjà, dans le final par exemple, des éléments du dialogue qui font penser aux analyses que fera Siegmund Freud de certains comportements humains. Et le compositeur est sensible à cette ambition, comme l'atteste le petit trio qui, au moment où l'on croit que l'opéra est terminé, ajoute soudain au final une petite note critique de la meilleure veine. Comment allez-vous aborder cet ouvrage à Lausanne ? J'ai la chance de travailler ici avec un orchestre et des chanteurs qui n'ont pas été imprégnés par une tradition contre laquelle je dois lutter. Chacun arrive avec un esprit neuf, sans idée préconçue. De plus, la version que j'ai choisie de concert avec le metteur en scène aide grandement à dépoussiérer l'ouvrage. Pour rendre l'œuvre plus accessible au public, David Hermann a en effet décidé de supprimer tous les dialogues et de les Comment jugez-vous le style d'écriture de Nicolaï ? Ce compositeur a longtemps vécu en Italie et ses deux premiers ouvrages lyriques ont été écrits en italien pour des théâtres de la Péninsule. Il s'est donc d'abord inspiré de ce qui s'y faisait à l'é- e irrésistible. On ne trouve rien de cela chez Nicolaï. Lorsqu'il utilise le procédé de la répétition, il l'enrichit chaque fois de trouvailles rythmiques nouvelles qui forcent les chanteurs et les instrumentistes à faire extrêmement attention à l'écriture de la partition. On rit alors non parce qu'on réagit spontanément à une augmentation sonore qui vire au 'chahut', mais parce qu'on est systématiquement pris au dépourvu par une tournure musicale renouvelée à laquelle on ne s'attendait pas. Le procédé est peut-être moins directement efficace, mais il reste d'une drôlerie irrésistible pour qui fait l'effort d'écouter vraiment ce qui se passe en fosse ou sur le plateau... Frank Beermann n t r e t i e n o p é r a remplacer par un texte de son crû, dit par un personnage ajouté à la distribution pour l'occasion. Cela a l'avantage d'éviter de longues conversations enrichies des accents baroques de chanteurs maîtrisant mal la langue allemande!... Et surtout, cela permet de resserrer le rythme de la représentation car les morceaux s'enchaînent alors sans grande césure; de cette façon, le mouvement d'ensemble du spectacle s'en trouve accéléré et rend plus directement sensibles les effets comiques recherchés par le compositeur. D'une façon générale, la mise en scène influence-t-elle votre conception musicale ? Il est évident que dans les discussions préalables que j'ai eues avec le metteur en scène, nous avons échangé nos points de vue sur la nature du spectacle que nous voulions mettre sur pied. Lorsque les répétitions commencent (au moment de l'interview, seul le premier acte a été entièrement passé en revue), nous voyons tout de suite ce qui, sur le plateau, entraîne une accélération ou un ralentissement du tempo. Par exemple, nous sommes arrivés aujourd'hui à un moment de l'action où il nous paraît nécessaire que M. Fluth embrasse sa femme. Il est évident que je dois alors prévoir une pause, ne serait-ce que pour rendre ce jeu de scène possible dans le timing d'ensemble de la scène! Le fait de préparer un spectacle pour un public qui n'a aucune idée de l'opéra qu'il va voir vous gêne-t-il ? Au contraire! Tout est possible dans un tel cas. Il faut bien sûr tenir compte de la sensibilité actuelle des spectateurs, et c'est la raison pour laquelle nous allons renoncer aux perruques et costumes d'antan. L'action se déroulera dans les dernières années du XXe siècle dans un milieu aisé car il est évident pour nous qu'une telle comédie ne peut se jouer que dans un cercle de gens oisifs où le travail quotidien n'est pas le sujet de préoccupations numéro un ! N'y a-t-il pas un risque de hiatus entre une musique qui s'écoute comme un témoignage vibrant du romantisme au XiXe siècle et un univers théâtral résolument contemporain ? Non. J'ai souvent remarqué qu'au théâtre, le public est heureux de retrouver un monde musical qu'il peut décrypter sans trop de problèmes tout en se trouvant face à une réalisation scénique qui le surprend par ses décalages temporels. Entendre un air des Noces de Figaro de Mozart interprété par un comte en smoking ne dérange personne. Par contre, faire chanter Alban Berg à une distribution emperruquée passerait nettement moins bien la rampe!... e n t r Valentina Farcas (Frau Fluth) Le trait d'union entre l'italie et l'Allemagne “ L'opéra allemand contient trop de philosophie, mais pas assez de musique. L'opéra italien contient, lui, trop de musique et pas assez de philosophie. Est-il vraiment impossible d'imaginer une union entre ces deux aspirations en apparence contradictoire ? “ Cette question essentielle, Otto Nicolaï se la posait dans un essai publié alors qu'il était organiste à la chapelle de l'ambassade allemande de Rome. Et tenter de mettre sous un même toit ces deux composantes divergentes allait être son credo pendant tout le temps qu'il a mis à composer ces Joyeuses commères de Windsor qui devaient tragiquement devenir son chant du cygne. Poursuivi par la malchance Mort à 39 ans, Otto Nicolaï n'a pas eu beaucoup de chance dans sa vie. Alors qu'il séjournait à Rome, il s'essaya plusieurs fois à l'opéra italien dans le style des Donizetti et Bellini de l'époque, mais son succès ne fut jamais à la hauteur de ses espérances. Il joua même de malchance lorsqu'il refusa le livret d'un certain Nabucco que lui proposait l'imprésario de la Scala : Ce texte contient trop d'invectives pour faire un bon livret d'opéra!, aurait-il dit en refusant cette commande émanant pourtant d'un théâtre prestigieux. Un jeune compositeur italien ambitieux, nommé Giuseppe Verdi, sera d'un autre avis et c'est précisément en composant sa musique sur ce livret jugé trop violent qu'il obtiendra son premier grand succès en Italie. Nicolaï ne le lui aurait jamais pardonné... On le retrouve plus tard à Vienne, toujours à la recherche d'un sujet qui lui permettrait de tirer profit des atouts de la musique allemande et de l'italienne. Nommé directeur de ce qui allait devenir le célèbre Orchestre Philharmonique de Vienne, il remporte de grands succès avec cet ensemble; c'est même à lui, semble-t-il, que l'on doit l'idée d'un concert festif destiné à marquer annuellement le changement d'année. Le concept était promis à un grand avenir quand on sait e t i e qu'aujourd'hui, la retransmission télévisée du traditionnel concert du Nouvel-An donné dans la salle du Musikverein est l'émission qui possède la plus grande audience planétaire!... On lui doit aussi d'avoir fait enfin entrer au répertoire régulier de l'orchestre l'interprétation de la Neuvième Symphonie de Beethoven, jugée jusque-là excentrique et bruyante car composée à rebours de tout bon sens (!)... Les rivalités et querelles partisanes des milieux viennois (qui ont causé du tort à bon nombre de grands artistes) allaient pourtant forcer Nicolaï à quitter l'Autriche pour s'établir à Berlin où il occupe le poste de directeur général de la musique à la Hofoper. Et c'est alors qu'il compose son chef-d'œuvre, Les Joyeuses commères de Windsor, dont la création connut un succès énorme le 9 mars 1849. Nicolaï ne devait pourtant pas retirer grand avantage de cette tardive reconnaissance publique car il mourait d'une crise cardiaque le 11 mai de la même année. Son ouvrage a fait les beaux soirs des plus grands théâtres allemands dont il a enrichi le répertoire jusqu'à la fin du XXe siècle; malheureusement, de nos jours, il semble de plus en plus délaissé, même si l'on a recensé de nouvelles productions à Berne et Zurich lors des récentes saisons passées. Turbulence étudiée Plus fidèle à l'original shakespearien que celui du Falstaff de Verdi, le livret de Mosenthal tente néanmoins de gommer les aspects d'acerbe critique sociale que l'on trouve dans la version anglaise. Ici, le texte vise d'abord à divertir et tire un adroit parti des quiproquos qui abondent chez Shakespeare; dans les dix-sept numéros de sa partition, le compositeur réussit le tour de force de proposer une musique savamment orchestrée accompagnant un bouquet de mélodies faciles qui évoquent tour à tour les doux émois des airs de L'Elixir d'amour de Donizetti et les rythmes entraînants des opéras comiques français de l'époque. Les ensembles, écrits d'une main de maître, ou les chœurs, pleins d'entrain et de punch, assurent à la représentation un rythme soutenu qui ne relâche jamais son emprise sur l'auditeur. Les airs, duos et le superbe quatuor du 2e acte n'ont, quant à eux, pas à rougir d'une comparaison avec le tourbillonnement musical récemment expérimenté à l'Opéra de Lausanne en compagnie du bien plus célèbre Barbier de Séville de Rossini. Bref, voilà une occasion unique d'élargir son horizon musical sans devoir se prendre la tête. Eric Pousaz Die lustigen Weiber von Windsor sont à l'affiche de l'Opéra de Lausanne les 6, 8, 11, 13 & 15 juin 2014 n 29 o p é r a avenches Carmen Pour sa vingtième édition, le Festival d’Opéra d’Avenches mise sur Carmen de Bizet. Chaque année en juillet, les vastes arènes romaines de la bourgade vaudoise –sise à mi-chemin entre Lausanne et Berne– accueillent les grands classiques du répertoire lyrique sous son ciel étoilé. 30 ne direction artistique, remonte à dix ans déjà et n’avait alors pas pleinement convaincu. La Carmen de 2014 se présente en revanche sous de très bons auspices : le chef français Alain Guingal, invité régulier depuis plusieurs décennies par les plus grandes maisons italiennes, notamment, dirigera l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Eric Vigié signera la mise en scène de l’ouvrage. S’il ne dévoile encore rien de son travail, il laisse cependant dire que le contexte général aura « un parfum de l’Espagne années soixante ». Eric Vigié, directeur de l’Opéra de Lausanne depuis près de dix ans, dirige également l’institution d’Avenches depuis 2011. Les trois premières productions qu’il a proposées (n.d.l.r. : Rigoletto en 2011, La Bohème en 2012, Nabucco en 2013) ont bénéficié d’un succès public et critique substantiel, tout particulièrement La Bohème qu’il a lui-même mise en scène en 2012, avec reprise à l’Opéra de Vichy en septembre de la même année. Avenches, c’est un peu les Chorégies suisses romandes, avec une programmation sans visée avant-gardiste mais susceptible de convaincre les exégètes les plus avertis de l’art lyrique, ce à la faveur de six représentations. Ainsi, pour le jubilé de la manifestation, assiste-t-on avec Carmen au retour de l’opéra qui est peut-être le plus populaire et le plus connu de tous. La dernière production avenchoise de cet ouvrage, fruit de l’ancien- Giancarlo Monsalve by Timo Maczollek Les voix La distribution est alléchante : le personnage culte de la cigarière sera campé par la mezzo-soprano Béatrice Uria Monzon, présentée comme l’une des plus grandes Carmen actuelles (les 4, 6, 8 et 11 juillet) et par la soprano zurichoise Noëmi Nadelmann (les 5 et 12 juillet), qui interprétera la célèbre gitane pour la première fois de sa prolifique carrière. Béatrice Uria Monzon a fait ses débuts en Carmen en 1993, à l’Opéra Bastille, où son interprétation s’éloigne d’emblée des clichés et des archétypes du personnage. Elle a également déjà chanté Carmen en plein air, aux Chorégies d’Orange, en 2008. Don José prendra les traits du jeune ténor espagnol Jorge de Leon (les 4, 6, 8 et 11 juillet) en alternance avec le ténor chilien Giancarlo Monsalve (les 5 et 12 juillet). Micaëla sera incarnée par Rocío Ignacio (les 4, 6, 8 et 11 juillet), ainsi que par Greta Baldwin (les 5 et 12 juillet). Quant au rôle du toréro Escamillo, il sera assuré par le baryton Franck Ferrari. Le chœur de l’Opéra de Lausanne ainsi que le chœur d’enfants Les Marmousets seront préparés par le très expérimenté Pascal Mayer. Bernard Halter Représentations : les 4, 5, 6, 8, 11 et 12 juillet 2014 à 21h00. Réservations et renseignements : www.avenchesopera.ch Avenches Tourisme : tél. 026/ 676 06 00 ou [email protected] Béatrice Uria-Monzon © photo Bérard a c t u a l i t é o p é r a route lyrique Phi-Phi Après ses tournées de 2010 et 2012, l’Opéra de Lausanne propose une nouvelle fois sa Route Lyrique. A l’affiche, l’opérette Phi-Phi d’Henri Marius Christiné (1867-1941) créée le lendemain de l’Armistice de 1918 et qui a connu un succès phénoménal : la pièce s’est jouée sans interruption durant trois ans aux Bouffes-Parisiens, dans la foulée de sa création. Jalonnée de quinze étapes romandes au cours du mois de juin et de début juillet, surtout en terres vaudoises, la nouvelle production s’exportera à Vichy pour une unique représentation, juste après avoir offert une touche opératique au Festival de la Cité de Lausanne. L’intrigue baigne dans l’Antiquité, comme un clin d’œil moqueur adressé à la solennité du genre de l’opera seria. A Athènes, en l'an 600 avant Jésus-Christ, le grand sculpteur Phidias (Phi-Phi) reçoit commande d'une statue représentant la Vertu et l'Amour. Il se met alors à la recherche d’un beau modèle en arpentant les rues de la ville et finit par rencontrer la très attirante Aspasie, ce qui a l’heur et le malheur d’attiser les jalousies. Chassés-croisés, intrigues amoureuses cocasses, orgueils froissés, rebondissements et allusions potaches font de cette pièce pétillante et frivole de ton un moment qui verse aussi dans la satire puisqu’au terme de maints aléas, la statue commandée est érigée avec pour titre et commentaire : L'Amour et la Vertu, aidés par l'Économie, fondent le bonheur conjugal. Tradition et modernité L’opérette convoque six solistes et un chœur pour une musique française alliant tradition et modernité autour des refrains piquants et Gérard Demierre Phidias : Alexandre Diakoff © Omar Garrido a c t u grivois du livret d'Albert Willemetz et Fabien Solari. Les serviteurs de l’œuvre de la Route lyrique 2014 sont pour l’essentiel des artistes régulièrement actifs en Suisse romande, à commencer par le metteur en scène Gérard Demierre auquel on doit dans le domaine de la musique, notamment, la version scénique de la Passion selon Saint Jean de Bach à la Cathédrale de Lausanne en 2007 ou encore Pierre et le loup et Les moutons bleus pour le compte de l’Opéra de Lausanne. Pour les décors et costumes, la Route lyrique s’adjoindra les talents de Sébastien Guenot, actif dans les domaines des arts visuels, du graphisme, de l'illustration, de la scénographie et de l'installation architecturale et qui a déjà œuvré pour l’Opéra de Lausanne à plusieurs reprises ces dernières saisons. a l i t Aspasie : Sarah Pagin Le rôle-titre sera tenu par le baryton-basse Alexandre Diakoff, qui campe régulièrement des rôles de caractère en Suisse et en France. Yannis François, qui mène une double carrière internationale de danseur et de chanteur lyrique, aura le rôle du domestique Pirée. Récemment nommée finaliste du Concours International de Chant de Genève, Sarah Pagin, qui chante également régulièrement à l’Opéra de Montpellier, prendra les traits de la jolie Aspasie. Guillaume Paire, André Gass et Aurélie Jarjaye complètent la distribution. L’Ensemble instrumental de l’Opéra de Lausanne sera placé sous la direction de Jaques Blanc. Chef de chœur et assistant de nombreux chefs d’orchestre prestigieux, à l’image d’Armin Jordan ou de Jeffrey Tate, Jacques Blanc préside à la destinée des chœurs de l’Opéra de Bordeaux de 1999 à 2013 avant de se consacrer à la direction et à l'étude du répertoire avec de jeunes chanteurs. Signalons encore qu’il sera chef de chœur pour Manon et La veuve joyeuse à l’Opéra de Lausanne lors de la saison 2014-2015. Bernard Halter La tournée débute le 1er juin au théâtre du Jorat, Mézières, pour se terminer le 11 juillet à l’Opéra de Vichy après avoir passé, entre autres, par Cully, Cossonay, Aubonne ou Martigny... Réservations et renseignements : www.opera-lausanne.ch. Tél : +41 21 315 40 20. é 31 o p é r a à marseille Le Roi d’Ys Créée à l’Opéra de Saint-Etienne en 2007, la production de Jean-Louis Pichon est reprise à Marseille, par une équipe artistique qui défend magnifiquement le chefd’œuvre d’Edouard Lalo. rement imprécis dans l’intonation. Nicolas Courjal (Le Roi) est une basse imposante, plutôt monolithique, visuellement très bien grimé en vieux roi, tandis que le timbre superbement assis et projeté du baryton Philippe Rouillon (Karnac) est un régal. La production très minérale de pierres noires (décors d’Alexandre Heyraud) n’est pas exempte de tableaux spectaculaires, avec fumées et chutes d’eau sur le plateau, bien dans le ton de cet ouvrage aux accents de grand opéra français. François Jestin Lalo : LE ROi D’YS – le 10 mai 2014 à l’Opéra de Marseille 32 Après sa quasi absence des scènes nationales ces dernières décennies, Le Roi d’Ys semble trouver un fort regain d’intérêt depuis les productions stéphanoises et la reprise du spectacle en 2008 à Liège, dont l’Opéra Royal de Wallonie est coproducteur (une captation est disponible en DVD chez Dynamic). Une autre mise en scène avait été montée par Nicolas Joël à Toulouse (2007), et par ailleurs des représentations en version de concert ont été données la saison dernière à Montpellier et Paris à l’Opéra-Comique. Ce n’est que justice, tant la partition recèle de beautés, interprétée ici avec concentration, enthousiasme et une grande énergie sous la direction du chef Lawrence Foster. Deux pupitres sont à féliciter plus particulièrement, les bois précis et inspirés, ainsi que les cuivres, très brillants. Les chœurs phocéens ne se situent malheureusement pas à ce niveau en termes de qualité de son, d’homogénéité, voire de concentration lorsque pendant le chœur d’ouverture une bonne partie des chanteurs ne parvient pas à bien accrocher le rythme. au capitole de toulouse Pigeons d’argile Témoin éloquent de la politique artistique imaginative de Frédéric Chambert à la tête du Capitole de Toulouse, la création mondiale des Pigeons d’argile remporte un succès retentissant. Devant un public fervent, mais qui n’était peut-être pas d’emblée gagné à la cause. La distribution francophone est emmenée par les deux cantatrices Inva Mula (Rozenn) et Béatrice Uria-Monzon (Margared), qui possèdent un peu les mêmes qualités et défauts, très investies dans leur rôle, capables de puissance assez considérable – à cet égard certains duos tournent aux concours de décibels, et une confrontation se termine avec un bracelet qui voltige dans la fosse d’orchestre! –, mais un inconfort récurrent dans le registre grave, ainsi qu’une diction perfectible. Ces faiblesses sont accentuées chez Uria-Monzon, aux graves parfois sourds, en raison vraisemblablement de sa fréquentation récente d’emplois plus aigus (Tosca, Chimène, …). La lecture des surtitres devient en revanche superflue lors des interventions masculines, à commencer par l’articulation très claire de Florian Laconi (Mylio), ténor généreux, sonore, aux aigus vainqueurs, qui sait aussi alléger en voix de tête, mais parfois légè- «Les pigeons d’argile» avec Vannina Santoni (Patricia Baer), Gaëlle Arquez (Charlie), Aimery Lefèvre (Toni), crédit photo : Patrice Nin C’est la juste récompense d’une réalisation méticuleusement pensée et travaillée, où tous les éléments se ramassent en un bloc indissociable, de la musique de Philippe Hurel (né en 1955) au livret de Tanguy Viel, à la mise en scène de Mariame Clément et aux interprètes, solistes, chœur et orchestre sous la direction de Tito Ceccherini. Le livret prend sa source dans un fait divers survenu dans les années 70 aux États-Unis : l’enlèvement de la fille d’un magnat de la finance par un groupuscule révolutionnaire. Et la recluse de vite s’éprendre de la cause de ses ravisseurs ; ce que l’on désigne comme « syndrome de Stockholm ». Sur une trame propice aux soubresauts et au suspens, dans la veine des « thrillers » dont Viel s’est fait une spécialité à travers sa dizaine de romans, s’inscrit une action qui emprunte des chemins détournés. Les situations et les psychologies ne se révèlent pas celles attendues ; avec un Philippe Rouillon (Karnac) au premier plan © Dresse a c t u a l i t é o p é r a agitateur politique qui parle davantage poésie que marxisme, des complices et adversaires qui ne se conforment pas à leur attribution, dans leurs sentiments et leurs comportements, retournés souvent, pour aller là où on ne les espérait pas. D’où une tension qui ne relâche pas, jusqu’au dénouement final (tragique, cette fois on s’en doutait). Aucun message, non plus, et un piège évité : la morale – s’il y en a une – serait simplement celle de la vanité et de l’incohérence du monde qui nous entoure. Encore fallait-il que la musique colle à cette action rondement menée et vite prenante. Prouesse accomplie ! Hurel choisit des mouvements allègres, des sonorités crissantes (à grand renfort de cuivres), des ambiances musicales contrastée et bousculées, un chant qui à travers ses déclamations exacerbées reste du chant, sans intervalles extravagants. La complicité est entière entre les mots du livret, leur traitement et leur transmission, conséquence d’une mûre préparation à tous égards. Pour ce tout premier opéra d’un compositeur jusque-là défiant vis-à-vis du genre lyrique, la réussite s’impose indéniablement. Mais peut-être davantage pour le spectacle, dont on ne voit guère d’autre possible lecture, que pour l’inspiration musicale. S’agissant dans ce cas de recettes savamment cuisinées, plus que d’originalité d’écriture ou de langage ; dans une esthétique post-sérielle, une construction (par courtes scènes et rappels motiviques), déjà entendues par ailleurs. Puisque, on l’aura compris, la restitution répond à l’ambition. Gaëlle Arquez (pour sa première incursion dans la musique contemporaine), Aimery Lefèvre, Vincent Le Texier, Vannina Santoni, Sylvie Brunet-Grupposo et Gilles Ragon, dont les vertus vocales dans les répertoires les plus divers ne sont plus à chanter, sont les incarnations mêmes de leurs personnages. Avec un chant fermement constant, assorti d’une présence qui ne l’est pas moins. Avouons, toutefois, notre faible pour les voix féminines, dont on peut croire qu’elles constituent le cœur palpitant de l’œuvre. L’orchestre du Capitole et son chœur (qui a une part importante et complexe) vibrent en phase, nets et tranchants, sous la précision affûtée de la battue de Ceccherini. Quant à la réalisation scénique, elle atteint une sorte de perfection ; avec son plateau tournant présentant successivement un intérieur petit bourgeois, une friche industrielle ou une assemblée de notabilités, sur fond de projections vidéo réalistes comme un feuilleton de télévision (ce que cette pièce est aussi, versant opéra), nourris d’éclairages et de personnages bien cadrés. On comprend ainsi l’impact direct d’un spectacle qui reste, et avant tout, un spectacle. Ce qui, tout bien considéré, n’est pas si ordinaire ni aisé. Pierre-René Serna à barcelone Eblouissante Kitège Au Liceu de Barcelone, Dmitri Tcherniakov propose une lecture saisissante de La Légende de la cité invisible de Kitège. «Kitège» © A. Bofill Rimsky-Korsakov en1907, que la parfaite maîtrise de l'écriture ne parvient pas toujours à masquer une inspiration mélodique nettement moins généreuse que celles d'un Moussorgski ou d'un Borodine, dont le souvenir est omniprésent. Mais lorsque c'est Dmitri Tcherniakov qui porte cette partition sur l’estrade, le résultat est si frappant qu'on en oublie vite ces menues réserves. Dès l'ouverture de rideau, la salle du Liceu, ce soir-là, éclatait en applaudissements devant la beauté d'une forêt cernée de blonds épis. Devant une petite cabane de bois, la jeune Fevronia (délicieuse Svetlana Ignatovitch) chante son amour de la nature. Un chasseur arrive ; il s'éprend de la jeune femme. Bien entendu, c'est le prince de la cité voisine, Kitège... On est en plein conte, et la musique (très « premier degré ») comme la scénographie (très « carte postale ») illustrent parfaitement cette atmosphère simple et charmante. Le contraste avec le 2ème acte n’en est que plus frappant : une société en perte de valeurs se grise en attendant le prince et sa fiancée ; arrive une troupe de Tatares qui annonce la prise prochaine de la ville. Cette scène laisse le spectateur béant, effaré par ce déferlement de sauvagerie et ébloui par la précision inouïe de la direction d’acteurs dont fait montre Tcherniakov. Quelle maîtrise des mouvements de masse ! On a l’impression – si rare à l’opéra ! – que chaque soliste et chaque choriste est totalement fondu dans son personnage. Signalons en particulier la formidable prestation de Dmitry Golovnin dans le rôle de l’ivrogne Grishka – cet être vil qui accepte d’amener les Tatares jusqu’à Kitège, au moment où Fevronia demande à Dieu de protéger la cité en la rendant invisible. On assiste avec attendrissement à la noble résignation des habitants de Kitège, puis on est à nouveau saisis par la débauche des Tatares, dessinés à l’image des gangs mafieux de la Russie post-soviétique. Le dernier acte nous ramène au monde naturel du début, et Tcherniakov parvient (en dépit de quelques longueurs de la partition) à créer une atmosphère ambiguë : on se demande si c’est dans ce monde où un miracle se serait produit, au-delà de la mort, ou en rêve que Fevronia retrouve son prince, dans la charmante petite cabane du 1er acte... Coproduite par les opéras d’Amsterdam, Milan et Barcelone, cette magnifique production a été filmée à Amsterdam et vient de paraître en DVD chez Opus Arte. Certes, on se prend parfois à penser, en écoutant cet opéra composé par Christophe Imperiali a c t u a l i t é 33 o p é r a milan : printemps scaligère Mémorables Troyens Comme toutes les maisons d'opéra italiennes, le Teatro alla Scala de Milan a dû réduire la voilure cette saison car les sponsors, en ces temps de crise, se font rares. Le nombre de spectacles lyriques à l'affiche a été fixé à dix seulement. Mais le public n'a pas vraiment lieu de se plaindre si toutes les représentations ont atteint un stade de perfection comparable à cette réalisation musicale et scénique exemplaire des difficiles Troyens de Berlioz. 34 Coproduit avec les Opéras de Londres, San Francisco et Vienne, cette réalisation de David McVicar a été étrennée en été 2012 au Covent Garden pour marquer le début des Jeux Olympiques d'été. Avec sa distribution presque entièrement renouvelée, cette production a connu un succès retentissant à Milan si bien que la sixième représentation à laquelle j'ai assisté affichait quasiment complet. Et l'enthousiasme du public aurait pu faire croire qu'on donnait ce soir-là une n-ième Traviata dans une distribution de gala tant les bravos crépitaient à la fin de chaque air ... La mise en scène dans les décors spectaculaires d'Es Devlin ne cherche pas à réinterpréter le sujet. Seuls les costumes de Moritz Junge évoquent plutôt la France du XIXe siècle que la guerre de Troie à l'antique. Avec ses nombreux défilés et ses nombreux tableaux vivants figeant les acteurs en des poses avantageuses, le spectacle se veut d'abord illustratif et réussit pleinement à rendre justice aux proportions épiques de cet ouvrage de plus de quatre heures de musique. La chorégraphie de Lynne Page et les éclairages saisissants de Werner Goebbel suffisent quant à eux à recréer dans toute sa magnificence l'univers grandiose dans lequel le compositeur s'est plu à placer ses personnages hors du commun. Des voix magnifiques La distribution des rôles principaux ne saurait prêter le flanc à la critique. Après avoir cueilli ses premiers lauriers sur la scène interna- «Les Troyens», vue d’ensemble - photo Brescia/Amisano © Teatro alla Scala a c t u a tionale dans les grands rôles rossiniens, Gregory Kunde évolue dorénavant vers des emplois plus lourds sans que son timbre, encore souple et lumineux, ne perde une once de son éclat. Rarement, le rôle écrasant d'Enée aura paru aussi bien chanté sur toute la tessiture et dans tous les registres qu'en cette occasion où, contrairement à certains de ses confrères français, le chanteur américain n'épaissit jamais le trait pour donne plus de volume au chant: la finesse de l'émission, autant que la fluidité des changements de registres assurent en effet au chef des Troyens un indiscutable ascendant vocal sur tous les autres personnages de ce drame. Anne Caterina Antonacci, déjà présente en Cassandre à Genève lors de la dernière mise à l'affiche de ce titre il y a quelques saisons, confirme sa suprématie indiscutable dans ce rôle qu'elle habite avec une intensité dramatique et vocale inégalée, et peut-être même inégalable aujourd'hui. Dès sa première entrée, elle domine les deux premiers actes (La prise de Troie) avec une véhémence accumulant un nombre impressionnant de décibels sans que jamais son interprétation ne vire à l'exhortation spectaculairement gratuite. Moins connue dans ce répertoire, Daniela Barcellona est tout aussi prodigieuse en Didon, n'était une maîtrise moins parfaite de l'idiome français. Avec ses graves suaves et ronds, elle brosse de la reine de Carthage un portrait d'une singulière richesse de nuances et de colorations miroitantes, depuis les accents chaleureux de sa triomphale entrée en scène au début du IIIe acte jusqu'aux déchirements fièrement maîtrisés de ses adieux à Enée et de sa montée sur le bûcher funéraire. Les très nombreux rôles secondaires sont confiés à des chanteurs valeureux au français parfois certes exotique mais à la sureté stylistique indiscutable. Autre triomphateur de la soirée : Antonio Pappano dirige l'impeccable orchestre de la Scala avec une verve qui accentue les bizarreries des trou- l i t é o p é r a rait passer sous silence la précision de chaque mouvement, de chaque saut, de chaque pirouette qui font honneur à l'engagement constant de chacun, même lorsqu'une figure le place dans un endroit peu privilégié. Au final, l'impression d'assister à une représentation donnée par l'une des plus grandes troupes de ballets européennes s'impose avec de plus en plus de force... Fragile Odile, Polina Semionova se mue en une Odette sauvage aux jetés d'une sûreté somnambulique, aux pirouettes d'une sauvagerie magnifiquement maîtrisée et aux arabesques millimétrées avec une précision époustouflante. Lorsqu'elle apparaît en cygne, ce sont les «Le Lac des cygnes» avec Polina Semionova et Marco Agostino - Photo Brescia e Amisano / Teatro alla Scala délicates cambrures mouvantes des bras, l'exquis abandon vailles instrumentales du compositeur français. ensembles tout en approfondissant la psycholo- de ses pas battus ou la perfection de ses écarts Son approche a quelque chose de barbare avec gie des personnages. Ainsi, le méchant Rothbart qui s'inscrivent comme des figures raffinées les inflexions appuyées qu'il place sur les se voit-il gratifié d'un magnifique solo au troi- sans véritable poids corporel et suscitent l'enbrusques déchirures des cuivres dans le tissu sième acte ainsi que d'une esquisse de pas de thousiasme légitime du public. Face à une telle subtilement tissé des cordes ou la mise en exer- trois avec Odile et le Prince Siegfried en fin perfection, la technique raffinée de Carlo di gue subite du chant des instruments à vent dont d'ouvrage. Au premier acte, un mouvement Lanno sent encore trop la barre et paraît plus le profil mélodique paraît systématiquement d'ensemble est habilement réservé aux chas- étudiée que libérée. On admire les fouettés ou “surjoué“, comme pour donner à entendre seurs se préparant à accompagner le jeune prin- les jetés, mais l'on n'oublie jamais qu'il s'agit-là depuis la fosse les mots et pensées que les per- ce pour faire contraste avec les apparitions éthé- de mouvements étudiés que le danseur n'a pas sonnages n'osent formuler. Incroyablement rées des cygnes au début de la séquence suivan- encore su incorporer à un langage corporel maîmoderne lorsqu'il est interprété ainsi, ce langa- te. Partout, la pantomime est réduite à sa portion trisé au point d'en devenir naturel. Marco ge orchestral à la fois bruyant et violemment congrue, ce qui assure non seulement une plus Agostino profite avec un aplomb mémorable du contrasté fait comprendre l'insuccès du compo- grande fluidité aux enchaînements des solos et solo que le chorégraphe russe a réservé à siteur français auprès de ses contemporains. des mouvements de groupe mais permet égale- Rothbart pour s'imposer comme un incomparaAujourd'hui, il ne fait aucun doute, pour l'audi- ment d'exploiter au mieux le potentiel d'une par- ble athlète dans sa danse d'une férocité étudiée teur réceptif et attentif, que cet opéra compte au tition grandiose qui semble solliciter spontané- et d'une irrésistible force de percussion. nombre des plus grands chef-d'œuvre de l'art ment le mouvement dansé. Paul Connelly dirige la partition de lyrique du XIXe siècle. (Représentation du 30 La production, donnée dans les décors Tchaïkovski sans excès d'emphase avec juste ce avril) somptueux d'Ezio Frigerio et enrichie des splen- qu'il faut d'abandon dans les deux actes blancs dides costumes aux tons pastel de Franca pour souligner le contraste entre leur univers Le lac des cygnes Squarciapino, est un vrai régal pour l'œil. Le onirique et la réalité plus terre-à-terre des actes Les grands ballets revisités par Rudolf corps de ballet de la Scala compte au nombre impairs. Efficace à défaut d'être enthousiasmanNoureev continuent à juste titre de faire les des grandes compagnies européennes, même s'il te, cette interprétation a au moins le mérite de beaux soirs des grands compagnies de ballet à lui manque parfois ce dernier zeste d'aisance et ne pas ajouter trop de sucre à une partition qui Paris, Vienne ou Milan. La reconstitution du d'abattage qui marque les grandes soirées mos- sent vite la guimauve quand elle est mise entre grand danseur russe de la chorégraphie de covites, londoniennes ou parisiennes. de mauvaises mains... (Représentation du 29 Marius Petipa et Lev Ivanov pour le célébrissi- L'ensemble des danseurs de la troupe fait gran- avril) Eric Pousaz me Lac des cygnes de Tchaïkovski compte au de impression. Malgré une certaine mollesse nombre de ses plus éloquentes réussites parce parfois dans la mise en place des figures comqu'il a habilement rééquilibré la distribution des plexes imaginées par le chorégraphe, on ne sau- a c t u a l i t é 35 o p é r a traversent les murs de la caverne et se meuvent à l'envers sur le plafond de la grotte comme s'ils se promenaient à leur aise dans un confortable salon. bâle The Indian Queen Henry Purcell est considéré comme le créateur de l'opéra anglais. Néanmoins, même s'il a composé bon nombre de pièces destinées au théâtre, il n'a composé qu'un drame lyrique à proprement parler : Dido and Aeneas. Ses autres ouvrages ressortissent au domaine du masque, autrement dit d'extraits instrumentaux et vocaux destinés à enrichir la représentation d'une pièce de théâtre, les plus célèbres d'entre eux étant King Arthur et The Fairy Queen... 36 «The Indian Queen» avec Mireille Lebel, Marc Labonnette © Peter Schnetz L'Opéra de Bâle s'attaque actuellement à The Indian Queen, un titre beaucoup moins connu, dont certaines parties n'ont pu être composées par Purcell lui-même; elles ont en fait été complétées par son frère Daniel pour la création londonienne en 1695. L'intrigue de ce drame sanglant est fort compliquée et évoque de loin celle de Roméo et Juliette : un prince et une princesse, dont les pères sont ennemis jurés, s'aiment d'amour tendre malgré l'inimitié de leurs familles respectives. Cela se termine bien évidemment avec le traditionnel amoncellement de cadavres sur le plateau. Le metteur en scène du spectacle bâlois, Joachim Schloemer, a décidé de se passer entièrement du texte parlé original et se contente d'un court scénario récrit pour l'occasion. Il est dit par une actrice entre les diverses séquences musicales qui constituent la soirée et permet d'agencer celles-ci dans un ordre presque rationnel (!) Une touriste américaine est interrogée par la police; elle raconte son aventure extraordinaire au cours de laquelle elle a perdu la trace de ses deux accompagnants. a Un soir, elle décide de faire une promenade en brousse avec eux. Elle sent tout à coup le sol se dérober sous elle et tombe dans une caverne où elle est victime d'hallucinations inquiétantes tournant autour de sacrifices humains et de repoussants êtres reptiliens verdâtres. Lorsqu'elle revient à elle dans sa chambre d'hôtel, elle est confrontée à des inspecteurs de police qui l'accusent d'un double meurtre. Elle se défend bec et ongles et le spectateur ne sait finalement pas si les diverses séquences sanguinolentes jouées et dansées pendant la représentation sont les reflets des actes crapuleux d'une dangereuse psychopathe ou si elles ne sont que le fruit d'un rêve hallucinatoire enfanté par l'angoisse. Visions théâtrales Virtuosité Sous la direction fougueuse et vivifiante de David Cowan, l'orchestre La Cetra, formé de membres de la célèbre Schola Cantorum bâloise, éblouit par le fini parfait et le poli orchestral impeccable de son accompagnement; les cordes, d'une virtuosité affichée, étendent un tapis d'une souplesse chatoyante sous les voix des solistes alors que vents et cuivres, dans les passages festifs ou pastoraux, font oublier la difficulté d'intonation que rencontrent tous les musiciens s'aventurant dans le domaine baroque en jouant sur des instruments anciens. Les voix des solistes n'ont pas, quant à elles, cette blancheur que l'on associe d'ordinaire aux reconstitutions à l'ancienne de ce répertoire; elles se permettent au contraire d'exploiter avec intelligence un vibrato qui ajoute une prise d'émotion au profil musical de leurs rôles en cultivant l'expression dramatique avant la pureté sonore. Les cinq chanteurs présents sur le plateau marient ainsi avec intelligence les acquis des connaissances actuelles sur l'interprétation des musiques du XVIIe siècle tout en les adaptant aux habitudes d'écoute du public de notre époque. Kim-Lillian Strebel en Orazia et Mireille Lebel en Zempoalla font preuve d'un instinct théâtral remarquable dans leurs airs privés ici de presque tout contexte théâtral; au lieu de virer à la pure musique de divertissement, les interprétations de ces deux artistes cultivent la nuance et la couleur particulière à chaque scène pour redonner sa vraie dimension théâtrale au langage de Purcell. Le rôle du chamane bourru est tenu par un Marc Labonnette aux accents tour à tour débonnaires ou agressifs qui font presque de ce personnage un cousin lointain du futur Osmin mozartien dans L'Enlèvement au Sérail. Plus pâles, Andeers J. Dahlin et Markus Nykänen tirent néanmoins avec adresse leur épingle du jeu avec des voix qui manquent encore de caractère... Le chœur, par contre, se profile comme l'interprète sensible et remarquablement précis d'un style musical qui n'est pourtant pas tous les jours à son programme. (Représentation du 3 mai) Si le spectacle, sous cette forme abrégée, comporte une bonne dose d'ésotérisme qui peut agacer, il présente une succession de visions théâtrales du plus bel effet, le sommet étant sans doute atteint lorsque divers doubles des héros c t u a Eric Pousaz l i t é o p é r a berlin Wagner pour débutants Une nouvelle tendance se dessinerait-elle chez les metteurs en scène allemands ? En tous les cas, les deux nouvelles productions wagnériennes de ce printemps présentent de façon linéaire et immédiatement compréhensible les intrigues du compositeur allemand sans surcharger le décor et l'action de symboles ésotériques. Wagner dansé La Staatsoper a offert à Sasha Waltz, une des chorégraphes les plus aimées du public berlinois, l'occasion de s'attaquer à son premier Wagner avec Tannhäuser. Connue pour ses spectacles très physiques, l'on attendait évidemment beaucoup de sa transcription visuelle de la fameuse Bacchanale au Venusberg qui ouvre le premier acte. La déception a été proportionnel- mèdes dansés qui s'avèrent au mieux inutiles, au pire grotesques. On a ainsi droit à des pèlerins jouant les derviches tourneurs, des chasseurs sautillants sur place pour exprimer leur joie au retour du poète maudit, des invités au concours de chant qui se font des papouilles pour mettre en pratique les définitions de l'amour chantées par les maîtres rassemblés à l'occasion de leur concours annuel. Pendant ce temps, les chanteurs restent plantés comme des statues sur la Tcherniakov. La musique, par contre, est royalement servie. Peter Seiffert reste un des meilleurs interprètes du rôle titre actuellement : la voix est ferme, brillante, souple et ne connaît aucun signe de fatigue jusque dans l'exténuant air final où l'interprète ose des nuances attestant de l'état de fraîcheur inespéré d'un timbre inoxydable. René Pape, en Landgrave, donne une véritable leçon de bel canto à l'allemande avec ses phrasés nobles et longs qui donnent au chant des nuances infinies tout en permettant au chanteur de faire un sort à chaque syllabe d'un texte restant parfaitement compréhensible. Dans sa prise de rôle en Wolfram, Peter Mattei se hisse sans peine au niveau de ses partenaires et aborde sa Romance à l'étoile avec une retenue, une pudeur et une intensité dramatique rarement entendue ici. Maya Prudenskaya, une Vénus au chant ensorcelant, d'une fluidité venimeuse, et Ann Petersen, une Elisabeth radieuse à l'aigu déjà légèrement entamé, ainsi qu'une excellente troupe de petits maîtres complètent cette distribution presque parfaite. A la tête d'une Staatskapelle des grands jours, Daniel Barenboïm ne parvient pas tout à fait à convaincre que la version de Dresde de Tannhäuser, plus primitive et rocailleuse dans l'instrumentation comme dans la construction des scènes, convienne parfaitement à son style de direction plutôt lent et soucieux d'équilibre dans les timbres. Son approche reste cependant d'une impressionnante cohérence dans cette partition disparate et remporte légitimement un succès immense lorsque tous les instrumentistes sont réunis sur le plateau pour les saluts du final. (Représentation du 16 avril) Parsifal comme au bon vieux temps «Tannhäuser» avec Peter Seiffert dans le rôle-titre © Bernd Uhlig le aux attentes : immense! Une demi-douzaine de danseurs presque nus se contorsionnent pendant une vingtaine de minutes à l'intérieur d'un gigantesque œil (ou s'agirait-il d'un autre orifice du corps humain?) sans que l'on puisse vraiment définir à quoi jouent ces figures grotesques. S'il s'agit-là d'une version chorégraphiée de l'acte copulatoire, on comprend pourquoi Tannhäuser ne pense qu'à s'échapper de ce gymnase-sauna!.. Par la suite, Sahsa Waltz enrichit chaque séquence chantée du drame de quelques inter- a c t u scène s'ils ne parviennent à s'intégrer aux mouvements d'ensemble réglés pour le corps de ballet, ce qui est bien sûr le plus souvent le cas. Le chœur, presque toujours relégué au second plan, fait, lui, de la figuration plus ou moins intelligente. Au vu des réactions plutôt froides du public et de la presse, la chorégraphe a déjà annoncé qu'elle repenserait entièrement sa mise en scène pour le prochain festival pascal où cet opus wagnérien figure au titre de nouvelle production au côté d'un Parsifal conçu par Dmitri a l i t Dans sa nouvelle mise en scène de Parsifal créée à la Deutsche Oper en novembre 2012, Philip Stölzl essaie de raconter avec un maximum de précision l'histoire compliquée du chaste fol. Pour ce faire, il se rappelle qu'il a d'abord travaillé à l'élaboration de clips vidéo pour la TV et s'offre le luxe de peupler son décor de tableaux vivants qui apparaissent à l'arrière-plan pour donner à voir, par exemple, ce que Gurnemanz est en train de raconter aux jeunes chevaliers du temple. Cette esthétique de BD, utilisant diverses bulles pour clarifier la progression du récit, a pourtant des limites. Chaque apparition d'une nouvelle vision permet certainement au spectateur de se retrouver dans les méandres du récit, mais l'attention se porte alors é 37 o p é r a «Parsifal» © Matthias Baus 38 sur le visuel au détriment de ce qui se joue en fosse ou de ce qui se chante sur le plateau. Dans un décor évoquant les naïves images pieuses distribuées autrefois dans les cours d'école du dimanche, l'action paraît rapportée de façon puérile et entre en conflit avec l'atmosphère indubitablement mystique que Wagner essaie de mettre en place dans son univers sonore. Les amateurs de mises en images à l'ancienne sont donc ravis, ceux qui souhaitent aller au théâtre pour approfondir leur connaissance du sujet restent par contre sur leur faim. Encore une fois, la musique sauve la soirée... Axel Kober, n'oubliant jamais que l'on n'est pas à l'église mais bien au théâtre, dirige un Parsifal plutôt rapide; malgré quelque gros dérapages instrumentaux dont on ne saurait le tenir responsable puisqu'il a repris la baguette du maître musical des lieux sans un nombre élevé de répétitions, sa conception convainc d'autant plus que les chanteurs se sentent à l'aise dans cette fourchette de tempos allants d'où toute lourdeur est bannie. La distribution est magnifique de cohérence. Le baryton rayonnant de Bo Skovhus négocie sans difficulté la tessiture meurtrière du rôle d'Amfortas et brosse un portrait bouleversant de ce roi déchu que la mise en scène transforme presque en nouveau Christ. Hans-Peter König en Gurnemanz fait montre d'une indéniable autorité naturelle portée par un timbre à la fois velouté et brillant, même en pleine puissance. Le Parsifal scéniquement maladroit de Stefan Vinke éblouit par sa voix solaire, limpide, riche de couleurs expressives qui rendent bouleversant l'exposé de sa souffrance au début du 3e acte. Bastian Everink en Klingsor fait montre a d'une noirceur de timbre idoine sans que le son paraisse jamais engorgé. Last but not least, Evelyn Herlitzius prête sa voix de grand soprano dramatique à une Kundry au chant conquérant et resplendissant, plus convaincante dans la scène de séduction que dans celles de contrition aux premier et troisième actes. Des filles-fleurs aux mélismes musicaux ensorcelants et un choeur qui reste parmi les meilleurs d'Allemagne achèvent de combler un public qui ne peut se résoudre à quitter la salle en fin de spectacle. (Représentation du 18 avril) Eric Pousaz Les Contes d’Hoffmann Reprise en avril de la mise en scène de Thilo Reinhardt créée en 2007 au Komische Oper. La modernité du chef-d’œuvre d’Offenbach datant de 1881 y apparaît plus évidente que jamais. Modernité déjà présente dans les pulsions auto-destructrices de l’artiste Hoffmann, à la fois causes et conséquences des inévitables déceptions auxquelles l’expose sa propension à projeter ses propres sentiments sur des figures féminines. Auto-destruction, projection: la mise en scène multiplie les allusions au cinéma et aux films reprenant cette thématique, de Casino à Shining. Au 2e acte, elle fait d’Olympia, la poupée mécanique dont s’éprend Hoffmann, un objet de désir qui n’est pas sans évoquer la Samantha du film Her de Spike Jonze. C’est sans forcer et avec beaucoup de naturel que Thilo Reinhardt met en évidence le côté visionnaire d’un opéra qui semble anticiper notre XXIe siècle d’amours virtuelles et de fantasmes programmés. Au 3e acte, lorsque Antonia chante au péril de sa vie, l'inscription du théâtre dans le théâtre est très réussie même si elle doit visiblement quelque chose à la mise en scène de Robert Carsen à Bastille. Les chanteurs-comédiens sont excellents, manifestant toute l’aisance que confère l’appartenance à une troupe. Les voix sont belles avec une mention particulière pour Thimoty Richards très émouvant dans le rôle d’Hoffmann, pour Theresa Kronthaler dans celui de la Muse, et pour Beate Ritter qui a remplacé au pied levé la titulaire malade dans le rôle d’Olympia: avec seulement deux répétitions, elle s’est parfaitement emparée du rôle (en français) dont elle avait toujours rêvé, alors que la veille elle chantait la Reine de la nuit… Ovation du public. Christian Bernard «Les Contes d’Hoffmann». Photo Monika Rittershaus © Iko Freese / drama-berlin.de c t u a l i t é o p é r a Roméo et Juliette John Cranko est mort à 45 ans; malgré une carrière de chorégraphe relativement courte, il a créé quelques ballets d'action qui ont atteint aujourd'hui le stade de classiques dans les plus grandes compagnies de monde. Qui ne connaît son Onéguine, créé sur des musiques de Tchaïkovski extraites d'autres ouvrages que de l'opéra, ou sa Mégère apprivoisée sur des mélodies de Scarlatti ? Mais c'est avec Roméo et Juliette de Prokofiev, un ballet créé en décembre 1962 à Stuttgart, que le chorégraphe sud-africain devait atteindre à une notoriété mondiale. Ce ballet a été présenté sur d'innombrables scènes, et c'est en février 2012 que le Ballet d'Etat de Berlin a décidé de l'ajouter à son vaste répertoire. Le ballet n'a pas pris une ride, notamment dans les nombreux soli et duos qui permettent à bon nombre de solistes de briller. Dans les mouvements d'ensemble, par contre, ce travail porte son âge : les scènes de carnaval au 2e acte ou le ballet chez les Capulet paraissent réglés de manière curieusement exsangue, comme si Cranko tenait absolument à se démarquer de la grande tradition classique russe. Alors que la musique atteint des paroxysmes de grandeur et de puissance, les mouvements scéniques souvent répétitifs évoquent plutôt une atmosphère intimiste. On peut imaginer que ce ballet, lorsqu'il tombera dans le domaine public, soit un jour retravaillé comme c'est déjà le cas des grandes créations de Marius Petipa. La troupe berlinoise se présente ici sous son meilleur jour. Le corps de ballet est irréprochable de précision, de panache et de clarté dans les mouvements d'ensemble. Le Tybalt de Leonard Jakovina, éblouissant de grâce aérienne forme un 'couple' parfait avec le Mercutio farceur, félin et chargé d'adrénaline d'Alexei Orienco. Inana Salenko, Juliette fragile et décidée à la fois, domine de loin le Roméo plutôt réservé, presque timide de Dinu Tamazlacaru, dont c'était, il est vrai, la première apparition dans ce rôle lourd et complexe. Ce qui reste de cette soirée, c'est d'abord un magnifique travail d'ensemble où chaque élément est à sa place. Et l'orchestre n'est pas en reste dans l'interprétation de cette partition admirable qui n'a rien à voir avec les gentillettes mélodies de Giselle ou de Coppélia: sous la direction énergique d'Anton Grishanin, il offre de la musique une interprétation au poli roboratif qui aurait été parfaitement digne de figurer au programme d'un concert symphonique. (Représentation du 17 avril) Eric Pousaz a c t u opéra de mont-carlo Ernani Classique, la production d'Ernani proposée à l'Opéra de Monte-Carlo ? Certes, mais assurément propre à satisfaire le public franco-italien qui s'était déplacé pour l'occasion dans la belle salle Garnier monégasque. Oeuvre de jeunesse de Verdi inspirée bien entendu par la pièce de Victor Hugo – lequel n'avait pas apprécié l'emprunt fait par le compositeur et le librettiste Francesco Maria Piave, au point de les contraindre à un changement de titre – Ernani n'est pas un « must » du répertoire, mais de nombreux ténors entourés par des grands noms du moment ont un jour ou l'autre offert une interprétation de cette victime du sens de l'honneur version ibérique. Ramon Vargas, dans le rôle-titre, offrait une interprétation nuancée de cet amant malheureux au destin tragique alors même qu'il croyait toucher aux feux de l'amour. Toutefois, le ténor mexicain livrait une première partie Ludovic Tézier recueillait tous les suffrages ce qui était mérité, le baryton français s'imposant tant par la qualité de son timbre que sa puissance vocale et une ligne de chant impeccable. Et de l'interprétation d'Alexander Vinogradov, on pourrait dire qu'elle se révélait paradoxale dans la mesure où le personnage de Silva n'est guère attachant bien au contraire, mais la basse russe arrivait malgré tout sans peine à faire apprécier une voix superbe, d'une élégance remarquable. Dans une ambiance sombre quasiment en permanence due aux lumières claires obscures de Laurent Castaingt et un décor laissant entrevoir quelques traces de la bataille de San Lorenzo de Paolo Uccello, Jean-Louis Grinda «Ernani» © Opéra de Monte-Carlo manquant d'éclat, ne faisant guère oublier son jeu scénique peu convaincant, et ne se libérant qu'après l'entracte. A ses côtés, Svetla Vassilieva au jeu séduisant assurait une prestation plus émouvante que tragique, déployant une belle gamme de couleurs au service de moyens vocaux appropriés au rôle d'Elvira. Incontestablement, cet « autre » Don Carlo, roi d'Espagne qu'interprétait a l i t signe donc une mise en scène très lisible, mettant clairement en place l'affrontement entre les amants et rivaux. Le Chœur et l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo placés sous la direction précise de Daniele Callegari servaient avec efficacité cette plaisante réalisation. Frank Fredenrich é 39 o p é r a genève Grand Théâtre (022/418.31.30) s La Wally (Pido-Lievi) – 18, 20, 22, 24, 26, 28 juin lausanne Opéra (021.315.40.20) s Die Lustigen Weiber von Windsor (Beermann-Hermann) – 6, 8, 11, 13, 15 juin zurich Opernhaus (044.268.66.66) s Il Ritorno d'Ulisse in patria (BoltonDecker) – 1er, 5, 7, 11, 14 juin s Das Gespenst von Canterville (Angelico-Hadziahmetovic) – 9, 28 juin s Rigoletto (Luisi-Gürbaca) – 18, 21 juin s La Fanciulla del West (ArmiliatoKosky) – 22, 25, 28 juin s Roberto Devereux (Yurkevytch-del Monaco) – 27 juin s Carmen (Petrenko-Hartmann) – 29 juin paris 40 Champs-Elysées (01.49.52.50.50) s L'Italiana in Algeri (Norrington) – 10 juin s La Scala di seta (Mazzola) – 13 juin s Fidelio (Rhorer) – 15 juin Châtelet (01.40.28.28.40) s The King and I (Holmes-Blakeley) – 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29 juin Cité de la musique (01.44.84.44.84) s Orlando (Jacobs) – 19 juin Opéra Comique (0825.01.01.23) s Robert le cochon et les kidnappeurs (Heisser-Grinberg) – 13, 14, 15 juin Opéra National (08.92.90.90) Bastille : s La Traviata (OrenJacquot) – 2, 5, 7, 9, 12, 14, 17, 20 juin Garnier : s L'Incoronazione di Poppea (AlessandriniWilson) – 7, 9, 11, 14, 17, 20, 22, 24, 26, 28, 30 juin Salle Pleyel (01.42.56.13.13) s L'Orfeo (Rousset) – 2 juin s La Bohème (Tingaud) – 17 juin mulhouse vienne Opéra National du Rhin (03.89.36.28.28) s Platée (Rousset-Clément) – 29 juin Staatsoper (43/1514447880) s Les Contes d'Hoffmann (Letonjanice Serban) – 1er, 4 juin Opéra (04.92.17.40.79) s La Cenerentola s Dreyfus (Pillement(Lopez-Cobos-Bechtolf) – Benoin) – 1er, 3, 4, 5, 6 juin 2 juin strasbourg s Siegfried (TateOpéra National du Rhin Bechtolff) – 5, 25 juin (03.89.36.28.28) s Die Zauberflöte s Platée (Rousset-Clément) (Trinks- Caurier/Leiser) – – 13, 15, 17, 19, 21 juin 7, 9, 13, 17 juin toulouse s Götterdämmerung Théâtre du Capitole (Tate-Bechtolff) – 8, 29 (05.61.63.13.13) Joseph Calleja sera le Comte de Leicester dans «Maria juin s Daphné (HaenchenStuarda» au Deutsche Oper de Berlin s Das Rheingold (TateKinmonth) – 15, 19, 22, 25, Bechtolf) – 19 juin 29 juin s Les Contes d'Hoffmann (Cambreling-Marthaler) - 3, 6, 9, 12, s Die Walküre (Tate-Bechtolf) – 22 juin amsterdam 15, 18, 21 juin De nederlandse Opera s I Vespri siciliani (Conlon) – 11, 14, Tosca (Auguin-Wallmann) – 23, 27 juin Theater an der Wien (43/15.88.85) (31.20.62.55.456) 17 juin s Cosi fan tutte (Cambreling-Haneke) s Falstaff (Gatti-Carsen) – 7, 10, 12, – 2, 4, 5 juin 16, 19, 22, 28, 30 juin londres bruxelles La Monnaie (32/70.23.39.39) s Fidelio (Rhorer) – 11, 12 juin s Orphée et Eurydice (NiquetCastellucci) - 17, 18, 20, 22, 24, 25, 27, 29 juin barcelone Liceu (34.934.85.99.13) s Die Walküre (Pons-Carsen) – 3 juin s Il Prigioniero/Suor Angelica (PonsPasqual) – 22, 25, 27 juin madrid Teatro Real (34/90.224.48.48) bologne Teatro Communale (39/051.617.42.99) s Cosi fan tutte (Mariotti-Martone) – 6, 8, 10, 12, 15, 17 juin milan Teatro alla scala (39/02.720.03.744) s Elektra (Salonen-Chéreau) – 3, 6, 10 juin s Cosi fan tutte (BarenboimGuth) – 19, 21, 24, 27, 30 juin rome Teatro dell’opera (39/06.48.16.02.55) s Carmen (Villaume-Sagi) – 19, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28 juin turin Teatro Regio (39/011.881.52.41) s The Rake's progress (NosedaMcVicar) -10, 13, 15, 18, 22 juin s Die Lustige Witwe (Campestrini-deAna) – 27, 28, 29 juin lyon Opéra National (08.26.30.53.25) s Simon Boccanegra (Rustioni-Bösch) – 7, 9, 11, 13, 15, 17, 22 juin marseille Opéra (04.91.55.11.10) s La Traviata (Foster-Auphan) – 17, 18, 19, 20, 21, 22 juin ROH (0044/207.304.4000) s Tosca (Caetani-Kent) – 3, 16, 19, 21, 26 juin s Dialogue des Carmélites (RattleCarsen) – 2, 4, 7, 9, 11 juin s Manon Lescaut (Pappano-Kent) – 17, 20, 24, 28 juin s Ariadne auf Naxos (Pappano-Loy) – 25, 30 juin venise Maria Agresta participera aux représentations de «Suor Angelica» au Liceu de Barcelone a c t Teatro La Fenice (39/041.24.24) s The Rake's progress (MatheuzMichielotto) – 27, 29 juin u a l berlin Deutsche Oper (49/30.343.84.343) s Billy Budd (Runnicles-Alden) – 3, 6 juin s La Damnation de Faust (RunniclesSpuck) – 1er juin s Don Giovanni (Layer-Schwab) – 8 juin s Maria Stuarda (Arrivabeni) - 4, 7 juin s Werther (Runnicles) – 16, 19 jui Staatsoper (49/30.20.35.45.55) s Tosca (Ranzani-Riha) – 1er juin s Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny (Marshall-Boussard) – 6, 8, 12, 15, 20, 25 juin s Il Triomfo del tempo e del disinganno (Minkowski-Flimm) – 7, 9, 11 juin s Lohengrin (Rovetta-Kerkkhof) – 14, 16, 18, 19, 21, juin s Macbeth (Coleman-Flimm) – 21, 25, 28, 30 juin s Neither (Roth-Mitchell) – 22, 24, 27, 29 juin s The Fairy queen (Boder-Guth) – 23, 26, 28 juin Komische Oper (49/30.47.99.74.00) s La Traviata (Barbacini-Neuenfels) 1er, 13 juin s Cosi fan tutte (Nanasi-Hermanis) – 23 juin s Die Soldaten (Feltz-Bieito) – 15, 20, 25 juin sCastor et Pollux (Curnin-Kosky) – 6 juin s Le Nozze di Figaro (VestmannKosky) - 8, 13 juin i t é g r a n d t h é â t r e saison 2014-2015 « Porgy and Bess » Les 13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 23, 24 février 2015 à 19h30 & les 15, 22 février 2015 à 15h00 Photo William Barkhymer g r a n d t h é â t r e saison 2014/2015 au grand théâtre La saison des grands chambardements Le Grand Théâtre de Genève se dirige vers une période de turbulences. Ce ne sont bien sûr pas des problèmes de nature artistique qui assombrissent l'avenir proche du théâtre, mais la rénovation de la maison mère oblige les responsables de la programmation, qui fixent généralement leurs priorités trois ou quatre ans à l'avance, à tenir compte de paramètres qu'ils ne maîtrisent pas encore complètement à l'heure actuelle... interview de M. Tobias Richter, Directeur 42 A première vue, la saison qui va s'ouvrir cette automne, la dernière dans le bâtiment de la Place de Neuve avant les transformations prévues qui s'étaleront sur deux ans, paraît plus légère que de coutume. Au lieu des huit productions lyriques traditionnellement mises à l'affiche, l'institution n'affichera que six spectacles montés sur place et complètera son offre par un grand concert choral donné au Victoria Hall et une série de représentations de Porgy and Bess de Gershwin que donnera un théâtre new-yorkais dans le cadre d'une tournée européenne. Questionné sur cette apparente baisse de régime dans la production, le directeur du Grand Théâtre met avec élégance les points sur les 'i' Tobias Richter : Nous offrirons, il est vrai, deux spectacles en propre de moins en cours de saison prochaine. Les raisons de ce ralentissement dans le rythme de production de la maison sont multiples. Il y a d'abord eu le problème posé par le déménagement dans un théâtre provisoire. Les travaux auraient dû, dans un premier temps, débuter en février 2015 déjà. C'est pourquoi nous avons opté pour un accueil de théâtre en tournée et un concert au Victoria Hall avant d'entrer dans nos nouveaux murs provisoires pour les trois dernières créations 'maison' de la saison prochaine. Pour diverses raisons, ce déménagement a été retardé jusqu'à l'été et c'est pourquoi nous resterons en nos murs jusqu'à l'été 2015. Cela a-t-il impliqué des changements importants dans l'agenda de ces productions ? Non, car il s'agit dans les trois cas de nouveaux spectacles conçus spécialement pour Genève, au contraire des deux titres qui vont ouvrir la saison 2014-2015. Vous faisiez allusion à d'autres causes e expliquant la structure allégée du prochain hiver lyrique genevois.. Oui. Il était important pour nous de savoir dans quelle mesure la production actuelle de L'Anneau du Nibelung allait influencer notre budget pour l'année suivante. Nous ne pouvons et ne voulons pas engager l'argent qu'on nous confie sans nous assurer de l'exploitation maximale et rationnelle des ressources mises à disposition. Nous avons donc joué la carte de la prudence. Et puis, il ne faut pas oublier l'énorme travail que représente, pour toutes les équipes du théâtre, ce déménagement d'une durée de deux ans dans une structure dont nous ne connaissons pas encore tous les avantages ou les limites! Dans ces conditions, il eût été téméraire de vouloir trop étreindre... Plus généralement, comment concevez-vous alors une nouvelle saison ? Il faut d'abord tenir compte de l'historie du théâtre. Qu'est-ce qu'il est important de représenter maintenant sur notre scène ? Qu'est-ce qui n'a pas été donné depuis (trop) longtemps ? Il faut ensuite respecter les diverses époques et les diverses écoles lyriques du répertoire. Théoriquement, j'ai besoin chaque année d'au moins un titre français, un italien, un allemand et un slave. Et puis, il y a le répertoire baroque, le grand répertoire romantique, les ouvrages essentiels du XXe siècle, la création. Je ne peux bien sûr chaque année tenir compte de tous ces paramètres, mais je tente sur plusieurs saisons de faire la part des choses. Vous arrive-t- il de programmer un titre parce que vous savez qu'un chanteur, un metteur en scène ou un chef est disponible à l'époque de sa programmation ? Je ne peux répondre par un oui ou un non francs à cette question, car il y a trop d'éléments divers n t r e qui entrent en considération. Disons que j'aime retrouver, dans la mesure du possible, ce qui fait la richesse des théâtres de troupe avec un grand répertoire comme ils existent encore en Allemagne parce qu'ils offrent la possibilité d'engager sur plusieurs années un artiste dont le public peut suivre l'évolution. Ainsi le public genevois a-t-il eu l'occasion de voir plusieurs spectacles de Robert Carsen, parce que j'estime capital de montrer les différentes facettes d'un art de la mise en scène qui compte parmi les plus fascinants de l'époque actuelle. Il en ira de même pour le travail d'un Laurent Pelly dont le public genevois retrouvera plusieurs fois le nom au cours des prochaines saisons. Et il en va aussi de même pour les chanteurs, quand les choses s'arrangent comme je le souhaite. Ainsi je suis très content de pouvoir faire entendre une Jennifer Larmore dans le rôle titre de la Medea de Cherubini après le franc succès remporté par sa Lady Macbeth dans l'ouvrage de Verdi il y a deux ans. Justement, Medea... Pourquoi avoir choisi la version italienne alors qu'il existe une version autographe de cet ouvrage en français ? Le metteur en scène, le chef et moi-même avons longuement hésité avant de trancher en faveur de la version italienne. Ce qui me gêne dans l'original français, c'est l'importance des dialogues, qui me paraissent beaucoup moins intéressants que la musique qui s'y rattache. La version italienne, plus homogène, plus concise même, suit le drame de plus près et ne relâche jamais son emprise sur le spectateur, au contraire de ce qui se passe lorsqu'on choisit de donner les dialogues français qui ne sont pas tombés de la plume d'un grand écrivain, il faut le reconnaître sincèrement!... Que ferez-vous alors des dialogues, jugés souvent simplistes à l'excès, du chefd'œuvre musical qu'est le Fidelio de Beethoven que vous avez programmé en fin de saison ? La question se pose en termes différents dans ce cas, car le compositeur n'a jamais imaginé une version sans dialogues. Et je ne m'imagine pas me substituer à Beethoven! Donc, dialogues il y aura. Mais sous quelle forme ? Je ne puis encore vous le dire encore. Ils seront probablement abrégés... Dans tous les cas, je m'opposerais fortement à toute suppression car les morceaux musicaux, alignés sans transition parlée, ne forment pas un tout dramatique satisfaisant. De même, je ne sais pas encore comment se fera la transition entre les deux tableaux du 2e acte t i e n (une certaine habitude interprétative, souvent contestée d'ailleurs, veut qu'on insère à ce moment l'ouverture dite Leonore III) mais c'est de toute façon le compositeur, et lui seul, qui aura le dernier mot. Vous avez confié la mise en scène d'Iphigénie en Tauride à un metteur en scène de théâtre. S'agit-il pour vous de mettre avant tout l'accent sur le potentiel dramatique d'un tel ouvrage ? En effet, les ouvrages de Gluck tendent à une fusion complète de tous les arts scéniques ; chant, orchestre, théâtre, mouvements scéniques, décors... Il m'importe de trouver quelqu'un qui se sente à l'aise dans tous ces registres. Lukas Hemleb est à l'origine de brillantes réussites tant sur les planches de théâtres (il a notamment signé la mise en scène de spectacles présentés au Théâtre de Vidy à Lausanne) que dans les maisons d'opéra (son nouveau Lohengrin à Madrid a suscité l'enthousiasme du public et de la critique...). Sans préjuger bien sûr de son travail ici à Genève, je pense qu'il est à même de relever un défi aussi complexe, et ses propositions scéniques ne peuvent qu'intéresser des spectateurs qui n'ont pas encore eu la possibilité de faire la connaissance de son travail dans le domaine de l'opéra. g r a n d t h é â t r e Laurent Pelly vient présenter sa vison de la Grande-Duchesse de Gérolstein d'Offenbach, un spectacle qui a connu un grand succès à Paris et a même fait l'objet d'une captation télévisuelle publiée en DVD. Que peut-on attendre de cette reprise genevoise ? quelque chose de neuf. C'est alors que s'est imposée, progressivement, l'idée d'un spectacle sur Tristan und Isolde chorégraphié sur des musiques de Wagner. D'abord cela permettra de terminer sur un point d'orgue cette “orgie“ de spectacles wagnériens qu'a constitué le montage d'un Ring complet en une année et demie. Et surtout, l'univers wagnérien apparaîtra ici sous un jour entièrement différent, plus intimiste, aimerais-je dire. Sous le titre Salue pour moi le monde!, qui est une citation tirée du drame de Wagner, il s'agira non seulement de présenter des extraits musicaux de versions originales en grand effectif instrumental et vocal, mais également d'introduire diverses transcriptions pour piano ou petit ensemble. Le sujet tournera autour du couple, comme dans Roméo et Juliette, mais l'angle choisi sera peut-être plus austère, car toute composante humoristique est absente de l'opéra allemand alors que le sujet de Roméo comprend plusieurs passages franchement humoristiques, par exemple. Notez qu'il m'est difficile d'en dire plus pour l'instant car au stade actuel de la création de ce nouveau ballet, les lignes de force de ce spectacle ne sont pas encore bien définies. Disons que nous tendons vers une opposition entre l'univers de la nuit, propice à la fusion qui sous-tend tout amour absolu, et celui du jour qui, avec sa lumière, s'avère toujours destructeur de la vraie passion profonde. Pour rendre plus clair mon propos, pensez à la torche qu'Isolde, dans l'opéra, tient tellement à éteindre pour retrouver Tristan dans une obscurité qu'elle ressent comme infiniment complice... Notre but, en l'état actuel, serait donc de proposer une création chorégraphique d'une heure et demie à deux heures qui ne s'accompagnerait pas forcément d'un synopsis dans le programme. Connaissant le thème général, le public devrait être en état de suivre le déroulement du ballet sans qu'on l'oblige à voir à tel ou tel moment la correspondance chorégraphiée d'une péripétie précise du drame. On rêve en quelque sorte d'un public qui serait coauteur de ce qu'il voit sur le plateau!... Les décors originaux ont été détruits et c'est bien un nouveau spectacle que présentera Laurent Pelly au Grand Théâtre. Je lui ai laissé toute latitude de faire les changements qu'il jugera nécessaires même si je pense que la réussite exceptionnelle de sa version parisienne va laisser des traces et que l'on retrouvera avec plaisir certaines des trouvailles scéniques qui ont fait la joie du public d'alors. Pour l'instant, tout est ouvert... Les deux autres reprises de spectacles conçus à l'étranger seront par contre fidèles à l'esprit de leur création, j'imagine... Rigoletto est une coproduction que nous avons signée avec les théâtres d'Aix-en-Provence, Strasbourg, Bruxelles et Moscou, entre autres. Donc il s'agira bien d'une réplique fidèle de original découvert au Festival d'Aix en été 2012. Il en ira de même pour la mise en scène d'Eugène Onéguine que Carsen a signée pour le Metropolitan Opéra en 1997 déjà. Mais dans ce cas, il ne s'agit pas d'une vraie coproduction, plutôt d'une location d'un spectacle complètement monté et abouti. Le metteur en scène se sent pourtant dans ce cas plus libre d'adapter son spectacle à la distribution dont il disposera ici puisque le théâtre new-yorkais a déjà remplacé cette mise en scène par une autre... Vous aimez répéter que, pour vous, une saison ne se conçoit pas sans création... L'an prochain, notre grande création sera chorégraphique, non lyrique. Mais pour en parler, je passe la parole à mon adjoint, M. Daniel Dollé, qui est le dramaturge et conseiller artistique de la maison et qui a suivi ce projet de près depuis ses premiers balbutiements. M. Dollé : L'idée, avec ce spectacle, était d'abord de permettre à Joëlle Bouvier de poursui-vre sa réflexion sur le couple entamée avec sa version chorégraphiée du Roméo et Juliette de Prokofiev. Nous avions d'abord songé à Eugène Onéguine ou à la Dame aux Camélias, mais de grands chorégraphes du XXe siècle se sont déjà attelés avec succès à ces sujets et il nous paraissait plus important de créer Tobias Richter e n t r e t i e On le voit : même pour cette dernière saison dans ses murs, forcément placée par les circonstances sous le signe de l'incertitude, l'équipe du Grand Théâtre ne baisse pas les bras et s'ingénie à proposer une série de manifestations qui ne devraient pas mettre au repos forcé les cellules grises de ses abonnés et autres spectateurs fidèles !... Propos recueillis par Eric Pousaz n 43 g r a n d t h é â t r e à l'affiche du grand théâtre Un nouveau Rigoletto de Carsen ... ou de Verdi ? Depuis quelques décennies, les metteurs en scène d'opéra ne se contentent plus d'illustrer un livret d'opéra pour le faire vivre sur un plateau de théâtre avec un maximum de détails réalistes mais prétendent au contraire en proposer une interprétation. Aussi parle-t-on facilement du Tristan d'Olivier Py, du Pelléas de Bob Wilson ou de la Traviata de Dmitri Tcherniakov, comme si les noms des metteurs en scène devenaient plus importants pour désigner un spectacle que celui du compositeur de sa musique. irréversible, le mouvement gagne chaque jour du terrain, au point qu'on a pu reprocher à une réalisation scénique genevoise récente de rester trop proche des didascalies du livret... 44 Rigoletto n'a pas échappé à cette tendance, depuis que Jonathan Miller à Londres et JeanClaude Auvray à Bâle ont fait joué son intrigue dans le quartier italien de Chicago, transformant par là-même le duc de Mantoue en chef maffieux prompt à satisfaire toutes ses lubies sexuelles. L'an passé, à Aix-en-Provence, Robert Carsen a été encore plus loin en transformant l'action de Rigoletto en clown triste Le personnage du bouffon trouve idéalement son pendant aujourd'hui dans l'univers du cirque, dont il est et restera toujours, sous l'habit de clown, un acteur essentiel. Mais que faire du Duc ? ou de la pure Gilda ? Robert Carsen ne s'embarrasse pas de scrupules liés à un rendu réaliste d'une l'action qui, dans l'original de Victor Hugo, demande aussi du spectateur une propension évidente à la rêverie. Ainsi, au lieu de chercher à dépeindre, par exemple, la pauvre demeure où Gilda vit cachée sur les ordres impératifs de son père, le metteur en scène canadien imagine une jeune femme membre de la troupe du cirque qui, visiblement gênée par ce style de vie exhibitionniste, se réfugie dans un monde de rêve dont elle définit elle-même les lois. Les «Rigoletto» au Festival Aix-en-Provence © PBerger Artcomart artistes qui œuvrent chaque Rigoletto en représentation de cirque donnée soir pour distraire un public avide de sensations sous un chapiteau. Le réalisme est banni au pro- fortes restent ainsi étrangers à son univers consfit d'une transcription onirique de la meilleure truit sur mesure pour satisfaire ses besoins veine qui, pourtant, fera grincer les dents aux tra- empreints d'idéalisme. Mais un jour, elle tombe ditionnalistes pour qui les intentions de l'auteur en arrêt devant un jeune homme qu'elle prend d'un livret d'opéra restent une bible. Et c'est pré- pour un spectateur insignifiant (l'étudiant pauvre cisément avec cette réalisation, donnée en copro- du li-vret) et dont elle tombe aussitôt éperdument duction avec l'Opéra du Rhin à Strasbourg, le amoureuse. Dans son monde onirique, tout n'estThéâtre de la Monnaie à Bruxelles et le Théâtre il pas possible à une jeune âme sensible que la vie Bolchoï de Moscou, que le Grand Théâtre de a jusqu'ici épargnée ? La suite se déroule ensuite Genève va ouvrir sa prochaine saison. sur le schéma connu, et la mise en scène n'a plus a c t u a besoin de faire violence à la succession d'événements prévus dans le livret original. Mais le metteur en scène ne s'arrête pas en si bon chemin. Il essaie en effet de trouver systématiquement des correspondances visuelles aux messages qu'envoie la musique de Verdi. Pour ce faire, il ne puise pas dans le répertoire de l'imagerie traditionnelle mais cherche dans l'univers du cirque ce qui lui permettrait de faire écho au langage lyrique. Gilda confie-t-elle à la nuit les émois provoqués par son amour naissant en une cascade virtuose de notes aigües d'une extrême difficulté d'interprétation ? Robert Carsen fait alors apparaître une danseuse qui s'enroule dans un long tissu soyeux tombant des cintres pour planer à une hauteur vertigineuse faisant courir le frisson dans le dos du spectateur à la fois effrayé et ébloui. Le Duc se précipite-t-il sans plus demander son reste dans la chambre où l'attend la jeune fille que ses courtisans viennent d'enlever? Le jeune homme voyou sur l'identité duquel Gilda se méprend se livre alors, tel un streaker moderne, à un strip-tease rapide, incongru et provocant que souligne la musique haletante prévue par le compositeur pour accompagner sa sortie hâtive... Et ainsi de suite jusqu'à la dernière image, inoubliable, où la mort de Gilda est transcrite visuellement de fulgurante façon. La question initiale reste pourtant posée : jusqu’à quel point un metteur en scène peut-il s'arroger de telles libertés avec le livret de l'opéra qu'on lui confie ? La réponse dépend bien entendu de la propension de chacun à se laisser surprendre et à s'ouvrir à des propositions scéniques nouvelles. Pourtant, si l'on admet une fois pour toutes que l'opéra n'a jamais été un art aux prétentions réalistes, il semble difficile de refuser aux artistes de la scène actuelle le droit de coller sur une musique dramatique connue des images issues de leur monde imaginaire qui collent à la réalité de notre quotidien. Il serait plutôt légitime de juger une telle entreprise sur l'adéquation que le spectateur peut établit entre ce que la musique lui suggère et ce qu'il ressent en assistant à la représentation. A la fois novatrice dans son cheminement et esthétiquement superbe dans sa réalisation, cette production de Rigoletto devrait permettre d'alimenter intelligemment une discussion qui n'est pas prêt de s'éteindre... Eric Pousaz Rigoletto est à l'affiche du Grand Théâtre les 3, 6, 8, 9, 10, 12, 14 & 16 septembre Billets: Dès le 1er septembre 2014 à 10h l i t é g r a n d t h é â t r e productions étaient plus parcimonieuses, mais plus soignées aussi. On prenait plus de temps pour répéter. michael nagy au grand théâtre de genève Eugène Onéguine très attendu ! Paysages intérieurs Un chanteur d'origine hongroise pour le rôle-titre d'un ouvrage russe destiné à un public romand, sans parler d'une distribution internationale, voilà des soirées genevoises qui se profilent pluriculturelles. Né en 1976 d'une famille hongroise établie en Allemagne, Michael Nagy était un chérubin très réservé ! Pour le socialiser, ses parents l'ont inscrit à des cours de chant pour enfants, et il a intégré le chœur des Stuttgarter HymnusChorknaben. Adolescent, sa voix ayant mué, il a donné moins de place à la musique, sans l'oublier totalement. Jeune adulte, et après une période d'hésitation - il avait songé à entreprendre des études de médecine - Michael Nagy s'est présenté à des examens d'admission au Conservatoire de musique. Après les avoir réussis, son choix était fait : il ne quitterait jamais ce milieu ! Parmi ses professeurs, se trouve le maestro et pédagogue Helmuth Rilling, qui l'a encouragé à développer ses qualités de baryton. Son portrait musical par Simon Rattle et publiée en 2013. En compagnie de Juliane Ruf, pianiste, il donne aussi des récitals. Le Lied lui offre une sorte de contrepoint à son activité opératique. Cette dimension plus intimiste lui permet une maturation plus personnelle, un enrichissement de ses potentialités musicales. L'aspect de confession, inhérent au genre, contribue sans doute à expliquer la précision de diction manifestée sur des scènes plus larges. N'étant donc pas qu'un simple à-côté, ce type de production lui a permis, en 2004, de gagner le prix de l'Académie Hugo Wolf, à Stuttgart. S'il s'intéresse à l'enregistrement, le chanteur ne se formalise pas trop des difficultés du marché du disque. Selon lui, le commerce du CD avait connu une inflation. Il faut retrouver l'esprit des années 50 / début 60. A l'époque, les Le public apprécie sa voix puissante, qui sait aussi se parer de douceur; souvent aussi, dans un registre plus léger, elle s'affirme plus bondissante. Le sens de la couleur, manifesté par l'interprète, met tous les critiques d'accord ! Après des débuts à l'Opéra comique de Berlin, l'artiste s'engage dans un répertoire plus imposant : Puccini, Tchaïkovsky, Wagner, ... En 2011, la presse allemande l'a qualifié de «Tannhäuser Miracle de Bayreuth» ! Son interprétation des Wunderhornlieder, fin 2013, avec l'Orchestre de la Radio Bavaroise, a été saluée. Pour autant, il n'abandonne pas un répertoire plus délicat : le baryton a été un Papageno tout en aisance, avec sa voix pleine et saine, d'une version conduite a c t Personnalité très intuitive, Michael Nagy entre en résonance avec les lieux. Pour lui, lors d'une représentation, il y a un esprit, un souffle, qui va et vient entre le chanteur et son public. Chaque espace définit un sentiment différent qu'il appartient au chanteur de capter. Même si la partition a été rédigée il y a un, deux, ou trois siècles, les notes véhiculent un message qui doit parler encore aujourd'hui. Le chanteur est un médiateur. Pour ce musicien, l'opéra, pour se perpétuer, nécessite d'être vécu par tous, intensément. C'est une expérience véritable dans une salle ! Certes le multimédia peut assurer une visibilité au genre, mais cela ne remplacera jamais l'émotion ressentie, partagée... La tradition a pour but de protéger les interprétations d'excès d'innovation auxquels ont recours certains pour se faire remarquer; mais il faut aussi toujours avoir à l'esprit que cette musique doit vivre: les chanteurs, ne doivent pas être des statues de cire égarées de quelque musée ! Pierre Jaquet Tchaïkovsky: Eugène Onéguine. Chanté en russe avec surtitres anglais et français. Reprise de la production du Metropolitan Opera de New York Orchestre de la Suisse Romande. Chœur du Grand Théâtre de Genève. Direction Michail Jurowski Du 9 au 19 octobre 2014 Billets: Dès le 1er septembre 2014 à 10h Conférence de présentation par Mathilde Reichler en collaboration avec l'Association genevoise des Amis de l'Opéra et du Ballet, mercredi 8 octobre 2014 à 18h15 Diffusion sur Espace 2, samedi 22 novembre 2014 à 20h Michael Nagy, photo Autogramm u a l i t é 45 g r a n d t h é â t r e saison 2014/2015 au grand théâtre Onéguine d'importation new-yorkaise Déjà présent avec Rigoletto en début de saison, Robert Carsen signe encore à Genève la reprise de son Eugène Onéguine new-yorkais présenté pour la première fois au Met en 1997. 46 Cette production diffère entièrement de l'approche traditionnelle de ce titre, dans la mesure où le décor et la mise en scène se concentrent sur l'essentiel et refusent toute concession au 'grand' opéra. Ainsi, on attendra en vain les spectaculaires intermèdes chorégraphiques avec grandes robes et fracs impeccablement coupés; de même, la maison campagnarde de Mme Larina paraîtra bien vide sans sa pittoresque foule de paysans et de serviteurs endimanchés. Le plateau reste pour ainsi dire vide pendant tout le spectacle. Seuls quelques éléments concentrent l'attention du spectateur sur ce qui est porteur de sens. Mais la beauté abstraite des déplacements des protagonistes sur l'immense plateau dépouillé de toute fioriture décorative inutile a quelque chose d'inoubliable : comment rester insensible, par exemple, à ce parterre de feuilles mortes jonchant le sol pendant tout le pre- Eric Pousaz Eugène Onéguine est à l'affiche du Grand Théâtre les 9, 11, 13, 15, 17 et 19 octobre Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h Irina Shishkova (Olga) Edgaras Montvidas (Lenski) © Rokas Darulis a mier acte pour annoncer de pénétrante façon le flétrissement des espérances d'une Tatiana encore bien innocente ? Les hautes parois blanches et vides qui délimitent l'espace mettent d'abord en évidence la solitude des protagonistes, enfermés dans leurs illusions et condamnés à passer l'un à côté de l'autre sans se rencontrer vraiment jusqu'à la dramatique déchirure du dernier tableau; quant aux accessoires et costumes, qui se situent, eux, dans la grande tradition de l'opéra romantique à la russe, ils soulignent par leur formalisme glacial les codes assassins d'un monde où la vérité et la spontanéité n'ont pas leur place. La vie sociale est ici essentiellement fonction de la forme et n'a que faire d'émotions dérangeantes qui incitent à la rébellion, comme le prouve l'échec de Tatiana qui écrit pendant une nuit de folie sa déclaration d'amour enflammée à Onéguine. Son acte mal compris va, par ricochets, entraîner la mort de Lenski et son propre malheur, sans parler de celui de sa sœur. Dans ce spectacle d'une austérité calculée, Robert Carsen atteint au sublime avec des moyens d'une simplicité rare qui mettent à nu les vrais enjeux du drame; qu'importe, en conséquence, si le prix à payer est une certaine monotonie visuelle ? Maija Kovaleska (Tatiana), photo Polina Viljun c t u Vitalij Kowaljow (Prince Grémine) a l i t é g r a n d t h é â t r e au grand théâtre : entretien avec agathe mélinand Nouvelle Grande Duchessse Agathe Mélinand est la dramaturge de la Grande Duchesse de Géroldstein mise en scène par son fidèle complice, Laurent Pelly, programmée pour l’hiver de la prochaine saison du Grand Théâtre. Elle explique sa conception et son intervention dans cet opéra-bouffe d’Offenbach. Ce n’est pas exactement votre premier travail au Grand Théâtre de Genève. Pouvez-vous nous le rappeler ? Nous avions fait, avec Laurent Pelly, Orfée aux Enfers pour l’ouverture du Bâtiment des Forces Motrices. C’était même le tout premier opéra que nous réalisions, il y a une quinzaine d’années. Cela nous avait mis le pied à l’étrier, pour les ouvrages lyriques et pour Offenbach. Nous avions aussi présenté au Grand Théâtre Platée de Rameau, repris de la production donnée à l’Opéra de Paris. Offenbach semble une de vos spécialités. Vous en avez conçus combien ? Onze, très exactement ! En comptant aussi les petits opéras en un acte, comme Chou fleuri ou l’Ile de Tulipatan, que j’adore, ou cette grande machine que sont les Contes d’Hoffmann. Offenbach est un compositeur qui nous est proche à Laurent Pelly et à moi. Pour la Grande Duchesse, peut-on parler d’une reprise de votre production donnée en 2004 au Châtelet parisien ? En réalité, il va s’agir d’une récréation. Dans la mesure où le décor et les costumes de la production du Châtelet ont été détruits. Il ne nous reste plus de cette production que le dévédé, et le livret tel que je l’avais écrit. Heureusement ! Cela va donc totalement constituer une autre réalisation pour le Grand Théâtre ; le décor va être reconstruit, les costumes vont être refaits… C’est vraiment une nouvelle production, et non pas une reprise. il y aura-t-il aussi des changements dans votre approche de l’œuvre ? Au stade où nous parlons, je ne peux encore préciser lesquels. Car il faut tenir compte des interprètes et des répétitions de six à sept semaines qui précèderont le spectacle. De toute façon, il y aura forcément des changements. En revanche, l’approche dramaturgique et rêveuse du spectacle restera du même ordre, avec beaucoup e n t r de similitudes. Cet univers que Laurent Pelly avait créé, dans cette espèce de monde fou, demeurera. Car tout est fou dans cette œuvre, et les personnages principaux eux-mêmes, à commencer par le rôle-titre. On remarque par exemple que cette dernière ne porte pas de nom ; elle a seulement une fonction, qu’elle ne remplit pas d’ailleurs. C’est une femme tyrannique, vieillissante et vierge. Déjà tout un programme ! Vous reconnaissez-vous dans ce personnage ? Pourriez-vous dire, à l’instar de Flaubert pour Madame Bovary : la Grande Duchesse, c’est moi ? Non (rires). Et heureusement, on ne fait pas la guerre pour me désennuyer ! Le livret original, pour les dialogues parlés, est énorme. Si on le jouait entièrement, le spectacle ferait bien une soirée de quatre heures… Mon premier travail est donc d’élaguer, de couper, et puis aussi d’essayer de m’amuser avec le personnage ; en pointant sa solitude, sa tyrannie, son côté ogresse, son alcoolisme aussi, et son aspect totalement obsédé par le sexe. Faire ainsi un personnage démesuré et malgré tout touchant, et – hélas il faut le dire ! – un peu bête. Donc ce n’est pas vous !... Mais votre travail de dramaturge, pourrait-il se résumer à une conception générale associée à la réécriture du livret ? Mon travail avec Laurent Pelly est de lui fournir le matériel qui va lui permettre de rêver, de lui donner matière à jouer. Et aussi de lui laisser les mains libres… C’est à la fois une conception commune, et la liberté laissée à l’autre. Avec Laurent Pelly, il faut savoir aussi écrire les choses les plus impossibles à réaliser, car il excelle dans l’impossibilité. Vous ne touchez pas au texte chanté, mais vous réécrivez les passages parlés du livret. Restez-vous toutefois fidèle aux librettistes ? Ou transposez-vous, actualisezvous ? e t i e Agathe Mélinand © Polo Garat Odessa Non. Car mon adaptation correspond tout d’abord à une demande. Ce n’est pas moi qui décide du haut de mon olympe que j’ai plus de talent que Meilhac et Halévy. Le deuxième motif de cette adaptation, c’est comme je vous disais la longueur des livrets, devenue impossible pour un spectateur d’aujourd’hui. La troisième raison est de rendre ces livrets plus faciles et efficaces pour les chanteurs. Après, une grosse partie de mon intervention est aussi de faire jouer les interprètes. Donc, j’essaye d’éviter l’actualisation, parce que je pense que ce n’est pas toujours heureux. Finalement, je tente d’être le plus fidèle possible à ceux qui ont écrit le livret d’origine, de me mettre dans leur tête d’une certaine façon. Dans le cas de la Duchesse, il y a par exemple une association, entre les dialogues parlés d’origine et ceux que j’ai réécrits. Mais le tout reste, surtout, drôle. Pouvez-vous nous livrer les grandes lignes de l’action ? Nous ne sommes pas au XIXe siècle, mais plutôt dans un monde imaginaire. Le duché de Géroldstein reste un petit royaume perdu, on ne sait où, au milieu de l’univers. C’est un mélange de conspirations et de délires. Avec une action complètement dingue, et une souveraine tout autant. Une folle, assumée qui plus est ! Est-ce qu’il y a une morale à tout ça ? Difficile à dire. Ce pourrait être, tout compte fait, l’histoire d’une femme et de sa liberté. Les héroïnes, qui ont une grande place chez Offenbach, c’est un peu toujours la représentation d’une femme qui aspire à la liberté ; dans ce monde tellement corseté de cette époque, et peut-être de la nôtre. Propos recueillis par Pierre-René Serna n 47 g r a n d t h é â t r e grand théâtre de genève : hartmut haenchen Je vis grâce au travail ! Hartmut Haenchen viendra diriger Iphigénie en Tauride de Gluck, début 2015. Portrait d'un Allemand de l'Est, peintre des fresques en musique et marathonien du podium. 48 Né à Dresde en 1943, Hartmut Haenchen, a réalisé un parcours exemplaire; artiste “Ossie“, il a dû s’expatrier pour être apprécié à sa juste valeur. Très jeune, il avait rejoint le Dresden Kreuzchor, formation réputée, dont à 15 ans déjà, il se voyait confier occasionnellement la direction. A 17 ans, il a conduit de façon mémorable une version rafraîchie du Requiem de Hasse. Sa formation, dans les domaines de la direction et de la voix, a eu lieu entre la Musik Hochschule de sa ville natale, des masterclasses à Berlin et en Autriche, et le Festival de Bayreuth, où il a suivi chaque saison - souffle coupé - le moindre geste de Herbert Von Karajan… Tchaïkovsky, Gluck sont aussi ses compositeurs fétiches. Diriger des ouvrages d’une telle envergure en a fait un athlète du podium. Il pratique quotidiennement le yoga, pour sauver son dos, point sensible dans cette profession. Il croit au pouvoir du travail: c’est le sens et l’essence de la vie. Actif sur tous les plans - il a écrit sur la musique, notamment sur Wagner et Mahler -, il a un peu “levé le pied“ en clôturant en mai dernier sa vieille de collaboration de 34 ans (!) avec l’Orchestre de Chambre de Carl Philip Bach, lors d’un concert Mozart au Konzerthaus à Berlin. Il y a derrière ses adieux une volonté de passer plus de temps avec ses petitsenfants, mais ce n’est sans doute qu’un prétexte. Il s’agit de focaliser toute l’énergie pour s’attaquer aux partitions qui lui ont résisté jusqu’à présent. Visiblement, Hartmut Haenchen marche sur les traces du Grand Herbert von Karajan, avec qui il cultive même, dirait-on, une certaine ressemblance physique…. Au Grand Théâtre Ainsi nourri, c’est à Halle que le jeune maestro est entré professionnellement sur scène. Au début des années 70, il a dirigé pour la première fois à la Staatsoper de Berlin, dans Boris Godounov. Il est retourné ensuite “au bercail“, pour prendre la tête de l’Opéra de Dresde, sans couper ses attaches avec la capitale allemande. Sa véritable carrière n'a débuté qu’en 1986, quand il a accepté de prendre la direction de l’Opéra d’Amsterdam et de deux autres phalanges de la capitale : le Philharmonique et l’Orchestre de Chambre Néerlandais. Hartmut Haenchen s'est profilé comme “l'interprète de qualité“ d'un répertoire surtout allemand. Il s’est entouré d’une équipe dynamique : ses opéras ont attiré par des mises en scène novatrices. De son passé d’“Ossie“, il garde une personnalité rebelle : alors que “sous son règne“ le Philharmonique Néerlandais a atteint la gloire, il a renoncé à son poste, en 2002, pour protester contre les coupes budgétaires dans la culture… a Hartmut Haenchen © Marc Waymel Son travail, sa vie Dresser la liste de ses concerts, collaborations, tournées, œuvres dirigées et plus de 130 enregistrements pour diverses maisons de disques, serait aussi impressionnant que fastidieux… Disons que Hartmut Haenchen a dirigé tous les grands opus opératiques, et toutes les partitions symphoniques clés, de préférence de grands tableaux - pour ne pas dire des fresques -, sur lesquels évoluent des héros historiques ou mythologiques, dans un univers de contrastes alla chiaroscuro... Les 70 ans du maestro, l’an passé, ont coïncidé avec le bicentenaire Wagner; il reconnaît que sa vie aurait pu prendre une toute autre tournure sans ce nom. Mahler, Beethoven, Strauss, Mozart, Verdi, Puccini, c t u a Au milieu de la saison 2014-2015, consacrée aux grandes tragédies et récitals, le maestro Haenchen offrira aux mélomanes Iphigénie en Tauride, le dernier opéra de Gluck. Le rôle-titre sera confié à la soprano Anna Catarina Antonacci, appréciée du public genevois pour son interprétation de Cassandre dans les Troyens de Berlioz, en 2007. La mise en scène sera créée par Lukas Hemleb, Allemand d’origine et Français d’adoption, passionné de littérature russe et de civilisation chinoise, auteur de nombreux projets scéniques sortant des sentiers battus, notamment à Vidy. Ce trio garantit une relecture picturale et grandiose d’une tragédie grecque à laquelle d'autres se sont déjà attaqués, du grand Goethe, à l’époque romantique, au chef Minkowski, plus récemment. Beata Zakes Conférence de présentation par Alain Perroux, 22 janvier 2015 à 18h15 Diffusion sur Espace 2 : 7 mars 2015 à 20h Chœur du Grand Théâtre de Genève, OSR Dim 25 janvier 2015, ma 27 janvier 2015, je 29 janvier 2015, sa 31 janvier 2015, lu 02 fév. 2013, me 4 février 2015 à 19h30 Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h l i t é g r a n d t h é â t r e portrait de la mezzo-soprano Violeta Urmana Curieux destin vocal que celui de Violeta Urmana, cantatrice lituanienne qui s'est d'abord fait connaître en tant que mezzo-soprano, avant d'aborder le grand répertoire de soprano dramatique une décennie durant, pour revenir finalement à ses premières amours et au registre de ses débuts. Fenena dans un inoubliable Nabucco de Verdi donné en 1995 à la Bastille, où la jeune Urmana faisait ses preuves aux côtés de Julia Varady, Jean-Philippe Lafont, Samuel Ramey et José Cura, celle-ci s'est rapidement imposée sur les plus grandes scènes, dans des rôles de mezzos où sa voix large et puissante répondait idéalement aux critères musicaux de Verdi (Eboli, Azucena, Amneris) et Wagner (Fricka, Brangäne, Sieglinde à Bayreuth et Kundry), impression confirmée par l'album qu'elle grave aux côtés de Placido Domingo avec Antonio Pappano (Emi 2002). avec Domingo et Marcello Viotti pour Emi en 2003), mais également Tosca (à Vienne, Berlin ou Bilbao), Medea (Valencia 2012), Ariadne auf Naxos (Met 2011), osant même Norma à Dresde et à Madrid, tout en abordant la Brünnhilde de Siegfried et Isolde, qu'elle vient d'interpréter dans la mise en scène de Peter Sellars/Bill Viola à Madrid, en avril sous la direction de Teodor Currentzis, puis à Paris (Bastille) en mai avec Philippe Jordan. Projets Cette mutation ne s'arrête pourtant pas là puisque depuis peu Violeta Urmana a décidé de revenir à sa tessiture d'origine, conservant de ses héroïnes passées, Isolde, Kundry et Santuzza (Cavalleria rusticana), rôles qui conviennent aussi bien aux sopranos qu'aux mezzos. A Verona cet été elle sera Amneris (Aida), personnage qu'elle reprendra en octobre au Met, prévoyant de défendre la partie mezzo du Requiem de Verdi, messe dans laquelle on peut la retrouver dirigée par Jordan (cd Erato capté live en juin 2013 à Paris/Bastille) et qu'elle donnera la saison prochaine en Suisse au Victoria Hall, avec le maestro Semyon Bychkov. Tournant Les années 2000 marquent un tournant décisif dans cette carrière rondement menée, sa voix évoluant de façon progressive vers l'aigu. Suivant son instinct, la cantatrice accueille sans ciller ce changement et s'engage vers des nouveaux emplois qu'elle puise aussi bien chez Verdi, Amelia du Bal masqué, Elisabetta de Don Carlo, Leonora de La Forza del destino quelle chante à Vienne en 2009, puis à la Bastille et à Barcelone dans la mise en scène de Jean-Claude Auvray, Lady Macbeth (à la Bastille encore, cette fois avec Dimitri Tcherniakov en 2009, dvd Bel Air) qui précèdent le rôle-titre d'Aida et Attila (Odabella), que parmi le vérisme, Andrea Chenier ou Gioconda (qu'elle enregistre a c t François Lesueur Messa di Requiem de Verdi au Victoria Hall, sous la direction de Semyon Bychkov. Violetta Urmana sera en compagnie du ténor Riccardo Massi et de la basse Roberto Scandiuzzi. Les 8, 10, 11 et 13 mars 2015 Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h Violeta Urmana © Christine Schneider u a l i t é 49 g r a n d t h é â t r e un chef d’autriche-hongrie au grand théâtre Marko Letonja Marko Letonja dirigera Medea, en avril 2015, au Grand Théâtre de Genève, avec Jennifer Larmore dans le rôle-titre. 50 Marko Letonja représente l’archétype du musicien austro-hongrois comme on n’ose plus l’imaginer. Né le 12 août 1961 non loin de Ljubljana, il est donc slovène. C’est dire qu’il a vu le jour dans la république située le plus au nord de l’ex-Yougoslavie, la plus proche aussi, historiquement et culturellement, de l’empire de François-Joseph. C’est pourquoi, très logiquement, il a effectué ses études musicales à l’Académie de musique de Ljubljana (piano, direction d’orchestre) puis à Vienne, bien qu’il n’ait commencé la musique qu’à l’âge de huit ans : « Je pensais être dentiste. Lors des portes ouvertes à l’université de médecine, l’odeur de formol m’a fait tourner les talons. J’ai préféré entrer au conservatoire de musique. » Mstislav Rostropovitch, de Vadim Repin ou encore de Thomas Quasthoff. Du Teatro di San Carlo de Naples à la Scala de Milan en passant par les Wiener Symphoniker ou une nouvelle production de La Dame de pique au Grand Théâtre de Genève, de Roméo et Juliette au Teatro dell’Opera di Roma ou à Médée au Teatro São Carlos à Lisbonne, où il dirigea aussi la Tétralogie, Marko Letonja est décidément très demandé. Jennifer Larmore sera Medea De la Tasmanie à Strasbourg Il a cependant la sagesse de mener une carrière discographique originale : il grave le méconnu Manfred de Tchaïkovski, l’œuvre intégrale de Weingartner (eh oui, ce chef d’or- Marko Letonja by Tanja Niemann Et c’est pourquoi, tout aussi logiquement, il a d’abord été directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Slovénie (de 1991 à 2003) avant de glisser un peu vers l’ouest et de s’installer à Bâle, ville où il fut à la tête de l’Orchestre symphonique et de l’Opéra de 2003 à 2006. Ce qui ne l’empêche pas, évidemment, de mener par ailleurs une carrière de chef invité et de donner des concerts en compagnie de a ches-tre fut aussi compositeur), le Concerto pour violon et orchestre de Jolivet avec Isabelle Faust, artiste qu’il a d’ailleurs invitée en résidence à Strasbourg en 2013-2014. Car s’il est directeur musical de l’Orchestre de Tasmanie depuis 2012, Marko Letonja est aussi le patron de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg depuis 2012. Une formation, étrangement, qu’il a d’abord entendue à Vienne, en 1988, à l’occa- c t u a sion d’une tournée de l’orchestre emmené alors par Theodor Guschlbauer. Et dont il tient à préserver l’équilibre : « Sa “couleur“ – la façon dont sonnent les bois – est française, tandis que sa façon de jouer est allemande ». Ce qui lui permet de collaborer avec l’Opéra du Rhin : on se souvient de son Ring avec David McVicar, ou encore de cette production sensible, signée Robert Carsen, de De la maison des morts de Janacek. Avec sa belle voix grave, Marko Letonja est un polyglotte qui manie admirablement la langue française. On sent en lui l’héritier d’une civilisation européenne aujourd’hui vivante mais menacée. Et en le regardant bien, il n’est pas interdit de lui trouver un air de famille avec Peter Eötvös, même si les deux musiciens n’ont en commun aucun lien de parenté. On retrouvera Marko Letonja la saison prochaine dans Medea de Cherubini à Genève (il s’agira là de la version italienne rendue célèbre par Maria Callas et non pas de l’original en français) et dans La Dame de pique, à Strasbourg et Mulhouse, à l’occasion d’une nouvelle production signée Robert Carsen. Christian Wasselin Les 9, 15, 18,21, 24 avril 2015 à 19h30 & le 12 avril 2015 à 15h Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h l i t é g r a n d t h é â t r e portrait Pinchas Steinberg Pinchas Steinberg, est trop ou mal connu des Genevois : en 2005, au terme de trois ans de contrat, ce chef d’orchestre israélien divorçait, avec fracas, de l’Orchestre de la Suisse Romande. invité, par le Grand Théâtre de Genève, à y diriger Fidelio en juin 2015, il y retrouvera l’OSR. Un petit portrait s’impose. Né en 1945, Pinchas Steinberg travailla d’abord le violon à New York ; entre autres professeurs : Joseph Gingold et, surtout, le grand Jascha Heifetz. Puis il musarda quelque peu avec le trombone, avant d’étudier la composition, à Berlin, avec Boris Blacher. En Europe, il eut diverses expériences de Konzertmeister, notamment au Berliner Philharmoniker, avec Herbert von Karajan. Deux expériences lui demeurent en mémoire, remontant au début des années 1970 : Tristan und Isolde, au Festival de Salzburg ; au Festival de Lucerne, un concert dont, s’il en a oublié le programme, l’empreinte demeure vive « Il y avait une telle atmosphère que les musiciens Pinchas Steinberg © DR a c t u avaient des larmes dans les yeux. Karajan savait comme personne d’autre créer ces atmosphères mais on ne savait pas dire à quoi cela tenait. En fait, nous faisions de la musique de chambre pour grande formation. » C’est à Berlin, mais avec le Deutsches SymphonieOrchester Berlin (à l’époque dénommé RIAS Berlin) qu’il débuta comme chef d’orchestre. Le baryton Detlef Roth sera Don Pizarro Carrière d’ample dimension Pinchas Steinberg a entretenu des liens durables avec certains grandes institutions : Bremer Philharmoniker, entre 1985 et 1989 (directeur musical) ; Wiener Staatsoper, entre 1987 et 1993, (premier chef invité) ; Wiener Symphoniker, entre 1989 et 1996 (directeur et ; musical) l’Orchestre de la Suisse romande, entre 2002 et 2005. Mais c’est comme chef invité que la carrière de Pinchas Steinberg prend une ample dimension. Sa carte de visite plaide pour lui. Au concert, il a dirigé de prestigieuses phalanges : Berliner Philharmoniker, Cleveland Orchestra, de Gewandhaus Leipzig, Münchner Rundfunkorchester et Philharmonia Orchestra. Dans la fosse, il a été invité par le Berliner Staatsoper, l’Opéra national de Paris, le Royal Opera San le House, Francisco Opera, le a l i t Teatro Real Madrid et le Wiener Staatsoper. Quant aux festivals où il s’est produit, mentionnons, entre autres, ceux de München, Orange, Salzburg, Tanglewood, Verona et Wien. Tout comme son compatriote (et cadet de dix ans) Daniel Oren, Pinchas Steinberg a nettement choisi son répertoire lyrique : le romantisme (allemand et italien) et le postromantisme. Soient : Wagner (Rienzi, Der fliegende Holländer, Tristan und Isolde), Verdi (Aida, Attila, La battaglia di Legano, Nabucco), Puccini (presque tout), Giordano (Andrea Chenier), Leoncavallo (Cavalleria rusticana), Strauss (Salome, Der schweigsame Frau, Elektra) et Korngold (Die tode Stadt). Les années passant, il a développé un style large, puissant et où, même dans le répertoire symphonique, la musicalité grouille de théâtralité. Dans un an, puissent les musiciens de l’OSR avoir oublié leur tristesse de 2005 et accueillir, avec enthousiasme, une des très talentueuses baguettes lyriques de ce temps. Frank Langlois Fidelo de Beethoven. Les 10, 12, 16, 18, 21, 23 et 25 juin 2015 Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h é 51 g r a n d t h é â t r e entretien Xavier Dayer En collaboration avec le Grand Théâtre, unique représentation dimanche 29 mars 2015 au Victoria Hall de l’opéra de chambre Contes de la lune vague après la pluie, de Xavier Dayer sur un livret d’Alain Perroux d’après le film éponyme de Kenji Mizogushi, quelques jours après sa création, le 20 mars, à l’Opéra de Rouen. Le compositeur genevois a répondu aux questions de Scènes magazine. Comment vous-même et Alain Perroux en êtes-vous venu à vouloir adapter le film de Mizogushi ? 52 Le projet remonte déjà à plusieurs années. A l’origine la Fondation Royaumont m’avait proposé un projet destiné à de jeunes chanteurs et à un jeune public. Les choses ont évolué et le côté jeune public a disparu. Mais je me suis souvenu du film de Mizogushi que j’avais vu 20 ans auparavant et qui m’avait fasciné. J’y ai trouvé les éléments pour faire un opéra narratif, ce qui peut paraître audacieux aujourd’hui car la plupart des formes lyriques contemporaines évitent la question du récit. Dans cette œuvre je souhaite raconter une histoire de manière à ce que le public puisse vraiment la suivre. Jusqu’alors j’avais écrit, arrangé mes propres livrets et je me suis dit que cette fois-ci j’avais besoin d’un Vous êtes à 10 mois de la création, la mise en scène se précise probablement... dramaturge, ce qu’est Alain Perroux que je connais depuis longtemps, et j’ai eu le bonheur de le voir accepter immédiatement ma proposition. Le fait d’adapter un film ou ce film – pour l’opéra pose-t-il des problèmes particuliers ? Ce que j’ai surtout retenu du film ce sont des atmosphères, un souvenir de sa force expressive, mais j’ai très vite oublié le film pour travailler le livret. Cependant une chose est restée très puissante : une image sonore centrale dans ma mise en musique de l’œuvre qu’est le Koto (harpe japonaise), très présente dans la musique traditionnelLuanda Siqueira sera la Princesse Wakasa dans les «Contes de la lune vague après la pluie» le japonaise. La corde pincée qui résonne est présente comme élé- Jusqu’à maintenant le travail était essentiellement poétique et non ment une collaboration avec Alain Perroux sur pas pour recréer un le livret. Aujourd’hui l’œuvre s’ouvre et s’étend monde japonisant. à d’autres collaborations, avec Vincent Huguet L’opéra étant en fran- et Richard Peduzzi pour la scénographie et c’est çais et hormis cet élé- un moment extrêmement stimulant car nous ment poétique la allons vers une œuvre commune, ce qui est pour musique ne fait pas moi très précieux. J’accueille favorablement l’iréférence directement dée qu’il puisse y avoir des transformations, que à la musique l’on questionne la temporalité de la partition. Le travail scénique a lieu au moment des répétijaponaise. tions, c’est à la fois une grande tension et un En quoi est- grand bonheur. ce un opéra de chambre? D’abord l’orchestre est réduit. C’est une formation de musique contemporaine et non pas un orchestre symphonique. Il y a neuf Xavier Dayer e musiciens qui pourraient être placés sur la scène. Cela permet ainsi une certain dépouillement loin du grand opéra romantique. Par ailleurs, le texte génère un type d’émotion proche de celui produit par la poésie japonaise, très différent du lyrisme typique de l’Europe. Une émotion plus distanciée. J’aimerais que l’œuvre puisse dire beaucoup avec peu, ce qui est une constante de la culture et des arts japonais. n t r e Propos recueillis par Christian Bernard Contes de la lune vague après la pluie, sous la direction musicale de Jean-Philippe Wurtz, le dimanche 29 mars à 17h Billets : Dès le 1er septembre 2014 à 10h t i e n g r a n d t h é â t r e ballet du grand théâtre de genève Une saison riche et variée Lors de la saison 2014-2015, le Ballet du Grand théâtre de Genève, proposera un des joyaux du répertoire classique, Casse-Noisette, et une création mondiale de Joëlle Bouvier. Par ailleurs, Philippe Cohen, son directeur, a invité une compagnie taïwanaise célèbre. La saison s’ouvrira le 13 novembre 2014 avec une nouvelle version de Casse-Noisette. Ce ballet, créé en 1892, d’après un conte d’E. T. A. Hoffmann, raconte l’histoire d’une fille, Marie, qui reçoit pour cadeau de Noël un casse-noisette. Pendant la nuit, ce jouet prend vie, devient un prince. Rêve ou réalité ? La musique est bien sûr de Tchaïkovski. Le jeune chorégraphe belge Jeroen Verbruggen, qui vient de mettre fin à une belle carrière de danseur notamment au sein des Ballets de Monte-Carlo, pour se dédier à la création s’attellera à cet ouvrage. On peut se La dernière semaine de mai 2015, la chorégraphe française née en Suisse Joëlle Bouvier présentera une création mondiale inspirée de Tristan et Isolde de Richard Wagner intitulée Salue pour moi le monde! (Phrase prononcée par Isolde quand elle quitte Brangäne.) Joëlle Bouvier, la cinquantaine, peut se prévaloir d’une longue carrière parsemée de nombreux succès, dont le mémorable Roméo et Juliette de la saison 2008-2009 du Ballet du Grand théâtre de Genève. «Water Stains on the Wall», dans la chorégraphie de Lin Hwai-Min Sa gestuelle propice à exprimer les passions sera idéale pour donner réjouir car son style est enjoué et féerique. Ce vie aux tourments des deux amants sur la sera une opportunité pour la compagnie gene- musique envoûtante du compositeur allemand. voise de montrer son savoir-faire car la Emmanuèle Rüegger gestuelle de Verbruggen est également virtuose ! Joëlle Bouvier Jeroen Verbruggen a c t Au mois de mars 2015, on pourra voir au Grand Théâtre la compagnie Cloud Gate Dance Theater de Taïwan (cloud gate signifie “porte des nuages“). Le fondateur de cette célèbre compagnie, Lin Hwai-Min, mêle dans ses œuvres les styles et l’esprit asiatiques avec les techniques modernes occidentales. L’ouvrage proposé, Water Stains on the Wall (Tâches d’eau sur le mur), s’inspire de l’art de la calligraphie. Il s’agit d’une pièce créée en 2010 au Théâtre national de Taipei. On peut se réjouir car, imprégnés des deux cultures, ses vingt-quatre danseurs sont époustouflants. u a l i t é 53 g r a n d t h é â t r e 54 Bryn Terfel © DR Elīna Garanča © Paul Schirnhofer Patricia Petibon © Felix Broede Michael Volle © Winfried Hösl a c t u a l i t é g r a n d t h é â t r e 55 Laurent Naouri © DR Natalie Dessay © Simon Fowler Récitals au Grand Théâtre à 19h30 Mercredi 24 septembre 2014 BRYN TERFEL, baryton-basse Accompagné au piano par Malcolm Martineau Mercredi 28 janvier 2015 NATALIE DESSAY, soprano LAURENT NAOURI, baryton-basse Accompagnés au piano par Maciej Pikulski Dimanche 30 novembre 2014 I CAPULETTI E I MONTECCHI, en version de concert Direction Karel Mark Chichon Tebaldo Francesco Meli Capellio Krisjanis Norvelis Lorenzo Nahuel Di Pierro Romeo Elīna Garanca Giulietta Aleksandra Kurzak Mercredi 4 mars 2015 MICHAEL VOLLE, baryton Accompagné au piano par Helmut Deutsch Jeudi 23 avril 2015 DIANA DAMRAU, soprano Accompagnée à la harpe par Xavier de Maistre Samedi 20 décembre 2014 PATRICIA PETIBON, soprano Accompagnée au piano par Susan Manoff Billetterie du Grand Théâtre - CP 5126- CH–1211 Genève 11 T + 41 22 322 50 50 du lundi au samedi de 10h à 18h [email protected] Location dès le 1er septembre 2014 à 10h Diana Damrau © Michael Tammaro a c t u a l i t é LES OPÉRAS RIGOLETTO EUGÈNE ONÉGUINE LA GRANDE-DUCHESSE DE GÉROLSTEIN IPHIGÉNIE EN TAURIDE PORGY AND BESS MESSA DA REQUIEM MEDEA FIDELIO LES BALLETS CASSE-NOISETTE WATER STAINS ON THE WALL «SALUE POUR MOI LE MONDE !» LES RÉCITALS BRYN TERFEL PATRICIA PETIBON NATALIE DESSAY & LAURENT NAOURI MICHAEL VOLLE DIANA DAMRAU OPÉRA JEUNE PUBLIC LE PETIT PRINCE CONCERTS EXCEPTIONNELS I C A P U L E T I E I M O N T E C C H I ( E L Ī N A G A R A N Č A ) ANGELA GHEORGHIU SPECTACLES LES PROCÈS D'IPHIGÉNIE ET DE MÉDÉE MON OPÉRA MON AMOUR O P É R A S B A L L E T S C O N C E R T S R É C I TA L S & S P E C TA C L E S A B O N N E Z - V O U S !! SAISON1415 WWW.GENEVEOPERA.CH +41(0)22 322 5050 m u s i q 11e festival cully classique du 20 au 29 juin Avec « Vienne » comme fil rouge Consacrée à la Vienne des compositeurs qui ont fait de cette ville une des capitales de la musique, l’édition 2014 du Cully Classique propose 21 concerts en soirée au Temple et en nocturne à l’église Notre-Dame, ainsi que six concerts « Découvertes » destinés à faire connaître de jeunes talents, avec pour l’un d’eux la récompense d’un « coup de cœur » décerné par un jury professionnel. Séries “événements“, “Grands Concerts“ et “Nocturnes“ Le vendredi 20 au Temple, c’est le Keller Quartet qui ouvrira les feux, avec Edicson Ruiz à la contrebasse et Alexei Lubimov au piano. Au programme figurent des pages de Mahler, de Berg / Grots et de Schubert (Quintette « La Truite »). A Notre-Dame, avec un éclairage à la bougie prévu pour tous les « Nocturnes », Cédric Pescia interprétera deux sonates de Beethoven, la douzième et la trente-deuxième, Op. 111. Le lendemain, le récital de Khatia Buniatishvili s’annonce passionnant, la pianiste géorgienne nous livrant sa vision sans doute très personnelle d’Intermezzi de Brahms, de Lieder de Schubert transcrits par Liszt et de La Valse de Ravel. En nocturne, c’est à nouveau le Keller Quartet qui se fera entendre dans le Quatuor à cordes d’Anton Webern et l’immense Opus132 de Beethoven. Le dimanche 22 aura lieu un des concerts les plus originaux de la semaine, avec l’ensemble bernois Les Passions de l’âme qui, conduit du violon par Mereth Lüthi, se fera le traducteur plein de fraîcheur et de spontanéité - il suffit d’écouter son dernier album « Spicy » pour s’en convaincre - de pages de Schmelzer, Biber et Fux, compositeurs viennois des XVIIe et début XVIIIe siècles. Mardi 24 et mercredi 25, ce sont tour à tour les pianistes Boris Berezovsky et Nicholas Angelich qui livreront leur traduction de pages a c t u de Beethoven et de Schubert (Wanderer Fantaisie) pour l’un, de Haydn, Beethoven et Schumann (Kreisleriana) pour l’autre. Jeudi 25, le violoncelliste Mario Brunello se produira en duo avec le pianiste Gérard Wyss dans les Kindertotenlieder de Mahler, et seul dans les Suites No 1 et 5 pour violoncelle de J.S.Bach. En nocturne, dans l’intimité de Notre- Belcea Quartet © Ronald Knapp Dame, c’est un duo que l’on dit « touché par la grâce » qui interprétera la Sonate pour violoncelle et piano No 3 op.69 de Beethoven, ainsi que la Sonate « Arpeggione » de Schubert. Ce duo est celui de la violoncelliste française Camille Thomas et de la pianiste valaisanne Béatrice Berrut. Le lendemain, nous retrouvons ces deux musiciennes qui, associées au violoniste Roman Patocka au sein du Trio Saint-Exupéry, présen- a l i t u e teront des Trios de Haydn, de Brahms et de Schubert (D.929). En nocturne, les Variations en fa de Haydn et la Sonate No 21 de Schubert sont à l’affiche du récital de piano de l’excellent Fabrizio Chiovetta. Samedi 27, ce sera la création mondiale d’Assonance Ib pour violon, clarinette et violoncelle de Michael Jarrell. Elle précédera une autre page de Jarrell, le Lied ohne Worte pour trio avec piano, et deux chefs-d’œuvre mozartiens, le Trio K.548 et le Quatuor avec piano K.493. Les interprètes en seront le pianiste Gérard Wyss et des étudiants de la Hochschule für Musik Basel et de l’Universität für Musik Wien. Le dernier nocturne verra le Belcea Quartet interpréter le Langsamer Satz de Webern et le Quatuor No 13 de Schubert. Dimanche 29, au Temple, il appartiendra à ce même Belcea Quartet de conclure en beauté le festival, avec des quatuors de Mozart et de Beethoven. Série “Découvertes“ Trois récitals sont attribués à de jeunes pianistes, la Russe Sofja Gülbadamova, le Norvégien Joachim Carr et le Suisse Mauro Lo Conte, qui tous trois proposent des programmes de haute tenue. Un concert nous fera découvrir le duo violoncelle et piano d’Olivia Gay et de Natacha Kudritskaya. Deux rencontres musicales sont prévues, l’une entre Cédric Peschia et le violoncelliste Constantin Macherel, qui jouera, entre autres, la Sonate pour violoncelle seul de Ligeti –, l’autre entre Gérard Wyss et Astrig Siranossian, qui a mis les Trois pièces pour violoncelle et piano de Nadia Boulanger au centre de son programme. Les familles ne sont pas oubliées : dimanche 22 à la Salle Davel, les Petits Chanteurs de Lausanne s’y produiront pour elles. Des conférences, des rencontres avec des étudiants, des après-concerts au Caveau Potterat, et plus encore, sans compter les quelque 50 concerts du Festival OFF, complètent une offre d’une richesse débordante. Yves Allaz Programme complet sur : www.cullyclassique.ch é 57 m u s i q u e scènes de juin Agenda romand La nouvelle production, à l’Opéra de Lausanne, de Die lustigen Weiber von Windsor (Les Joyeuses commères de Windsor) d’Otto Nicolaï, coproduite avec l’Opéra Royal de Wallonie à Liège, constitue un des événements marquants de ce mois de juin, tandis que les festivals faisant la transition entre une saison 13/14 qui jette ses derniers feux et les festivals de l’été qui pointent le bout du nez occupent déjà le devant de la scène musicale : la 11e édition du Cully Classique, du 20 au 29, et le 14e festival de musique ancienne La Folia, du 5 au 9 juin à Rougemont, au Pays-d’Enhaut. Sans oublier la Fête de la Musique, célébrée un peu partout le 21 juin en terre romande. 58 A Lausanne, Die lustigen Weiber von Windsor, l’opéra-comique de Nicolaï (1810-1849) inspiré de la comédie de Shakespeare, sera donné les 6, 8, 11, 13 et 15 juin à l’Opéra, dans une distribution dominée par le Sir John Falstaff de Harry Peeters, avec le Chœur de l’Opéra et l’OCL, sous la direction musicale de Franck Beermann, et dans la mise en scène de David Hermann. De son côté, la Route Lyrique de l’Opéra de Lausanne prendra son envol au début juin, le 1er au Théâtre du Jorat – avant d’entreprendre sa grande tournée estivale en juin et juillet, avec dans ses bagages Phi-Phi, l’opérette du Genevois Henri Christiné (1867-1941). Gérard Demierre en signe la mise en scène, décors et costumes sont de Sébastien Guenot, le Chœur et l’Ensemble instrumental de l’Opéra de Lausanne seront placés sous la baguette de Jacques Blanc. Une vingtaine d’étapes sont inscrites au compteur, de ville en château du Pays de Vaud, et jusqu’en ville de Fribourg, à l’Equilibre le 3 juin, et à l’Opéra de Vichy le 11 juillet. Au Théâtre de Beaulieu, le 5, huitième et dernier concert de la saison d’abonnement de l’Orchestre de la Suisse Romande, avec la création suisse d’Emergences (Nachlese VI) de Michael Jarrell, avec en soliste le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, et sous la conduite de Thierry Fischer. Des fragments symphoniques du Martyre de Saint Sébastien de Debussy, ainsi que des extraits du Roméo et Juliette de Berlioz figurent également au programme de la soirée. Deux récitals de piano, à l’enseigne de « Fortepianissimo » des Concerts de Montbenon, sont à l’affiche de la Salle Paderewski. L’un, le 13, Jean-Guihen Queyras © Yoshinori Mido a c t verra le jeune Louis Schwizgebel interpréter des pages de Haydn, de Holliger, de Ravel et de Schubert. L’autre, le 20, permettra la découverte d’œuvres de Vladimir Ryabov, compositeur né à Tchéliabinsk, à l’est de l’Oural, en 1950, par le pianiste arméno-américain Sergei Babayan. Né à Guimri, professeur réputé du Cleveland Institute of Music - Daniil Trifonov fut un de ses élèves -, Sergei Babayan jouera aussi des pages de Chopin lors de cette soirée qui promet de mettre en beauté un terme à ce cycle bienvenu de récitals de piano devenus bien rares en ville de Lausanne. L’Orchestre de Chambre de Lausanne donnera son 10e et dernier concert d’abonnement, les 16 et 17 juin à la Salle Métropole. La Symphonie No 8 ( 9e de l’ancienne numérotation) en do majeur, dite « La grande », de Schubert, ainsi que le dernier Concerto pour piano de Mozart, le sublime 27e, en si bémol majeur, K. 595, sont au programme. Avec Radu Lupu au piano et Jukka-Pekka Saraste à la tête de l’OCL. Au même endroit, le 22, aura lieu le 8e Concert du Dimanche de la formation lausannoise, avec Ivan Ortiz Motos, corniste solo de l’orchestre, dans le Concerto pour cor no 2 de Richard Strauss. Joshua Weilerstein et l’OCL interpréteront ensuite la plus beethovénienne des symphonies de Robert Schumann, la majestueuse 2e, en do majeur, op.61. A l’église Saint François, trois manifestations sont annoncées : le 7, De la Renaissance à nos jours, par l’Ensemble vocal Quatuor Symphonique ; le 14, Frescobaldi et alii, par Jan van Hoecke, flûte et Gaël Liardon, orgue ; le 21, Faites de la musique ! Fête de l’orgue, une nuit de l’orgue orchestrée par Benjamin Righetti. A Cully, sous la thématique « Vienne », le Cully Classique déploiera ses fastes du 20 au 29, avec pas moins de 21 concerts à l’affiche. Voir article consacré par ailleurs à cette importante manifestation sous la rubrique musique du présent numéro de Scènes Magazine. Programme Benjamin Righetti complet sous www.cullyclassique.ch A Montreux, le 1er juin au Château du Châtelard, des musiciens de l’Association Arabesque présenteront « Telemann, l’Européen », à la flûte à bec, à la viole de gambe et au clavecin. A Rougemont, l’église clunisienne du XIe siècle accueillera les musiciens du festival La Folia lors du week-end de Pentecôte, du 5 au 9 juin. S’y produiront, entre autres, le violoniste Giuliano Carmignola, les clavecinistes Pierre Hantaï, Skip Sempé et Ruedi Lutz, les Ensembles Les Folies Françoises et Obsidienne, ainsi que L’Arpeggiata, qui proposera un voyage autour de la Méditerranée en compagnie du sopraniste Vincenzo Capezzuto. A découvrir aussi une toute jeune formation genevoise de huit musiciens, Chiome d’Oro, avec la soprano Capucine Keller en soliste. Programme complet sous www.festival-la-folia.ch A Moudon, du 6 au 8, est annoncé un Festival des musiques populaires, avec tout un éventail de musiques dites traditionnelles ou populaires. En Valais, à Chamoson le 15, l’Ensemble Huberman présentera deux grands quatuors avec piano, l’un d’Ernest Chausson, l’autre de Dvorak, le u a l i t é m u s i q u e No 2, op.87, qui date de 1889. A Sion, le 6 à la Fondation de Wolff, la violoncelliste Ophélie Gaillard, le clarinettiste Fabio Di Casola et la pianiste Delphine Bardin joueront des œuvres de Schumann et de Brahms. A Neuchâtel, les 27 et 28 à la Collégiale, à l’initiative des organistes et pianistes Benjamin Righetti et Simon Peguiron, les cinq concertos pour piano de Beethoven seront accompagnés à l’orgue par des interprètes qui inverseront leurs rôles, passant de l’orgue au piano et vice-versa, d’un concerto à l’autre. Une démarche assez singulière et originale. Marie Kalinine © DR A Neuchâtel encore, le 8, et aussi à Mézières, le 15 au Théâtre du Jorat, mais après Besançon et Sochaux-Montbéliard, sera donnée une création mondiale du trompettiste de jazz Erik Truffaz, un musicien qui, pratiquant le métissage des genres, a composé un poème symphonique intitulé Avant l’Aube, pour trompette, électronique et orchestre. Cette création réunira l’Ensemble Symphonique Neuchâtel et l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté sous la conduite de Jean-François Verdier, directeur artistique du VHFC depuis 2010. A Bienne, au Stadttheater, dernières représentations, les 1, 13 et 15, de Die Entführung aus dem Serail de Mozart et le 12, de Figaro, une création de Christian Henking. Au Palais des Congrès, les 9 et 11, en version de concert, La Damnation de Faust de Berlioz aura pour interprètes, sous la direction musicale de Kaspar Zehnder, Gilles Ragon en Faust, Eric Martin-Bonnet en Méphisto, Marie Kalinine en Marguerite, Jean-Luc Ballestra en Brander, avec les chœurs réunis du Théâtre Bienne-Soleure et Lyrica de Neuchâtel et l’Orchestre Symphonique Bienne-Soleure. A Porrentruy le 7 et à Delémont le 8, récital du jeune pianiste JeanSélim Abdelmoula, qui jouera la Partita No 1, BWV 825, de Bach, la Sonate « Pastorale » de Beethoven, ainsi que la monumentale Sonate en sib majeur D 960, de Schubert. A Porrentruy encore, le 15, l’Espace Choral et l’Orchestre Musique des Lumières, avec Facundo Agudin à leur tête, interpréteront la Cantate BWV 131 de J.S.Bach, ainsi que des Motets de Victoria et de Mendelssohn. A Fribourg enfin, outre la représentation de Phi-Phi du 3, le théâtre L’Equilibre accueillera le Brussels Philharmonic et son chef Michel Tabachnik pour clore la saison de la Société des Concerts. Le programme comporte trois œuvres de Richard Strauss, les poèmes symphoniques Mort et Transfiguration et Ainsi parlait Zarathoustra, ainsi que Burlesque pour piano et orchestre, avec en soliste Lilya Zilberstein. Une soirée tout entière consacrée au compositeur bavarois, en commémoration du 150e anniversaire de sa naissance, le 11 juin 1864 à Munich. Yves Allaz scènes de juin Agenda genevois Le mois de juin est, plus qu’aucun autre, celui de la musique dans la Cité du bout du lac. Rendez-vous donc du 20 au 22 juin sur les différentes scènes du canton. Programme complet dès le 3 juin sur www.ville-ge.ch/culture/fm/. La saison s’achèvera sur la scène du Grand Théâtre avec les résonances de La Wally de Catalani, qui n’a pas été représentée à Genève depuis près de cinquante ans. Evelino Pidò sera à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande dans la fosse, tandis que la mise en scène est assurée par Cesare Lievi et que les décors sont signés Ezio Toffolutti. Le personnage éponyme sera chanté tantôt par Ainhoa Arteta, tantôt par Morenike Fadayomi ; Bálint Szabó sera Strommiger. Côté symphonique, l’Orchestre de la Suisse Romande recevra le 4 juin le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, qui interprétera une création de Jarrell. Thierry Fischer dirigera aussi des œuvres de Debussy et Berlioz. Le lendemain, le Nouvel Orchestre de Genève, conduit par Michel Dumonthay, jouera la Neuvième Symphonie de Beethoven, toujours au Victoria Hall. L’Académie Seiji Ozawa fera son traditionnel concert le 28 juin, dans la même salle : Béla Bartók sera alors à l’honneur. Enfin, l’OSR achèvera sa saison avec deux concerts : lors du premier, dans le cadre de la Fête de la Musique, la formation recevra le 21 juin, au Victoria Hall, le chef d’orchestre Alain Altinoglu et le violoniste Kristi Gjezi : des œuvres de Mozart, Saint-Saëns, Sarasate et Mendelssohn sont annoncées. Enfin, le 29 juin, l’orchestre dédiera une soirée à Honegger, Rimski-Korsakov et Tchaïkovski. Kazuki Yamada y tiendra alors la baguette, et le violoniste Daishin Kashimoto Kristi Gjezi exécutera le Concerto pour violon du dernier. Les amateurs de musique contemporaine retrouveront par ailleurs l’Ensemble Contrechamps au Théâtre du Galpon le dimanche 15 juin, avec un programme contenant Grisey, Janson, Haas, Ablinger. L’Orchestre de Chambre de Genève propose enfin une soirée surprise, le mardi 3 juin, au Bâtiment des Forces Motrices : la carte blanche sera donnée au violoniste Gordan Nikolic. Martina Diaz a c t u a l i t é 59 m u s i q u e (harpiste), Patrick Ayrton (clavecin) et Simon Savoy (piano) en tant que solistes pour un programme JS Bach (Suite no 3), Frank Martin (Petite Symphonie concertante) et Beethoven (Symphonie no 4). l’orchestre de chambre de genève Saison 2014-15 Sourire aux lèvres, c'est un Arie va Beek détendu qui a présenté sa deuxième saison en tant que directeur artistique et musical de l'Orchestre de Chambre de Genève. Le chef néerlandais a insisté sur la cohérence qu'il a cherché à établir dans un programme comprenant principalement huit soirées durant lesquels la musique se mêlera à d'autres formes artistiques, à savoir le dessin, les marionnettes et le cinéma. 60 Hervé Niquet abandonnera pour une fois l'ensemble qu'il a formé pour diriger l'OCG le mardi 17 février dans un programme mêlant les siècles en compagnie d'Isabelle Druet (Mezzo-soprano), Mathias Vidal (ténor) et Marc Labonnette (baryton) : Mozart (ouverture de Don Giovanni), de Arriaga (Symphonie en ré), Telemann (Don Quichotte) et de Falla (Le Retable de Maître Pierre – opéra en un acte). Cette dernière œuvre ayant été composée « pour chanteurs, marionnettes et orchestre », une collaboration a été concoctée avec la compagnie de marionnettes Bambalina. Et les mélomanes avertis qui connaissent le chef français se doutent qu'il veillera d'une baguette attentive à ce que le divertissement soit réussi. Retour à un programme plus classique le mardi 17 mars, avec JeanJacques Kantorow au pupitre et son fils Alexandre âgé de 16 ans au piano ! Sibelius (Suite Pelléas et Mélisande), Liszt (Malédiction pour piano et orchestre à cordes et le Concerto pour piano no 2) ainsi que Saint-Saëns (Symphonie no 2) à l'affiche. La saison débutera avec un duo francogenevois de solistes puisque Véronique Gens et Emilie Pictet, en compagnie du Chœur de femmes du Grand Théâtre, seront à l'affiche d'un programme Wagner (Deux entractes tragiques, arrangement de Henk de Vlieger), Berlioz (Herminie, scène lyrique pour soprano et orchestre) Mendelssohn (Le Songe d'une nuit d'été) que dirigera Arie van Beek le mardi 23 septembre (tous les concerts de soirée ayant lieu au Bâtiment des Forces Motrices à 20h). Un « Concert du dimanche au Victoria Hall » que dirigera Arie van Beek est annoncé le 27 février à 17h (Tehillim de Steve Reich et la Symphonie no 35 de Mozart). Un invité inattendu, le dessinateur-vidéaste Mariusz Wilczynski illustrera sur un écran la thématique originale du deuxième concert : les Animaux. Toujours dirigé par le chef titulaire, avec la Genevoise Sylviane Deferne et Maarten van Veen, pianistes en tant que solistes, la soirée proposera le jeudi 16 octobre des oeuvres de Respighi (Gli Uccelli – les oiseaux), Peter Jan Wagemans (Drie Vlinderderdansen – danses de papillons), Camille Saint-Saëns (Le Carnaval des animaux) et Haydn (Symphonie no 73 « La Chasse »). Concert hors norme le 30 avril puisque la phalange genevoise et Arie van Beek fêteront par le biais d'une « narration musicale » imprévisible - et donc à découvrir ! - les 200 ans de la fin de l'occupation française que la Cité de Calvin célèbre cette année. Arie van Beek La saison des concerts de soirée s'achèvera le mardi 2 juin toujours sous la direction d'Arie van Beek et avec David Guerrier (trompette) et Andreï Korobeinikov (piano) comme solistes pour une copieuse affiche comprenant des œuvres de Haydn (Symphonie no 90 et Concerto pour trompette) et Chostakovitch (Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes ainsi que la Symphonie no 9). Soirée plus sérieuse le lundi 24 novembre sous la direction de Joji Hattori et avec le ténor Donald Litaker avec La Valse triste de Sibelius, le Nocturne opus 60 de Britten pour ténor et orchestre à cordes et la Symphonie no 4 « tragiquze » de Schubert. Gabor Takacs-Nagy prendra le relais à la tête de l'OCG lors du premier concert 2015, le jeudi 15 janvier avec Geneviève Chevallier Le cinéma ne sera pas négligé puisque le spécialiste Philippe Béran dirigera deux ciné-concerts, le premier avec Le Cirque de Chaplin (le 26 novembre à Fribourg, le 2 décembre à Rolle et le 3 décembre au Victoria Hall), et Véronique Gens © M Ribes and Van Tao / Virgin Classics a c t u a l i t é m u s i q u e 61 L’Orchestre de Chambre de Genève © Gregory Batardon ensuite Les Lumières de la ville du même Chaplin (le 14 décembre à Montreux et le 17 au Forum Meyrin). Pour petits et grands, deux « Heures d'Arie». Le samedi 28 février (Pierre et le Loup de Prokofiev) et le 6 juin (L'Histoire de Babar de Poulenc). Et encore, des nourritures terres-tres avec « Musiques en bouche » le 27 mai à 12h15, et l'Apéro OCG le même jour à 18h. Et comme toujours d'autres concerts sont planifiés avec des chœurs locaux, le Concours de Genève. Mais on retiendra surtout la participation de l'OCG à la création mondiale conjointe par l'Opéra de Lausanne et le Grand Théâtre de Genève du Petit Prince, une composition de Michael Levinas avec une mise en scène de Lilo Baur (du 5 au 12 novembre à l'Opéra de Lausanne et du 6 au 10 janvier au BFM). Frank Fredenrich Isabelle Druet © Némo Perier Stefanovitch Patrick Ayrton a c t u a l i t é f e s t i v a l s instants. Et amplifiée par la beauté plastique de l’ensemble. Un peu à l’image de la polyphonie de gestes imaginée par le chorégraphe belge et marocain. Cette dernière mêle gestes, mythes, cultures et origines d’ici et d’ailleurs. Dansé par un quatuor de danseurs chinois et un interprète Un large éventail d’alphabets et expressions chorégraphiques se déploie au japonais, l’opus se veut une méditation axée fil du Festival Montpellier Danse. Anjelin Preljocaj cisèle des gestes sur un autour d’un corps placé sous surveillance conticanevas fragmenté. Sidi Larbi Cherkaoui explore une enfance tourmentée. nue. Pour le chorégraphe, l’humain naît et disparaît à l’hôpital, espace désincarné, aseptisé. De fait, il est un être profondément médicalisé, A la recherche du geste fulgurant comme de briquent dans une lenteur très apprêtée et traver- jaugé, testé, évalué en permanence sa vie durant. la parole la plus juste, Anjelin Preljocaj part du sées de micromouvements. Ils évaluent leur force Le récit mouvementiste incorpore ainsi des éclats tandem philosophique et musical formée du pen- gravitaire, leur pesanteur dans des configurations autobiographiques déclinant une enfance en seur et essayiste Henri-David Thoreau et du com- corporelles empreintes d’élasticité. Mais aussi souffrance, car médicalement assistée. positeur John Cage. Empty words permet à Cage d’une fascinante beauté conjuguée à l’étrangeté. La pièce s’ouvre sur ses danseurs fantômes de retravailler par cut-up, syncopes et brouillages Bien que le chorégraphe se tienne souvent en revêtus de tablier blanc et portant un masque le texte de Thoreau, La Désobéissance civile. réserve de toute volonté affirmée d’illustrer cho- antibactérien sur la bouche. De grands cubes Dans cet écrit, Thoreau accepte de s’en remettre régraphiquement un propos, on peut se rappeller translucides et mobiles enferment les danseurs. à l’autorité du gouvernement, dans la mesure où néanmoins dans ces anatomies comme chaînées Ils évoquent une atmosphère de laboratoire si celui-ci cherche à obtenir le consentement de ses que la vraie cause, libérale, défendue par bien décrite ailleurs par Michaël Ferrier dans administrés. C’est là le sens du progrès, de la Thoreau et suscitant sa révolte, est l’existence de Fukushima. Récit d’un désastre. Au Japon, l’hudémocratie ainsi que du respect pour l’individu et l’esclavagisme en son pays. « La seule voix qui main s’est fait cobaye et l’on demande aux réfules droits humains. Le philosophe y conclut : puisse hâter l’abolition de l’esclavage est celle giés de la catastrophe nucléaire de fournir des « Jamais il n’y aura d’État vraiment libre et de l’homme qui engage par là sa propre liberté », certificats de non-contamination. Avec une éclairé, tant que l’État n’en viendra pas à recon- écrit-il. musique jouant du puzzle des cultures et distillée naître à l’individu un pouvoir supérieur et indénotamment par un musicien indien joueur de pendant d’où découletambour, une pianiste rait tout le pouvoir et et un chant tibétain, l’autorité d’un gouCherkaoui relaie vernement prêt à trail’esprit d’une « entreter l’individu en prise de domesticaconséquence. » tion comme on a rareLa partition ment vu depuis l’avèsonore englobe la capnement de l’humanitation des réactions té », celle-là même courroucées du public pointée par Ferrier de l’époque. Afin de pour Fukushima. On ciseler des gestes sur n’oublie néanmoins un canevas fragmenté pas que le contact au cœur d’un quatuor physique peut se révéde danseurs, le choréler ici une déclinaison graphe reprend cette thaumaturgique face à «Genesis», chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui © Arnout André de la Porte partition sonore en un corps qui ne s’apébullition. « Empty moves est composée d'acpartient plus. Ni la beauté simple et épurée de tions et mouvements inspirés par les paroles et Vie auscultée boules en cristal ou celle pareille à une lymphe Au détour de Genesis, Sidi Larbi Cherkaoui marquant magnifiquement les gestes d’une veste phonèmes lus par John Cage au Teatro Lirico de Milan et enregistrés en public le 2 décembre explore une enfance tourmentée en estampant à manches très allongées qui matrice et froisse 1977. La notion de distanciation, de désagréga- l’espace de paysages corporels puisés à même sa les lignes corporelles de Yabin Wang. tion du mouvement et d’une nouvelle articulation collaboration avec la star chinoise, danseuse et Bertrand Tappolet du phrasé chorégraphique prime sur leur sens et chorégraphe Yabin Wang. Il y a dix ans, elle a dansé dans le blockbuster de Zhang Yimou, Le leur essence », explique Preljocaj. Au plateau, les danseurs délaissent le narra- Secret des poignards volants, une sarabande gra- Festival Montpellier Danse. Du 22 juin au 9 juillet. tif, la fable. Des tableaux abstraits se déploient en phique dans les plis d’un film d’arts martiaux se Rens. : www.montpellierdanse.com un mouvement qui est à la fois fluide et flux tenant en 859 et en apesanteur. Un filmage des continu. Les corps se tuilent, s’encadrent, s’im- corps rehaussé par une virtuosité de tous les édition 2014 Montpellier danse 62 a c t u a l i t é f e s t i v a l s festival de colmar festival Sur disque, le nom d’Evgueny Svetlanov est associé à d'innombrables enregistrements. Le festival alsacien rend hommage à un maestro qui a incarné la musique symphonique russe. La 34e édition du grand rendez-vous jazzisitique se déroulera du 27 juin au 12 juillet 2014 dans la Cité gallo-romaine, à moins de 30 kms au sud de Lyon. A Colmar, tout comme dans le reste du monde, Evgueny Svetlanov a dirigé son Orchestre symphonique d’Etat de Russie dans des concerts qui ont marqué les mémoires; c'était entre 1992 et 1996. Ami du musicien et directeur artistique de la manifestation, Vladimir Evgueny Svetlanov Spivakov a proposé de lui rendre hommage. Comme dans les éditions précédentes, le choix d'une personnalité emblématique va permettre d'offrir aux mélomanes une variété de productions et de concerts, impossible d'évoquer ici de façon un tant soit peu exhaustive... Dans le bâtiment du Koïfuss, qui abritera comme chaque année une exposition, on rappellera les débuts brillants d'Evgueny Svetlanov au Bolchoï. Mais plus nombreux seront les documents qui attesteront de son long et talentueux travail à la tête de l'Orchestre symphonique d'Etat de l'URSS. Qui n'a pas un disque dans sa bibliothèque sonore ? Du 3 au 14 juillet, toute la ville sera une salle de concerts “multi sites“. Le Koïfuss servira d'écrin pour la musique de chambre, avec notamment Romain Descharmes et Sarah Nemtanu, bien évidemment dans un programme de musique russe (8 juillet). La Chapelle Saint-Pierre offre un cadre plus élargi pour cette musique; s'y produiront, entre autres, le Quatuor Sine Nomine (avec Marie-Pierre Langlamet, harpe) dans une affiche, cette foisci de musique française, peut-être bien pour matérialiser l'amitié francorusse (9 juillet). La splendide église Saint-Matthieu sera sans nul doute le lieu le plus proche de l'esprit du dédicataire. L'Orchestre National Philharmonique de Russie (phalange “en résidence“, mais pas la seule à s'y produire), dirigée par Vladimir Spivakov, proposera le Premier concerto de Tchaïkowsky (avec Alexander Romanovsky au clavier) et la Première Symphonie de Rachmaninov (6 juillet). Le 10, Mahler sera à l'affiche (Kindertotenlieder et Symphonie n°1); à cette occasion, le soliste sera Mathias Goerne. Mais le grand disparu ne sera jamais aussi présent que le 11 juillet, lorsque la même formation jouera, à côté de pages de Rachmaninov, des Variations pour harpe et orchestre du grand Svetlanov. Connaissant l'aspect flamboyant et coloré de la direction de cette figure tutélaire, il y a fort à parier que ces concerts seront intenses et incandescents. Et le mélomane appréciera sans doute de retrouver, entre les concerts, les terrasses accueillantes de la pittoresque cité. Comme dans tout festival de cette envergure, ce sont plusieurs dizaines de concerts qui sont proposés chaque jour, dans l’impressionnant cadre du Théâtre Antique, bien sûr, mais aussi, et pour des concerts gratuits, sur une dizaine d’autres scènes parmi lesquelles le Club de Minuit, dans l’écrin intime du ravissant Théâtre, ou les Scènes de Cybèle, dans un jardin ombragé en plein centre-ville. Mais venir à Vienne, c’est aussi l’occasion de visiter ses adresses gourmandes dont la légendaire et étoilée Pyramide fondée par le grand Fernand Point au temps de la Nationale 7. Dans la riche programmation au Théâtre Antique, on n’aura que l’embarras du choix entre le Paolo Fresu Quintet + Paolo Conte (samedi 28 juin), l’Orchestre national de Lyon et Stefano Bollani + Youn Sun Nah Quartet (mercredi 2 juillet, avec la possibilité d’entendre à nouveau la chanteuse coréenne le lendemain au Club de Minuit en duo avec le grand guitariste Ulf Wakenius), les arrangements de l’éternellement jeune Quincy Jones (jeudi 3 juillet), le blues de Thomas Schœffler Jr + Buddy Guy (vendredi 4 juillet), les guitare heroes Joe Satriani + Jeff Beck (dimanche 6 juillet), la guitare de Thomas Dutronc + le jeune crooner Jamie Cullum (lundi 7 juillet), le Daniel Humair Quartet (mardi 8 juillet), la virtuosité vocale de Bobby McFerrin (mercredi 9 juillet), la voix de velours de Gregory Porter + le trompettiste arrangeur Tom Harrell dans une formation comprenant la troublante Esperanza Spalding à la basse et au chant (samedi 12 juillet). Hommage Jazz à Vienne Pierre Jaquet Esperanza Spalding © Sandrine Lee Ce bref échantillon ne rend qu’imparfaitement compte de la divesité d’une programmation ouverte à tous les jazz d’où qu’ils viennent. Vous aimez le Funk, la Soul, le Free Jazz, le rap, les musiques d’Afrique, du Brésil, de New Orleans? Jazz à Vienne a ce qu’il vous faut. Festival international de Colmar 8, rue Kléber - FR-68000 COLMAR - 27 concerts du 3 au 14 juillet 2014 - Tél. : +00 33 (0)3 89 20 68 97 - [email protected] a c t u a l Christian Bernard i t é 63 f e s t i v a l s Vous avez aimé Falstaff de Verdi ? Vous allez adorer Les joyeuses commères de Windsor de Nicolai d’après la comédie de Shakespeare ! 6, 8, 11, 13, 15 JUIN DIE LUSTIGEN WEIBER VON WINDSOR OTTO NICOLAI lyon, les nuits de fourvière Diversité Année après année, sous l’impulsion de son directeur Dominique Delorme, Les Nuits de Fourvière se parent d’audace et d’originalité. Théâtre, musique, danse, opéra, cirque, cinéma... PHOTO : © RIFAIL AJDARPASIC Petit florilège des spectacles de théâtre et de danse qui vous attendent en juin et juillet. Théâtre et Théâtre musical T 021 315 40 20 WWW.OPERA-LAUSANNE.CH DU 4 AU 12 JUILLET 2014 CARMEN C’est un opéra imaginé par Robert Wilson qui posera la première pierre de cette édition du mardi 3 juin au vendredi 6 juin à 22h. Zinnias : The Life of Clementine Hunter célèbrera deux siècles de musique noire américaine avec la complicité de Bernice Johnson Reagon, Toshi Reagon et Jacqueline Woodson. Dans le même temps, Gwenaël Morin, reviendra hanter les fins de journée de ses tragédies grecques avec Ajax, Œdipe roi et Électre qui hurleront leur colère dans les ruines romaines du sanctuaire de Cybèle : Ajax, du mardi 3 juin au samedi 21 juin, 18h30 / Oedipe Roi, du mardi 24 juin au samedi 12 juillet, 18h30 / électre, mardi 15 au mercredi 30 juillet, 18h30. Manon des Sources & Jean de Florette, samedi 7 juin et dimanche 8 juin à 20h par la compagnie Comp. Marius. L’Eau des collines, diptyque romanesque écrit par Marcel Pagnol, sera patiné du souffle et de l’accent flamand. Du lundi 16 juin au vendredi 4 juillet à 19h, Jean-Pierre Vincent s’attaquera à huit courtes pièces de Mark Ravenhill : War and Breakfast et Armand Gatti, du 29 au 31 juillet, à l’un de ses écrits dramatiques, Résistance selon les mots, tiré du recueil La Traversée des langages. Mardi 17 juin et mercredi 18 juin, 21h : La Veuve et le Lettré de Wang Renjie avec Zeng Jingping, Théâtre Liyuan. Vendredi 20 juin et samedi 21 juin à 22h, Toutaristophane, Fragments. Lectures par Eric Elmosnino, Hervé Pierre (sociétaire de la Comédie-Française) Ariane Ascaride, Christine Citti, Manuel Le Lièvre. Le dimanche 13 juillet à 22h au Grand Théâtre (en première française). Après avoir présenté aux Nuits de Fourvière ses relectures pleines d’invention de La Flûte Enchantée et de Carmen, l’Orchestra di Piazza Vittorio revient avec Le Tour du Monde en 80 minutes. Du dimanche 22 juin au samedi 28 juin à 20h30 à la Maison de la Danse : Golgota de Bartabas. Danse Lundi 23 juin et mardi 24 juin à 22h au Grand Théâtre : Répertoires #1, florilège hip-hop pour trente danseurs, naîtra du souffle de cinq chorégraphes contemporains sous la houlette de Mourad Merzouki. Il s’enrichit des partitions classiques d’Anthony Égéa, des chorégraphies ciselées de Bouba Landrille Tchouda, des récits oniriques de Kader Attou et de la danse instinctive de Marion Motin. Lundi 30 juin et mardi 1er juillet à 22h à l’Odéon : Gymnopédies & Henri Michaux : Mouvements, chorégraphies de Marie Chouinard, musique d’Erik Satie Nancy Bruchez AVEC BÉATRICE URIA MONZON NOËMI NADELMANN JORGE DE LEON FRANCK FERRARI BILLETTERIE WWW.AVENCHESOPERA.CH Programme complet sur www.nuitsdefourviere.com a c t u a l i t é f e s t i v a l s tion, à travers le cycle de lecture de Lydie Dattas, où elle présentera deux textes en rapport avec Jean Genet : « La nuit spirituelle », « La chaste de vie de Jean Genet », puis « Les amants lumineux » et « La foudre », texte né de l’intimité avec la famille Bouglione. Les poètes dramaturges auront leur place sur les planches, avec l’Orlando ou l’Impatience d’Olivier Py, qui présentera également lors de ce festival sa reprise de La jeune fille, le diable et le moulin et Vitrioli, sur un texte de Yannis Mavritsakis. Py a annoncé un « fil rouge grec » au long de ce festival, qui nous permettra de découvrir O Kyklismos tou tetragonou de Dimitris Dimitriadis. L’Europe sera représentée avec des spectacles d’Emma Dante, Gianina Crbunariu, Fabrice Murgia, Ivo van Hove, Josse de Pauw et Kris Defoort. festival Avignon 2014 Olivier Py, premier artiste à diriger le festival après Jean Vilar, a souhaité porter l’accent lors de sa présentation de saison sur le retour au texte et sur la vocation populaire du festival. Musique / danse Ainsi, dans l’espoir de rajeunir le public, les moins de vingt-six ans pourront bénéficier d’un abonnement avantageux : quatre spectacles pour quarante euros. Les « grands spectateurs » pourront aussi accéder dès le cinquième spectacle à des tarifs intéressants. Py cherche également à opérer ce qu’il appelle la décentralisation « la plus compliquée » : celle qui se fait sur trois kilomètres ! On pourra assister à un spectacle itinérant : Othello Variation, de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, où le mot « maure » sera systématiquement remplacé par « arabe », ce qui permettrait d’envisager l’œuvre sous l’angle du racisme. Côté musical, on notera une collaboration avec l’Abbaye de Royaumont pour un concert de cinq chants orientaux, un cycle de musique sacrée, la présence de la musique dans des spectacles comme Lied Ballet de Thomas Lebrun, Coup fatal d’Alain Platel, ou encore avec Haeeshek d’Hassan el Geretly, qui présentera l’Egypte d’aujourd’hui à travers la forme du cabaret et du conte. La réflexion fera toujours partie intégrante du festival, avec le retour des Sujets à vifs proposés par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Le public pourra également se retrouver entre dix heures du matin et minuit à la Faculté des sciences afin de réfléchir et débattre sur les sujets du festival. Les enfants auront un lieu privilégié pendant ce festival : la chapelle des Pénitents Blancs. Ils pourront assister dans ce lieu aux représentations de Falstafe de Novarina par Lazare Henrson-Macarel, Même les chevaliers tombent dans l’oubli de Gustave Akakpo par Matthieu Roy et La jeune fille, diable et le moulin par Olivier Py. Grands textes Pour ce qui est du retour aux textes, on notera le retour du Prince de Hombourg, mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti, et qui ouvrira le festival à la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Henri VI sera présenté en 18h à la Fabrica, dans une mise en scène du jeune Thomas Jolly. Autre grand texte : Mahabharata sera donné à nouveau à la carrière de Boulbon, trente ans après Peter Brook. Mais cette fois, on assistera uniquement à un épisode de cette fresque, celle du roi Nala, dans la mise en scène de Satoshi Miyagi, qui emprunte des codes du kabuki. Les poètes contemporains trouveront également leur place dans cette édi- a c t Olivier Py, directeur du Festival d'Avignon © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Le festival in s’achèvera en même temps que le off avec une dimension musicale et festive : les Têtes Raides investiront la Cour d’Honneur du Palais des Papes avec Corps de Mots. Anouk Molendijk Programme sur : www.festival-avignon.com Palais des papes © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon. u a l i t é 65 f e s t i v a l s chambre de Bâle dans les Indes galantes de Rameau, le 24e Concerto pour piano de Mozart et la musique de scène pour l’Arlésienne de Bizet. gstaad Menuhin Festival Habitués et découvertes intitulée “Music in Motion”, c’est sous le signe du mouvement et de l’émotion que sera placée l’édition 2014 qui se déroulera du 17 juillet au 6 septembre. Grande nouveauté introduite cette année par Christoph Müller, directeur artistique du festival: une master class de direction d’orchestre. Gstaad Conducting Academy 66 Assister à une master class de haut niveau ouverte au public, comme le Menuhin nous en a offert la possibilité ces cinq dernières années avec par exemple le chant sous la direction de Silvana Bazzoli Bartoli et Cecilia Bartoli, ou le piano sous la direction d’Andras Schiff - est une expérience particulièrement instructive que n’offre pas le concert : on voit et on entend le travail plutôt que le résultat. Cette année l’offre est plus riche que jamais: chant (Silvana Bazzoni Bartoli), piano (Leon Fleisher), cordes (Igor Ozim, Wonji Kim, Ettore Causa, Ivan Monighetti), musique baroque (Maurice Steger). Avec, pour la première fois, ce cours de maître d’une durée de trois semaines ouvert à 17 jeunes chefs en début de carrière, animé par le grand chef estonien Neeme Järvi assisté de Leonid Grin et Gennady Rozhdestvensky avec le concours du Gstaad Festival Orchestra. Neeme Järvi précise que les participants « sont jeunes mais déjà formés, connaissent parfaitement la musique. La plupart possèdent déjà leur propre orchestre. Ce qu'ils viennent chercher ici, c'est la chose la plus dure à acquérir pour un chef: une technique. À savoir cette capacité à parler à l'orchestre avec les mains, qui n'a rien à voir avec la simple battue». Programme détaillé sur www.gstaadacademy.ch. Christian Zacharias Il est l’artiste en résidence 2014. Le pianiste et chef d’orchestre ouvrira les feux avec trois concerts à l’Eglise de Saanen d’abord en solo dans des Sonates de Mozart et Schubert, puis avec la violoniste Baiba Skride et la violoncelliste Sol Gabetta dans un programme Beethoven et Schubert, enfin à la tête de l’Orchestre de Le Menuhin a ses habitué(e)s que l’on se réjouit de retrouver. Ainsi Sol Gabetta déjà nommée, pour trois concerts et la souvent surprenante violoniste Patricia Kopatchinskaja, pour trois concerts également. On les entendra ensemble dans un Pas de deux… mêlant Bach, Haydn, Ravel, Xenakis et Vasks (commande du festival). Habituée toujours, la très libre Katia Buniatishvili donnera le Concerto pour piano de Grieg accompagnée du Gstaad Festival Orchestra dirigé par Neeme Järvi, ainsi qu’un récital à Saanen comprenant les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, ainsi que, de Ravel, Gaspard de la nuit et La Valse. Signalons au chapitre jazz, jamais négligé par le Menuhin, le retour de Bobby McFerrin, d’autant que le prodige viendra accompagné d’amis dont la bassiste et chanteuse Esperanza Spalding… Première venue à Gstaad en revanche pour la violoniste Isabelle Faust que l’on entendra en compagnie de Kristian Bezouidenhout dans des Concertos pour violon et clavecin de Bach, puis, deux jours plus tard, dans un programme intitulé La beauté de Bach et Pärt. Concerts symphoniques Retour cette année du London Symphony Orchestra placé sous la direction d’Antonio Pappano pour un gala de prestige avec Diana Damrau, Joseph Calleja et Thomas Hampson dans des airs d’opéras italiens et français. Avec le LSO toujours, Janine Jansen donnera le Concerto pour violon no. 1 de Bartok. Début septembre le festival accueillera le ténor Gaston Rivero et la mezzo Vesselina Kasarova dans une version de concert de Carmen avec le Chœur et l’Orchestre de Fribourg-en-Brisgau et, pour le concert de clôture, l’Orchestre philharmonique de la Scala de Milan placé sous la baguette de Daniel Harding dans la 4ème Symphonie de Tchaïkovski, ainsi que la soprano Christine Schäfer dans les Vier letzte Lieder de R. Strauss. Christian Bernard Rens. sur www.menuhinfestivalgstaad.ch Christian Zacharias a c t u a l i t é f e s t i v a l s 67 a Antonio Pappano © MusacchioIanniello licensed to EMI Classics Christine Schaefer Isabelle Faust, photo Felix Broede Bobby McFerrin c t u a l i t é f e s t i v a l s entretien : raymond duffaut jonction d’une 3ème représentation de Carmen en 2015. Chorégies Pour revenir à l’édition 2014, on voit pour Nabucco beaucoup de nouveaux venus aux Chorégies … Directeur général des Chorégies d’Orange depuis 1981, Raymond Duffaut nous présente l’édition 2014 du festival ainsi que les perspectives à plus long terme. Comme en 2011 où étaient présentés Aida et Rigoletto, 2014 est à nouveau une édition « Tutto Verdi ! » avec cette fois Nabucco et Otello… 68 Tout à fait, mais sans grande prise de risque, par exemple Martina Serafin qui est une grande soprano lirico dramatique d’aujourd’hui, chantera – il est vrai – Abigaille pour la première fois, mais je pense que c’est un rôle qu’elle peut aborder avec ses propres qualités. C’est aussi une première pour Karine Deshayes en Fenena, et les autres titulaires principaux ne seront pas en prise de rôle, mais simplement à Orange pour la première fois. La mise en scène de Jean-Paul Scarpitta ne sera pas le spectacle qu’il avait monté à Rome, mais construite sur la base d’un nouveau dispositif scénographique, avec de nouvelles vidéos et des costumes entièrement conçus pour les Chorégies. Oui, ce n’est pas une constatation nouvelle, mais pour ce qui concerne la proPour Otello, l’équipe artisgrammation on s’aperçoit que dès que tique est bien habituée aux lieux… l’on sort des sentiers un peu battus aux Là, il s’agira d’une production issue de Chorégies, les choses ne sont pas possicelle montée pour l’opéra de Marseille bles, avec des résultats qui deviennent la saison passée, mais avec évidemment très vite problématiques. Problèmes auxune approche scénographique totalequels on se trouve d’ailleurs confrontés ment différente, puisque les décors qui actuellement, préoccupants pour l’avenir étaient conçus à l’origine pour un théâdes Chorégies. Depuis des années, nous tre fermé, ont été complètement revus, alertons sur la situation financière des en partant sur un jeu de miroirs et un sol Chorégies qui est extrêmement fragile, déstructuré. C’est une production avec toujours sur le fil du rasoir, ayant toule festival de Savonlinna en Finlande jours dit que tant qu’on pouvait assurer qui reprendra cet Otello en 2016, et un taux d’autofinancement de plus de parallèlement Savonlinna fera Boris en 80%, le résultat était alors quasiment 2015 que nous reprendrons 2 ans plus équilibré. Mais si par malheur un ouvratard. ge marche un peu moins bien, on passe Sur l’aspect vocal, Roberto très vite dans le rouge. Le Ministère de Karine Deshayes © Vincent Jacques Alagna est en prise de rôle … la Culture a chiffré un re-subventionneOui, une prise de rôle importante, un ment annuel de nos partenaires instituemploi lourd auquel j’ai toujours cru, j’espère ne pas me tromper. Je vous tionnels à la hauteur de 600 000 €, pour que nous puissions travailler nordirais qu’après l’avoir entendu récemment, dans Le dernier jour d’un malement et assurer la pérennité du festival. Il faut savoir qu’en gros les Condamné où je l’ai trouvé particulièrement en forme, avec un grave et un subventions n’ont pas bougé depuis 20 ans (pour un total de 830 000 €), et bas médium extrêmement bien exprimés, cela m’a rassuré – pour autant au bout d’un certain temps on ne peut plus faire de miracle ! Et ceci malgré que je devrais l’être ! – sur la manière dont il pourrait aborder Otello. C’est le fait que nous avons doublé le montant du mécénat en 2 ans, pour arriver un rôle auquel il tient beaucoup, il à un montant très largement au-desl’aborde d’ailleurs en concert fin sus de la subvention la plus imporjuin à Paris à la Salle Pleyel. tante, qui est celle de l’Etat. Voilà Comme à Marseille, il sera aux ce qui m’avait conduit à proposer côtés d’Inva Mula et de Sengcette programmation pour 2014, et Hyoun Ko, cette fois-ci dirigés par aussi amené à retravailler sur l’affiMyung Whun Chung. che à partir de 2015 de manière à Et puis Carmina Burana proposer des ouvrages qui sont cenen juillet, Plasson, Yoncheva, sés s’adresser au plus large public, Cencic ; est-ce la première fois et ne prendre a priori aucun risque. qu’un contre-ténor se produit au D’où le remplacement de Samson et Théâtre antique ? Dalila par le Trouvère en 2015, le Je pense que c’est effectivement la glissement de Boris Godounov de première fois qu’un contre-ténor 2016 vers 2017 et son remplaceMax Emanuel Cencic © Laidig s’y produit, du moins sur les 40 derment par Butterfly, ainsi que l’ad- e n t r e t i e n f e s t i v a l s festival de radio-france et montpellier Centenaire 1914-2014, le Festival de Radio-France et Montpellier célèbre en juillet le centenaire du début de la première guerre mondiale, avec une affiche en partie dédiée à cette thématique. Robreto Alagna, photo Studio Harcourt nières années. Et je précise qu’aucune sonorisation n’est prévue a priori. Le belcanto sera aussi à l’honneur avec un concert Rossini / Donizetti défendu par deux spécialistes de ce répertoire … Oui, la soirée est programmée entre les deux représentations d’ Otello. Patrizia Ciofi retrouvera les Chorégies, dont elle est l’une des sociétaires les plus assidues, et nous accueillerons Daniela Barcellona pour la première fois, dont je garde le vif souvenir de ce Requiem de Verdi dirigé par Abbado en 2001 à Berlin. Luciano Acocella sera placé à la direction musicale, lui qui a assuré jusqu’à présent les concerts en juin de Musiques en Fête, est programmé pour la première fois à l’intérieur du festival. On annonce pour 2015 Carmen avec un Don José qui devrait attirer les foules : Jonas Kaufmann… C’est cela, trois représentations de Carmen avec Jonas Kaufmann et Kate Aldrich, dirigés par Mikko Franck. Jonas Kaufmann était venu à Orange en 2006 pour un Requiem de Mozart et il était pratiquement inconnu du grand public à l’époque, ce qui n’est plus exactement le cas aujourd’hui ; nous avons travaillé à son retour depuis longtemps, et la décision est prise depuis 3 ans. Pour l’édition 2015, Roberto Alagna sera distribué dans le Trouvère (dirigé par Bertrand de Billy) et non plus dans Samson donc, avec Sonya Yoncheva en prise de rôle, Marie-Nicole Lemieux qui aborde d’ailleurs Azucena cet été à Salzbourg et Franco Vassallo. Au programme aussi une soirée avec Joseph Calleja et Anna Caterina Antonacci, et un autre concert sous la baguette de Bertrand de Billy. La soirée « Musiques en Fête » du 20 juin est-elle reconduite, avec une diffusion en direct à la télévision ? Oui, le programme en sera précisé bientôt, avec Luciano Acocella au pupitre, et Didier Benetti pour les pièces plus légères. La soirée sera diffusée en prime time sur France 3, et concernant les autres retransmissions, Carmina Burana sera enregistrée puis diffusée le 9 août, alors qu’Otello sera donné en direct sur France 2 le soir de la 2ème représentation. France Télévisions reste un partenaire majeur au niveau de la notoriété des Chorégies d’Orange. Propos recueillis par François Jestin Le concert du 16 juillet dirigé par Alain Altinoglu sera au cœur du sujet, en proposant un programme de musique allemande que l’on pouvait entendre outre-Rhin pendant la guerre, et puis Maurice Ravel, en son temps envoyé au front, sera également à l’honneur : une soirée le 18 avec le Philharmonique de France, une autre le 21 – Jean-Claude Casadesus dirige l’Orchestre National de Lille – aux côtés d’Adam Laloum qui interprétera le Concerto pour la main gauche, composé par Ravel pour un pianistesoldat autrichien amputé du bras droit. Coupe du monde de football oblige, la soirée d’ouverture le 13 juillet à 18h30 intitulée « Les tubes des pays champions », devrait permettre aux afficionados (sauf moult rappels et prolongations…) de vibrer devant leur poste de télévision à 21h00 pour la finale. Trois opéras en version de concert seront donnés au Corum, en commençant par Zingari de Leoncavallo, le 15 juillet (jumelé avec des pièces orchestrales de Massenet), qui rassemble Anna Pirozzi, Stefano Secco, Fabio Capitanucci, Sergey Artamonov, dirigés par Michele Mariotti. La rare Caterina Cornaro de Donizetti sera défendue (le 22) par Elena Mosuc dans le rôle-titre et Paolo Carignani à la baguette, avant que le festival n’apporte sa contribution (le 24) au 250ème anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau, en proposant Castor et Pollux dans une distribution très prometteuse : Colin Ainsworth, Stéphane Degout, Emmanuelle de Negri, Clémentine Margaine, Sabine Devieilhe, accompagnés par Raphaël Pichon et l’Ensemble Pygmalion. Au registre vocal encore, le couple à la ville Natalie Dessay – Laurent Naouri interprétera (le 20) un programme de mélodies françaises (Fauré, Duparc, Poulenc, Gianandrea Noseda …), avec Maciej Pikulski au piano. Sont © Sussie Ahlburg attendus également parmi bien d’autres le chef Gianandrea Noseda (le 23) aux commandes de l’Orchestre National de France, le violon solo de Renaud Capuçon (le 19), le pianiste Alexandre Tharaud (le 25) dans un programme Mozart, Mahler, Beethoven. A noter encore le 17 juillet un concert de musique électronique, « spatialisé en son 3D », et puis en clôture du festival, la « Fête du violon » rassemblera le 26 juillet Marina Chiche, Michael Barenboim et Dorota Anderszewka sous la direction d’Enrique Mazzola et l’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. François Jestin www.festivalradiofrancemontpellier.com www.choregies.fr a c t u a l i t é 69 f e s t i v a l s entretien : bernard foccroulle Aix-en-Provence Bernard Foccroulle, Directeur du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, nous présente la programmation de l’édition 2104, riche de nombreuses nouvelles productions, avec une reprise qui promet, celle de La Flûte enchantée selon Mc Burney... D’abord peut-être un mot sur la disparition de Patrice Chéreau, dont la dernière mise en scène fut celle d’Elektra à Aix l’été dernier … 70 Un peu après ma prise de fonction, je lui avais proposé Elektra en 2007 et il n’avait pas dit oui tout de suite. Il a fallu un délai d’à peu près 3 ans avant qu’il ne donne sa réponse, il hésitait, il trouvait que la scène des servantes au début était très hystérique et trop violente, et il n’avait pas pris tout de suite cette proposition comme la chose évidente, mais c’était caractéristique de Chéreau, il prenait du temps avant de se décider pour des projets. Mais une fois sa décision prise, je pense que les choses à ce moment-là se sont précisées assez rapidement, il a beaucoup travaillé, beaucoup parlé avec Waltraud Meier dont il était très proche et qui l’a, je pense, nourri dans sa propre perception du rôle de Clytemnestre. Ensuite il a eu un tel appétit de monter cette œuvre, il avait envie un an à l’avance de mettre en route les répétitions, et pendant la période de travail à Aix, il était en chimiothérapie, à la fois très fatigué et en même temps complètement porté par la pièce et surtout par sa relation avec les trois chanteuses clés avec lesquelles il a développé un lien d’une très grande empathie. Ce qu’il m’a répété très clairement à deux reprises, c’est que c’était sans doute la production dans laquelle il s’était senti le plus heureux en période de répétition, comme si la fatigue qui était la sienne était compensée par le sentiment d’être en parfaite adéquation avec ses interprètes et avec l’œuvre. De ce point de vue-là, je trouve que le chef Esa Pekka Salonen a été remarquable, présent, très discrètement présent d’ailleurs pendant les répétitions, suivant le travail de Chéreau comme un assistant à la mise en scène, très passionné. Alors qu’ils ne se sont pas beaucoup parlé, ils se sont totalement compris. Il y a eu une sorte d’osmose entre le travail de transparence de la musique, en évitant la saturation sonore, qui a e permis justement à toute cette humanité du travail de Chéreau sur ces trois femmes de s’exprimer beaucoup mieux qu’on ne peut l’entendre au disque ou la plupart du temps sur les scènes d’opéra. On parle aujourd’hui d’opéra tellement souvent en termes de metteur en scène, moi je pense a contrario que le rôle du chef d’orchestre et des chanteurs reste capital, et cette production paradoxalement le prouve. Il faut un chef d’orchestre au meilleur de lui-même et totalement investi musicalement et théâtralement, c’est quand même lui ensuite qui tient le specta- moment où j’allais entrer en contact avec Mc Burney, j’apprends que Pierre Audi, directeur de l’Opéra d’Amsterdam, a déjà le projet de monter La Flûte avec lui. Je contacte alors Pierre Audi et nous décidons d’une coproduction. Celle-ci a déjà été montrée à Amsterdam, mais il faut savoir que Mc Burney est un metteur en scène extrêmement créatif, donc c’est une Flûte qui ne ressemble à aucune autre, racontée de façon très personnelle, très originale, très dramatique aussi à certains moments. C’est quelqu’un qui à chaque reprise remet la pièce sur le métier, ce qui est passionnant et peut être aussi inquiétant car nous savons qu’il va être très exigeant dans la période de répétitions. Entre-temps, la pièce a été reprise à Londres où elle était techniquement beaucoup plus élaborée, mais artistiquement un peu moins convaincante. Nous espérons donc à Aix obtenir la convergence maximale de ces deux éléments, avec en plus un chef d’orchestre particulièrement attendu, Pablo Heras-Casado, l’un des plus brillants de sa génération, élu le chef de l’année en Amérique, qui se montre convaincant dans tous les répertoires qu’il aborde. Pas de création pour cette édition ; on se souvient de Written on Skin de George Benjamin en 2012… Du point de vue de la création d’opéra, je dirais que c’est un petit pas de côté, nous avons toutefois cette année plusieurs créations mondiales dont une pièce importante de Manfred Trojahn destinée à Sabine Devieilhe, sur des textes de René Char, un compositeur de premier plan, très francophile. Pour être tout à fait franc, après 2013 année de la Capitale de la Culture, j’avais fait bien attention de ne pas surcharger la barque de 2014. L’édition 2013 s’est heureusement bien terminée, avec un résultat financier équilibré, mais si on veut bien gérer les choses, on ne peut pas systématiquement prendre des risques à répétitions. Des créations lyriques toutefois, il y en aura au moins une, voire deux, dans les années qui viennent. Simon McBurney © Chr. Raynaud de Lage cle. Le festival reste fidèle à sa tradition mozartienne, avec cette année La Flûte enchantée dans une production existante… Il y a quelques années lorsque nous avons commencé à réfléchir à La Flûte, dont le « tour » revenait assez naturellement, parmi les metteurs en scène auxquels je pensais il y avait Simon Mc Burney que tout le monde de l’opéra rêve de séduire depuis des années et des années. Au n t r e On ne retrouve pas le Grand SaintJean, comme lieu du festival cette année. On se souvient aussi de son absence certaines années passées ; est-ce un lieu qui peine à trouver sa pérennité dans la programmation ? Il était déjà absent en 2008 et 2009, pour des raisons différentes d’aujourd’hui. J’ai été nommé en 2006 et me suis très vite rendu compte que la fin du Ring allait être financièrement t i e n f e s t i v a l s l’identité XVIIIème du festival, de ce point de vue c’est l’idéal. Haendel prend-il une place aussi importante que Mozart à Aix ? Olga Peretyatko sera Fiorilla dans le « Turc en Italie » très lourde pour le Festival, on a dû faire un plan d’économies, qui intégrait la décision de ne pas aller au Grand Saint-Jean pendant 2 ans. En 2014, la Ville nous dit aujourd’hui que la dégradation de l’enveloppe extérieure de la Bastide fait que la sécurité du public ne peut être garantie. La Ville nous a promis de s’en occuper pour 2016, et nous espérons fermement que l’ensemble du site soit restauré pour y revenir avec un projet fort en 2016. A terme je pense que la présence du Festival au Grand Saint-Jean, et de l’Académie en particulier, y sera renforcée. Pas d’opéra français à l’affiche en version scénique… Je pense qu’il n’y a pas de festival sans Mozart, mais qu’il peut très bien y avoir un festival sans opéra en français, je crois que ça ne fait pas partie du cahier des charges, mais il y aura des opéras français très importants dans les années qui viennent, donc c’est plus conjoncturel que délibéré. C’est un compositeur que j’ai découvert un peu sur le tard. Lorsque j’étais jeune musicien, en comparant Haendel par rapport à Bach, j’avais le sentiment d’un musicien plus superficiel, mais je ne le mesurais pas à sa juste valeur. Depuis que j’ai commencé à travailler l’opéra, dont Agrippina à Bruxelles, je trouve qu’il y a une écriture vocale sans égal dans la première moitié du XVIIIème, dans les registres de la virtuosité, de l’expressivité. On y trouve également un équilibre musical, vocal et théâtral très satisfaisant, sachant que l’on dispose aujourd’hui de chanteurs au top niveau dans ce répertoire. L’Académie a-t-elle un rôle majeur ? La place de l’Académie reste plus importante que jamais. Comme nous avons cette année une petite forme – tout de même exceptionnelle, avec le Winterreise chanté par Goerne et mis en scène par Kentridge –, nous aurons également une production de l’Académie sur les Cantates de Bach. Le principe reste que chaque année il y ait au moins un opéra porté par l’Académie. En plus du mois de juillet, l’Académie est la colonne vertébrale du festival d’Aix en juin, avec cette année La Scala di Seta de Rossini et d’autres projets. Vous aviez pris la succession à Bruxelles de Gérard Mortier, qui vient de disparaître. Vous avez déclaré « Cet homme a changé ma vie »… Je n’étais pas stricto sensu dans l’équipe Mortier, mais très proche du travail de la Le Freiburger Barockorchester commence sa résidence, en jouant sur deux productions d’opéra, Zauberflöte et Ariodante… Oui il commence sa résidence sur une durée de 3 ans. Ils avaient déjà joué en 2010, Don Giovanni sous la direction de Langrée et Alceste sous Bolton. Nous avions alors beaucoup apprécié leur travail, leur attitude, leur générosité. Avec leur répertoire, ce seront bien sûr les Mozartiens des 3 années qui viennent, mais on va aussi mettre en œuvre avec eux un cycle Haendel, c’est un orchestre parfaitement en adéquation avec e n t r Monnaie pendant la décennie où il en était directeur ; j’ai écrit pour la dramaturgie, été assistant de Cambreling sur l’Orfeo de Gluck, et aussi claveciniste... C’est quand même Mortier qui est à l’origine de ma candidature, sinon je ne me serais jamais posé la question de lui succéder. Lorsque j’ai été nommé, j’ai eu à peu près 20 mois de présence dans la maison pour préparer mon travail, construire une équipe, et voir de plus près le fonctionnement. Quand je dis qu’il a changé ma vie, c’est non seulement du point de vue professionnel, mais même si je n’étais pas devenu directeur d’Opéra, il a vraiment changé ma manière de voir, de penser la vie musicale, et en particulier le système de l’opéra. Ce que j’espère toujours secrètement quand on présente des œuvres auxquelles on croit avec de très grands interprètes, c’est que quelque part ça change un peu la vie des gens. C’était quelqu’un qui ne laissait pas indifférent, il a occupé une position unique ces 30 dernières années, avec une vraie vision pour que l’art vive et soit pertinent par rapport au monde dans lequel on vit ; tous les artistes qui ont travaillé avec lui le reconnaissent. Quelles différences majeures voyezvous entre le métier de directeur d’une maison d’opéra et celui de directeur de festival ? Je réponds à votre question par le paradoxe suivant : le défi d’un directeur d’Opéra c’est de créer des moments de festival, comme par exemple ce que fait l’Opéra de Lyon, et le défi d’un directeur de festival, c’est de travailler la pérennité. Aujourd’hui une maison d’opéra pour exister est obligée de créer des moments d’une densité médiatique plus forte, des petits moments d’emballement festivalier. A l’inverse, le festival qui est un exemple de concentration dans le temps, d’une grande densité, a un vrai défi de travailler la question du processus, par exemple pour l’Académie cela se met en route un an à l’avance avec les auditions, les recrutements, et puis on fait tourner des productions pendant un, deux ou trois ans dans le monde entier, par exemple Elena de Cavalli voyage beaucoup. Il ne faut pas oublier non plus tout le travail d’ancrage avec les écoles, l’université, le monde économique… Propos recueillis par François Jestin Andrea Marcon dirigera les représentations d’«Ariodante» © Harold Hoffmann /DG e t i e Toutes les informations sont disponibles sur : http://www.festival-aix.com/fr n 71 f e s t i v a l s festival de bellerive / genève 19ème édition Du 7 au 17 juillet les fidèles de ce rendez-vous musical de qualité se retrouveront sur le beau domaine de la Ferme de Saint-Maurice à Collonge-Bellerive offrant sa vue sur les champs, le lac et le Jura. Comme à l’ordinaire le festival s’ouvre et se clôt par des concerts symphoniques placés sous la direction de Gábor Takács-Nagy, concerts très vite complets au demeurant. Le concert d’ouverture sera donné par l’Orchestre de Chambre de Genève et Martynas Levickis, accordéon, le concert de clôture par le Verbier Festival Chamber Orchestra avec Olena Tokar, soprano et Finghin Collins, piano. Entre deux la musique de chambre règnera sans partage avec le Quatuor Serafino, le Trio Saint-Exupéry, le Quatuor Ebène. Ces formations se trouveront associées au gré des concerts avec des artistes confirmés aussi bien qu’avec de jeunes artistes en début de carrière, dont la promotion a toujours été une préoccupation de Lesley de Senger, la directrice artistique du festival. On se réjouit tout particulièrement des deux soirées de rencontres autour du Quatuor Ebène dans un programme consacré à Fauré et Brahms, tout comme de celles autour du Quatuor Serafino et du Trio Saint-Exupéry qui donneront l’occasion d’entendre la soprano Olena Tokar déjà nommée, le violoncelliste István Várdai, les pianistes Nelson Goerner et Igor Gryshyn. Comme toujours au Festival de Bellerive, c t u a compositeurs et interprètes hongrois auront la part belle, avec entre autres un concert en matinée le dimanche consacré à des œuvres de Dohnányi, Kodály et Liszt. Christian Bernard PROGRAMME u Lundi 7 juillet 20h30 : L'Orchestre de Chambre de Genève. Gábor Takács-Nagy, direction. Martynas Levickis, accordéon. ViVALDi, Concerto « Hiver » / BRAHMS, Danse hongroise n°5 / MOZART, Symphonie n°41 KV551 « Jupiter » / BEETHOVEN, Symphonie n°2 op. 36 u Mercredi 9 juillet 20h30 : RENCONTRE i - BEETHOVEN, SON iNSPiRATiON... Quatuor Serafino ; Trio Saint-Exupéry. Olena Tokar, soprano. igor Gryshyn, piano. BEETHOVEN, Quatuor cordes op. 59 n°3 « Razumovsky » /DVORÁK, Trio pour piano et cordes op. 65 ; Gypsy Songs op. 55 ; Chant à la lune, air de Rusalka u Jeudi 10 juillet 20h30 : RENCONTRE ii - PAPA HAYDN, SON iDOLE... Trio Saint-Exupéry ; Quatuor Serafino. Mookie Lee-Menuhin, piano. Yuuki Wong, violon. Blythe Teh-Engstroem, alto. Jánka Mekis, alto. istván Várdai, violoncelle. Daniel Szomor, contrebasse. HAYDN, Quatuor à cordes op. 76 n°2 « Quintes » ; Trio pour piano et cordes Hob.XVi : 28 / MENDELSSOHN, Trio pour piano et cordes op. 49 ; Sextuor pour piano et cordes op. 110 CONCERT EN MATiNéE : u Dimanche 13 juillet 11h30 : ALL’ONGHARESE. Quatuor Serafino. Olena Tokar, soprano. istván Várdai, violoncelle. Nelson Goerner, piano. igor Gryshyn, piano. DOHNÁNYi, Quintette pour piano et cordes op. 1 / KODÁLY, Sonatina pour violoncelle et piano / LiSZT, Romance oubliée pour violoncelle et piano / LEHAR, Airs d’opérettes u Lundi 14 juillet 20h30 : RENCONTRE iii - LE QUATUOR EBENE... AUTREMENT (i). Quatuor Ebène. Marion Tassou, soprano. Shani Diluka, piano. Akiko Yamamoto, piano. FAURé, Quatuor n°2 pour piano et cordes op. 45 ; « Dolly » pour piano 4 mains / BRAHMS, Mélodies ; Joplin. Quatuor pour piano et cordes op. 26 u Mardi 15 juillet 20h30 : RENCONTRE iV - LE QUATUOR EBENE... AUTREMENT (ii). Quatuor Ebène. Marion Tassou, soprano. Akiko Yamamoto, piano. Shani Diluka, piano. FAURé, Quatuor n°1 pour piano et cordes op. 15 ; Mélodies / BRAHMS, « Liebeslieder Walzer » pour piano 4 mains ; Quatuor pour piano et cordes op. 60 u Jeudi 17 juillet 20h30 : Verbier Festival Chamber Orchestra. Gábor Takács-Nagy, direction. Olena Tokar, soprano. Finghin Collins, piano. MOZART, Exsultate Jubilate KV165 ; Concerto pour piano n°24 KV491 / BEETHOVEN, Symphonie n°3 op. 55 « Eroica » La soprano Manon Tassou © David Ignaszewski a Igor Gryshyn l i t é 73 e x p o s i t i o n s fondation beyeler, riehen : l’œuvre de gerhard richter Entre cycle, série et motif Que Gerhard Richter (né en 1932) fasse partie de ce cénacle très fermé des plus grands artistes de notre temps, cela ne fait aucun doute. Ses grandes rétrospectives dans les plus grands musées du monde, à Berlin, Londres, New York, Paris, Madrid ou Pékin…, les prix les plus prestigieux décernés à son œuvre, sa présence dans les plus importantes collections, sa cote pharamineuse et une meute de médias accourant des quatre coins de l’Europe le jour de l’ouverture, font de lui une des stars très prisées de ce monde de l’art. Et pourtant l’homme n’a rien d’extravagant, d’apparence modeste et pudique, il est en somme l’anti-Jeff Koons. 74 A ceux qui en douteraient, nous ne pouvons que recommander de visiter cette nouvelle exposition, qui lui est consacrée à la fondation Beyeler, riche d’une centaine de toiles, d’une soixantaine de photographies peintes et de deux œuvres en verre. Contrairement à d’autres expositions de ce lieu souvent de moindre intérêt, cette exposition est exemplaire. Par le choix hautement qualitatif des œuvres, la grande diversité des cycles et séries proposés, mais surtout la cohérence du parcours, l’accrochage subtil. D’avoir pu gagner pour le projet comme commissaire d’exposition Hans Ulrich Obrist, une grande pointure dans ce domaine, n’y est pas étranger. Il est familier de longue date avec l’œuvre de l’artiste mais aussi avec l’artiste, qui a personnellement suivi le projet de la conception à la réalisation. Car Richter s’est toujours intéressé à la présentation de son œuvre et ses rapports à l’architecture, réalisant souvent des œuvres in situ, comme il le fit en 1999 pour le parlement allemand ou en créant le vitrail du transept sud de la cathédrale de Cologne en 2007. Son œuvre est d’une grande diversité thématique mais aussi stylistique. Si sa formation s’est faite dans les années cinquante, à l’académie des Beaux-Arts de Dresde avec l’apprentissage de la peinture murale, la photographie prend une place centrale dans son œuvre. Ses peintures tendent au réalisme photographique, comme le montre une de ses premières œuvres de 1966, Acht Lernschwestern, réalisée à partir de portraits d’infirmières assassinées reproduits dans la presse. L’efficacité de l’image de presse fusionne alors avec l’aspect sériel de sa création. C’est aussi ce qui correspond à la partie figurative de l’œuvre de Richter, qui aime peindre ce qui l’entoure, sa famille ou certains paysages. Dans les années soixante-dix, on voit a apparaître de nouvelles séries qui explorent le rapport entre thème et variation. Des séries que l’artiste peint simultanément et s’il décide d’une modification sur l’une des toiles, cela n’est pas sans conséquence sur d’autres et la plupart sont faites pour rester ensemble. Invité en 1972 à la Biennale de Venise, il se confronte à la Scuola Grande di San Rocco à une des références de l’histoire de l’art, en faisant une copie de L’annonciation d’après Titien (1973), tout en reconnaissant que sa copie ne peut en aucun cas atteindre le chef-d’œuvre, car cette culture est perdue, précise l’artiste. « Il ne Gerhard Richter «Forêt» (2), 2005 Huile sur toile, 197 x 132 cm,. The Museum of Modern Art, New York, Donation Warren et Mitzi Eisenberg et Leonard et Susan Feinstein, 2006 © Gerhard Richter, 2014 c t u a l i t é nous reste qu’à vivre avec cette perte, ajoute-til, et malgré tout à continuer et en tirer autre chose ». Il a ainsi poursuivi avec d’autres versions, présentées côte à côte. Alors que l’on reconnaît facilement la Vierge et l’ange dans cette première version, le sujet s’estompe de plus en plus, comme s’il était tout d’abord recouvert d’un écran de brouillard, pour se dissoudre dans les deux dernières versions en composition abstraite. Il reprendra ce thème iconographique dans la série S. avec enfant (1995) réalisée à partir de photos de famille et accrochée à l’entrée de l’exposition, dans lequel il sonde sur un plan iconographique et thématique le rapport entre tradition et époque présente. Dans cette même salle, la suite triple November, Dezember, Januar (1989) évoquant l’éphémère réunit deux autres peintures photographiques très délicates, de petit format, Schnee (1999) et Gehöft (1999). Une salle qui a sa cohérence et qui permet au visiteur de comprendre les rapports entre les œuvres de l’artiste et le lieu. Passion vitale Une autre série des années 1975 est celle des tableaux gris. Ces grisailles présentées sous forme d’ensemble au Städtisches Museum de Mönchengladbach, nous révèle les qualités artistiques de la variation. Cette série nous conduit vers un autre cycle, tout en gris, celui du 18 Oktober 1977 (1988). Quinze toiles réalisées d’après des photos de presse dans lesquelles l’artiste règle à sa manière ses comptes avec l’histoire allemande et son épisode sanglant lié à la Fraction Armée Rouge et sa fameuse bande à Baader. Richter ne prend aucune position politique, car lui-même, qui avait fui la RDA en 1961, s’étonnait de leur discours. « Je venais d’un état quasi fasciste, explique-t-il dans un entretien avec Hans Ulrich Obrist, et je trouvais terrifiant de voir l’importance qui leur était accordée, et l’impact de leur conviction, de leur foi ». En regardant ces tableaux qui placent au premier plan l’incertitude et le doute, nous sommes entraînés dans un espace pictural, où l’on peut s’interroger avec l’artiste sur la possibilité de représentation picturale de l’histoire. Pour l’artiste, il s’agit là d’un cycle qui forme un ensemble et dont on ne peut isoler les toiles. Il en va de même pour sa série des forêts, Wald (2005), une dizaine de toiles abstraites, toutes accrochées dans une grande salle lumineuse, dans laquelle le visiteur est appelé à se perdre mais où il peut aussi se sentir protégé. Richter reconnaît que c’est un beau thème romantique avec une connotation particulière dans la culture allemande. a c t u Gerhard Richter «Annonciation d’après le Titien», 1973 Huile sur toile, 125 x 200 cm. Hirshhorn Mjuseum and Sculpture Garden, Washington D.C. (Joseph H. Hirshhorn Purchase Fund), 1994 © 2014 Gerhard Richter Mais plutôt que de voir une représentation concrète de la forêt, ce thème est lié à une forme de désarroi. « Le désarroi est la plus forte motivation de la peinture (...) », précise-t-il. La musique est aussi la grande affaire de l’artiste, pour qui les notes deviennent couleurs. Une passion vitale sublimée dans une expression artistique dont l’exposition présente deux cycles. L’un est consacré à Bach (1992) avec quatre grandes toiles abstraites, l’autre à Cage (2006) avec six toiles. Mais à chaque fois, il y va du processus pictural. Richter travaille simultanément à chacune des toiles et crée ainsi un nouvel espace pictural élargi. Il utilise la technique de la raclette pour étendre la couleur ou la retirer, plus arbitraire et moins précise que ne l’est celle du pinceau. Et d’expliquer : « Je ne peux pas prévoir consciemment ce que je vais obtenir. Mais inconsciemment, je m’en doute. C’est un très beau sentiment ». Richter a participé à la scénographie du parcours et il lui importait de pratiquer l’art du contrepoint, bien connu en musique, dans la présentation des grands ensembles. Ainsi le cycle Cage est rythmé par deux petites toiles figuratives, Eisberg im Winter (1982), opaque et glaciale et Schädel (1983), symbole de vanités, comme l’est sa bougie (Kerze, 1982), placée dans la salle de sa série inspirée par l’Annonciation. Une de ses séries plus récentes Strip (2013) prend pour point de départ la photo numérique d’une toile abstraite de 1990, dont les détails sont agrandis à l’ordinateur. Pour l’artiste, une nouvelle manière de réfléchir au potentiel artistique de la sérialité et de la répétition et qui rejoint une ancienne préoccupation. Dès 1973 avec son œuvre 1024 Farben puis en 2007 avec 4900 Farben, deux œuvres présentées dans l’exposition, il explore les systèmes numé- a l i t riques, les combinaisons chromatiques. Il évacue toute figuration, tout geste, tout message mais la rigueur conceptuelle de ses nuanciers de couleurs ne laisse pas indifférent. Le verre est un matériau fascinant à beaucoup d’égards et depuis les années 1990, Richter s’y intéresse, découvrant avec ses Spiegel (Miroirs) de nouveaux rapports à l’espace car le miroir changent le regard et repoussent les limites de la peinture. C’est toute la salle d’exposition avec ses visiteurs qui se trouve au cœur de l’attention, quand le regard se pose sur les vitres réfléchissantes. L’expérience de celui qui regarde est ainsi délibérément intégrée dans l’œuvre. Cette recherche autour de l’objet, de l’espace architectural et pictural est aussi au centre de ses travaux de 2013 intitulés, 12 stehenden Scheiben (12 panneaux verticaux) et 9 Scheiben (Kartenhaus). Si d’habitude le visiteur se déplace de tableau en tableau à l’intérieur de l’exposition, il le fera cette fois de salle en salle, guidé par la cohérence de chacun des ensembles. Quand il évoque la musique de Jean-Sébastien Bach, « si parfaite qu’elle n’a plus besoin de nous », Richter se dit fasciné par cette idée que « l’art peut atteindre une telle perfection, indépendante de nous ». Comme Dieu ? lui demande le commissaire dans l’entretien. « Oui, l’art a quelque chose de semblable ». Pour Richter, Dieu n’existe plus comme est mort le Dieu des artistes. Le doute s’est installé mais il poursuivra en toute humilité son travail. Mais soyons rassurés. Avec Gerhard Richter, la peinture n’est pas morte, comme on peut l’entendre parfois, elle vit. Mieux, elle triomphe ! Régine Kopp Jusqu’au 7 septembre 2014 www.fondationbeyeler.ch é 75 expos ition schaulager, bâle : heureux qui comme Paul Chan… Depuis que le Schaulager existe, et qu’il propose souvent une grande exposition consacrée à un artiste contemporain, c’est à chaque nouvelle présentation, un spectaculaire événement artistique, tels qu’on ne saurait trouver que dans les très grandes métropoles. La ville de Bâle doit ce lieu exceptionnel à Maja Oeri, une des héritières de Hoffmann-La Roche, et une grande collectionneuse. 76 Infatigable globe-trotteuse du monde de l’art contemporain, elle a fait sien le questionnement des artistes. Voilà plus de dix ans qu’elle suit le travail de Paul Chan, né à Hong Kong en 1973, vivant et travaillant à New York. Elle voulait en savoir plus, sur lui, sur son travail et lui a mis à disposition l’espace du Schaulager. Bien fou, l’artiste qui n’accepterait pas une telle proposition et Paul Chan reconnaît qu’une telle opportunité est unique. Pour mener à bien ce projet, décidé il y a quatre ans, Paul Chan s’est d’ailleurs retiré de la scène artistique et est venu s’installer en février dernier à Bâle avec sa famille. Il est donc son propre commissaire, assisté de deux collaboratrices du Schaulager, Heidi Naef et Isabel Friedli ainsi que de Daniel Birnbaum, conseiller artistique, directeur du musée moderne de Stockholm, qui se considère lui-même comme le « body-guard » de l’artiste. Pour autant, Paul Chan n’est pas un néophyte. On a pu voir ses œuvres à la Documenta 13 en 2012 à Kassel, à la Biennale de Venise en 2009, à la Whitney Biennale à New York ou à la Serpentine Gallery de Londres. Des œuvres à la fois dérangeantes et fascinantes, qui se réfèrent à la politique, aux questions sociétales, en passant par les grands thèmes universels de la philosophie, de la religion, de l’histoire qu’il mêle librement à son travail artistique. Sans scrupule, en digne représentant de cette génération internet, il exploite le potentiel du web et ses informations pléthoriques. Sa production peut sembler débordante et confuse, puisqu’il touche à tout. Il est dessinateur et peintre, mais aussi vidéaste, réalise des installa- tions, enseigne et écrit, créant sa propre maison d’éditions en 2010, Badlands Unlimited. Comme Homère, qui raconte en 24 chants, l’épopée d’Ulysse, qui se lance avec ses compagnons dans un voyage plein de dangers, Paul Chan entreprend son voyage en 24 salles ou lieux, égarant ses visiteurs, comme le fit Homère avec ses lecteurs. Le parcours qui comprend des œuvres anciennes et nouvelles s’inscrit dans une mise en scène surprenante et sophistiquée. Certaines références utilisées par Chan vous sautent immédiatement aux yeux, d’autres ne se révèlent qu’en creusant et se servant du guide explicatif. Bien sûr, nous pouvons partager les mêmes références avec l’artiste mais l’artiste les détourne de leur sens originel et plonge ces clins d’œil et allusions dans un ordre nouveau. Pour entrer dans ce monde, il a conçu deux niveaux, correspondant au rez-de-chaussée et au sous-sol : le ciel et la terre, le rêve d’un monde différent et la réalité de notre existence. La première animation vidéo qui accueille le visiteur, crée un monde fantastique, rappelant les jeux informatiques ou des bandes publicitaires animées. Un titre révélateur, comme le sont tous les titres des œuvres de Tchan, Hapiness (Finally) after 35’000 years of Civilization (after Henry Darger and Charles Fourier (2000-2003). Sur la projection numérique, visible des deux côtés, Paul Chan explore le thème du vivre ensemble, à partir de deux visions du monde : le royaume fantastique et enfantin de l’artiste outsider Henry Darger et l’utopie sociale du philosophe Charles Fourier. Puis, l’utopie vire à la catastrophe, pour Paul Chan, Happiness (Finally) After 35,000 Years of Civilization (after Henry Darger and Charles Fourier), 2000-2003, digital video projection (color, sound), 17'20'', The Museum of Modern Art, New York. Fractional and promised gift of David Teiger © Paul Chan, photo: Paul Chan a c t u a finir quand même par triompher. Dans l’installation vidéo My birds…trash the future (2004), réalisée juste après la réélection de Georges Bush, on y voit dans un paysage apocalyptique, des hommes armés de fusils tirant sauvagement autour d’eux, des terroristes, des pendus lynchés, qui évoquent sans aucun doute les Désastres de la guerre de Goya. Avec en fond sonore, des cris d’oiseaux, décrits dans la Bible comme impurs, des aigles, des vautours, perchés sur une souche d’arbre mort. Paul Chan est un artiste mais aussi un activiste très engagé qui interpelle le visiteur à plusieurs reprises sur le parcours. Que ce soit la guerre en Irak ou l’ouragan Katrina, il intervient en tant qu’artiste, car, pour lui, seul l’art peut remettre en question l’ordre établi. C’est ainsi qu’en 2007, il s’installe pendant neuf mois à la Nouvelle Orléans et y monte avec les populations locales en collaboration avec le Classical Theater of Harlem, En attendant Godot de Samuel Beckett. Le message formé par l’arbre nécrosé d’En attendant Godot à La Nouvelle Orléans et le dessin au fusain de la page de couverture de la biographie de Georges W. Bush Decision Points, se décrypte sans mal, stigmatisant d’une part la misère immédiate sur les lieux mêmes et d’autre part, l’inaccessible centrale de commande du pouvoir. Que la réflexion artistique de Paul Chan soit aussi philosophique, cela ne saurait mieux se lire que dans la section consacrée à qu’est-ce qu’une chose ? Paul Chan y répond par une proposition artistique très originale, Arguments, où il explore l’imbrication des relations qui fait qu’une chose est une chose. Ce nouveau groupe d’œuvres semblables à des toiles d’araignée, sont faites de câbles électriques qui sortent de prises fichées dans les murs et s’entremêlent joyeusement ; les objets s’insèrent dans le circuit électrique, interrompu comme dans un faux contact. Des Arguments, allant jusqu’à s’étendre aux autres œuvres, connectant même les salles entre elles et qui culminent au sous-sol dans une œuvre qui en déconcertera plus d’un : d’innombrables chaussures, diverses et variées, remplies de béton, sont dispersées sur le sol et reliées entre elles par le câble électrique. Cette vaste installation Master Argument (2013) doit se comprendre comme une sorte d’agora, lieu d’échange pour les citoyens de l’Antiquité. Arrivé en fin de parcours, souhaitons que le visiteur ait trouvé à son tour des solutions. Ne vous inquiétez pas, dit Paul Chan, ce n’est que de l’art. Et qui donc a peur de l’art ? Régine Kopp Jusqu’au 19 octobre 2014-05-08 www.schaulager.org l i t é tmg marionnettes saison 2014 2015 ABONNEZ-VOUS www.marionnettes.ch Théâtre des Marionnettes de Genève Rue Rodo 3 – 1205 Genève Avec le soutien de la Ville et de l’Etat de Genève Réservations dès le 19 août au 022 807 31 07 ou sur www.marionnettes.ch Illustration : Albertine JO FONTAINE | BERNARD GARO Du 24 mai au 29 juin 2014 OXYMORES laFERME de laCHAPELLE laFERME de laCHAPELLE GALERIE LA FERME DE LA CHAPELLE 39, ROUTE DE LA CHAPELLE | CH -1212 GRAND-LANCY WWW.FERMEDELACHAPELLE.CH Ville de Lancy République et canton de Genève expos itions FRANCE Avignon Musée Angladon : Toulousel Lautrec. Jusqu’au 15 juin. l Musée du Petit Palais : Acquérir, restaurer, attribuer : La Visitation. Du 20 juin au 2 novembre. l Prison Saint-Anne : La disparition des lucioles. Jusqu’au 25 novembre. Baux-de-Provence Carrières de lumières : Klimt et l Vienne. Un siècle d’or et de couleurs. Jusqu’au 4 janvier 2015 Beauvais Galerie nationale l de la Tapisserie : 350 ans. Portrait d’une manufacture. Jusqu’au 24 août. Cassel Musée départemental de Flandres : Dans le sillage de Rubens, Erasme Quellin. Du 5 juin au 16 sept. l 78 Colmar Musée Bartholdi : Exquises esquisl ses (dessins de Bartholdi). Du 21 juin au 31 décembre. Evian Maison Garibaldi : « Evian et le l drame de la Grande Guerre », en 500’000 civils rapatriés. Jusqu’au 16 novembre l Palais Lumière : Chagall, l’œuvre imprimé. Du 28 juin au 2 novembre. Grenoble Musée de Grenoble : La pointe l et l’ombre. Dessins nordiques du Musée de Grenoble. Jusqu’au 9 juin Giverny Musée des impressionnismes : L’Impressionnisme et les Américains. Jusqu’au 29 juin. l Le Havre Musée d’Art moderne André franc e Marseille Toulon Centre de la Vieille Charité : Hôtel des Arts : Mimmo Jodice, l Visages, Picasso, Magritte, Warhol. Jusqu’au 22 juin. l MuCEM : Splendeurs de Volubilis - Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée. Jusqu’au 25 août. Des artistes dans la cité. Jusqu’au 8 septembre. Le Monde à l’envers Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée. Jusqu’au 25 août. Metz Centre Pompidou-Metz Malraux : Nicolas de Staël. Lumières du Nord - Lumières du Sud. Du 7 juin au 9 novembre. l : Paparazzi ! Photographes, stars et artistes. Jusqu’au 9 juin. Hans Richter. La traversée du siècle. Jusqu’au 24 février 2015 l l l Nantes Lens Musée des Beaux-Arts : Fernand Le Louvre : Les désastres de la guerre, 1800-2014. Jusqu’au 6 oct. Léger 1924-1945 - Reconstruire le réel. Du 20 juin au 22 septembre. L’Isle-Adam Musée d’art et d’histoire Louis Ornans Musée Courbet : l Senlecq : Adolphe Willette (18571926), rétrospective. Du 15 juin au 28 septembre. Lyon Musée des beaux-arts : L'Invention du Passé - Histoires de cœur et d’épée en Europe. 18021850. Jusqu’au 21 juillet. l Cet obscur objet de désirs. Autour de L’Origine du Monde. Du 7 juin au 1er sept. l l photographies. Jusqu’au 22 juin. Wingen s/Moder Musée Lalique : Le monde aqual tique de Lalique. Jusqu’au 11 nov. Yerres Propriété Caillebotte : Caillebotte à Yerres, au temps de l’impressionnisme. Jusqu’au 30 juillet. l AiLLEURS Barcelone Museu Nacional d’Art de Catalunya : Josep Tapiró, peintre de Tanger. Jusqu’au 14 septembre. Le peintre Antoni Viladomat i Manalt (1678-1755). Jusqu’au 31 décembre. l Berlin Bode-Museum (Am Kupfergraben) l Andreas Schlüter et le Berlin baroque. Jusqu’au 13 juillet Thonon Bilbao Musée du Chablais (Châ̂teau Musée Guggenheim : Georges l de Sonnaz) Le Léman en question. Jusqu’au 9 novembre. l Braque. Du 13 juin au 21 septembre. Palais Lumière, Evian Chagall, œuvre gravé Plus de 40 ans après la rétrospective de l’œuvre gravé de Chagall organisée par la Bibliothèque nationale, l’exposition présentée au Palais Lumière se propose de retracer l’évolution de l’œuvre imprimé de Chagall (gravures, lithographies, livres illustrés), en montrant les liens entre les différentes techniques utilisées par l’artiste. A travers des travaux préparatoires, elle permettra d’entrer dans le processus de création des estampes. Elle repose sur la collection de lithographies rassemblée par Charles Sorlier, l’assistant de l’artiste. Cet ensemble sera complété par des prêts d’œuvres provenant de collections publiques et privées permettant d’appréhender l’œuvre gravé dans toute sa diversité, tant technique que thématique. L’exposition présentera quelques monotypes de Chagall, provenant de la Fondation Cramer. Quant au Musée Marc Chagall de Nice, il prête un ensemble de 16 gravures illustrant la Bible, une commande d’Ambroise Vollard en 1931. Autre prêt, une sélection de gravures de la Bibliothèque nationale de France. En outre, quatre livres provenant de la collection Tériade, prêt du Musée Matisse du Cateau-Cambresis, sont présentés au Palais Lumière. . A voir du 28 juin au 2 novembre 2014 Marc Chagall «Les Trois Acrobates», 1957. Lithographie en couleurs, 66 x 50,5 cm. Mourlot 169 © Collection Charles Sorlier. Courtesy Bouquinerie de l’Institut, Paris © ADAGP, Paris 2014 - Chagall ® a g e n d a expos itions en europe Pinacothèque cantonale Giovanni Züst, Rancate (Mendrisio) Fragile Beauté La Pinacothèque cantonale de Rancate présente une série de céramiques d’art italiennes, qui se situent entre le style Liberty et le style informel. Ces œuvres proviennent d’une importante collection privée et nous convient à un voyage à travers le XXe siècle d’un point de vue très original : la céramique d’art produite par des designers, artistes et manufactures italiens entre les ultimes années du XIXe siècle et les années cinquante du XXe siècle. Des formes sinueuses “art nouveau“ proposées par Galileo Chini et la Manufacture italienne de Laveno, on passe aux inventions informelles d’Antonio Campi, Carlo Zauli et Lucio Fontana, sans oublier le goût “petit-bourgeois“ des productions de la manufacture tessinoise Lenci. Un point commun relie les diverses options stylistiques de cette céramique, c’est la recherche d’une ligne moderne du design italien qui, telle une force que rien ne peut arrêter, traverse les arts décoratifs de la Péninsule des années 20 aux années 50. Gio Ponti, Ciste La conversation classique, 1925, pour la Société Céramique Richard-Ginori, Doccia, FLorence L’exposition s’est fixé pour but de reconstruire, à travers la céramique italienne, le parcours de la modernité. Grâce aux œuvres exposées, le visiteur peut “lire“ l’histoire de la céramique du XXe siècle. Mario Sturani, Bol – Le pont / Paysans dansants,1930, Des créations “Liberty“ inspirées de la nature, aux éléments ornementaux provenant d’une pour la Manufacture Lenci, Turin tradition héritée de la Renaissance, et aux contemporains (Chini, Melandri), on passe au triomphe de l’art “Déco“ et à l’affirmation du goût italien avec la créativité de l’architecte Gio Ponti. A partir de 1928, on entre dans le marché de la céramique d’artiste avec, par exemple, le marchand Lenci qui propose une série de céramique ornementale conçue par des peintres et sculpteurs turinois, qui s’avère innovante et originale... Des merveilles à découvrir . A voir jusqu’au 17 août 2014 Bruxelles Londres Palais des Beaux-Arts : Michaël British Museum : Vikings, vie et l Borremans. Jusqu’au 3 août Ferrare Palazzo dei Diamanti : Matisse. La l silhouette. La force de la ligne, l’émotion des couleurs. Jusqu’au 15 juin Florence CCC Strozzina : Contexte familial. l Portaits et expériences de familles d’aujourd'hui. Jusqu’au 20 juillet l Musée national du Bargello : Baccio Bandinelli (1493-1560). Jusqu’au 13 juillet. l Palazzo Strozzi : Pontormo et Rosso. Des chemins divergents du Maniérisme. Jusqu’au 20 juillet. Forli Musée San Domenico : Liberty. l Un style pour l’Italie moderne. Jusqu’au 15 juin. l légende. Jusqu’au 22 juin. L’Allemagne divisée - Baselitz et sa génération. Jusqu’au 31 août. l Courtauld Gallery : De Brueghel à Freud : les gravures du Courtauld Institute. Du 19 juin au 21 sept. l National Gallery : Véronèse Magnificience de la Renaissance à Venise. Jusqu’au 15 juin. Construire l’image - l’architecture dans la peinture de la Renaissance italienne. Jusqu’au 21 sept. Couleur. Du 18 juin au 7 sept. l Royal Academy of Art : Renaissance Impressions - Gravures sur bois en clair-obscur - Coll. Georg Baselitz & Albertina. Jusqu’au 8 juin. l Tate Britain : Kenneth Clark. Jusqu’au 10 août. l Tate Modern : Henri Matisse - les papiers découpés. Jusqu’au 7 sept. l Victoria & Albert Museum : L’art perdu de l’écriture. Jusqu’au 30 juin. Francfort Städelmuseum : Emil Nolde. Madrid Musée du Prado : Rubens - Le l Jusqu’au 15 juin. Hendrick Goltzius et son cercle. Gravures maniéristes du Stadelmuseum. Du 4 juin au 14 septembre. a g l Triomphe de l'Eucharistie. Jusqu’au 29 juin. El Greco et la peinture moderne. Du 24 juin au 5 oct. l Musée Thyssen-Bornemisza : e n Peintures victoriennes de la collection Pérez-Simón. Du 24 juin au 5 oct. dique. Böcklin, Klimt, Munch et la peinture italienne. Jusqu’au 21 juin. l l Mayence Turin Landesmuseum : Max Slevogt. En La Veneria Reale : Splendeurs des route vers l’Impressionnisme. Jusqu’au 12 octobre. cours italiennes - les Este. Jusqu’au 6 juillet. Ravenne Venise Musée d’art de la Ville : Le charme Ca’ Pesaro : Un autoportrait de l de la fresque. Chefs-d’œuvres détachés de Pompeï à Giotto et de Corrège à Tiepolo. Jusqu’au 15 juin. Reggio Emilia Palazzo Magnani : Un siècle de l grande photographie - les chefsd’œuvre Fotografis, Bank Austria. Jusqu’au 13 juillet Rome Musei Capitolini : Michel-Ange l artiste universel. Jusqu’au 14 sept. Museo Fondazione Roma : Hogarth, Reynolds, Turner. La peinture anglaise à l’aube de la modernité. Jusqu’au 20 juillet l Scuderie del Quirinal : Frida Kahlo. Jusqu’au 13 juillet. l Rovigo Palazzo Roverella : L’obsession norl d a l Miroslav Kraljevic, croate moderne. Jusqu’au 15 juin. l Palazzo Fortuny : Les amazones de la photographie. De la collection de Mario Trevisan. Jusqu’au 14 juillet. l Palazzo Grassi : Irving Penn & L’illusion des lumières. Jusqu’au 31 décembre. l Peggy Guggenheim Collection: Seulement pour vos yeux. Une collection privée, du maniérisme au surréalisme. Jusqu’au 31 août Vienne Albertina Museum (Albertinapl.) l Naissance d’une collection. De Dürer à Napoléon. Jusqu’au 29 juin. l Belvedere : Vienna - Berlin. L’Art de deux villes. Jusqu’au 15 juin. Franz Barwig l’Aîné. Jusqu’au 7 septembre. 79 expos itions Genève Art & Public (Bains 37) Fang Lijun. l Sculptures. Jusqu’au 20 juin. Blancpain Art Contemporain (Maraîchers 63) Joachim Koester. Jusqu’au 17 août. l Blondeau & Cie (Muse 5) Martin Szekely. Jusqu’au 21 juin. l Cabinet d’Arts graphiques (Promenade du Pin 5) Satires ! Caricatures genevoises et anglaises du XVIIIe siècle. Jusqu’au 31 août l Centre d'Art Contemporain (Vieux-Grenadiers 10) Joachim Koester. Jusqu’au 17 août. l Centre de la Photographie (Bains 28) Photography against the grain. Du 6 juin au 3 août. l Espace Jörg Brockmann (Noirettes 32) Nicolas Guiraud. Jusqu’au 29 août. l Espace L (rte des Jeunes 43) Pointillisme brésilien - Edgard Soares. Jusqu’au 15 juillet. l Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) Oxymores - Jo Fontaine et Bernard Garo. Jusqu’au 29 juin. l Fondation Baur (Munier-Romilly 8) Textiles bouddhiques japonais. Jusqu’au 10 août. l Fondation Bodmer (Cologny) l 80 en Alexandrie la Divine. Jusqu’au 31 août. l Galerie de la Béraudière (E.Dumont 2) Après-Guerre - couleurs et expressions. Jusqu’au 25 juillet l Galerie Bärtschi (rte des Jeunes 43) Omar Ba. Jusqu’au 26 juin. l Galerie Bernard Ceysson (7, Vieux-Billard) Wallace Whitney. Jusqu’au 26 juillet l Galerie Foëx (Évêché 1) Philippe Deléglise & Vincent Fournier. Jusqu’au 14 juin. l Galerie Anton Meier (Athénée 2) Franklin Chow. Jusqu’au 5 juillet. l Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers 9) Jean Crotti. Jusqu’au 5 juillet. l Galerie Turetsky (25, Grand-Rue) Andrea Gabutti. Jusqu’au 28 juin. l Interart (33, Grand-Rue) Óscar Domínguez. Jusqu’au 4 juillet. l Mamco (Vieux-Granadiers 10) Cycle Des Histoires sans fin, séquence été 2014. Du 25 juin au 21 septembre. l Milkshake Agency (24, Montbrillant) Hadrien Dussoix. Jusqu’au 20 juin. l Musée Ariana (Av. Paix 10) Terres d’Islam - L’Ariana sort de ses réverves II. Jusqu’au 31 août. Création contemporaine et mécenat, une alliance durable. Jusqu’au 16 nov. s uis s e Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Rodin. L’accident et l’aléatoire. Du 20 juin au 28 sept. l Musée Barbier-Mueller (J.-Calvin 10) Nudités insolites. Jusqu’au 30 novembre. l Musée de Carouge (pl. Sardaigne) Plaisirs de bouche - ballade gastronomique et historique. Jusqu’au 14 septembre. l Musée Rath (pl. Neuve) Humaniser la guerre ? CICR - 150 ans d'action humanitaire. Jusqu’au 20 juillet. l Red Zone Arts (Bains 40) Chevaux de Chine, porcelaines de Zhou Qi. Du 25 juin au 30 août. l Xippas Art Contemporain (Sablons 6) Pablo Reinoso. Du 11 juin au 31 juillet. l Lausanne Collection de l’Art brut (Bergières l 11) L’Art brut dans le monde. Du 6 juin au 2 novembre. l Fondation de l’Hermitage (2, rte Signal) Peindre l’Amérique - Les artistes du Nouveau Monde (18301900). Du 27 juin au 26 octobre. l Mudac (pl. Cathédrale 6) Le verre vivant. Acquisitions récentes de la collection d'art verrier. Jusqu’au 16 novembre. l Musée cantonal des beaux-arts (pl. Riponne) Magie du paysage russe. Chefs-d’œuvre de la Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Jusqu’au 5 octobre l Musée de l’Elysée (Elysée 18) Luc Chessex - Cuba & Matthieu Gafsou - Only God can Judge Me. Du 4 juin au 24 août l Vidy-Lausanne : Expo 64, la naissance d'un théâtre. Jusqu’au 7 juin Fribourg Espace Jean Tinguely-Niki de l Saint Phalle : Corps en jeu / la collection du MAHF. Jusqu’au 24 août. l Fri-Art (Petites Rames 22) Trix & Robert Haussmann, designers. Jusqu’au 15 juin. l Musée d’art et d’histoire : «Le pinceau, le taureau, la femme», Picasso graveur. Jusqu’au 17 août. Martigny Fondation Pierre Gianadda : La l Beauté du corps dans l'Antiquité grecque. Jusqu’au 9 juin. Revoir Renoir. Du 18 juin au 30 nov. l Fondation Louis Moret (Barrières 33) John Carter. Jusqu’au 8 juin l Le Manoir de la Ville : Authentik Energie. Jusqu’au 15 juin. Fondation de l’Hermitage, Lausanne Peindre l’Amérique Pour fêter ses 30 ans, la Fondation de l’Hermitage prépare une grande exposition qui rendra hommage aux artistes du Nouveau Monde. Centrée autour des genres du paysage, du portrait et de la nature morte, cette manifestation réunit un ensemble d’œuvres réalisées entre 1830 et 1900, et pour la plupart présentées pour la première fois en Europe. Consacrée à la peinture américaine du XIXe siècle, l’exposition réunit des œuvres majeures provenant des Etats-Unis. Durant cette période cruciale de l’histoire de ce pays, les artistes se distancient peu à peu de leurs modèles européens et développent un art novateur. Par sa vitalité et sa singularité, la création artistique américaine accompagne activement l’émergence d’une nouvelle nation qui se forge une identité, nationale et démocratique. Encore peu connue du grand public européen, la peinture américaine, dont l’essor fut considérable au XIXe siècle, est présentée au travers de plus de 70 œuvres. Le paysage est à l’honneur, avec les artistes de la Hudson River School (Thomas Cole, Jasper Cropsey, Albert Bierstadt, Frederic Church et Thomas Moran) et du mouvement luministe (Sanford Gifford, John Kensett, Martin Johnson Heade, Fitz Henry Lane). Edward Lamson Henry, «Kept In», 1889 Huile sur toile, 34,3 x 45,7 cm. Cooperstown, New York, Collection of the Fenimore Art Museum, don de Stephen C. Clark © Fenimore Art Museum, Cooperstown, NY / Richard Walker a g Aux côtés de plusieurs portraits d’Amérindiens peints par George Catlin, sont également réunis des scènes de la vie quotidienne et des portraits réalisés par Winslow Homer, Thomas Eakins et Richard Caton Woodville. Enfin, des tableaux de William Michael Harnett, John Peto et John Haberle illustrent le renouvellement profondément original du genre de la nature morte. Un magnifique ensemble de photographies regroupant des paysages et des portraits d’Amérindiens complète la présentation. . A voir du 27 juin au 26 octobre 2014 e n d a expos itions en s uis s e Fondation Gianadda, Martigny Revoir Renoir Au cours des vingt dernières années, la Fondation Pierre Gianadda a exploré avec bonheur l’œuvre des maîtres de l’impressionnisme, offrant des rétrospectives historiques - Degas (1993), Manet (1996), Gauguin (1998), Van Gogh (2000), Berthe Morisot (2002) et Monet (2011). Cette année, la Fondation rend hommage au plus célèbre portraitiste du temps : Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), le plus charnel des impressionnistes, l’amoureux de l’éternel féminin, en proposant une sélection d’œuvres souvent inconnues provenant de collections publiques et privées européennes. Le pari de l’exposition actuelle est de réunir un panorama aussi intimiste que possible. Renoir, dont on apprécie également les natures mortes, les bouquets et les paysages, maîtrise avec un art consommé tout l’éventail de sa palette au profit de sa technique picturale. Le visiteur pourra en juger en découvrant, tout d’abord, une série de remarquables portraits - «Femme à l’ombrelle ou Lisa», 1872 ; «Portrait de Madame X», 1875 ; «Portrait de la Comtesse de Pourtales», 1877 ou «Les enfants de Martial Caillebotte», 1895 et «Jean Renoir cousant», 1898 - ainsi que des paysages, tels «Paysage d’Alger», vers 1881, ou «Villeneuveles-Avignon», 1901. Quelques nus font également partie de l’exposition. . A voir du 18 juin au 30 novembre 2014 Renoir «Jeune fille au chapeau noir à fleurs rouges», vers 1890 Huile sur toile, 41.3 x 33 cm Collection particulière © Jean-Louis Losi, Paris Neuchâtel Centre Dürrenmatt (Pertuis du Saut l 74) Le labyrinthe poétique d'Armand Schulthess. Jusqu’au 3 août. l Laténium, parc (Hauterive) Profession archéologue, photographies. Jusqu’au 29 juin l Musée d'art et d'histoire (espl. Léopold-Robert 1) Argent - Jeux Enjeux. Jusqu’au 31 août. Prangins Musée national suisse : «Papiers l découpés. Scherenschnitte. Silhouette. Paper cuts». Jusqu’au 28 sept. Vevey Musée Jenisch : Markus Raetz. l Du 26 juin au 5 octobre l Musée suisse de l’Appareil photographique (Grand Place) Bernard Dubuis, Tant et temps de passages. Jusqu’au 30 août. OUTRE SARiNE Kunsthalle : Georgia Sagri. Jusqu’au 8 juin. l Kunstmuseum (St. Alban-Graben 16) Kasimir Malewitsch - Le monde comme non-figuration. Jusqu’au 22 juin l Musée des Cultures (Münsterpl. 20) La malle aux perroquets. Art populaire d'Amérique latine. Jusqu’au 20 juillet. l Museum für Gegenwartskunst (St. Alban-Rheinweg 60) Le Corbeau et le Renard. Révolte de la langue avec Marcel Broodthaers. Jusqu’au 17 août. l Cartoonmuseum (St. AlbanVorstadt 28) Le monde selon Plonk & Replonk. Jusqu’au 22 juin. l HMB - Museum für Musik / Im Lohnhof (Im Lohnhof 9) pop@bâle. La musique pop et rock depuis les années 1950. Jusqu’au 29 juin. l Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Krištof Kintera. I am not you. Du 11 juin au 29 sept. l Schaulager (Ruchfeldstr. 19, Münchenstein) Paul Chan - Selected Works. Jusqu’au 19 octobre. l 8-12) Bill Viola - Passions. Jusqu’au 20 juillet. Anker, Hodler, Vallotton... Chefs-d’œuvre de la Fondation pour l’art, la culture. Jusqu’au 24 août. Bienne CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75) l Juxtapositions, de Frölicher & Bietenhader. Jusqu’au 22 juin. l PhotoforumPasqu’Art : Steeve Iuncker – Virginie Rebetez – Reiner Riedler. Jusqu’au 22 juin. Zurich Rancate Haus Konstruktiv : Delphine Musée Jenisch : Beauté fragile - Chapuis-Schmitz. Jusqu’au 7 sept. l l céramique d’art italienne. Jusqu’au 17 août. Riggisberg Abegg-Stiftung : Les tissus du l Moyen âge dans le culte des reliques. Jusqu’au 9 novembre. Warth Kunstmuseum Thurgau : Joseph l Kosuth. L’existence et le monde. Jusqu’au 24 août. Weil / Rhein Bâle Berne Vitra Design Museum : Konstantin Cartoon Museum (St. AlbanCentre Paul Klee (Monument im l l Vorstadt 28) Le monde selon Plonk & Replonk. Jusqu’au 22 juin. l Fondation Beyeler (Riehen) Gerhard Richter. Jusqu’au 7 sept. a g l Fruchtland 3) Le Voyage en Tunisie. Klee, Macke, Moilliet. Jusqu’au 22 juin. l Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr. e n de la Suisse. Jusqu’au 24 août. Fotostiftung Schweiz (Grüzenstr. 45) 1914/18 - Images de la frontière. Du 7 juin au 12 octobre. l Kunstmuseum (Museumstr. 52) Gerhard Richter - Travaux sur papier. Jusqu’au 27 juillet. l Museum Oskar Reinhart (Stadthausstr. 6) Johann et Friedrich Aberli, médailleurs de Winterthour. Jusqu’au 30 nov. l Grcic - Panorama. Jusqu’au 14 sept. Winterthur Fotomuseum (Grüzenstr. 44) l Surfaces. Nouvelle photographie d a Kunsthalle : Haim Steinbach. Jusqu’au 17 août. l Kunsthaus (Heimpl.1) Cindy Shermann. Du 6 juin au 14 sept. Les Torches de Prométhée. Du 20 juin au 12 octobre. l Landesmuseum : 1900-1914. Expédition Bonheur. Jusqu’au 13 juillet. l Museum für Gestaltung (Austellungsstr. 60) Galerie : Weingart Typography. Jusqu’au 28 septembre. l Museum Rietberg (Gablerstr. 15) Un jardin secret - Peinture indienne de la collection Porret. Jusqu’au 29 juin. L’univers du Maître Zen Sengai (1750-1837). Jusqu’au 10 août. l 81 expos ition Andrea Gabutti genève Art en Vieille-Ville Art en Vielle-Ville (AVV) est une association culturelle créée en 2007 qui regroupe treize galeries d’art et d’antiquités situées en Vielle-Ville de Genève ainsi que trois institutions de renom : le Musée Barbier-Mueller, le Musée d’art et d’histoire et la Fondation Baur. Deux fois par an, au printemps et en automne, elles organisent des vernissages communs et des exposition où sont présentées des œuvres rares et originales. 82 La manifestation, en forme de parcours piétonnier, contribue ainsi à animer les rues médiévales de la cité de Calvin. Durant le premier week-end, les galeries tiennent également une entière journée « portes ouvertes » pour lancer l’opération. Nouveauté : cette année l’association accueille une nouvelle galerie membre, Gowen Contemporary, qui se distingue par une vision avant-gardiste dont la vocation est de dénicher et d’accompagner des jeunes talents. Placé sous le signe de la diversité, l’événement offre au public une vaste palette d’expressions artistiques et stylistiques : des objets rares et précieux d’archéologie de la Mésopotamie à Byzance à la galerie Phoenix Ancient Art ; l’art de la renaissance avec des portraits d’exception, de Martin Luther et Philippe Melanchthon peints par Lucas Cranach Le Jeune, à voir à la galerie De Jonckheere ; l’art informel des années d’après-guerre avec des œuvres de Hans Hartung exposées à la galerie Jacques de la Béraudière ou des peintures de Jacques Monory, Arrêtons-nous quelques instants sur les œuvres d’Andrea Gabutti, peintre tessinois vivant et travaillant à Genève, dont les récents travaux sont exposés à la galerie Rosa Turetsky. Toujours ancrée dans la nature, sa démarche le conduit à saisir des instantanés de la vie végétale, animale et humaine, grâce aux médiums qu’il privilégie : encre de chine, mine de plomb, fusain et acrylique. Ses sujets sont définis avec l’art d’un calligraphe oriental, circonscrivant des espaces en suspension, dépouillés, réduits à l’es- artistes de la Figuration narrative, à découvrir chez Sonia Zannettacci ; de l’art contemporain chez Gagosian, Michel Foëx, Anton Meier ou Rosa Turetsky, entre autres. Enfin la galerie Patrick Gutknecht accroche des photographies de Bernard Galerie Jacques de la Béraudière : Hans Hartung et l’exposition «Art d'après-guerre : couleurs et expressions» Faucon, l’un des meilleurs photographes européens actuels, et la galerie sentiel graphique et chromatique. Plus suggestifs TACTILe présente des bijoux contemporains que descriptifs, les dessins et peintures d‘Andrea Gabutti se situent entre naturalisme et abstraccréés par l’artiste Alice Cicolini. tion, sur une frontière représentative qui tour à tour efface et souligne le réel. Le cadrage et le découpage de ses compositions traduisent la plupart du temps une approche photographique ou d’illustration graphique, un procédé qui contribue à créer d’étonnants effets de distanciation ou à l’inverse de plongée dans l’image. Françoise-Hélène Brou Galerie Rosa Turetsky : Andrea Gabutti, «D’après Barthélé́my Menn» (1815 - 1893), «Paysage avec arbre et cabane», 2012, encre de Chine sur papier, 150 x 220 cm a c t u a Art en Vieille-Ville – Genève. Expositions de mai à juillet 2014 Participants : Galerie Jacques de la Béraudière – Galerie Michel Foëx – Gagosian Gallery – Galerie Gowen Contemporary – Galerie Grand Rue – Galerie Patrick Gutknecht – Galerie interart – Galerie De Jonckheere – Galerie Anton Meier – Phoenix Ancient Art SA / Young Collectors – Galerie TACTiLe – Galerie Rosa Turetsky – Galerie Sonia Zannettacci. Musée Barbier-Mueller – Musée d’art et d’histoire - Fondation Baur. Parcours et informations à consulter sur le site de l’association : www.avv.ch l i t é expos ition galerie de la ferme de la chapelle : bernard garo & jo fontaine istanbul Le peintre Bernard Garo et le sculpteur Jo Fontaine ont travaillé ensemble sur la ville d’istanbul où ils ont séjourné. il s’agit d’un projet, intitulé « ARiL 2004-2014 », conçu par Garo qui s’est intéressé à quatre villes cardinales d’Europe : Alexandrie, Reykjavik, Lisbonne, istanbul, liées par deux cercles tracés sur une carte dont le point central est la Suisse. Chaque étape propose un regard sur des civilisations, des histoires, des climats et des territoires situés aux extrémités continentales, Istanbul constitue le dernier volet de cette exploration. La Galerie de la ferme de la Chapelle a présenté les diverses phases de ce concept original qui a notamment réuni, en 2012, Garo et le sculpteur Etienne Krähenbühl. Aujourd’hui, le face-à-face avec le monde minéral de Jo Fontaine ouvre une nouvelle extension formelle et thématique. Istanbul, autrefois Constantinople ou Byzance, est devenue l’une des plus grandes mégapoles du monde (14 millions d’habitants recensés en 2013), à ce titre elle symbolise tous les modèles de transformations de civilisations passés, présents et futurs. Aussi la présence dans l’espace de l’exposition d’une majorité de formats monumentaux, peintures et sculptures, ne doit-elle pas étonner le visiteur qui éprouvera immédiatement une sensation de vertige et d’atemporalité. Un sentiment assez comparable au fameux syndrome de Stendhal (ou syndrome du voyageur) décrit pour la première fois par l’écrivain lors de son voyage à Rome, Naples et Florence où, face aux ruines et vestiges aux œuvres d’art mêlées à la vie urbaine quotidienne, il vécut un état d'émotion intense. Il est vrai qu’en certains lieux marqués par les Grecs, les Romains, les Ottomans, les Croisés, on chemine dans les traces de ceux qui ont vécu et sont morts plusieurs milliers d'années auparavant. Une contraction du temps qui renvoie à des questions fondamentales, à l'éternité, à sa place d'individu dans cette immense chaîne de l'humanité. Tout cela ne peut que faire vaciller l’esprit. La figure rhétorique de l’oxymore, choisie comme titre générique des peintures de Garo, incarne emblématiquement les contrastes absolus de l’agglomération stambouliote : frontière Orient-Occident, architectures chrétienne, musulmane, moderniste, ville multi-culturelle au passé prestigieux et aux prises avec une société contemporaine déchirée entre conservatisme et a c t u libéralisme. Les artistes ont décliné ces contrastes dans leur langage respectif. Jo Fontaine présente un ensemble d’oeuvres intitulées « Ciels, Miroirs d’Orient et d’Occident » avec lesquelles il développe une démarche sur la paradoxale légèreté de son matériau privilégié, la pierre, « J’aimerais, dit-il, faire envoler la pierre ». Réalisées pour la plupart en serpentine, roche vert-sombre appelée aussi « pierre de l’infini », les surfaces délicatement polies et engravées déclenchent autant de phénomènes miroitants que graphiques, les veinures sous l’impact de la lumière quant à elles dégagent de subtils effets colorés. Une seconde série de sculptures, taillées dans de l’albâtre, repose sur de hauts piliers de bois clair, ces pièces de petit format et d’une blancheur laiteuse évoquent des structures architecturales, temples ou tours. Leur regroupement en hauteur alternant avec les pièces sombres posées à même le sol ou accrochées aux murs, façon bas-relief, crée un paysage minéral où le regard se déplace entre les différents niveaux et points de vue, plonge aussi dans la profondeur des masses opaques et translucides en oubliant leur densité. turer un dessin projeté antérieurement sur la toile où in fine se profilent failles et cratères, mais aussi pans de cathédrale, de façades, portions de voûtes. Ses murs de peinture portent les stigmates du temps, fossilisent coupoles, dômes et portiques de basiliques et de minarets. Au-delà des divergences thématiques et techniques, se dessine une connivence entre ces artistes. Pour Jo Fontaine la pierre n’a rien d’inanimé, il déploie au contraire ses potentialités plastiques, spéculaires, graphiques, qu’il connecte avec une nature en perpétuel mouvement. Lumière, eau, végétaux répondent aux sollicitations du minéral, soulignant la cohérence de l’univers, la place de l’homme dans cette confrontation. Dans un même perpetuum mobile, la peinture de Bernard Garo élargit et creuse les concepts de géographie physique et humaine, prétexte à la découverte de nouvelles topographies. « La grande forme des choses du monde est la turbulence » écrit Michel Serres (Le Retour d’Empédocle), aussi le chantier pictural de Garo fait-il basculer les structures solides vers un ordonnancement d’essence tellurique, révélant La partie peinture de Garo offre d’emblée une composante performative, d’abord par les impoJo Fontaine, Temples d'Orient et d'Occident, albâtre, bois, 2014 santes dimensions de ses composiBernard Garo, Harem, Bleu d'orient. Technique mixte sur lin, 2013 tions et à travers le processus d’exécution, proche de l’action painting d’un Pollock, leur caractère immuable comme l’éventualité de qui dénote un engagement corporel total. leur effondrement. L’artiste parle de « peinture sismique », formule Françoise-Hélène Brou traduisant son affrontement avec les éléments et les matières brutes qu’il broie, malaxe, tamise et décompose dans un joyeux chaos, afin de les Bernard Garo & Jo Fontaine, Galerie de la ferme de la faire renaître dans de vastes fresques organisées Chapelle, du 24 mai au 29 juin 2014. souvent en séries. Terre, sable, roche volcanique, 39 route de la Chapelle, CH-1212 Grand-Lancy. bitume, pigments viennent par ailleurs architec- a l i t é 83 expos ition la souffrance au micr Violence sans adresse La souffrance sous toutes ses formes se dévoile monstrueusement au MiCR. Trop humain. Artistes des XXe et XXIe siècles devant la souffrance, l’exposition proposée par le MAMCO et le Musée de la Croix-Rouge – du 7 mai 2014 au 4 janvier 2015 – revient par la création sur les violences perpétrées par les politiques terroristes du XXe siècle et du suivant. Comment représenter les extrêmes ? 84 La Boétie, dans son Discours sur la servitude volontaire, nous avait donné la leçon : le pouvoir n’existe que parce que ceux sur lesquels il s’exerce y consentent ; s’ils n’y consentent plus, il n’est plus et s’effondre naturellement. Le philosophe libertaire écrivit son discours au XVIe siècle mais ce propos aurait-il encore pu tenir la rampe au XXe siècle, ce momentum dont les historiens disent qu’il est celui de tous les génocides ? Assurément non, La Boétie, comme toutes les autres philosophies, ont été comme stérilisées devant les violences paroxystiques que les régimes totalitaires, de toute facture et sur tous les continents, ont vomies pour broyer le principe d’humanité. Ces violences sans adresse, pour reprendre les mots de l’hypothèse du philosophe Bertrand Ogilvie, ont durablement et profondément secoué le siècle passé, l’ont lacéré à un point tel que les métamorphoses causées par ce temps de la fosse commune ont engagé des mutations insondables pour l’humanité qui en a été victime, comme pour celle qui allait en sortir. Ce sont ces violences mais plus encore les souffrances humaines qui en résultent qu’ont voulu donner à voir les responsables du Musée International de la Croix-Rouge, en collaboration avec le MAMCO. En quatre grands espaces ouverts et quelques vestibules attenants, les artistes des XXe et XXIe siècles disent leurs faits de ces abominations, de ce moment de l’annihilation – notamment par la sculpture, la peinture, la projection ou la photographie, la vidéo et le film –, parfois aussi crûment que l’objet dont ils tentent à grand peine de prendre toute la démesure. Toute l’insondable atrocité des tyrannies, des despotismes et des dictatures trouve un écho épouvantable par les représentations de ceux qui en ont subi les tortures ou qui en ont été témoins. Bouches déformées hurlant des cris sourds et muets, corps martyrisés, torturés puis rapiécés… Corps empilés et enchevêtrés comme de vulgaires buches, mutilations et bestialités… Ombres d’humains devenus fantômes, percés et alignés, attendant leur tour… telles sont les a expressions que les artistes réunis pour cette exposition ont voulu pour dire l’indicible : le temps de l’inhumain, la déshumanisation ultime. Depuis les prémices hurlants d’un XXe siècle commençant dans les braises et les ruines de la Première Guerre mondiale, jusqu’aux plus récentes épurations ethniques du continent africain, en passant par toutes les entreprises exterministes déployées par les régimes totalitaires – nazi, stalinien, khmer rouge et autre – cette exposition vous fait traverser les chemins de la déraison politique, de la folie idéologique, des coursives de tous les systèmes concentrationnaires et répressifs de l’histoire contemporaine. Le malaise est immédiat, l’effacement de tous repères, brutal, l’atonie de la palette chromatique, manifeste. Seul le noir, le gris et le rouge règnent en maîtres absolus dans ce décor morbide des souffrances endurées par les corps humains, sous les coups de leurs tortionnaires. Danse macabre Tout aussi poignantes que les littératures des Primo Levi, Robert Antelme, Imre Kertész, la force des images représentées ici par les artistes venus de tous les horizons, prend à la gorge et ne desserre plus son étreinte. Quelques œuvres se démarquent pourtant : Der Widerstand – für Peter Weiss (III), huile sur toile peinte par Hubertus Giebe (1953-) entre 1986 et 1987, nous fait étrangement penser à une effrayante réinterprétation post-moderne de la fresque du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange, à la grande différence qu’aucune espérance salvifique y est offerte, l’obscurité y trône en déesse, où que le regard se porte. Plus loin, la salle affichant, côte à côte, les gravures sur papier d’Otto Dix (1891-1969) et les gravures à l’eau forte de Robert Morris (1931-), coupent le souffle par la puissance d’évocation des horreurs de la guerre. Le sombre et le noir jouent avec les vides et les pleins, pour faire apparaître l’innommable d’une danse macabre – une Totentanz – à la fin de laquelle les corps chutent et finissent c t u a Pablo Picasso «La femme qui pleure I», 1937 Eau-forte, 69.20 x 49.50 cm Fondation Beyeler, Riehen / Basel, Sammlung Beyeler © 2014, ProLitteris, Zurich. Photo : Peter Schibli, Basel lamentablement amoncelés, partout, sans fin… La pièce monumentale – 265 par 600 cm – de l’artiste peintre Bernard Buffet (1928-1999) est quant à elle, saisissante de réalisme, les fusillés n’y apparaissant plus que comme des enveloppes de chair, vidées de leurs âmes… La noblesse du corps semble avilie et finit, sous les assauts des régimes de terreur moderne, par devenir vulgaire paquet de viande, la déstructuration et les forces à l’œuvre étant tellement violentes. C’est le sentiment que procure également au spectateur l’œuvre de Pablo Picasso, La femme qui pleure, au travers de laquelle une profonde et universelle détresse se détache, implacablement. Trois absents de ces créations artistiques : la vie, les couleurs, dieu… Ne reste de cette visite qu’une humanité altérée, dont la fragilité et la beauté ont été détruites, ravagées par les forces ataviques des tyrannies modernes. Et c’est très exactement ce que dénonce cette exposition, une absence d’humanité, laquelle à force de contraintes bestiales qui lui ont fait plier l’échine, s’est comme évaporée du décor des XX et XXIe siècles, pour que lui soit substituée une humanité jetable. Ce triomphe de la déshumanisation doit nous interpeller, car elle n’est en rien fantasmagorique, mais bien tristement réelle. Cela s’est déroulé et se déroulera encore à l’avenir, comme le titre de la toile réalisée en 1971 par l’artiste slovène Zoran Music le martèle clairement : Nous ne sommes pas les derniers ! Quand les Seigneurs de la Guerre s’emparent en effet du corps des hommes, la régression vers l’animalité est totale et les conditions du questionnement radical que Nietzsche avait posé dans son recueil d’aphorismes, Humain, trop humain, de revenir impitoyablement s’imposer à nous : ne sommesnous pas en face d’une généalogie de la dé-raison moderne ? Âmes insensibles s’abstenir… Christophe Rime l i t é p a r i bre. La fascination est d’autant plus grande que le retour du chœur offre à la mémoire d’évidents parallèles entre introduction et conclusion. Marie-Agnès Gillot redéfinit les contours d’une simple incarnation. Son Eurydice rend visible un destin qui est également le nôtre, à la recherche d’une rédemption improbable et inespérée, que la mort vient interrompre sans qu’elle ait pu comprendre les origines du sort cruel qui la frappe. Madone immobile, les bras chargés de fleurs rouges, elle tire sa puissance dramatique dans ce jeu de faux-semblants entre fragilité et séduction. Quasiment présent d’un bout à l’autre de la soirée, Stéphane Bullion est un Orphée belliqueux et athlétique, soumis aux épreuves et luttant de toutes ses forces pour vaincre ce destin qui finira par avoir raison de lui. La voix de Yun Jung Choi (Eurydice) n’est pas totalement libérée, comme retenue assez bas dans le masque et manquant de projection. Maria Riccarda Wesseling connaît bien son rôle pour l’avoir chanté à plusieurs reprises et signé la captation officielle. Nulle part on ne trouve chez elle la trace d’un douleur émolliente face à l’adversité. C’est avec autorité qu’elle s’adresse aux divinités des Enfers pour reprendre sa bien aimée. Le timbre est mat et chronique des concerts Remarquable soirée A l’amphithéâtre Bastille, la série Convergence rend hommage à des figures méconnues du monde musical français entre fin de siècle et années folles. Après Louis Vierne fin mars, c’est Gabriel Dupont qui est à l’honneur. Les Chansons normandes pour voix de femmes, sur des poèmes d’Emile Blémont trouve dans le Chœur de l’Opéra des interprètes de haut vol. L’enchaînement avec la Damoiselle élue de Debussy, d’après Dante Gabriel Rossetti, permet d’apprécier l’esthétique décadente de cette écriture sensible et sensuelle. On note la performance de la jeune Andreea Soare, dont la voix de soprano verse un jour diffus et nostalgique sur les ondulations moirées du chœur. Avec Les Heures dolentes (1905) et La Maison dans les dunes (1910), on découvre l’univers mortifère d’un compositeur au crépuscule de sa vie à seulement 36 ans. La noirceur des arpèges alterne avec la vigueur des lignes mélodiques dans une succession de plans fixes. Le piano de Nicolas Stavy se fait discret et attentif, soucieux de ne pas verser dans l’emphatique pour mieux privilégier l’émotion. A Bastille toujours, c’est une explosion de couleurs pour le double programme chorégraphique Balanchine-Millepied. L’éclatante reprise du Palais de Cristal fait aisément oublier que le programme a été créé en 1947. Philippe Jordan dirige, pour la première fois depuis son arrivée à Paris, un spectacle de danse. Son geste, à la fois précis et revigorant donne une admirable carrure dynamique à l’ensemble. La Symphonie en ut majeur de Bizet trouve dans la danse de Balanchine un miroir expressif très cohérent. La naïveté très pimpante des couples Amandine Albisson – Mathieu Ganio et Ludmila Pagliero – Emmanuel Thibault contraste avec la noire mélancolie de Marie-Agnès Gillot et Karl Paquette dans l’adagio central. Le décor de Daniel Buren offre à la chorégraphie du Daphnis et Chloé de Ravel par Benjamin Millepied une symbolique conceptuelle assez décalée avec la couleur antiquisante et néoclassique qu’on peut parfois reprocher à cette partition. Inutile de chercher ici une esthétique art déco ou années 50. Hervé Moreau et Aurélie Dupont imposent une mobilité très incarnée, faite de rebonds et lignes croisées mettant idéalement en valeur une danse a c t u s basée sur les géométrisation des segments corporels. Au bonheur multicolore succède la beauté désenchantée de l’Orphée et Eurydice de Gluck revue et dansée par Pina Bausch. La leçon de Montaigne nous enseignait déjà que philosopher c’était ap-prendre à mourir mais dans la mesure où le geste chorégraphié côtoie l’expression de la pensée, on ne peut pas s’interdire de voir dans le travail de Pina Bausch un prolongement à cette beauté désenchantée. Créé en 1975, cet “opéra dansé“ succédait à la très classique Iphigénie en Tauride de Gluck (1974). À la différence de cette première incursion dans le domaine de l’opéra classique, le concept du Tanztheater appliqué à Orphée implique l’intégration sur scène des rôles chantés, avec leurs “doubles“ dansés. Seul le chœur reste relégué en fosse, mais son absence est largement contrebalancée par l’extraordinaire ductilité des déplacements sur scène. C’est là toute l’importance d’une danse puisant dans le réseau imaginaire des didascalies une prolifération en mouvement autour de l’action principale. La mémoire rétinienne ne peut se défaire de ces élans arythmiques du chœur dansé, duquel se détache tout un florilège de ports de bras dans les nuances expressives du lamento. Le flux a pour effet une pulsation d’ensemble qui fait s’étirer les mains comme un bouquet en mouvement, tout le haut du corps extraordinairement souple et volubile dans cette déploration au ralenti qui préfè«Orphée et Eurydice» avec Marie-Agnès Gillot et Stéphane Bullion re à l’expression de la douleur, la © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris beauté infinie de ces corps alanguis. Cette signature, Pina Bausch la dissimule en fili- froid, délibérément terrien et physique. Une pluie grane à l’intérieur d’une chorégraphie qui puise de lauriers pour la direction de Thomas sa force et sa violence dans le choix de la version Hengelbrock à la tête du superlatif Balthasaroriginale de l’Orphée de Gluck. L’absence de Neumann Ensemble & Chor. Les équilibres délisurtitre contraint à concen-trer son attention au cats entre fosse et scène sont remarquables d’un cœur de l’action, tandis que la marche forcée vers bout à l’autre de l’ouvrage, faisant de cette favocette deuxième mort d’Eurydice renforce le sen- la in musica l’un des jalons les plus essentiels et timent de l’inéluctable et de l’inanité de la foi en les plus beaux de notre vie commune avec le une justice divine. Organisé en quatre “pan- spectacle vivant. neaux“ (deuil, violence, paix, mort), l’intrigue en David Verdier se refermant ne laisse voir que les deux extrêmes, comme un polyptyque replié dans un écrin funè- a l i t é 85 p a r i s opéra Arbre florissant Le Châtelet poursuit son exploration des œuvres lyriques de John Adams. On ne s’en plaindra pas ! Après un saisissant Nixon in China en 2012, puis en 2013 I Was Looking at the Ceiling, place maintenant à A Flowering Tree. Une réussite originale. 86 seurs et figures traditionnels indiens (dont une statue de la déesse Shiva), devant un alignement scrupuleux d’amphores ; à un second acte animé d’un jeu virevoltant, entre gerbes de blés dorés et saris rougeoyants, pour s’achever dans des images éminemment caractérisées. Une forêt de symboles, pour un arbre touffu ! Paulina Pfeiffer incarne une Kumudha (le personnage central féminin) très en voix, pleinement épanchée dans ses scènes finales. D’entrée, David Curry (au nom tout indiqué !) manifeste une projection irradiante, qui ne faillira pas, Prince d’éclat comme son costume. Franco Pomponi reste davantage sur la réserve, Narrateur et baryton de tessiture restreinte. Le Chœur du Châtelet, qui n’a pas la partie facile, vibre en parfaite cohésion. Alors que l’Orchestre symphonique Région Centre-Tours scintille, à l’instar des timbres de son instrumentarium, s’élance ou se fait tapis de soie. Puisque c’est son chef titulaire, Jean-Yves Ossonce, qui est aux commandes, dont sont connues les magnifiques vertus de rigueur et de clarté (bien qu’insuffisamment célébrées). Capulet et Montaigu de retour Châtelet : «A Flowering Tree». Photo Marie-Noëlle Robert/Châtelet L’opéra avait été créé en 2006, à la demande de Peter Sellars, qui l’avait mis en scène, pour son festival de Vienne. A Flowering Tree revient donc, mais dans une nouvelle production. L’idée – quasi géniale – du Châtelet, est d’avoir confié la conception scénique à une équipe indienne, venue de ce Bollywood qui enchante les foules locales. Une sorte de retour aux sources, puisque la trame reprend un conte indien : celui d’une jeune et belle (évidemment !) femme qui se mue en arbre fleuri pour la grande joie de son prince (charmant), avec sa charge de connotations hyperboliques. La musique dont la pare Adams tient cependant peu du raga – si ce n’est pour un certain aspect incantatoire –, mais plutôt d’une complexité orchestrale et d’une écriture vocale savante, qui répondent mal aux schémas simplificateurs dans lesquels on a voulu enfermer le compositeur étatsunien. Plus que répétitive, c’est rythmée qu’il convient de qualifier une esthétique, du côté des chœurs et de l’orchestre, assez prenante. La ligne de chant des trois et seuls solistes verserait davantage dans une déclamation monocorde, évoluant sur la fin vers un lyrisme sans ambage. Le second acte constitue d’ailleurs musicalement la part la plus riche, avec aussi ses ensembles (plus élaborés côté a chœurs par exemple), comme une montée en puissance (et en intérêt), à l’égal du livret – bilingue, en anglais et en espagnol, signé Adams et Sellars. La mise en scène de Vishal Bhardwaj suit un parcours similaire, d’un premier acte qui campe la situation, avec vapeurs d’encens, marionnettes grandeur nature, costumes, dan- I Capuleti e i Montecchi reviennent à la Bastille, après un long voyage qui les aura mené de 1996, création de cette production de Robert Carsen, à différentes reprises, dont la dernière date de 2008. La mise en scène n’a rien perdu de son attrait, avec ses scènes de foules assez bien balancées, dans des costumes crypto d’époque devant de grands panneaux nus et de larges volées d’escalier qui se dévoilent sous des éclairages et tons pourpres. Mais, on l’aura Opéra Bastille : «I Capuleti e i Montecchi» vue d'ensemble (2008) Crédit : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber c t u a l i t é p Châtelet : «Kagel Circus» © 2e2m compris, le décorum n’est pour rien dans l’opéra de Bellini, si le chant n’est pas de gala. Et gala il y a ! Karine Deshayes dispense un mezzo sans rupture, et sans surprise au su de ses vertus vocales, propre au Romeo travesti qu’elle incarne. Mais la révélation vient de Yun Jung Choi, ancienne membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, qui prend presque au pied levé (en raison de la défection de dernière minute de Ekaterina Siurina) et à bras le corps une Giulietta que l’on n’attendait pas. Beauté des aigus (parfois dans le masque), assurance de la projection, délié du phrasé, tout se conjugue pour faire de cette jeune chanteuse une belcantiste à suivre. Un éclatant début pour un rôle majeur sur une grande scène internationale ! Excellente participation également des rôles secondaires, masculins, par Paul Gay, Charles Castronovo et Nahuel di Pierro. Chœurs cadencés et sans histoire (pour une partie qui n’est pas vraiment difficile), mais orchestre raffiné, sous la baguette experte de Bruno Campanella. musique dite contemporaine ne se départait pas d’un sérieux contrit. Il y a donc des clins d’œil, des allusions, sulfureuses parfois, et une sorte de jeu de massacre. La musique, elle, se fait sage, jolie toile de fond sans rebrousse-oreilles alors de rigueur à l’époque (il est amusant de penser que l’esthétique musicale n’est pas si éloignée de celle d’un Adams, que les sectateurs de la musique n’ont pourtant pas rangé dans la même catégorie). Karim Sebbar conçoit le spectacle, à l’aide d’un tulle derrière lequel se cachent les instrumentistes et qui reçoit des projections d’images diverses, avec les intervenants précités évoluant de part et d’autre. Le public qui s’écrase, comprenant nombre d’enfants (auxquels les « Concertos Tea » sont plus ou moins destinés), fait une fête au spectacle et à ses participants, dont Pierre Roullier très attentif à la tête de son 2e2m. Peu de jours auparavant, dans l’Auditorium a r a c t u Atelier Rameau Dans le cadre de l’omniprésente année Rameau et d’une tournée, l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris se confronte lui aussi au répertoire du grand génie lyrique du XVIIIe siècle Auditorium Marcel Landowski : «Black Box Music» © 2e2m a l i t s Marcel Landowski (de l’ancien conservatoire, rue de Madrid), c’est un concert tout aussi inusité, et qui lui aussi tient du théâtre. La soirée rassemble trois œuvres actuelles des plus dissemblables : Karakuri/Poupée mécanique d’Ondrej Adamek (né en 1979), illustration d’une thématique traditionnelle japonaise à travers un climat de bruine instrumentale du plus chatoyant effet ; Hommage à Klaus Nomi d’Olga Neuwirth (née en 1968), arrangement sans grand apport particulier de tubes du con-tre-ténor pop des années 70 ; et Black Box Music, création française de l’œuvre de Simon Steen-Andersen (né en 1976), relecture du théâtre de marionnettes ou de l’antique « chambre noire », pour doigts gantés et objets dans une boîte noire, manipulés par un « performer », dont les actions guident une musique de bruitages et percussive, le tout filmé en direct sur grand écran – déroutant au départ, puis, par le fait même de sa spécificité, captivant. Shigeko Hata est une soprano dont les postures et la voix se marient idéalement pour la première pièce. Daniel Gogler est, pour la deuxième œuvre, le contre-ténor de circonstance, adapté aux chansons qu’il pousse vaillamment. Hakon Stene est le performer en question de la dernière pièce, virtuose du doigté. La technique de la Muse en Circuit apporte un judicieux appoint électroacoustique. Alors que 2e2m se glisse d’une partition à l’autre, avec un savoir-faire maîtrisé et éclectique, à l’instar du programme, sous la battue précise et vigoureuse de Pierre Roullier. Théâtre musical L’ensemble 2e2m, dont la réputation n’est plus à confirmer depuis la quarantaine d’années de son existence à la pointe de la musique contemporaine, convie à deux soirées particulières. Au Châtelet, dans le cadre de la série « Concerto Tea », c’est une représentation de la pièce de Mauricio Kagel, Variété, rebaptisée pour la circonstance Kagel Circus. Cet ouvrage écrit en 1977 convoque six instrumentistes, un comédien quelque peu clown et prestidigitateur, des acrobates et danseurs. Ou le monde du cirque comme prétexte, revu par cet iconoclaste de toujours que fut Kagel dans ces années où la i é 87 p a r i s français. Lors d’une étape au Théâtre Poissy, en région parisienne, le concert juxtapose de larges extraits des Surprises de l’Amour, des Indes galantes et d’Hippolyte et Aricie. Autant de pages captivantes, puisées à des chefs-d’œuvre qu’il n’est plus besoin de sanctifier. Reste à relever le défi, pour ces jeunes voix internationales exposées à la stylistique baroque française (et à son redoutable et très bas diapason 392). Un risque donc. Pleinement assumé en l’espèce, dont chaque participant s’acquitte, à des degrés divers et en fonction de ses propres moyens, avec les beaux honneurs. Andriy Gnatiuk ne possède pas toujours une élocution mal connue de son Ukraine natale, mais compense par une projection d’une assurance confondante et des notes d’une belle profondeur. João Pedro Cabral et Tiago Matos dispensent, eux, l’aisance qu’on leur connaît dans l’articulation musicale et l’articulation française, avec en sus un sort expressif rendu à chaque mesure. Armelle Khourdoïan semble peiner dans sa première apparition, mais rattrape vite une véritable présence. Andreea Soare dégage pour sa part la maîtrise et l’ardeur qui ont fait sa jeune et déjà grande réputation. Mais c’est surtout Élodie Hache, sa puissance dramatique, sa régularité dans la tessiture, son élan mesuré et nuancé, son legato phrasé, qui remporte la partie. Une étoile du chant ramiste est née ! L’accompagnement, si l’on peut dire pour les neufs instrumentistes tout autant solistes des Folies Françoises, met une parure des beaux jours, alliant virtuosité, rigueur, couleur et lié. Bel ensemble décidément, que celui que dirige avec netteté de son violon Patrick Cohën-Akenine ! 88 Désert aride Le Palazzetto Bru Zane, centre qui promeut à grands moyens la musique dite « romantique française », célèbre cette année Félicien David (avec de multiples concerts, recréations diverses de ses œuvres lyriques, à travers toute la France et jusqu’à Venise). On ne sait trop pourquoi au reste, puisque nul anniversaire ne semble se profiler pour ce compositeur né en 1810 et disparu en 1876. Et on ne sait trop, non plus, en vertu de quel critère musical. Car ce musicien, fameux en son temps au point qu’il avait éclipsé Berlioz (qui l’avait pourtant protégé), et depuis bien oublié, ne mériterait peut-être pas tant d’efforts ni d’honneurs posthumes. À en juger par la récente résurrection de son opéra Herculanum (voir Scènes Magazine d’avril) et celle, à la Cité de la Musique, du Désert, son ouvrage le plus célèbre. Cette « ode-symphonie », formule assez inédite, pour chœur, orchestre, récitant et ténor écrite en 1844, ne dépasse cependant guère le cadre d’un faiseur à la commande, avec sa veine chiche, ses chœurs martelés et ses idées qui tournent court. On distingue toutefois de jolies mélodies du ténor, ici défendues au mieux par un Cyrille Dubois souverainement inspiré, quelques traits instrumentaux et un beau chœur (d’entrée, puis repris sur la fin – on ne saurait trop multiplier les idées !). Le Chœur Accentus et l’Orchestre de chambre de Paris témoignent d’à-propos, sous la direction sans relief particulier de Laurence Équilbey. En première partie, le Concerto pour piano dit « Égyptien » de Saint-Saëns, constitue une autre découverte, plus attachante, entre phrases lisztiennes et exotisme délicat, sous les doigts emportés de Bertrand Chamayou. Bertrand Chamayou © Richard Dumas Pierre-René Serna a c t Chronique musicale de juin 2014 Belle fin de saison du côté de l'Opéra National avec deux nouvelles productions, l'une à la Bastille confiée à Benoît Jacquot, à qui l'on doit le très beau Werther revu cette année, Traviata de Verdi dirigée par Daniel Oren et Francesco Ivan Ciampa en alternance et dans les rôles principaux, Diana Damrau (Violetta), Francesco Demuro (Alfredo), Ludovic Tézier (Germont) et Anna Pennisi (Flora), Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris du 2 au 20 juin, l’autre au Palais Garnier signée Bob Wilson L'incoronazione di Poppea de Monteverdi. Dans la fosse Rinaldo Alessandrini à la tête du Concerto Italiano, sur la scène Gaëlle Arquez (Fortuna, Drusilla), Jaël Azzaretti (Vritu, Damigella), Amel Brahim-Djellouol (Amore), Varduhi Abrahamyan (Ottone), Karine Deshayes (Poppea), Jeremy Ovenden (Nerone), Monica Bacelli (Ottavia), une coproduction avec la Scala de Milan présentée du 7 au 30 juin. Concert Wagner, Strauss et Berlioz avec le baryton Simon Keenlyside le 11 juin dirigé par Philippe Jordan à la tête de l’Orchestre de l'Opéra national, suivi le 16 par un programme Bizet, Strauss et Ravel avec la soprano Anja Harteros. Au Théâtre des Champs-Elysées les 4 et 5 juin, opéra pour le jeune public, Così fanciulli de Nicolas Bacri, un opéra prologue au Così fan tutte de Mozart sur un livret d’Eric-Emmanuel Schmitt, dirigé par David Stern et mis en scène par Jean-Yves Ruf, avec Nathalie Perez (Despina), Pierrick Boisseau (Don Alfonso), Jennifer Courcier/Julie Prola (Fiodiligi), Sophia Stern/Léa Desandre (Dorabella), Etienne Duhil De Benaze/Sahy Ratianarinaivo (Ferrando), Benoit Rameau/ Alexandre Artemenko (Guglielmo), Orchestre Opera Fuoco. Poursuite du Festival Rossini le 10 avec une version de concert de L'Italina in Algeri de Rossini confiée à la mezzo Marie-Nicole Lemieux dans le rôle d'Isabella, dirigée par Sir Roger Norrington, avec Antonino Siragusa (Lindoro), Nicolas Cavalier (Mustafa), Omo Bello (Elvira), Sophie van de Woestyne (Zulma), Nigel Smith (Taddeo), Nicolas Rigas (Haly), Orchestre de chambre de Paris et le Chœur Aedes. Le 11 concert à deux voix proposé par Les Grandes Voix, avec le ténor Ramón Vargas et la basse ildar Abdrazakov accompagnés au piano par Mzia Bachtouridze : au programme des œuvres de Tchaïkovski, Verdi, Donizetti, Rossini, Mozart et bien d'autres. Concert de l'Orchestre National de France conduit par Semyon Bychkov avec la mezzo Christianne Stotijn (Strauss et Wagner) le 12. Le 13, La Scala di seta de Rossini sera dirigée par Enrique Mazzola avec Désirée Rancatore (Giulia), Bogdan Mihai (Dorvil), Christian Senn (Germano), Rodion Pogossov (Blansac), Carine Séchaye (Lucilla), Enrico Casari (Dormont) et l'Orchestre National d’Ile-deFrance, pour clore le Festival Rossini. Le lendemain place à Fidelio de Beethoven dirigé par Jérémie Rhorer avec Malin Byström (Léonore), Joseph Kaiser (Florestan), Sophie Karthäuser (Marzelline), Andrew FosterWilliams (Don Pizarro), Robert Gleadow (Rocco), Michael Calvin (Jaquino) et Mischa Schelomianski (Don Fernando), avec les instrumentistes du Cercle de l’Harmonie. Enfin le 25 le contre-ténor Philippe Jaroussky en compagnie de Dominique Visse et des membres de L’Arpeggiata dirigés par Christina Pluhar interpréteront des pages de Purcell. La Salle Pleyel accueillera le 2 juin Les Talens Lyriques et leur chef Christophe Rousset pour une exécution concertante d'Orfeo de Monteverdi interprétée par Gulya Orendt (Orfeo), Emôke Barath (Euridice), Carol Garcia (La Musica, La Messaggiera, Speranza), Elena Galitskaya (Prosperina, Ninfa) et Cyril Auvity (Pastore). Le 3 place au Bamberger Symphoniker au chef Jonathan Nott et à la mezzo-soprano Violeta Urmana pour un programme Strauss (Don Juan), des lieder avec orchestre, puis Mahler (Symphonie n° 1 “Titan“). Le 15, l'Orchestre National de Lyon sera placé sous la direction de Leonard Slatkin entourés par Véronique Gens et u a l i t é p André Dussollier en récitant qui joueront des pièces de Rimski-Korsakov (Antar musique de scène 1909, sur un nouveau texte d'Amin Maalouf) et de Ravel (Deux mélodies hébraïques, Shéhérazade et Daphnis et Chloé Suite n° 2). Le 17 opéra en concert avec La Bohème de Puccini dirigée par JeanLuc Tingaud à la tête du Royal Philharmonic Orchestra avec dans le rôle de Mimi et pour la première fois Patrizia Ciofi, qui partagera l'affiche avec Stefan Pop (Rodolfo), Florian Sempey (Marcello), Christian Helmer (Schaunard), Julie Fuchs (Musetta), Nicolas Cavallier (Colline) ; concert donné au profit de la Chaîne de l'espoir, Action enfance et Toutes à l'école, une production ColineOpéra. Le 27 enfin, dernier concert de la saison des Grandes Voix, avec des très larges extraits de l'Otello de Verdi chantés par Roberto Alagna, Inva Mula (Desdemona) et Dmitri Hvorostovsky (Iago), accompagnés par l'Orchestre National d'Île-de-France dirigé par Riccardo Frizza. Le Châtelet recevra le 5 juin 2014 deux artistes, baryton et bartyonbasse, Thomas Hampson et Luca Pisaroni, chanteurs à la scène mais surtout beau-père et gendre à la ville, pour un concert intitulé « No tenors needed», qui les conduira à interpréter des airs et des duos extraits d’opéras de Mozart, Gounod, Massenet, Rossini, Donizetti, Bellini, Verdi… accompagnés au piano par Christian Koch. A partir du 13 et jusqu'au 29 juin nouvelle comédie musicale sur cette scène qui lui est désormais dédiée, The King and I de Rodgers et Hammerstein. L'Opéra de Versailles propose le 3 juin Le Messie de Haendel par Lorna Anderson, Rowan Hellier, Joshua Ellicott et David Wilson-Johnson, Chœur et orchestre The King’s Consort dirigé par Robert King, suivi le 4 par l'oratorio Belshazzar chanté par Lorna Anderson (Nitocris), Robin Blaze (Daniel), Rowan Hellier (Cyrus), Joshua Ellicott (Belshazzar) et David Wilson-Johnson (Gobrias). Toujours de Haendel le 5, Amadigi chanté par Lawrence Zazzo (Amadigi), Roberta Invernizzi (Oriana), Karina Gauvin (Melissa), Filippo Mineccia (Dardano) et Valerio Zanolli, (Orgando), Kammerorchester Basel placé sous la Valer Sabadus © Christine Schneider direction de Ottavio Dantone. Le 11 place au swing de Michel Legrand chanté par Natalie Dessay dans les Jardins de l'Orangerie « Entre Elle & Lui », avec au piano le compositeur lui-même. Les 14 et 15 juin opéra avec Didon et Enée de Purcell chanté par Vivica Genaux (Didon), Henk Neven (Enée), Ana Quintans (Belinda), Caroline Meng (Première Sorcière), Cécile Roussat et Julien Lubek à la mise en scène avec Accentus, Opéra de Rouen Haute-Normandie et l'Orchestre du Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre. Le 25 juin, récital Haendel par Valer Sabadus (contre-ténor) et le Concerto Köln. L'Opéra comique ouvrira ses portes à Nora Gubisch (mezzo-soprano) et Alain Altinoglu (piano) le 4 juin pour interpréter des pages de Berio, Brahms, de Falla, Granados, Komitas, Obradors, Ravel auxquelles se joindront Gérard Caussé (alto), Raphael Perraud (violoncelle), Raphael Severe (clarinette) et quelques autres. Le 5 concert exceptionnel, Légende d'Arménie, oratorio de Garbis Aprikian créé à Paris en 1994, chanté par Naira Abrahamyan, Stella Grigorian, Mikael Babajanyan, Coro e Orquestra Gulbenkian dirigé par Alain Altinoglu avec le soutien de la Fundation Calouste Gulbenkian ; en complément œuvres de Prokofiev et de Khatchatourian. a c t u a l a r i s A l'auditorium du Musée d'Orsay, le 5 juin au soir, carte blanche à Dame Felicity Lott qui sera entourée pour ce concert exceptionnel par Mireille Delunsch, Eric Huchet, Damien Pass et le pianiste Maciej Pikulski, qui interpréteront des Fables de La Fontaine et des histoires de bêtes mises en musique par Lecocq, Offenbach, Gounod, Caplet, Ravel… en écho à l'exposition consacrée à Gustave Doré. La Cité de la musique accueillera le 19 juin René Jacobs et l'orchestre B'Rock pour une exécution concertante d'Orlando de Haendel chantée par Bejun Mehta dans le rôle-titre. Dernier récital de la saison au Théâtre du Palais Royal avec le 22 la soprano Anna Prohaska accompagnée au piano par Eric Schneider (Schubert, Schumann, Mahler, Ives et Liszt). Le Festival de Saint-Denis se tiendra du 3 au 27 juin : comme chaque année le programme est intimement lié au patrimoine architectural de la ville et oscille entre passé et présent, répertoire et création. Parmi les nombreux rendez-vous fixés, les 5 et 6 juin James Gaffigan dirigera le National de France avec Genia Kühmeier et Nathalie Stutzmann (Symphonie n°2 de Mahler) dans la Basilique. Le 10, Nathalie Stutzmann dirigera ses instrumentistes d'Orfeo 55, chantera des cantates de Bach, et proposera sa lecture de La nuit transfigurée de Schönberg, avec Renaud Capuçon pour des concertos de Bach ; Raphaël Pichon et l'Ensemble Pygmalion interpréteront Mozart et Haydn le 11 avec en solistes Malin Chritensson, Marianne Crebassa, Julien Behr et Andreas Wolf. Rareté le 13 avec le Stabat mater de Dvorak placé sous la direction de Jakub Hrusa et le Philharmonique de Radio France (Angela Denoke, Varduhi Abrahamyan, Steve Davisslim et Alexander Vinogradov au chant). Le 20 l'Argentin Leonardo Garcia Alarcon jouera un oratorio inconnu du XVIIème siècle, Il Diluvio universale de Falvetti avec Mariana Flores, Magali Arnault et Fabian Schofrin. Salle de la Légion d'Honneur le 22, la soprano Julie Fuchs chantera des airs d'opéras, des lieder et des mélodies (de Haendel à Sondheim) avec l'Ensemble Le Balcon dirigé par Maxime Pascal. Le chef italien Ottavio Dantone exécutera la Petite messe solennelle de Rossini le 24 avec Julia Lezheva, Franco Fagioli, Michael Spyres et Marco Vinco (Orchestre de Chambre de Paris). Daniele Gatti conduira l'oratorio de Mendelssohn Elias les 26 et 27 juin en clôture du festival, avec Lucy Crowe, Christianne Stotijn, Rainer Trost et Michael Nagy (National de France). Vu et entendu : de plus en plus June Anderson © Jean-Luc Léon rare sur les plateaux, June Anderson était en récital au Châtelet le 9 avril, dans un programme de mélodies françaises et d'airs américains absolument remarquable. Ailleurs en France : Toulouse met à l'affiche la trop rare Daphné de Strauss du 15 au 29 juin dans une mise en scène de Patrick Kinmonth, avec Harmut Haenchen dans la fosse du Capitole. François Lesueur i t é 89 p r ATELIER (loc. 01.46.06.49.24) L’aide-mémoire de Jean-Claude Carrière - m.e.s. Ladislas Chollat avec Sandrine Bonnaire, Pascal Greggory - jusqu’au 5 juillet BOuFFES Du NORD (loc. 01.46.07.34.50) u L'Annonce faite à Marie de Paul Claudel - m.e.s. Yves Beaunesne - du 24 juin au 19 juillet CARTOuCHERIE - THéâTRE DE L’éPéE DE BOIS (loc. 01.43.28.36.36) u La tragédie de Siâvosh de Ferdowsi, Farid Paya - m.e.s. Farid Paya - du 5 au 29 juin COLLINE (rés. 01.44.62.52.52) u Aglavaine et Sélysette de Maurice Maeterlinck - m.e.s. Célie Pauthe jusqu’au 6 juin u Trafic de Yoann Thommerel m.e.s. Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau - jusqu’au 6 juin u Glückliche Tage (Oh les beaux jours) de Samuel Beckett - m.e.s. S. Braunschweig - du 10 au 14 juin COMéDIE FRANçAISE SALLE RICHELIEu (01.44.58.15.15) u Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare - m.e.s. Muriel MayetteHoltz - jusqu’au 15 juin u 90 a i s u Le Misanthrope de Molière - m.e.s. Clément Hervieu-Léger - jusqu’au 17 juillet u Lucrèce Borgia de Victor Hugo m.e.s. Denis Podalydès - jusqu’au 20 juillet. u Phèdre de Racine - m.e.s. Michael Marmarinos - du 13 juin au 20 juillet STuDIO-THéâTRE (01.44.58.98.98) u Cabaret Georges Brassens - m.e.s. Thierry Hancisse - jusqu’au 15 juin VIEuX-COLOMBIER (01.44.39.87.00) u Hernani de Victor Hugo - m.e.s. Nicolas Lormeau - du 10 juin au 6 juillet COMéDIE SAINT-MICHEL (loc. 01.55.42.92.97) u La Cave aux Folles de et m.e.s. J. Dos Santos - jusqu’au 28 juin DARIuS MILHAuD (rés. 01.42.01.92.96) u La Chute de Camus - m.e.s. Vincent Auvet - jusqu’au 24 juin u Marie et Marguerite de Daniel Keene - m.e.s. Alain Lahaye - jusqu’au 23 juin FONTAINE (01.48.74.74.40) u Une semaine... Pas plus ! de Clément Michel - m.e.s. A.Jugnot, D. Roussel - jusqu’au 28 juin LA REINE BLANCHE (http://www.theatreonline.com) u Le bal des crapules de Luc Chaumar - m.e.s. Corinne Boijols jusqu’au 28 juin LE VINGTIèME THéâTRE (01.43.66.01.13) u À chacun ses cendres de Alison Svoboda - m.e.s. Alice de la Baume jusqu’au 15 juin NOuVEAuTéS (01.47.70.52.76) u Le Placard de et m.e.s. Francis Veber - avec Elie Semoun et Laurent Gamelon - jusqu’au 29 juin ODéON EuROPE (01.44.85.40.40) ATELIERS BERTIER u Tartuffe de Molière - m.e.s. Luc Bondy - jusqu’au 6 juin POCHE-MONTPARNASSE (01.45.48.92.97) u Voltaire Rousseau de JeanFrançois Prévand - m.e.s. Jean-Luc Moreau et Jean-François Prévand jusqu’au 13 juillet u Le Legs de Marivaux - m.e.s. Marion Bierry - jusqu’au 13 juillet RIVE GAuCHE (01.43.35.32.31) u La Trahison d’Einstein de EricEmmanuel Schmitt - m.e.s. Steve Suissa - jusqu’au 15 juin L’affrontement de Bill C. Davis m.e.s. Steve Suissa - avec Francis Huster, Davy Sardou - jusqu’au 20 juillet ROND-POINT (0.892.701.603) u Azimut d’Aurélien Bory - avec le Groupe acrobatique de Tanger - jusqu’au 29 juin u Perdues dans Stockholm de et m.e.s. Pierre Notte - du 3 au 29 juin THéâTRE 13/JARDIN (rés. www.theatre13.com/) u Le Roi nu d’Evguéni Schwartz m.e.s. L. Schwebel - jusqu’au 22 juin THéâTRE CLAVEL (06.03.23.32.15) u Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit de Fabrice Melquiot - m.e.s. Sébastian Bonnabel THéâTRE LA BOuSSOLE (rés. : www.theatreonline.com) u La vie rêvée des profs de et m.e.s. Johann Cuny, Guarani Feitosa - jusqu’au 30 juin TGP - CDN DE SAINT-DENIS (rés. : www.theatreonline.com) u Les Serments indiscrets de Marivaux - m.e.s. Christophe Rauck du 4 au 15 juin u Grande Halle de la Villette Joseph Nadj Entrez dans la maison de Josef Nadj, figure emblématique de la danse contemporaine en France, et retrouvez son bestiaire fantasmagorique, ses clowns muets et ses objets étranges. A travers cette programmation d’œuvres cohérentes, La Villette présente dans la Grande Halle une expérience artistique singulière traversée par la pensée magique. Un univers onirique et surréaliste où la danse rencontre le free-jazz, le cinéma muet des années 30 et la littérature d’avant-guerre en Europe de l’Est. Le public pourra découvrir Josef Nadj à travers quatre propositions artistiques : — « Les Philosophes », un spectacle de Josef Nadj où l’image et la danse se rencontrent autour de la figure du père dans une scénographie circulaire originale; — « Ozoon », un spectacle de Josef Nadj liant mouvement et musique free-jazz où l’humain fait face à sa propre animalité; — « Elégia », un concert pour 6 musiciens sur une composition originale d’Akosh S., suivi de la projection du film “Elegia“ de Zoltàn Huszàrik. — Une exposition où l’on retrouve les créations plastiques et filmographiques du chorégraphe, accessible avant ou après le(s) spectacle(s) sur présentation de votre billet. . Du 16 au 28 juin 2014 «Les Philosophes» du 16 au 20 juin «Ozoon» du 23 au 27 juin «Elégia» le 28 juin Billetterie en ligne : http://www.villette.com/fr/agenda/nadj-villette-2014.htm «Les Philosophes» © Severine Charrier a g e n d a b e a u x - a r t s Musée du Jeu de Paume Oscar Muñoz « Protographies » Oscar Muñoz, né en 1951 à Popayán (Colombie), est considéré comme l’un des artistes contemporains les plus importants de son pays natal, tout en suscitant l’attention de la scène internationale. Diplômé de l’Institut des Beaux-Arts (Instituto de Bellas Artes) de Cali, il développe, depuis plus de quatre décennies, une œuvre autour de l’image en relation avec la mémoire, la perte et la précarité de la vie. Grâce à des interventions sur des médiums aussi différents que la photographie, la gravure, le dessin, l’installation, la vidéo et la sculpture, son œuvre défie toute catégorisation systématique. L’exposition « Protographies » (un néologisme qui évoque l’opposé de la photographie, le moment antérieur ou postérieur à l’instant où l’image est fixée pour toujours) présente l’essentiel de ses séries, regroupées autour des thématiques majeures de l’artiste, qui mettent en rapport de façon poétique et métaphorique son vécu personnel et les différents états de matérialité de l’image. Il associe par exemple la dissolution de l’image, son altération ou sa décomposition avec la fragilité de la mémoire et l’impossibilité de fixer le temps ; ou encore l’évaporation et la transformation de l’image avec la tension entre la rationalité et le chaos urbains. Enfin dans la majeure partie de son travail, il crée des images éphémères qui, en disparaissant, invitent le spectateur à une expérience à la fois sensuelle et rationnelle. Le Jeu de Paume présente, Oscar Muñoz, les œuvres sur papier et séries en grand format de dessins hyperréalistes au fusain (1976-1981) – au sein desquels se manifeste un intérêt profond pour le contexte social –, en passant par les dessins et les gravures réalisés à partir des années 1980, qui marquent l’abandon du papier au profit de l’exploration de matériaux et de processus non conventionnels (impression sur plastique mouillé, utilisation du sucre et du café, etc.), ses recherches engagées dans les années 1990 et 2000 sur la stabilité de l’image et sa relation avec les processus de la mémoire ; jusqu’à ses derniers travaux (2009-2014), inscrits dans un processus constant d’apparition et disparition, dont une nouvelle création produite spécifiquement pour l’exposition. Oscar Muñoz «Le Regard du cyclope», 2001-2002. Impression numérique sur papier, 6 photographies, 50 x 50 cm chaque. Courtesy de l’artiste Bibliothèque-Musée de l’Opéra Palais Garnier l LES BALLETS SuéDOIS 1920-1925. uNE COMPAGNIE D’AVANT-GARDE – Du 11 juin au 28 septembre. Bibliothèque Nationale l DESSINS FRANçAIS Du XVIIE SIèCLE. Coll. du dépt Estampes et photographie – jusqu’au 15 juin Centre Pompidou l HENRI CARTIER-BRESSON – jusqu’au 9 juin l BERNARD TSCHuMI, RéTROSPECTIVE – jusqu’au 28 juillet Compiègne, Château l CARRIER-BELLEuSE. LE MAîTRE DE RODIN – jusqu’au 27 octobre. Cinémathèque française l LE MuSéE IMAGINAIRE D’HENRI LANGLOIS – jusqu’au 3 août Cité du cinéma, St.Denis l STAR WARS IDENTITIES – jusqu’au 30 juin Château de Versailles l LA CHINE à VERSAILLES. ART ET DIPLOMATIE Au XVIIIE SIèCLE – jusqu’au 26 octobre Fondation Custodia l DE BOSCH à BLOEMAERT : Dessins néerlandais des XVe et XVIe s. – jusqu’au 22 juin a g Grand Palais l BILL VIOLA – jusqu’au 21 juillet l MOI, AuGuSTE, EMPEREuR DE ROME – jusqu’au 13 juillet l ROBERT MAPPLETHORPE – jusqu’au 13 juillet Jeu de Paume l KATZI HORNA & OSCAR MuñOZ – du 3 juin au 18 septembre l KAPWANI KIWANGA. MAJI-MAJI – du 3 juin au 18 septembre Maison du Danemark l JEAN RENé GAuGuIN 1881-1961. SCuLPTEuR ET CéRAMISTE – jusqu’au 12 juillet Maison de Victor Hugo l L’âME A-T-ELLE uN VISAGE ? L’Homme qui rit, de Gwynplaine au Joker – jusqu’au 31 août Musée des arts décoratifs l SECRETS DE LA LAQuE FRANçAISE : LE VERNIS MARTIN – jusqu’au 8 juin l DE LA CHINE AuX ARTS DéCORATIFS – jusqu’au 29 juin Musée d’art moderne l LuCIANO FONTANA, rétrospective – jusqu’au 24 août l uNEDITED HISTORy, Iran 19602014 – jusqu’au 24 août Musée Carnavalet l PARIS LIBéRé, PARIS PHOTOGRAPHIé, e n . du 3 juin au 21 septembre 2014 PARIS EXPOSé – du 11 juin au 8 février Musée Cernuschi l OBJECTIF VIETNAM - Photos de l’Ecole française d’ExtrêmeOrient – jusqu’au 29 juin Musée Cognacq-Jay l LE TRAIT EN LIBERTé : FRANçOISANDRé VINCENT, DESSINS (1746 1816) – jusqu’au 29 juin Musée Dapper l INITIéS, BASSIN Du CONGO & MASQuES DE ROMuALD HAZOuMè – jusqu’au 6 juillet Musée Jacquemart-André l DE WATTEAu à FRAGONARD, LES FêTES GALANTES – jusqu’au 21 juillet Musée du Louvre l LE TRéSOR DE L’ABBAyE DE STMAuRICE D’AGAuNE – jusqu’au 16 juin l EuGèNE DELACROIX, « le plus légitime des fils de Shakespeare » – jusqu’au 30 juin Musée du Luxembourg l JOSéPHINE – jusqu’au 29 juin Musée Maillol l LE TRéSOR DE SAN GENNARO – jusqu’au 20 juillet Musée Marmottan-Monet l LES IMPRESSIONNISTES EN PRIVÉ. 100 chefs-d’œuvre de collectionneurs d a – jusqu’au 6 juillet Musée de Montmartre l PICASSO à MONTMARTRE. La BD Pablo de Julie Birmant & Clément Oubrerie – jusqu’au 31 août Musée de l’Orangerie l LES ARCHIVES Du RêVE, DESSINS Du MuSéE D'ORSAy : CARTE BLANCHE à WERNER SPIES – jusqu’au 30 juin Musée d’Orsay l VINCENT VAN GOGH / ANTONIN ARTAuD. LE SuICIDé DE LA SOCIéTé – jusqu’au 6 juillet l CARPEAuX (1827-1875), uN SCuLPTEuR POuR L'EMPIRE – Du 24 juin au 28 septembre. Musée Rodin l MAPPLETHORPE / RODIN – jusqu’au 21 septembre Petit Palais l CARL LARSSON - L’imagier de la Suède – jusqu’au 7 juin l PARIS 1900, LA VILLE SPECTACLE – jusqu’au 17 août Petit de Tokyo l L’éTAT Du CIEL [partie 1] – jusqu’au 7 septembre. Pinacothèque l LE MyTHE CLéOPâTRE – jusqu’au 7 septembre. 91 m é m e n t o GENEVE concerts 92 u 3.6. : Concert de soirée No. 7. CARTE BLANCHE. LOCG, dir. et violon Gordan Nikolić (surprise). BFM à 20h ([email protected], 022/807.17.90) u 4.6. : Série Symphonie. OSR, dir. Thierry Fischer, JEAN-GuIHEN QuEYRAS, violoncelle (Debussy, Jarrell, Berlioz). Victoria Hall à 20h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 5.6. : NOuVELLE ORCHESTRE DE GENèVE, dir. Michel Dumonthay / SWITzERLAND – JAPAN GOODWILL BEETHOVEN, dir. Chosei Komatsu (Beethoven). Victoria Hall à 20h (entrée libre sur invitation à retirir à la Maisond es arts du Grütli) u dimanche 15.6. : PROLOGuE. Solistes de l’Ensemble Contrechamps (Grisey, Janson, Hass, Ablinger). Le Galpon à 11h et 15h (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 heures avant le début de l’événement - [email protected]) u dimanche 15.6. : Amarcordes. ENSEMBLE FRATRES (Bach - Schönberg / L’Offrande Musicale - La Nuit transfigurée). Château de Dardagny 18h (rés. www.amarcordes.ch/) u jeudi 19.6. : LE JOuRNAL INTIME DE ROBERT ET CLARA SCHuMANN avec Brigitte Fossey, comédienne, Didier Castell-Jacomin piano, Laurence Malherbe, soprano & le Quatuor Marsyas (C. Schumann, Lied / R. Schumann, Quintette op. 44). Théâtre du Léman à 20h (loc. www.theatreduleman.com) u 21.6. : Fête de la musique. OSR, dir. Alain Altinoglu, KRISTI GJEzI, violon (Mozart, Saint-Saëns, Sarasate et Mendlssohn). Victoria Hall à 15h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 28.6. : SEIJI OzAWA INTERNATIONAL ACADEMY SWITzERLAND, dir. Seiji Ozawa (Bartok). Victoria Hall à 20h (org. Ville de Genève) u 29.6. : Concert d’été de la Ville de Genève. OSR, dir. Kazuki Yamada. DAISHIN KASHIMOTO violon (Honegger, Tchaïkovski, RimskiKorsakov. Victoria Hall à 17h (Org. Ville de Genève) théâtre u Jusqu’au 5.6. : PHèDRE de Jean Racine, m.e.s. Raoul Pastor, création. Théâtre des Amis, mar-ven à 20h, mer-jeu à 19h, dim à 18h (rens. 022/342.28.74) u Jusqu’au 14.6. : LAVERIE PARADIS par la Cie Sans Scrupules, ClaudeInga Barbey et Doris Ittig. Théâtre Saint-Gervais, grande salle, mar-jeusam à 19h, mer-ven à 20h30, dim 1er juin à 18h ; relâche dim 8 juin et les lundis (rés. 022/908.20.20) u Jusqu’au 14.6. : RECHERCHE ÉLÉPHANTS, SOuPLESSE ÉxIGÉE d’après Russel Hoban, par le Théâtre du Loup, m.e.s. Eric Jeanmonod. Théâtre du Loup, mar+jeu+sam à 19h, mer+ven à 20h, dim à 17h (rés. 022/301.31.00) u Du 3 au 15.6. : A NANIWA, Qu'IMPORTE par le Groupe du Vent, chor. Myriam zoulias. Le Grütli, Grande salle (sous-sol), mar-jeu-sam à 19h, mer-ven à 20h, dim à 18h. Relâche lun ([email protected] / 022/888.44.88) u Du 10 au 19.6. : L'ENSEIGNEuR de Jean-Pierre Dopagne, m.e.s. Martine Jeanneret. Le Poche-Genève, lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, mardi relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59) u Du 10 au 22.6. : BLOCKBuSTER, création, dir. d’acteurs Elsa Gallès. Théâtre Alchimic, mar-ven à 20h30; mer-jeu-sam-dim à 19h (rés. 022/301.68.38 / loc. Service culturel Migros) u Du 10 au 22.6. : DuO, création théâtrale librement inspirée de L’opérette imaginaire de Novarina, La Mégère apprivoisée de Shakespeare et Ubu Roi de Jarry, m.e.s. Serge Martin. Avec Clara Brancorsini et Mathieu ziegler. Le Galpon, du mar au sam à 20h, dim à 18h, relâche lun (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 heures Seiji Ozawa international Academy Switzerland Académie 2014 L’Académie 2014 aura lieu du 20 juin au 2 juillet au Courtil à Rolle, à Genève et à Paris, et ccélébrera ses dix ans d’existence ainsi que les 150 ans des Relations diplomatiques entre la Suisse et le Japon. Une série de concerts est au programme : - Jeudi 26 juin 2014 à 19h30 dans la cour du Château : concert gratuit regroupant la Chorale des Armaillis de la Gruyère, les Etudiants de Seiji Ozawa International Academy Switzerland et l’Harmonie des élèves du Conservatoire de l’Ouest Vaudois, sous la direction de Seiji Ozawa. danse u 6.6. : COSAQuES DE RuSSIE. Salle des fêtes du Lignon à 20h u 11 et 12.6. : ADC. THE DANES de Daniel Linehan. Salle des Eaux-Vives, 82-84 r. Eaux-Vives, à 20h30 (billets : Service culturel Migros, Stand Info Balexert, Migros Nyon La Combe) u Du 13 au 15.6. : ODYSSÉE d’après Homère, chor. Manon Hotte. Salle des fêtes du Lignon, ven-sam à 20h, dim à 18h u Du 27 au 28.6. : THE BITTER END OF ROSEMARY de et par Dada Masilo. Salle des Eaux-Vives à 19h u 15 et 16.6. : LINDA LEMAY, « Feutres et Pastels ». Théâtre du Léman, le 15 à 19h, le 16 à 20h30 (loc. www.theatreduleman.com) Signalons encore qu’un concert privé sera donné le mercredi 25 juin pour les résidents et invités de la Fondation Aigues-Vertes, conSeiji Ozawa cert qui illustrel’engagement de Seiji Ozawa en faveur des handicapés. D’autre part, les 23, 24 et 25 juin à 19h30, les répétitions auront lieu dans la salle du Conseil du Château de Rolle, et seront publiques . Du 20 juin au 2 juillet 2014 g opéra u 18, 20, 22, 24, 26, 28.6. : LA WALLY de Alfredo Catalani, OSR, dir. Evelino Pidò, m.e.s. Cesare Lievi. Grand Théâtre à 19h30, dim à 15h (loc. 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) divers - Samedi 28 juin 2014 à 20h : concert au Victoria Hall de Genève. Au programme : Bartok. - Mardi 1er juillet 2014 à 20h : concert au Théâtre des ChampsElysées, Paris. Quatuors à cordes et ensemble sous la direction de Seiji Ozawa et Kazuki Yamada. Au programme : Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms, Bartók et Schoenberg a avant le début - mail : [email protected]) u Du 13 au 29.6. : MALADE D'AVOIR LAISSÉ PASSER L'AMOuR. «BERLIN ALExANDERPLATz..» d'après Alfred Döblin, conception Matteo zimmermann et Le Collectif. Le Grütli, Petite Salle (2ème étage), à 20h, dim à 18h. Relâche lun (billetterie : [email protected] / 022/888.44.88) u Du 25 au 28.6. : SuR LES PLANCHES, Ateliers enfants et adolescents du Théâtre du Loup. Théâtre du Loup, jeu+sam à 19h, mer+ven à 20h. Théâtre du Loup (rés. 022/301.31.00) u Du 26 au 29.6. : FRÉNÉSIRE ! Ou LE NOuVEL ORPHÉE, de et m.e.s. David Jakubec / Cie du Dépoâtre, création théâtrale. Le Galpon, du jeu au sam à 20h, dim à 18h (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 h avant l’événement - [email protected]) e n LAUSANNE concerts u 5.6. : OSR, dir. Thierry Fischer, JEAN-GuIHEN QuEYRAS, violoncelle (Debussy, Jarrell, Berlioz). Théâtre d a m de Beaulieu à 20h15 (Tél. 022/807.00.00 / [email protected] ou chez Passion Musique) u 7.6. : ENSEMBLE VOCAL, QuATuOR SYMPHONIQuE. Dominique Tille et Nicolas Reymond (ténors), Romain Mayor (baryton), ulrich Acolas (basse). Eglise Saint-François à 17h (entrée libre, collecte) u 8.6. : CHEN HALEVI, MICHAL LEWKOWICz, CARLOS CERRADA, trio de clarinettistes (Mozart). Musée historique de Lausanne à 15h (entrée libre) u 13.6. : Fortepianissimo. BRIGITTE MEYER, piano (Haydn, Mendelssohn). Casino de Montbenon, Salle Paderewski à 20h (Rés. : [email protected], ou : 076 570 40 72) u 14.6. : JAN VAN HOECKE, flûte, GAëL LIARDON, orgue. Eglise Saint-François à 17h (entrée libre, collecte) u 20.6. : Fortepianissimo. SERGEI BABAYAN, piano. Casino de Montbenon, Salle Paderewski à 20h (Rés. e-mail : [email protected] / par SMS : +41 76 570 40 72) u 22.6. : Les Concerts du dimanche. OCL, dir. Joshua Weilerstein, IVáN ORTIz MOTOS, cor (Strauss, Schumann). Salle Métropole à 11h15 (Billetterie : 021/345.00.25) FESTIVAL CuLLY CLASSIQuE du 20 au 29 juin (rés. par tél. : +41 21 312 15 35 (le mardi de 13h00 à 17h00 et le jeudi de 9h00 à 13h00). u 20.6. : EDICSON RuIz, ALExEI LuBIMOV, KELLER QuARTET. Temple à 19h30 u 20.6. : Nocturne. CÉDRIC PESCIA, piano. Notre Dame à 22h30 u 21.6. : Rencontre. CONSTANTIN MACHEREL, violoncelle et CÉDRIC PESCIA, piano. Steinway Lounge à 12h u 21.6. : Découverte. SOFJA GüLBADAMOVA, piano. Steinway Lounge à 16h u 21.6. : KHATIA BuNIATISHVILI, piano. Temple à 19h30 u 21.6. : Nocturne. KELLER QuARTET. Notre Dame à 22h30 u 22.6. : PETITS CHANTEuRS DE LAuSANNE, dir. Yves Bugnon et Réjane Vollichard. Salle Davel à 11h u 22.6. : Découverte. JOACHIM CARR, piano. Steinway Lounge à 16h u 22.6. : LES PASSIONS DE L’ÂME. Mereth Lüthi, violon et dir. Temple à 18h u 24.6 : BORIS BEREzOVSKY, piano. Temple à 20h u 25.6 : NICHOLAS ANGELICH, piano. Temple à 20h u 26.6. : MARIO BRuNELLO, violoncelle et GERARD WYSS, piano. Temple à 19h30 u 26.6. : Nocturne. CAMILLE THOMAS, é m e violoncelle et BÉATRICE BERRuT, piano. Notre Dame à 22h30 u 27.6. : TRIO SAINT-ExuPÉRY. Temple à 20h u 27.6. : Nocturne. FABRIzIO CHIOVETTA, piano. Notre Dame à 22h30 u 28.6. : Rencontre. ASTRIG SIRANOSSIAN, violoncelle et GÉRARD WYSS, piano. Steinway Lounge à 12h u 28.6. : Découverte. MAuRO LO CONTE, piano. Steinway Lounge à 16h u 28.6. : MICHAEL JARRELL, comp. et GÉRARD WYSS, piano; avec les Etudiants de la Hochschule für Musik Basel et de l’universität für Musik Wien. Temple à 19h30 u 28.6. : Nocturne. BELCEA QuARTET. Notre Dame à 22h30 u 29.6. : Découverte. OLIVIA GAY, violoncelle et NATACHA KuDRITSKAYA, piano. Steinway Lounge à 16h u 29.6. : BELCEA QuARTET. Temple à 18h théâtre u Du 3 au 5.6. : PLEASE, CONTINuE (HAMLET), concept. Yan Duyvendak et Roger Bernat. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, à 19h30 (rés. 021/619.45.45 - www.billetterie-vidy.ch) u Du 3 au 5.6. : JÉRuSALEM PLOMB DuRCI, conception et m.e.s. de n t o Winter Family. Vidy-Lausanne, salle René Gonzalez à 20h (loc. 021/619.45.45) u Du 3 au 6.6. : SAuNå de et m.e.s. Adrien Barazzone. L’Arsenic, ma-je 19h, me-ve 20h30 ([email protected] / 021/625.11.36) u Du 3 au 8.6. : NOBODY DIES IN DREAMLAND de Attilio Sandro Palese, accueil théâtre par la Cie Love Love Hou! Théâtre 2.21, mar-ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à 18h (loc. / rés. Tél. +41 21 311 65 14 ) u Du 10 au 22.6. : RING de Leonore Confino. Pulloff théâtres, mer + ven à 20h, mar, jeu + sam à 19h, dim à 18h (réservations 021/311.44.22 ou sur www.pulloff.ch) divers u 13.6. : SÉRIE OPÉRA 3/3 - SALOMÉ. Concept et musique Christian Garcia - B000M CIE (CH), Création. L’Arsenic, le foyer, à 21h ([email protected] / 021/625.11.36) u 14 et 15.6. : LA PAGAILLE de JeanLuc Priano et Bérengère Altieri-Leca, Chanson, concert, dès 5 ans. Le petit théâtre, à 14h et 17h (rés. www.lepetittheatre.ch) u 27.6. : RODOLPHE BuRGER & RACHID TAHA, concert en plein air. VidyLausanne,sur le toit du théâtre à 22h (loc. 021/619.45.45) Espace Nuithonie, Villars-sur-Glâne Atmosphère, Atmosphère... La Compagnie de l’Au-de l’Astre, constituée d’un petit groupe de personnes mentalement handicapées mais désireuses de faire du théâtre, est née de l’envie d’aller vers l’autre, d’offrir de la joie, de s’amuser... Ce qui, au départ, n’était que l’envie d’offrir à ces personnes une prise de conscience de soi, une possibilité d’expression, s’est transformé à la demande des comédiens en une compagnie théâtrale qui crée des spectacles - au total, quatre spectacles ont ainsi vus le jour de 1999 à nos jours : « Rue du soleil » (2000-2001), « 1, 2, 3 ... Premier » (20022004), « Au Parc des... » (2004-2006) et « Au printemps les girafes fleurissent » (20082011). Cette année, la Compagnie de l’Au-de l’Astre nous emmène dans le monde du cinéma. Une caravane symbolise le lieu de vie de différents groupes de personnages hétéroclites. Un vieux barman cocaïnomane, des séductrices, un garagiste foireux, un génie, un amoureux de cinéma, entre autres, y vivent leur quotidien. Un quotidien fragile et banal qu’ils traversent avec panache. Ce spectacle, dans sa scénographie, navigue dans des atmosphères théâtrales et cinématographiques. Supportée par des extraits de quelques classiques du cinéma projetés sur un grand écran, il nous emmène dans un doux mélange du monde d’Emir Kusturica, de Bagdad Café. Les acteurs sont personnages, héros de leurs histoires et s’évadent dans leurs héros de cinéma. Le cinéma comme reflet de la vie, la vie faisant son cinéma. . Les 4 et 5 juin 2014 Billetterie : Fribourg Tourisme, 026/350.11.00, ou une heure avant chaque représentation à Nuithonie, 026/407.51.51 - Equilibre, 026/350.11.00 «Atmosphère, atmosphère...» a g e n d a 93 m é m e n t o Festival de théâtre au château de Coppet neuchâtel Autour de Mme de Staël Une nouvelle édition du festival « Autour de Mme de Staël » aura lieu à fin juin, et de même que lors des précédentes éditions, le programme se partage entre musique, théâtre et conférences, avec la présence de quelques habitués, tels Me Bonnant ou Alain Carré. 94 Les festivités débutent, le lundi 23 juin, par un concert de clavecin servi par Aline d’Ambricourt, avec des œuvres de J.S. Bach, J. Ph. Rameau, D. Scarlatti et F. Couperin ; le clavecin qui résonnera lors de cette soirée est une copie d’un instrument Ruckers/Hemsch. Le même soir, prestation de Me Bonnant sur le thème «Le XVIIIe siècle : le temps révolu de l’intelligence des femmes». Mardi 24 juin, place à «Roméo et Juliette» de la Compagnie dell’Improvviso assistée du Trio Zéphyr. Mercredi 25 juin, «Olympe de Gouges» sera servie entre autres par Maria Mettral et Daniel Vouillamoz, avant une «Guillotine» d’après Victor Hugo dans la mise en scène et le jeu de Régis Virot et Philippe Vuillermet. Jeudi 26 juin, la Compagnie A présente «Les Précieuses Ridicules dans la mise en scène de Pierrot Corpel et, le vendredi 27 juin, le comédien Alain Carré propose Napoléon et le «Mémorial de Sainte Hélène», alors que le pianiste François-René Duchâble interprète des œuvres de Beethoven. Parmi les conférences prévues, celle de Doris Jakubec, «Retrouver Paris en 1814. Germaine de Staël d’après ses lettres» (le François-René Duchâble 24 juin), de Dusan Sidjanski, intitulée «L’Europe de Mme de Staël contre l’Europe de Napoléon» (le 25), de Stéphanie Genand, «Staël et Slade : une proximité paradoxale» (le 26) et de Léonard Burnand, «Mme de Staël et Napoléon : mythes et réalités d’un duel» (le 27 juin). . Du 23 au 27 juin 2014 Billetterie : TicketCorner danse u Du 11 au 12.6. : FLIP BOOK, conception Boris Charmatz. VidyLausanne, salle Charles Apothéloz à 19h (rés. 021/619.45.45 www.billetterie-vidy.ch) u Du 11 au 12.6. : MuSINGS, conception Foofwa d'Imobilité. VidyLausanne, La Passerelle, à 21h (loc. 021/619.45.45) u Du 13 au 14.6. : DuB LOVE, conception Cecilia Bengolea et François Chaignaud. Vidy-Lausanne, salle René Gonzalez, à 16h30 (loc. 021/619.45.45) u Du 13 au 14.6. : PINA JACKSON IN MERCEMORIAM, conception Foofwa d'Imobilité. Vidy-Lausanne, salle La Passerelle, à 18h (loc. 021/619.45.45) u Du 13 au 14.6. : (SANS TITRE) (2000) de Tino Sehgal, par Frank Willens. Chapiteau Vidy-L, à 18h (loc. 021/619.45.45) u Du 13 au 14.6. : (SANS TITRE) (2000) de Tino Sehgal, par Boris Charmatz. Vidy-Lausanne, salle Apothéloz, à 19h30 (loc. 021/619.45.45) u Du 13 au 14.6. : LEVÉE DES CONFLITS, chor. Boris Charmatz. Stade Samaranch (à 200m du Théâtre de Vidy) à 21h30 (loc. 021/619.45.45) opéra u 6, 8, 11, 13, 15.6. : DIE LuSTIGEN WEIBER VON WINDSOR d’Otto Nicolaï, dir. Frank Beermann, OCL, m.e.s. David Hermann. Opéra de Lausanne (loc. 021/315.40.20, lun-ven de 12h à 18h / ou : www.opera-lausanne.ch) u 10.6. : Midi-récitals - Artistes de DIE LuSTIGEN WEIBER VON WINDSOR. Salle de l'Opéra de Lausanne à 12h15 (billets sur place). AiLLEURS annecy BONLIEu SCèNE NATIONALE aux Haras d’Annecy, sauf mention contraire (rens./rés. 04.50.33.44.11 / [email protected]) u 6.6. : PAT METHENY uNITY GROuP u 20 et 21.6. : ANTIGONE 466-64, m.e.s. Claude Brozzoni fribourg THÉÂTRE EQuILIBRE à 20h (billetterie : Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected]) a g u 3.6. : PHI-PHI, opérette de Henri Christiné sur un livret d’Albert Willemetz. Opéra de Lausanne / Route Lyrique 2014, dir. Jacques Blanc, Opéra de Lausanne mézières THÉÂTRE Du JORAT à 20h, dim à 17h, sauf mention contraire (rés. : www.theatredujorat.ch/) u 1.6. : La Route Lyrique. PHI-PHI, opérette u 5, 6.6. : PARADISO, inspiré de La Divine Comédie de Dante; danse, acrobatie et illusionnisme par la Compagnie Emiliano Pellisari u 8.6. : AVANT L’AuBE, poème symphonique. Première suisse. Avec le trompettiste Erik Truffaz + une figure de la scène rock + des musiciens classiques. u 14, 15.6. : POuR L’AMOuR D’uN STRADIVARIuS, avec C. Cassimo et K. Slama. La Camerata de Lausanne, dir. Pierre Amoyal u 19.6. : JuLIETTE, chanson u 20.6. : JuLIEN DORÉ, chanson u 23, 24.6. : I MuVRINI, chanson. En faveur de Terre des Hommes. u 26, 27.6. : MACBETH (THE NOTES) d’après Macbeth de Shakespeare, m.e.s. Don Jemmett, avec le comédien Ayala e n THÉÂTRE Du PASSAGE. A 20h, di à 17h (loc. 032/717.79.07) u 3, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 14, 15.6.: LES FLEuRS Du MAL de Charles Baudelaire, avec des textes de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem u 14 juin : LES TROIS MOuSQuETAIRES d’après Alexandre Dumas, m.e.s. Manu Moser THÉÂTRE Du POMMIER (tél. 032/725.05.05) u Du 5 au 8 et du 12 au 15.6. : BRETzEL KABARET, d’après Karl Valentin, m.s.s. Yann Mercanton. Horaire : jeu à 20h, ven-sam à 20h30, dim à 17h u Du 19 au 22.6. : 6E FESTIVAL DES CHAMBRISTES. Horaire : jeu à 19h (Requiem de Mozart) / ven à 20h : ALExANDRE DuBACH, violon (Mozart, Rachmaninov, Sarasate, Mendelssohn / dim à 18h (Paganini, Bonnal, Bauermeister, Onslow) évian MAISON DES ARTS, ESPACE MAuRICE NOVARINA à 20h30, sauf mention contraire (loc. 04.50.71.39.47 ou en ligne : billetterie.mal-thonon.org) u 3 et 4.6. / théâtre du Casino, Evian : STAYING ALIVE de et m.e.s. Antonio Buil, Delphine Lanza, Paola Pagani et Dorian Rossel u 7.6. / Grange au Lac à 20h, Evian : ALExANDRE THARAuD, piano et JEANGuIHEN QuEYRAS, violoncelle (J.-S. Bach, Brahms, Webern) vevey u Du 11 au 15.6. : Oriental-Vevey. LE REVIzOR d’après Nicolas Gogol. Spectacle tout public dès 7 ans. Par Les arTpenteurs. Sous chapiteau (rés. au 021 923 74 50) villars s/gl. ESPACE NuITHONIE, à 20h (loc. Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected], ou Nuithonie: 026 407 51 51) u 4 et 5.6. : ATMOSPHèRE, ATMOSPHèRE… par la Compagnie de l’Au-de l’Astre, m.e.s. Thierry Jacquier, Ana Tordera et Nathalie Dubath d a fo rum - m eyrin.c h forum-meyrin.ch Théâtre Place Cinq-Continents Genève T hé âtre Forum Fo r um Meyrin, M ey r i n , P l a c e des des C in q- C o ntin e nts 11,, 11217 217 Meyrin, M ey r i n , G e n ève Photo P hoto © F Francis rancis Traunig Traunig 9 juillet - 5 août 2014 Verdi Nabucco Mercredi 9 juillet à 21h45 Samedi 12 juillet à 21h45 Orff Carmina Burana Jeudi 17 juillet à 21h45 Verdi Otello Saluces.com - Licences 1-137284 / 2-1001992 - Visuel : Nathalie Verdier Samedi 2 août à 21h30 Mardi 5 août à 21h30 Concert lyrique Patrizia Ciofi – Daniela Barcellona Lundi 4 août à 21h30 Concert des révélations Classiques de l’Adami Cour Saint-Louis Mercredi 9 juillet à 18h www.choregies.fr tél. 04 90 34 24 24 / fax 04 90 11 04 04