le p`tit journal n°53
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le l a n r jou P ’T I T Les échos de Nous n’irons pas à Avignon n° 5 3 JUILLET 2014 POUR UNE DERNIÈRE SEMAINE DE FOLIE! TOURNEZ LE BOUTON Des perles bulgares à l’entonnoir d’Artaud il y a huit portes, huit spectacles à prendre, à vous laisser prendre, comme le lapin d’hélice, le plat aux deux pieds. Laissez-vous glisser, quelque soit la pente, c’est le bon élan… Celui de la découverte et de l’inattendu. De 15h à 22h, à chaque heure une porte, chacune à portée de main. Il suffit pour cela de tourner la poignée et la découverte est sur le seuil. Allez ! Osez! Quitter la fenêtre bleue du canapé et venez voir le monde sur le pas de votre porte, à seulement, une poignée de main. Oui, le monde appartient à ceux qui peuvent, aussi l’imaginer. L’Aiguilleur d’air frais, Mustapha Aouar p2 SOMMAIRE p3 Questions - Réponses Les Cies l’Optimiste et avec Dès Demain Mustapha Aouar & Termos p 4-5 p 6-7 p 8-9 p 10-11 Cie le T.O.C. & Cie Terribilità Questionnaire de Proust Nicole Génovèse & Collectif Orkestronika Théâtre Libre & Cie du Moment le P’TIT journal QUESTIONS - RÉPONSES DE E S È N E G PETITE ON N G I V A À AS P S N O R I ’ NOUS N Par qui Nous n’irons pas à Avignon a-t-il été créé ? Les premières éditions, au début des années 2000, ont été littéralement porté par un regroupement d'une trentaine de compagnies indépendantes et surtout par une dizaine d'entre elles qui étaient particulièrement motivées. Pourquoi l’avoir créé ? Êtes-vous un déçu d'Avignon ? Est-ce un événement en contre-pied à la marchandisation qu'est devenu Avignon ou bien un hommage ? Plutôt en contre-pied de ce qu'était devenu le Off à ce moment, le lieu d'une économie dérégulée de la production du spectacle. Le lieu du plus fort, du plus malin, du plus riche... Une cacophonie sans nom qui commençait à peine à tenter de s'organiser. Mais bien évidemment aussi un hommage aux premiers temps d'un festival initié par un militant illuminé par le désir d'un Art sans concession et pourtant populaire. Où en est-il depuis sa création ? Ce "Festival" que nous préférons nommer "Manifestation" ou bien "ContreFestival" (sans trait d'union et pourtant toutContre) ou bien encore "Contrestival" ce qui peut lui donner un air dominéral... Bref ! Il change, il évolue ce qui est absolument normal pour toute manifestation vivante. Au fil des années, on a pu constater des tendances en correspondance à l'air et aux aspirations du temps : focus sur une région, pour favoriser la circulation, Tous en Afrique en 2003, Art & science ou encore l'été du court... Pourquoi avoir choisi une gare ? C'est plutôt elle qui nous a choisie. Je crois que les lieux influent grandement sur les aspirations (inspirations) de leurs occupants. Et puis, cette gare est riche d'une longue mémoire industrieuse, cette gare dont nous avons fêté les 150 ans lors de la 10ème édition de Nous n'irons pas à Avignon. Elle est devenue grâce à cette destination depuis si longtemps affichée et pourtant jamais atteinte : Avignon, UNE GARE POéTIQUE QUI INvITE AUx vOyAGEs IMAGINAIREs ET véCUs sUR PLACE. Les projets à venir ? s'ouvrir à de nouveaux horizons, multiplier à l'infini les sens qui nous mènent ailleurs. En un mot, s'éloigner, le plus possible, des endroits convenus où il est, paraît-il, bon d'aller. Interview réalisée par Céline Zug Pigiste pour Vaucluse Matin p 2 n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 le P ’ T I T journal TERMOS & MAIN E D S È D T E E T S CIES L’OPTIMI SE LAISSENT ALLER À LA CONFIDENCE tErmOs : Qu'entendez-vous exactement par "témoignage" en tant que forme particulière ? L’OPTIMIsTE: Les personnages du spectacle racontent leur histoire en adresse directe au public. Ces témoignages permettent d'entrer dans leurs intimités. A quels différents registres et formes faites vous allusion plus précisément ? Le spectacle se décompose en plusieurs histoires qui sont dans des registres différents allant du tragique au comique. L'humour noir est une tonalité que nous avons voulu donner à l'ensemble. Nous avons utilisé différentes formes d'expressions : jeu d'acteurs, marionnettes (portée, sur table) et masque. Pouvez-vous nous parler un peu plus des différents personnages qui composent la pièce ? Tour à tour, une vielle dame, une petite fille, un agent financier, un bébé et un couple racontent une part de leur histoire. Ces personnages ont en commun une solitude accentuée par la période de Noël. Au-delà du côté mercantile que vous dénoncez, pensezvous vraiment que Noël asservisse à ce point le genre humain ? si oui, pourquoi ? Nous entendons par "asservissement" le fait qu'il est impossible d'échapper au poids des traditions que nous impose le rituel de Noël, même si l'on souhaite s'en extraire. Obligations familiales, bonheur programmé, religion... Et la st-Valentin alors ? On adore, mais on prefère la st Glin-Glin. Est-il plus facile de travailler avec des marionnettes qu'avec des acteurs ? Oui parce que la marionnette est toujours d'accord. Elle permet d'installer un décalage immédiat et de créer des situations fantastiques. Par exemple voler, jouer sur les proportions et l'aspect suréaliste et puis ça coûte moins cher. Y a t'il des sujets plus difficiles que d'autres à traiter avec le théâtre de marionnettes ? Non au contraire, le non réalisme spécifique à la marionnette permet de traiter tous les sujets avec distance. Quand on fait danser une marionnette qui est le danseur ? La marionnette ou le marionnettiste ? Les deux dansent, mais le marionnettiste reste dans l'ombre. Le danseur étoile c'est la marionnette. L’OPtimistE : Comment allez-vous en ce moment ? TERMOs : Pas trop mal je vous remercie. En pleins préparatifs. A quoi vous jouez ? A quoi allons-nous assister ? A une pièce de folie qui s'appelle La Guerre au Temps de l'Amour de Jeton Neziraj où 4 femmes passent le temps en jouant aux esthéticiennes. Quel est le lien qui réunit ces quatre femmes ? Leur passé douloureux qu'elles ont du mal à accepter voir à partager mais qu'elles ont malgré tout envie de communiquer, en faisant rire si possible. Quelle est la place des hommes dans cette pièce ? Il y en a. Peu, mais il y en a. Et ils sont très important car ils sont à chaque fois les éléments déclencheurs du malaise de ces dames. Et ils sont bien sur haut en couleurs eux aussi. Qu'est ce qui vous a donné l'envie de monter cette pièce ? Déjà, parce qu'elle m'a plu tout de suite et qu'elle m'a fait me poser une multitude de questions. Ensuite, parce que les images se sont installées dans mon esprit au fur et à mesure de la lecture sans que je cherche à les avoir. Enfin, le fait que l'auteur soit inconnu en France a aussi beaucoup joué. Il y a comme une urgence à le faire entendre chez nous. Pratiquez-vous l'épilation au lance-flamme dans votre institut ? En effet, c'est une pratique reconnue de l'institut mais ce n'est pas la seule je vous rassure. Tout a été pensé pour que vous soyez satisfait de votre visite. L'institut fait-il des abonnements ? Bien sûr et je vous invite à venir les découvrir du 23 au 27 juillet à Gare au Théâtre. n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 p 3 le P ’T I T journal Qu’est-ce qu’un théâtre obsessionnel compulsif ? Le Théâtre Obsessionnel Compulsif (T.O.C) est le nom que nous avons choisi pour notre compagnie en 2000, parce que nous nous intéressions aux écritures répétitives, comme celles de W. Burroughs ou G. stein. Les processus de nos représentations reposaient alors sur des boucles, des séries. Le nom du T.O.C. désigne aussi un état d'esprit, le besoin d'un théâtre nécessaire, qui ne s'arrête jamais, une recherche qui se poursuit et se construit d'un spectacle à l'autre. Le L’ARVE ET T.O.C., c'est l'idée du théâtre comme une maladie qu'on attrape et la perspective d'une contagion ; Artaud n'est pas loin avec sa métaphore du Théâtre et de la peste. A Gare au théâtre vous présentez l’Arve et l’Aume d’Antonin Artaud ? Pourquoi ce texte ? Nous voulions créer un solo pour Emilie Paillard, comédienne historique du T.O.C. Nous avions eu l’occasion de lire L'Arve et l'Aume lors d’un précédent spectacle sur Artaud en 2001 (Le jet de sang, qui est une courte pièce surréaliste) et le texte nous avait plu et étonné. Les dérèglements du langage nous intéressent, nous avons monté auparavant des textes “bruts” et des auteurs comme C. Tarkos ou R. Roussel ; l'Arve et l'Aume d'Artaud s'inscrit dans cette L’AUME recherche sur la "pâte-mot", la matérialité et les métamorphoses de la langue. CIE LE T.O.C. Le t.O.C. est-il un collectif et comment a til été fondé ? Le T.O.C. est un collectif d'abord parce que la Cie a été fondée en 1998 par cinq personnes, dont quatre sont toujours actives (mise en scène, dramaturgie, lumière et jeu) Notre groupe s'est agrandi lors de nos études à Paris x Nanterre entre 2000 et 2005. Nous nous sommes constitués en collectif à la fois par choix et par nécessité. Il y avait le souhait d'un partage des décisions et des responsabilités mais il y avait aussi une certaine précarité, qui nous a conduits à nous former sur le tas, à partager les compétences et à nous rendre polyvalents. Les grandes décisions concernant la stratégie et les orientations sont prises en commun mais il y a bien une direction artistique menée par la mise en scène et la dramaturgie. Nous sommes un collectif parce que les artistes et les techniciens sont réguliers sur les spectacles et que nous disposons ainsi d'un répertoire. Que représente Artaud pour vous ? Une recherche sur la mise en scène et le travail de l’acteur par-delà le texte, un théâtre du corps, du souffle. L’idée du spectacle comme une expérience intégrale, l'idée qu'un spectacle peut bouleverser totalement la perception que l'on a des choses. Dans la tradition théâtrale française du textocentrisme, Artaud est une alternative libératoire ; Artaud c'est l'ailleurs, et la possibilité d'envisager un autre théâtre : de création, d'images, de signes et de révolte. Cela semble étrange de proposer Artaud à des enfants, comment le jeune public réagit-il ? La traduction d'Artaud est très fidèle, l’esprit original du texte de Lewis Caroll est préservé, le récit est intact. Les enfants connaissent généralement l’histoire d'Alice et parfois ce chapitre de De l'autre côté du miroir dans lequel Doddu Mafflu se montre particulièrement professoral. Les jeunes spectateurs sont invités dans la chambre d'Alice et partagent son étonnement à l'ouverture de l'armoire, ils s'identifient à elle et suivent avec intérêt le cours de langue incongru de Doddu Mafflu. réalisée par la Cie terribilità p 4 n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 le P ’ T I T journal À T I L I B I R R E CIE T Qu'est ce qui amène Artaud à écrire sur Van Gogh ? Il y a toujours eu en Artaud un critique d’art, au sens de Baudelaire : un passionné de peinture qui parcourt les salons, rédige des articles et pratique lui-même le dessin et la peinture. C’est aussi le décor et le costume qui le portent au dessin lors de ses années d’expériences théâtrales auprès de plusieurs metteurs en scène, Lugné Poe, Pitoëff et Dullin notamment. Très proche du peintre Balthus, qui a réalisé le décor de sa mise en scène Les Cenci, il partage son goût des primitifs italiens et voit dans le tableau foudroyant les Filles de Loth de Lucas van Leyden “tout ce que le théâtre devrait être“. La peinture (comme la poésie) doit frapper l’œil et l’oreille. Il dit d’ailleurs de van Gogh qu’il est un musicien des tempêtes arrêtées. Artaud retrouve le dessin pendant son internement forcé à Rodez et intensifie sa présence au cœur de ses 406 cahiers d’écolier, mais aussi en réalisant de grands dessins qu’il exposera dans la galerie Pierre Loeb. C’est ce dernier qui invite Artaud à visiter l’exposition van Gogh au Musée de l’Orangerie en janvier 1947. “Non, van Gogh n’était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques…” Le traitement journalistique et les commentaires sur la mauvaise santé mentale de van Gogh l’amène à écrire un brûlot contre la psychiatrie. Il reconnaît en vincent un double de cœur et face à la puissance et l’acharnement du peintre à refaire la création, il répond par un pamphlet poétique majeur et désormais incontournable. Quelle est la place d'Artaud dans votre parcours théâtral ? Centrale. son œuvre inépuisable nous accompagne depuis nos débuts et toujours nous y revenons pour reprendre des forces et l’énergie nécessaire pour construire un parcours théâtral sans compromis. L’importance de son apport à la mise en scène du xxème siècle - il se situe vraiment à la suite de Meyerhold, d’ Appia, de Craig – a été occultée par l’approche hystérique de ses théories dans les années 70. Il est au cœur des avant-gardes théâtrales de son temps et l’exemple absolu du renouvellement des formes et de l’expression. Il a “pour ob liger l’e sprit à ê tre.” été le premier à poser l’expression “réalité virtuelle” pour définir le théâtre par exemple. La réédition des Cenci préfacée par Michel Corvin (notre prochaine création) montre clairement la place d’Artaud dans l’histoire des avant-gardes théâtrales. Pourquoi faire un spectacle à partir d'un texte non théâtral portant sur la peinture ? Avec Artaud tout est théâtral. Rien de plus théâtral qu’un texte d’Artaud. Monter ce texte, l’un des derniers, c’est affronter Artaud en entier. Artaud a réaffirmé jusqu’au bout que la seule chose qui l’intéressait vraiment : « c’est le théâtre ». Théâtre et peinture ont une histoire commune : oscillation entre figuration et abstraction, entre présence et absence de l’acteur. Pour nous le théâtre est entre les arts, il est un langage écarté qui convoque tous les arts sur la scène ; ici dans notre mise en scène du suicidé de la société, la peinture figurative de van Gogh, de Bruegel l’Ancien et de J. Bosh mais aussi le Poème Electronique et Ionisation du compositeur E. varèse côtoient les lois scéniques de l’abstraction (schlemmer, Meyerhold, Kantor… ) Quelle est la place des images dans votre spectacle ? Ce sont essentiellement les images fragmentées des peintures de van Gogh qui sont projetées dans l’espace noir du théâtre. La poésie d’Artaud les anime, interroge les énigmes de leur lumière et leur douleur étranglée. C’est le deuil révolté d’Artaud qui forme le hors-cadre des peintures de van Gogh. Car van Gogh ne s’est pas suicidé, il a été suicidé. Artaud voulait voir les tableaux de van Gogh ailleurs que sur les murs d’une exposition « où l’objet est émasculé ». Le théâtre leur rend leur inactuelle vitalité révolutionnaire. réalisée par la Cie le t.O.C. n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 p 5 le P’TIT journal QUESTIONNAI LES 8 COMPAGNIES DE LA SEMAINE 1. LEUR CHANSON IN 2. LES 3 PERSONNES QU’ELLES INV (IMAGINAIRES, VIV 3. LE POUVOIR MAGIQUE Q CIE DU MOMENT COLLECTIF ORKESTRONIKA 1. Le générique de NONO le petit Robot 2. Miles Davis, Jacques Prevert et MarieMadeleine 3. Donner une voix aux transistors. 1. La chanson du silence, sans histoire inventée, qu'on puisse enfin entendre celles qui se racontent, dans le détail, sans détour et sans mensonge. 2. Le doux, le brut et le menteur, pour un repas sur le fil entre tragique et légèreté. 3. Aucun. Tous les pouvoirs sont déjà là, en nos possessions, il suffit de savoir les utiliser. C'est le plus difficile. CIE L’OPTIMISTE & CIE DÈS DEMAIN 1. Les lacs du Connemara version Michaël Jackson THÉÂTRE LIBRE 1. Felicita de Al Bano i Romina Pawer 2. Carl Marx, le Père Noël et l'ours Baloo 3. voler derrière une mouche tsé tsé. 2. Ma grande-mère et mon grand-père paternels et l'écrivaine espagnole disparu Karmen-Martin Gaïté 3. Rendre les pauvres riches et les malades en bonne santé p 6 n° 53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 le P ’ T I T journal IRE DE PROUST E NOUS DÉVOILENT EN EXCLUSIVITÉ : NAVOUABLE PRÉFÉRÉE VITERAIENT POUR UN DÎNER PARFAIT VANTES OU DISPARUES) QU’ELLES AIMERAIENT AVOIR NICOLE GENOVESE 1. Vancouver de véronique sanson 2. Pierre Desproges, yolande Moreau et Riad sattouf CIE TERRIBILITÀ 1. Murdering Furs de Orsten Groom 2. Alfred Jarry, Juliette de sade et Pacôme Thiellement 3. Celui de Woland ! (dans Le Maître et Marguerite de Boulgakov) 3. Parler instantanément la langue ou le dialecte du pays ou de la région dans laquelle je me trouve. TERMOS CIE LE T.O.C. 1. Heaven Must Be Missing An Angel de Tavares 1. I Am The Walrus des Beatles 2. Lady Di , sadam Hussein, Conchita Wurst 2. Alice Liddell, Antonin Artaud, Doddu Mafflu 3. Faire le ménage en claquant des doigts. 3. Le pouvoir de parler toutes les langues : la glossolalie. n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 p 7 le journal P’TIT E S E V O N E G LTERE DE BOULEVARD MASSIVE NICO THÉÂ BVERSION ARME DE SU E N ’U D T I A PORTR “Si vous venez seul, ce sera l’occ asion de uir en toute intimité d’une vu e imprenable sur mesjocu isses.” OrkEstrONikA : théâtre de boulevard, d'accord, mais de quel boulevard ? NiCOLE GENOVEsE : Pour répondre à cette question, permettez-moi de vêtir mes lunettes d’universitaire pincé et de revenir sur un extrait de la conférence. Au xIxe siècle, pour calmer les ardeurs révolutionnaires du peuple, le roi Louis-Philippe décide de lever l’arrêté qui soumet l’ouverture d’un théâtre au Pouvoir, procédé en vigueur depuis des lustres en cristal de fion versaillais ; aux côtés des Folies-Dramatiques, du CirqueOlympique, de la Gaîté et du Théâtre de l’Ambigu, des dizaines d’autres petits théâtres pullulent comme des champignons sur l’artère principale de la capitale : le Boulevard du Temple. Ainsi, à Paris, on voit naître pour la première fois un espace de divertissement qui réunit la population de l’Ouest bourgeois à celle de l’Est ouvrier. Donne-moi trois bonnes raisons de venir seul et trois autres raisons de venir mal accompagné ? si vous venez seul, ce sera l’occasion de jouir en toute intimité d’une vue imprenable sur mes cuisses. Mais bien entendu, vous pourrez également admirer le splendide panorama du Théâtre comique français de ces dernières décennies et humer son doux fumet de désuétude blanchi à la chaux. Je vous invite également à apprécier les délicates teintes de notre Power Point qui frétille du jaune pisseux au bleu Giscard. si par contre, la mauvaise compagnie vous est plus agréable, venez donc muni d’un carnet de notes avec lequel, par exemple, vous pourriez vous amuser à relever nos fautes de syntaxe ou de grammaire, à dénicher l’erreur judiciaire, à corriger les fautes de goût… et enfin, les échanger avec votre voisin contre quelques bonbons ou piécettes. Réalisée par le Collectif Orkestronika p 8 n°52 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 Peut-on encore trouver des armes de subversion massive en irak ? Il me semble que Bagdad et ses régions recèlent de mille merveilles reléguées au banc des souvenirs par les récentes activités qui ont plongé le pays dans un cauchemar digne d’une captation vidéo de kermesse bourguignonne en mal d’enfants. Ce sont précisément ces quelques trésors qui font l’attrait subversif de cette terre brune et chaude, berceau de grandes civilisations. Quelques coquins osent encore le billet pour venir visiter cette véritable mosaïque culturelle, soigneusement baignée par deux fleuves langoureux. Et je suis certaine qu’à l’aube de ce millénaire défraîchi et fatigué dont nous nous targuons d’être les héros, quelques perles irakiennes célèbrent humblement leur réunion autour d’un piquenique savoureux dans quelque campagne à l’insu de la légende populaire selon laquelle les habitants auraient perdu leur dignité et le goût de la cerise. A mon avis, ces pique-niques secrets sont une arme de subversion massive par excellence. le P ’ T I T journal COLLECTI F O R K E l ue ns S se e ig T rt ve R le r, ou O am R l’ e, O N tr B on ba O I m S to , “La renc K O ue iq N tr A ec I él K r, eu at il ép L’ . né ta an .” st ue iq st fut in ou ac basse, ntre amoureux de la co NiCOLE GéNOVèsE : Par quels atours un épilateur peut-il séduire une contrebasse ? Qu'est-ce qui différencie le "bruit" de la "musique" ? C’est une histoire de David et Goliath, de l’amour impossible entre la souris et l’éléphant. La contrebasse voguait de scène en Marne, déployant ses larges hanches au gré des grooves de son maître à jouer. L’épilateur fugua de son salon de beauté : “marre des peaux ridées à épiler, des épidermes fâchés à nettoyer, je veux de l’aventure, parcourir les bois vernis, m’y prendre comme un manche, tendre des cordes entre le monde et moi !”. Au creux d’un tilleul centenaire, l’épilateur vit l’archet : il tirait des notes dans la forêt, une portée sonore, comme une mélopée de la canopée. La rencontre, l’amour, le vertige sensuel fut instantané. L’épilateur, électrique, tomba amoureux de la contrebasse, acoustique. Ils vécurent heureux et eurent deux enfants : Epilabasse et Contrelateur. Donc c’est avant tout une histoire de fluides complémentaires : l’électrique et l’acoustique ! Rien, bruit et musique se confondent. Ma voisine était ravie d’avoir un musicien pour partager son palier. Maintenant elle se plaint du bruit. Mon père travaille au marteau-piqueur, on lui demande souvent comment il fait. Il répond toujours : “entendre la musique là où on ne croit pas qu’il y en a est une preuve de curiosité”. Pour répondre sincèrement, je dirai que la musique est le fruit d’une recherche active alors que le bruit est une conséquence, quelque chose que l’on subit. La musique se joue et on souffre du bruit. Mais on joue aussi du bruit et les boules quiès ont été inventées pour ceux qui souffraient de la musique ! si tu devais associer les objets de robosonik à des vedettes de la Variété Française, à qui donc que donc tu donc ? La guitektronik, guitare électro-ménagère, se réincarne dans les Poppys : “non non, rien n’a changé, tout tout à continué !” Ubique, traitement des eaux usine, offre à nouveau rapport à l’eau, à l’océan, et correspond parfaitement à David et Johnathan : “estce que tu viens pour les vacances” La tentaculaire, 2ème chance pour l’électro-ménager, est Gainsbourg, pour “par hasard et pas rasé”. Labomatic, machine à laver mélodynamique, est sylvie vartan, pour l’aspect trans-national de ses hymnes, à l’image de la machine à laver qui déborde les frontières. sonikmap, plate-in de salon, réincarné en Plastik Bertrand : “ça plane pour moi !”. Piano-bar, verres et bouteilles musicaux, esprit musichall : Edith Piaf, “Mon manège à moi” réalisée par Nicole Génovèse n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 p 9 le P’TIT journal HE VINCENT ROUC T N E M O M U CIE D NEZ À NEZ Qui êtes vous ? ViNCENt : Nez à Nez, c’est d'abord un collectif d’une vingtaine de personnes, actrices et acteurs. Elles ont toutes travaillé avec la Compagnie du Moment au cours des quinze dernières années, soit dans des stages, soit dans des créations. Elles ont en commun d'avoir pratiqué les règles du jeu, règles qui facilitent le vivre ensemble sur la scène, la capacité de se comprendre, de se lire, d’écrire ensemble en temps réel. Qu’est ce qu’un clown ? Qu’est ce qu’un clown ? sacrée question ! Je peux juste tenter de dire ce que c'est pour moi, un clown. On pourrait dire que c'est un personnage imaginaire. Ce n'est plus tout à fait nous, je veux dire la personne (l'actrice, l'acteur) qui se trouve derrière le maquillage et pourtant nous sommes bien là, présents. Il y a une part animale, instinctive et une part angélique. L’acteur lui est le passeur entre la figure du clown et le public. Je voudrais citer Anne Cornu : « Esprit intemporel venu de nulle part, le clown, à la différence de l'ange, est privé d'ailes : il a les pieds collés au sol. » sur quel mode jouez-vous ? Le mode de l’improvisation. L’acteur arrive chargé de lui-même, du désir de faire vivre cette figure, de lui donner une existence. Mais le sujet se découvre en temps réel et nous ne savons jamais ce qui va advenir, ce qui se racontera. Il y a une histoire qui surgit à partir de ce qui est donné à voir et à entendre. Il s’agit donc pour l'acteur d’une p 10 n°53 - Nous n’irons pas à Avignon 2014 lecture sur le vif, à livre ouvert. C’est une rencontre entre les « personnages ». Est-ce que les acteurs ont déjà un personnage de clown ? Oui, en quelque sorte. Quelque chose est déjà dessiné, dans le costume, le maquillage... La figure du clown est pensée comme on construirait une marionnette, c'est à dire comme extérieure à soi. Un objet qui n'est pas soi. Que nous donneront à voir les clowns ? Là aussi, c'est une question vertigineuse pour nous. Des rencontres, des histoires qui se découvrent sur le vif… Du particulier à l'universel, les rencontres donnent à voir la vie dans l'instant du jeu. Il y a une écriture plurielle comme on dit, à savoir, faite de mots, de gestes, de voix. Quelle est la place du public dans votre spectacle ? Le public est témoin d'un processus, celui du passage au jeu. Il a une présence dynamique, active. Non pas qu'il soit mis en jeu directement, mais parce que le rire questionne et ne laisse pas indifférent. Il est le témoin direct (ou immédiat) d'une vie intense sur la scène. Chacun dans le public au-delà du rire se pose la question de savoir ce qu'il fait là, ce qu'il est venu chercher... ce à quoi nous assistons nous laissera-t-il indemne ? réalisée par Ekaterina Dobrinova (théâtre Libre) le P ’ T I T journal ViNCENt : Ekaterina, je ne te connais pas. Je n'ai rien vu de ton travail. Il s'agit de contes, raconte-moi. EkAtEriNA : En effet, c'est un spectacle de contes que j'ai écrit moi-même. Des contes contemporains, poétiques, touchants, plein d'humour, à ce qu’on dit.... Quel sont les thèmes développés ? L'amour des livres et des mots par les histoires. Le désir de vivre, l’épanouissement, le dialogue intérieur. La peur comme obstacle à vivre. La conscience comme élément salvateur. tu parles de la transmission de la vie. De quelle vie s'agit-il ? La transmission de la vie par une arrière grand-mère à sa petite fille, une transmission intergénérationnelle. Qu'est-ce qui est transmis ? La vie de l'âme, de l'esprit, transmise de génération en génération… Cela a-t-il à voir avec le sentiment d'exister ? Dans le conte, c'est une petite fille qui grandit, écoutant des histoires qui lui sont propres. Elles sont contenues dans des perles qui, elles-mêmes le sont dans un petit coffret que toute la famille a oublié. Elle seule les consulte. Il y a là un secret qui est transmis, par les histoires, l'amour des mots, des livres. Une vie intérieure, une vie imaginaire. Les perles, les histoires de famille... les secrets de famille, les « non-dit »... Oui, il s’agit en effet d’un secret de famille, qui est bien gardé. On dit « c'est une perle » de certaines choses qui sont ressenties comme précieuses. La petite fille, va les recueillir comme quelque chose de très précieux, qui sera son secret, qui va la construire, qui créera sa différence par rapport au reste de la famille. Et la conscience ? La conscience serait comme quelque chose qui est en soi, mais qui à un moment donné se fait entendre, peut prendre la parole, proposer un dialogue. Elle préexiste alors ? N'est-ce pas plutôt une chose qu'on va acquérir ? C'est la conscience qui naît, ou est-ce que c'est nous qui naissons à la conscience ? La conscience naît, s'éveille... À un moment, elle s'installe là. Parfois on n'est pas conscient, mais elle va apparaître. Bien sûr c’est le fruit d’efforts accomplis, du temps qui passe aussi. Après on peut engager le dialogue. La conscience est un élément dans le conte qui va venir sauver la petite fille qui a peur. INOVA R B O D A EKATERIN E RES R B I L E R THÉTÂLETCOFFRET À HISTOI IRMINE E La conscience ramène à la raison, au fait que la petite fille a grandi et qu'il n'est plus question d'avoir peur de sa peur, qu'on peut l'apprivoiser. Ça veut dire qu'elle devient capable de penser sa vie, son monde, l'espace ? Oui. Et le rapport à l'oralité, à l'écrit ? Le spectacle se présente plutôt comme un spectacle de théâtre. Je raconte et je joue. Les contes, je les ai écrits. Ils en ont la forme par le merveilleux qu'ils contiennent... Les objets, les éléments, la conscience, parlent, deviennent des personnages. Le traitement, la mise en scène de M. Galland est plutôt sobre, élégante, pour pouvoir faciliter l'accès au côté ludique des contes. Je suis seule sur scène et joue plusieurs personnages. Et le rapport au public ? Quand le public réagit, comme je suis l'auteure, je suis directement touchée : savoir que mes contes parlent, me donne d'autant plus d’enthousiasme à les jouer. il y a une part de biographie ? Oui, tout à fait. Je les ai écrits en m'inspirant de mon propre parcours. Tout est transposé, sauf peut-être l'amour des mots, ce qui m'est resté d'une grand-mère qui aimait les mots et les livres. Quelle belle conclusion à notre entrevue. réalisée par Vincent rouche (Cie du moment) n°53 - N’ous n’irons pas à Avignon 2014 p 11 le P ’ T I T journal LA LIBRAIRIE DE LA GARE DANS LE HALL D’ACCUEIL, VENEZ FLÂNER ET RÊVER ENTRE LES OUVRAGES ET PEUT-ÊTRE APPRENDRE UN PEU. EN PARTENARIAT AVEC LA LIBRAIRIE ENVIE DE LIRE (IVRY-SUR-SEINE) Directeur de la publication Mustapha Aouar Rédactrice en chef Audrey Pouhe Njall et Cindy Houlès Réalisation maquette Emilie simon, Audrey Pouhe Njall et Cindy Houlès VOITURE BAR & WAGON RESTAU Ont participé à ce numéro : Théâtre Libre Cie Le T.O.C. Nicole Genovese Collectif Orkestronika Cies l’Optimiste & Dès Demain Termos Cie du Moment Cie Terribilità Mustapha Aouar AVIS AUX GOURMANDS ET AUX ASSOIFFÉS ! NOUS VOUS ACCUEILLONS DÈS 19H LES SOIRS DE REPRÉSENTATION. LE PROGRAMME DE LA SEMAINE Les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Impression : G a re a u T h é ât re T i ré à 2 0 0 e xe m p l a i re s RETROUVEZ LE FEUILLETON KAMÉRATONESQUE* SUR YOUTUBE ! HTTPS://WWW.YOUTUBE.COM/USER/GAREAUTHEATREVITRY * 32 petites vidéoS dans lesquelles les Cies vous expliquent pourquoi elles n’y vont pas. GARE AU THÉÂTRE 13 rue Pierre Sémard 94400 Vitry/Seine Rens : 01 55 53 22 22 Résa : 01 55 53 22 26 GARE AU THÉÂTRE, BRASSEURS D’IDÉES DEPUIS 1996 « LA FABRIQUE D’OBJETS ARTISTIQUES EN TOUS GENRES » www.gareautheatre.com