Typologie des principales villes franaises la veille des

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Typologie des principales villes franaises la veille des
Céline Colange, « Typologie socio-électorale des principales villes françaises à la veille des élections
municipales 2008 », Cybergeo, Elections municipales 2007 France, mis en ligne le 11 mars 2008http://www.cybergeo.eu
Typologie
socio-électorale
des
principales
villes
françaises à la veille des élections municipales 2008
Céline Colange
Laboratoire MTG – UMR 6266 IDEES,Université de Rouen
[email protected]
11/03/2008
fr
La carte de la répartition géographique des maires des principales villes françaises selon
leur appartenance politique en février 2008 présente un tableau peu connu (carte 1). La grande
majorité de ces communes sont dirigées par le parti socialiste et l’UMP. Les autres courants
(MODEM, PCF) sont minoritaires. Notons que depuis 2001, le Front National ne gouverne
plus de villes importantes (de plus de 50 000 habitants). Dans l’ouest et dans le nord, les
maires de gauche sont bien représentés (Lille, Dunkerque, Rennes, Brest, Nantes, Le Mans,
Poitiers, Niort…) ainsi que dans le centre (Limoges, Clermont-Ferrand). A l’inverse, en
Normandie (Caen, Le Havre, Rouen), en Lorraine (Nancy, Metz), en Alsace (Strasbourg,
Colmar), sur le littoral méditerranéen et dans le sud-ouest (Bordeaux, Toulouse, Montauban),
la droite domine, parfois depuis plusieurs décennies. Dans l’est, les maires de gauche ont
souvent été élus récemment (en 1995 ou en 2001 comme à Grenoble ou à Lyon).
Depuis les élections présidentielles et municipales de 1995, on constate une nette
progression de la gauche non communiste dans la majorité des grandes villes françaises, et
plus précisément dans les communes centres. Cette évolution positive avait alors permis au
parti socialiste de conquérir les mairies de plusieurs villes de plus de 50 000 habitants, parfois
à l’issue de triangulaires avec la droite et le Front National. En 2001, deux des principales
métropoles, Paris et Lyon, longtemps bastions de droite, basculent à gauche. Ces progrès de la
gauche socialiste dans les villes se confirment lors des élections cantonales et régionales du
printemps 2004 permettant pour la première fois à 20 régions sur 22 et à une majorité des
départements d’élire un président de gauche. Cependant, ces gains de suffrages ne sont pas
homogènes sur tout le territoire comme en témoignent les résultats du dernier scrutin
présidentiel. Comme nous l’avons souligné dans nos analyses, le vote des villes à la
présidentielle de 2007 coupe la France en deux selon une fracture est / ouest. Les villes de
l’ouest ont majoritairement accordé leur confiance à Ségolène Royal, tandis que celles de l’est
ont soutenu Nicolas Sarkozy. Au second tour, les reports de voix obtenues par le candidat
centriste François Bayrou au premier tour ont suivi cette même logique. De même, lors des
législatives du mois de juin, la gauche a remporté plusieurs circonscriptions clés des centres
villes détenues depuis plusieurs générations par la droite (Rouen, Bordeaux 2, Toulouse 1 et
2…). A l’aube des prochaines échéances municipales, le paysage électoral urbain apparaît en
mouvement et relativement ouvert. Des municipalités historiquement ancrées à droite
pourraient bien dans quelques jours élire un maire de gauche. S’appuyant sur ce constat, il
nous semble intéressant d’étudier quelles sont, à l’heure actuelle, les caractéristiques
électorales et socio-économiques des principales villes françaises.
Afin de dresser une typologie socio-électorale des grandes villes, nous avons réalisé une
analyse en composantes principales qui repose sur l’étude conjointe de dix variables
politiques (la tendance politique du maire sortant, le vote au second tour de l’élection
présidentielle 2007, la répartition des votes Royal, Bayrou, Sarkozy et Le Pen au premier tour
de la présidentielle, le vote au second tour de la présidentielle de 1995 et l’évolution du score
de la gauche entre 1995 et 2007) et dix variables sociales. Parmi celles-ci, cinq indicateurs
caractérisent une population plutôt aisée sur le plan socio-économique (taux de cadres, de
professions intermédiaires, d’actifs non salariés, de diplômés de l’enseignement supérieur,
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ménages possédant 2 voitures ou plus). Les six autres variables qualifient une population
moins « favorisée » (taux d’ouvriers, d’employés, de chômeurs, de population d’origine
étrangère, de personnes non diplômées et de familles nombreuses).
L’essentiel de l’organisation spatiale de ce paysage socio-électoral de la France urbaine
réside dans les quatre premiers axes de l’ACP qui rassemblent près de 78% de l’inertie totale
du nuage de points.
Le premier axe contient 37,3% de l’inertie totale du nuage. C’est un axe que l’on peut
qualifier d’axe politique ou idéologique. Il oppose la droite gaulliste (UMP) et le Front
National à la gauche socialiste et au MODEM. Il renvoie à une double logique spatiale et
sociale, puisqu’il oppose les villes méditerranéennes, ainsi que la plupart des villes du nord et
de l’est aux villes de l’ouest.
Le second axe explique 21,3% de l’inertie du nuage de points. Cet axe se fonde
principalement sur un critère de différenciation socio-économique. Il oppose les villes
industrielles et ouvrières aux villes tertiaires, universitaires et touristiques.
L’axe 3 ne conserve que 10,5 % de l’inertie. L’axe 4 ne rassemble que moins de 9% de
l’inertie du nuage. Les corrélations des différentes variables avec ces deux axes étant
généralement peu significatives, ceux-ci ne seront pas étudiés.
L’analyse permet de classifier les villes selon six grands groupes (carte 2). Le premier
groupe réunit des villes méditerranéennes (Cannes, Nice, Toulon, Marseille, Perpignan,
Béziers, Avignon, Arles, Ajaccio) et trois communes de l’est (Troyes, Colmar, Mulhouse). A
l’exception de Mulhouse, Arles et Ajaccio, ces communes sont toutes gérées par la droite
municipale. Elles se caractérisent par un comportement protestataire. Au second tour de
l’élection présidentielle en mai dernier, ces villes ont voté massivement pour le candidat
UMP. Par ailleurs, malgré son déclin au niveau national, Jean-Marie Le Pen y a obtenu un
score honorable voire stable au premier tour.
Le second groupe rassemble essentiellement des communes industrielles et ouvrières du
nord et de l’est de la France. Parmi ces villes, certaines sont localement de droite (Metz,
Saint-Etienne, Le Havre, Reims, Châlon-sur-Saône), d’autres ont un maire de gauche (Le
Havre, Calais, Dunkerque, Belfort. Dans ces villes, le candidat FN a réalisé un score supérieur
à 10% des exprimés au premier tour et la gauche y a moins progressé que la moyenne
nationale, même si Ségolène Royal est arrivée en tête dans plusieurs d’entre elles. Les voix
centristes du premier tour ont bénéficié au candidat de droite au second tour.
Le troisième groupe comprend des communes du centre (Clermont-Ferrand, Limoges) et
de l’ouest (Brest, Laval, Le Mans, Lorient), à l’exception d’Amiens et de Lille. La plupart de
ces villes sont gouvernées par le PS. Dans ces villes, le candidat centriste avait réalisé une
bonne performance au premier tour de la présidentielle. La candidate socialiste était en tête au
premier et au second tour profitant d’un bon report des votes de François Bayrou.
Le quatrième groupe réunit des villes qui se caractérisent presque toutes par le fait que ce
sont des villes universitaires et plutôt centrées vers les activités tertiaires. A l’exception de
Lyon où elle a perdu plus de 12 points, la gauche a très nettement progressé entre 1995 et
2007. On retrouve dans cet ensemble des villes historiquement de droite (Toulouse) mais
aussi des villes récemment conquises ou reconquises par celle-ci comme Rouen, Caen,
Strasbourg, Orléans, Tours).
Le cinquième groupe rassemble les villes bretonnes de Rennes et de Quimper, ainsi que
Poitiers et Niort dans la région du Poitou. Ces villes se caractérisent par un sur-vote à gauche
lors des élections présidentielles, en particulier en 2007, où on peut sans doute y voir un effet
Ségolène Royal, élue du département des Deux-Sèvres et Présidente du Conseil régional de
Poitou-Charentes.
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Le dernier groupe est plus complexe à analyser. Il se compose de Paris, Bordeaux, Nancy
et Aix-en-Provence. Les trois premières correspondent à celles où la gauche a le plus
progressé au cours de ces dernières années lors des élections nationales.
Au regard de l’étude de cette typologie et de l’analyse des résultats des élections récentes,
les jeux semblent très ouverts à quelques jours du prochain scrutin municipal. L’issue de ces
élections se décidera en fonction des alliances, des éventuelles divisions, des reports de voix
centristes au second tour ou des possibles cas de triangulaires. Néanmoins, si la tendance
actuelle se poursuit, quelques-uns des fiefs historiques de la droite pourraient peut-être
basculer à gauche au soir du 16 mars.
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Carte 1 : Tendance politique des maires des principales villes françaises
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Carte 2 : Typologie socio-électorale des principales villes françaises à la
veille des municipales 2008
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Graphique 1 : ACP socio-politique : Individus principaux (villes) selon les
axes 1 et 2
Graphe 2 : ACP socio-politique : Variables principales selon les axes 1 et 2
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Graphique 3 : Typologie socio-électorale des principales villes françaises à
la veille des municipales 2008