L`ELARGISSEMENT DU CANAL DE PANAMA
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L`ELARGISSEMENT DU CANAL DE PANAMA
UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE L’ELARGISSEMENT DU CANAL DE PANAMA Vanessa KLINGHOFER Master II Droit Maritime et des Transports Promotion 2007/2008 Sous la direction de Maître SCAPEL 1 RESUME : Aujourd’hui, le Canal de Panama représente la route maritime majeure pour relier les océans Pacifique et Atlantique. Mais il est désormais confronté aux évolutions du commerce international du fait notamment de la croissance des économies d’échelle dans le transport maritime de conteneurs, ce qui l’oblige à une réévaluation de sa voie d’eau. L’élargissement du canal de Panama doit lui permettre de maintenir sa compétitivité et son rôle de plateforme maritime internationale. Le défi est de taille mais il semble prêt à être relevé… ABSTRACT : Nowadays, the Panama Canal represents the principal maritime way in order to link the Pacific and the Atlantic. However, it has to deal with the evolutions of the international trade as the result of the growing scale economies in container shipping, requiring him to a reassessment. The widening of the Panama canal should preserve its competitiveness and its function of international maritime platform. This is the challenge which seems ready to be taken up… 2 REMERCIEMENTS J’adresse mes plus respectueux remerciements à Maître SCAPEL, qui m’a permis d’intégrer la promotion de Master 2 droit maritime et des transports 20072008. Je le remercie également tout comme Monsieur BONASSIES, pour la qualité exceptionnelle de leurs enseignements. Je remercie Madame CHERON pour sa disponibilité et sa bonne humeur. Enfin, je souhaite adresser une pensée toute particulière à mes proches qui ont toujours su me soutenir et qui m’ont appris à ne jamais baisser les bras. Je dédie ce travail à mon grand-père, Louis MALASSIS 3 SOMMAIRE Introduction p.7 Chapitre préliminaire : La justification du projet d’élargissement p.11 Section 1 : Le canal de Panama à un carrefour géostratégique Section 2 : Inadaptation et saturation anticipée du canal p.11 p.17 1ère PARTIE : L’AUTORITE DU CANAL DE PANAMA, ACTEUR DE L’ELARGISSEMENT p.21 Chapitre I : Historique d’une institution p.21 Section 1 : La reconnaissance de la juridiction panaméenne Section 2 : L’instauration laborieuse de la Commission du Canal de Panama p.21 Chapitre II : Le nouveau statut de l’Autorité du Canal de Panama p.30 Section 1 : Une entité autonome de droit public Section 2 : Organisation de l’Autorité du Canal p.30 p.32 2ème PARTIE : LE PROGRAMME D’AGRANDISSEMENT p.34 Chapitre I : Un chantier aux allures colossales p.35 Section 1 : La construction d’un nouveau jeu d’écluses Section 2 : Excavation et approfondissement des voies de navigation p.35 p.39 Chapitre II : Une gestion entrepreneuriale p.41 Section 1 : Le projet de financement Section 2 : Les modalités d’attribution des contrats de construction p.42 p.47 Conclusion p.54 Table des Annexes p.57 Bibliographie p.68 Table des Matières p.70 p.25 4 LISTE DES ABREVIATIONS - ACP : Autorité du Canal de Panama - BEI: Banque Européenne d’Investissement - BID : Banque Interaméricaine de Développement - CCP : Commission du Canal de Panama - EPIC : Etablissement public industriel et commercial - EVP : Equivalent Vingt Pieds - OEA : Organisation des Etats Américains - PC/UMS: Universal Measurement System of the Panama Canal - ZLC : Zone Libre de Colon 5 « Panama, la géographie t’a accordé un cadeau qu’elle n’a livré à aucune terre : l’eau passe en toi comme un couteau et sépare l’amour en deux moitiés… Mais ces constructions, ces lacs, ces eaux bleues de deux mers ne doivent pas être l’épée qui sépare les heureux des misérables… Et dire qu’à toi appartient ce canal et tous les canaux qui se construisent sur ton territoire : ce sont tes sources sacrées ». Pablo NERUDA, poète chilien (1904-1973) 6 INTRODUCTION Le 24 avril 2006, le président du Panama, Martin Torrijos 1 , présentait au peuple panaméen le projet d’élargissement du canal, objet de plusieurs années d’étude par l’Autorité du Canal de Panama (l’A.C.P), entité chargée de l’administration ainsi que de la gestion de la voie interocéanique. L’article 325 de la Constitution panaméenne stipule que « toute proposition faite par l'Autorité du Canal pour la construction d'un troisième jeu d'écluses ou d'un canal au niveau de la mer par la route existante (…) sera soumise à référendum mais au préalable elle devra être approuvée par l'Organe Exécutif et par l'Organe Législatif ». Le dimanche 22 octobre 2006, près de deux millions d’électeurs panaméens devaient se rendre aux urnes et décider du sort futur de leur canal. A la question : « Approuvez-vous le projet de construction du troisième jeu d’écluses pour le canal de Panama ? », 78 % des Panaméens ont répondu « oui ». A première vue cela semblait être un plébiscite alors qu’en vérité, seulement 705 000 électeurs s’étaient déplacés sur les deux millions d’inscrits ; soit un peu moins d’une personne sur deux. Cet abstentionnisme historique pour la jeune République (supérieure à 56%), s’explique notamment par le coût onéreux du projet qui s’élève à près de cinq milliards et demi de dollars (5.25 milliards de dollars) et qui a fait craindre à de nombreux votants, un endettement démesuré du pays dont la population (40% de celle-ci vit actuellement dans la misère) serait la première à en ressentir les effets. Néanmoins, la campagne du gouvernement pour la modernisation du canal a eu raison des absents. Pour le président Torrijos, « l’élargissement du canal va renforcer la compétitivité du Panama », à une période où la voie d’eau est proche de la saturation du fait de l’essor du trafic maritime et dont la taille des écluses n’est plus adaptée aux porte-conteneurs de dernière génération. 1 Elu en 2004, il est le fils de l’ancien dictateur Omar Torrijos qui a dirigé le Panama de 1968 jusqu’à sa mort en 1981. 7 Mais le canal de Panama, seul passage névralgique de l’Amérique latine permettant de relier la façade Atlantique à la façade Pacifique, pourrait-il avoir quelques concurrents qui souhaiteraient à leur tour profiter de l’excellente croissance du commerce international ? Il y a tout d’abord l’existence d’un projet au Nicaragua 2 dont l’idée originelle remonte au XVIème siècle. A la fin du XIXème, il y eut une longue hésitation quant à la création d’un passage maritime qui traverserait le Nicaragua ou le Panama. Bien que le choix se soit porté sur le second pays, un siècle plus tard, l’idée est toujours d’actualité. En 2006, le président Enrique Bolaños annonçait que le coût de la réalisation du « Grand canal interocéanique du Nicaragua » était estimé entre quatorze milliards et demi et dix-huit milliards de dollars (soit quatre fois le Produit Intérieur Brut du pays) et que les travaux pourraient durer près de douze ans, s’achevant ainsi en 2019 ; quatre ans après ceux du Panama. Le Nicaragua dispose, il est vrai, d’abondantes ressources hydrographiques et la voie maritime pourrait être deux fois plus large que la voie panaméenne, acceptant des navires deux fois plus gros et dont les capacités atteindraient les 250 000 tonnes. Cependant, la traversée du canal du Nicaragua serait beaucoup plus longue avec 280 kilomètres contre quatre-vingt pour le canal de Panama et surtout, souci majeur, il n’y a pas de potentiels investisseurs ; bien que le président affirme avoir quelques contacts avec des russes et des asiatiques. Il est évident que le Nicaragua, second pays le plus pauvre d’Amérique latine, ne pourra jamais assumer seuls des travaux d’une telle envergure. Sans l’aide d’investisseurs, le canal ne se fera pas. Il y a ensuite un projet en Colombie. Celui-ci remonte aux années 1996 lorsque le président Ernesto Samper était au pouvoir. Il s’agit de créer un canal maritime au nord du pays, unissant le golfe Uraba (Atlantique) à la rivière Truando (Pacifique), ainsi qu’un canal sec où les conteneurs seraient acheminés d’un océan à un autre par voie ferroviaire. Le coût total de l’opération est estimé à trois milliards de dollars. Cependant, elle aura surement du mal à voir le jour et cela pour trois raisons. La première concerne le fait que le canal, tout comme la voie ferroviaire, traverseraient une zone aux prises avec le problème des guérillas. Ensuite, l’eau ne serait pas en quantité suffisante pour permettre aux écluses de fonctionner, et enfin, depuis la double élection du président Alvaro Uribe (respectivement en 2002 et en 2006), le projet n’a jamais été retouché. 2 Voir ANNEXE 1. 8 Une alternative s’est formée par le projet commun du Guatemala, du Salvador et du Honduras. L’idée de ces trois pays consisterait à relier le port de Cutuco au Salvador à celui de Puerto Cortés au Honduras et à Puerto Barrios au Guatemala. Une large voie terrestre relierait ensuite ces zones portuaires. L’avantage de ce système est qu’il ne faudrait que dix heures par route pour que les marchandises puissent rejoindre un port à l’autre. Les constructions ont débuté au port de Cutuco grâce à un prêt octroyé par l’Agence de coopération internationale du Japon. L’ambassadeur du Salvador aux États-Unis, René León, a indiqué que ces pays d’Amérique centrale souhaitaient « devenir un passage alternatif entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique. Le canal de Panama demeurera le principal point de transit en Amérique latine ». Au Mexique, c’est l’élaboration d’un canal sec entre les ports de Salina Cruz et celui de Coatzacoalcos, villes distantes de 300 kilomètres, qui prédomine. L’idée est de construire une autoroute ainsi qu’une voie ferroviaire pour relier ces villes. Mais les mouvements nationalistes craignent une ingérence étrangère. De surcroît, le canal sec, situé près de l’Etat du Chiapas serait proche de la menace zapatiste. Le canal de Panama ne pourrait pas y voir une quelconque menace, d’autant plus que le Mexique s’intéresse à la création d’un canal sec, nécessitant que l’on manipule à plusieurs reprises les conteneurs, ce qui est loin d’être pratique. Enfin, un dernier projet vient de voir le jour concernant l’éventualité de créer une route commerciale navigable en Arctique : le passage nord-ouest. Actuellement, il est utilisé quatre mois par an mais nécessite l’assistance de brise-glaces. Néanmoins, avec le réchauffement climatique, la taille de la banquise diminue un peu plus chaque année et des prévisions affirment qu’à partir de 2030, il n’y aurait plus de glace pendant l’été. Ainsi, une nouvelle voie maritime, définitivement plus courte que celle de Suez et Panama, pourrait offrir des avantages non négligeables à ses utilisateurs. A la différence du canal de Panama, il n’existe aucune limite quant à la taille des navires. Ensuite, de par la distance plus courte à parcourir cela entrainerait de véritables économies de carburant. Toujours est-il qu’il n’existe absolument aucune infrastructure portuaire, élément de sécurité primordial pour la navigation commerciale. Le Canal de Panama n’a pas aujourd’hui à être inquiété par l’existence des projets susmentionnés. Avec la réalisation de ses travaux d’agrandissement, il semble avéré qu’aucun concurrent ne pourra rivaliser à court terme avec la voie interocéanique, puisqu’il 9 ne semble pas y avoir pour l’instant, d’autres solutions intéressantes répondant aux problèmes posés par la taille des navires de plus en plus imposants. Pour mener à bien notre étude sur l’élargissement du canal de Panama, il conviendra dans un chapitre préliminaire, d’apporter tous les éléments essentiels qui ont justifié la mise en œuvre d’un projet de cette envergure et ce, afin d’en comprendre mieux les enjeux. L’Autorité du Canal de Panama est depuis l’entrée dans ce nouveau millénaire, l’organe directeur exclusif qui contrôle, décide et gère les travaux d’élargissement. C’est dans une première partie que nous tenterons de cerner cet acteur central des travaux d’élargissement, sans qui la voie interocéanique ne pourrait fonctionner et se développer. Dans une seconde partie enfin, nous nous focaliserons sur la nature même du programme d’agrandissement, dont les premières opérations ont débuté en septembre 2007. 10 CHAPITRE PRELIMINAIRE : LA JUSTIFICATION DU PROJET Le choix des Autorités Panaméennes d’élargir le Canal intervient à une période stratégique du développement du commerce international, rythmée par le contexte de la mondialisation et de l’augmentation des échanges maritimes internationaux. Le Panama ne peut aujourd’hui ignorer de telles réalités et son projet d’expansion apparaît désormais comme un véritable défi pour le développement économique de son pays. Cet agrandissement se conçoit dans un premier temps par la position géographique idéale et unique du Panama où ce sont près de 5% du trafic maritime mondial qui y transite. Le canal est par conséquent l’une des grandes artères du commerce mondial (Section 1). Néanmoins, ce dernier n’est plus adapté aux exigences du trafic maritime international. La saturation à l’entrée des points de passages maritimes du canal a conduit les autorités administratives à entreprendre cet agrandissement, notamment dans un souci de fluidification du trafic. L’évolution de la taille des navires liée au phénomène de conteneurisation des marchandises reflète le changement d’échelle qui s’opère dans le transport maritime international. Le canal de Panama est saturé, proche de l’asphyxie (Section 2). Section 1 : Le canal de Panama à un carrefour commercial géostratégique Le Panama a toujours représenté grâce à sa position géographique un territoire unique dans l’hémisphère. Isthme 3 de presque 800 kilomètres de long et ne dépassant pas les 80 kilomètres dans sa partie la plus étroite, le Panama compte près de 2500 kilomètres de côtes. Il est bordé au nord par la mer des Caraïbes et sépare les océans Atlantique et Pacifique de quelques dizaines de kilomètres 4 . La construction du canal a marqué l’histoire du pays et en a fait un carrefour stratégique entre le nord et le sud du continent américain ainsi qu’entre les deux océans. 3 Un isthme est une étroite bande de terre, entre deux étendues d'eau connectant deux grandes étendues de terre. Les isthmes sont des lieux stratégiques pour construire des canaux. 4 Voir ANNEXE 2. 11 Après l’ouverture du canal de Suez en 1869, l’idée de construire un canal au Panama a nourri bien des esprits. Les Français, sous Ferdinand de Lesseps obtinrent en 1876 l’exclusivité d’un contrat de construction. Les travaux commencèrent en 1881 mais en raison d’épidémies, de difficultés climatiques, d’un manque de financement et surtout d’une mauvaise gestion, l’initiative fut vouée à l’échec ; conduisant la compagnie française à la faillite 5 . Conscients des enjeux économiques et de la nécessité stratégique 6 d’une voie interocéanique, les Etats-Unis ratifièrent en 1901 le Traité Hay-Pauncefote leur permettant d’obtenir l’exclusivité de la construction et de l’administration du canal. La Colombie, souveraine du Panama, s’y opposa fermement et refusa la construction américaine. Les Etats-Unis soutinrent alors les militaires du Panama, partisans d’une nation « panaméenne » et le 03 novembre 1903, l’indépendance de la nouvelle République fut proclamée. Les Américains la reconnurent immédiatement et le Panama devint le sixième pays d’Amérique Centrale. Deux mois plus tard, la jeune République signa avec les Etats-Unis le Traité HayBunau-Varilla 7 . En vertu de son article I, les Etats-Unis s’engageaient à garantir l’indépendance et la souveraineté territoriale du nouvel Etat. L’article II stipulait que le Panama concédait aux Etats-Unis l’utilisation, l’occupation ainsi que l’administration à perpétuité d’une bande de terre large de seize kilomètres (dix miles) à travers l’isthme pour la construction du canal. Enfin, par l’article III du Traité, la zone du canal de Panama était désormais sous administration nord-américaine dont le statut s’apparentait à celui d’un 5 Le scandale de Panama est une affaire de corruption dans laquelle des industriels et des hommes politiques français furent impliqués comme Ferdinand de Lesseps, Gustave Eiffel, Baïhaut ancien ministre des Travaux publics, le financier Jacques de Reinach et Clémenceau. Le procès s’ouvrira en mars 1893 pour trafic d’influences et détournement de fonds ruinant ainsi des milliers de souscripteurs. 6 7 Intérêt militaire de première importance ; les Etats-Unis étant déjà maître des Philippines, Cuba et Porto Rico. Du nom de John Hay, Secrétaire d’Etat américain, chargé de l’ensemble des négociations par le Président Théodore Roosevelt et de Philippe Bunau-Varilla, polytechnicien lyonnais à qui on a longtemps attribué la paternité du Traité. Ce dernier demeure l’auteur de clauses très importantes : le principe de neutralisation de la voie d’eau et de liberté de passage interocéanique (bien qu’il n’en ne sera pas fait mention dans le Traité), le principe d’un traitement « équitable et juste » de tous les pavillons concernant les charges et les conditions de transit, et enfin, la protection du Panama par les Etats-Unis. Mais ce Traité a toujours été considéré comme une trahison, aucun Panaméen ne l’ayant signé. 12 protectorat 8 puisque l’on donnait au Gouvernement américain la plénitude et l’exclusivité des compétences dans la zone du canal. En contrepartie des droits qui leur étaient attribués, les Etats-Unis versèrent dix millions de dollars au moment de l’échange des instruments de ratification ainsi qu’une rente annuelle à titre de bail de 250 000 dollars par an. Ainsi, par le biais de ce Traité, les Etats-Unis obtenaient des compétences illimitées à perpétuité dans la construction et l’administration du canal et s’assuraient de leur présence physique dans une zone qui s’apprêtait à devenir l’une des principales routes maritimes du monde. Les travaux commencèrent dès 1904 et le projet initial des Français de faire construire le canal au bord de la mer fut modifié par la construction d’un système d’écluses d’une largeur de 33.5 mètres, d’une longueur utilisable de 294 mètres et d’une profondeur de 12 mètres. Un lac fut par conséquent créé afin d’y apporter l’eau nécessaire 9 . Près de 260 millions de mètres cubes de terre furent déblayés par 45'000 ouvriers et trois barrages furent construits pour faire du lac Gatún la plus grande retenue artificielle de l’époque d’une extension de 423 kilomètres carrés. Réaliser de tels barrages et écluses représentait pour l’époque une véritable prouesse technologique. Le coût total des travaux s’éleva à 375 millions de dollars et 25 000 ouvriers y perdirent la vie. Pour l’ingénieur et industriel français Gustave Eiffel, il s’agissait de « la plus belle œuvre d’ingénierie du vingtième siècle » ; tandis que d’autres la comparèrent à la « huitième merveille du monde ». La traversée du vapeur « Ancon » marqua l’ouverture à la navigation du canal de Panama, deux semaines après le début de la Première Guerre mondiale, le 15 août 1914. L’ouverture officielle n’eut cependant lieu qu’en 1920 et depuis lors, on estime à environ 925 000, le nombre de navires qui y ont transité. Le canal a connu un succès commercial immédiat qui ne s’est pas démenti pendant près de quatre-vingt quatorze ans car il demeure encore aujourd’hui l’une des voies maritimes la plus parcourue au monde, traversé par près de 14 000 navires par an ; leur épargnant ainsi le contournement du continent américain par le cap Horn, à la pointe de l’Amérique du Sud. A titre d’illustration, pour un voyage New York – San Francisco, le passage par le canal permet d’économiser près de 13 000 kilomètres puisque le parcours via ce dernier avoisine les 9 500 kilomètres au lieu des 22 500 kilomètres pour un voyage par le cap Horn. Un tel 8 Le protectorat est une des formes de sujétion coloniale. Il diffère de la colonisation pure et simple en ce que les institutions existantes, y compris la nationalité, sont maintenues sur un plan formel, la puissance protectrice assumant la gestion de la diplomatie, du commerce extérieur et éventuellement de l'armée de l'État protégé. 9 Eau elle-même puisée au sein de la rivière Chagres. 13 raccourci ne peut laisser indifférent puisqu’il représente également 35% de la marchandise maritime transocéanique qui transite depuis le nord-est de l’Asie jusqu’à la côte Est des Etats-Unis. Les navires en provenance du nord de la Chine et à destination des Etats-Unis font donc eux aussi l’économie de milliers de kilomètres en transitant par le canal plutôt que de contourner le Sud du continent américain. Le canal de Panama est ainsi un carrefour maritime essentiel voire même indispensable en termes de gain de temps et d’argent. Les Etats-Unis, la Chine et le Japon figurent parmi les trois principaux utilisateurs du canal devant le Chili et la Corée du Sud. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque les routes commerciales majeures qui passent par le canal sont celles qui relient l’Asie et la côte Est des Etats-Unis (dont les liaisons maritimes sont passées de 11% à 23% des liaisons totales Asie / Etats-Unis) 10 , la côte Est des Etats-Unis et la côte Pacifique de l’Amérique du Sud ; enfin l’Europe à la côte Pacifique de l’Amérique du Sud. Aujourd’hui le canal de Panama représente pour les pays asiatiques certes un raccourci précieux dans l’économie de milliers de kilomètres, mais surtout le moyen idéal d’asseoir toujours un peu plus leur puissance (leur contrôle diront les plus sceptiques) à travers le monde. Les autorités panaméennes ont compris qu’il fallait composer avec ces acteurs qui ont un rôle déterminant à jouer dans le développement économique du Panama. Dans l’optique de faire de son pays une plate-forme unique du commerce maritime mondial, le gouvernement panaméen a du développer ses infrastructures portuaires pour le fret international, attirant ainsi des investisseurs privés dans les quatre ports situés aux embouchures du canal. Ces entreprises, pour la plupart asiatiques, ce sont focalisées sur les concessions portuaires et leurs investissements sont évalués à 750 millions de dollars. En 1995, un premier terminal à conteneurs, le « Manzanillo International Terminal » a été installé côté Atlantique. Le groupe américain « Stevedoring Services of the America » y a investi près de 300 millions de dollars pour le développement de cette infrastructure portuaire et y manutentionne quelques 700 000 Equivalent vingt pieds (EVP) 11 . En août 1996, la société hongkongaise « Hutchison Port Holding », propriété du milliardaire Li Ka10 Les relations Sud-Sud se développent de plus en plus alors qu’ont prédominé jusqu’au milieu du XXe siècle, les échanges Nord-Sud avec les anciennes colonies. Les échanges maritimes sont désormais beaucoup plus recentrés sur l’Asie. 11 L’Equivalent vingt pieds est une unité de mesure permettant de regrouper à la fois les conteneurs de 40 pieds et ceux de 20 pieds. 14 shing 12 , obtenait la concession des deux ports majeurs du Panama, Cristobal sur la façade Atlantique et Balboa sur l’ouverture Pacifique, situés donc aux deux extrémités de la voie interocéanique. Elle y a investi 120 millions de dollars à Balboa en vue de développer des infrastructures capables d’accueillir des navires post-Panamax, ces grands porte-conteneurs de dernière génération qui pour l’instant ne peuvent transiter par le canal ; les écluses de ce dernier n’étant pas adaptées à leur gabarit imposant. Le terminal de Balboa fait lui aussi l’objet de projets d’expansion à hauteur de quarante millions de dollars. Ces projets d’agrandissement des infrastructures ont été lancés par la société en 2005 et devraient s’achever fin 2008. Au total, ce sont 200 millions de dollars additionnels qui sont prévus afin d’améliorer la capacité des terminaux. L’entreprise Taïwanaise « Evergreen » a investi dix millions de dollars à l’embouchure Caraïbe du canal en mettant en service en octobre 1997 le « Colon Container Terminal » (le Terminal des Conteneurs de Colon) sur la côte Atlantique. Elle prévoit sur ce même site des projets d’expansion de 80 millions de dollars. Le Panama possède désormais, après les Etats-Unis, les plus grands ports du continent américain. Aujourd’hui le canal est aux yeux des puissances asiatiques l’objet de toutes les convoitises et une rivalité grandissante s’est instaurée. L’élargissement du canal est donc suivi de très près par ces protagonistes. Cette présence asiatique suscite néanmoins l’inquiétude des Etats-Unis car Washington y voit une prise de contrôle de la voie d’eau par les Chinois. Le départ de « l’oncle Sam » viendrait il à être remplacé par la venue de « l’oncle Tchang » ? Le Panama dispose également une zone franche 13 , la deuxième au monde qu’est la Zone libre de Colon (ZLC) qui fut créée en 1948, à l’entrée même du canal côté Atlantique à proximité du port de Colon. Elle représente la seconde plate-forme de logistique et de redistribution au monde après celle de Hong Kong. C’est un entrepôt qui s’étend sur 400 hectares où proviennent de l’Asie, de l’Europe 14 et des Etats-Unis des produits qui ne sont soumis à aucun droit de douane (produits pharmaceutiques, cosmétiques, électroniques…) Près de 12% des exportations chinoises sont consacrées au Panama alors qu’il n’est qu’un 12 Son entreprise compte parmi les premiers opérateurs portuaires au monde. M. Li Ka-shing est également connu sur le territoire français pour son rachat récent de la chaîne de parfumerie Marionnaud. 13 Il s’agit d’une zone dans un pays qui permet de faire bénéficier d’avantages comme l’exonération de charges fiscales. 14 La France est le huitième fournisseur de la ZLC avec 133 millions de dollars en 2005. 15 point de transit ; c’est dire toute la dimension de premier ordre donnée à ce pays. Le volume total des transactions dans cette zone franche se chiffre à environ dix milliards de dollars par an. Ces investissements étrangers, asiatiques pour la plupart, reflètent une amélioration renforcée des infrastructures portuaires panaméennes, favorisant ainsi de meilleurs moyens de liaisons entre les deux extrémités du canal et le reste du monde. Le phénomène de conteneurisation qui a littéralement explosé depuis les années 1960, notamment par les échanges de produits manufacturés en provenance d’Asie 15 , ont un impact considérable dans le développement des ports panaméens. En 1996, cette activité constituait près de 235 000 EVP tandis que onze plus tard, en 2007, elle dépassait les trois millions d’EVP. Il est indéniable que ces installations tant sur la façade Atlantique que Pacifique permettent une meilleure redistribution des porte-conteneurs partis d’Asie et d’Europe. Grâce à des infrastructures puissantes comme les grues, les quais et les entrepôts de stockage immenses, les activités de transbordement de conteneurs sont de plus en plus optimisées, permettant aux ports de Colon et de Balboa d’être de véritables hubs pour les plus grands armements mondiaux. Parallèlement à cela, un effort particulier est fait au niveau de l’amélioration des liaisons ferroviaires et routières, permettant aussi le transport de marchandises de l’Atlantique au Pacifique, en attendant l’élargissement du canal qui permettra au post-Panamax de transiter via le canal. Pour pallier à cette situation et offrir un large choix dans les modes de distribution, une autoroute de 88 kilomètres reliant les deux océans a été construite. En 1998, le chemin de fer de 78 kilomètres, alors tombé en désuétude jusque là, a fait l’objet d’un plan d’investissement de 60 millions de dollars par la compagnie de chemin de fer américaine « Kansas City Southern » pour remettre en œuvre tant les équipements que les voies et faire circuler jusqu’à dix trains par jour ; soit une capacité de 250 000 EVP par an. Mais le Panama est aujourd’hui confronté au problème de l’augmentation de la croissance du trafic maritime international qui ne saurait trouver de solution dans l’état actuel de son canal. Ses infrastructures, en effet, sont désormais inadaptées aux porte-conteneurs de dernière génération et les files d’attente pour rejoindre tant le Pacifique que l’Atlantique se font de plus en plus longues. 15 En trente ans, l’Asie est devenue le foyer de ce puissant essor. En 2003, les ports Asiatiques concentraient à eux seuls près de 47% des conteneurs manutentionnés dans le monde, dont 41 millions de conteneurs rien que dans les ports chinois ; 22% pour l’Europe et 12% pour le continent Nord américain. 16 Section 2 : Inadaptation et saturation anticipée du canal L’architecture navale s’est toujours efforcée de faire preuve de pragmatisme dans la construction des navires afin que ces derniers soient adaptés aux différentes routes maritimes qu’ils empruntent. Mais les canaux font souvent l’objet de contraintes et ont longtemps imposé aux constructeurs d’adapter voire de limiter la taille des navires pour que ces derniers puissent y accéder. C’est en prenant en considération de telles limites pour le passage du canal de Panama, notamment le gabarit de son jeu d’écluses, que les navires pouvant y transiter sont communément désignés sous l’appellation « Panamax ». Ces derniers ont une capacité comprise entre 2 500 E.V.P sur dix rangs en largeur à 4 400 E.V.P 16 sur onze rangs et frôlent déjà de peu le bord des écluses lors de leur traversée. Les dimensions des écluses et la profondeur du canal de Panama sont deux éléments essentiels dans la détermination de la taille maximum des navires susceptibles de le traverser. Elles sont fixées par l’Autorité du Canal de Panama (ci-après l’ACP) 17 , responsable de l’opération et de la gestion du canal. Ainsi, pour répondre à la norme Panamax, les dimensions maximales des navires en transit doivent être de 294.1 mètres pour la longueur hors-tout 18 , 32.3 mètres pour le maître-bau 19 , 12 mètres pour le tirant d’eau 20 et 57,91 mètres pour le tirant d’air 21 . L’ACP peut toujours accorder des exceptions pour des navires dont les structures dépassent de peu ces normes mais il s’agit là d’un pouvoir discrétionnaire de l’Autorité. 16 Ce maximum a été atteint avec le « Hamburg-Express de 4 422 E.V.P 17 Agence du gouvernement du Panama qui remplace depuis le 31 décembre 1999, date de restitution du canal au Panama par les Etats-Unis, la Commission du canal de Panama, agence panamo-américaine. 18 Ou encore longueur d’encombrement qui correspond à la distance entre les points extrêmes avant et arrière de la structure permanente du bateau. 19 Cela correspond à la plus grande largeur du navire. 20 Le tirant d'eau est la hauteur de la partie immergée du bateau variant en fonction de la charge transportée. Il correspond à la distance verticale entre la flottaison et le point le plus bas de la coque, usuellement la quille. Le tirant d'eau maximum d'un navire est nommé calaison. 21 C’est la hauteur maximale des mâts voire des superstructures du navire, au-dessus de la ligne de flottaison. 17 Le canal de Panama tel qu’il avait été initialement conçu, présentait pour l’époque des normes imposantes correspondant à la taille du navire américain le plus grand lors de la construction du canal. Aujourd’hui cependant, le canal n’est plus adapté à la taille des nouveaux navires qui sillonnent les océans alors qu’il a imposé pendant des décennies sa norme internationale. On assiste à un véritable bouleversement dans le sens que ce sont désormais aux autorités administratives en charge des canaux d’agrandir leur voie d’eau et non plus aux constructeurs d’adapter la taille des navires ; les chantiers navals construisant de plus en plus de navires d’un gabarit bien supérieur à celui des écluses du canal de Panama. C’est donc au canal de s’accommoder à cette tendance du transport maritime international. Cette révolution qui s’opère redessine largement les contours du paysage maritime mondial. Depuis la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, en effet, on a assisté au gigantisme naval des vraquiers et surtout des pétroliers, plaçant le canal en dehors des principaux circuits maritimes de vrac. Mais le second choc pétrolier de 1979 arrêta brusquement ce développement. Toujours est-il que vers la fin des années quatre-vingt, le monde maritime a été à nouveau le témoin de l’explosion du phénomène de conteneurisation tout comme de l’augmentation de la taille des navires, avec l’arrivée des post-Panamax ou encore over-Panamax. Ces grands porte-conteneurs de dernière génération mesurent jusqu’à 366 mètres sur 49 mètres et peuvent transporter jusqu’à 12 000 conteneurs atteignant ainsi jusqu’à 150 000-170 000 tonnes. En 2006, une nouvelle étape a été franchie avec le lancement du super porte-conteneurs « Emma Maersk » d’une capacité de 11 000 EVP. Aujourd’hui, ces navires sont engagés dans une véritable course au gigantisme naval et la construction de navires de 12 000 EVP ne semble pas être une limite technique et géographique car avec un tirant d’eau limité à quinze mètres, ils auront encore accès aux grands ports à conteneurs. Cette tendance du « toujours plus grand » se retrouve aussi dans d’autres post-Panamax, baptisés « Suezmax » car empruntant le Canal de Suez (qui ne comprend pas d’écluses) avec un tirant d’eau dont les limites atteignent les dix-sept mètres ; et les « Capesize 22 » se limitant seulement à passer par le cap de BonneEspérance 23 et le cap Horn. Enfin, les « Malaccamax » qui ont une taille leur permettant de franchir le détroit de Malacca (Indonésie), avec un tirant d’eau limité à vingt mètres de profondeur et un port en lourd de 300 000 tonnes. 22 Ce sont de très gros vraquiers voire des supertankers comme la série de pétroliers de plus de 500 000 tonnes, les Batillus 23 Cap situé en Afrique du Sud, à l’extrémité de la péninsule située au sud de la ville du Cap. 18 La capacité des post-Panamax représente donc plus du double de celle des Panamax et on imagine déjà les parcours beaucoup plus rentables que ces géants des mers vont pouvoir entreprendre. Parce qu’ils permettent de réduire considérablement les coûts par tonne transportée, la part des post-Panamax est en augmentation croissante. Concrètement, elle représente aujourd’hui 27% du transport maritime mondial de conteneurs et devrait facilement atteindre les 40% entre 2015 et 2020. En 2006, le nombre de post-Panamax existant dans le monde était de 405 et il devrait atteindre les 667 en 2011 selon l’ACP. On estime qu’à cette même date, près de 37% des conteneurs seront trop gros pour pouvoir transiter via le canal, les obligeant ainsi à passer par le canal de Suez ou encore à contourner l’Amérique du Sud via le cap Horn. La multiplication de navires porte-conteneurs de 150 000 tonnes nécessite une modernisation rapide du canal qui n’accueille encore aujourd’hui que des navires de 65 000 tonnes maximum. Ne plus pouvoir accueillir les navires les plus imposants, les plus efficaces et modernes des flottes mondiales de porteconteneurs aurait des conséquences dramatiques sur l’économie panaméenne car il ne représente pas moins de 15% du PIB, faisant vivre près de 200 000 habitants. Cette croissance rapide de la capacité et de la taille des navires est problématique pour le canal de Panama, qui au regard de l’état actuel de ses infrastructures, est en passe de devenir obsolète d’ici à 2012. Les autorités panaméennes ont bien compris que l’élargissement du canal s’imposait si elles souhaitent faire garder au canal sa part de marché tout comme son rôle prépondérant dans le trafic maritime mondial. Mais le projet d’expansion est également pour l’A.C.P le moyen « d’améliorer le rendement du canal par plus de transit avec relativement moins de bateaux 24 ». En effet, face à la croissance exponentielle du transport maritime, les files d’attente aux entrées Pacifique et Atlantique du canal sont devenues de plus en plus longues. Ainsi, en mars 2006, 111 navires ont dû faire la queue et attendre afin de pouvoir emprunter le canal. D’autant plus que le service est de plus en plus limité car le navire souhaitant traverser le canal doit réserver sa date de passage un an à l’avance et verser un acompte. Chaque jour, ce sont entre trentesept et quarante et un navires qui empruntent le canal et le temps de parcours le long des quatre-vingt kilomètres du canal prend entre huit et douze heures, pour une vitesse moyenne de neuf nœuds. Cependant, le véritable temps de transit est d’une journée si l’on prend en compte le temps d’attente dans la zone de mouillage. Les files d’attente se généralisent aux abords du canal, créant un véritable engorgement et constituant un frein au développement 24 Site internet de l’ACP, www.pancanal.pn 19 des échanges maritimes. De surcroît les délais d’attente peuvent parfois approcher les trois jours entraînant des coûts supplémentaires pour les cargaisons et provoquant un véritable effet « boule de neige » dans la mesure où les réservations prévues dans les ports suivants devront être renégociées. L’élargissement devrait permettre de doubler la capacité de sa voie d’eau et d’accueillir jusqu’à quarante-neuf navires par jour, répondant ainsi à une demande de transit en augmentation. Le Panama a su devenir par sa position géographique unique, l’existence de son canal et la privatisation de ses ports, un centre de transport maritime central, dont les infrastructures qui sont les plus importantes de la région, lui permette de gérer le trafic conteneurisé, en plein essor. Cependant, face à l’anticipation de la croissance continue du commerce international, les infrastructures du canal ne sont plus adaptées aux exigences du trafic maritime. L’Autorité du canal de Panama estime que la voie interocéanique a atteint aujourd’hui près de 93% de sa capacité et arrivera à saturation entre 2012 et 2014. Les premiers signes de l’obsolescence du canal s’analysent déjà par la taille de ses écluses, trop restreintes pour accueillir les porte-conteneurs de dernière génération et les délais d’attente de plus en plus longs aux deux entrées respectives du canal. Ainsi, la saturation certaine du canal de Panama, point névralgique pour le transport maritime mondial, oblige son Autorité responsable à engager un projet d’élargissement dont les premiers travaux ont commencé le 07 septembre 2007, date clef symbolisant les trente ans de la signature du Traité de Neutralité du canal. Aujourd’hui encore, le canal de Panama compte parmi les leaders dans le trafic maritime mondial mais à défaut d’adaptation, cette voie pourrait se réduire en faveur du canal de Suez. Si l’élargissement ne devait pas aboutir, il y aurait un risque pour le Panama qu’il perde sa compétitivité mondiale qui se ferait ressentir à travers l’économie du pays. Le Panama s’est donc lancé un véritable défi dont dépend sa viabilité économique. 20 1ère PARTIE : L’AUTORITE DU CANAL DE PANAMA, ACTEUR DE L’ELARGISSEMENT Le canal de Panama est géré sous une seule entité, l’Autorité du Canal de Panama. Néanmoins il n’en n’a pas toujours été ainsi puisque l’A.C.P n’a fait son entrée sur les devants de la scène panaméenne qu’au 1er janvier 2000. L’Histoire houleuse du Panama a conduit aux prémices de l’instauration de cette future institution (Chapitre I) ; qui obtenait le jour de la restitution du canal aux panaméens, un nouveau statut juridique (Chapitre II). CHAPITRE I : HISTORIQUE D’UNE INSTITUTION L’existence du canal de Panama s’est très souvent confondue avec l’histoire même de son Etat à tel point qu’il semble difficile de parler de l’un sans faire allusion à l’autre. Dans le développement de ce premier chapitre, il sera tout d’abord question d’apprécier les éléments historiques clefs, nécessaires à la compréhension des événements qui ont amené le peuple panaméen à se libérer peu à peu de l’emprise américaine et à renouer avec une partie de leur territoire dont ils avaient été mis à l’écart. La reconnaissance de la juridiction panaméenne par les Etats-Unis (Section 1) fut une étape décisive qui a marqué un tournant dans l’histoire du Panama et de son canal. Véritable facteur déclencheur, elle a conduit à la négociation de nouveaux traités qui ont permis la constitution d’une entité, la Commission du Canal de Panama (Section 2), qui devenait au centre d’un processus vital pour le pays. Section 1 : La reconnaissance de la juridiction panaméenne En novembre 1903, le Traité Hay-Bunau-Varilla fit du Panama un protectorat américain et bien plus que cela, il représenta pendant près d’un siècle, une véritable extension de l’hégémonie hémisphérique des Etats-Unis. Une partie du territoire du canal ainsi que la gestion de ses infrastructures furent sous le contrôle américain le plus total. Les Etats-Unis avaient ainsi réussi à acquérir les compétences territoriales nécessaires à la 21 réalisation du projet de construction du canal de Panama. Cette mise en place divisa de façon définitive le territoire panaméen en deux parties, traçant respectivement leur propre histoire. Panama et Colon, les deux villes principales du pays ne furent jamais partie de cette administration nord-américaine. La capitale bloquée dans son développement à l’ouest fut contrainte à s’étendre vers l’est et le nord du pays, tandis que la ville de Colon entourée par la zone américaine n’était reliée que par une simple route au reste du territoire Panaméen. Le canal eût quant à lui son propre gouvernement, contrôlé par le Secrétaire américain de la guerre. Le territoire est ainsi régi par les lois américaines. En 1904, alors que débutent les premiers travaux pour la construction du canal, est créée la Compagnie du canal de Panama, chargée de la création puis de la gestion de la future voie interocéanique. Son mode de fonctionnement est calqué sur celui d’une agence gouvernementale américaine, notamment en ce que les neuf à seize membres du Conseil d’Administration sont directement nommés par le Ministre de la Défense des Etats-Unis. Ce dernier représente à la fois tant le Président américain que le Congrès et demeure l’unique actionnaire de la Compagnie. Enfin, cette dernière dispose à sa tête d’un Président qui bien souvent n’était autre que le Gouverneur de la Zone du canal. Ce « Canal Zone » devînt au fil du temps un véritable centre d’entraînement des forces armées américaines où plus de 10 000 soldats y furent envoyés répartis dans des cavernes et des forts. A mesure que la construction du canal avançait et se terminait, l’approvisionnement en eau apparut comme un problème secondaire mais auquel il fallait remédier afin d’éviter que l’utilisation future de la voie d’eau n’en pâtisse. En 1930, on y construisit le barrage Madden sur la rivière Chagres qui une fois terminé en 1935, créa le lac Alajuela, en amont du lac Gatún. Au début de Seconde Guerre mondiale, il fut prévu de construire un nouveau jeu d’écluses pour permettre le passage des navires de guerre américains mais face à l’ampleur des travaux qui commencèrent et s’étalèrent sur plusieurs années, le projet fut annulé. Parallèlement au succès immédiat que connu le canal qui par sa position géographique en fit l’une des principales voies maritimes, le Panama demeurait un pays pauvre et sousdéveloppé. Les Panaméens étaient les victimes de très fortes inégalités sociales et la part des populations pauvres était importante. On tenta d’expliquer cela par le fait que les termes mêmes du Traité de 1903 ne prévoyaient pas des retombées économiques élevées ; mais devant la réussite qu’était la voie interocéanique, un sentiment d’injustice croissant gagna les Panaméens. Entre « Panama City » et « Panama cuidad 25 », correspondaient deux types de 25 « Cuidad » signifie ville en espagnol. Ce terme a été employé pour permettre de faire plus facilement la distinction entre les résidents américains de la « ville américaine » et les habitants locaux panaméens. 22 revenus, deux types d’histoire. Les habitants de « Panama cuidad » observaient voire côtoyaient au plus près la qualité de vie idéale dont les Américains jouissaient et subséquemment, des revendications politiques, économiques et sociales se firent entendre. Par trois fois, respectivement en 1936, 1941 et 1955, les Etats-Unis consentir à modifier le Traité de 1903 en redistribuant les retombées économiques du Canal afin d’apaiser les tensions. Malgré cela, les Américains restaient toujours à la tête du pouvoir et de nombreux Panaméens vivaient de plus en plus avec le sentiment que la Zone du canal appartenait légitimement au Panama. C’est en 1958 que surgit le premier sérieux mouvement de révoltes à l’encontre de l’influence politique et économique de la puissance américaine. On peut également penser que la nationalisation du canal de Suez en avril 1956 contribua à cet engouement et à la revendication de l’appartenance de la Zone du canal à la République panaméenne. A la suite de protestations, des manifestants s’introduisirent dans la Zone du canal en plantant plusieurs dizaines de drapeaux panaméens. Pour la première fois, le Président américain Eisenhower craignit tant pour l’avenir de la voie interocéanique que de ce qu’il pourrait advenir de leurs prérogatives au Panama. Sous les recommandations de ses conseillers juridiques et dans un souci de conciliation, il demanda à ce que le drapeau panaméen fut arboré dans les principaux bâtiments civils de la Zone du canal, à côté du drapeau américain. Cependant, cela ne fut pas suffisant pour faire revenir le pays à la sérénité. Pour les Panaméens, il fallait désormais reconnaître la juridiction panaméenne en tant que telle et cela passait par la dénonciation du Traité Hay-Bunau-Varilla. Plus concrètement, cela représentait nécessairement la fin de la perpétuité américaine sur la Zone du canal, un partage plus juste des revenus du canal ainsi que la présence du drapeau panaméen sur chaque bâtiment public tout comme sur les mâts des navires qui transitaient par la voie d’eau ; témoignant ainsi du lieu de localisation. Pour l’administration Kennedy, il n’était pas question que l’une de ces quelconques revendications fasse l’objet de concessions tant qu’aucune commission ne s’était prononcée sur le devenir du canal. Il est intéressant de constater qu’à cette période déterminante de l’histoire de Panama et de son canal, correspondait celle d’un vaste mouvement de revendication des pays colonisés à accéder à leur indépendance, s’attachant ainsi aux principes de la Charte des Nations-Unies sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes 26 . Pour autant, le Panama n’a jamais fait usage Ce principe repose sur le fait que chaque peuple a le choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, mais aussi le droit de se défendre s’il venait à être oppressé. Ce principe se traduit également par celui de la non-ingérence dans les 26 23 de l’argument colonial pour dénoncer les termes du Traité de 1903 comme le faisaient les autres pays qui s’engageaient vers un processus d’indépendance. Certes, le Panama n’était pas une colonie américaine mais un protectorat à statut tout de même particulier faut-il l’admettre, car concéder une partie de son territoire à perpétuité, fusse t-il par Traité, est pour le moins peu commun et doit être assimilé à une ingérence. En 1964, un nouveau palier fut franchi lors de nouvelles manifestations qui éclatèrent suite au refus d’étudiants américains d’arborer au sein de l’université de Balboa le drapeau panaméen. Les émeutes se déroulèrent dans la Zone du canal, alors grillagée, exaspérant encore plus le ressentiment des Panaméens qui y réclamaient la rétrocession de ce territoire. L’armée américaine y ouvrit le feu : il y eut près de 400 blessés et vingt-six personnes y laissèrent la vie. Cette étape marqua un tournant décisif dans l’histoire du Panama, d’autant plus qu’à ce moment, les relations diplomatiques entre Washington et Panama furent interrompues. Le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies fut saisi et se contenta de demander aux deux parties de cesser toute forme de violence. Ce fut finalement par le biais de la médiation de l’O.E.A (l’Organisation des Etats Américains) 27 que les relations diplomatiques furent rétablies et que des ambassadeurs furent désignés afin de conclure un accord équitable entre ces deux pays. Finalement, les Etats-Unis sous la voix du Président Johnson acceptèrent que le Traité de 1903 soit abrogé et que de nouveaux pourparlers aient lieu afin de mettre en œuvre les termes d’un Traité beaucoup plus juste et équitable. Suite à un contexte historique houleux et à des pressions émanant de la population panaméenne de plus en plus fortes, la puissance américaine fut contrainte d’engager un nouveau processus de négociations pour redéfinir tant les termes de sa présence dans la Zone du canal que le statut même du canal de Panama, et par conséquent son avenir propre. Les traités qui s’apprêtaient à être discutés et négociés marquèrent le début d’une nouvelle ère, celle de la mise en place de la Commission du canal de Panama, nouvelle entité américano- panaméenne qui allait gérer et administrer le canal. affaires internes du pays, à moins qu’il y ait une menace contre la paix ou les droits de l’homme ; dans ce cas, le droit international autorisant partiellement une intervention. 27 L’O.E.A est l’organisation regroupant tous les gouvernements des Etats d’Amérique et dont le siège est à Washington. Chaque ministre des affaires étrangères du continent Américain s’y réunissent une fois par an pour y fixer des politiques et des objectifs en matière de Droits de l’homme, de renforcement de la sécurité du territoire ainsi que de la lutte contre les trafics de drogue et la corruption. 24 Section 2 : L’instauration laborieuse de la Commission du Canal de Panamá Les nouvelles négociations entre les gouvernements américain et panaméen portèrent sur trois traités interdépendants 28 qui se concentraient aussi bien sur le statut, l’administration et la gestion future du canal, que sur les moyens mis en œuvre pour assurer sa défense. Pour la première fois, on allait concevoir une entité mixte chargée de l’administration du canal. Dans un premier temps, il s’agissait de reconsidérer le canal de Panama dans son existence actuelle, c’est-à-dire sous gestion et compétence américaine. L’idée qui s’est développée tout au long des phases de discussions était qu’il fallait apporter tant au canal qu’à l’administration qui la gèrerait, une véritable neutralité pour une meilleure effectivité dans l’accomplissement de sa mission. Ce premier projet qu’américains et panaméens s’entendirent à mettre en œuvre fut ainsi baptisé traité sur la neutralité du canal et son administration. En conséquence, cela supposait que l’on mette fin au Traité Hay-BunauVarilla et que l’on supprime également la Zone du canal, symbole de la présence et de l’occupation américaine. Les Etats-Unis consentirent à ce que celle-ci serait remplacée par une nouvelle administration, « The Panama Canal Area », composée de quatre panaméens et de cinq américains, dans le but d’administrer aussi bien le canal que ses infrastructures complémentaires. Alors que pendant près de soixante-ans se sont imposées les lois américaines sur cette partie du territoire, on décida que la juridiction du canal et de sa zone alentour serait mixte et non plus régie exclusivement par la législation américaine, avec la création de tribunaux panamo-américain pour régler tant les affaires pénales que civiles. L’autre point majeur des discussions relatives à ce premier traité reposait sur la reconnaissance de la liberté de passage des navires de commerce mais également des navires de guerre, sans aucune discrimination quant à leur nationalité. Toutefois, le passage des navires de guerre américains resterait prioritaire. Quant aux revenus du canal acquis par les droits de péage des navires passant par la voie d’eau, il fut entendu que ceux-ci seraient partagés entre les deux pays ; la taxe se chiffrant à sept centimes de dollars par tonne pour chaque navire. Enfin, en vertu de ce statut de neutralité, les navires qui transitaient par la voie d’eau, s’engageaient à ne commettre aucun acte d’hostilité, se contentant simplement de la traverser et de payer leur droit de passage. 28 Afin que ces traités puissent entrer en vigueur, les parties devaient impérativement les avoir ratifié au préalable tous les trois. 25 La seconde partie des discussions portèrent sur le projet de construction d’un nouveau canal au niveau de la mer ; le traité devant définir les termes de son régime juridique applicable. D’une façon comme d’une autre, il s’agissait encore d’un moyen que les Etats-Unis s’étaient dotés pour continuer à avoir une certaine mainmise sur le canal. Paradoxalement, les panaméens s’accordèrent à concéder les terres nécessaires aux américains pour la construction de ce canal. Encore plus extraordinaire fut la durée accordée pour l’entrée en vigueur de ce traité : il serait de soixante-ans à compter de l’ouverture de ce canal au niveau de la mer mais ne pourrait dépasser l’échéance de 2067. Quant au troisième traité, il fut question d’établir sous l’impulsion américaine, les bases de défense nécessaires à la protection des canaux. Le Panama concédait une fois de plus des terres et des bases militaires pour l’établissement d’espaces de défense ; d’où un rôle réduit qui ne lui laissait aucune manœuvre d’actions. Une fois de plus, les Etats-Unis s’arrangèrent pour que ce traité ne fasse l’objet d’aucune limite temporelle. Toujours est-il que ces textes ne furent jamais ratifiés dans leur forme initiale car ils furent l’objet de trop nombreuses critiques notamment à l’égard des compétences américaines qui apparaissaient comme beaucoup trop étendues par rapport à celles du Panama ; largement plus en retrait. D’autre part, trois incohérences subsistaient, ce qui eût le don d’agacer fortement certaines personnalités panaméennes. La première d’entre elle concernait la création de l’administration commune « The Panama Canal Area » chargée de la construction du canal et de son amélioration, alors que d’abord la construction de celui-ci était depuis longtemps terminée et qu’ensuite les Etats-Unis détenaient la majorité au sein de son fonctionnement. La seconde incohérence manifeste se rapportait aux droits que l’on avait accordés aux Etats-Unis pour assurer la défense du canal ainsi qu’au maintien des bases américaines. Enfin, ces projets d’accord ne permettaient pas de faire bénéficier le Panama des bénéfices directs conséquents liés aux revenus économiques de l’exploitation du canal. Le 11 octobre 1968, en réponse à une situation qui demeurait figée, la Garde Nationale organisa un coup d’Etat et le général Omar Torrijos pris le pouvoir en devenant ainsi le maître du pays. Par la voix de son ministre des affaires étrangères, il fit savoir aux Etats-Unis qu’il rejetait radicalement les trois projets de traité, et y dénonça un contrôle exclusif des américains. Le général n’eut de cesse de militer pour que soit abrogé définitivement le Traité de 1903 et pour que l’on travaille sur les bases d’un traité plus juste. Il eut une phrase symbolique qui a elle seule résumait toute l’énergie qu’il s’apprêtait à mettre en œuvre pour 26 récupérer la Zone occupée par les Etats-Unis et gérer le canal : « Ce n’est pas dans l’histoire que je veux entrer mais dans la Zone du canal ». Ce fut sous le Président Carter, en 1977, que l’on fit du dossier panaméen un dossier prioritaire 29 . Réalisant que le canal ne répondait plus aux intérêts militaires d’autrefois, le Président américain engagea avec le général Torrijos, des négociations beaucoup plus concrètes et déterminées dans le but d’obtenir un accord définitif. Après six mois de pourparlers intenses, les négociateurs s’entendirent finalement sur deux Traités majeurs, le Traité sur la neutralité permanente du Canal et celui sur le Canal de Panama, abrogeant enfin le Traité Hay-Bunau-Varilla de 1903. Le sept septembre 1977, au siège de l’O.E.A à Washington, fut signé le Traité Carter-Torrijos, qui reposait sur l’acceptation américaine du transfert immédiat au Panama des ports de Cristobal et Balboa, le retrait des forces américaines et une restitution complète du canal ainsi que de ses installations aux autorités panaméennes sur une période aménagée, dite période de transition, qui durerait vingt ans à compter de la date d’entrée en vigueur de ces deux instruments. Le Traité Carter-Torrijos entré en vigueur en 1979 mit en place un processus de rétrocession par étape, avant la restitution totale qui deviendrait effective à compter du 31 décembre 1999 à midi. Il fut intégré dans le second instrument soumis à ratification (celui qui supprimait la Zone du canal), qu’une nouvelle administration devait prendre en charge le soin de la bonne gestion du canal et ce pendant tout la durée de la période transitoire définie. Les Etats-Unis, dans leurs négociations, s’assurèrent que cette nouvelle entité restait sous contrôle américain afin de conserver une dernière forme de pouvoir dans la gestion du canal, et cela avant que ne s’opère le transfert graduel sur vingt ans de l’administration de la voie interocéanique aux panaméens. C’est ainsi qu’en 1979, la Commission du Canal de Panama (CCP), nouvelle agence gouvernementale panamo-américaine et organe directeur du canal, remplaça la Compagnie du canal. Le 1er octobre 1979, le Président Carter nomma le premier administrateur de la CCP, M. Dennis McAuliffe qui pendant les dix ans qu’il passa à la tête de la Commission, augmenta par trois fois les droits de péage ; respectivement en 1979, 1983 et 1989. Son successeur, M. Gilberto Guardia Fabrega fut le premier ressortissant panaméen de l’agence et y resta en fonction jusqu’en 1996. C’est à cette période que furent programmées différentes améliorations afin que la voie d’eau puisse maintenir des services 29 Avec l’enlisement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, le scandale du « Watergate » et les nouvelles élections présidentielles de 1976, les négociations quant à l’avenir du Panama restèrent un temps mises entre parenthèses. 27 de transit satisfaisants. En effet, face à l’ampleur du développement du commerce international, à l’accroissement du nombre de navires sillonnant les routes maritimes mais aussi face à l’augmentation de la taille de ces derniers, le trafic aux entrées du canal commençait à ralentir sensiblement mais de façon constante et croissante. Pour la CCP, il n’était pas envisageable que la traversée d’un navire via le canal s’opère en plus d’une journée. Le délai moyen (« Canal Waters Time » (CWT)) devait être inférieur à vingt-quatre heures maximum; la viabilité économique du canal en dépendait. Le fait qu’il fallait alors penser à élargir la voie d’eau commença à prendre forme et la Commission se concentra essentiellement sur quatre projets. Le premier d’entre eux consistait en l'élargissement de la tranchée de Gaillard (« Gaillard Cut ») pour près d’un milliard de dollars. Cette partie du canal était beaucoup trop étroite pour permettre le passage simultané de Panamax en direction du nord et du sud. Les deux autres projets visaient la modernisation du système de positionnement des navires dans les écluses et du système de contrôle-machines des écluses. Pour cela, la Commission procéda à l’achat de nouveaux remorqueurs et de nouvelles locomotives permettant de maintenir les navires dans l’axe lors de leur passage dans les écluses. Enfin, par une amélioration du système actuel de gestion du suivi des navires notamment un système de positionnement par satellite, la CCP jugea qu’il était possible d’améliorer la circulation des navires au sein du canal et de remédier ainsi aux délais d’attente en réduisant le temps de transit de trente à vingt-quatre heures. En octobre 1992, M. Guardia augmenta les droits de péage pour la sixième fois dans l’histoire du canal, sans doute dans le souci d’anticiper les futurs frais de modernisation de la voie d’eau. Deux ans avant que M. Guardia ne se retire de ses fonctions d’administrateur, la Commission fit un travail intéressant en définissant les procédures déterminant la jauge nette du système de mesurage universel pour le canal de Panama, le « Universal Measurement System of the Panama Canal » (PC/UMS). La jauge est un élément très important puisque c’est elle qui détermine le montant des droits pour le passage via le canal. En 1996, un nouvel et dernier administrateur M. Alberto Aleman Zubieta, confirmé par le Sénat américain, pris la direction de la CCP. En 1998, il fut parallèlement nommé administrateur de la future Autorité du Canal de Panama (ACP), l’organisme panaméen devant succéder dès le 1er janvier 2000 à la Commission. Ainsi pendant ces deux années, il fut à la fois le directeur de la CCP mais également celui de la future ACP. Il s’assurait que toutes les décisions prises sous l’autorité de la Commission seraient suivies sous la nouvelle entité panaméenne. 28 L’existence du canal se confond avec l’histoire même du Panama, nous l’avons souligné tout au long du développement de ce premier chapitre. L’enjeu majeur pour les Panaméens était de réintégrer la Zone du canal avec ses installations auxiliaires, territoire qui avait été concédé à perpétuité aux Etats-Unis par le Traité Hay-Bunau-Varilla de 1903 ; véritable poumon économique du pays et haut lieu des activités stratégiques. C’est une réintégration délicate et progressive qui s’est opérée au fil des décennies mais toujours sous contrôle américain. Les Etats-Unis prirent leurs précautions dans les nouveaux traités qui furent ratifiés en gardant à conserver une priorité de passage pour leur flotte de guerre ainsi qu’un droit d’intervention si le fonctionnement ou la sécurité du canal venait à être menacé. La période de transition qui dura vingt ans et qui accompagna la lente rétrocession, fut finalement bénéfique pour les autorités panaméennes qui eurent le temps nécessaire de former le personnel capable d’évaluer les besoins futurs du canal et de prendre ainsi la relève de la gestion américaine. Le travail de la Commission fut une réussite car il a su relever le défi de l’administration de l’ouvrage en y créant d’importantes recettes et en y faisant vivre près de 200 000 Panaméens. Le Conseil d’Administration de la C.C.P a supervisé la mise en place des membres du futur organe directeur du canal, l’Autorité du canal de Panama (l’A.C.P). Grâce aux qualités personnelles de M. Zubieta, dernier administrateur de la Commission mais également aux efforts conjoints de ces deux entités, l’avenir de la voie d’eau semblait suivre son cours notamment pour la mise à bien de son programme d’agrandissement. Le retrait des forces américaines et la rétrocession de la Zone du canal au Panama eurent lieu, conformément aux termes du Traité Carter-Torrijos de 1977, la veille de l’entrée dans le nouveau millénaire. Le 31 décembre 1999 à midi était abaissé pour la dernière fois le drapeau des Etats-Unis d’Amérique sur le territoire du Panama et le canal leur était rétrocédé, sous la gestion exclusive de l’A.C.P. 29 CHAPITRE II : LE NOUVEAU STATUT DE L’AUTORITE DU CANAL DE PANAMA Depuis maintenant près de dix ans, la souveraineté et le contrôle du canal de Panama ont été transférés aux autorités locales. Si on a pu craindre que cette nouvelle gestion cause du tort à l’économie du pays depuis le retrait américain, les résultats positifs des activités de l’Autorité démontrent qu’il n’en est rien. Le canal fait l’objet d’une gestion excellente et représente aujourd’hui une source importante de revenus pour le Panama ; l’économie du pays ne s’est jamais aussi bien portée depuis la gestion panaméenne. La nouvelle équipe qui l’administre a démontré qu’elle pouvait garantir l’entretien du canal et de ses infrastructures tout comme améliorer la qualité de ses services. L’A.C.P est devenue depuis, l’institution la plus puissante du Panama puisque c’est la première entreprise du pays qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq, et qui dispose actuellement d’une équipe de près de 9 000 salariés les mieux payés de l’Etat. Grâce aux millions de dollars qu’elle engrange chaque mois, l’Autorité s’est forgée une réputation internationale, dont la solvabilité est bien supérieure à celle de tout autre agence gouvernementale panaméenne. Cet « Etat dans l’Etat » est une entité autonome de droit public (Section 1) qui possède sa propre organisation (Section 2). Section 1 : Une entité autonome de droit public L’Autorité du canal est depuis le 1er janvier 2000 l’organe exclusif responsable de l’opération et de la gestion de la voie interocéanique. L’A.C.P est une entité du gouvernement panaméen, établie par le Titre XIV 30 de la Constitution du pays. C’est à travers une disposition constitutionnelle spéciale que cette agence autonome chargée de l’administration du canal a été créée. L’article 316 de ce texte suprême stipule que « l’Autorité du Canal de Panama est une personne morale de Droit Public, à qui correspond exclusivement l’administration, le 30 Voir ANNEXE 3. 30 fonctionnement, la conservation, la maintenance et la modernisation du Canal de Panama et de ses activités connexes, en accord avec les normes constitutionnelles et légales en vigueur, afin [que le Canal] fonctionne de manière sûre, continue, efficace et rentable. Elle a un patrimoine propre et le droit de l’administrer (…) L’Autorité du Canal de Panama n’est pas assujettie au payement d’impôts, de droits, de taxes, de charges, de contributions ou de tributs à caractère national ou municipal (…) ». Ainsi à la lecture de l’article, l’Autorité du canal est une personnalité juridique autonome de droit public, c'est-à-dire qu’elle est titulaire de droits subjectifs 31 mais est aussi soumise à des obligations. Cet établissement public panaméen pourrait être comparé à un établissement public industriel et commercial (EPIC) de droit administratif français 32 dans la mesure où il s’agit d’une personne publique qui a pour but principal la gestion d’une activité de service public exercée dans l’intérêt général, et dont l’activité principale est industrielle et commerciale (l’administration et la gestion de la voie interocéanique). Néanmoins, une différence notable existe et doit être soulignée. L’autonomie de l’Autorité du canal est assurée par la Constitution panaméenne, ce qui n’est pas le cas en France. L’établissement public est soumis au principe de spécialité. Il faut donc comprendre qu’il doit se limiter exclusivement aux activités qu’il a pour mission de gérer et ne pourra pas employer ses biens et son patrimoine à d’autres activités sauf si ces dernières ont un rapport, même indirect, avec la mission qui lui a été confiée. Dans le cadre de l’Autorité du canal, ses missions se cantonnent exclusivement à l’administration, au fonctionnement, à la conservation, la maintenance et la modernisation du canal de Panama et il doit s’y soustraire. L’établissement public est en outre doté du principe d’autonomie. Il peut donc choisir aisément la façon dont il va être organisé (conseil d’administration, président…) mais surtout cela signifie qu’il va disposer de son budget ainsi que de bien matériels. Ce budget est alimenté par des ressources propres et il est concevable que cela se fasse par des emprunts ou des libéralités, mais le plus souvent, cela s’effectue par le biais des produits d’exploitations tirés des services rendus contre rémunération : les navires sont autorisés à 31 Il s’agit de prérogatives individuelles permettant à une personne juridique de faire ou ne pas faire. 32 Les EPIC ont été créés en France afin de faire face à un besoin qui ne pouvait être correctement effectué par une entreprise soumise à la concurrence. 31 transiter via le canal de Panama moyennant le paiement de droits de péage, fixés et déterminés par l’A.C.P. Le fait de créer autant de souplesse va permettre à l’Autorité de mieux gérer les missions qui lui ont été confiées. C’est la loi organique du 11 juin 1997 qui donne à l’Autorité du canal toute son autorité légale pour l’organisation et l’opération du canal. Elle rappelle dans son article 5 que l’objectif principal des fonctions de l’A.C.P est de maintenir le canal ouvert et que le transit des navires doit être ininterrompu. Elle énonce dans son article 7 le caractère financier autonome de l’Autorité, démontrant ainsi que tant les finances de l’Etat que celles de l’Autorité sont séparées. L’A.C.P est certes exonérée de la plupart des impôts mais doit payer annuellement au Trésor National des droits pour chaque tonneau de jauge nette du canal, perçus aux navires en transit. Section 2 : Organisation de l’Autorité du Canal L’Autorité du canal est une entité autonome de droit public qui possède à sa tête un administrateur ainsi qu’un administrateur adjoint, sous la supervision d’un Conseil d’Administration, composée de onze membres. L’administrateur actuel n’est autre qu’Alberto Aleman Zubieta, qui a administré la Commission du canal de 1996 à 1999 et qui suite à la rétrocession est devenu l’administrateur de l’A.C.P. En 2005, il était réélu de nouveau à ce même poste. L’administrateur est la personne la plus haute hiérarchiquement et il est le représentant légal de l’Autorité. Cela signifie qu’il est responsable de la manière dont est gérée l’entité, ainsi que de l’exécution des politiques et décisions du Conseil d’Administration. Il est désigné pour une période de sept ans et peut être réélu une nouvelle fois pour cette même durée. Concernant la désignation des onze membres du Conseil d’Administration, neuf administrateurs sont désignés par le président de la République avec l’approbation à la majorité absolue des membres de l’Assemblée législative. Un directeur est également nommé par la branche législative et peut être librement nommé ou radié. Enfin, le président de la République désigne un administrateur siégeant l’assemblée des directeurs. Ce dernier est de surcroit le Ministre pour les Affaires du canal, assistant à toutes les réunions et ayant le droit de voter ainsi que de s’exprimer sur les points abordés. Actuellement, c’est M. Dani 32 Kuzniecky qui occupe ce poste et cela depuis que le président Torrijos l’a nommé le 23 avril 2007. L’article 13 de la loi organique du 11 juin 1997 précise que les administrateurs sont nommés pour une période de neuf ans et qu’ils peuvent être suspendus de leurs fonctions pour les raisons énumérés à l’article 20 de cette même loi : crimes, délits contre l’administration publique, mais encore s’il s’avère prouvé qu’ils sont incompétents physiquement et mentalement pour ces fonctions administratives. Une telle décision de suspension doit recueillir le consentement du président de la République, du Conseil des Ministres ainsi que celui de l’Assemblée législative. La première responsabilité du Conseil d’Administration consiste en l’établissement de politiques pour les opérations, les améliorations, la modernisation ainsi que la gestion du canal. Le Conseil d’Administration est spécialement compétent dans l’établissement des taux de péages, des taxes ainsi que des droits de passage pour l’utilisation du canal et ses services connexes, mais cela doit faire l’objet d’une approbation préalable du Conseil des Ministres. Il peut naturellement contracter des emprunts mais une fois de plus, le consentement du Conseil des Ministres sera requis pour approbation. Il peut aussi destituer et désigner l’Administrateur et l’Administrateur adjoint. L’Autorité du canal n’est pas devenue la grande et puissante administration que l’on connait du jour au lendemain. Il a fallu du temps pour que l’Histoire lui accorde une place et du temps encore pour lui permettre de former du personnel qualifié, capable d’assurer la relève américaine. L’A.C.P doit mettre en œuvre le meilleur d’elle-même dans le programme d’agrandissement afin que le canal puisse répondre aux exigences du commerce maritime international. L’expansion asiatique a redessiné les contours des marchés et a donné un véritable élan à l’échange commercial entre l’Atlantique et le Pacifique où l’on transporte davantage de marchandises par voyage sur des navires aux dimensions imposantes. A ce rythme effréné, l’A.C.P prévoit qu’en 2012-2014, le canal de Panama ne sera plus en mesure de suivre les nouvelles tendances du marché maritime s’il ne procède pas à l’élargissement de sa voie d’eau. 33 2ème PARTIE : LE PROGRAMME D’AGRANDISSEMENT En 1996, sous l’administration conjointe panamo-américaine, fut lancé un programme de modernisation de l’infrastructure du canal, dans un souci d’anticiper la croissance du trafic maritime mondial mais également afin de faire face à une dégradation dans le service de transit dont la durée atteignait les trente-deux heures. Ainsi, en novembre 2001, s’achevaient les travaux d’élargissement de la passe Gaillard 33 , permettant ainsi d’augmenter ce tronçon de 152 mètres à 192 mètres dans les lignes droites et atteignant les 222 mètres dans les virages. Le transit de deux navires dans les deux sens était désormais possible. Quatre mois plus tard, des travaux d’excavation étaient entrepris dans la voie navigable du lac Gatún et ce afin d’augmenter la capacité de stockage d’eau douce disponible à la consommation. Le plan de modernisation arrivait ainsi à son terme, permettant la réduction du temps de transit mais également une augmentation de 20% de la capacité du canal pour les seuls navires de taille Panamax. Cependant, de nouvelles tendances liées à la croissance des économies d’échelle dans le transport maritime des conteneurs, forcent la nouvelle entité en charge de l’administration du canal, l’A.C.P, à réévaluer la capacité de sa voie d’eau. Avec comme objectifs de rester l’une des principales routes maritimes au monde et de capter une part croissante des flux conteneurisés entre l’Asie et les Etats-Unis, le canal, s’il n’est pas élargit, ne pourra pas suivre les nouvelles tendances du marché maritime et serait relégué à la satisfaction de quelques marchés régionaux. Le projet d’élargissement du Président Martin Torrijos, élu en 2004 et fils de l’ancien dictateur Omar Torrijos, approuvé par référendum le 22 octobre 2006, a permis la mise en œuvre d’un chantier titanesque 34 (Chapitre I), où plus de cinq milliards de dollars 35 ont été 33 Cette section portait originalement le nom de « Culebra [serpent] Cut » à cause de ses courbes. Dans les années 1960, elle fut rebaptisée d’après l’ingénieur qui supervisa sa construction, le Colonel David Duboc Gaillard. Le passage est d’environ 12.8 kilomètres de long tandis que sa largeur passa de 91.5 mètres à 152.4 mètres. 34 L’A.C.P parle de « Master Plan » où elle y détaille les composantes de la réalisation du troisième jeu d’écluses. 34 investis, constituant un important défi technologique, économique et humain dont la gestion en est devenue comparable à celle d’une vaste entreprise (Chapitre II). CHAPITRE I : UN CHANTIER AUX ALLURES COLOSSALES Le 3 septembre 2007, le Président Martin Torrijos lançait les premiers travaux d’élargissement du canal de Panama par le déclenchement d’une explosion de quinze tonnes de dynamite. Pour l’occasion, l’ancien Président américain Jimmy Carter et d’autres personnalités de la scène politique avaient fait le déplacement. Cet agrandissement prévu pour une durée de sept ans et qui devrait être achevé d’ici 2014, à temps pour le centenaire de son inauguration, mobilisera près de 7 000 ouvriers et ingénieurs, créant ainsi un nombre d’emplois importants, déterminant pour la croissance économique panaméenne. Le canal prévoit de pratiquement doubler sa capacité en la portant à un maximum de 510 millions de tonnes par an en 2025 contre 350 millions de tonnes actuellement, par d’importants travaux d’agrandissement. Ces derniers se traduisent par la construction d’un nouveau jeu d’écluses (Section 1) mais aussi par l’approfondissement et l’élargissement des chenaux (Section 2), qui permettront ainsi le passage des navires post Panamax. Section 1 : La construction d’un nouveau jeu d’écluses La construction d’un nouveau système d’écluses est considérée comme le pilier central des travaux d’élargissement du canal de Panama. Pour tenter de comprendre au mieux ces considérations, nous analyserons d’abord le mode de fonctionnement des écluses panaméennes (§1), avant d’en apprécier les aménagements qui y seront apportés (§2). §1- Fonctionnement des écluses Selon la définition du Dictionnaire fluvial et batelier, une écluse est « un ouvrage d’art permettant au bateau de franchir en douceur un dénivelé sans quitter l’eau ». Cette dernière 35 Voir ANNEXE 4. 35 est donc implantée dans un canal voire un cours d’eau et comprend un bassin, isolé en amont et en aval par des portes munies de vannes communément désignées sous l’appellation de « ventelles ». Cela va permettre aux navires d’accéder à des plans d’eau dont les niveaux sont différents. Lors d’un éclusage, les portes des chambres sont fermées pour que l’eau, grâce à la force de gravité excluant ainsi le recours aux pompes, puisse passer du sas supérieur au sas inférieur ou encore du sas inférieur au sas supérieur. Les écluses sont pour la majeure partie d’entre elles rectangulaires mais il en existe des polygonales ou des ovales (comme celles du Lez). Les écluses modernes comportent des aqueducs afin de vidanger et remplir le bassin d’eau ainsi que des infrastructures annexes permettant son bon fonctionnement (éclairage, électricité, télécommunication, contrôlecommande…). Le canal de Panama consiste en deux lacs artificiels, des canaux et trois ensembles d’écluses, respectivement les écluses de « Miraflores », « Pedro Miguel » et celles du lac Gatún 36 . Ces trois jeux d’écluses à deux voies jalonnant le canal, vont fonctionner comme des ascenseurs hydrauliques, ce qui va permettre aux navires de franchir les différents niveaux de la région montagneuse. Pour chaque éclusage, ce sont 197 millions de litres d’eau douce qui sont nécessaires et qui seront ensuite déversés dans la mer à la fin de l’opération. L’eau qui est utilisée provient exclusivement du lac Gatún ; sa réserve est donc particulièrement importante, d’autant plus qu’elle sert à l’alimentation en eau potable de la population panaméenne. Il arrive que lorsque le niveau du lac est trop bas, pendant les années sèches, la profondeur des écluses est subséquemment réduite et les navires qui y transitent doivent réduire leur chargement de manière à ce qu’ils s’enfoncent moins dans l’eau. Les navires qui entrent de part et d’autre du canal doivent suivre une procédure bien spécifique durant tout le temps de la traversée de la voie d’eau. A partir du port de Balboa (on considère que le navire est entré du côté Pacifique pour rejoindre l’Atlantique), le capitaine du navire doit impérativement laisser sa place à un autre, spécialement formé pour ce voyage. Le navire est conduit en direction de la première écluse, celle de « Miraflores », guidé par des remorqueurs. Tout est dirigé du bâtiment de contrôle situé sur le mur central de la chambre supérieure de chacune des trois écluses. Même si le navire utilise sa force motrice dans le passage de ces dernières, il est assisté par des locomotives électriques de 36 Voir ANNEXE 5. 36 halage (désignées de « mules ») 37 auxquelles il est relié grâce à des câbles. Les mules vont ainsi remorquer le navire dans le sas et le maintenir dans l’axe. En pratique, le trafic est alterné et les deux voies des écluses ne sont utilisées que dans une direction à la fois. Puis, le navire monte ensuite une première « marche » de seize mètres pour se rendre à l’écluse suivante, celle de « Pedro Miguel » où il montera encore de 9.4 mètres. Le navire traverse une vallée de 12.6 kilomètres, la Coupe Gaillard afin de rejoindre le lac Gatún où il parcourt près de trente-trois kilomètres (32.7 kilomètres). Le canal de Panama a nécessité la construction de barrages sur la rivière Chagres dont le lac Gatún est le plus grand avec une surface totale de 432 kilomètres carrés. Situé à une altitude de vingt-six mètres, le navire est ainsi au point le plus haut du canal. Enfin, il arrive aux écluses de Gatún d’où il redescend au niveau de l’océan Atlantique. Une fois le Port de Cristobal rejoint, le capitaine attitré reprendra ses fonctions ainsi que sa route. §2- Aménagements modernes du nouveau système d’écluses Aujourd’hui, la dimension des écluses, 32.30 mètres de large sur 294.30 mètres de long, ne permet qu’un transit limité du canal aux seuls navires de commerce d’une capacité maximum de 4 400 E.V.P. Il est donc nécessaire afin de se conformer aux nouvelles exigences du commerce international, de construire deux nouveaux ensembles d’écluses dont les travaux se chiffrent aux alentours des trois milliards de dollars. Les porte-conteneurs de la taille des post-Panamax, long de 366 mètres, large de 49 mètres et d’un tirant d’eau maximum de 15 mètres sont les données qui ont été utilisées comme référence afin d’établir les dimensions des nouvelles chambres des écluses. A partir de ces chiffres, il a été convenu que le sas des nouvelles écluses aurait une longueur de 427 mètres, une largeur de 55 mètres et une profondeur de 18,30 mètres ; admettant un tirant d’eau douce tropicale allant jusqu’à 15,2 mètres et rendant ainsi possible la traversée du canal par des porteconteneurs de 12 000 boîtes. La dimension de ces nouvelles écluses permettra également la 37 Les mules travaillent par paires, et leur nombre (de quatre à huit) dépend de la taille des navires. Pour le maintien de la position des plus grands navires, il faut jusqu’à huit mules. 37 manipulation de vraquiers de type Suezmax et Capesize 38 , déplaçant entre 150 000 et 170 000 tonnes 39 , longs de 270-280 mètres et large de quarante voire quarante-cinq mètres. La construction des deux nouveaux systèmes d’écluses est prévue aux deux extrémités du canal, un premier système du côté Pacifique au sud ouest des écluses de Miraflores, et le second, quatre-vingt kilomètres plus loin, du côté Atlantique à l’est du lac Gatún. Chacun de ces systèmes sera doté des trois chambres, conçues afin de permettre aux navires de passer du niveau du lac Gatún (vingt-six mètres) au niveau de la mer. Ces chambres seront en outre reliées à trois bassins de réutilisation de l’eau douce 40 provenant du lac Gatún, permettant l’économie de 60% d’eau à chaque éclusage. Ces nouvelles écluses seront, tout comme les actuelles, remplies et vidangées par la force de gravité de l’eau. Les nouvelles écluses apporteront néanmoins plusieurs innovations notoires par rapport aux actuelles. Les portes seront désormais coulissantes et non plus sous forme de portails à vantaux classiques. Cette technologie permet ainsi de faire de sérieuses économies d’eau, et a eu l’occasion à maintes reprises de faire ses preuves. En effet, ce système de portes coulissantes est utilisé dans le fonctionnement de la plupart des grandes écluses européennes comme celles de Berendrecht et Zandvliet en Belgique, Ijmuiden aux Pays Bas, Le Havre en France… Ce nouveau système ne dépassera cependant pas en taille les écluses de Berendrecht au Port d’Anvers, les plus grandes du monde (500 mètres de long, 68 mètres de large et 18 mètres de profondeur).Enfin, les navires ne seront plus guidés et maintenu par des locomotives mais par des remorqueurs. Le projet qui est actuellement en cours de conception au sein d’une entreprise française, la Compagnie Nationale du Rhône, a été sélectionné par l’Autorité du canal pour son côté moderne et économique. L’entreprise examine la possibilité de remplacer le système d’écluses à trois niveaux par un escalier d’une ou deux écluses et de créer un système d’alimentation en eau latérale, permettant d’améliorer davantage le temps de transit et de restreindre la consommation d’eau du lac Gatún. La construction des écluses prendra entre cinq et six ans 41 et débutera vers le dernier semestre 2008, une fois que les derniers projets de conception seront finalisés. 38 Exception faite pour les Supertankers et les plus grands porte avions. 39 Les Suezmax et les Capesize ont port en lourd total de 130 000 - 140 000 tonnes. 40 Comme en Allemagne. 41 Une année de plus a été prise en compte afin d’anticiper d’éventuels événements imprévus. 38 De par leurs emplacements (façade Atlantique et Pacifique), les nouvelles écluses utiliseront une partie importante des excavations commencées en 1939 par les américains 42 et qui se sont poursuivies sous l’autorité de la Commission du canal puis sous l’administration de l’A.C.P. Mais la construction de ces deux nouveaux jeux d’écluses entrainera aussi l’élargissement de certaines parties des voies navigables du canal, permettant plus tard qu’une connexion soit établie avec les canaux existants. Section 2 : Excavation et approfondissement des voies de navigation Le canal est actuellement constitué de deux voies navigables, chacune d’elle étant composée de trois ensembles d’écluses (Gatún, Pedro Miguel et Miraflores). Dans le cadre du projet d’agrandissement, une troisième route adjacente doit être construite parallèlement aux deux premières existantes, par le creusement d’une dizaine de kilomètres de tranchée à travers la montagne. L’Autorité du canal a confirmé que cette nouvelle voie serait totalement indépendante et que de ce fait, aucune des deux voies actuelles ne seraient fermées pendant la construction ; permettant ainsi au canal de Panama de continuer ses activités et d’accroître ses revenus. Les travaux d’expansion doivent permettre dans un premier temps l’excavation de deux tranchées aux deux extrémités du canal qui formeront les nouvelles voies de navigation, afin de pouvoir par la suite y construire les nouvelles écluses qui seront reliées aux canaux existants ; ce qui implique conséquemment leur approfondissement ainsi que leur élargissement. D’autre part, il s’agira d’élever le lac Gatún au maximum de ses capacités pour favoriser la navigation croisée. Deux tranchées de huit kilomètres de long côté Pacifique 43 et de trois kilomètres (3.2 kilomètres) côté Atlantique 44 sur 218 mètres de large, vont être creusées pour permettre l’installation du troisième jeu d’écluses coulissantes ainsi que des bassins de réserves d’eau. 42 Ces excavations ont cependant du être suspendues en 1942 du fait de l’entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre Mondiale. 43 Voir ANNEXE 6. 39 Plus précisément, afin de relier les écluses de la façade Pacifique du canal aux voies existantes, deux nouveaux accès doivent être crées. Un accès nord d’une longueur de six kilomètres (6.2 kilomètres) tout d’abord, qui permettra de connecter les écluses du Pacifique avec la Coupe Gaillard, esquivant ainsi le passage par les écluses Miraflores. Puis, un accès sud du canal connectant la nouvelle écluse à l’entrée Pacifique même, d’une longueur de près de deux kilomètres (1.8 kilomètres). Enfin, concernant la façade Atlantique du canal, c’est un accès d’un peu plus de trois kilomètres de long (3.2 kilomètres) qui va être creusé, connectant ainsi les futures écluses Atlantique à l’entrée du canal. Pour ce qui est des voies de navigation existantes, le projet prévoit un aménagement par un approfondissement de la Coupe Gaillard et du lac Gatún. Des travaux de dragage seront entrepris sur l’ensemble du parcours pour gagner plus d’un mètre de profondeur (1.2 mètres) jusqu’à un peu plus de neuf mètres (9.2 mètres). Le chenal du lac Gatún sera quant à lui aussi élargit sur 280 mètres dans sa ligne droite et 366 mètres dans les virages. D’une manière générale, l’A.C.P s’est assurée dans ses prévisions que la route maritime serait assez large pour permettre à deux navires de se croiser lors d’un passage sans en être inquiétés. Les deux entrées du canal de Panama l’entrée du canal, façade Atlantique et Pacifique, seront élargies à hauteur de 225 mètres et approfondies de quinze mètres et demi au-dessous du niveau des marées les plus basses. Elargir et approfondir les entrées du canal permettront aux post-Panamax de naviguer dans ces nouvelles voies aménagées ou réaménagées et pourront relier les ports de Balboa et de Cristobal. Enfin, le programme d’expansion du canal de Panama comprend une dernière composante correspondant à l’élévation du niveau du lac Gatún. Ce dernier va être augmenté approximativement de quarante-cinq centimètres pour passer de 26.7 mètres à 27.1 mètres. En combinant cela avec l’élargissement et l’approfondissement des voies de navigation, cette élévation accroitra les capacités en eau du lac et permettra de disposer en moyenne de 625 millions de litres d’eau additionnels par jour. Ce volume d’eau supplémentaire est suffisant pour réaliser quarante-neuf éclusages par jour, contre trente-neuf à l’heure actuelle ; soit 17 000 éclusages annuels sans affecter les besoins en eau potable 45 de la population située aux alentours. 44 Voir ANNEXE 7. 45 Cet eau potable est directement issue des lacs Gatún et Alajuela. 40 L’élévation du lac entraînera pour l’Autorité du canal le remaniement de quelques unes de ses structures opérationnelles, localisées sur les bords sud du lac Gatún, la partie nord des écluses de Pedro Miguel ; mais il faudra aussi déplacer des bateaux à quai… Les travaux d’excavations et de dragages ont commencé fin 2007, suite à l’approbation de ce projet et parallèlement à la phase de pré-construction des écluses (développement des projets de conception, choix des futurs contractants…). Ces travaux devront durer entre sept et huit ans. C’est l’A.C.P en tant qu’administrateur exclusif de ce projet colossal qui devra superviser tant les méthodes de financement que les modalités d’attribution des contrats de construction. CHAPITRE II : UNE GESTION ENTREPRENEURIALE Pendant les quatre-vingt cinq années où le canal de Panama à été sous administration nord-américaine, son mode de gestion correspondait à celui d’une entité sans but lucratif dans la mesure où malgré les bénéfices engendrés par l’activité même du canal, aucun profit n’en était tiré. La structure des péages était simplement orientée sur la récupération des coûts de fonctionnement et des investissements, si bien que le Panama n’a jamais eu accès à ses richesses. Il faudra attendre le passage dans le nouveau millénaire, lors de la restitution du canal aux autorités panaméennes, pour que cette situation change véritablement. Durant les six premières années de son activité, l’Autorité du canal avait accumulé pratiquement deux milliards de dollars (1.82 milliards) ; une somme qui représente à elle seule ce que l’administration américaine avait obtenu en près d’un siècle (1.87 milliards de dollars). La rétrocession du canal a introduit dans son mode de gestion une véritable logique d’entreprise, devant produire et disposer de ses propres ressources financières pour pouvoir assurer le bon fonctionnement de la voie interocéanique, garantir le prolongement des différents investissements mais surtout entamer son projet d’élargissement qui aujourd’hui, au regard des récentes tendances commerciales et des changements technologiques, est vital pour l’économie du Panama. 41 A partir de l’année 2008, la durée des travaux doit s’étendre sur six ans pour une évaluation totale de presque cinq milliards et demi de dollars (5.25 milliards) ; soit 30% du Produit Intérieur Brut du Panama. Ce projet de très grande envergure a fait l’objet de nombreuses études complexes afin d’en apprécier la viabilité. L’Autorité du canal chargée de mettre en œuvre l’élargissement de celui-ci a dans un premier temps déterminé les méthodes de financement de ce chantier colossal (Section 1) avant de revenir concrètement sur les travaux d’extension et définir les modalités pour l’attribution des contrats de construction (Section 2). Section 1 : Le projet de financement Pour financer au mieux ce coûteux chantier de construction, l’Autorité a affirmé que les fonds nécessaires à sa réalisation seraient d’origine mixte. En effet, l’A.C.P entend financer à l’aide de ses propres ressources, exclusivement basée sur les revenus des droits de péage, la partie la plus élevée du projet (§1) ; tandis qu’un second apport viendra la compléter par le biais d’investissements externes (§2). §1- Les droits de péage L’article 319 alinéa 2 de la Constitution panaméenne stipule que le Conseil d’Administration de l’Autorité du canal peut « établir les taux de péages, les taxes, et les droits pour l’usage du Canal et ses services connexes… » 46 . Depuis le mois d’octobre 2002, L’A.C.P a adopté un nouveau système de détermination de ses droits de péage, abandonnant l’ancien qui datait de 1912 47 . Désormais, les droits de péage sont basés sur la taille du navire, le type de navire et sa cargaison. Les droits sont réduits pour les navires lèges, c'est-à-dire sans cargaison. Ce système apparaît plus équitable car il semble mieux correspondre aux besoins des navires. Ainsi, pour les porte-conteneurs, les droits dépendront du nombre standardisé de conteneurs (E.V.P). Un processus similaire a été appliqué pour les navires de croisière en octobre 2007, après consultation des usagers. 46 ARTICULO 319-2 : « Fijar los peajes, tasas y derechos por el uso del Canal, sus servicios conexos… » 47 Ce système appliquait un taux de péage par rapport à la tonne en se focalisant uniquement sur le jaugeage, tous navires confondus. Ce critère a pu être qualifié de fantaisiste car il a été mis en place pour maintenir de façon artificielle, des prix bas sur les droits de péage et cela en vue de subventionner la flotte américaine. 42 L’Autorité du canal s’est engagée à financer les travaux d’élargissement, dont le troisième jeu d’écluses, à concurrence de trois milliards de dollars sur ses fonds propres. Pour ce faire, elle a décidé d’augmenter progressivement ses droits de péage de 3.5% en moyenne chaque année et cela sur une période de vingt ans en prévision d’une croissance du trafic qui se situerait aux alentours de 3% par an. Les augmentations du péage qui seront effectives jusqu’en 2025, ont été modulées tout en prenant garde à ce que le Panama puisse rester dans un état de compétitivité par rapport au canal de Suez. Depuis 2002 donc, les utilisateurs du canal constatent une augmentation annuelle dans le paiement de leur droit de passage et cela dans le but de « faire face aux frais de modernisation à venir » selon les termes de l’A.C.P. Néanmoins, consciente de la gêne et du mécontentement que cela pourrait instaurer pour ses principaux usagers, l’Autorité s’est engagée à consulter ses clients afin de prendre en compte leurs besoins. C’est ainsi qu’elle a accordé un délai supplémentaire de deux mois aux armateurs avant l’entrée en vigueur de ses nouveaux tarifs. Lors d’une audience publique qui s’est tenue de la mi-février à la mi-mars 2007, les armateurs japonais et chiliens figuraient au rang des plus mécontents, critiquant le système de hausse des prix des droits de péage. La principale cause de cette indignation vient du fait que jusqu’en 2002, les droits de péage étaient les mêmes pour un vraquier, un porte-conteneurs… Cela reposait sur un système égalitaire. Or, depuis cette date, les tarifs divergent selon les types et les tailles de navires. Pour un vraquier transportant du charbon ou des céréales, il faudra compter en moyenne un droit de passage aux alentours des 40 000 dollars ; 300 000 dollars pour un navire de croisière. L’A.C.P rappelle que cette hausse est liée inévitablement aux travaux d’élargissement et que le plan de financement, antérieur à cette hausse, l’avait annoncé. Pour l’Autorité, cette augmentation dans le prix du péage demeure infime face à la croissance exponentielle du commerce international qui pourra par conséquent très facilement l’assimiler. Il est certain qu’avant 1999, avant le transfert du canal aux autorités panaméennes, la voie d’eau était gérée avec un schéma excluant les profits. En effet, il n’y avait pas dans le programme financier du canal de besoins ou encore d’intérêts de générer de la rentabilité. Depuis la rétrocession cependant, le mode de gestion a définitivement changé car il est désormais administré par son propriétaire et non plus son principal utilisateur. L’A.C.P a toujours justifié les hausses prévues comme conformes « à la valeur commerciale » de ses services et de la route du canal, « dont le rôle dans l’économie globale continue de grandir ». Un mois après la fin du processus de concertation, la hausse des prix 43 dans les droits de péage fut avalisée par les pouvoirs publics panaméens et entra en vigueur. Ainsi, au 1er mai 2005 le droit de passage pour les porte-conteneurs se chiffrait à quarantedeux dollars par E.V.P, passant à quarante-neuf dollars en 2006 et atteignant les cinquantequatre dollars en 2007. La recette moyenne par transit représente environ 135 000 dollars et avec des droits de passages établis en considération de la taille et du type de navires, cela engendre en moyenne entre 550 et 600 millions de dollars par an ; revenant à 12% du Produit National Brut. Il est désormais acquis que cette source de devises demeure fondamentale pour le Panama. Cette nouvelle structure de péage génère des revenus importants, en perpétuelle augmentation. En effet, rien que pour la période de janvier à août 2006, la somme des péages collectés se chiffrait à 700 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de plus de 21% pour la même période en 2005 (qui était de 488 millions de dollars). L’Autorité du canal prévoit que les revenus du péage atteindront jusqu’à six milliards de dollars d’ici 2025. Les navires de croisière jouent également un rôle important dans la contribution des droits de péage à tel point que l’on serait tenté de parler d’exploitation du potentiel touristique du canal. En 2001, ce sont deux-cent trente et un navires qui ont fait escale au Panama. Ces derniers paient les droits de passage les plus élevés. A titre d’illustration, le navire de croisière « l’Etoile de Norvège » a acquitté jusqu’à 208 000 dollars son droit de passage ; mais cela peut facilement atteindre les 300 000 dollars. Avec un nouveau tarif entré en vigueur en octobre 2007, on prend désormais en compte le nombre de cabine pour fixer le taux de péage. Ainsi il faut compter cent dollars par cabine occupée et quatre-vingt si la cabine est vide. Avec une augmentation en 2008 et 2009, il faudra compter jusqu’à centvingt dollars par cabine occupée et quatre-vingt seize si elle est vide. Enfin, pour ce qui est de la capacité maximale des passagers, c’est l’A.C.P elle-même qui la calcule à l’aide de certificats fournis par l’armateur. Ainsi, lors du passage du navire de croisière le « Norwegian Pearl » d’une capacité de 2 394 passagers et de 1 100 membres d’équipage, ce ne sont pas moins de 313 000 dollars qui ont été versés au titre de droits de passage. Ce mode d’autofinancement des travaux d’élargissement par l’octroi des droits de péage laissent très sceptiques les opposants à l’agrandissement. Pour ces derniers, les droits de péage représentent les revenus qui appartiennent exclusivement au Panama et à personne d’autre « au nom [d’un quelconque] progrès ». Pourtant, l’A.C.P affirme que le programme 44 d’expansion ne sera pas un poids pour le pays puisque son financement, autonome, ne contribuera pas à la dette de l’Etat. La construction du troisième jeu d’écluses requiert un investissement moyen de l’ordre de 650 millions de dollars par an, ce que l’Autorité peut investir grâce aux revenus que lui rapportent les péages. L’expansion du canal va amplifier à l’avenir les revenus de ces droits de passage par l’effet conjugué de l’augmentation des péages et de la croissance du trafic durant la prochaine décennie. Les exigences des milieux financiers considèrent que la mise en gage des péages est une garantie sérieuse au financement de l’élargissement du canal. Néanmoins, en termes de complément à cet autoinvestissement, l’Autorité du canal prévoit de faire appel à des financements externes, notamment pour amortir les coûts de construction durant la période 2009-2011. §2- Les investissements étrangers L’Autorité du canal prévoit qu’une source de financement externe, sans garantie de l’Etat panaméen, sera également nécessaire pour l’avancement de ses travaux d’agrandissement. Ainsi, elle envisage le recours à un emprunt de l’ordre de deux milliards deux-cent cinquante millions de dollars, qu’elle estime pouvoir rembourser sur huit ans par l’augmentation du prix de ses traversées. Différentes sources de crédit pourront être utilisées pour ce type d’emprunt. L’A.C.P pourra faire appel à des crédits commerciaux, accordés soit par des banques ou encore des fournisseurs au pays emprunteur en contrepartie de l’importation de services ou de biens ; un crédit issu d’un consortium bancaire ; des emprunts internationaux ou encore une titrisation 48 des revenus futurs du canal. Le choix de l’Autorité s’établira en fonction des meilleurs taux d’intérêts consentis par ces investisseurs privés. Certes, on peut penser qu’il s’agira d’un investissement à haut risque dans la mesure où les intérêts imposés pourront être de l’ordre de 7 à 8% représentant près de deux milliards d’intérêts entre 2007 et 2025, obligeant le pays à se priver de ses ressources liées à l’activité du canal, du moins pendant les six années nécessaires à la réalisation des travaux. Pourtant, selon les responsables de l’A.C.P, ceci ne devrait pas diminuer l’apport du budget national (dont la somme des péages collectés en 2006 s’élevaient à 700 millions de dollars), ni endetter le pays. Mais pour certains, le doute demeure permit car l’A.C.P « est 48Cette technique permet le transfert à des investisseurs de créances en les transformant en titres financiers (obligations, billets de trésorerie…) qui seront émis sur le marché des capitaux. Les investisseurs acquièrent une fraction du portefeuille d’actifs titrisés leur permettant de recevoir les paiements des créances. 45 une entreprise qui appartient à l’Etat panaméen et ses emprunts doivent donc se comptabiliser comme partie intégrante de la dette publique » 49 . En octobre 2007, L’Autorité du canal recevait la visite du Commissaire européen chargé des affaires extérieures, l’autrichienne Benita Ferrero-Waldner. Le but de cet entretien était la mise à disposition d’un crédit à long terme de 300 millions d’euros destinés au financement des travaux d’agrandissement du canal de Panama. Ce prêt, octroyé par la Banque Européenne d’Investissement (la B.E.I) 50 représente 19% du financement requis pour le chantier aux dimensions titanesques et entre en parfaite adéquation avec les objectifs de l’Union Européenne. En effet pour qu’un projet puisse être financé par la B.E.I, celui-ci doit répondre à des critères précis. Il doit apparaître techniquement viable, économiquement justifié et autosuffisant d’un aspect financier, respecter l’environnement et qu’il fasse l’objet d’un marché public international. La Banque Européenne avait déjà, auparavant, consenti un prêt à l’A.C.P dans le cadre de ses travaux d’élargissement. Elle avait, en effet, accordé un prêt avoisinant les quarante et un millions d’euros (40.8 millions) lors de la construction du second pont sur le canal. Ironie du sort, ce projet après avoir fait l’objet d’un marché public international, avait été obtenu par l’entreprise allemande Bilfinger Berger 51 en 2002 qui avait livré son ouvrage en 2004. L’Autorité du canal attend également dans ces financements externes des prêts issus d’investissements étrangers par le biais d’entreprises internationales, mais surtout le prêt bancaire de la Banque Interaméricaine de Développement (la B.I.D) qui a manifesté un intérêt particulier pour faire partie des organismes privés et multilatéraux de financement. Les pays asiatiques suivent de très près ces développements financiers car ce sont les commerçants les plus importants (juste derrière les Etats-Unis), utilisant des porteconteneurs. La Corée du Sud a pris part d’une certaine façon au plan de financement en 49 Propos publié dans le journal local La Prensa selon l’avis de Jane Edy, analyste financier de chez Standard & Poor’s, « La ACP puede aspirar a grado de inversión », in La Prensa, 24 octobre 2006. 50La B.E.I est chargée de financer des projets en accord avec les objectifs de l’Union Européenne. Elle dispose d’un capital de 164 000 millions d’euros et des actifs de l’ordre de 258 000 millions d’euros. Tous les Etatsmembres de l’Union y sont actionnaires. La France compte parmi les actionnaires les plus importants avec une participation de l’ordre de 16,28%. La BEI a une dotation pour l’Amérique Latine de 2800 millions d’euros, dotation approuvée par le Conseil Européen pour la période 2007-2013. 51 Cette entreprise allemande a également été chargée de la construction à l’entrée Pacifique du canal, du nouveau port de Balboa. 46 devenant membre de la Banque Interaméricaine, quelques mois avant la réunion de cette dernière au Japon (Okinawa) en avril 2005. Tout comme le « Pays du soleil levant », qui encore avant l’adhésion de la Corée du Sud était le seul pays du monde asiatique au sein de cette organisation, le « Pays du matin calme » sera désormais susceptible de déposer son offre aux contrats publics d’Amérique latine. L’existence d’une véritable compétition asiatique s’est manifestée un peu plus lorsque la Chine a tenté de prendre également part au financement de l’élargissement du canal de Panama en collaborant avec la B.I.D. Le Japon, les Etats-Unis et les pays d’Amérique centrale ont néanmoins déposé leur veto, freinant pour le moment l’entrée des chinois au sein de la Banque Interaméricaine. Le choix dans la désignation de ces investisseurs privés qui sont amenés à jouer un rôle déterminant dans l’histoire du canal devra être fait avant la fin du troisième trimestre 2008. En d’autres termes, ils devront être impérativement désignés avant l’attribution du contrat le plus important qui est celui de la conception et de la construction des écluses. Section 2 : Les modalités d’attribution des contrats de construction C’est en 2001, un an après que l’A.C.P soit devenue l’organe directeur pour la gestion, l’administration et la modernisation du canal que celle-ci lançait, pour mener à bien son projet d’agrandissement, ses premiers appels d’offres internationaux (§1). Ces derniers ont déclenché un véritable engouement des plus grandes entreprises mondiales de travaux publics et d’ingénierie. Par la formation de consortiums internationaux (§2), certaines entreprises concurrentes se sont regroupées pour optimiser leurs chances de réussite dans la course à l’obtention du contrat de construction des nouvelles écluses. §1- L’appel d’offres international : un processus de sélection formel Le projet d’élargissement du canal est un projet d’une envergure colossale, tant par son chantier que par les coûts financiers qu’il engrange. L’appel d’offres international est une procédure nécessaire permettant à l’Autorité du canal de choisir les entreprises lui semblant le plus à même de réaliser les prestations de travaux d’extension sollicitées. La finalité de cette action est de mettre plusieurs entreprises internationales en concurrence afin qu’elles 47 proposent une offre de service au meilleur prix. Le maître d’ouvrage, l’A.C.P, d’attribuer un marché public 52 avant doit avoir au préalable réalisé une estimation financière de ses besoins (cahier des charges) et avoir respecté une procédure de sélection pour garantir l’égalité de traitement entre les différents candidats. Le directeur de la planification de l’A.C.P, M. Rodolfo Sabonge, a rappelé la logique de la procédure d’appel d’offre en affirmant qu’« aucun pays ou aucune entreprise ne sera avantagé » et a indiqué la position de l’Autorité en ce qu’elle ne projetait pas de « signer des contrats avec les entreprises de manière individuelle… », mais plutôt « …que des consortiums se forment » ; qu’il y ait une véritable collaboration entre les différentes entreprises dans les contrats de construction. Pour mener à bien son projet d’élargissement et se faire conseiller au mieux sur l’attribution des contrats de construction, l’Autorité s’est entourée d’experts. Ainsi, elle a nommé l’entreprise américaine CH2M Hill 53 pour la guider sur l’ensemble du projet d’élargissement et lui prodiguer des conseils techniques en matière de contrats ; deux équipes d’avocats américains, respectivement Shearman & Sterling 54 pour le conseil juridique financier et Mayer Brown 55 pour le conseil juridique en matière de contrats internationaux. Enfin, Mizuho Financial Group 56 filiale du groupe japonais Mizuho Corporate Bank 57 pour les conseils exclusivement financiers, ce qui est loin d’être négligeable lorsque l’on sait que ce sont plus de cinq milliards de dollars qui ont été investis dans le projet d’agrandissement, dont près de la moitié par des marchés financiers. A l’annonce de cet appel d’offres, les plus grands groupes internationaux se présentèrent afin de soumettre leur projet à l’Autorité ; la concurrence était pressentie rude par avance. Pour les entreprises françaises, les groupes Suez, Bouygues, Vinci, Eiffage, Alstom, BNP Paribas, Crédit Agricole - Crédit Lyonnais s’intéressaient au projet, mais il fallait aussi 52 Un marché public est un contrat conclu à titre onéreux entre des pouvoirs adjudicateurs comme l’A.C.P et des personnes publiques ou privées, répondant aux besoins de ces pouvoirs adjudicateurs en matière de fournitures, services et travaux. 53 http://www.ch2m.com/corporate/ 54 http://www.shearman.com/ 55 http://www.mayerbrown.com/ 56 http://www.mizuho-fg.co.jp/english/ 57 http://www.mizuhocbk.co.jp/english/ 48 compter sur la présence de quelques géants comme Halliburton, Caterpillar, Bechtel et General Electric pour les Etats-Unis, Mitsubishi pour le Japon, Evergreen pour Taiwan, Siemens pour l’Allemagne, Oderbrecht pour le Brésil 58 , et bien d’autres encore… Néanmoins, la passation du marché public ne pouvait s’effectuer que dans le cadre d’une procédure restreinte. Pour sélectionner les candidats, l’A.C.P a suivi un processus formel : celui de la pré-qualification. Ce dernier fait tout d’abord comme énoncé précédemment, l’objet d’un appel d’offres international publié par l’Autorité et où toutes les entreprises intéressées doivent se manifester. Afin de pouvoir être sélectionné, l’A.C.P entamait un examen minutieux des projets proposés puis se focalisait sur les candidats aux expériences positives dans des marchés précédents, dont la situation financière était saine et enfin appréciait les capacités de l’entreprise en termes d’effectif et d’équipement. En outre, l’A.C.P exigeait que l’entreprise justifie d’expériences dans des projets similaires dont le montant minimum devait atteindre le demi-milliard de dollars, ainsi que des connaissances concrètes dans la construction et le design. Au vue de ces conditions drastiques, seules quelques entreprises feraient l’objet d’une sélection et pourraient véritablement prétendre à prendre part aux travaux d’agrandissement du canal de Panama. L’entreprise qui remporta le premier chantier de l’élargissement du canal fut une société panaméenne, Constructora Urbana S.A. 59 , qui pour un montant de quarante et un millions de dollars se chargeait du creusement des 6.7 kilomètres de voie navigable du côté Pacifique. Il s’agissait de la plus grande entreprise de construction du Panama car cette dernière avait déjà à son actif la réalisation de la plupart des grands chantiers publics du pays comme les routes et infrastructures portuaires mais également les aéroports. Les travaux débutèrent courant 2008 mais ne se termineront pas avant 2010. Pour M. Kuzniecky, ministre des affaires liées au canal, le vaste chantier d’élargissement débutait véritablement avec cette offre. D’autres appels d’offres (cinq au total) devraient être lancés dans les mois à venir toujours aux fins d’augmenter la capacité du canal. Un nouveau chantier fut remporté par une entreprise néerlandaise, IHC Beaver Dredgers BV, pour près de quatre-vingt seize millions de dollars (95.9 millions de dollars) dans la 58 Le Brésil et le Mexique demeurent les deux principaux fournisseurs des deux matières premières nécessaires aux travaux d’élargissement à savoir le ciment et l’acier. 59 Cette entreprise appartient à la famille de l'actuel administrateur du canal, M. Zubieta qui plusieurs mois auparavant a renoncé à ses droits en qu'actionnaire dans ce groupe panaméen. 49 construction d’une drague de nouvelle génération. Celle-ci devait être utilisée dans les entrées Atlantique et Pacifique, le passage de Culebra ainsi que dans le lac Gatún. En dehors de l’offre intéressante faite par l’entreprise, ce qui a conforté l’A.C.P dans le choix de lui confier les opérations de dragage, vient de l’excellente réputation qu’on les flamands et les néerlandais dans le domaine. Néanmoins, de tels travaux nécessitent beaucoup plus de dragues et surtout du personnel spécialisé pour creuser le chenal qui rendra possible la navigation des post-Panamax. Ainsi, l’Autorité a attribué un nouveau contrat à l’entreprise flamande Dredging International B.V pour l’extraction de près de neuf millions de mètres cubes des chenaux tant aux entrées du canal qu’au troisième jeu d’écluses (faisant lui aussi l’objet d’un appel d’offres). Avec l’offre la plus basse de 177.5 millions de dollars, contre des offres atteignant les 258.851 millions voire 485.453 millions de dollars, Dredging International B.V pouvait espérer remporter son contrat. Il est certain que de par la réputation et l’expérience des entreprises belges et néerlandaises (les entreprises flamandes ont participé aux designs du troisième jeu d’écluses), les consortia qui incluent ces entreprises ne pourront qu’être très bien placées si l’on se projette à fin 2008, dans quelques mois maintenant, dans la course au contrat de construction des nouvelles écluses du canal. L’entreprise panaméenne Constructora Urbana S.A. qui a obtenu le premier chantier pour les travaux d’élargissement fait aussi l’objet d’un consortium qui y inclut des entreprises belges et néerlandaises. Au terme d’une phase de pré-qualification plus que sélective, l’Autorité du canal est amenée à sélectionner seulement quatre candidats qui devront présenter dans un délai déterminé leurs propositions concernant le montant, le design, le temps nécessaire à la livraison ainsi que la gestion du projet et les méthodes d’exécution. Un seul postulant sera choisi entre novembre et décembre 2008 et décrochera le contrat d'édification des nouvelles écluses du canal de Panama. Autant dire que la course est assurément lancée entre ces quatre concurrents car il y a à la clef un contrat de construction se chiffrant à un milliard de dollars. §2- La formation de consortiums Le 27 août 2007, l’A.C.P lançait un nouvel appel d’offre, le plus important sans aucun doute de son programme d’élargissement : celui pour la construction des écluses du canal, 50 partie la plus noble et la plus onéreuse 60 de ce vaste chantier dont les premiers travaux sont prévues pour le second semestre 2008. Sur les soixante entreprises qui étaient intéressées dans l’édification des écluses, trente d’entre elles se sont associées en consortiums et ont présenté de manière officielle leur candidature, les 14 et 15 novembre 2007. Ces groupements institutionnels qui favorisent la collaboration entre les entreprises représentent pour l’Autorité du canal un travail harmonieux qui laissera son empreinte une fois le chantier achevé. Le choix du consortium est d’un enjeu majeur car il désigne l’unique responsable de la conception et de l’ensemble des travaux des écluses, mais également celui qui répond des obligations juridiques qui découlent de sa responsabilité vis-à-vis des entreprises avec lesquelles il aura sous-contracté. En définitive, ce sont quatre consortiums internationaux qui ont été retenus par l’A.C.P. qui en a annoncé publiquement la liste le 14 décembre 2007. Le premier groupement « ATLANTICO-PACIFICO DE PANAMA » emmené par le trio français Vinci-BouyguesAlstom comprend également l'allemand Bilfinger Berger, l'américain A.E.C.O.M, et quatre entreprises brésiliennes, Camargo Correa, Andrade Gutierrez, Queiroz Galvao et Bardella Industrias Mecanica. Trois autres consortiums internationaux sont en concurrence avec celui-ci. Le premier baptisé CANAL, est à forte composante espagnole (Sner Ingieneria, ACS Servicios, Accciona et FCC) associés notamment avec l'allemand Hochtief. Le second est mené par le groupe américain Bechtel, avec les japonais Taisei et Mitsubishi. Enfin, le dernier consortium est articulé autour des groupes américains Tetra Tech, Montomery Watson Harza et Heerema, avec notamment l'espagnol Sacyr Vallehermoso et la compagnie panaméenne Constructora Urbana de Panama. L’un des atouts majeurs du consortium « ATLANTICO-PACIFICO DE PANAMA » est qu’il bénéficie de la solution technique de construction des écluses que les autorités panaméennes avaient préalablement retenue et qui ont été conçues par un autre groupe français. En effet, avec une offre de soixante-quinze millions et demi d’euros, le « CONSORTIUM POST-PANAMAX » avait été choisi par l’Autorité du canal pour mettre en œuvre le processus de conception des écluses. Le projet de ce consortium européen, réunissant plusieurs filiales du Groupe Suez dont des entreprises françaises et belges comme Coyne et Bellier, Technum, la Compagnie Nationale du Rhône 61 et Tractebel 60 La construction des nouvelles écluses représente à elles seules près de 55% du coût des travaux. 61 La Compagnie gère et conçoit depuis près de cinquante ans des écluses. 51 Engineering, consistait en la réalisation de deux séries de trois écluses reliant les océans Pacifique et Atlantique au lac Gatún. La difficulté majeure de ce projet reposait sur le fait qu’il fallait démontrer que l’on pouvait remplir et vidanger 200 000 mètres cubes d’eau en moins de huit minutes à l’aide d’une vingtaine d’aqueducs fixés sur chaque côté. Néanmoins, ce consortium européen n’avait été initialement choisi que pour la seule conception d’écluses côté Pacifique ; celles du côté Atlantique faisaient l’objet d’un projet des ingénieurs civils de l’armée américaine 62 . En 2004 pourtant, l’A.C.P décidait de valoriser le projet européen sur les deux façades océaniques qui représentait « le meilleur concept » selon l’administrateur adjoint du canal Manuel Benitez. En le comparant au projet américain, l’Autorité trouva le consortium mené par le groupe français beaucoup moins cher, plus facile à entretenir et surtout, présentant de nombreux avantages économiques. Grâce à la conception d’écluses roulantes (doublées par mesure de sécurité) et non pas composées de ventaux comme un portail ainsi que de bassins latéraux de stockage de l’eau, on économiserait jusqu’à 87% de l’eau utilisée et cela en la faisant passer d’une écluse à l’autre. Enfin, cette conception permettrait encore de réaliser des économies dans la construction du radier 63 et des conduits hydrauliques. Afin de vérifier la viabilité de son projet, la Compagnie Nationale du Rhône, basée à Lyon, est allée jusqu’à reproduire dans un laboratoire hydraulique et de mesures, une maquette au 1/30ème d’une partie de ses travaux. La conception accordée au « CONSORTIUM POST-PANAMAX » reste certes un avantage pour le groupement « PACIFICO-ATLANTICO DE PANAMA », en lice dans la course pour décrocher le contrat de construction des nouvelles écluses. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il demeure en concurrence avec d’autres consortiums, représentant la fine fleur des travaux publics et de l’ingénierie mondiale qui comptent eux aussi sur quelques avantages. A titre d’illustration, pour le groupement « GRUPO UNIDOS POR EL CANAL », qui intègre deux entreprises néerlandaises dont la «Heerema Fabrication Group 64 » fabricant de portes d’écluses, des membres de l’A.C.P se sont déplacés plusieurs fois dans les ports de Rotterdam et d’Anvers et sont demeurés profondément impressionnés par ses écluses du nord de l’Europe. 62 Par le passé, les ingénieurs civils de l’armée américaine étaient les maîtres d’œuvre de la construction du canal après la faillite de la compagnie française sous Ferdinand de Lesseps. 63 Grosse dalle utilisée pour établir les fondations d'un ouvrage. 64 http://www.heerema.com/ 52 Ce sont donc quatre consortiums internationaux qui vont tenter de décrocher le contrat majeur du chantier d’expansion du canal de Panama. Les groupements auront jusqu’à la fin août 2008 pour faire parvenir leurs propositions aux autorités panaméennes, qui donneront leur décision finale en décembre de cette même année. A cette date, on devrait enfin pouvoir connaître le nom de l’entreprise qui décrochera le juteux contrat de construction 65 des écluses du canal pour la coquette somme d’un milliard de dollars. 65 Il est prévu que le contrat sera basé sur le modèle clés en mains de la Fédération Internationale des Ingénieurs-Conseils (« International Federation of Consulting Ebgineers »). 53 CONCLUSION Le canal « américain » du XXème siècle a représenté une voie stratégique majeure pour les Etats-Unis qui y ont vu principalement un passage rapide pour leur flotte de guerre et leurs navires commerciaux d’un océan à l’autre. Au fil des décennies, le Panama s’est transformé en une véritable enclave militaire, politique et économique, altérant ainsi les dynamismes du pays en tant que pays indépendant. Parallèlement, l’exploitation du canal ne produisait que de modestes revenus avoisinant les 7% du Produit Intérieur Brut. Le ressentiment des populations locales s’installa peu à peu et pris la forme d’une lutte en faveur du rétablissement de leur souveraineté. Celle-ci fut marquée par l’acceptation des Etats-Unis de restituer la Zone du canal aux autorités panaméennes lors de l’entrée dans le nouveau millénaire. Le Panama a depuis lors développé son économie en s’ouvrant aux investissements étrangers et en privatisant ses ports où les plus puissants opérateurs de terminaux mondiaux s’y sont installés ; faisant du pays une plate-forme maritime internationale incontournable de la distribution et du transport, objet des convoitises américaine et asiatique. Le canal de ce début de XXIème siècle est désormais un enjeu économique essentiel pour le transit du trafic maritime international, source majeure des revenus de ce petit pays de trois millions d’habitants, dont 80% du Produit Intérieur Brut (environ six milliards de dollars) est lié à l’activité du canal. Cependant, ce dernier est confronté au problème de l’obsolescence de ses structures en raison de la croissance des économies d’échelle dans le transport maritime de conteneurs et de la course au gigantisme naval. L’agrandissement de la voie interocéanique est subséquemment apparu d’une importance vitale aux yeux de l’A.C.P, préoccupée par le maintien de son canal à un niveau de compétitivité mais aussi afin qu’il puisse continuer à alimenter la croissance économique du pays. Cependant, si les modes de financement et d’ingénierie des travaux d’élargissement semblent être en mesure d’être gérés, des doutes certains subsistent, tant sur l’angle social que sur l’aspect environnemental du programme d’expansion. 54 Les opposants à ce chantier monumental, dont les premières opérations ont débuté en septembre 2007, restent sceptiques quant à l’impact social que peuvent représenter les travaux sur la population active panaméenne. Selon les chiffres fournis par l’Autorité du canal, ce sont jusqu’à 7 000 ouvriers et ingénieurs qui sont en train de donner vie à ce vaste processus de construction. Or, si l’on s’intéresse de plus près à la part confondue de chômeurs et de sous-employés du pays, celle-ci concerne 25% de la population active ; ce qui signifie qu’il faudrait créer près de 30 000 emplois par an pour remédier à ce déficit. Ces travaux d’expansion constituent une aubaine pour le développement d’emplois locaux, mais la réalité démontre que très majoritairement, les premiers bénéficiaires demeurent des entreprises transnationales, loin devant les Panaméens. Le pays reste marqué par de très fortes inégalités sociales 66 et le pourcentage de la population qui vit dans la pauvreté atteint les 40.5% ce qui fait du Panama, avec le Brésil, l’un des pays ayant la plus mauvaise redistribution des richesses du continent. A cela s’ajoute l’inquiétude croissante des opposants qui dénoncent les impacts qu’ont causé et qu’auront encore les travaux d’élargissement, d’une part sur l’environnement et d’autre part sur les réserves en eau potable. L’A.C.P qui a réalisé ses propres études sur le sujet affirme que les risques sont faibles et qu’ils demeurent « contrôlables ». Néanmoins, les nombreuses déforestations dans les environs du canal qui ont précédé le début des travaux d’expansion, ont entraîné un niveau de pollution très élevé des rivières et des cours d’eau ; ces eaux se jetant ensuite dans les lacs Gatún et Alajuela, alimentant les villes de Panama et Colon. Cela a eut pour conséquence la détérioration de la qualité de l’eau et les excavations successives qui sont attendues au cours de ces six prochaines années devraient contribuer, par des dépôts de sédiments, à de nouvelles dégradations encore plus signifiantes. D’autre part, la création de bassins de réutilisation de l’eau douce qui permettront l’alimentation des nouvelles écluses ainsi que la réutilisation à 60 % de l’eau lors de chaque passage, pourrait provoquer sur le long terme, une augmentation de la salinité du lac Gatún, ce qui aurait des conséquences néfastes pour la faune et la flore locale. Enfin, il faut garder en mémoire qu’un danger existe toujours en matière de pollution accidentelle ou criminelle d’un navire, bien que fort heureusement rien de tel ne se soit encore produit. 66 Selon le Rapport de développement humain 2002 du Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D), des familles entières doivent survivre avec des revenus inférieurs à 25 dollars par mois. 55 L’agrandissement des nouvelles écluses se heurte aussi à un problème de taille qui concerne celui des ressources en eau. Le phénomène El Niño a provoqué en 1998 une diminution des précipitations entraînant conséquemment une baisse du niveau du lac Gatún et obligeant à des restrictions à la navigation. Il convient de rappeler que le transit d’un navire requiert à lui seul 197 millions de litres d’eau douce qui sont ensuite rejetés à la mer. Cette quantité équivaut à la moitié de la consommation quotidienne en eau potable des habitants de la zone du canal. Le canal compte chaque jour le passage de trente-neuf navires et consomme donc près de dix-neuf fois l’eau des habitants. Avec l’élargissement du canal, quarante-neuf navires pourront désormais transiter par la voie d’eau, ce qui augmentera considérablement cette consommation. Face à l’augmentation du trafic maritime et de la consommation d’eau liée aux usages des populations, les réserves du lac Gatún risqueront de ne pas être suffisantes. L’Autorité du canal devra donc trouver des solutions à cette difficulté si elle ne veut pas être un jour confrontée au problème de pénurie d’eau qui aurait, on l’imagine aisément, des répercussions dramatiques pour le pays et le reste du monde maritime… 56 Table des Annexes Annexe 1 : Représentation géographique du projet du canal du Nicaragua p.58 Annexe 2 : Représentation géographique du Panama et de son canal p.59 Annexe 3 : Extraits d’articles de la Constitution panaméenne concernant l’Autorité du Canal de Panama (Titre XIV). p.60 Annexe 4 : Tableau des coûts d’investissements pour la création d’un troisième jeu d’écluses. p.63 Annexe 5 : Coupe représentative de l’Isthme de Panama. p.65 Annexe 6 : Coupe des nouvelles écluses, côté Pacifique. p.66 Annexe 7 : Coupe des nouvelles écluses, côté Atlantique. p.67 57 ANNEXE 1 58 Source : « Le Monde » ANNEXE 2 59 ANNEXE 3 60 Note: The English translation of the constitutional Title of the Panama Canal is intended solely for the purpose of facilitating an overall understanding of the content of the original Spanish version. In those cases where differences may be found between the two, the Spanish document must be considered as the authoritative version. POLITICAL CONSTITUTION OF THE REPUBLIC OF PANAMA - TITLE XIV Article 315. The Panama Canal constitutes an inalienable patrimony of the Panamanian Nation; it shall remain open to the peaceful and uninterrupted transit of ships of all nations, and its use shall be subject to the requirements and conditions established by this constitution, the Law, and its Administration. Article 316. An autonomous legal entity by the name of Panama Canal Authority is hereby established under public law, which shall be exclusively in charge of the administration, operation, conservation, maintenance, and modernization of the Panama Canal and its related activities, pursuant to current constitutional and legal provisions in force, in order that it may operate the Canal in a manner that is safe, continuous, efficient, and profitable. This entity shall have its own patrimony, and the right to administer it. The Panama Canal Authority, in coordination with other government agencies as established by the Law shall be responsible for the administration, maintenance, use and conservation of the water resources of the Panama Canal watershed, which include the waters of the lakes and their tributary streams. Any plans for construction, the use of waters, and the utilization, expansion, and development of the ports, or any other work or construction along the banks of the Panama Canal shall require the prior approval of the Panama Canal Authority. The Panama Canal Authority shall not be subject to the payment of taxes, duties, tariffs, charges, rates or tribute of a national or municipal nature, with the exception of Panama Social Security payments, educational insurance, workmen's compensation, and public utility rates, except as provided in Article 321. Article 317. The Panama Canal Authority, and all other institutions and authorities of the Republic related to the maritime sector shall be included in the national maritime strategy. The Executive Branch shall propose to the Legislative Branch the Law to coordinate all these institutions in order to promote the country's social and economic development. Article 318. The administration of the Panama Canal Authority shall be under a board of directors composed of eleven members designated as follows: 1. One member designated by the president of the Republic, who shall preside over the board of directors and hold the rank of minister of state for canal affairs. 2. One member to be designated or removed freely by the legislative branch. 3. Nine members appointed by the president of the Republic as agreed with the Cabinet Council and ratified by the Legislative Branch by an absolute majority of its members. The Law shall establish the requirements for the post of board member, guaranteeing the staggered replacement of the board members mentioned in Item 3 of this article, in groups of three, every three years. After the first replacement, all board members shall serve for a period of nine years. 61 Article 319. The board of directors shall have the following powers and duties, without prejudice to any other as determined by the Constitution and the Law: 1. Appoint and remove the Administrator and Deputy Administrator of the Canal, and establish their duties in accordance with the Law. 2. Set tolls, charges, and fees for the use of the Canal and its related services, subject to final approval by the Cabinet Council. 3. Make loans, with the prior approval of the Cabinet Council and within the limits established by the Law. 4. Grant concessions to provide services to the Panama Canal Authority and transiting vessels. 5. Propose the boundaries of the Canal watershed for approval by the Cabinet Council and the National Assembly. 6. Exclusively approve regulations to implement the general policies issued by the Legislative Branch as proposed by the Executive Branch, on contracts and procurement, and on any matters as may. be required for the best operation, maintenance, conservation and modernization of the Canal within the national maritime strategy. 7. Exercise all the powers established by this Constitution and the Law. Article 320. The Panama Canal Authority shall adopt a triennial financial planning and management system, according to which it shall approve its annual budget by means of a justified resolution; this budget shall not be included in the general budget of the government of Panama. The Panama Canal Authority shall submit its draft budget to the Cabinet Council, which in turn shall submit it to the Legislative Assembly for consideration and review, approval or rejection, in accordance with Chapter II, Title IX of this Constitution. Funds shall be allocated in the budget for Panama Social Security payments, and for the payment of charges for any public utilities provided, as well as for any surplus to be transferred to the Panama National Treasury, once the operating, capital project, management, maintenance, modernization, Canal widening, and the required contingency reserve costs are covered as provided according to the Law and its administration. The Administrator shall be in charge of the implementation of the budget, which shall be monitored by the Board of Directors or its designee, and only through subsequent control, by the office of the Comptroller General of the Republic. Article 321. The Panama Canal Authority shall make annual payments to the Panama National Treasury per Panama Canal net ton or its equivalent, from the monies collected from vessels transiting the Panama Canal, which are subject to the payment of tolls. The rates for these payments shall be set by the Panama Canal Authority, and shall not be less than those paid to the Republic of Panama for the same concept on December 31, 1999. By reason of their transit through the Panama Canal, vessels, their cargo, passengers, owners or operators, or their operation, as well as the Panama Canal Authority may not be subject to any other national or municipal tax. Article 322. The Panama Canal Authority shall be subject to a special employment regime based on a merit system, and shall adopt a general employment system that maintains, at least, basic employment conditions and rights similar to those existing on December 31,1999. 62 All employees as well as those employees who must make use of the special retirement that year, whose positions are deemed necessary according to applicable provisions shall be guaranteed employment with the same benefits and conditions as they enjoyed up to that date. The Panama Canal Authority shall hire, preferably, Panamanian nationals. The Organic Law shall regulate the hiring of foreign nationals, guaranteeing that there will be no detriment to the conditions or standards of living of Panamanian employees. Considering the essential international public service rendered by the Canal, its operation may not be interrupted for any reason. Any labor conflicts between the employees of the Panama Canal and its administration shall be resolved by the employees or their unions and the Administration, through the mechanisms established by the Law to resolve such conflicts. Arbitration shall constitute the last administrative instance. Article 323. The regime contained in this Title may only be implemented by means of laws establishing general policies. The Panama Canal Authority shall regulate these matters and shall forward to the Legislative Branch within a period of fifteen calendar days copies of any regulations it issues in the exercise of this power. TEMPORARY PROVISIONS. Unless otherwise provided in this Constitution, the Panama Canal Authority shall incorporate into its organization the administrative and operating structure existing in the Panama Canal Commission on December 31, 1999, including its departments, offices, positions, policies in force, regulations, and collective bargaining agreements, until such time as they are modified according to the Law. Source: A.C.P, www.pancanal.com ANNEXE 4 63 Cost Estimate for the Third Set of Locks Project Investments Estimate* Project Components New Locks Atlantic Locks 1,110 Pacific Locks 1,030 Contingency for New Locks 590 Total for News Locks 2,730 Water Saving Basins Atlantic Water Saving Basins 270 Pacific Water Saving Basins 210 Contingency for Water Saving Basins** 140 Total for Water Saving Basins 620 Access Channels for New Locks Atlantic Access Channels (Dredging) 70 Pacific Access Channels (dry Excavation 400 Pacific Access Channels (Dredging) 180 Contingency for Access Channels** 170 Total for New Locks Access Channels 820 Existing Navigational Channel Improvements Deepening and Widening of Atlantic Entrance 30 Widening of the Gatun Lake Channels 90 Deepening and Widening of Pacific Entrance 120 Contingency for Existing Channel Improvements** 50 Total for Navigational Channel Improvements 290 Water Supply Improvements Increase the Maximum Level of Gatun Lake to 27.1m (89’) PLD 30 64 Deepening of the Navigational Channels to 9.1m (30’) PLD 150 Contingency for Water Supply Improvements** 80 Total for Water Supply Improvements 260 Inflation During the Construction Period** 530 TOTAL INVESTMENT 5,250 M *Millions of Balboas, rounded to the nearest tenths. **The contingency includes possible variations for each component. Source: A.C.P, www.pancanal.com ANNEXE 5 65 ANNEXE 6 66 Source : A.C.P, www.pancanal.com ANNEXE 7 67 Source : A.C.P, www.pancanal.com Bibliographie 68 I. LES OUVRAGES • TROTET F., « Panama », Ed. Karthala, Collection Méridiens, 1991. • CHAPUS R., « Droit administratif général », Ed. Montchrestien, 15ème édition, 2001. II. • LES ARTICLES BRAGALE M.A., « The Panama Canal in transition : steaming towards the 21st century », Bulletin of the Permanent International Association of navigation Congresses, n°98, 1998, p.39-45 • RAUZDUEL S-C., « Panama : le Canal Retrouvé », Politique internationale, n°87, printemps 2000, p.240 • RUIZ N.R., « Le canal de Panama et autres routes alternatives », Acta Geographica, n°21, 2000, p.13-31 • CHARLIER J., « De la norme panamax à l’essor des overpanamax », Acta Geographica, n°21, 2000, p.102-111 • MARCADON J., « Enjeux économiques maritimes et portuaires de la circulation transisthmique en Amérique centrale », Acta Geographica, n°21, 2000, p.81-93 • SLACK B. et McCALLA R., « Le canal de Panama à un carrefour Géopolitique, réalités commerciales et environnement », Etudes internationales, Volume XXXIV, n°2, juin 2003, p.253-262 • DE MALEVILLE O., « Vers l’élargissement du Canal de Panama », Annuaire Français des Relations Internationales, Volume VII, 2006, p.980 • LAFARGUE F., « La Chine en Amérique latine », Perspectives chinoises, n°97, 2006 • MICHEL O., « Panama, le canal des géants », Le Figaro du 20 janvier 2007, p.53 III. LES SITES INTERNET ET ARTICLES EN LIGNE • www.pancanal.com, le site de l’Autorité du Canal de Panama • http://maitrejulia.blogspot.com, le blog de maître Julia, avocat au Panama • http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/panama-reprend-soncanal_482216.html, un article de l’Express consacré à la rétrocession. IV. • LES MEMOIRES POURTEAU, « Les enjeux contemporains du Canal de Panama », Mémoire DEA, 2000, IHEAL-Paris III 69 • De GRACIA PENALOZA E., « Le statut juridique des ports panaméens », Mémoire de Master 2, 2005, CDMT – Université Aix-Marseille III Table des Matières Sommaire p.4 70 Introduction p.7 Chapitre préliminaire : La justification du projet d’élargissement p.11 Section 1 : Le canal de Panama à un carrefour géostratégique p.11 Section 2 : Inadaptation et saturation anticipée du canal p.17 1ère PARTIE : L’AUTORITE DU CANAL DE PANAMA, ACTEUR DE L’ELARGISSEMENT p.21 Chapitre I : Historique d’une institution p.21 Section 1 : La reconnaissance de la juridiction panaméenne p.21 Section 2 : L’instauration laborieuse de la Commission du Canal de Panama p.25 Chapitre II : Le nouveau statut de l’Autorité du Canal de Panama p.30 Section 1 : Une entité autonome de droit public p.30 Section 2 : Organisation de l’Autorité du Canal p.32 2ème PARTIE : LE PROGRAMME D’AGRANDISSEMENT p.34 Chapitre I : Un chantier aux allures colossales p.35 Section 1 : La construction d’un nouveau jeu d’écluses p.35 §1- Fonctionnement des écluses p.35 §2- Aménagements modernes du nouveau système d’écluses p.37 Section 2 : Excavation et approfondissement des voies de navigation p.39 Chapitre II : Une gestion entrepreneuriale p.41 71 Section 1 : Le projet de financement p.42 §1- Les droits de péage p.42 §2- Les investissements étrangers p.45 Section 2 : Les modalités d’attribution des contrats de construction p.47 §1- L’appel d’offres international : un processus de sélection formel p.47 §2- La formation des consortiums p.50 Conclusion p.54 Table des Annexes p.57 Bibliographie p.68 Table des Matières p.70 72