Layout ok Holy Lola
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Conception et réalisation : bywawa - Frédéric Daussy - Agnès Le Pont / Affiche © LE CERCLE NOIR - CUBE. PHOTOS : E.GEORGE - R. MELLOUL www.holylola.com Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:34 Page 1 ALAIN SARDE et FRÉDÉRIC BOURBOULON présentent une coproduction LITTLE BEAR – LES FILMS ALAIN SARDE - TF1 FILMS PRODUCTION avec la participation de CANAL+ en association avec SOFICA-VALOR 6 et SOGECINEMA 2 UN FILM DE BERTRAND TAVERNIER écrit par Tiffany TAVERNIER et Dominique SAMPIERO avec la participation de Bertrand TAVERNIER avec JACQUES GAMBLIN ISABELLE CARRÉ et BRUNO PUTZULU SORTIE : 24 NOVEMBRE 2004 durée : 128 mn format : 1.85 son : dolby SRD - DTS DISTRIBUTION TFM DISTRIBUTION Immeuble Central Park 9 rue Maurice Mallet 92130 Issy-les-Moulineaux RELATIONS PRESSE Laurence GRANEC Karine MÉNARD 5 bis rue Kepler 75116 PARIS tél. : 01 41 41 35 88 fax : 01 41 41 16 59 tél. : 01 47 20 36 66 fax : 01 47 20 35 44 Le dossier de presse et les photos haute définition sont téléchargeables sur le site www.tfmdistribution.fr/pro 2 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 2 Synopsis HOLY LOLA, c’est le récit d’un désir d’enfant qui entraîne un jeune couple, Pierre et Géraldine, au cœur d’un voyage initiatique au bout du monde, dans un pays martyrisé par l’Histoire : le Cambodge. Pour eux, commence une aventure éprouvante et formidable : ronde des orphelinats, confrontation avec les autorités françaises et cambodgiennes, menaces de trafics. Sans oublier la méfiance et la jalousie mais aussi l’entraide de la petite communauté des adoptants réunie par le hasard. A travers cette quête, le couple fait face à ses peurs, ses égoïsmes. Il se déchire, se rapproche et en sort à jamais transformé. Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 4 Tiffany Tavernier scénariste Au début de ce film, il y a un roman. Le premier que j’ai écrit, l’histoire de Justine, une ado de dix-sept ans complètement larguée qui se retrouve “par hasard” plongée dans le milieu humanitaire de Calcutta. Mon père m’appelle un jour, il aimerait l’adapter. “— Impossible. Tu ne pourras jamais faire entrer de caméras dans les mouroirs et puis le monde humanitaire a changé, les volontaires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Tout s’est considérablement professionnalisé.” “J’aurais tant aimé filmer la trajectoire de cette fille.” Fin de conversation. Fin de rêve. Trois ans s’écoulent. Laissez-passer sort à l’écran. Bertrand est en quête d’un nouveau sujet. Ça me vient brusquement. J’en parle à Dominique, il donne son feu vert, on décroche notre téléphone. “— L’adoption, Bertrand, même trajectoire que Justine. Une immense douleur comme point de départ, un voyage au bout du monde alors que rien a priori n’y destinait le ou les personnages, un pays en pleine gueule, une lutte, une métamorphose, un retour.” “Ça m’intéresse, mais je veux plus de matière.” Cascades d’interviews via internet et téléphone. On découvre le monde stérilitéagrément-procédures. Entre la douleur des uns, la panique des autres, la méfiance, le bonheur, la peur, l’angoisse, on nage dans un magma d’infos hyper chaotiques. Il nous faudra six bons mois pour s’y retrouver. La Mission de l’Adoption Internationale ne >4 peut nous aider. On apprendra plus tard qu’ils ne sont qu’une poignée à gérer l’intégralité de toutes les adoptions à l’étranger, un truc parfaitement impossible. Après une hésitation entre Haïti, le Mali, le Vietnam et le Cambodge, on finit par retenir ce dernier. Pour la moyenne des adoptants une vraie galère : huit semaines sur place, une procédure lourde qui ne cesse de changer, une ambassade française peu coopérative, un flou artistique concernant le montant des sommes à verser, un pays encore exsangue à la suite du génocide commis par les Khmers rouges, des institutions encore très bancales… Bertrand n’a pas besoin d’en entendre plus. Il prend. “— Et maintenant ?” Je les regarde, lui et Dom. “— Maintenant les mecs, c’est très simple, on y va !” Quinze jours à trois à Phnom Penh. Le pied. Lever six heures du matin, coucher une heure du matin. On visite quatre- vingt pour cent des futurs décors (orphelinats, ministères, guest-house), on rencontre des directeurs d’orphelinats, des adoptants, des journalistes, des cambodgiens impliqués dans la procédure officielle, des responsables d’ONG locales et internationales, des patrons d’hôtels spécialement réservés à la clientèle adoptante. Fous rires, larmes, émotions. Bertrand boit du petit lait. Retour dans le nord de la France. En décembre, on donne à Bertrand une première mouture. Il réagit. Huit versions vont suivre. Avec Dom, on avance, on recule… Trouver l’équilibre du couple. Trouver les mots de sa complicité. Trouver la caractéristique de chaque personnage sans que celui-ci ou celle-là devienne trop caricatural. Suivre le mouvement de la procédure. Bertrand s’angoisse. Trop d’émotions tue l’émotion. Septième version. On est proches du but. Très proches. Tournage prévu pour octobre. Préparation début août. Rendu du scénario juin 2003. Bertrand pète le feu. Il va falloir que vous veniez sur le tournage. No problem. Atterrissage en famille le 13 octobre 2003 à 9h00 du matin heure locale, premier jour de tournage, devinez le décor ? Le hall d’accueil de l’aéroport de Pochentong sous la pluie ! Vingt-cinq techniciens français. Parmi eux, les vieux de la vieille, Bébert, Alain, Marco qui suivent Bertrand depuis des lustres et cent cambodgiens dont quarante chauffeurs. Il suffit de se planter deux minutes devant un boulevard Phnom Penhois pour comprendre pourquoi. Le chaos. Bertrand flippe. Est-ce que les cambodgiens vont assurer ? Est-ce que l’équipe française va savoir s’intégrer ? Et les comédiens ? Tous ont accepté de venir avant le début du tournage et de rester deux mois sur place. C’est le deal. Vont-ils tenir le coup ? Action ! Magie du tournage. Les comédiens apprécient d’avoir les scénaristes sur place. Selon la nature des décors, la nature de la lumière, la manière dont les personnages prennent vie, Bertrand nous propose de modifier certaines séquences. On s’adapte comme le font Alain, Zoé, la régie, la production, les comédiens, les enfants, et on passe nos samedi soir à danser avec toute l’équipe moitié rock moitié danse khmère, émerveillés par l’efficacité de tous, pas un ne râle et ce, malgré le tempo ultra rapide, les 91 décors, la chaleur, la mousson. Neary, Somany, Reasmey, Monita et tous les autres, entre deux prises, des bribes de leur passé, de leur passé violent, tragique, et fou. Nous, les français, le corps parfois plié en deux devant le regard d’un gosse malade à crever. Les dîners à dix, à quinze, l’apprentissage de la langue, l’énergie fulgurante de Bertrand qui, dès l’aube, déboule dans la salle du petit déjeuner de l’hôtel Goldiana en chantant, Daniel le chef coiffeur, son petit stagiaire qui vient direct tous les matins de la déchetterie, la beauté des rives du Tonlé Sap, la nounou de Lola, révélation d’une actrice, Isabelle, sa soif de questions, Jacques, sa faim de compréhension, impossible d’imaginer une fin à cela. Non. C’est trop beau. Trop rare. Pourtant un jour on s’en va. On s’engage dans un escalator, comme eux, dans le film, on fait un geste de la main et pff… Le Cambodge, ce tournage incroyable, Holy Lola… On prend quelques mois pour s’en remettre. Un jour, coup de fil, on peut venir. On s’assied, tendus. Noir dans la salle. Lumière sur l’écran. On retient notre souffle. Et tout recommence. Tout. Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 6 Dominique Sampiero scénariste “Dom, on va écrire un film sur l’adoption !” “Ah bon ?” C’est un dimanche, il pleut, je me dis que c’est à cause de la pluie, Tiff argumente. “Si, si, je t’assure, la stérilité, les démarches, le départ à l’étranger, tout quoi, j’ai parlé à des femmes, il y a un sujet, j’en suis sûre !” Je ne sais pas que je vais vivre trente mois intenses sur ce “Ah bon” un peu distrait et que le sujet ne va pas nous lâcher. Pendant un an, par internet ou dans des rendez-vous, des hommes, des femmes, des gens comme vous et moi, les adoptants, nous parlent, se confient, au début avec timidité, puis, avec confiance, nous racontent leur parcours, leur épreuve : c’est quoi aimer l’enfant des autres ? Tous les jours, on prend note, on écrit, en se disant, c’est pas mon histoire, mais qu’est-ce que c’est fort… des héros… ils ne le savent pas, des héros d’amour pour tout simplement avoir un enfant qui ne sera jamais à eux vraiment… je me demande si on aime nos enfants comme ça ! Un texte, une sorte de mémoire, un guide, un précis de l’adoption avec les témoignages, les échecs, les épreuves, tout, et plus précieux encore : l’envie de raconter, de >6 partager, de dire aux autres comment ça se passe. Une sorte de grossesse avec finalement tous les rituels des couples biologiques : photos, journal intime, faire-part de naissance. Et l’impression que trois personnes viennent au monde ce jour-là. Je ne sais plus combien, deux ou trois cents pages, Bertrand lit, on a peur, Bertrand hoche la tête et l’incroyable écho en lui, lui l’hypersensible et l’engagé de tous les sujets qui blessent ou remuent le monde, l’onde de choc a lieu ! On s’est pas trompé. “Il y a douze films dans ces histoires !” Alors boulot, dare-dare, trame, scénario, pans entiers de dialogues, bref on bosse, on a le feu, le feu des mots des hommes et des femmes qui nous font confiance, le feu de Bertrand, un incendie, un ouragan, un volcan qui relance, pose les bonnes questions là où ça fait mal, le feu du regard des enfants adoptés, croisés dans des rencontres, des familles, des associations et qui nous poursuivent, une sorte de merci-pardon, je suis là, je ne suis plus d’où je viens, aimez-moi ! Une petite blessure se réveille dans ma mémoire. J’ai quelque chose à dire dans ce scénario sur les vingt-deux enfants de la D.D.A.S. hébergés chez moi, famille d’accueil, pendant un an ou deux - ma mère était nourrice agréée. Un je-ne-sais-quoi entre la tendresse et le désespoir. La panique de l’abandon et l’apaisement de l’adoption. Quelque chose de minuscule, d’infime, je ne sais pas moi, par exemple la lueur d’un regard qui glisse du noir au bleu-gris. J’ai vu le film, Bertrand l’a mis ! Boulot dare-dare, sans l’impression de travailler. De lutter oui, entre le réel et la fiction, le vécu et la construction, de lutter pour parler comme ils parlent, vivent comme ils vivent, tout simplement, mais qu’est-ce que c’est dur. L’apothéose. Tournage, Cambodge, deux mois. Mon premier pays d’Asie. La honte d’être ce que je suis. De vivre comme ça et là où je vis. Et aussi coup de foudre. Coup de rizière, coup de mousson, coup de visages d’enfants et de motodop. Coup de pistes rouges, d’amok et de curry. Coup de pauvreté qui tend la main pour mendier comme si c’était une blague. Coup d’amitié. Jacques. Gamblin, son nom. Un homme avec un esprit, une finesse, une exigence en lame de couteau. Un type genre Lucky Luke, Fantomas et Spider Man. Des soirées, des nuits à refaire le scénario, le monde et à boire des Tiger Beer. Une exigence à tomber en syncope, à se faire mourir au travail, par passion, pour un film, quoi ? Un peu de poussière et de pluie ? Le scénario et le film ont donné naissance à un roman intitulé Holy Lola, publié aux Editions Grasset. Editions Grasset Presse : Stéphanie Polack Tél. : 01 44 39 22 07 e-mail : [email protected] Presse province : Myriam Salama Tél. : 01 44 39 22 16 Dominique Sampiero Récits L’idiot du voyage, Gallimard Un livre s’écrit tôt le matin, Gallimard Femme buvant dans une cour, Flohic Le temps captif, Flammarion Le dragon et la ramure, Verdier La lumière du deuil, Verdier Romans Le dieu des femmes, Grasset Le rebutant, Gallimard Les fruits poussent dans les arbres, Flammarion L’odalisque, Flammarion Scénario long métrage Ça commence aujourd’hui, Mango Tiffany Tavernier Récit La menace des miroirs, Au Cherche Midi Editeur (à paraître) Romans À bras le corps, Flammarion L’homme blanc, Flammarion Dans la nuit aussi le ciel, Seuil Scénario long métrage Ça commence aujourd’hui, Mango >7 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 8 Jacques Gamblin (Pierre) Le scénario A la lecture du scénario, on sent l’aventure particulière, le pari. On pressent que le texte sera un support que nourrira la réalité du tournage et des rencontres. Et quelle réalité !… Je suis arrivé au Cambodge juste avant de tourner. Quitte à être plongé dans le réel, autant que ce soit complètement. Je préférais ça. J’ai découvert ce pays, ses beautés et ses horreurs, tout en travaillant. Je vivais le rôle d’abord comme quelqu’un qui regarde et se prononcera plus tard. Non pas par refus d’être touché mais parce que ce que je voyais me demandait du temps et du silence. Quand la caméra vous filme en train de regarder un enfant qui a le sida dans un orphelinat, il faut être là c’est tout, je ne crois pas que le spectacle de mon émotion soit intéressant, rien n’est plus fort que ce que l’on voit. Ce film nous a souvent confrontés à de telles situations. Pierre face à Géraldine Chaque jour se sont précisées nos différences avec Isabelle. Nous n’avions pas le même rapport à l’expression de notre émotion, au pays, à ce que nous voyions et vivions chaque jour. Nous avons décidé d’en faire une force, de construire le couple autour de ces différences. Une maternité, même sans grossesse, reste au plus proche de la mère. La réalité d’un enfant, pour l’homme, c’est quand il arrive. Avant, ce n’est qu’abstraction, projection, fantas>8 mes. L’homme suit les humeurs de sa femme, ses envies. Il y a souvent dans un couple celui qui accélère et celui qui débraye, et cela s’inverse en fonction des situations. C’est comme ça qu’ils se nourrissent et se surprennent. Pierre est médecin, il se méfie de rentrer en empathie avec tout ce qu’il voit. Il observe, il prend, il mémorise, il est dans la curiosité, il amortit et “lâche les chiens” plus tard. Il fallait trouver au personnage des trous, des creux pour le silence. Avec Bertrand, il faut tout donner, l’approbation comme les rébellions. Il reçoit et entend tout. C’est comme ça que se construisent les personnages de ses films, c’est là qu’est leur force. Il s’est servi de mes résistances. Entre comédiens Bertrand aime répéter. C’est à partir de ces répétitions qu’il va rentrer dans la vision de la scène, dans sa vision du moment, et être au plus juste dans les situations et avec ses acteurs. Et c’est comme ça que la caméra d’Alain Choquart trouve sa place. C’est le moment le plus important de la journée, celui que je préfère, celui où tout est encore possible. Holy Lola repose sur une suite de moments, qui n’ont pas à chaque fois un enjeu fort. Un travail souvent sur des nuances, des émotions discrètes, des “pas grand-chose” en apparence. Et là, répétition après répétition, le risque court de vouloir charger drama- tiquement ce qui ne devrait pas l’être. Que l’on ait trois jours de tournage ou quarante-huit, nous étions tous confrontés aux mêmes questions, sans la possibilité de transiger ou d’en sortir. Jouer avec des comédiens cambodgiens qui n’étaient pas tous des professionnels, avec des enfants dont nous devions suivre le rythme, tourner dans des décors que nous n’osions appeler “naturels” : orphelinats, grande décharge de Phnom Penh, Tuol Sleng, musée du génocide… C’était l’aventure même de ce film, de ses acteurs, une aventure sous-marine, en apnée, avec phases de décompression et remontée en surface de temps en temps pour aller au bout, parce que c’est unique et qu’on le sait. Et c’est aussi, je pense, celle du réalisateur. Je ne crois pas que Bertrand ait fait un autre film où il ait poussé à ce point cette limite infinitésimale entre réalité et fiction et orienté ainsi ses acteurs vers cet endroit improbable où ils ne savent plus eux-mêmes s’ils jouent ou s’ils ne jouent plus. Faire partie d’un film de Bertrand Tavernier, c’est faire partie du sillon. Nous, acteurs, sommes des passeurs d’une cohérence qu’il construit film après film sur des sujets indispensables. Il bute dans une pierre, la soulève, dessous se trouve une fourmilière. Il nous en fait visiter les galeries et découvrir un monde. C’est plus que d’être acteur. Des situations parfois cruelles J’aime particulièrement dans le film cette échappée vers le sud du >9 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 10 Cambodge, on quitte la ville, la foule, le grouillement… Et plus on respire dans la beauté de ce pays, de ses couleurs et de ses lumières, plus l’histoire s’enfonce dans la cruauté et les situations tordues : corruption, commerce d’enfants et négociations financières, et pose la question du jusqu’où peut-on ou doit-on aller pour adopter. Egalement ces moments de vie quasicommunautaire entre adoptants, l’objectif est commun à tous, revenir avec un enfant, mais la façon d’y parvenir ô combien différente ! Là se révèle l’être humain dans sa grandeur et sa petitesse tout à la fois : jalousie, compétition, rétention d’informations entre adoptants… Et puis l’enfant arrive, tellement désiré, qui trouve sa place dans les maladresses mutuelles et l’amour qui déborde. L’enfant qui arrive et fait >10 oublier le reste… peut-être ! Mais le sujet du film n’est pas pour moi uniquement l’adoption et les démarches longues et labyrinthiques, mais le couple, elle et lui, ensemble, et la force de ce qui les relie malgré les espoirs et les déceptions successifs. Mise à l’épreuve et course de longue haleine. Lola Le “casting” de Lola fait partie aussi des moments les plus forts du tournage. Une adoption provisoire. A quel instant l’enfant s’est imposé à nous ? Pourquoi elle, Srey Pich Krang, plutôt que les autres enfants ? Comment s’apprivoiser l’un l’autre alors que tout ce que nous sommes lui est étranger : les mots, le timbre des voix, la peau, nos gestes… Restent le regard, l’énergie. Des ondes quoi !… Se souvenir du Cambodge J’ai absorbé tout ce que j’ai pu pendant cette aventure. Les gens, le métissage, la beauté des hommes et des femmes, surtout des femmes, le sourire des visages, le Mékong qui passe devant ma fenêtre, le vert des rizières, les cochons qui se promènent en motodop, les questions qu’on n’ose pas poser, les traces de l’histoire, la dérive, la dérive de l’idéologie, et puis les gestes quand on a pas les mots. La liste est trop longue quand il y a tout et son contraire. Poussés à l’extrême. Un film est toujours une occasion de vivre, je veux dire de vivre plus. Celui-là était une occasion de vivre plus encore. J’ai aimé ce pays et les gens que j’y ai rencontré. C’est resté en moi, c’est imprimé. Je continue à regarder tout ça comme si c’était encore en face de moi. Je regarde, je regarde, je regarde et ça me sert pour l’hiver. Merci. Filmographie sélective : Dissonances de Jérôme Cornuau A la petite semaine de Sam Karmann Carnages de Delphine Gleize Laissez-passer de Bertrand Tavernier Mademoiselle de Philippe Lioret Les enfants du marais de Jean Becker Au cœur du mensonge de Claude Chabrol Kanzo Senseï de Shohei Imamura Pédale douce de Gabriel Aghion Tout ça…pour ça ! de Claude Lelouch >11 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 12 Isabelle Carré (Géraldine) La rencontre avec Bertrand Tavernier Je ne connaissais quasiment pas Bertrand mais nous partagions une passion pour Romy Schneider - c’est elle qui m’a donné envie d’être comédienne. Entre nous, il y avait d’abord La mort en direct. J’ai eu une adolescence un peu triste, dont l’un des échappatoires était le cinéma. Je me souviens de films comme La passion Béatrice. J’ai rencontré Bertrand trois semaines avant le départ effectif des comédiens pour le Cambodge. La lecture du scénario Dès les premières pages du scénario, je me suis dit : ce n’est pas un film “normal”, c’est une expérience qui va nous accompagner du début à la fin de notre vie, qui ne va pas nous quitter. J’avais très peu de temps pour me décider. C’était la première fois que j’ai dû rompre un contrat au théâtre pour faire ce film. Le film a donc commencé par un choix violent mais imparable. Je crois que cela a nourri l’engagement que j’avais, il fallait rendre le plus positif possible ce qui avait été si difficile au départ. Géraldine Le désir d’enfant de Géraldine est lui aussi imparable. C’est quelqu’un qui n’est pas dans la réflexion, tout chez elle est de l’ordre de l’élan, lié à la souffrance qu’elle a vécue dans sa chair, c’est un rôle assez physique. D’ailleurs, elle est partante pour tout dans quel>12 que condition que ce soit, ce qui la fait parfois manquer de clairvoyance. Il y a vite eu une répartition naturelle des affects et des rôles entre Jacques et moi, on s’y est épanoui. Le personnage de Pierre est plus dans la réflexion que le mien, il a également plus de discernement ; cela correspond bien à Jacques. La préparation Je n’avais pas trop d’angoisse pendant la préparation par rapport à Jacques — que j’avais côtoyé avec bonheur sur Les enfants du marais. Je savais que ce serait simple, tout comme l’expression du désir d’enfant : c’est une envie que je connais. Avoir peu de temps de préparation m’a permis de m’appuyer presque uniquement sur l’apprentissage des dialogues et rentrer dans le rôle avec l’aide de la costumière, Ève-Marie Arnault. Nous avons tout de suite trouvé le ton des costumes grâce à elle et le petit sac que je porte tout le long du film m’a été offert par Bertrand, le jour de mon arrivée. Bertrand a d’ailleurs encouragé tous les comédiens à apporter des touches personnelles, des vêtements ou des accessoires achetés au marché russe de Phnom Penh. La découverte du Cambodge Dès les premiers jours de préparation au Cambodge, Bertrand nous a emmenés visiter des orphelinats, la décharge de Phnom Penh, le musée du génocide. Découvrir un pays sous l’angle de l’enfance et des orphelinats est une approche unique. Le désir de Bertrand nous a donné le ton, son absence de didactisme, cette façon de nous plonger dans sa vision du film nous a insufflé son énergie. Travailler avec Bertrand Bertrand nous a fait confiance. Il nous a laissé nous emparer des rôles. Son œil paternel, vigilant, sa façon d’être là nous cadre et nous rassure. Son investissement m’a sidérée. C’était une énergie de chaque moment, comme s’il courait après le film. Il témoignait d’une urgence que je n’ai connue chez aucun metteur en scène J’ai l’impression qu’il est habité tous les instants par un appétit de saisir ce qui se passe. Cela imprime au film une vigueur, une exigence nous obligeant à répondre à son attente. Cela me convenait et respecte la gravité du sujet. Une scène particulièrement difficile : la visite du musée du génocide Après la visite de Tuol Sleng — le musée du génocide — des dizaines de ques- tions me taraudaient, j’ai lu tous les livres que j’ai pu trouver qui parlaient du génocide, dont Cambodge année zéro, dans lequel j’ai trouvé des réponses sur l’histoire du pays, sur les antagonismes entre Nord et Sud. Nous sommes retournés là-bas un mois et demi plus tard, pour tourner la scène de la visite du musée. Jouer la comédie dans un tel endroit, à côté de l’équipe technique cambodgienne, me paraissait impossible. Monita, l’habilleuse, une ancienne grande danseuse, a perdu dans cet endroit ses parents et ses frères. Elle n’était jamais revenue dans ce lieu. Géraldine est quelqu’un qui se confronte vraiment au pays, qui essaye de connaître le plus possible du passé des parents de son enfant. La question du jeu a été vite résolue : soit nous versions des torrents de larmes, soit nous nous taisions. Nous ne pouvions qu’avoir de l’humilité en face de la dignité impressionnante de l’équipe technique cambodgienne… Ce drame continue à me hanter. >13 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 14 reste est dû au talent et à l’enthousiasme qui ont caractérisé toute l’équipe, jusqu’au stagiaire son, Martel, un très jeune Cambodgien qui n’avait jamais tenu de micro. C’est d’ailleurs la seule fois où j’ai ressenti une réticence à tourner. Quand j’ai vu le film, j’ai été complètement rassurée par le regard que Bertrand porte sur ce pays. Je crois qu’une partie de lui est restée là-bas, il reste en contact avec les Cambodgiens, reçoit Cambodge Soir… Moments forts du tournage J’ai eu un sentiment de pudeur au moment de tourner la scène d’amour à Kep, une tension liée à l’exiguïté du décor, la paillote était minuscule, j’ai réussi à obtenir que l’on soit seuls avec le chef-opérateur, Alain Choquart, Bertrand nous suivait sur le combo ! Je crois que si la séquence est si tendre, si érotique, c’est en partie grâce à cette intimité. Il y a eu une belle entente avec toute l’équipe. J’ai eu une rencontre formidable avec Somany Na et Lara Guirao, nous nous sommes beaucoup soutenues. J’aurais adoré jouer avec elle, c’est mon seul regret sur ce tournage. Le moment le plus fort a été pour moi la scène tournée pendant le voyage à Kep avec Pridi Phath jouant le rôle de >14 Monsieur Sokkhom, qui raconte sa fuite des Khmers rouges à travers le pays, avec sa femme enceinte. Cet homme avait vécu une expérience similaire. Grande leçon de comédie, de dignité, de vie. Nous n’avons pas répété. Il y avait sur le plateau une densité d’écoute magnifique, un grand silence, beaucoup de respect pour cet homme. Sa façon de s’exprimer, avec toute la concentration, le bouleversement intérieur qu’il devait essayer de ne pas faire sortir de lui, pour garder sa pudeur, tout cela était incroyable. Peu avant le tournage de cette scène, on a vu arriver en vélo des centaines de personnes de tous les villages environnant Kep, il y avait des vendeurs ambulants, des commerces de fortune, des petits débits de boisson, des vendeurs à la sauvette… Le tournage avait créé une sorte de kermesse, c’est un souvenir inoubliable. Les autres comédiens cambodgiens sont formidables, mais il faut dire que Bertrand a un talent pour parler à l’oreille des gens, il les prend sous son aile, cette bienveillance fait cinquante pour cent du travail. Le Le besoin de témoigner Nous l’avons senti tout particulièrement au moment du départ : nous avions la chance de pouvoir aller vers d’autres aventures, les Cambodgiens du film ne le pourraient probablement pas… Pour eux, cette expérience, cela n’est pas seulement la découverte du monde du cinéma, mais surtout une porte ouverte sur d’autres possibilités de vie, de rencontres, d’échanges, la possibilité de sentir qu’ils ne sont pas laissés à euxmêmes. Nous sommes partis avec le souci de leur faire comprendre que nous nous étions vraiment confrontés à leur réalité, qu’il n’était pas question de l’oublier, qu’à l’autre bout du monde, nous serions là pour en témoigner. Lola J’ai eu un coup de foudre pour Srey Pich. Quand je suis allée pour la première fois vers elle, elle m’a pris la main et, pendant une demi-heure, ne l’a plus lâchée. Les deux autres bébés choisis par Bertrand pleuraient quand je les approchais. La douceur de Srey Pich a persisté pendant tout le tournage, même si elle avait vite compris que je représentais des moments éprouvants : l’attente, les décors parfois difficiles, la chaleur dans la voiture… D’avoir à s’occuper d’un enfant pendant que l’on tourne, c’est autant de temps gagné à ne pas se regarder le nombril, se juger ou se déjuger… Et autant de plaisir à être avec lui. Heureusement, j’ai adoré ses parents. J’aurais eu du mal à la quitter si j’avais eu une mauvaise impression de son environnement. L’adoption Imaginer adopter, j’y pensais déjà avant et j’y pense d’autant plus maintenant. Cette expérience restera toujours en moi, comme dans mon rapport à la maternité. Tous les arguments contre l’adoption me semblent dérisoires par rapport à la détresse de ces enfants abandonnés et à l’intensité du désir des gens qui adoptent. Désir qui se construit parfois dans la douleur, mais aussi dans la longueur des démarches, dans la résistance aux obstacles, ce que rend le film. Filmographie sélective : L’avion de Cédric Kahn Mercredi folle journée de Pascal Thomas Je suis votre homme de Danielle Dubroux Les sentiments de Noémie Lvovsky Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman Ça ira mieux demain de Jeanne Labrune Les enfants du marais de Jean Becker La femme défendue de Philippe Harel Le hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau Beau fixe de Christian Vincent >15 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 16 Bruno Putzulu (Marco) Marco Fulvio : Sarde et communiste Le couple de Marco et Sandrine est un peu sauvage, ils sont vraisemblablement complexés par rapport aux autres, par leurs origines sociales, leur manque d’argent. Ils ont besoin de se sentir en confiance avant de se mélanger au groupe, de se rapprocher peu à peu des autres. Je me sentais bien dans ce rôle. Mon père est sarde, il a fait les troishuit pendant trente-cinq ans dans une usine. Ma mère était femme au foyer. Je comprends bien ces gens-là. Le couple Marco et Sandrine Le couple est un refuge pour eux, une manière de se replier sur eux-mêmes. Mais en même temps Sandrine et Marco sont très forts parce que très unis, très tendres, et nous avons tenu à privilégier cela avec Maria Pitarresi. Au fil des jours, des scènes de groupe, ils se sentent plus à l’aise. La scène où ils se parlent en italien sur le lit a été ajoutée durant le tournage. Il fallait s’approprier nos rôles par petites touches. En tournant, j’avais toujours en tête une image ; nous nous serrions dans les bras l’un de l’autre en nous disant : “ça va aller, ça va aller”. Le groupe des adoptants Je crois que le plaisir que nous avions, Maria et moi, à jouer même les plus petites scènes, a communiqué de la tendresse au couple. Tout était important. >16 Dans ce film, il y a beaucoup de scènes de groupe et c’est comme dans un orchestre, on ne remarque pas tel ou tel musicien sauf s’il joue mal ou s’arrête. Et si tout le monde joue juste, cela sonne bien, cela forme un bel ensemble. Il faut se mettre en phase avec la vérité du moment ; si on plaque trop d’intentions sur un rôle, on ne joue plus en groupe. Je faisais très rarement part à Bertrand de mes interrogations à propos de ce rôle. Les répétitions sont là pour ça : c’est le moment pour faire des propositions. Cela ne sert à rien de se gargariser de questions. Jouer avec Bertrand Quand j’ai joué pour la première fois avec Bertrand pour L’appât, je sortais de mon école de théâtre, je venais de rentrer au Conservatoire. Je n’avais jamais joué, ni au théâtre, ni au cinéma. Je ne savais pas que je commençais dans les meilleures conditions possibles. C’est après que je m’en suis rendu compte. J’ai retrouvé cette grande joie pour Holy Lola, dix ans après L’appât. Bertrand donne parfois l’impression d’être un peu perdu sur le plateau, il s’interroge, il nous interroge et laisse ainsi la place à l’improvisation, aux essais. C’est comme si, de manière tacite, il responsabilisait les acteurs. Il est prêt à beaucoup pour être proche des comédiens. Il est nerveux, tendu par l’attention, à l’écoute, nous aide à aller au bout des scènes. Il est près de nous, nous le sentons ; parfois gauche et maladroit, mais cela ouvre de multiples possibilités. Il ne cimente rien, n’arrive sur le plateau avec aucune certitude. C’est ce qui me touche le plus. On répète tout en sachant que la vérité de la répétition ne sera pas celle qui viendra après qu’il aura dit “action”. Le temps n’est plus le même. Mais cette répétition nous sert. Il n’y a rien de rigide. Le fait que Bertrand se pose des questions devant nous rend le tournage très vivant. C’est la caméra qui se place en fonction de nous, non pas l’inverse. Nous sommes dans le plaisir du jeu, sans retenue, Bertrand reçoit tout. Faire un film au Cambodge Quand nous tournions dans les orphelinats, la plupart du temps, nous n’avions pas de contact physique avec les enfants. Les petits tendaient les bras pour que nous les prenions avec nous, ils nous regardaient avec intensité. Après le tournage, tous ces regards nous hantaient, tous ces regards d’enfants que nous n’avions pas pris dans nos bras. Cela ne s’oublie pas. J’ai connu ce pays à ma manière, sans doute mieux que si je m’étais forcé à m’y immerger à tout prix, que si j’avais voulu tout saisir. J’étais là-bas d’abord pour travailler. La misère, la prostitution sont présentes partout, dès que l’on sort dans la rue. Alors, on donne de l’argent ou quelque chose à manger, mais on se sent terriblement impuissant. On sent la violence prête à éclater. J’ai fait des parties de foot avec les Cambodgiens dans la rue et aussi avec des enfants. Nous étions en nage, pris par le jeu, peu importaient alors les différences, tout d’un coup nous avions un langage commun. Pour moi, c’était de grands moments. Et c’était pareil avec l’équipe pendant le travail. Les Cambodgiens ont une grâce incroyable, un rythme particulier qui se retrouve dans leur jeu. Grâce au tournage, quelque chose d’autre devient possible. Les rapports de travail avec les Cambodgiens dépassaient cette réalité terrible, cette inégalité des conditions. Nous étions égaux, nous étions ensemble. Filmographie sélective : Père et fils de Michel Boujenah Monsieur N d’Antoine de Caunes Lulu de Jean-Henry Roger Eloge de l’amour de Jean-Luc Godard Les passagers de Jean-Claude Guiguet Petits désordres amoureux d’Olivier Peray Les aveux de l’innocent de Jean-Pierre Améris L’appât de Bertrand Tavernier >17 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 18 Maria Pitarresi (Sandrine) Le personnage Sandrine est décalée par rapport aux autres femmes du groupe. Sa condition de femme mariée à un mineur lorrain ne lui permet pas de faire de l’esbroufe, mais ne l’empêche pas d’être coquette. C’était très important pour moi de jouer le côté désuet qu’elle pouvait avoir dans le scénario et qui la rendait émouvante, d’une manière toute particulière. Très vite, ce côté femme italienne, un peu “mamma”, avec ses petites robestablier, s’est imposé. Avec Bertrand et Eve-Marie Arnault, nous avions en tête ces robes des années 50, que Sophia Loren ou Gina Lollobrigida ont pu porter dans des films comme Une journée par- ticulière ou Pain, amour et fantaisie. J’aimais la liberté de mouvement qu’elles pouvaient me donner dans les scènes avec le bébé. J’ai voulu porter une petite croix à mon cou. Ce petit signe religieux, je tenais à ce qu’il accompagne Sandrine dans sa vie quotidienne. J’ôte la croix quand je suis habillée en beige ou jaune pour la remplacer par une petite perle. Coquetterie bien italienne : assortir toujours son bijou à la couleur de ses vêtements. Le couple Marco et Sandrine sont là à force d’économies. Ils n’ont pas hésité à s’endetter pour essayer d’avoir un enfant. Cela aussi, c’est très italien : avoir un enfant coûte que coûte (et c’est le cas de le dire), mais en avoir un absolument. Marco est solide, fiable, mais aussi volcanique, tout comme Bruno l’était pendant ce tournage. Il s’est montré un partenaire de jeu délicat, attentif et joyeux, ayant sans cesse des réactions surprenantes, une tendresse contagieuse. Rithy Panh Le réalisateur Rithy Panh, qui dans le film nous donne l’autorisation définitive d’adopter et cite Victor Hugo, avait une forte autorité naturelle. J’avais une scène d’affrontement avec lui : j’étais impressionnée par son regard et les silences qu’il pouvait imposer avant de prendre la parole. C’est une séquence où l’on était suspendu à ses lèvres, tant l’enjeu était fort. J’avais vu avant le tournage son film S21, qui m’avait bouleversée. J’avais l’impression que Rithy transportait dans son regard des interrogations lancinantes sur la période terrible des Khmers rouges. L’enfant C’est Bruno et moi qui avons “trouvé” cet enfant. Nous devions aller voir différents bébés dans une salle, et sur le chemin, nous avons aperçu ce petit. Nous nous sommes dirigés vers lui et sa maman, il nous a souri spontanément. Bruno l’a pris dans ses bras, il souriait de plus belle. Je me suis amusée avec lui, il riait toujours. C’était dit. Notre petit Sergio, nous voulions que ce soit lui. Evidemment, sur le tournage, c’était moins facile, il pleurait souvent. Nous étions là pour incarner des adoptants, mais avec les bébés, il ne faut pas s’y >18 tromper, ce sont eux qui vous adoptent et pas le contraire. L’adoption A notre arrivée, Bertrand a tenu à ce que tous les comédiens aient une feuille rédigée par une adoptante expliquant toutes les démarches à entreprendre. J’ai cru à un canular, que l’expérience de cette femme avait été totalement exagérée. J’ai découvert au fil du tournage que cette description était intégralement juste. J’éprouve une véritable colère devant autant de preuves à fournir, de papiers à remplir, d’allées et venues incessantes dans d’innombrables bureaux, comme le montre le film. Il faut une dose de courage et d’opiniâtreté que je ne possède pas, malgré tout le bonheur qu’il y a au bout. La quasiimpossibilité d’adopter en France — qui force les adoptants à aller aussi loin — me met encore plus en colère. J’ai entendu que le gouvernement français allait s’employer à faciliter l’adoption chez nous. Il serait temps ! Filmographie sélective : Laissez-passer de Bertrand Tavernier Mon père de José Giovanni Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier Vive la mariée… et la libération du Kurdistan de Hiner Saleem Nouvelle vague de Jean-Luc Godard >19 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 20 Philippe Saïd (Bernard) Le couple Bertrand a toujours défini le couple que forment Bernard et Nicole comme des “faux gentils”. J’aime bien incarner des personnages ambigus. Quels que soient leurs défauts, à partir du moment où ils se retrouvent dans cette démarche d’adoption, ils ne peuvent pas être foncièrement mauvais. Je les imagine très bien vivre en “expats” s’ils étaient amenés à rester dans le pays, entre Français, dans une sorte de nostalgie post-colonialiste. J’en ai rencontré pas mal au Cambodge. Je ne comprends pas comment on peut vivre dans un pays en restant “à côté”. Sans apprendre le khmer, par exemple. C’est une langue très imagée, fonctionnant par métaphores et paraboles. Parler un peu le khmer, ce n’est pas seu>20 Anne Loiret (Nicole) lement apprendre une langue, c’est aussi s’immerger dans une autre façon de penser. de son fils, et parfois on se rend compte qu’ils ne gagnent pas à être connus. Tourner au Cambodge La principale difficulté a été de trouver le juste milieu, d’arriver à établir le contact le plus authentique possible avec le pays. Il fallait s’intégrer sans être paralysé par la réalité terrible, l’inégalité des conditions et les rapports complexes avec les Occidentaux. Le choix de l’enfant J’étais très critique, au début du tournage, à l’égard des comédiennes qui remettaient en cause l’enfant choisi par le responsable du casting et par Bertrand. Je trouvais choquant de mettre en avant ses inconforts de comédienne, alors que pour les familles les conséquences financières étaient graves. L’enfant choisi pour nous par la production était très difficile avec Philippe Saïd, il ne le laissait pas s’approcher de lui et pleurait beaucoup. Bertrand nous a alors proposé Davin, le fils de la propriétaire du Rega, un enfant très sociable et habitué aux Occidentaux. J’ai accepté, j’ai fait le choix de la comédienne, préférant renoncer à l’autre enfant et favorisant celui avec lequel il y avait un lien charismatique à l’écran. Les Cambodgiens Les Cambodgiens ont pour tradition de ne pas montrer les émotions comme la colère ou le ressentiment. Ils sont pudiques. Etre là-bas est une école de sérénité. En même temps, ils sont totalement dans le plaisir de jouer, dans un plaisir presque enfantin, qui crève l’écran. Le fatalisme lié au bouddhisme — et qui arrange bien le pouvoir en place — ne les empêche pas de saisir les opportunités, d’ouvrir des portes, comme ils l’ont fait pour cette aventure-là. Filmographie sélective : Laissez-passer de Bertrand Tavernier Mon père de José Giovanni Les braqueuses de Jean-Paul Salomé Le couple Le couple que j’interprète avec Philippe Saïd est rempli d’une bêtise très ordinaire ; ils ne sont pas vraiment méchants, plutôt mesquins par conformisme et manque de curiosité. Ils ont une certaine “inculture humaine”. Je ne doute pas, en revanche, qu’ils puissent être de bons parents, que Nicole puisse être une bonne mère, mais j’aime mieux les voir dans un film qui traite de l’adoption, que lors d’une journée d’élections. Les adoptants Les rapports entre adoptants ressemblent à ceux que l’on rencontre à l’école. On a envie de connaître les parents des copains Filmographie sélective : L’adversaire de Nicole Garcia Mortel transfert de Jean-Jacques Beineix Terminal de Francis Girod >21 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 22 Gilles Gaston-Dreyfus (Yves Fontaine) Le personnage Fontaine est maladroit, même dans son rapport avec sa fille adoptive, quand il lui fait répéter l’alphabet devant le groupe du Réga. Mais il est bouleversé, comme les autres, par cette adoption. Il refuse toute forme de corruption et ce jusqu’à l’absurde. C’est une attitude impossible à gérer, mais on ne peut pas lui en vouloir fondamentalement. Sa rigueur frôle la crétinerie. Ce qui le rend d’autant plus touchant, car il n’est ni calculateur ni machiavélique. Son obstination idiote lui cause un tort considérable. Yves Fontaine se débat comme il peut dans ce pays si éloigné du sien. Il lutte contre un taux d’humidité de quatrevingt-dix pour cent, contre des gens avec lesquels il n’a aucune affinité. En principe, il est là pour sept ou huit semaines, mais il va devoir rester sans doute plus longtemps, parce qu’il continue à ne pas vouloir se plier aux règles de l’administration cambodgienne, contre lesquelles il se bat comme il peut, très maladroitement. Le couple Pour moi, Yves Fontaine s’est trompé de groupe. Ce n’est pas un personnage totalement négatif, je le trouve touchant : le couple fonctionne très bien, ils s’aiment et leur choix d’adopter une enfant de sept ans est courageux. Le personnage de ma femme est en retrait dans le film, mais pas dans le couple. Je la sens plutôt désolée de voir son mari >22 s’enferrer dans des combats insignifiants. Il se plaint pour des histoires de blanchisserie ou de chasse d’eau et cela trahit surtout qu’il est mal dans sa peau. Le Cambodge Bertrand a bien fait de nous plonger dans la réalité dramatique de ce pays, où tout est une première fois, où l’on vit des moments que l’on ne revivra jamais. Pour essayer de reproduire un tout petit peu la réalité de l’adoption, il fallait rester les deux pieds dans la réalité du Cambodge, y faire un voyage proche dans sa durée de celui des adoptants. Au début à Phnom Penh, j’ai eu une sensation bizarre, j’ai fini par me rendre compte au bout de dix jours qu’il manquait une génération entière, il n’y a pratiquement pas de gens de quarante, cinquante ans. Ils ont tous été tués. C’est ainsi que je me suis rendu compte du drame des Khmers rouges. Filmographie sélective : Corine Thézier (Isabelle Fontaine) Le personnage Le rôle d’Isabelle Fontaine est un vrai rôle de composition. Je suis plutôt fougueuse dans la vie, c’était amusant de jouer une femme effacée et apaisante. Le mari J’ai tout de suite eu envie de défendre le personnage d’Yves Fontaine, mon mari dans le film. Je le trouve touchant, il est celui qui vit le plus mal cette adoption qui finit par ressembler à un achat. L’enfant Nous avons forcément eu un rapport affectif avec les enfants qui jouaient le rôle des adoptés dans le film. Il faut donner l’impression que quelque chose de fort se passe à l’écran, cela ne peut se faire sans tendresse réelle. J’ai eu un lien particulier avec ma “fille adoptive”, la plus âgée des enfants du film. Je l’ai inscrite au Centre culturel français, je suis retournée au Cambodge trois mois après la fin du tournage, pour la voir. Je me fais du souci pour son avenir. Nous l’appelons régulièrement, avec Neary et Somany. Neary pourra peut-être l’aider à s’inscrire à l’école de danse de Phnom Penh. Le Cambodge Il y a eu une grande continuité entre le tournage et la vie. Nous avons passé beaucoup de temps au Rega, où de nombreuses scènes ont été tournées. Nous avons vécu au cœur de la ville, entourés pas les coiffeurs de rue, les cireurs de chaussures, les karaokés, les mariages et autres festivités, les constructions, les réparations mécaniques… J’ai retrouvé en voyant le film ce bruit si particulier de Phnom Penh. Filmographie sélective : Corine Thézier a principalement joué au théâtre, elle co-dirige également “le théâtre de l’Impossible” avec Robert Bensimon. Pour la télévision, elle a tourné avec notamment Josée Dayan, Michel Vuillermet, Richard Dembo… La maison de Nina de Richard Dembo Akoibon d’Edouard Baer Mariages de Valérie Guignabodet Laissez-passer de Bertrand Tavernier >23 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 24 Frédéric Pierrot (Xavier) Le personnage Le personnage de Xavier a déjà adopté un enfant d’origine cambodgienne, il suit les démarches pour en adopter un second. Il travaille pour Handicap International, qui agit au Cambodge dans le domaine des mines et de la réadaptation. Dès notre première rencontre, Bertrand Tavernier m’avait donné comme modèle l’un des fondateurs de Handicap, le docteur Richardier, qu’il m’avait décrit comme un homme pragmatique, centré sur les problèmes quotidiens. Cela a été la première approche du personnage et d’ailleurs, les gens d’Handicap que j’ai rencontrés étaient comme ça : des gens de terrain avant d’être des militants. Ce qui ne les empêche pas de tenir un discours politique… Cette indication m’a tout de suite plu. Le couple Bertrand voulait aussi que le personnage de Xavier soit chaleureux, mais ma base de travail durant la préparation, c’était le couple. Dans une histoire comme celle-ci, avant de jouer un personnage on interprète d’abord un couple. Avec Ève-Marie Arnault, la costumière, nous avons choisi des tissus, Somany et moi, et c’était amusant de participer à ce choix en tant que futur mari. Cela créait un lien coloré, une façon d’approcher la vie de couple : comment ils aiment se voir, s’habiller. Le Cambodge Je suis allé dans la région de Païlin, à 150 km de Phnom Penh, dans le dernier repaire des Khmers rouges à la frontière de la Thaïlande, j’y ai vu des chantiers de déminage. Le responsable cambodgien nous a tout de suite impressionnés par sa densité et sa sérénité. Je l’ai vu une seule fois perdre son sang>24 Somany Na (Chenda) froid, pendant le voyage du retour, quand nous lui avons demandé s’il pensait qu’on arriverait un jour à éradiquer les mines. Il m’a dit dans un accès de colère tout ce qui était insupportable pour lui : le fait que trente ans après, des familles entières étaient détruites lorsque le chef de famille sautait sur une mine, les problèmes sanitaires majeurs que cela engendre, les défrichages à refaire dès qu’il pleut, une histoire sans fin… Lors de la visite du dernier chantier, je lui ai demandé, avec Somany qui traduisait en khmer, s’il était désespéré et il nous a répondu : “Quand des gens viennent nous voir sur des chantiers, comme vous le faites, ça nous donne de l’espoir.” Voilà, c’était sa réponse… Pourtant, j’ai vu combien cela leur avait coûté de venir nous chercher à Battambang, à trois heures de trajet, sur des routes défoncées… Pendant ce voyage à Païlin, nous avons retravaillé des scènes, rééquilibré les dialogues : dans le scénario, c’était surtout moi qui expliquais le pays aux autres adoptants, mais j’ai vite pris la mesure de l’exigence de Somany, liée à sa forte personnalité mais aussi à ses origines cambodgiennes. La phrase sur les paysans qui sautent vient d’elle. J’étais revenu avec des pages de dialogue, que l’on a réécrites une dizaine de fois avec les scénaristes Dominique, Tiffany et Bertrand. Et la veille du tournage, ils n’ont gardé que trois répliques… Mais nous avions trouvé nos personnages. Filmographie sélective : Cette femme-là de Guillaume Nicloux Inquiétudes de Gilles Bourdos Monsieur N d’Antoine de Caunes Le film Le scénario m’a beaucoup plu : l’adoption, la corruption, une vision intelligente et pertinente du Cambodge, l’histoire de Français dans un cadre khmer, mais aussi une histoire khmère. Le couple J’ai rencontré Frédéric Pierrot, et nous avons “tissé” notre histoire. Nous avons décidé ensemble que ce couple aurait des secrets, portés surtout par mon personnage, Chenda. Nous avons bâti notre histoire principalement sur celle de cette femme, sur son trajet personnel, qui reste implicite dans le film. Ces critères ont cimenté le couple, avec sa complémentarité, sa compréhension et son amour, malgré la différence d’âge et de culture. Le tournage J’ai essayé d’imaginer ce que ma propre vie aurait pu apporter à ce personnage si discret. Je n’avais jamais joué la comédie auparavant, comme la plupart des Cambodgiens du film. Cette “virginité” m’a mise dans une position particulière. Je me sentais, par moments, plus spectatrice qu’actrice. J’observais les autres, je guettais le moindre geste, le moindre mot qui aurait pu m’aider, m’arrimer à eux. J’étais la seule Cambodgienne adoptante dans ce groupe de Français. Je n’étais ni avec eux, ni sans eux. J’étais avec mon enfant. Le Cambodge Je revenais au Cambodge pour la deuxième fois de ma vie. J’avais regretté, lors de mon premier voyage, de n’avoir rien vu, rien connu, accaparée par mes retrouvailles familiales. Lors de ce nouveau voyage j’ai vu. J’ai vu le tourisme sexuel, les enfants sidéens et le paradoxe de l’être humain. Je ne comprenais plus les motivations des gens. Que font ces hommes avec des filles si jeunes ? Pourquoi cette obsession pour l’argent ? Que font les ONG finalement ? Et moi, qui dépensait mon argent au marché russe et qui mangeait tous les soirs au restaurant. L’adoption Et puis, il y a cette histoire d’adoption. Le film dénonce la corruption, qui est bien réelle. Pourtant, je ne cesse de me poser la question du décalage, de la disproportion entre les attitudes, comme celles de deux adversaires en pleine bataille. Les Français, à la limite de l’hystérie, emportés par leur désir, leur passion face à l’enfant qu’ils ont choisi, prêts à tout. Les Cambodgiens, subjugués par cette attitude, poussés à toutes sortes d’abus et de trafics, alors qu’euxmêmes sont dans l’acceptation de leur destin, de leur karma. Ils sont dans une telle résignation qu’ils acceptent même un génocide et tout ce qu’il a engendré : vivre à côté de son bourreau, toujours impuni, dans la pauvreté, la peur, la dépendance, sans gouvernement. Aujourd’hui, quand je pense à l’adoption, je revois une succession d’images de nourrissons malades, inadoptables. J’aurais pu être une de ces mères abandonnant son enfant malade. Cela m’évoque la phrase de Marguerite Duras : “Il y a de la douleur implantée dans l’espoir.” Il s’agit de son premier rôle. Elle est chargée de réalisation pour RFI et a travaillé avec Rithy Panh, notamment sur S21. >25 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:19 Page 26 Anne-Marie Philipe (Marianne) Philippe Vieux (Jérôme) Le personnage J’ai tout de suite eu envie de jouer le rôle de Marianne, que j’avais perçue comme rayonnante, insérée dans ce pays. Nous avons décidé avec Ève-Marie, la costumière, que l’intégration de Marianne au Cambodge devait se voir dans les costumes qu’elle porte. Elle est venue chez moi à Paris, je lui ai montré un modèle de pantalon confortable, qu’elle a fait refaire au Cambodge. Je crois que ces costumes nous ont aidés; pendant la fête des Eaux, par exemple, personne ne me regardait, je ne me faisais pas remarquer. Le personnage Avec Nathalie Bécue, ma femme dans le film, nous jouons des personnages qui désirent affronter la dureté du pays en riant plutôt qu’en pleurant ; nous avons fait comme eux… Nous nous cachions pour pleurer. Le tournage Cela me plaisait aussi que Marianne soit seule, s’assume complètement. Elle a pourtant vécu l’enfer de perdre un enfant, ce qu’elle raconte à Géraldine. Cette scène a été tournée pendant mon premier jour de tournage. Nous avions commencé par répéter sur le balcon de notre appartement, à l’endroit où se déroulait la scène dans le scénario. Bertrand n’était pas satisfait. Nous sommes descendus dans la rue et là, il nous a proposé de tourner sur le quai Sisowath, près du fleuve, en pleine fête des Eaux, cette fête qui célèbre le moment où le courant du Tonle Sap change de sens. C’est ce que nous désirions, Isabelle et moi. Nous nous sommes retrouvées dans une foule immense, filmées par Alain Choquart, caméra à la main, dos à la foule, tenu par son assistant. J’ai été immergée dans ce pays par la découverte incroyable de cette fête, qui dure trois jours. Comme mon personnage Marianne, je n’ai eu aucun mal à m’adapter au Cambodge. C’était la première fois que je ressentais aussi peu de différences entre le moment qui précédait le tournage des scènes et la scène ellemême. Bertrand chuchotait “moteur” et nous nous regardions de la même façon, avec Isabelle et Jacques. Bertrand a un regard juste, il sait ce qu’il veut et ça se passe tout en douceur ; nous avons très peu répété cette scène. Filmographie sélective : Une affaire de goût de Bernard Rapp La veuve de St Pierre de Patrice Leconte Marquise de Vera Belmont Le Cambodge C’est un choc que d’arriver au Cambodge, ce coin de paradis ravagé par la guerre et le génocide, dirigé aujourd’hui par un gouvernement corrompu. La confrontation de la magnificence de la culture khmère avec ce pays aujourd’hui paralysé est terrible. Cela n’était pas difficile de se mettre dans la peau des adoptants, puisque l’on vivait au quotidien les mêmes difficultés qu’eux, la corruption, Filmographie sélective : Quand tu descendras du ciel d’Eric Guirado Le placard de Francis Veber La fausse suivante de Benoît Jacquot Une chance sur deux de Patrice Leconte Nathalie Bécue (Sabine) Le couple Avec Philippe Vieux, mon mari dans le film, nous interprétons un couple qui connaît mieux le pays, sa cuisine et sa culture, que les nouveaux arrivants. Nous ne vivons pas à l’hôtel mais partageons un appartement avec une autre adoptante jouée par AnneMarie Philipe. Nous nous sommes énormément amusés à imaginer notre couple, de joyeux lurons “donneurs de conseils”, qui ont plus de repères que les autres. Travailler avec Bertrand Bertrand sait réunir des gens très différents et faire en sorte que cela fonctionne. Il recrée avec les acteurs un espace confortable et se >26 la tyrannie de tout ce qui touche à l’administratif et parallèlement la générosité des gens. L’aventure humaine a inspiré l’aventure artistique et s’est confondue avec elle. Tout cela était plus important que la performance. montre suffisamment attentif pour savoir prendre ce qu’ils ont envie de donner. Les défis qu’il nous lance font que l’on a peu de temps pour penser à soi, à son travail d’acteur. On participe à une aventure dont le but est de vivre bien, d’être heureux, mais surtout de rendre les autres heureux. C’est un véritable réconfort. Filmographie sélective : Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier Choc en retour de Roch Stephanik Un moment de bonheur d’Antoine Santana >27 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 28 Jean-Yves Roan (Michel) Le personnage J’ai préparé mon rôle en fonction des indications de Bertrand faisant de mon personnage Michel un maître de chai. Bertrand est très attaché au métier de ses personnages, il s’interroge beaucoup là-dessus. Finalement, la profession de Michel n’est plus vraiment mentionnée dans le film, mais cela m’a permis d’improviser une scène avec Jacques, lors de l’attente devant l’algéco du Conseil des Ministres, d’ajouter une touche de comédie un peu décalée. Je savais, après Capitaine Conan, que Bertrand aime bien que l’on improvise. On en arrive à dire des choses un peu absurdes, alors que l’on vit un moment essentiel, au cœur de l’attente. Comme Gilles Gaston-Dreyfus quand il sort du bureau des adoptions en disant : “Cela n’a servi à rien mais je l’ai dit.” Je suis touché par tous ces moments pendant lesquels les personnages cachent leur désir ou en débordent, au point de se mettre à parler de sujets absurdes. Les orphelinats Nous adoptons un frère et sa sœur avec Béatrice, ma femme dans le film. Le petit garçon a un problème, il est apathique et l’on voit, pendant que Jacques l’examine, que ses réflexes ne répondent pas. C’est un problème guérissable mais très angoissant pour les parents. Nous l’avons vu avec Laurence Lasheb en allant visiter un orphelinat, où vivent des enfants atteints du sida : il y avait deux enfants complètement éteints, amorphes, assis dans des chaises spéciales. Je me suis dit qu’il n’y avait pas de communication possible avec eux… Frédéric Pierrot est arrivé, a joué avec ces enfants, avec les jouets que nous avions >28 Laurence Lasheb (Béatrice) apportés, et en peu de temps leurs yeux se sont ouverts, quelque chose s’est passé, la vie est revenue. A Phnom Penh, les nounous qui s’occupent des enfants sont vraiment chaleureuses, c’est ce qu’on retrouve dans le film. Les enfants ne se précipitaient pas sur nous, il y a une vraie vie dans l’orphelinat. Nous avions un rapport d’échange avec eux. Nous jouions. Tous les adoptants que j’ai rencontrés là-bas étaient actifs, optimistes, courageux, héroïques. Je ne sais pas si je serais capable d’une telle démarche. Je retrouvais Bertrand des années après L.627, où je jouais le rôle d’une contractuelle. Tourner une dizaine de jours sur trente jours de présence a été dur moralement. Pendant ces vingt jours de “temps libre”, on rencontre la misère à chaque coin de rue. C’est difficile d’être oisif dans une telle atmosphère. Finalement les moments heureux ont été les jours de tournage. C’était une belle expérience de travail et de vie, parfois douloureuse. Filmographie sélective : L.627 de Bertrand Tavernier De guerre lasse de Robert Enrico Le soleil sous les nuages de Eric Le Roc Le tournage Il y avait chez les comédiens cambodgiens une présence incroyable : même quand ils étaient un peu gauches ou maladroits, ils étaient justes. Il n’y avait pas de problèmes d’ego sur ce tournage. On se sentait comme les vrais adoptants, en train de participer à une course avec toutes sortes d’obstacles, nous ressentions un mélange d’envie et d’énergie. Cela servait bien évidemment le sujet. Filmographie sélective : Laissez-passer de Bertrand Tavernier Le soleil sous les nuages de Eric Le Roch Paparazzi d’Alain Berberian Capitaine Conan de Bertrand Tavernier >29 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 30 Patrick Courteix (Luc) Le personnage J’ai un petit rôle dans Holy Lola. Je participe à des scènes de groupe et j’ai une séquence avec Séverine Caneele, qui a du choisir “notre enfant” sans moi. Séverine a un très joli personnage. On sent que ce couple est là par amour, ne triche pas. Le Cambodge Les deux semaines que j’ai passées au Cambodge m’ont marqué à vie, j’imagine que ceux qui y sont restés deux mois ont eu du mal à en revenir. Dès que l’on rencontre les Cambodgiens, on sait que l’on va beaucoup apprendre. Bertrand s’investit énormément dans les lieux où il tourne. Il crée les conditions d’un véritable échange, autant dans l’équipe Séverine Caneele (Patricia) qu’avec le pays. J’avais senti cela dans les quartiers pauvres de Valenciennes, pendant le tournage de Ça commence aujourd’hui, et je l’ai retrouvé au Cambodge. Ce film a été l’occasion de nombreuses rencontres, notamment celle à laquelle j’ai assisté entre Neary et son vieux maître de musique ; lors de ce concert, nous avons vraiment communié à travers la musique. Filmographie sélective : Laissez-passer de Bertrand Tavernier Belphegor de Jean-Paul Salomé Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier Daniel Langlet (Monsieur Detambel) Le personnage J’aime l’évolution de mon personnage, qui incarne au début du film la rigueur administrative pour finir par exprimer une vraie sympathie. Il est même plutôt tendre dans la scène finale, que nous avons tournée quasiment en caméra volée devant l’ambassade de France. Il n’y a pratiquement pas eu de répétitions et pour pimenter le tout, Bertrand m’a demandé à la dernière minute de lancer au taxi une série d’ordres, évidemment en khmer. Le Cambodge J’ai fait plusieurs films avec Bertrand, mais je ne m’attendais pas à ce choc, à cette aventure >30 extraordinaire dont je ne suis pas encore revenu. Neary Kol, la comédienne cambodgienne, m’avait pourtant prévenu pendant le voyage de Paris à Phnom Penh en me parlant de son pays, le résumant en une formule : “Sourire facile, cœur brisé.” Filmographie sélective : Une vie à t’attendre de Thierry Klifa Paris s’éveille d’Olivier Assayas Capitaine Conan La vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier La rencontre avec Bertrand Bertrand Tavernier m’a découverte tout d’abord dans L’humanité de Bruno Dumont, puis dans Une part du ciel de Bénédicte Liénard. Il avait été très impressionné et touché par ces deux films. Mon travail lui avait également plu puisqu’un jour il m’a téléphoné pour me demander de venir à Paris... Il voulait me parler de Holy Lola et me demander si cela m’intéressait de participer à cette histoire. Je le revois, s’excusant de ne pas m’offrir un rôle aussi important que dans les deux autres films. Il ajoutait qu’il avait envie de me donner un personnage moins tragique, moins solitaire. Il voulait me voir faire partie d’un groupe, discuter, rire, partager des émotions ; il se souvenait de moi au festival de Yokohama. J’ai tout de suite accepté le rôle après avoir lu ce magnifique scénario et je suis partie au Cambodge. J’étais plutôt effrayée mais, dès mon arrivée, je me suis sentie en sécurité. J’ai découvert une autre façon de tourner, avec une grande rapidité d’installation et de décision, jusque dans les répétitions. J’étais impressionnée. Le Cambodge C’est un pays étonnant. La richesse historique et humaine côtoie la destruction, consécutive aux crimes commis par les Khmers rouges. La séquence que nous avons tournée au Musée du Génocide a été un moment très dur. Malgré ce passé proche, on sent que les gens ont envie de vous rendre service. Ils sont d’une politesse incroyable. Filmographie sélective : L’humanité de Bruno Dumont Une part du ciel de Bénédicte Liénard Le personnage J’ai eu beaucoup de difficultés avec la scène où l’on me présente deux bébés entre lesquels je dois choisir, ce qui est terrible. En découvrant l’orphelinat et certains enfants très malades, j’ai eu une crise de larmes, toute seule dans mon coin. J’étais bouleversée mais Bertrand et Isabelle m’ont beaucoup aidée. Je n’ai pas eu besoin de jouer l’émotion ou la difficulté de choisir. En voyant cette scène, Bertrand, Tiffany et Dominique ont changé le scénario et ont rajouté la séquence où l’on discute devant le Réga avec Isabelle et Laurence. >31 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 32 Lara Guirao (Anne) Le personnage Annie adopte seule. Elle a besoin de s’émanciper du groupe et abandonnera l’hôtel Rega où sont logés les autres adoptants. Elle fait preuve d’audace en adoptant un enfant malade, atteint d’une hépatite B. On ne sait jamais comment un personnage fait son chemin en soi. Je n’avais jamais voyagé très loin, ni ressenti un désir particulier de connaître l’Asie. Et pourtant, dès le premier réveil au Cambodge, en ouvrant mes rideaux, j’ai eu besoin de sortir dans Phnom Penh, avant le rendez-vous du matin avec les autres comédiens. Il fallait que je m’imprègne, seule, de ce pays. Ce besoin ne m’a plus quittée de tout le tournage. Moi qui ne suis pas une aventurière, j’ai visité le Cambodge seule, parfois en prenant des risques. Le Cambodge Je crois que Bertrand voulait que ce pays nous traverse et qu’on le traverse aussi. J’aime me plonger dans des univers inconnus, c’est ce qui s’est passé pour L.627… Il y a eu dans l’équipe des rapports très forts. Je me suis tellement plongée dans ce pays que Neary Kol (Kim Saly) je craignais de passer à côté du film ; après l’avoir vu, j’ai constaté que tout ce qu’on a vécu là-bas se retrouve dans le film. Dès le premier jour, Bertrand nous a fait visiter un orphelinat. J’ai été bouleversée. J’ai commencé à jouer avec quelques enfants, l’un d’eux était très timide, puis a fini par venir vers moi et par jouer avec nous. Je n’oublierai jamais le regard de cet enfant. Quand j’ai commencé à tourner, j’ai pensé à lui et son regard m’a suffi pour jouer le rapport d’Annie avec son petit. J’ai rencontré au Cambodge une énorme solidarité entre les femmes. Les hommes sont assez machos et les femmes font tout. Les enfants étaient difficiles pendant le tournage, car ils ont l’habitude d’être tout le temps avec leur mère. Les pères ne s’occupent pas des bébés. Là-bas j’ai dû maintenir une distance entre moi et l’enfant qui jouait mon fils. Je m’attache très vite aux enfants, je suis bouleversée, par exemple, quand un enfant s’endort dans mes bras. Bien évidemment, le petit s’est endormi dans mes bras… Henri Texier, le compositeur de la musique du film, m’a rappelé après la projection cette phrase de Jouvet : “Pour faire du théâtre, il faut avoir le cœur chaud et la tête froide.” Filmographie sélective : Qui perd gagne de L. Benegui Laissez-passer L.627 de Bertrand Tavernier Couples et amants de John Lvoff Le personnage Je joue le rôle de la secrétaire de Monsieur Cheng, qui dirige le bureau des adoptions. Le personnage de Kim Saly n’est pas méchant mais sévère, son attitude est liée au monde dans lequel elle vit. Dans le scénario, Kim Saly prenait sa douche nue, mais j’ai précisé à Bertrand que les Cambodgiennes se douchent vêtues de sarongs ou de kramas. Les Cambodgiens de ma génération sont très pudiques. Mon histoire Je vis en France depuis 1975 ; je suis comédienne de métier mais j’ai fait de nombreux petits boulots pour gagner ma vie. Je travaille aussi dans la mairie de ma petite ville, auprès d’enfants asiatiques, pour les aider à s’intégrer, à s’inscrire dans les écoles primaires. Je parle chinois, cambodgien, un peu vietnamien. J’étais chanteuse, danseuse et acrobate d’opéra cambodgien, qui dérive de l’opéra chinois. J’ai joué dans un des films du roi Sihanouk, en 1969 et 1970. Je parle chinois car je suis allée en 1973 en Chine, envoyée par l’université des beaux-arts cambodgiens afin d’y étudier l’opéra chinois. Je ne suis pas rentrée au Cambodge et j’ai obtenu l’asile politique en France. Ma famille a disparu pendant la dictature des Khmers rouges. Mes parents, mes frères et sœurs et mon fils d’un premier mariage : tous ont disparu. Quand je suis partie en Chine, mon bébé était âgé de quelques mois, je l’ai laissé à ma mère mais ne l’ai jamais revu. J’ai l’instinct que mon fils est encore vivant, j’essaie de le retrouver. J’ai créé une association culturelle de 1975 à 1983, avec d’autres réfugiés politiques, pour ne pas oublier la culture cambodgienne, être ensemble, jouer, danser. C’est par l’intermédiaire du réalisateur Rithy Panh que j’ai rencontré Bertrand. Cela faisait longtemps que je désirais tourner, depuis 1973 ! Je n’ai eu aucun mal à rentrer dans ce rôle . J’ai retrouvé dans la vie quotidienne, partout autour de moi, des gens menant “une double vie”, tout comme mon personnage, qui doit obligatoirement avoir deux métiers pour s’en sortir. Le film est d’ailleurs un miroir très juste des problèmes qui ravagent le Cambodge actuel et le voir a été une expérience douloureuse. Mais c’est bien, c’est salutaire de regarder ces problèmes en face, même si on se dit que tous ces orphelins devront affronter un monde sans espoir. C’est son premier rôle dans un film français pour le cinéma. Elle est comédienne, danseuse et maîtresse de ballet. Propos des comédiens recueillis par Sarah Thibau >32 >33 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 34 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 36 Pour un Sourire d’Enfant (P.S.E.) Association de soutien des enfants chiffonniers à Phnom Penh créée au départ pour scolariser les enfants en difficulté et qui a ensuite mis en place des formations adaptées aux besoins des entreprises leur permettant ainsi d’accéder à un métier. Martin Jaubert régisseur général GUEST HOUSE REGA Mon premier contact avec le Cambodge. Une petite rue de terre rouge, une maison familiale où les nouveaux et anciens adoptants se croisent et se racontent : le couple joue son propre rôle dans le film. La cuisine appliquée de “Touille-Touille” (diminutif de ratatouille !) savant mélange de cuisine traditionnelle vietnamienne, cambodgienne, française, les histoires de “Duc” son mari, exilé puis revenu au pays… Comme pour le reste ils s’adaptent même lorsqu’un tournage débarque pour plusieurs semaines : tout paraît parfaitement naturel. LA DÉCHETTERIE Un vrai choc. Arriver sur ces collines sans fin d’ordures brûlantes de soleil, pas d’ombre, un tapis de mouches à 50 cm du sol. Et des enfants pieds nus courant après les camions pour trier leur misérable contenu. Pour les nouveaux arrivants comédiens ou techniciens, Bertrand avait inclus la déchetterie dans le parcours initiatique : “Emmène-les dans deux orphelinats, puis à la déchetterie et finit par le musée du génocide” me disait-il. “Ça va les mettre dans le bain tout de suite…” LE MARCHÉ CENTRAL Un grand bâtiment en dur, dont la partie centrale a été conçue par un architecte français. Près de 3000 stands. La Samaritaine cambodgienne. Un “tournage-shopping” mémorable… LE MARCHÉ RUSSE On y trouve tout : des pièces détachées de moto, de la papeterie, de l’électronique… A chacune de mes visites, le même petit garçon de 8 ans me suivait partout pour m’éventer avec son bout de carton. J’ai fini par l’embaucher pour le jour du tournage. Il fût le seul à pouvoir s’y retrouver – un vrai régisseur en herbe. >36 Mission de l’Adoption Internationale (M.A.I.) Organisme pluridisciplinaire qui a notamment pour fonctions d’habiliter et de contrôler les organismes français autorisés pour l’adoption, de délivrer aux enfants adoptés les visas nécessaires à leur établissement en France, de dialoguer avec les administrations des pays d’origine des enfants… WAT PHNOM – FÊTE DES EAUX La population de Phnom-Penh passe de 1,5 à 3 millions pendant la Fête des Eaux, moment où le Tonlé Sap inverse son cours. Les abords du fleuve deviennent inaccessibles même à pied. Le seul moyen d’emmener le matériel était de venir garer les camions au milieu de la nuit, donc de débuter une journée de tournage à 3 heures du matin et d’avoir ainsi la chance de voir le soleil se lever sur le fleuve. HOLY BABY 1 C’est l’orphelinat d’où vient Lola, qui porte au départ comme la plupart des orphelins le nom de l’orphelinat suivi de son prénom. De tous les orphelinats visités à l’occasion des repérages, Holy Baby 1 et 2 offraient les meilleures conditions de vie pour les enfants. Il faut suivre le fleuve pendant plusieurs dizaines de kilomètres pour rejoindre cette maison de quatre étages. Au dernier niveau, entouré d’une vingtaine de bébés orphelins tous plus beaux les uns que les autres, on surplombe la campagne cambodgienne et dans le jardin les plus grands se regroupent pour nous chanter “il était un petit navire”. LE CENTRE DE NUTRITION C’est un orphelinat situé au cœur de Phnom-Penh et qui accueille majoritairement des bébés non adoptables (sida, trisomie…). Je garde le souvenir ému d’avoir donné le biberon à une petite fille de deux mois en train de mourir du sida. Un lieu qui nous a tous marqué. >37 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 38 ORPHELINAT DE KANDAL (à 1h30 de Phonm-Penh) L’idée de Bertrand était de tourner pendant la sieste des enfants. Toute une équipe de tournage sur la pointe des pieds à chuchoter. Les comédiens et la caméra déambulent au milieu des hamacs bercés par les nounous. Un moment magique. ORPHELINAT DE SFODA Un petit orphelinat de banlieue dans un état lamentable. Pas d’eau, pas de toilettes, une semi toiture dégoulinante sur la terre battue sur laquelle les enfants dorment. Malgré tout, des enfants souriants, beaux et communicants. Lors d’un repérage nous avons assisté à la rencontre d’une mère adoptante qui logeait au Rega et d’une petite fille de trois mois et avons pu suivre les vraies démarches pendant les deux mois de tournage. L’AUBERGE DU BOUT DU MONDE (à Kep) Construite par un français marié à une cambodgienne, cette bâtisse en bois est enfoncée dans la végétation de la “colline des cobras” face à la mer. On ne peut y dormir sans moustiquaire ! 40 chauffeurs, 6 heures de piste improbable (160 kms) pour rejoindre Kep au sud du Cambodge. Petit village en bord de mer face à la frontière vietnamienne. Peu de nourriture pour toute une équipe, pas d’électricité la nuit pour recharger les batteries, 80 lits pour 140 personnes (création de dortoirs de fortune), les policiers opportunistes plus inquiétants que rassurants, et puis des quantités d’histoires d’esprits, de superstition. Mon équipe au Cambodge représente le rêve de tout régisseur général : un état d’ esprit dominé par la gentillesse et la générosité. >38 Guiseppe Ponturo chef décorateur Avant de découvrir le Cambodge, j’imaginais, scénario en main, orphelinats et hôpitaux sur lesquels je concentrais recherches, études, croquis… L’atroce réalité, découverte au cours des repérages, offrait à elle seule, plus de “décors naturels” qu’il est possible d’imaginer. “Arranger” pour cause de tournage était aussi inconcevable qu’indécent. Le regard bouleversant des enfants des orphelinats vous le rappelait en permanence. Une scène du film se déroule dans une polyclinique réduite à un bureau étroit et une salle de consultation mille fois plus sombre que celles des urgences de la Pitié-Salpêtrière. Nous avons construit à l’étage un faux bureau et une fausse salle de consultation pour les besoins du film. Les “feuilles” qui servent de murs sont plus solides que la réalité. Le docteur a décidé lui de s’installer définitivement dans les décors du film. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le décor qui a nécessité le plus d’heures de travail c’est la reconstitution d’une partie de l’ambassade de France, très solide elle, où nous n’avions pas d’autorisation de tournage. C’est au K6, (ou lieu à 6 km de Phnom Penh) dans un immense hangar que nous avons reconstitué son hall, des bureaux, un patio. Surprenant, non ? >39 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 40 féconds. En particulier en ce qui concerne la juxtaposition des images d’Auvergne et du Cambodge. Sophie Brunet chef monteuse Une des choses que je préfère dans Holy Lola ce sont les séquences dites “de montage”. C’est un vieux terme : “séquence-montage” ou “montageséquence”, qui correspond à une forme qui était très fréquente, puis un peu tombée en désuétude et que Bertrand Tavernier a totalement renouvelée. Toutes les séquences sont montées bien sûr, mais celles-là ont ceci de particulier qu’elles reposent essentiellement sur le montage : elles ne décrivent pas une action mais plusieurs, se produisant souvent en des lieux multiples et en des temps différents. Elles ont pour premier objectif de faire passer du temps et, largement utilisées jusque dans les années 50, elles étaient très souvent construites autour d’images symboliques un peu naïves comme les feuilles de calendrier qui s’envolent, différents états du feuillage d’un arbre ou plus simplement un défilement de dates sur l’écran. Bertrand avait déjà réalisé de telles séquences dans Ça Commence Aujourd’hui. Elles étaient composées du quotidien de l’école et de son directeur et correspondaient parfaitement à l’aspect chronique du film. Dans Holy Lola, ces séquences sont particulièrement riches et portent véritablement le récit. D’ailleurs, nous n’avons trouvé sa construction définitive que lorsque nous avons réussi à >40 fixer leur contenu et leur place. La plupart des éléments qui les composent étaient prévus dans le scénario, mais le propre de ces séquences est l’infinie liberté qu’elles procurent au tournage et au montage : il est toujours possible d’ajouter ou de retrancher un élément comme de déplacer la séquence entière. Dans Holy Lola, en plus de faire passer le temps, leur fonction principale est de mêler fiction et documentaire, de profiter du récit pour aller aussi à la rencontre de la réalité du pays, exactement comme les personnages du film finissent par s’arracher à leurs problèmes individuels pour regarder autour d’eux. Toute image documentaire pouvait donc être accueillie dans ces séquences. Nous avons même utilisé des plans qui avaient été tournés lors des repérages et des essais de pellicule*. Nous n’étions guidés que par l’émotion qu’ils pouvaient procurer, l’impression de réalité qui s’en dégageait et un certain sens de la rareté : nous voulions à tout prix éviter l’effet d’accumulation. En brassant ainsi les actions des personnages et la vie du pays qu’ils découvrent, en mêlant les larmes de Géraldine et l’incroyable agitation des rues de Phnom Penh, Bertrand inscrit le destin de ses personnages dans un contexte précis, géographique, historique et même politique. Les personnages ne méritent pas une attention exclusive, ils ne sont pas plus intéressants ni plus émouvants que ces milliers de passants des trottoirs de Phnom Penh. Nous focalisons sur leur histoire, mais nous n’oublions pas qu’elle en côtoie des milliers d’autres, au milieu desquelles elle vient s’inscrire. Une autre raison d’aimer ces séquences tient à la musique qui les guide bien plus qu’elle ne les accompagne. Dès le début du montage, nous avons travaillé avec des morceaux qu’Henri Texier avait composés précédemment. Ils nous ont permis de trouver le ton, le rythme et ont donné en retour à Henri quelques pistes pour la musique qu’il a composée par la suite pour le film. Assez rapidement, il nous a fourni des maquettes et c’est vraiment avec elles et grâce à elles que nous avons monté ces séquences. La musique donne une couleur, un sentiment, avec une telle évidence que les liens se forment d’eux mêmes, les rapprochements deviennent clairs et J’aime beaucoup ces images d’Auvergne, d’autant plus peut-être que je n’en était pas tellement fanatique à la lecture du scénario. Je pensais qu’elles étaient inutiles, un peu sentimentales. J’ai été surprise de constater à quel point elles nourrissaient le film, par la densité qu’elles apportaient aux personnages et surtout par la réalité qu’elles donnaient à leur désir de retour. Elles ont à mon sens infiniment de grâce et de simplicité, dues à la façon dont elles sont filmées et à la présence discrète et lumineuse de la comédienne, Mariecke de Bussac. Elles apportent, là encore sans discours, une perspective à l’acte d’adoption : l’inscription d’un enfant non seulement dans un couple mais dans une famille, un corps social. * Bertrand se donne toujours les moyens de tourner ces plans “en plus”, que ses collaborateurs de la première heure (il y en a beaucoup) appellent “passages Bouvier” car il en avait fait des quantités pour Le Juge et l’Assassin. Ils exigent beaucoup de disponibilité et de créativité de la part de l’opérateur. >41 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 42 Pascal Guérin Alain Choquart 1er assistant réalisateur chef opérateur Pendant la préparation de Holy Lola, une question, parmi cent autres, revenait souvent : allions-nous revivre les difficultés quasi insurmontables rencontrées en Roumanie lors du tournage de Capitaine Conan ? Comment les Cambodgiens allaient-ils travailler, les Français s’acclimater ? Comment allions-nous fonctionner ensemble, alors que le tournage devait suivre la continuité du scénario, ce qui compliquait pas mal les choses, mais était très important pour l’évolution des personnages ? Le tout dans une durée de tournage somme toute restreinte et dans un climat politique local extrêmement sensible ? A quelques mois du tournage, nous sommes partis en repérages sans avoir évoqué avec Bertrand un style ou des principes visuels trop définis. Nous n’avions visionné aucun film qui serait une base d’inspiration ou de discussion préalable. Nous allions nous laisser guider par la lente découverte de Phnom Penh au jour le jour, telle que la vivraient les personnages. C’est finalement cette absence de principe qui en est devenue un… Nous avons tourné ainsi dans une chronologie contraignante techniquement, permettant en revanche aux comédiens un écoulement du temps similaire à celui que connaissent les “adoptants”, ou quiconque serait confronté à un pays inconnu pour un long séjour >42 non touristique. Rarement l’aventure d’un tournage se sera si étroitement identifiée au film lui-même. Rencontres d’adoptants, visites d’innombrables orphelinats, le choc du camp S 21, le travail de la remarquable association PSE dans l’immense décharge sur laquelle vivent des centaines de familles, les traversées de Phnom Penh en “motodop”, la foule de la fête des eaux… Les comédiens, toujours en costume, permettaient à la caméra d’ intervenir à tout moment. Puis nous reprenions le chemin de “nos” décors, naturels ou en studio, chargés de ce que nous avions vu. C’est dans cet esprit que la lumière des scènes pouvait alors évoluer, trouver un sens plus précis. Cette crainte fut balayée dès les premiers jours passés en compagnie des Cambodgiens, techniciens, comédiens professionnels ou non, personnes liées de près ou de loin au film. Très rapidement, des liens professionnels et amicaux se sont noués, au point que l’équipe est devenue une entité unique. Rien ne se faisait sans les Cambodgiens — il y avait aussi un électricien thaïlandais formidable — et rien ne s’est probablement fait à leur détriment. Lors de notre séparation, les assistants cambodgiens nous ont dit, à Anne, la seconde assistante, et à moi, qu’indépendamment de quelques moments de tension un peu durs, ils ne s’étaient jamais sentis autant considérés et en osmose qu’avec nous tous. Et nous leur avons répondu que c’était réciproque. Ce le fût. Cette osmose entre Français et Cambodgiens était peut-être liée au passé qui historiquement nous unissait ? Pendant le casting, des personnes de la génération du génocide, ont maintes fois exprimé à Bertrand leur plaisir de converser en français. Cette osmose est aussi liée à la personnalité et à la manière de travailler de Bertrand Tavernier, ainsi qu’au sujet du film, très contemporain, ancré dans une réalité à laquelle certains membres de l’équipe avaient été ou étaient encore confrontés : l’assistant coiffeur, Sok Héng, par exemple, avait vécu son enfance dans la déchetterie de Phnom Penh où nous avons tourné ; la “nounou” de Lola dans le film était l’une des vraies nounous de l’orphelinat Holy Baby. Narith Ponn a été choisie par Bertrand après un premier casting fait par Anne. Elle se révéla à la fois une actrice juste, d’une grande sensibilité et une précieuse conseillère, lors des scènes tournées à l’orphelinat, faisant deux ou trois fois modifier des détails du scénario... Cette osmose a donné une âme forte au tournage, porté par l’incroyable humanité et force de vie des Cambodgiens. En nous quittant nous avons tous pleuré, ouvertement comme secrètement, Cambodgiens comme Français, nous raccrochant pour certains à l’idée qu’une partie de nousmêmes resterait sur place et qu’une partie des autres resterait ancrée en eux. >43 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 44 Gérard Lamps chef opérateur auditorium La musique est venue très tôt sur ce film. Les scènes ont été montées avec la musique d’Henri Texier, ce qui fait gagner énormément de temps et de précision au mixage. Élisabeth Paquotte (la monteuse son) avait recueilli une matière formidable, qui nous faisait ressentir toute la vie du Cambodge. Bertrand, Sophie, Élisabeth et Henri ont écrit une partition que j’ai ensuite interprétée. Mon rôle est de faire en sorte que ce qui a été écrit soit restitué le plus fidèlement possible au spectateur. Nous avons travaillé sur des émotions très intimes ; les conditions difficiles du tournage en extérieur, au Rega ou dans une rue très animée requièrent souvent l’emploi du micro-cravate. Cela nous demande au mixage un travail important, pour restituer la voix des comédiens dans toute sa richesse. Bertrand nous dirige au mixage comme il dirige ses comédiens. Chaque film est un prototype pour les mixeurs. Un effet qui a fonctionné sur un film ne fonctionnera pas sur un autre. Nous avons vraiment besoin du réalisateur pour nous orienter. Les indications de Bertrand sont très précises. Il avait dans l’oreille, par exemple, la scène de l’arrivée de Pierre et Géraldine à l’aéroport. >44 Bertrand a vraiment modifié ma façon de mixer. Il m’a encouragé à moduler tous les éléments – la musique, les paroles, les effets, les ambiances – de manière globale, sans les traiter l’un après l’autre. La parole par exemple ne prend sa vraie couleur que si elle est replacée dans son contexte, avec les ambiances, les effets de son directs et ajoutés et la musique. Anne Gilles 2ème assistant réalisateur Casting Cambodge Comment trouver au Cambodge des comédiens cambodgiens qui parlent français ? Pas d’agents, pas de fichiers, pas de “books”, quasiment pas de films tournés, ni de théâtre, pas de comédiens professionnels au sens où on l’entend d’habitude. D’autant que le Cambodge c’est le pays des deux métiers : policier le matin, motodop l’après-midi, nounou la journée, serveuse le soir; alors comédien c’est sûr, ça doit être un troisième ou un quatrième métier. L’homme de la situation et du casting, c’est Vanthon, un grand monsieur filiforme et toujours impeccable. Il quadrille Phnom Penh en mobylette et forme une paire inséparable avec Yun Li, son assistant jovial et dévoué qui le suit partout, la taille lestée d’accessoires vidéo. Comédiens de Rithy Panh (ou des films du Roi !), école des Beaux-Arts, département du Cinéma, universités… pour peu qu’ils sachent deux mots de français ils passeront le casting. Certains sont sélectionnés pour un entretien. Là, entre fous rires et inquiétudes, le “parler français” est parfois surréaliste. On voit Bertrand Tavernier surgir de son bureau, mi-hilare, mi-déconfit. Certains des comédiens ont appris quelques phrases par cœur pour le casting mais ne parlent pas un traître mot ; d’autres ont un accent qui défie les oreilles les mieux entraînées et laisse l’auditeur comme frappé de stupeur, en attente de sens, même quand ils ont répété trois fois. Un autre déclame son texte au bord de la syncope en roulant des yeux comme dans un film muet. Puis enfin il y a ceux qui seront dans le film. Il y en a beaucoup qui ne sont pas comédiens, mais francophones, prêts à tenter l’aventure : être comédien pour un jour ou une semaine. Ils se sont exilés sous les khmers rouges et ont vécu à Paris ou en banlieue, à Nice, à Marseille, ou même en Californie. Ils sont revenus au Cambodge, et sont chef d’entreprise, diplomate, chauffeur, ou fonctionnaire. Ou alors ils n’ont jamais quitté leur pays et ont appris le français au Centre Culturel Français. Tous ont un travail mais tous sont disponibles, toujours. C’est extraordinaire cette facilité pour rencontrer les gens. Un coup de fil et ils sont là l’instant d’après. Ils ne sont pas comédiens mais décrocher un rôle devient soudain une chose capitale. En même temps, chacun veut aider, s’investit, et tant pis si ça fait de la concurrence, on appelle les gens qu’on connaît, les amis francophones, il faut faire passer le mot... Le téléphone khmer s’emballe. Untel apprend que l’on cherche encore un jeune homme et débarque le lendemain avec une vingtaine de gars. Un autre laisse une liste de numéros à appeler de sa part. Le casting est presque devenu une affaire collective, un tricot qui se fabrique tout seul, et c’est un peu l’image que j’en garde : inhabituel, imprévisible, et plein de belles surprises... >45 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:22 Page 46 Henri Texier compositeur Donc Henri Texier, tout contre et très bassiste. L’autorité d’un “grand patron”, comme on en compte sur les doigts d’une seule main dans le paysage du jazz en France ; l’épaisseur sensible d’un homme de son temps, témoin et acteur, conjointement créateur et conscient de son héritage. Avec Holy Lola, Henri Texier n’en est pas à ses débuts pour des musiques “de”, “sur” ou “avec” le cinéma. De l’imaginaire qui lui fit composer la sublime ballade Simone Signoret pour l’album An Indian’s Week en 1993, à la deuxième vie donnée aux Remparts d’argile de Jean-Louis Bertucelli, par la musique jouée live en trio durant la projection, Henri Texier n’a cessé de penser sa musique comme le déroulement d’images en mouvement. Avec un sens de la mise en espace qui fait que souvent ses albums sont construits comme des films. Avec des personnages (la mélodie, le son) et leurs rapports (l’interactivité des musiciens, essentielle au jazz), une dramaturgie (la tension de l’improvisation et des solos), >46 une mise en scène (les arrangements), des décors (des effluves d’autres continents ou des racines celtiques), des lumières (des tempos tamisés ou des murmures d’aube naissante)… Photo : Guy Le Querrec Bertrand Tavernier connaissait-il cette phrase de Francis Marmande pour définir la contrebasse : “la voix de mon père et le corps de ma mère…” ? Totalement in situ, pour la plupart des contrebassistes de jazz, graves et graciles à la fois. Totalement à propos pour la quête d’une adoption. Pour Holy Lola, Henri Texier a dû simplement pousser l’expérience un peu plus loin. D’abord parce que la collaboration avec Bertrand Tavernier a été extrêmement complice : beaucoup d’échanges en amont du tournage, une vraie réflexion sur les couleurs instrumentales. Le choix de juxtaposer le Strada Sextet d’Henri (lui-même à la contrebasse, Guéorgui Kornazov au trombone, François Corneloup et Sébastien Texier aux saxophones et clarinettes, Manu Codjia à la guitare et Christophe Marguet à la batterie) et le premier cercle de la famille musicale de Louis Sclavis (Louis aux clarinettes, Dominique Pifarély au violon, Vincent Courtois au violoncelle, Bruno Chevillon à la contrebasse et François Merville au Marimba) auxquels se joint le percussioniste Francis Pichon. Henri Texier et Louis Sclavis sont compagnons de route de longue date. Et Louis avait composé la musique de Ça commence aujourd’hui, l’avant-dernier film de Bertrand Tavernier. Les amis de mes amis… Tout naturellement. générique, ils sont là en filigrane et leur pulsation souterraine soutient constamment le discours musical. Cet élan rythmique fonctionne comme un moteur dynamique du film. La seconde clé vient des racines indiennes (et donc modales) de cette musique populaire cambodgienne : la musique de l’Inde est venue s’échouer ici à l’Est, comme elle est allée jusqu’en Andalousie à l’Ouest. Comme la plupart des jazzmen contemporains, depuis Miles Davis et John Coltrane, Henri Texier se sent comme un poisson dans l’eau avec la musique modale. Ce qui fut moins naturel pour Henri Texier, ce fut la nécessité d’échapper à la tentation de l’exotisme du Cambodge, exactement comme s’y est refusé le réalisateur. Le jazz eut été incongru. Les codes des musiques de suspense aussi… Deux clés ont été trouvées par Henri. La première dans les musiques populaires cambodgiennes, pas dans les musiques savantes de cour, davantage documentées par les musicologues : elles ont une omniprésence rythmique, par les tambours, qui scande un espoir. Et même si on n’entend explicitement ces tambours que dans le Alex Dutilh Ne restait plus qu’à mettre en lumière une tension musicale entre la pulsation contrebasse-batterie et les volutes de la clarinette, ou des autres instrumentistes. Une tension qui réalise un écho intime de celle qui naît de la quête. Progressant sur le fil d’un découragement qui guette et d’un espoir fragile. Pas une musique de film : la musique du film. Henri Texier a notamment joué avec Dexter Gordon, Lee Konitz, Bud Powell, Kenny Clarke, Don Cherry, Daniel Humair, Michel Portal, Charlie Haden, John Abercrombie, Joe Lovano… Bande originale disponible chez LABEL BLEU Presse : Marjorie Coste Tél. : 03 22 97 79 47 e-mail : [email protected] >47 Layout ok 01 WEB 13/10/04 10:38 Page 48 Liste artistique Pierre Géraldine Marco Annie Xavier Sandrine Michel Patricia Yves Fontaine Nicole Bernard Docteur Sim Duong Monsieur Sokhom Kim Saly Monsieur Khieu Nourrice Lola Lola Marianne Monsieur Detambel Jacques GAMBLIN Isabelle CARRE Bruno PUTZULU Lara GUIRAO Frédéric PIERROT Maria PITARRESI Jean-Yves ROAN Séverine CANEELE Gilles GASTON-DREYFUS Anne LOIRET Philippe SAID Vongsa CHEA Pridi PHATH Neary KOL Rithy PANH Narith PONN Srey PICH KRANG Anne-Marie PHILIPE Daniel LANGLET Réalisateur Ecrit par Dialogué par Production Producteurs exécutifs Image Montage ET PAR ORDRE D’APPARITION À L’ÉCRAN >48 Isabelle Fontaine Madame Treng Monsieur Treng Monsieur Cheng Jérôme Sabine Melody Mère Géraldine Directrice Holy Baby 2 Béatrice Le neveu Chauffeur Directeur Kep Le chef Kep Frère de Monsieur Sokhom Chenda Dara Intermédiaire Marco Bénévole déchetterie Epouse adoptante Directeur Holy Baby Deuxième nounou Fonctionnaire district Adoptant Shalimar Militaire Conseil des Ministres Fonctionnaire Conseil des Ministres Luc Fonctionnaire Ministère Intérieur Liste technique Corine THEZIER Vann TOUCH (TOUIL TOUIL) Duc DUNG Sothea TRAN Philippe VIEUX Nathalie BECUE Melody TOUCH Mariecke DE BUSSAC Sophoan SOM Laurence LASHEB Chanra PHA Sauphear TEP Robert SAM Savuth TAN Somany NA Theo ROYER Sokunthol PA Marie LECLERCQ Claire VIDONI Ky ENG LIM Reaksmey NHEM Sokhen CHOUR José PINAULT Kuy CHANTHRA SŒUR Sina OUCH Patrick COURTEIX Jean-Marc KHAO Son Bertrand TAVERNIER Tiffany TAVERNIER Dominique SAMPIERO Avec la participation de Bertrand TAVERNIER Tiffany TAVERNIER Dominique SAMPIERO LITTLE BEAR / Frédéric BOURBOULON LES FILMS ALAIN SARDE / Alain SARDE TF1 FILMS PRODUCTION Agnès LE PONT et Christine GOZLAN Alain CHOQUART (A.F.C.) Sophie BRUNET Dominique LEVERT / Elisabeth PAQUOTTE Gérard LAMPS Décors Giuseppe PONTURO Costumes Eve-Marie ARNAULT Directeur de production 1er assistant mise en scène Scripte Régisseurs généraux Post-production Photographe Musique originale Marc OLLA Pascal GUÉRIN Zoé ZURSTRASSEN Martin JAUBERT / Sovichea CHEAP Florence DARD Etienne GEORGE Henri TEXIER Composition et direction 49