Guide des auteurs des manuels scolaires d`histoire
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Guide des auteurs des manuels scolaires d`histoire
guide livres historiques coirrigéfr 28/11/13 11:22 Page 1 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire Sur une voie partagée Nouvelles approches méthodologiques professionnelles pour corriger l’image de ‘l’Autre’ dans les manuels scolaires d’histoire en Europe et dans les mondes arabe et islamique (Cas de la région méditerranéenne) Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture - ISESCO - 1435H/2013 guide livres historiques coirrigéfr 28/11/13 11:22 Page 2 Dépôt légal : 2013 MO 3622 ISBN : 978-9981-26-588-2 Photocomposition, montage et impression : ISESCO -Rabat - Royaume du Maroc guide livres historiques coirrigéfr 28/11/13 11:22 Page 3 Table des matières Présentation 5 Avant-propos 9 CHAPITRE I : Identité et pluralisme : Les défis que rencontrent les auteurs des livres scolaires d’histoire 13 Le rôle de l’enseignement de l’histoire 14 L’orientation des élèves vers la découverte de l’histoire 15 Les défis liés à l’élaboration des manuels scolaires d’histoire 16 Le respect de l’histoire de ‘l’Autre’ 19 Les formes d’omission et de déformation Les sensibilités religieuses et culturelles 21 24 CHAPITRE II : Identification des formes de rencontres positives avec ‘l’Autre’ 29 La philosophie et les sciences au Moyen-âge Le commerce au Moyen-âge au début de l’époque moderne L’Andalousie : Etude du cas de coexistence religieuse et de tolérance culturelle 37 L’art et l’architecturee 40 CHAPITRE III : Découverte de modèles historiques chargés d’aspects emotionnels et polémiques, et proposition d’alternatives 29 36 47 Les conquêtes islamiques 48 Les croisades L’Europe et l’Empire ottoman 50 54 Le colonialisme européen L’Europe et le conflit israélo-arabe 57 60 Conclusion 63 Bibliographie 65 guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 4 Ce Guide d’orientation s’inscrit dans le cadre des publications du projet ‘’l’image de ‘l’Autre’ dans les manuels scolaires européens, arabes et islamiques’’, qui est un partenariat fondé sur l’initiative de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), de l’Organisation Islamique pour l’Education, les Sciences et le Culture (ISESCO), de la Fondation Euroméditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures et de L’Institut Suédois d’Alexandrie, en collaboration avec le Département de l’Education de l’UNESCO (Section de la consolidation de la programmation et de la qualité de l’enseignement) et l’Institut Georg Eckert pour les recherches en matière de livres scolaires internatioanux. Ce manuel a été élaboré par un groupe d’experts arabes et européens qui sont : Fawzia Al Ashmaoui (Professeur de civilisation arabe et islamique Université de Génève) Folza Rice (Professeur de l’histoire des religions Université de Vienne) Nouredine Doji (Professeur d’histoire Université Mennouba – Tunisie) Mikel Rayli (Directeur du Projet de l’histoire scolaire Royaume Uni) Moustapha Hassani Idrissi (Professeur de l’enseignement de l’histoire Université Mohamed V – Rabat) David Thorfeel (Professeur agrégé d’histoire des religions Université de Sodirto – Stokholm) Révision et rédaction : Dr Mikel Rayli 4 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 5 Présentation L a fondation d’une culture de paix, basée sur une nouvelle orientation humaniste qui garantit le raffermissement et la consolidation des concepts de compréhension mutuelle, de réconciliation et de dialogue entre les nations et les peuples, est une lourde responsabilité dont le poids incombe à toutes les composantes de la communauté internationale sans exception. Aussi, la défense et la préservation de la diversité culturelle et de son pendant, le dialogue des cultures, demeure-t-elle l’un des défis pressants de l’heure actuelle aux niveaux local, régional et international. Plus que jamais, nous avons besoin, aujourd’hui, du dialogue entre les cultures et les civilisations, étant donné qu’il constitue la voie la plus appropriée pour faire face aux différentes formes d’intolérance qui emplissent notre monde d’aujourd’hui. En effet, sont nombreuses les manifestations de discorde et d’intolérance qui dominent les relations internationales, surtout entre l’Europe et les deux mondes arabe et islamique, y compris dans la région méditerranéenne. Ce défi prend encore plus d’ampleur avec les événements que nous avons vécus ces quelques dernières années, avec la prévalence de la vision stéréotypée axée sur la différence culturelle et religieuse, pour produire des clichés et des conceptions étriqués des mondes arabe et islamique. L’Europe, elle aussi, a eu sa part de ce phénomène dans d’autres régions du monde. Etant donné que les arguments qui fondent l’intolérance, les préjugés et la ségrégation sont irrecevables suivant tous les canons universels, nous œuvrons, chacun de sa position, à promouvoir une coopération et une collaboration étroites avec nos homologues régionaux et internationaux qui partagent avec nous la même vision et la même volonté inébranlable pour affronter les causes fondamentales des préjugés, de la division et de la haine, et ce en nous servant de la connaissance, de l’information, de l’éducation et de l’enseignement. Personne ne peut nier que la prévalence des informations et des visions étriquées sur ‘l’Autre’ et, surtout, son ignorance, comptent parmi les principaux facteurs qui sont à l’origine de la diffusion de la haine, de la confrontation et de l’instabilité. 5 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 6 Par conséquent, nous avons tous des rôles décisifs que nous devons jouer aux niveaux individuel, collectif et international pour affronter les facteurs qui sont à l’origine de la ségrégation, de l’intolérance religieuse et toutes les conséquences qui en découlent. Notre responsabilité consiste en premier lieu à dégager une vision qui nous ouvre la voie vers un monde meilleur, qui s’édifie sur les piliers de la tolérance, de la justice, de la diversité culturelle, du respect mutuel et des relations de paix entre ses composantes. Le message que véhicule l’enseignement et l’éducation doit être axé sur la consolidation de la tolérance, de la compréhension et du respect mutuels et sur le rejet des stéréotypes sous toutes leurs formes, ce qui implique, en retour, l’intégration du dialogue des cultures, des civilisations et des religions dans les programmes scolaires à tous les niveaux pour aider les générations montantes à comprendre les différences culturelles et religieuses et à les respecter. Les partenaires qui ont élaboré ce guide ont joué un rôle d’éclaireur dans ce cadre, par la conjugaison des efforts de l’UNESCO, de la Ligue des Etats Arabes, de l’ISESCO, de la Fondation Euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le Dialogue entre les Cultures, de l’Institut Suédois d’Alexandrie, avec la coopération de l’Institut Georg Eckert et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de la République Arabe d’Egypte, en vue de faire face à la problématique de l’image de ‘l’Autre’ dans les manuels scolaires en Europe et dans les mondes Arabe et Islamique. Depuis 2004, notre travail s’est concentré sur l’amélioration de l’image de ‘l’Autre’ dans les programmes scolaires, en commençant par une évaluation commune des manuels, tout en donnant la priorité dans notre coopération à la recherche d’une meilleure communication entre les cultures, partant de notre foi que l’utilisation malintentionnée des questions culturelles et religieuses constitue la source de tous les dangers de ségrégation, de discorde et du centralisme civilisationnel. Par conséquent, ces efforts communs constituent un pas positif dans la concrétisation de la culture de la justice et de la paix ainsi que dans la consolidation des valeurs du pluralisme culturel et des fondements de l’alliance entre les civilisations. Le ‘’Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire’’ constitue la première réalisation importante accomplie dans le cadre de cette coopération. Nous visons, à travers son élaboration, à opérer une ouverture sur les acteurs dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, les auteurs des manuels scolaires d’histoire, les concepteurs des programmes qui s’y rapportent et qui ont une influence profonde sur le façonnement des mentalités des élèves. Partant de notre foi en les valeurs de communication et d’ouverture ainsi que de notre respect de la liberté de pensée et d’expression, nous encourageons toutes les parties concernées par l’élaboration des manuels scolaires à tenir compte des 6 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 7 recommandations du présent document qui a été élaboré par une équipe internationale d’experts européens, arabes et islamiques. Ces experts ont produit, grâce à leur expérience dans les domaines académique, éducatif et scolaire, ainsi qu’à leur approche scientifique équilibrée, un document de valeur dont on doit s’inspirer en tant que référence essentielle dans l’élaboration des programmes relatifs à l’histoire, et dans lesquels il est nécessaire de s’attacher à faire ressortir une vision plus équilibrée vis-à-vis des sensibilités, des faits et des questions de tous ordres. Partant des expériences réussies de certains pays des deux rives de la Méditerranée, ce document insiste sur la nécessité d’adopter une démarche multilatérale et équilibrée dans la présentation de l’histoire de ‘l’Autre’, de sa culture et de sa religion aux élèves ; ouvrant ainsi la voie à une approche nouvelle qui encourage la culture de paix et de compréhension mutuelle et œuvre pour la consolidation du dialogue entre les civilisations en tant que composante du processus éducatif. A cet effet, cette démarche doit présenter des méthodes alternatives pour aborder les questions controversées et insister sur l’importance des rencontres positives, sur l’interaction et l’interpénétration entre les peuples des deux rives de la Méditerranées. Nous ne pouvons ici que féliciter les auteurs pour leurs efforts dans la mise en valeur du rôle que peuvent jouer la culture, l’éducation et l’enseignement dans l’affermissement de la compréhension et de la compréhension mutuelle, ainsi que dans la consolidation des valeurs de la diversité culturelle, du pluralisme civilisationnel et de la coexistence entre les peuples pour un avenir meilleur pour tous. Amr Moussa Secrétaire Général De la Ligue des Etats Arabes Irina Bokova Dr.Abdulaziz Othman Altwaijri Directrice générale de Directeur général de l’Organisation es Nations-Unies l'Organisation islamique pour Pour l’Education, Les Sciences et l'Education, les Sciences et la la Culture (UNESCO) Culture (ISESCO) André Azoulay Birgitta Holst Alani Président de la Fondation Euro Méditerranéenne Ana Lindh pour le dialogue entre les cultures Directrice de l’Institut Suédois d’Alexandrie 7 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 8 guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 9 Avant-propos L es dernières décennies ont vu croître, de manière remarquable, les voies et moyens de communication entre les européens, les arabes et les musulmans. La mondialisation a fait de la rencontre entre les peuples venant d’environnements différents un aspect naturel de la vie quotidienne. Les formes des migrations et des déplacements dans la période postcoloniale ont entrainé des transformations importantes dans les structures démographiques des Etats-nation qui étaient plus homogènes dans le passé, aussi bien en Europe que dans les autres contrées du monde. La politique, l’économie et la culture sont devenues des phénomènes qui ignorent de plus en plus les frontières nationales. En effet, nous vivons désormais dans un monde où le pluralisme est devenu plus visible qu’avant au sein de nos sociétés, mais où, malheureusement, les relations entre l’Europe et les mondes arabe et islamique sont également devenues sous la menace de courants basés sur la polarisation et l'animosité. Nos enfants naissent pour se retrouver enfermés dans des identités prédéfinies et grandissent dans des sociétés où dominent des versions particulières pour relater le passé. L’occasion n’est souvent pas donnée aux enfants et aux nouvelles générations de méditer sur leurs appartenances sociales avec le recul nécessaire ou d’avoir une attitude critique concernant ce qu’on leur raconte à propos des autres peuples et des autres sociétés. En même temps, étant donné que les enfants et les jeunes générations sont les plus exposés à l’influence des mutations sociales, ils ressentent, plus que tous les autres, les effets directs de la mondialisation, en comparaison avec leurs parents et leurs enseignants. D’où la nécessité de l’enseignement de l’histoire dans les écoles d’un point de vue pluraliste et selon une démarche critique. Les manuels scolaires peuvent jouer un rôle vital pour aider les élèves à s’approprier une compréhension approfondie de l’histoire, en les amenant à se poser les 9 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 10 questions et à trouver les réponses en ce qui concerne le présent en se référant au passé. Ils peuvent également éveiller la curiosité des élèves et les amener à faire preuve d’interactivité avec les situations qui représentent ce que les hommes ont connu dans leur passé comme faits problématiques, adopté comme choix, ou embrassé comme foi et croyances. Les manuels scolaires d’histoire peuvent également aider les générations montantes à développer leurs consciences de leurs identités à travers la compréhension de leurs cultures propres et celles des autres. Pendant que ces jeunes générations travaillent au développement de leur compréhension de l’enseignement de l’histoire, les manuels scolaires peuvent les encourager à se poser des questions importantes concernant le passé, à analyser les preuves et à évaluer les différentes explications et justification relatives l’histoire. Il existe plusieurs études académiques qui se rapportent à l’image de ‘l’Autre’ dans les manuels scolaires. Certaines de ces études traitent particulièrement des stéréotypes et des différentes formes d’incompréhension et d’interprétations erronées qui sont encore présentes dans certains livres scolaires en Europe et dans les mondes arabe et islamique. De telles études spécialisées visent à rectifier beaucoup d’idées qui figurent dans les livres scolaires d’histoire en Europe et dans les mondes arabe et islamique et qui ont été incapables d’apporter une image précise qui représente ‘l’Autre’. L’objectif de ce Guide d’orientation ne consiste pas à faire une critique des livres d’histoire anciens ou actuels. Il vise plutôt à présenter des propositions concernant la manière avec laquelle les auteurs des manuels scolaires peuvent adopter une démarche méthodique pour l’étude de l’histoire de manière à donner aux élèves une compréhension plus profonde de ‘l’Autre’. Ce Guide vise également à motiver les auteurs des manuels scolaires et à les encourager, à travers la présentation de certaines idées dont on peut se servir pour aborder un domaine aussi vaste que celui des questions qui se rapportent à l’histoire. Ce livre s’appuie sur des modèles positifs tirés des livres scolaires d’histoire en Europe et dans les mondes arabe et islamique, et ce dans le but d’aider les auteurs à développer un champ d’initiatives encore plus vaste pour élaborer des manuels scolaires qui se caractérisent par la précision et l’attractivité. Le but est de développer une compréhension basée sur une vision plus profonde de nous-mêmes et des autres. Aussi, ce Guide d’orientation s’appuie-t-il sur les trois hypothèses suivantes : 1. Les livres d’histoire doivent refléter la diversité en Europe et dans les mondes arabe et islamique. En effet, les sociétés en Europe, au Moyen-Orient et en 10 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 11 Afrique du Nord ont toujours été caractérisées par le pluralisme et la diversité aux plans culturel, linguistique et religieux. Tel était le cas avant l’avènement des trois religions monothéistes ; tel a été également le cas avec le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Cette caractéristique demeure présente à nos jours. Les livres scolaires d’histoire se doivent d’aider les élèves à connaître l’histoire des sociétés et à identifier les traits qui les caractérisent. Ces manuels se doivent également d’encourager les élèves à étudier le pluralisme culturel, ethnique et religieux au sein de ces sociétés. 2. Les manuels scolaires d’histoire doivent mentionner les aspects positifs des formes de rencontre entre les cultures. L’histoire de nos sociétés en est riche et en comporte plusieurs aspects. Tout au long de l’histoire, la rencontre entre les hommes et leur interaction culturelle a permis une osmose dans les domaines des connaissances et des expériences, qui a eu des effets positifs sur le développement de nos sociétés et leur prospérité. L’un des exemples les plus brillants dans ce domaine aura été l’époque Abasside, époque qui a vu le transfert du patrimoine arabe et islamique ainsi que du patrimoine grec vers l’Europe. Le présent Guide vise à renforcer la vision équilibrée des périodes de rencontres historiques entre l’Europe et les mondes arabe et islamique, sans toutefois prêcher l’occultation les aspects négatifs de ces rencontres. Il vise plutôt à souligner le besoin d’élargir les horizons et les sources des élèves dans les domaines de la connaissance et de la compréhension, en insistant aussi sur les aspects positifs relatifs à l’enrichissement culturel mutuel tout au long de l’histoire de la civilisation humaine. 3. Les manuels scolaires d’histoire doivent aider les élèves à développer une démarche méthodique multilatérale dans leur étude du passé. La démarche multilatérale consiste à prendre en compte plusieurs points de vue en même temps que le notre. Elle nous permet de voir que notre point de vue comporte une dose d’impartialité et de subjectivisme. Elle suppose la possession d’une capacité réelle pour observer une situation donnée à partir de plusieurs angles, ainsi que la faculté de se mettre à la place de ‘l’Autre’ et d’observer le monde du point de vue de celui-ci. Ainsi les élèves pourront être capables, grâce à cette démarche multilatérale, d’analyser et d’interpréter les points de vue différents et divergents, tout comme ils seront capables d’identifier les sujets de controverse dans les points de vue et de respecter les us et coutumes des autres, même quand ils ne les approuvent pas. Aussi, la démarche multilatérale permet-elle d’enseigner les questions sensibles et controversées en aidant les élèves à reconnaître toute la complexité qui caractérise ces questions. Les manuels d’histoire peuvent jouer un rôle vital dans la consolidation de l’approche basée sur la vision multilatérale 11 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 12 en ouvrant devant les élèves un vaste champ d’interprétations concurrentes, leur permettant ainsi de s’ouvrir sur les cultures des autres, tout en s’attachant à leurs identités et leurs spécificités culturelles propres. Ce Guide d’orientation se compose de trois chapitres principaux. : Le premier traite des défis que posent la diversité et le pluralisme, ainsi que de l’importance de l’enseignement de l’histoire aux générations montantes. Il traite également des défis inhérents à l’élaboration des manuels scolaires d’histoire, tout en tenant compte, de manière particulière, des sensibilités religieuses et culturelles. Le deuxième chapitre expose un certain nombre de stratégies utilisées pour aider les élèves à se concentrer sur certaines formes de rencontres positives entre les peuples d’Europe et des mondes arabe et islamique. Malheureusement, la relation entre l’Europe et les mondes arabe et islamique a été parfois empreinte de méfiance, de luttes et de violence, qui sont autant d’aspects négatifs qu’il ne faut pas ignorer. Cependant, la leçon d’histoire doit offrir un espace ‘’sécurisé’’ et stimulant intellectuellement pour les jeunes générations, où celles-ci étudient ce qui représente généralement des versions de l’histoire chargées de passions et de controverses. C’est ce qui explique l’importance donnée, dans le troisième chapitre de ce Guide, aux voies et moyens qui permettent aux auteurs des manuels scolaires d’aider les élèves à étudier ces aspects controversés de l’histoire avec des méthodes qui ne suscitent pas l’intolérance et l’animosité. Ce manuel présente cinq études de cas se rapportant à des questions historiques dont les échos sont encore présents dans les deux mondes arabe et islamique et en Europe. Dans chacun des cas, sont discutées certaines sensibilités qui entourent l’événement où l’époque considérés. Il propose également certaines démarches pédagogiques que les auteurs des manuels scolaires peuvent trouver utiles. Nous avons de nombreux exemples de livres scolaires excellents en Europe et dans les mondes arabe et islamique. Beaucoup d’auteurs se sont employés à relater les événements politiques chargés de sensibilités d’une manière conforme aux principes du pluralisme et de la vision multilatérale exposés dans ce Guide. Ce Guide mentionne ces exemples et s’emploie à diffuser les principes sur lesquels ils reposent afin de les faire parvenir à un public plus large. Il est incontestable que le présent Guide comporte certaines insuffisances. Les stratégies proposées ne représentent naturellement pas un inventaire exhaustif des démarches possibles, mais elles se résument en un ensemble de questions diverses fondées sur la pratique active et que les auteurs des manuels scolaires d’histoire peuvent trouver utiles. 12 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 13 Chapitre 1 : Identité et pluralisme Les défis que rencontrent les auteurs des livres scolaires d’histoire Notre identité n’est ni unique ni figée. Le fait de classer une personne donnée comme appartenant fondamentalement au ‘’monde occidental’’ sur la base du simple fait qu’elle est issue d’une région ou d’une culture données ne fait que réduire cette personne à une seule dimension. Nous avons tous besoin de comprendre la riche diversité au sein des cultures et, par conséquent, la diversité qui caractérise notre identité. Tout comme nous avons besoin de reconnaître les différentes formes d’interaction complexe au sein même des cultures et entre elles. Les générations montantes dans les mondes arabe et islamique et en Europe doivent appréhender le fait que les identités sont soumises à l’effet de l’interaction et de l’influence mutuelle des cultures et se caractérisent par la souplesse, le changement et l’interpénétration. Ils doivent être capables de comprendre que ceux qu’ils voient ‘’différents’’ d’eux possèdent un patrimoine valeureux, souvent imbriqué avec le leur. Il va sans dire que jeter un éclairage sur les différents points de rencontre et sur les aspects communs et les partages culturels ne veut point dire éluder les différences. Celles-ci existent entre les individus et les groupes en ce qui concerne les modes vie, les attitudes morales, les idéologies politiques et les croyances. Cette pluralité et cette diversité sont une caractéristique importante de l’Europe et du monde islamique. Les Chrétiens et les Musulmans, ainsi que d’autres, ont vécu côte à côte durant plus d’un millénaire et demi. Mais des heurts peuvent naître dans les moments où la vie devient difficile et où la sécurité devient absente. Il en découle une montée du désir de posséder une structure autonome et une identité à part. Les heurts dus au pluralisme culturel dans la vie quotidienne ne peuvent se régler par les veux pieux ni par la simple invocation de la cohésion sociale ou de la parfaite entente idéologique. Cependant, nous pouvons nous accorder sur le fait que l’autoidentification est un droit inaliénable, et que le respect de soi et de sa propre histoire font partie des exigences du respect de ‘l’Autre’. L’individu ne peut avoir de considération pour les cultures, les religions et les modes de vie différents des siens, 13 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 14 et ne peut s’ouvrir à eux, que s’il sent la reconnaissance, la stabilité sociale et la considération sur la base de la position et de la personnalité qui sont les siennes. Le rôle de l’enseignement de l’histoire La connaissance de l’histoire et sa compréhension sont nécessaires pour être en mesure de s’apprécier soi-même et de respecter les autres. L’histoire est une source qui enrichit les élèves en ouvrant devant eux une fenêtre pour connaître les impasses, les choix et les croyances qu’ont connus les hommes dans le passé. Elle les aide à développer leurs dons à travers la compréhension de leurs sociétés propres ainsi que celles des autres. L’importance de l’histoire se manifeste surtout dans le fait qu’elle aide les élèves à se poser des questions concernant le présent et à leur trouver des réponses, et ce grâce à leur interactivité avec le passé. Par l’enseignement de l’histoire, les générations montantes développent les capacités qui les préparent à la vie d’adultes, dans la mesure où ils apprennent à poser les questions importantes et à leur trouver des réponses, à évaluer les preuves, à analyser les différentes interprétations et à étayer les idées et les jugements auxquels ils parviennent. Dans une époque qui connaît des mutations rapides et déroutantes, l’étude de l’histoire devient un moyen qui permet aux jeunes générations de prendre des positions basées sur la connaissance et la pensée par rapport aux questions fondamentales de portée humaine. Le programme d’histoire qui est élaboré avec précision permet aux élèves de faire face aux stéréotypes et à éviter les visions superficielles, tout comme il leur permet de développer une compréhension approfondie des versions historiques qui comportent des aspects controversés. Les enseignants d’histoire et les auteurs des livres scolaires d’histoire jouent un rôle vital dans la préparation des générations montantes à développer leurs hobbys et à comprendre le pluralisme et la diversité qui caractérisent les différentes sociétés. En effet, ils peuvent aider à la formation de jeunes générations qui possèdent la curiosité intellectuelle, le sens critique, l’indépendance et l’ouverture d’esprit, aussi bien en Europe que dans les deux mondes arabe et islamique. Ces enseignants et auteurs peuvent également contribuer à la formation de la conscience des élèves et à leur donner les outils intellectuels qui leur permettent d’aborder les sujets de points de vues différents. En effet, les démarches qui permettent aux élèves de connaître l’histoire de leur culture et de leur société et leur apportent des interprétations et des explications diverses concernant celles-ci et qui leur apprend, en même temps, l’histoire et les interprétations de ‘l’Autre’, peuvent 14 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 15 aider ces élèves à envisager de manière positive la diversité culturelle et le pluralisme civilisationnel en les rendant aptes à accepter les différences et la vie en paix dans un monde pluriel. L’orientation les éleves vers la découverte de l’histoire L’étude de l’histoire revient à accomplir un voyage à travers le temps pour découvrir des lieux et des cultures parfois inconnus des élèves. Les leçons d’histoire peuvent aider les élèves à découvrir un monde éloigné à travers la compréhension des expériences et des valeurs qui étaient celles des hommes dans le passé. Les enseignants et les auteurs des manuels scolaires peuvent aider les élèves à identifier les réalités, à évaluer les sources, et à interpréter les faits et les situations. Ils peuvent ainsi associer les élèves au processus de recherche et les aider à former leurs propres opinions concernant les personnes, les situations et les événements qui ont marqué les époques passées. C’est ainsi que l’enseignement de l’histoire jouera son rôle grâce à l’aide qu’il apporte aux élèves dans le développement de leurs opinions propres sur la base de la règle du respect des preuves historiques, loin des préjugés et des stéréotypes. Dans le cadre de cette quête de la connaissance, il est inévitable de mener l’expérience qui consiste à se confronter psychologiquement avec les luttes et les blessures du passé, dans la mesure où il faut faire connaître aux élèves les questions historiques controversées et sensibles, telle l’histoire de la violence collective, des guerres, des croisades et de la colonisation. Mais comment faut-il enseigner ces questions conflictuelles ? Les enseignants et les auteurs des manuels d’histoire doivent traiter de ces sujets de manière directe, tout en étant conscients des dangers qui consistent, dans le cas d’espèce, à tracer des lignes de démarcation nettes et rigides entre ‘’nous’’ et ‘’ les autres’’. Pour éviter de tels dangers il est nécessaire de prendre les précautions méthodologiques qui permettent de placer la confrontation entre ‘’nous’’ et ‘’l’Autre’’ dans son optique véritable, dans la mesure où il faut éviter de présenter ‘’l’Autre’’ comme une source de menace pour des identités données, mais plutôt comme l’une des conditions de leur vitalité. Peut-être que le point le plus important à mentionner ici est que l’histoire se distingue par son caractère problématique et que l’enseignement et les manuels d’histoire ne doivent pas prêcher des vérités absolues ou des positions définitives. En effet, l’histoire est une branche de la connaissance qui comporte un discours critique, où s’interfèrent les opinions contradictoires et concurrentes. Le fait de 15 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 16 susciter l’intérêt des élèves par la controverse historique et de les aider à étudier un certain nombre d’interprétations historiques successives constituent un élément essentiel dans le développement de leur compréhension de l’histoire en tant que domaine de connaissances. Il est important que les livres scolaires d’histoire expliquent aux élèves que les questions passionnelles sujettes à controverse dans l’histoire permettent des interprétations diverses et, parfois, concurrentes. Les auteurs des manuels scolaires peuvent aider les élèves à dépasser la compréhension simpliste et unilatérale des événements et des situations du passé, et ce en portant à leur connaissance les différentes interprétations de l’histoire. Les défis liés à l’élaboration des manuels scolaires d’histoire Il est parfois exigé que les manuels scolaires d’histoire soient soumis à des exigences politiques données et de répondre aux pressions qu’impose le contexte social et culturel dans lequel ils sont enseignés. Dans certaines sociétés contemporaines, on impose des rappels spécifiques à des groupes ou sociétés donnés dans les manuels scolaires d’histoire. Mais si nous devons laisser une place aux souvenirs et au patrimoine au sein du discours historique dans les écoles, nous devons avoir la prudence de ne pas confondre histoire et mémoire. Parmi les défis difficiles auxquels sont confrontés les enseignants et les auteurs des manuels, il y a celui qui consiste à aider les élèves à dépasser les opinions unilatérales qu’ils peuvent avoir acquises sur des bases étrangères à la connaissance. Il n’y a aucun espoir d’aider les élèves à se départir d’une version légendaire du passé et à parvenir à une compréhension sensée de l’histoire sans la présentation de textes et de références scientifiques et objectives qui aident l’élève à connaitre le point de vue de ‘l’Autre’. Les livres scolaires d’histoire sont élaborés dans le cadre de l’orientation d’un programme scolaire d’histoire. D’où la nécessité, dans certains pays, de réviser le cadre général de l’enseignement de l’histoire en vue de présenter une orientation appropriée des livres scolaires, afin qu’ils encouragent l’adoption d’une compréhension de ‘l’Autre’ empreinte de plus de complexité. C’est ainsi que les Etats européens, arabes et islamiques ont besoin de programmes scolaires qui ne sont pas uniquement axés sur la connaissance historique, mais s’intéressent aussi aux concepts, aux processus et aux cheminements qui fondent la connaissance historique. Il faut, en particulier, que le programme d’histoire soutienne la démarche méthodologique multilatérale, tout comme il doit affirmer le besoin de l’étude des différentes interprétations de l’’histoire. Sans ce fondement solide sur lequel doit reposer le programme d’histoire, il est impossible de se représenter comment les 16 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 17 auteurs peuvent élaborer des manuels scolaires qui encouragent les élèvent à adopter une démarche multilatérale. Un autre contexte qui présente un défi plus important pour les auteurs des livres scolaires d’histoire est le fait que les leçons d’histoire ne sont pas la seule source à partir de laquelle les élèves développent leur connaissance et leur compréhension du passé. En effet, il existe d’autres facteurs qui jouent un rôle de plus en plus important dans la formation des connaissances des générations montantes et leur compréhension de l’histoire. Parmi ces facteurs, il y a la famille, la société, l’information, les musées et l’internet, ce qui impose aux auteurs des manuels scolaires de faire preuve de créativité dans les méthodes avec lesquelles ils élaborent les sources des connaissances de manière à ce que celles-ci soient interconnectées avec les autres moyens d’information. Il existe une grande diversité dans les objectifs et la nature des livres scolaires d’histoire, aussi bien en Europe que dans les mondes arabe et islamique. C’est ainsi que, dans certains pays, les professeurs d’université élaborent ces manuels qui sont soumis à l’approbation du gouvernement et ne sont utilisés, le plus souvent, que comme une simple source d’enseignement dans les cours d’histoire. Dans d’autres pays, les enseignants et les acteurs du secteur de l’éducation et de l’enseignement élaborent les livres scolaires ainsi que les autres sources de l’enseignement. Ces différences qui existent dans la réalité rendent difficile la généralisation en parlant des défis auxquels sont confrontés les auteurs des livres scolaires d’histoire. Mais, en faisant abstraction de leurs contextes et quelle que soit le milieu dans lequel ils travaillent, les auteurs des manuels scolaires doivent se poser les trois questions importantes suivantes : 1. Comment présenter aux élèves une expérience éducative significative ? Le bon manuel d’histoire est celui qui apprend aux élèves comment réfléchir. Il y arrive partiellement à travers le choix minutieux du contenu historique et des matières principales qui contribuent à approfondir la compréhension historique chez les élèves. Au lieu d’insister de manière exagérée sur l’histoire militaire et les batailles, le choix du contenu doit susciter l’attention sur l’histoire économique, politique, sociale et culturelle. Il doit présenter des visions globales concernant les aspects, les événements et les mutations importants. Il doit également couvrir un large champ de positions et de croyances, tout en tenant compte des expériences des femmes et des hommes ainsi que de la diversité et de la pluralité dans l’histoire de l’humanité. Les manuels scolaires qui ont de la valeur évitent le traitement superficiel de l’histoire et s’attachent à provoquer une accumulation des connaissances en alliant la concision de l’exposé et le 17 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 18 traitement approfondi de l’histoire, à travers le développement de la compréhension par les élèves des idées, des concepts, des processus et des cheminements qui fondent la discipline de l’histoire et qui se manifestent à travers : les traits distinctifs des âges, le changement et la continuité, la cause et l’effet, l’usage des preuves et la formulation des interprétations. La précision académique dans les livres scolaires d’histoire ne peut découler d’un survol rapide de longues époques du passé, mais plutôt à travers le mélange solide entre la vision globale et la connaissance historique approfondie à travers le développement d’une compréhension globale de l’histoire. 2. Comment présenter aux élèves un contexte éducatif incitatif ? Les livres scolaires qui encouragent les élèves à participer aux discussions relatives à des questions historiques données et qui offrent des activités éducatives incitatives, contribuent à faire de l’apprentissage de l’histoire une expérience agréable. L’élaboration des chapitres des manuels scolaires d’histoire dans le cadre de questions d’investigation telles ‘’quels étaient les centres d’intérêt des habitants de Cordoue au Moyen âge ?’’, ou encore ‘’qu’est-ce qui caractérisait Bagdad durant l’époque des Abassides ?’’, constitue l’un des styles qui offrent un contexte qui incite à apprendre. Il est important que les auteurs réfléchissent à des styles motivants à travers lesquels les élèves répondent à ce genre de questions. Les enseignants et les auteurs des manuels scolaires d’histoire peuvent proposer un ensemble de procédés qui incitent les élèves à exprimer les conclusions auxquelles ils ont abouti dans leurs tentatives de répondre à ces questions, et ce à travers la rédaction d’articles, l’organisation de débats, la présentation d’exposés visuels, la formulation de contes, la tenue de congrès, l’organisation d’expositions, la conception de scénarios pour des feuilletons télévisuels, etc. C’est ainsi que les manuels scolaires d’histoire peuvent encourager les générations montantes et les inciter à l’étude de l’histoire à travers le recours à ces formes concrètes qui expriment leur connaissances scolaires. 3. Comment rapprocher les manuels scolaires d’histoire des générations montantes ? Beaucoup de jeunes estiment que l’histoire est une matière difficile. Aussi fautil élaborer les manuels d’histoire de manière à garantir la simplicité dans la méthode d’enseignement de l’histoire et à éviter le simplisme dans sa lecture et dans l’exposition de ses événements, de leurs causes et motivations ; et ce en vue de mettre la matière d’histoire à la portée d’un grand nombre d’élèves de manière neutre et objective. Il est nécessaire d’aider les lecteurs en définissant des étapes claires et structurées dans le processus d’enseignement. Le chapitre qui débute par une source attirante, telle une belle photo ou une histoire passionnante, prépare les lecteurs à faire un voyage exaltant à travers l’histoire, à l’issue duquel 18 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 19 on peut attirer encore plus les lecteurs à travers la présentation d’un texte narratif bien construit qui jette un éclairage sur le passé à travers l’expérience des individus, sans le présenter comme une chaîne d’idées et de concepts complexes et abstraits, mais plutôt comme une branche de la connaissance dont les hommes constituent la substance. Nous constatons que beaucoup d’élèves trouvent difficile la matière d’histoire tout simplement du fait de leur manque de compréhension de cette matière et de ce qu’elle requiert quant à la nécessité de réunir plusieurs idées à la fois. Les nouveaux manuels scolaires d’histoire peuvent dépasser cela en proposant des activités diversifiées qui aident les élèves à choisir les informations et à suivre leur interpénétration, leur classification, leur rassemblement, leur intégration et leur harmonisation. Ils peuvent aider à la formulation du texte lui-même par l’utilisation d’un style clair et vivant appuyé par les effets visuels tels les graphiques et les photos illustratives. Le respect de l’histoire de l’Autre Il n’est pas rare que les enfants et les jeunes générations traitent l’histoire à travers la vision étriquée que présentent les légendes sociales et les moyens d’information. Les histoires qu’ils entendent concernant le passé sont souvent le reflet de préoccupations et de questions contemporaines, étant donné qu’il y a un penchant naturel qui consiste, en parlant de l’histoire de notre société, à évoquer uniquement les événements dont nous sommes fiers et non ceux dont nous avons honte. Malheureusement, le phénomène s’inverse souvent en parlant de l’histoire de ‘l’Autre’, dont nous exagérons alors les aspects négatifs et en occultons les aspects positifs. Pour beaucoup de ressortissants des deux mondes arabe et islamique, l’histoire de l’Europe est souvent liée à ses époques les plus controversées, dans la mesure où on met en exergue, le plus souvent, les croisades, l’expansionnisme sanguinaire des empires colonialistes d’Europe en tant qu’épisodes représentatifs de l’histoire de ce continent. Or, en dépit de la grande importance que revêt l’étude de ces phénomènes, il est tout aussi important de mentionner que la plupart des européens contemporains estiment que ces événements sont une composante importante de leur identité européenne à l’heure actuelle. Nombre d’entre eux s’accordent sur le fait que ces époques historiques sont sources de beaucoup de controverses et même d’embarras. C’est ainsi que beaucoup d’européens estiment qu’il y a d’autres développements historiques qui jouent un rôle non moins important dans le façonnement de l’identité européenne. Aussi trouvons-nous des exemples de réalisations historiques qui font la fierté des européens et qui ont apporté des progrès significatifs dans l’histoire de l’Europe. 19 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 20 Nous pouvons en citer : le patrimoine de l’ancienne civilisation grecque, le siècle des lumières et les concepts de l’humanisme, la laïcité, les droits de l’homme, le développement technologique depuis la révolution industrielle à nos jours, la libération de la femme et l’octroi de ses droits dans le XXème siècle. Pour beaucoup d’européens, l’histoire arabo-islamique se définit généralement par rapport à ses aspects les plus controversés. L’on peut citer comme exemple le début des conquêtes islamiques au détriment du pouvoir chrétien, ainsi que la menace que faisait peser l’Empire ottoman sur l’Europe. Commerçants européens en Orient islamique Cependant, il est important de mentionner que la majeure partie des arabes et des Musulmans s’accordent sur le fait que l’histoire de la culture arabo-islamique se caractérise fondamentalement par des expériences différentes et positives, telles que son interaction positive avec le patrimoine des cultures anciennes en Grèce, en Egypte, en Mésopotamie et en Perse, ainsi que la tolérance qui a caractérisé le pluralisme religieux dans les Etats islamiques, l’âge des lumières qu’a connu la culture arabo-islamique dans les domaines des sciences, des mathématiques et de la philosophie au cours du Moyen-âge et son apport au développement de la civilisation humaine, en plus de l’importance stratégique de la région du Moyen Orient dans l’époque contemporaine. Il est important que les auteurs des manuels scolaires reconnaissent les aspects positifs de l’identité de ‘l’Autre’. Ces auteurs jouent un rôle important dans la présentation des différents aspects de l’histoire, y compris aussi bien ceux qui sont controversés que ceux qui sont source de fierté dans l’histoire de ‘l’Autre’. 20 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 21 Les manuels scolaires qui ignorent l’interpénétration des relations entre l’Europe et les deux mondes arabe et islamique, qui mettent l’accent de manière exagérée sur la lutte des cultures, ou qui abordent ces relations d’un seul point de vue, représentent un danger à travers leur insistance, non voulue, sur l’existence d’identités individuelles uniques. Tout comme ils échouent à reconnaître l’enrichissement mutuel qui a résulté de l’histoire des échanges matériels et intellectuels entre l’Europe et le monde arabo-islamique. Les formes d’omission et de déformation Les études relatives aux manuels scolaires d’histoire en Europe et dans le monde arabe mentionnent l’existence de plusieurs cas d’omission et, parfois, de déformation, ce qui empêche les élèves de développer une connaissance plus profonde et plus objective de ‘l’Autre’. Cependant, il est important de souligner ici que ces cas d’omission ou de déformation n’expriment pas, généralement, une volonté délibérée de la part des auteurs des manuels scolaires de présenter une vision étriquée ou unilatérale de l’histoire, mais qu’elles sont plutôt dues au contexte politique et culturel global dans le cadre duquel sont élaborés les livres scolaires d’histoire. Des études analytiques menées sur des manuels scolaires en Europe et dans le monde arabo-islamique ont révélé certains cas courants d’omission et de déformation. C’est ainsi que nous trouvons que les manuels scolaires européens présentent l’Europe comme étant le centre ou l’axe autour duquel tournent les événements historique qui se sont déroulés dans le reste du monde. Les élèves européens étudient les cultures grecque et romaine comme étant la source de leur culture européenne. Mais ces manuels omettent parfois de mentionner le rôle important de la culture arabe et islamique en tant que facteur majeur qui a contribué au développement de l’Europe. En effet, les traductions des travaux réalisés par les érudits et philosophes musulmans ont été mises à profit durant des siècles en Europe, en tant que source principale de la naissance des sciences et de la philosophie modernes en Europe. La traduction de ces œuvres ont jeté les bases et les fondements de la plupart des sciences modernes, telles les mathématiques, la physique, la chimie et la médecine. Tout comme elles ont joué un rôle essentiel dans le domaine de la philosophie. Nombre d’expressions arabes sont encore présentes dans les langues européennes pour témoigner de cette influence culturelle. Les explorateurs européens n’auraient pu réussir dans leurs grandes découvertes sans les études géographiques et les inventions scientifiques réalisées par les arabes et les musulmans, notamment la cartographie et l’astrolabe, sans parler des 21 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 22 découvertes géographiques accomplies par les Arabes et les Musulmans. Il est donc regrettable que la plupart des manuels scolaires européens ne reconnaissent pas le mérite des scientifiques arabes et musulmans et ignorent leur contribution à l’essor de l’Europe et dans la civilisation humaine. Nous constatons également que les manuels scolaires européens ignorent souvent le fait que le monde arabo-islamique et l’Europe partagent ensemble le legs de la culture grecque. Tout comme ils ignorent parfois le concept de nation islamique et la longue histoire de tolérance de l’Islam vis-à-vis des autres religions. Certains de ces manuels scolaires ne consacrent pas l’espace qu’il faut pour faire ressortir la présence islamique et le croisement culturel et religieux en Europe même (en Espagne, en Sicile, en Bosnie ; etc.), tout comme ils font, parfois, l’impasse sur l’époque de la renaissance arabe à la fin du XIXème siècle. Enfin, parmi les domaines importants omis par les manuels scolaires européens figure la question des conséquences découlant du mouvement sioniste et l’occupation par Israël des territoires arabes, tant dans le passé que dans le présent, et leur effet sur les palestiniens et le monde arabo-islamique tout entier. Aristote et ses disciples, transmission de la philosophie et des sciences grecques en Europe, via les savants musulmans, librairie Topkapi, Istanbul 22 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 23 Nous pouvons également trouver des formes d’omission et de déformation dans les manuels scolaires dans les mondes Arabe et islamique. C’est ainsi qu’on ignore parfois les développements cruciaux et les événements historiques de l’Europe qui forment l’identité de nombre d’européens, tout comme ces manuels scolaires ont tendance à ne pas accorder l’attention qu’il faut à l’Eglise en tant qu’institution et abordent le christianisme d’un point de vue islamique et non du point de vue des chrétiens. Bien que les manuels scolaires dans le monde arabo-islamique mentionnent les luttes entre l’Etat et l’Eglise à l’époque de la renaissance, le mouvement de la réforme au sein de l’Eglise et les guerres de religions qui ont éclaté en Europe au début de l’époque moderne, en tant que développements qui ont laissé une empreinte visible sur l’identité européenne, il n’en demeure pas moins que certains manuels scolaires dans le monde arabo-islamique abordent l’époque de la renaissance et les facteurs qui sont à l’origine des différentes formes de laïcité dans les états européens d’une manière qui ne tient pas compte de manière scrupuleuse de la nature des contextes européens qui les ont engendrées. Au moment où nous constatons que les contributions des Arabes et des Musulmans dans la culture européenne et la civilisation humaine sont ignorées ou omises dans les manuels scolaires européens, nous retrouvons le même phénomène quant aux apports de l’Europe à la culture arabo-islamique dans certains manuels scolaires dans les mondes arabe et islamique. Les révolutions scientifique et industrielle en Europe ont ouvert un vaste champ de mutations. Au XIXème siècle, les progrès que l’Europe a connus dans les domaines de la médecine, de l’éducation, de l’enseignement et des communications ont eu un effet incontestable sur le monde arabo-islamique. Malgré les formes de confrontation militaire, on a enregistré plusieurs aspects d’osmose culturelle et d’échanges commerciaux et intellectuels depuis le début de l’ère coloniale. Nous constatons que certains manuels scolaires d’histoire dans les mondes arabe et islamique traitent parfois de ces sujets mais ne les présentent que rarement du point de vue qu’ils renferment un processus d’échanges culturels positifs entre l’Europe et les mondes arabe et islamique. Parmi les aspects courants de déformation dans les manuels scolaires en Europe et dans les mondes arabe et islamique, on peut citer la mise en avant des conflits armés. C’est ainsi que certains manuels scolaires européens présentent les débuts de l’histoire islamique comme une guerre ininterrompue avec l’Empire byzantin et s’attachent à décrire avec forces détails les batailles qui se sont déroulées entre les musulmans et les byzantins, et, par contre, omettent de mentionner le rôle qu’ont joué les commerçants musulmans dans la propagation de l’Islam dans nombre de pays et de contrées à travers le monde. 23 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 24 De leur côté, les manuels scolaires d’histoires arabo-islamiques présentent, parfois, les croisades comme étant des guerres religieuses entre les Musulmans, d’une part, et les Chrétiens européens, d’autre part, en faisant un lien direct entre ces croisades et le colonialisme européen, laissant ainsi entendre que ce que les croisés du Moyenâge n’ont pu réussir, les ‘’croisés de l’époque moderne’’ ont tenté de le réussir ont tenté de le réaliser plus tard. Ces deux approches sont tout aussi nocives l’une que l’autre. La première présente l’Islam comme une religion qui s’est propagée par le glaive et les Musulmans comme des ‘’ennemis’’. La seconde présente les européens uniquement comme ‘’des croisés’’, ‘’des colonialistes’’ et ‘’des ennemis’’. L’exagération dans l’évocation des confrontations militaires en parlant des formes de rencontres, dans le passé, entre l’Europe et les deux mondes arabe et islamique est une autre caractéristique des livres scolaires d’histoire en Europe. En effet, il n’est pas rare de les voir accorder beaucoup d’importance aux croisades, puis à l’histoire des confrontations en axant sur l’expansionnisme militaire de l’Empire ottoman et le siège de Vienne au XVIème et XVIIème siècle. Insister sur ces événements, surtout dans le contexte des actions terroristes qu’a connu le début du XXIème siècle, et dans le cadre des tentatives que mènent certaines parties malintentionnées pour déformer l’image de l’Islam et exacerber la tendance de ‘’l’islamophobie’’, est de nature à faciliter la présentation de l’Islam comme étant une menace permanente et dangereuse pour l’Europe. La version européenne basée sur les confrontations permanentes entre l’Europe et le monde arabo-islamique est une version non étayée historiquement, de la même manière que ne l’est pas celle qui pousse à croire que monde arabo-islamique est sous la menace d’une attaque permanente de la part de l’Europe. Les sensibilités religieuses et culturelles Les classes d’enseignement dans les pays européens comportent actuellement un grand nombre d’élèves musulmans. Aussi les auteurs des livres scolaires d’histoire enseignés dans les écoles européennes doivent-ils respecter la présence des Musulmans, et ce en élaborant des manuels scolaires équilibrés qui accordent une place suffisante à l’histoire du Monde islamique. Il est particulièrement important que ces manuels soient élaborés avec un style qui dénote d’une connaissance juste et d’un respect réel de ce que ces générations montantes peuvent avoir comme foi et comme culture. Parmi les questions qui attirent l’attention et que font ressortir certaines études relatives aux manuels scolaires, figure le manque de précision dans l’usage de 24 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 25 certaines terminologies. Ce qui conduit, par exemple, à former une opinion négative concernant la Charia qui est un terme qui se rattache presque toujours, dans le contexte européen, aux lois répressives entrainant de lourdes peines et à l’interprétation fondamentaliste de ces lois dans certains pays islamiques. C’est ainsi que la Charia évoque généralement et uniquement, dans l’optique européenne, les seules peines de flagellation, de lapidation et d’amputation. C’est pourquoi il revient aux auteurs des manuels scolaires européens de placer le concept de la Chria dans son contexte réel en partant du fait qu’il ne s’agit pas, à l’origine, d’un code pénal répressif, mais plutôt d’une législation globale qui réglemente les domaines public et privé et se compose d’éléments fondamentaux relatifs à la foi, à la vénération et aux enseignements islamiques. La Charia embrasse les domaines suivants : Les rites (les ablutions, la prière, le jeûne, la zakat, et le pèlerinage) Les transactions (les règles qui codifient les transactions financières, le waqf, l’héritage, le mariage, le divorce, la garde des enfants, la nourriture, les procédures pénales, la guerre et la paix, les affaires judiciaires, etc.) Les mœurs (la morale) : ils comportent les règles morales et de bonne conduite. Les questions relevant de la foi Les sanctions : elles concernent les peines qui s’attachent aux atteintes graves à la morale et à la pudeur. Il existe également un intérêt en Europe pour le concept du ‘’djihad’’ et qui est souvent traduit dans les manuels scolaires d’histoire européens par la formule ‘’guerre sainte’’ au lieu de son sens linguistique qui invoque le combat contre le mal d’une manière générale. Nous trouvons également que le mot ‘’djihad’, dans le patrimoine culturel islamique, renvoie surtout vers la lutte contre soi, contre ses mauvais penchants, afin que le Musulman joue pleinement son rôle dans le progrès de la société dans laquelle il vit. Les Musulmans n’ont connu le sens du concept de guerre sainte qu’avec les croisades dont ils ont été d’ailleurs les victimes. Le mot ‘’djihad’’ n’est employé dans le sens de lutte armée qu’au deuxième degré, tout en sachant qu’il faut toujours rappeler, qu’à l’origine, il s’agit d’un ‘’djihad défensif’’ ou combat pour se défendre contre l’agression, donc un combat légitime. L’action militaire dans l’Islam est considérée comme ‘’le combat mineur’’, tandis que ‘’le combat majeur’’, encore plus important, est le combat spirituel pacifique qui n’a aucune relation avec l’action militaire. Le statut de la femme compte également parmi les questions auxquelles s’intéressent les livres sur l’Islam édités en Europe, qui l’évoquent souvent sous 25 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 26 l’angle de la polygamie ou de l’héritage. Les élèves européens ne savent pas que la polygamie dans l’Islam est soumise aux conditions édictées par un verset coranique auxquelles il est difficile, et même presque impossible, de se conformer, et que si la fille hérite la moitié de ce qu’hérite son frère, il y a d’autres cas où la part de la femme dans l’héritage est supérieure à celle de l’homme. Parmi les autres qui questions chargées d’une sensibilité particulière, nous pouvons citer celles qui se sont ajoutées aux droits de l’homme. Présenter les droits de l’homme comme étant un produit direct des valeurs chrétiennes et européennes relève d’un simplisme patent. En effet, nous ne devons pas oublier que l’adoption des droits de l’homme n’est autre que le fruit des développements relativement récents de l’histoire de l’Occident. Nombre de chercheurs occidentaux estiment que les droits de l’homme ne sont pas le produit de la modernité en Europe, mais trouvent plutôt que leurs racines se prolongent dans les profondeurs de l’histoire de l’Islam. Dans ce cadre, les manuels scolaires arabes mentionnent ‘’la Charte de Médine’’ élaborée par le Prophète Mohamed (PSL) au VIIème siècle, après concertation avec les communautés juive et chrétienne qui résident à Médine, et qui garantit à ces deux communautés les mêmes droits et les mêmes devoirs que ceux accordés au musulmans qui résident dans la cité, y compris leur droit de pratiquer leurs religions, d’appliquer leurs lois, de construire leurs lieux de cultes, avec l’engagement de l’armée islamique d’assurer leur défense. Sur un autre plan, il arrive que les sensibilités religieuses et culturelles soient l’objet de digressions de la part des auteurs des livres dans les mondes arabe et islamique. Il est en effet important que les manuels scolaires arabes mentionnent que les chrétiens d’Orient ont toujours constitué une composante essentielle des sociétés islamiques depuis l’aube de l’Islam. Jusqu’à présent, les élèves musulmans étudient et vivent côte à côte avec les Chrétiens orientaux dans la plupart des écoles du Moyen-Orient. Les auteurs des manuels scolaires dans les mondes arabe et islamique doivent donc tenir compte de la nécessité impérieuse de respecter davantage la présence chrétienne dans les écoles arabes et islamiques. Au cours de l’élaboration des manuels scolaires, il est nécessaire de prendre en compte les particularités culturelles des élèves chrétiens et de mentionner l’apport des chrétiens d’Orient tout au long des différentes époques de l’histoire. Il est nécessaire de faire plus de lumière sur les différents aspects de la culture chrétienne orientale, représentée dans l’architecture, les monastères, les églises, les patriarcats, les nonces, les écoles et les hôpitaux, tout en axant sur le rôle des chrétiens orientaux dans la lutte contre le colonialisme européen. 26 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 27 Eglises d’Al-Quds Les auteurs des livres scolaires d’histoire dans les pays arabes et islamiques doivent également s’arrêter devant l’image sous laquelle ils présentent la culture et les concepts européens, qu’ils soient juifs ou chrétiens. Tout en insistant sur le fait que les états européens ont adopté le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et qu’ils ont, de ce fait, atteint un degré de laïcité où la religion relève désormais du domaine privé, ils doivent insister également sur le pluralisme qui caractérise l’Europe. Dans nombre de pays européens l’Eglise constitue encore un facteur agissant dans la politique, la société et les principes de l’Etat. En Allemagne, par exemple, l’Etat collecte l’impôt au nom des églises. Plusieurs institutions, telles les jardins d’enfant, les écoles et les œuvres sociales, reçoivent des subventions de l’état, et la reine d’Angleterre demeure encore à la tête de l’église anglicane. Si nous procédons à une analyse de l’image des Européens, des Chrétiens et des Juifs présente dans les manuels scolaires arabes et islamiques, nous constatons que ces religions sont parfois présentées du point de vue des valeurs et de la morale islamiques. Or, il est plus judicieux que les auteurs des manuels d’histoire dans les mondes arabe et islamique présentent les concepts chrétiens et juifs d’un point de vue qui ne se limite pas uniquement à la vision islamique, mais qui intègre aussi les visions chrétienne et judaïque. Il existe des exemples d’une telle approche dans la pensée islamique moderne, tels les écrits de Abbass Mahmoud Al Aqaad, de l’Emir Al Hassan Ibn Talal, entre 27 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 28 autres écrivains musulmans, dont les œuvres publiées présentent des informations justes sur la foi chrétienne, sur l’église et sur les principales factions chrétiennes, ainsi que sur tout ce qui se rapporte aux concepts basés sur le nouveau testament et sur le patrimoine chrétien. Une telle approche positive doit également être adoptée dans l’élaboration des livres scolaires d’histoire. Pour éviter le traitement imprécis de certaines questions dans l’élaboration des livres scolaires d’histoire en Europe et dans les deux mondes arabe et islamique, il est préférable d’associer des représentants d’autres religions à l’élaboration de ces manuels. En Allemagne, il est devenu d’usage que des représentants des autres religions procèdent à la révision des chapitres des livres scolaires qui traitent de leurs religions. La Syrie a initié un nouveau projet qui consiste à faire écrire les chapitres qui traitent de la foi chrétienne dans les matières de l’éducation islamique par des chercheurs chrétiens, au même moment où des chercheurs musulmans écrivent les chapitres qui traitent de la foi islamique dans les matières de l’éducation religieuses chrétienne. De telles approches aident à éviter les digressions de part et d’autre, tout comme elles représentent un cheminement positif dans le processus de l’élaboration des manuels scolaires d’histoire aussi bien en Europe que dans les deux mondes arabe et islamique. 28 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 29 Chapitre 2 Identification des formes de rencontres positives avec ‘l’Autre’ Les livres scolaires d’histoire en Europe et dans les mondes arabe et islamique sont parfois dominés par la mise en relief de la confrontation historique. C’est ainsi que les manuels d’histoire en Europe ont tendance à s’étendre de manière exagérée sur les conquêtes islamiques et les croisades dans leur traitement de l’histoire des premières époques de l’Islam. De leur côté, les manuels scolaires arabo-islamiques ont tendance à exagérer les effets négatifs de l’impérialisme européen. L’excès dans la mise en évidence des luttes représente une vision étriquée du passé. Cette tendance représente un véritable danger à l’orée du XXIème siècle qui voit le durcissement des positions de nombre de jeunes. Le fait de se concentrer sur ‘l’Autre’ en le présentant comme un agresseur ne fait que jeter l’huile sur le feu de la confrontation. Aujourd’hui, nous avons besoin plus que jamais de nous retourner sur les nombreux exemples de convergence avec ‘l’Autre’, et sur ces longues périodes historiques où la coexistence entre les peuples, les cultures et les religions était une situation normale et une réalité vécue. Dans cette partie du présent Guide, nous nous arrêterons devant quatre domaines d’étude historique qui peuvent aider les élèves à développer une compréhension plus riche et plus profonde concernant les relations passées entre le Monde araboislamique et l’Europe. Il s’agit de la philosophie et des sciences au Moyen-âge, du commerce au Moyen-âge et dans les débuts de l’époque moderne, de l’Andalousie et de l’architecture. La philosophie et les sciences au Moyen-âge Le développement intellectuel qu’ont connu les mondes arabe et islamique durant les IXème et Xème siècles est certainement l’un des plus importants dans l’histoire de l’humanité. Il est donc nécessaire de faire connaître à la jeunesse d’Europe et du monde arabo-islamique cette époque importante et ses aspects qui ont fait que son influence s’est perpétuée jusqu’à nos jours pour marquer la vie des générations montantes actuelles. 29 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 30 Les auteurs des manuels scolaires doivent aborder cet essor intellectuel d’une manière qui s’accorde avec les études spécialisées les plus récentes qui font ressortir l’interaction civilisationelle et l’osmose culturelle qui se sont produites durant l’époque abbasside. En effet, pour mesurer le rôle joué par les chercheurs arabes et musulmans dans les domaines de la philosophie et des sciences, il est nécessaire de le placer dans un large contexte culturel qui s’étend jusqu’à la Perse, l’Inde, la Chine et l’Afrique. En expliquant l’influence de la culture arabo-islamique sur l’Europe durant le Moyen-âge, les auteurs des manuels scolaires doivent insister sur le rôle central de l’Islam dans la propagation de la science et du savoir ainsi que dans le développement de la pensée et l’usage de la raison. Ils doivent, en même temps, attirer l’attention des élèves sur l’importance des facteurs économiques, tels les échanges commerciaux à travers de longues distances dans le développement de la connaissance et de la compréhension humaine. Les manuels scolaires doivent placer le mouvement de traduction dans son contexte historique précis. Le IXème siècle a connu un véritable essor de la traduction, à l’époque des Abbassides, surtout sous le règne du Khalife musulman Al-Maamoun. Ainsi, de nombreux apports scientifiques et culturels à la civilisation humaine ont eu pour point de départ ‘’Beyt El-Hikma’’ à Bagdad, grâces aux traducteurs chrétiens, juifs et musulmans arabes et non arabes. La traduction a fait de grands progrès, sous le règne d’Al-Maamoun, qui se sont poursuivis durant les règnes de ceux qui lui ont succédé parmi les Khalifes musulmans, pour atteindre l’Andalousie sous le règne du Khalife musulman Aderrahmane Naçer et de son fils Al-Hakam Almoustansir. 30 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 31 La philosophie Yakoub Ibn Ishâq Al-Kindî La philosophie islamique est née de l’activité intellectuelle remarquable dans laquelle les musulmans perses, arabes, turcs, berbères et autres ont joué un rôle actif. Cependant, l’apport des arabes musulmans s’est distingué de manière particulière, ce qui nous amène à présenter la philosophie islamique comme étant une philosophie arabe. Le début du IXème siècle a vu la naissance d’une philosophie arabe islamique remarquable, avec l’avènement de grands philosophes tels Al-Kindi (le philosophe des arabes), Al-Farâbî (le deuxième maître), Ibn Sinâ (le Cheikh principal) et Ibn Rochd (le petits-fils). En abordant la philosophie arabe, les auteurs des manuels scolaires se doivent d’attirer particulièrement l’attention des élèves sur les deux points essentiels suivants : La relation entre la science et la religion : La philosophie islamique s’est caractérisée par certains aspects dont l’analyse de la question de la divinité à travers une vision globale et intégrale qui Al-Farâbî s’appuie sur l’abstraction et le rationnel. En s’appuyant sur le rationalisme, les philosophes musulmans ont fait usage de la raison et de la logique dans l’interprétation des textes religieux. D’Al-Kindi à Ibn Rochd, les penseurs musulmans se sont employés à réconcilier les différentes écoles philosophiques pour parvenir à une approche complémentaire entre la philosophie et la religion. A titre d’exemple, le savant chimiste Jaber Ibn Hayyan s’est appuyé, dans ses travaux sur l’expérimentation et l’observation, tandis qu’Al-Kindi s’est employé à prouver l’existence d’Allah à travers les mathématiques. 31 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 32 L’étude par les philosophes musulmans de la philosophie grecque et leur apport à celle-ci a eu son influence sur les fondements philosophiques en Europe. Ibn Rochd (Averroès) Al-Ghazali Thomas d’Aquin Les philosophes européens ont procédé à la traduction de nombres de textes arabo-islamiques durant le Moyen-âge dont, notamment, ‘’Kitab Chifaa’’ d’Ibn Sinâ et ‘’Tahafout Attahafout’’ d’Ibn Rochd. La pensée islamique a contribué à ancrer les conceptions scientifiques telles l’examen minutieux (la vérification et l’exploration), l’induction et la formulation des hypothèses. Il existe beaucoup d’exemples qui illustrent l’influence culturelle araboislamique sur l’Europe dans le domaine de la philosophie. C’est ainsi que Thomas d’Aquin s’est inspiré de la démarche intellectuelle des imams et philosophes musulmans, tels Al-Kindi et Al-Ghazali. Une autre illustration du niveau de propagation de la philosophie islamique réside dans le degré de diffusion de ‘’la méthode d’Ibn Rochd’’ basée sur l’observation rationnelle et qui était enseignée dans les écoles françaises sur ordre du roi Louis XI. Quant au troisième exemple, il se révèle dans la pratique philosophique consacrée au renforcement des critères scientifiques pour juger de la viabilité de la production intellectuelle avant son acceptation ou son rejet. Cette pratique méthodologique était l’essence même de la philosophie d’Ibn Rochd. 32 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 33 Les sciences Al-Khawarizmî Il est important pour les élèves de savoir que les apports de la culture arabo-islamique à la connaissance scientifique ne se sont pas limités au seul mouvement de traduction. En effet, les penseurs et les chercheurs arabes et musulmans n’étaient pas seulement de simples traducteurs, mais plutôt des producteurs d’idées. Ils commentaient les textes et développaient les idées scientifiques à travers les expériences pratiques pour confirmer l’authenticité de la pensée. La créativité dont ont fait preuve les Arabes et les Musulmans durant la période située entre le IXème et le XIème siècle, surtout dans les domaines de l’astrologie, des mathématiques et de la médecine, leur a permis d’apporter une grande contribution au progrès scientifique de l’humanité. Les Arabes ont également joué un rôle remarquable dans l’étude des différents opérateurs de calcul, y compris le calcul différentiel et le calcul intégral, l’algèbre, la géométrie, le calcul des triangles, l’amélioration des systèmes de numérotation indienne Descartes et arabe, y compris l’ajout de l’usage du zéro. Ils ont également mis en place les règles de l’algèbre, inventé les symboles et développé les équations jusqu’au quatrième degré et transmis le système décimal à l’Europe. AlKhawarizmi est considéré comme l’un des plus grands promoteurs de la pensée mathématique humaine au plan universel. Il est utile de mentionner une autre des empreintes que les Arabes et les Musulmans ont laissées en Europe dans le domaine des mathématiques, à savoir celle d’avoir fait connaître la numérotation arabe à l’Europe. D’une manière générale, on peut considérer que les principaux apports des arabes au développement des mathématiques sont : Le système de numérotation La division du calcul différentiel et intégral en deux procédés, l’un théorique et l’autre pratique L’invention de la multiplication par l’usage de la toile des logarithmes Les équations du troisième degré 33 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 34 Dans la science physique, Jaber Ibn Hayyan a posé la théorie du mercure et du phosphore dans la composition des minerais. Al-Razi devait plus tard y ajouter une matière salée. Grâce à leurs efforts scientifiques, la réforme apportée à la théorie des minerais, comme étant composés de sel, de phosphore et de mercure, était la théorie dominante en Europe jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Jabir Ibn Hayân Ibn Al-Haytham Léonard de Vinci Les découvertes et les travaux de nombreux chimistes arabes ont joué un rôle déterminant dans l’histoire des sciences et de la civilisation. Les minéraux acides, l’alcool et l’usage de la poudre figurent parmi les plus importantes de ces découvertes. Dans le domaine de la physique, s’est distingué Ibn Al-Haytham dont le livre ‘’Kitab Al-Manadhir’’ qui traite de la science de l’optique a été traduit vers le latin et a eu une grande influence sur Roger Bacon, Léonard de Vinci et Johannes Kepler. Les Arabes ont été les premiers à jeter les bases de l’idée de l’espace aérien de la terre, de la force d’attraction terrestre et de la force de la centrifugation, qui ont fondé les travaux de Newton. Roger Bacon Johannes Kepler 34 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 35 Les Arabes ont brillé dans les domaines de la médecine et de la pharmacie grâce au fait qu’ils ont allié les expériences médicales grecques, indiennes et chinoise. Les cursus des études médicales arabes se composaient de deux cycles, le premier théorique et le second pratique et comporte un entrainement sur la manière de prodiguer les soins et la médicamentation. Abu Bakr Al-Râzî Les européens ont acquis leur connaissance de la médecine et de la pharmacie grâce aux savants arabes, tels Al-Razi, Ibn Sinâ, Ibn Zahr et Ibn Rochd, auteur du livre ‘’AlKulliyat fi T’tib’’. Le premier grand hôpital et la première grande formation théorique et pratique des médecins remontent à l’âge d’or de l’Islam. Les écoles et instituts de médecine européens ont recouru, dans leur enseignement et dans le développement de nouvelles techniques médicales, aux ouvrages arabes de médecine traduits vers le latin. Les auteurs arabes et musulmans des livres scolaires d’histoire s’accordent à louer cette époque historique, tout comme certains manuels scolaires en Europe Ibn Sîna (Avicenne) insistent fortement sur les progrès scientifiques et ème culturels qu’a connu le X siècle à Bagdad, ainsi que sur l’importance de ces progrès pour la pensée et la compréhension scientifique en Europe. Cependant, les manuels scolaires d’histoire européens peuvent jeter encore plus de lumière sur les aspects de convergence positive entre l’Europe et les deux mondes arabe et islamique. 35 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 36 Le commerce au Moyen-âge et au début de l’époque moderne : Le commerce a toujours constitué un trait d’union entre les mondes arabe et islamique, d’une part, et l’Europe, d’autre part. Le fait de mettre en exergue les relations commerciales durant le Moyen-âge et les débuts de l’époque moderne crée un équilibre dans le rapport des forces en ce qui concerne les luttes et les conflits qu’ont connu ces époques historiques. Quels sont les aspects des relations commerciales qui peuvent éveiller la curiosité des élèves ? Et quels sont les dimensions spécifiques au commerce qui peuvent constituer l’objet d’études de cas intéressants dans les manuels scolaires d’histoire ? Il y a un certain nombre de versions qui peuvent être présentées dans ce cadre, à savoir : Le commerce au Moyen-âge et l’importance de la région méditerranéenne. Avec la fin du Moyen-âge, l’Europe possédait d’importants ports commerciaux à Gênes, Venise, Pise, Amalvie, Marseille et Barcelone. Tout comme il y avait des ports florissants en Orient et au Maghreb, tels Alexandrie, Akka, Beyrouth, Antakiya, Tunis et Tripoli. Ces deux derniers ports constituaient des centres pour le commerce de transit entre l’Europe et l’Orient et le terminus des caravanes commerciales venant d’Afrique et d’Asie. Parmi les sujets dignes d’être enseignés aux élèves figurent certainement la nature du commerce au Moyen-âge, l’importance de la région méditerranéenne et les différents ports existants à cette époque. Le changement des modes de l’activité commerciale depuis le XVIème siècle. En effet, le début du XIème siècle a vu la rupture du monopole qu’exerçaient Gênes et Venise sur les réseaux des échanges commerciaux. Les Portugais avaient réussi à dépasser la Presqu’île Arabique et le Détroit d’Ormuz pour fonder des relations directes avec la Perse et l’Inde. De leur côté, les Anglais et les Hollandais ont réussi à dominer une partie du marché du Bilad Chaam (ancienne Syrie), tandis que les Français ont mis à profit leur alliance avec les Ottomans pour renforcer leur position commerciale dans l’ancienne Syrie et au Maghreb Arabe. Ces mutations qu’ont connues les modes de l’activité commerciale peuvent représenter des études de cas intéressants dans les manuels scolaires. L’influence des échanges commerciaux sur la mobilité et les migrations. Parmi les résultats dignes d’intérêt qui ont découlé de l’activité commerciale entre l’Europe et les mondes arabe et islamique figure la formation de nouvelles sociétés cosmopolites dans les ports et les centres commerciaux. Les groupes de commerçants venant de Marseille, de Livorno, de Pise, de Gênes et de Venise s’établissaient dans divers ports des deux mondes arabe et islamique, tels Alexandrie, Akka, Antakiya, Istanbul ou Tunis. Aussi, les expériences des commerçants qui on vécu dans les sociétés de ‘l’Autre’ ou qui ont traité avec elles 36 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 37 de près peuvent-elles constituer un sujet intéressant d’études qui aident à changer nombre de stéréotypes répandus concernant ‘l’Autre’. La nature des privilèges commerciaux. Les gouvernants musulmans ont accordé, à divers moments de l’histoire, des privilèges spéciaux aux commerçants européens. C’est ainsi que les Mamluks et, après eux, les sultans hafsides, puis les gouvernants perses et ottomans ont établi des relations diplomatiques avec certains états européens et signé des traités de paix et des accords commerciaux avec les différentes républiques italiennes. Certains de ces accords ont comporté des clauses qui permettent aux commerçants chrétiens de développer leurs activités dans les pays arabes et islamiques. Il leur a été permis de résider dans des lieux particuliers, des ‘’hôtels’’, qui leur offraient le gite et où ils entreposaient leurs marchandises. Les expériences des commerçants européens et les mobiles qui ont poussé les gouvernants arabes et musulmans à leur accorder des privilèges commerciaux, font partie des sujets qui méritent d’être étudiés. L’influence du commerce sur la vie quotidienne en Europe et dans les mondes arabe et islamique . Au Moyen-âge et au début des temps modernes, le commerce avait grandement influencé et changé la vie courante des gens en Europe et au monde arabo-islamique. Ainsi, les nouvelles manières de construire, de s'habiller, de se nourrir et de se comporter pourraient constituer un fascinant sujet d'étude pour les élèves. En cette période, le commerce a également entrainé d'importants échanges de savoir, en ce sens qu'il a activement contribué au transfert des techniques, des arts et des sciences telles que la médecine, les mathématiques ou la philosophie. Par exemple, la relation directe qui liait les européens avec les Arabes musulmans a favorisé la mise en place de nouveaux systèmes comptables et financiers, de même qu'elle a amélioré les systèmes de navigation. En mettant la lumière sur les différentes manières par lesquelles le commerce influait la vie des gens, les étudiants pourront découvrir et comprendre un aspect important de l'échange interculturel. L’Andalousie : Etude du cas de coexistence religieuse et de tolérance culturelle Nous avons besoin, aujourd’hui plus que jamais, que les livres scolaires d’histoire se retournent sur ces longues périodes de l’histoire où la coexistence entre adeptes de religions différentes était le mode dominant et la situation normale. Plusieurs zones géographiques et étapes historiques peuvent être prises comme exemple à cet égard. En effet, des formes de coexistence et de convergence arabo-européens fructueux ont été connues en Sicile au cours du Moyen-âge, en Inde sous le règne des sultans Mogols musulmans dans les XVIème et XVIIème siècles et en Bosnie dans les XVIIIème et XIXème siècles. 37 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 38 Mais nous trouvons dans l’Andalousie du Moyen-âge un contexte qui peut être le plus riche et le plus à même de susciter la curiosité des élèves quant au pluralisme, à la diversité, à la tolérance et à la coexistence à travers l’histoire des relations euroislamiques. La longue histoire de l’Andalousie, depuis l’arrivée d’Abderrahmane Dakhel à Cordoue dans la moitié du VIIIème siècle jusqu’à l’expulsion du dernier des Nasrides en 1492, présente une version complexe, celle des conflits et de l’animosité et celle de la paix et de la tolérance. En effet, depuis le début du XIème siècle, l’agression chrétienne et les divisions au sein des Musulmans ont conduit à une déchirure en Andalousie. Cependant, les gouvernants musulmans en Andalousie ont réussi à créer une culture épatante au sein de laquelle Musulmans, Chrétiens et Juifs ont coexisté dans un contexte de paix et de prospérité relatives. L’Andalousie islamique était devenue, durant les IXème et Xème siècles, l’un des centres les plus vivants et les plus actifs du monde, grâce à la conjugaison de la force militaire, de l’activité commerciale, de l’éducation et de la science dont elle était le creuset. L’Andalousie avait représenté le point géographique et l’instant historique où ont coexisté, côte à côte, les adeptes des trois religions et où ils ont créé, malgré leurs différences et leurs conflits épisodiques, une culture riche et prospère basée sur la pluralité des identités et la tolérance mutuelle. Les premiers gouvernants musulmans d’Espagne avaient fondé leur pouvoir sur une interprétation éclairée du concept des dhimmis (‘’Ahl dhimma’’)’. Ainsi, les adeptes des trois religions ontils partagé la vaste culture qui refuse l’extrémisme religieux et politique, et œuvre pour un développement intellectuel, artistique et esthétique. La Grande Mosquée de Cordoue 38 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 39 Le premier défi auquel sont confrontés les auteurs des manuels scolaires dans leur écriture de l’histoire de l’Andalousie consiste à définir un domaine particulier sur lequel doit se concentrer l’enseignement des élèves. Certaines questions de recherche peuvent dégager un espace pour l’étude de l’histoire de l’Andalousie. Parmi celles-ci : Pourquoi les historiens sont-ils incapables de s’accorder entre eux en ce qui concerne l’Andalousie ? Que révèle l’histoire de la Mosquée de Cordoue ? Qu’est ce qui intéressait les gens, malgré leurs différences, dans l’Andalousie du Xème siècle ? Qu’est ce qui conférait à Cordoue son caractère remarquable au Xème siècle ? Comment les habitants de Cordoue voyaient-ils leur monde au Xème siècle ? Que pouvons-nous apprendre des édifices et de l’architecture de l’Andalousie ? Qu’est ce qui a mis fin à la paix et à la tolérance en Andalousie ? Quel est l’instant qui a vu le changement le plus rapide qu’a connu l’Andalousie ? Que devons-nous retenir de Cordoue pendant le Xème siècle ? Quant à la question ‘’que révèle l’histoire de la Mosquée de Cordoue ?’’, elle permet d’adopter une méthode à même de suivre le temps, pas à pas, dans l’étude de l’histoire de l’Andalousie et donne aux élèves l’occasion de comprendre les aspects du changement et de la continuité qui ont façonné l’Espagne islamique. Les élèves remarqueront que l’Andalousie a vu se succéder et, parfois, coexister des périodes de restrictions et parfois de répression avec des périodes d’essor de la coopération dans les domaines du commerce, des arts, des sciences et de l’osmose entre les cultures. Cette narration historique peut couvrir les principales étapes qui ont marqué l’extension et la décoration de la Mosquée de Cordoue et finir par la décision choquante, prise au début du XVIème siècle, de construire une cathédrale au cœur même de la Mosquée. Les élèves peuvent être invités à s’arrêter devant ce que révèle l’histoire de la Mosquée de Cordoue concernant les questions suivantes : Le penchant des Musulmans vers l’art et l’esthétique, La relation entre Musulmans, Chrétiens et Juifs, La relation entre Cordoue et le Monde islamique dans toute son étendue Parmi les aspects les plus importants de l’étude du passé pour les générations montantes figurent l’analyse et la présentation des images du pluralisme et de la diversité. Nombre d’élèves trouveront une difficulté intellectuelle à se départir de leurs idées préconçues liées au XXIème siècle et à s’accorder avec des croyances et des positions totalement différentes des leurs. Il est donc judicieux d’analyser les croyances et les positions des habitants de l’Andalousie du Xème siècle à travers l’orientation de l’attention des élèves pour s’arrêter devant la question qui dit : ‘’qu’est-ce qui intéressait les gens, malgré leurs différences, dans l’Andalousie du Xème siècle ?’’ Tout comme on peut raconter l’histoire de l’Andalousie des IXème et 39 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 40 Xème siècle et inviter les élèves à méditer sur l’opinion des différentes communautés musulmane, chrétienne et juive quant à la manière de gagner sa vie et quant à la religion, la science, l’art, l’esthétique, la justice, l’équité, le passé de l’Andalousie et son avenir. L’art et l’architechture Palais de l'Alhambra à Grenade Le monde arabo-islamique et l’Europe ont produit durant des siècles un certain nombre des plus impressionnants types d’art et d’architecture dans le monde. L’un des plaisirs de la vie consiste à découvrir les réalisations artistiques et architecturales produites par notre culture et par son interaction avec les arts et l’architecture de ’l’Autre’. L’un des objectifs principaux de l’éducation doit être celui de cultiver et de nourrir le sens de l’admiration vis-à-vis de la capacité des hommes à la création. Le programme scolaire d’histoire peut jouer un rôle important dans l’éveil de la curiosité autour des édifices et des arts propres aux différentes cultures. Cependant, 40 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 41 il y a là un danger qui réside dans l’omnipotence, dans les manuels scolaires, des sujets relatifs à la politique, à l’économie et aux conflits, ce qui empêche les jeunes générations à prendre connaissance du patrimoine artistique créé par leurs propres cultures et celles des autres à travers les programmes d’histoire. La Cathédrale de Reims Les auteurs des livres scolaires d’histoire et les professeurs d’histoire peuvent aider les élèves à nourrir un sens de l’esthétique orienté vers le caractère saisissant de l’architecture et des arts. Ils peuvent offrir un espace et un temps qui permettent aux élèves d’admirer la beauté de ‘’la Mosquée des Omeyade’’ à Damas, la Mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher à Al-Qods Al-Charif, la Cathédrale de Reims en France, la Mosquée du Sultan Ahmed et l’Eglise Aya Sophia d’Istanbul, ou les mosquées et les écoles de Fès. Ils peuvent également encourager les élèves à avoir une attitude interactive avec le génie artistique du hollandais Peter Bruegel, la beauté de la calligraphie arabe et des arts décoratifs islamiques. Le développement du sens de l’esthétique et de 41 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 42 Aya Sophia d'Istanbul l’admiration de l’architecture et des arts qui ont caractérisé l’histoire des sociétés arabo-islamiques et européennes est une partie importante de l’étude de l’histoire. Cependant, l’histoire offre aux élèves bien plus que cela. A travers l’examen du contexte historique qui a vu la création de l’art et du monument architectural, l’histoire peut aider les élèves à apprendre des leçons importantes concernant la relation entre l’art, le monument architectural et la société dans le passé. Les livres scolaires d’histoire comportent généralement des photos ou des dessins des immeubles et des arts pour illustrer les différentes époques ou aspects historiques. Mais quand on place les idées concernant les croyances, la force, la 42 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 43 politique et la vie quotidienne au centre de l’action éducative, il revient alors aux auteurs des livres scolaires de susciter chez les élèves une compréhension plus profonde de la relation entre l’art, l’architecture, la société et le passé. Tout au long des siècles, les habitants des deux mondes arabe et islamique et d’Europe ont développé l’art et l’architecture en tant qu’expression directe de la foi. En effet, les édifices religieux ont toujours Ibn Khaldoun exprimé la foi. Depuis le VIIème siècle, l’Islam a profondément influencé les arts et l’architecture de nombres de contrées à travers le monde. On peut voir cette expression esthétique de la foi dans un bel exemplaire du Saint Coran, ou dans l’architecture intérieure ou extérieure d’une mosquée donnée, ou encore dans les designs de toute autre œuvre artistique religieuse. Tout comme on peut trouver dans les cathédrales, les églises, les synagogues et les œuvres artistiques religieuses en Europe un témoignage de la relation intime entre l’architecture, l’art et la foi chrétienne au Moyen-âge. L’étude des édifices et des arts dans leurs contextes religieux et sociaux peut aider les élèves à comprendre les situations et les croyances fondamentales qui étaient celles des gens dans les sociétés antérieures. L’historien arabe et musulmans Ibn Khaldoun (1332-1406) a affirmé que les villes et les autres monuments historiques reflètent les familles régnantes sous lesquelles ils ont été édifiés. Parmi les fonctions importantes qu’ont accompli l’art et l’architecture, tant en Europe que dans les mondes arabe et islamique, figure celle d’avoir renforcé le pouvoir des gouvernants et de l’élite. L’étude de la relation entre le pouvoir et l’art peut être un sujet attirant pour les élèves. L’on peut choisir une ville, un édifice ou une œuvre artistique donnés pour servir d’introduction à une telle étude. Parmi ces exemples, on peut citer la ville de Bagad à l’époque Abbasside, le palais d’Abderrahmane III en Andalousie, le palais d’Alhambra à Grenade, le palais de Versailles, un fort ou une demeure rurale quelconque, ou un portrait peint d’un gouvernant donné. Etablir le lien, dans les manuels d’histoire, entre un édifice ou une œuvre d’art et ceux qui l’ont bâti ou réalisée, est un moyen par lequel les auteurs de ces manuels et les enseignants aident à développer la connaissance et la compréhension de l’histoire par les élèves. 43 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr Mohamed II 25/11/13 12:37 Page 44 Parmi les exemples pertinents de l’utilisation d’un portrait pour aborder des sujets plus larges concernant le pouvoir, on peut mentionner l’une des œuvres artistiques de la cour impériale ottomane. En 1994, à la suite du traité de paix entre l’Empire ottoman et la ville de Venise, le gouverneur de cette dernière envoya l’artiste vénitien Gentile Bellini pour travailler dans la cour du Sultan ottoman Mohamed II. Au cours de son travail dans cette cour, Bellini a peint un portrait du Sultan, qui est devenu le célèbre tableau exposé actuellement dans la salle nationale des arts à Londres. Ce tableau comporte beaucoup d’éléments impressionnants pour les jeunes générations. L’on peut alors poser la question suivante aux élèves : qu’inspire ce tableau par rapport à la personnalité et à l’autorité de Mohamed II ? Quels sont les effets politiques, diplomatiques, matériels et culturels qui se cachent derrière ce portrait ? Bellini avait fixé le sujet de son tableau dan un moment précis, qui montre l’essence du gouvernant musulman dans le cadre de l’ère de la Gentile Billini renaissance. Bellini a ainsi servi de pont qui relie l’Europe et le monde ottoman. Il a appris certaines choses de l’art islamique durant son séjour à Istanbul et, de leurs côté, les artistes musulmans ont assimilé les techniques picturales dans lesquelles excellaient les italiens. Se concentrer sur un seul artiste dans un laps de temps donné est une bonne méthode pour aider les élèves en Europe et dans les mondes arabe et islamique à comprendre les profondes influences culturelles réciproques. Plus précisément, les XVème et XVIème siècles présentent un riche contexte pour étudier les relations qui existaient entre l’Europe les mondes arabe et islamique. Au cours de ces dernières années, les historiens ont procédé à la réécriture de la version du XIXème siècle concernant l’époque de la renaissance européenne avec ce que l’Europe a connu de prospérité dans les domaines des arts et de l’architecture alors qu’elle était restée loin de toutes les influences extérieures. C’est ainsi que les historiens contemporains reconnaissent maintenant la grande importance de l’activité commerciale et des échanges culturels entre Constantinople, à Bagdad et à Pékin. Nous retrouvons ainsi, dans les tableaux d’artistes tels Giotto, Uccello et Fra Angelico, des écritures en arabe (généralement 44 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 45 tirées du Saint Coran) peintes sur les habits des Saints et sur les portraits de la Vierge. De tels détails peuvent rappeler aux élèves que la renaissance européenne a été le produit des échanges entre les différentes croyances et cultures. Enfin, les études qui se rapportent aux demeures, aux jardins, aux hôpitaux, aux écoles, aux agences, aux échoppes, aux usines, à la céramique, aux meubles et autres édifices et œuvres d’art, peuvent aider les élèves à comprendre les structures de la vie quotidienne dans le passé. L’analyse détaillée des maisons et du mobilier des demeures des paysans dans un village de France au Moyen-âge, l’analyse du domicile d’un commerçant de Damas ou de Fès, la comparaison de l’environnement architectural à Londres et au Caire au XVème siècle, sont autant de sujets qui ouvrent des fenêtres sur la diversité et le pluralisme dans l’histoire des sociétés d’Europe et des deux mondes arabe et islamique. La Mosquée Al-Qarawiyine à Fès 45 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 46 Les échanges culturels entre l’Europe et les mondes arabe et islamique ont toujours été réciproques tout au long de l’histoire. Par conséquent, il faut jeter plus de lumière sur ces échanges dans les manuels scolaires d’histoire. Les auteurs des manuels scolaires et les enseignants peuvent attirer l’attention des élèves par l’étude de l’influence de l’architecture islamique sur l’Europe durant le Moyenâge, ainsi que par l’observation du patrimoine architectural qui porte le témoignage d’influences multiples à Palerme, Cordoue, Fès, Al-Qods et le Caire. Une plus grande mise en valeur des réalisations artistiques et architecturales des habitants de l’Europe et des mondes arabe et islamique et de la longue histoire de l’interaction positive entre ces deux cultures, offrira une riche expérience éducative à tous les élèves. 46 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 47 Chapitre 3 Découverte de modèles historiques chargés d’aspects émotionnels et polémiques, et proposition d’altenatives Malgré toutes les formes de rencontre positive entre les mondes arabe et islamique et l’Europe dans le passé, l’histoire mentionne également des époques qui ont vu des confrontations et des conflits. La leçon d’histoire peut offrir aux élèves un espace ‘’sécurisé’’ pour étudier ces aspects controversés de l’histoire. Les manuels scolaires d’histoire jouent un rôle central pour aider les élèves à étudier les événements controversés à partir de points de vue différents et avec des méthodes qui ne renforcent pas les stéréotypes concernant ‘l’Autre’. Le meilleur procédé pour cela consiste à présenter l’histoire comme étant un contenu et une forme de connaissance. Il ne suffit pas de porter les réalités relatives à l’évènement qui comporte des aspects émotionnels et controversés à la connaissance des élèves, mais il faut plutôt intégrer les réalités cognitives au sein d’un processus éducatif qui englobe d’autres aspects, tels l’étude des sources originelles et les différents points de vue contemporains. Le fait que les auteurs des manuels scolaires mettent l’accent sur le processus de recherche scientifique en tant que tel peut aider les élèves à comprendre la complexité qui caractérise les évènements historiques controversés et de dépasser la position qui voit les évènements du passé d’un point de vue unique : ou blanc ou noir. Le traitement des versions historiques différentes et les procédés par lesquels on peut voir les évènements historiques de points de vue différents constituent un autre aspect de la pratique juste de l’enseignement de l’histoire. Il est de la plus haute importance de souligner les procédés que les hommes ont suivi au cours des âges ultérieurs pour la refondation et la révision des versions relatives aux événements historiques controversés, et la mise en exergue de l’objectif visé derrière les différentes explications et interprétations historiques, ainsi que la relation entre les interprétations et les preuves disponibles à l’heure actuelle. Parmi les facteurs qui menacent la fiabilité de l’enseignement des aspects de l’histoire porteurs de passions et de controverses, figure le fait d’ignorer que l’histoire, en tant que telle, est une matière sujette à la controverse et à la discussion. 47 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 48 Ce chapitre s’articule sur cinq aspects émotionnels et controversés dans l’étude de l’histoire en ce qui concerne la relation entre l’Europe et le monde arabo-islamique, à savoir : la propagation de l’Islam, les croisades, l’Europe et l’Empire ottoman, le colonialisme européen et la relation de l’Europe avec le conflit israélo-arabe. On s’arrête ici devant des questions historiques et pédagogiques précises dans leur relation avec ces évènements historiques, tout comme on présente des propositions quant aux méthodes idoines pour les traiter. Les conquêtes islamiques Les conquêtes islamiques ont atteint l’Empire sassanide dès le premier siècle après la mort du Prophète Mohamed (PSL). Il s’agit des territoires qui englobaient l’Irak et l’Iran actuels. Les armées islamiques ont poursuivi vers le nord et l’ouest dans les profondeurs de l’Empire byzantin et ont conquis Bilad Chaam et l’Egypte. En 705, les conquêtes islamiques avaient atteint l’Afghanistan d’aujourd’hui et, en 711, elles avaient atteint le nord de l’Inde et l’Asie centrale. Ces conquêtes se sont également étendues vers l’Ouest. En 700, les Musulmans avaient établi leur domination sur toute la côte nord de l’Afrique et, en 711, les armées islamiques avaient conquis l’Espagne. Ces conquêtes ne se sont arrêtées qu’en France avec la bataille de Potiers en 732. Ainsi donc, les conquêtes islamiques et la propagation de l’Islam au cours des XIIème et XIIIème siècles auront été parmi les développements les plus importants qu’a connu l’histoire de l’humanité. Les conquêtes islamiques représentent un sujet qui revient régulièrement dans les manuels scolaires européens. Dans une étude comparée réalisée en 1995 concernant l’image de ‘l’Autre’ dans les livres scolaires d’histoire dans sept pays de la région méditerranéenne (France, Espagne, Grèce, Egypte, Jordanie, Liban et Tunisie), il est apparu que la présentation de l’Islam dans les manuels scolaires européens commence généralement par la narration ‘’des expansions islamiques’’. Une autre étude, réalisée dix ans après, mentionne la persistance de la même concentration sur les ‘’expansions islamiques’’. Les conquêtes islamiques sont mentionnées dans nombre de manuels scolaires européens comme étant des conquêtes purement militaires. En effet, au lieu de commencer par l’explication des concepts islamiques et des principes de l’Islam ainsi que par le rôle des commerçants musulmans dans la propagation de l’Islam en dehors de toutes batailles ou guerres, certains manuels scolaires européens présentaient les armées islamiques soumettant les peuples par la force, ‘’exerçant contre eux toutes les formes d’humiliation et pillant leurs biens et leurs richesses’’. Nous trouvions certains manuels scolaires qui présentent une image stéréotypée des conquérants musulmans en tant qu’agresseurs et razzieurs qui 48 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 49 portent avec eux la terreur et représentent une source de menace extrême et permanente pour leurs voisins. Au cours des dernières années, les auteurs des livres scolaires européens ont commencé à encourager les élèves à développer une conscience plus profonde dans leur compréhension de la propagation de l’Islam. Le fait de poser la question de savoir quelles sont les raisons dérrière la propagation de l’Islam représente une approche causale qui attire l’attention des élèves et à travers laquelle on peut faire connaître aux élèves nombre de ces causes d’ordre militaire, économique, religieux et social. Il s’agit, en tout cas, d’une question qui se situe au cœur de l’étude de l’histoire. En effet, les historiens ont divergé sur l’interpénétration de ces causes ainsi que sur le meilleur procédé pour expliquer le succès de l’Islam, ce qui peut encourager les élèves à formuler leurs arguments propres à eux quant à ces causes. Les auteurs des manuels scolaires peuvent renforcer la logique causale chez leurs élèves en ce qui concerne la propagation de l’Islam par divers procédés. Ils peuvent, par exemple, présenter un grand nombre d’’’idées causales’’ qu’il reviendra aux élèves de classer de diverses manières pour sortir avec une interprétation causale convaincante. Les ‘’idées causales’’ suivantes peuvent aider les élèves à parvenir à une preuve et à formuler un argument causal convaincant en ce qui concerne la propagation de l’Islam : Les deux grands empires (byzantin et sassanide) n’avaient plus la force de combattre les musulmans après s’être épuisés dans la guerre qu’ils se livraient eux-mêmes. La foi des Musulmans les a poussés à l’héroïsme sur le champ de bataille. La religion islamique interdit la guerre d’agression et autorise la guerre pour l’auto-défense seulement. Aussi faut-il faire la distinction entre certains événements historiques et la religion islamique et ses commandements. Beaucoup de peuples abhorraient leurs anciens dirigeants et ont considéré les Musulmans comme des libérateurs. L’impôt que les chrétiens et les juifs versaient aux nouveaux gouvernants musulmans était plus léger que celui qu’ils versaient à leurs anciens gouvernants byzantins ; Les gouvernants musulmans étaient généralement plus tolérants que les Chrétiens byzantins vis-à-vis des Chrétiens et des Juifs. L’occasion était offerte à certaines tribus arabes pour s’enrichir en participant aux conquêtes islamiques. 49 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 50 Les Arabes étaient des soldats aguerris qui possèdent la combativité, la rapidité de mouvement et la capacité de surprendre l’ennemi. Les armées arabes possédaient des armes impressionnantes, tels le catapulte. Les Arabes avaient bâti une force maritime. Les Arabes n’ont pas contraint les Chrétiens et les Juifs à embrasser l’Islam. Les commerçants arabes ont contribué à la propagation de l’Islam qui a pénétré dans certaines contrées grâce à eux. L’Islam avait unifié les Arabes, ce qui a accru leur force. Ainsi les armées arabes avaient une force suffisante pour mater les révoltes et les rebellions dans les régions sous leur domination. Les berbères se sont joints en Afrique du Nord aux armées islamiques, ce qui a augmenté la force de celles-ci. Les enseignants ont contribué à l’appel des populations pour embrasser l’Islam, surtout en Afrique et en Asie. Le fait de faire connaître aux élèves un vaste champ de facteurs de causalité et de les inviter à formuler leurs interprétations de ces causes constituent deux stratégies adaptées pour les aider à dépasser les interprétations superficielles et simplistes qui ne présentent ‘l’Autre’ que sous le visage d’un agresseur. Les croisades Les croisades qui ont eu lieu entre le XIème et le XIIIème siècle ont constitué un tournant majeur dans les relations entre l’Europe et le monde arabo-islamique. Pour ce dernier, ces croisades sont devenues l’un des épisodes historiques les plus controversés de ses relations avec l’Europe. Présenter les croisades de manière superficielle et simpliste dans les manuels scolaires d’histoire en Europe et dans le monde arabo-islamique peut conduire à la formation d’une compréhension limitée des croisades chez les élèves. Les manuels scolaires européens continuent encore à présenter parfois les croisades d’un point de vue européen. Conformément à ce qui figure dans les manuels scolaires européens, l’objectif principal des croisades était la libération des lieux saints à AlQods des mains des ‘’impies’’. Ces ‘’impies’’ étaient les Musulmans dont les Chrétiens ont prétendu qu’ils avaient occupé la ville sainte et maltraité les Chrétiens orientaux et les pèlerins européens lors de leurs visites des lieux sacrés du Christianisme dans la ville d’Al-Qods. Certains manuels scolaires arabo-islamiques, 50 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 51 quant à eux, présentent les croisés comme des personnes non civilisées dominés par la violence et la boulimie. Ils se fondent sur le fait que les croisés n’ont pas respecté le caractère sacré ni des lieux saints, ni des civils. Nous trouvons également que certains auteurs de manuels scolaires arabes utilisent un style emphatique pour magnifier la grandeur des victoires remportés par les Musulmans sur les croisés. Nous n’avons pas vécu une étape historique où l’étude des croisades revêt une importance aussi grande que celle qu’elle revêt à l’époque actuelle où s’est accrue la tendance à donner une coloration religieuse aux conflits en cours, alors que la confrontation existe entre ceux qui ignorent les commandements des religions célestes ou entre ceux qui veulent les instrumenter pour justifier leurs politiques ou réaliser leurs desseins. En effet, nous constatons que la proportion de la violence dont les justifications sont religieuses connaît un accroissement à l’échelle mondiale. Les élèves se trouvent exposés quotidiennement à un flot impressionnant d’images médiatiques et d’informations concernant des massacres perpétrés au nom de la religion, alors que celle-ci y est totalement étrangère. Nombre de protagonistes du conflit religieux utilisent la terminologie de ‘’guerre sainte’’ et de ‘’croisades’’ pour présenter un alibi moral à l’usage de la force. Ils vont même souvent jusqu’à établir un lien direct entre les ‘’croisades’’ et les conflits actuels, lien qui se fonde uniquement sur des représentations mentales et non sur les réalités historiques. La compréhension de l’histoire des croisades et les réactions dues à la connaissance partielle et partiale de ces guerres religieuses en font un sujet riche qui mérite d’être étudié. Les croisades sont devenues, au cours de ces dernières années, un sujet qui bénéficie d’une attention particulière dans le domaine académique spécialisé. Aussi les auteurs des manuels scolaires doivent-ils être au fait des démarches méthodologiques ainsi que des discussions et de la controverse historique en cours, dues aux efforts de recherche actuels. Nous trouvons qu’il y a trois aspects qui dominent les travaux de recherche actuels concernant la consignation de l’histoire des croisades, et qui traitent des sujets suivants : les discussions concernant ce qu’ont été en fait les croisades, l’analyse et la présentation des arguments sur les mobiles des croisés et les points de vue qui diffèrent concernant la nature de la société croisée. Comment les croisades étaient-elles ? Le problème de la définition des croisades a conduit à une certaine controverse entre les historiens. A cet égard, on peut identifier six démarches méthodologiques différentes. a. Les historiens enturbannés : Ce sont ceux qui placent les premières croisades dans le contexte continu de la guerre chrétienne sacrée et ne voient, par conséquent, aucune différence entre les premières croisades avec ce qui les a précédées. 51 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 52 b. Les historiens classiques : Ils se basent sur l’importance fondamentale pour les croisades de la ville d’Al-Qods et des terres sacrées. c. Les historiens consensualistes : Ce sont ceux qui se fondent sur le pouvoir papal en tant que spécificité distinctive des croisades. C’est pourquoi ils étendent le champ de la recherche dans l’espace (pour englober la Presqu’île ibérique, la région de la Baltique et les autres contrées européennes) et dans le temps (pour englober les XVIème et XVIIème siècles). d. Les historiens populistes : Ils estiment que les croisades sont nées de la religiosité populaire. Il s’agit d’une démarche qui se retrouve chez des historiens d’une génération antérieure, mais qui peut connaître un regain avec l’acquisition de plus de connaissances sur les mobiles des participants aux croisades parmi ceux d’entre eux qui n’avaient pas de motivations militaires. e. Les historiens informatifs : Ce sont ceux qui affirment que les croisades font partie de l’expansionnisme européen chargé d’animosité religieuse, et sont un produit des développements économiques, sociaux et culturels que l’Europe a connus après l’écroulement du pouvoir de l’Empire romain, ainsi qu’une sécrétion de l’interaction entre l’Eglise et la Féodalité qui a amené les forces féodales, la bourgeoisie naissante, le clergé, les chevaliers et les paysans à embrasser l’idéologie croisée, chacun à partir de l’interprétation qui lui est propre et qui sert ses intérêts de classe, le débarrasse de ses problèmes intérieurs et lui procure les acquis matériels qu’il était impossible pour l’Europe du XIème siècle, avec sa situation économique dégradée et ses conditions de vie humiliantes, de lui offrir. f. Les historiens marxistes : Ils considèrent que les croisades étaient des projets colonialistes et d’occupation qui visaient à asservir les peuple sous la bannière de la Croix, prenant comme preuve les souffrances qu’ont endurées les Balkans du fait de la sauvagerie des croisés durant la campagne populaire et les premières croisades, en plus du fait que l’Empire byzantin est tombé victime de la quatrième croisade au début du XIIIème siècle. Les mobiles des croisés : L’étude des raisons qui ont poussé les gens à porter la croix et de leurs attentes quant aux résultats d’un tel acte, occupe un riche domaine de la recherche historique et a soulevé une controverse sans fin entre les historiens. Certaines études récentes indiquent que seul un tout petit nombre de ceux qui ont participé aux premières croisades se sont établis dans les terres qu’ils ont occupées et que la tentation de posséder une nouvelle terre en orient n’a pas été le mobile principal de leur établissement. D’autres études indiquent que le mobile des croisades était d’ordre économique et politique sous la bannière de la croix et les considèrent comme le premier des projets colonialistes européens. 52 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 53 La nature de la société croisée : Certains chercheurs historiens insistent sur la nature de la société née dans les Etats croisés durant les XIIème et XIIIème siècles ainsi que sur le degré d’intégration des peuples de ces Etats. Cette démarche méthodologique offre un domaine qui suscite l’intérêt des élèves parce qu’elle leur apprend comment l’archéologie, la géographie historique et les arts peuvent contribuer à former une compréhension de l’histoire. Les historiens français du XIXème siècle ont avancé une idée selon laquelle ‘’la société franco-syrienne’’ est apparue dans les Etats croisés avec l’intégration des colons occidentaux dans la société autochtone, ce qui a produit une culture unique. Les historiens Joshua Prawer et Ottito Samuel ont attaqué ce point de vue dans les années cinquante et soixante du XXème siècle, partant du fait qu’il faut considérer les colons occidentaux comme appartenant à une classe dirigeante distincte des habitants autochtones par la langue et la religion, ainsi que par leur recours à la violence pour imposer leur existence. Au cours de ces dernières années, les études menées par Rony Alain-Blum présentent une vision plus complexe à travers le traçage des formes d’établissement dans la campagne et à travers l’étude récente qu’il a menée sur les forts des croisés. Nous constatons également que Yaroslav Fulda expose, dans ses études sur l’art croisé, l’idée de l’existence de concordance et d’interpénétration culturelles. Il est important que les auteurs des manuels scolaires s’appuient sur les études récentes et s’emploient à faire participer les élèves aux discussions académiques sur les croisades. Il est particulièrement important que les élèves dépassent la vision unilatérale des croisades et y explorent les images de l’Autre. Parmi les études de valeur dans ce domaine, et auxquelles peuvent se référer les auteurs des manuels scolaires européens, on peut citer, par exemple, le livre d’Amin Malouf, intitulé ‘’Croisades : Points de vue islamiques’’, qui présente un inventaire complet, détaillé et analytique des visions islamiques et offre un grand nombre de sources intéressantes, y compris des référence à la littérature populaire, aux édifices, aux photos et aux mémoires arabes, ces sources aident les élèves à connaître les visions qu’avaient les Musulmans des Francs du temps des croisades. De telles sources présentent des exemples de la qualité de la convergence culturelle que les générations montantes doivent connaître et comprendre, parce qu’elles leur offrent l’occasion de découvrir les situations, les valeurs, les thèses et les activités de la vie quotidienne chez les chrétiens (autochtones et européens) et chez les Musulmans et les juifs quand ils vivaient cote à cote durant les XIIème et XIIIème siècles. Les auteurs des manuels scolaires peuvent également associer les élèves à suivre les différentes manières avec lesquelles ont été interprétées les croisades, tant en Europe que dans le monde arabo-islamique. L’insistance sur la manière dont sont présentées les croisades dans les tableaux, les pièces de théâtre, les films, les restaurations, les 53 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 54 expositions des musées et les œuvres romancières et non romancières, aide les élèves à acquérir les facultés du questionnement et de la critique, dans la mesure où ils perçoivent que les différentes interprétations reflètent les conditions qui les ont engendrées et où ils appréhendent les mobiles de ces interprétations. L’Europe et l’Empire ottoman L’année 1453 représente un tournant décisif dans l’histoire du monde. La conquête de Constantine par les Ottomans a conduit à l’émergence d’un grand empire qui a duré longtemps. Durant les XVème et XVIème siècles, tous les pays arabes ont été annexés à l’Empire ottoman, à part certaines parties de la Presqu’île arabique, le Soudan et le Maroc. Les débuts de l’époque moderne ont vu la mobilisation par l’Empire ottoman d’une part importante de ses ressources et de ses forces pour étendre son influence au centre et l’est de l’Europe. L’année 1453 peut ne pas être connue de la part de nombre d’élèves en Europe bien qu’elle occupe un grand espace dans la mémoire collective des Européens et des Ottomans. Les batailles, telles celle de Mohach (connue parfois sous le nom de bataille de Mohàcs en 1526), le siège de Vienne (1529), puis la bataille de Vienne (1683) et la bataille de Lepante, représentent des marques importantes dans les relations entre l’Europe et l’Empire ottoman. L’un des points les plus sensibles de ces relations se situe peut-être dans les Balkans où les échos des conflits militaires des XIVème, XVème et XVIème siècles ont eu des suites graves qui se perpétuent à nos jours. Les auteurs des manuels scolaires ne doivent pas ignorer les conflits passés entre l’Europe et l’Empire ottoman, mais doivent plutôt prendre en compte le fait que ces sujets doivent être traités avec prudence si l’on veut éviter de consacrer une opinion stéréotypée de ‘l’Autre’ en tant qu’ennemi et en tant que menace permanente. La mise en exergue des conflits ne doit pas prévaloir dans les manuels scolaires si leurs auteurs veulent développer chez les élèves une compréhension académique plus précise et plus riche des relations entre l’Europe et l’Empire ottoman. En effet, ces relations ne se sont pas limitées à l’animosité absolue. On peut orienter les élèves vers une compréhension plus profonde du passé grâce à l’étude d’un autre type de relations entre l’Europe et les Ottomans dont les échanges techniques constituaient une dimension importante. C’est également le cas des échanges commerciaux, sachant que l’activité commerciale durant les premiers siècles de la vie de l’Empire ottoman était dominée par les commerçants de Venise et de Gênes, avant d’être dominée par les français et 54 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 55 les Britanniques au XVIIIème siècle. Les états européens ont œuvré, à partir du XVIème siècle, à consolider ces relations commerciales avec l’Empire ottoman à travers l’établissement d’ambassades et de consulats européens à Istanbul, au moment où les souverains européens ont établi de nombreuses alliances avec le Sultan Ottoman contre des ennemis communs. Parmi les développements importants qu’a connus la recherche historique en Europe, figure l’étude des récits d’européens ‘’lambda’’ qui ont visité l’Empire ottoman au début de l’ère moderne. Certaines de ces études commencent à influencer les livres scolaires. C’est ainsi que, par exemple, nous trouvons qu’un manuel scolaire anglais met l’accent sur le récit rapporté par Thomas Dalm, l’inventeur de l’harmonium grâce à l’usage de la technique de fabrication des montres de précision, et qui a voyagé en 1599 de l’Angleterre vers Istanbul lorsque la Reine Elisabeth II a vu en l’harmonium précis un présent digne d’être offert au Sultan ottoman Mohamed III. Elle a alors demandé à Thomas Dalm de porter l’harmonium au Sultan dans l’espoir que ce cadeau le convaincra d’étendre les privilèges commerciaux pour englober la société anglaise de Bilad Chaam. Sultan Suleiman Les auteurs de ce manuel demandent aux élèves de lire le récit du voyage de Thomas Dalm et de méditer sur ce qu’il rapporte quant aux positions de l’homme par rapport au Monde islamique et aux relations de l’Angleterre avec l’Empire ottoman au cours de cette période. Il s’agit là d’un bon exemple de la capacité des auteurs des manuels scolaires à aider les élèves à dépasser les images stéréotypées des sociétés du passé à travers la mise en valeur des aspects de la complexité des relations de convergence individuelle entre Européens et Musulmans. Parmi les autres stratégies que les auteurs européens des manuels scolaires peuvent adopter pour dépasser la représentation par les élèves européens des Ottomans comme étant ‘’l’ennemi’’, celle qui se fonde sur la mise en exergue de la nature même de l’Empire ottoman. Elaborer les manuels scolaires de manière à ce qu’ils comportent plus d’intérêt pour un certain nombre de Sultans ottomans chacun à part, s’intéresser à la ville d’Istanbul, à la résidence des sultans, au gouvernement ottoman, au patrimoine ottoman islamique, à l’art architectural ottoman, aux positions des ottomans vis-à-vis des chrétiens et des juifs, sont autant d’éléments qui aideront les 55 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 56 élèves à développer une compréhension plus profonde quant à l’Empire ottoman. En vue de développer les capacités intellectuelles des élèves, il est utile d’intégrer au manuel scolaire un chapitre qui tourne autour d’une question de recherche. Les auteurs doivent utiliser des questions historiques précises qui servent aussi à attirer l’attention des élèves et à éveiller leur curiosité. Les questions suivantes peuvent offrir de bonnes occasions d’enseignement concernant la nature de l’Empire ottoman : Quel est le côté de ‘’magnifique’’ chez le Sultan Soliman ? Quelles étaient les choses importantes pour les sultans ottomans ? Comment les sultans ottomans manifestaient-ils leur force ? Qu’est ce qui conférait au Siège du pouvoir ottoman toute sa spécificité ? Qu’est ce que les différentes sources peuvent nous apprendre sur les ottomans ? Pourquoi les Ottomans doivent-ils rester présents dans la mémoire ? Quels étaient les points de différence entre Paris et Istanbul au XVème siècle ? Quand est ce que l’Empire ottomans a atteint son apogée ? Qu’est ce qui a conduit à la disparition de l’Empire ottoman ? Pourquoi les historiens n’arrivent-ils pas à se mettre d’accord concernant l’Empire ottoman ? Parmi les aspects particulièrement sensibles dans les relations entre l’Europe et les Ottomans figure le rôle joué par les pays européens dans l’écroulement de l’Empire ottoman et l’instauration du ‘’protectorat européen’’, ce qui a conduit à un changement du rapport des forces dans la région. Il est particulièrement important de mentionner que les injustices attribuées à l’Etat ottoman n’étaient pas dirigées contre les seuls Européens, mais se sont également étendues aux arabes d’Orient et n’avaient aucune justification islamique. La preuve en est qu’une partie des Arabes orientaux se sont alliés aux Européens dans la première guerre mondiale. Il est également important de développer chez les générations montantes, tant en Europe que dans le monde arabo-islamique, une compréhension claire de l’importance que revêt le déclin de l’Empire ottoman et le lien entre la chute de cet Empire et leur vie d’aujourd’hui, ainsi que les raisons qui peuvent pousser les gens à avoir des interprétations différentes pour ces évènements. Les auteurs des manuels scolaires se doivent de faire une pause pour réfléchir profondément aux réalités historiques qu’ils sélectionnent pour les intégrer dans les livres scolaires d’histoire, tout comme on a besoin de réfléchir sur l’axe idoine autour duquel doit tourner le processus d’enseignement. En écrivant sur la fin de l’Empire ottoman, les auteurs des manuels scolaires entrent dans un champ d’interprétations miné. En effet, de par leurs différences et pour des raisons diverses, les gens observent les évènements de la période 1917-1921 de points de vue différents. A titre d’exemple, les versions des historiens divergent concernant l’ampleur du rôle joué par les Arabes et sur leur participation aux 56 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 57 événements qui ont marqué cette période. Les interprétations présentées par certains moyens d’information affirment la trahison des puissances occidentales vis-à-vis de l’Empire sans suivre le contexte dans lequel ont agit les hommes politiques. C’est ainsi que nous voyons que le film ‘’Lawrence d’Arabie’’ réalisé par David Lean (1962) a contribué à créer une vision légendaire de ces évènement dans l’imagination populaire. Parmi les démarches méthodologiques et pédagogique utiles, on peut citer le fait de présenter une interprétation donnée comme sujet à étudier par les élèves. Les auteurs des manuels scolaires disposent de plusieurs interprétations parmi lesquelles ils peuvent choisir, dont notamment : les interprétations académiques (s’appuyer sur des citations de livres et d’articles des historiens académiciens), les interprétations romantiques (citations d’œuvres romantiques et de pièces de théâtre), les interprétations pédagogiques et éducatives (les manuels scolaires, les musées, les théâtres des évènements historiques et les documentaires télévisuels) et les interprétations populaires (les imaginations populaires, les sites archéologiques et les moyens d’information). On peut inviter les élèves à observer les points suivants : l’objectif de l’interprétation et le public qu’elle cible ; la relation entre l’interprétation, les preuves et les arguments disponibles ; comment l’interprétation subit-elle l’influence de son auteur (du point de vue de son penchant idéologique, de ses valeurs, de sa nationalité et de sa personnalité). La mise en exergue explicite, dans les manuels scolaires, des différentes manières avec lesquelles ont été interprétés certains événements du passé, peut ouvrir les esprits des élèves devant les différents points de vue et offrir une stratégie adaptée pour le traitement, en classe, des aspects historiques chargés de facteurs émotionnels ou controversés. Le colonialisme européen Le XIXème siècle a vu la domination du monde par les puissances européennes. L’accroissement de la production des usines et les progrès dans le domaine des communications ont conduit à une extension du commerce européen. Ces développements ont été accompagnés par un accroissement de la force militaire des Etats européens et à la conquête, par ces forces militaires, de certaines parties des Mondes arabe et islamique. La première grande victoire européenne sur un état arabo-islamique a été la conquête de l’Algérie par la France (1830-1847), suivie par la soumission de l’Egypte et de la Tunisie au pouvoir de l’Europe, puis par l’occupation du Maroc et de la Libye ainsi que d’autres pays arabes. L’époque coloniale est proche historiquement de la nôtre, c’est pourquoi elle est considérée 57 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 58 comme une époque difficile pour nombre de pays des mondes arabe et islamique et d’Europe. Aussi, l’enseignement de l’époque coloniale pose-t-il des problématiques méthodologiques données. En effet, quelles sont les approches méthodologiques les plus efficientes pour répondre aux exigences de la recherche historique et aux besoins pédagogiques et éducatifs des jeunes générations ? La colonisation européenne est présentée dans certains manuels scolaires du monde arabo-islamique comme un acte d’agression pur et simple de la part des colonisateurs vis-à-vis des populations. Certains manuels scolaires considèrent le mouvement colonial du XIXème siècle comme un retour des croisades. Le christianisme est parfois accusé d’être à la source de cet expansionnisme illégitime au XIXème siècle, et ce dans le but de déstabiliser le monde arabo-islamique et de porter atteinte à sa cohésion culturelle et morale. Dans ce cadre, on établit un lien entre l’impérialisme et les activités des missionnaires religieux qui avaient pour objectif de convertir les peuples soumis à la colonisation au christianisme. Certains manuels scolaires mettent en exergue les aspects de la violence liés à l’expansion du colonialisme européen et présentent les colons comme des envahisseurs barbares et cruels. Tout comme il ne faut pas justifier le colonialisme et ses pratiques - mais plutôt le condamner -, il faut aussi le dissocier des mobiles religieux qu’on lui attribue. Durant une longue période, les manuels scolaires européens penchaient pour l’affirmation de l’idée de ‘’mission civilisatrice’’ en tant que mobile véritable du mouvement colonial. Conformément à ce qui est mentionné dans certains manuels scolaires, le colonialisme européen n’avait pas d’autre but que des objectifs ‘’civilisateurs’’, c'est-à-dire le progrès de la science et de l’éducation, la garantie de la couverture sanitaire, la construction des routes et des ports. Les manuels d’histoire actuels penchent vers l’adoption d’une approche moins inféodée à la vision européenne en traitant du mouvement colonialiste. Certains utilisent une démarche basée sur les questions de recherche et qui vise à éveiller l’attention des élèves par un certains nombre de questions se rapportant à des aspects divers du mouvement colonial, tout en les encourageant à former leurs opinions et leurs points de vue à travers la découverte de certaines sources historiques et interprétations diverses. Cependant, la réalité des choses indique que les points de vue et les sources historiques liées aux expériences et aux attitudes des peuples qui ont été soumis au colonialisme dans le monde arabo-islamique, ne sont pas encore suffisamment représentés dans les manuels scolaires européens. Pour aider les élèves à développer une compréhension plus profonde du colonialisme européen, nous pensons qu’il serait utile que les auteurs des manuels 58 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 59 scolaires en Europe et dans le Monde islamique œuvrent pour approfondir la connaissance des élèves par rapport aux cinq caractéristiques qui distinguent le mouvement colonial, à savoir : Le mouvement colonial européen a été l’un des développements les plus importants de l’histoire mondiale. Il a conduit à l’appropriation par l’Europe de vastes territoires situés hors des frontières du Continent européen. Ce qui a permis de renforcer les réserves générales de l’Europe ainsi que les armées, les affaires commerciales et l’Eglise, et ce sur une large échelle. La colonisation a été imposée par la force des armes aux pays qui ont été envahis. En effet, la violence a précédé la colonisation et s’est perpétuée après l’occupation des territoires situés hors des frontières européennes. L’exploitation économique était le mobile principal de l’expansionnisme colonial. C’est le désir de réaliser des profits et obtenir des gains qui a été à l’origine de la construction d’infrastructures dans les pays sous domination coloniale. Les relations entre les puissances coloniales et les peuples colonisés sont devenues totalement déséquilibrées. Les ressortissants des pays dominés n’ont pas été traités comme des citoyens, et les colons avaient l’habitude d’adopter des attitudes autoritaires et paternalistes au début, qui se transformaient en attitudes répressives dès la parution de la moindre protestation à caractère économique ou politique. Les puissances coloniales ont œuvré à imposer leurs langues et leurs cultures aux peuples soumis à la colonisation. Il est important que les élèves saisissent les caractéristiques distinctives du colonialisme européen. Cependant, les enseignants et les auteurs des manuels scolaires doivent, en même temps, saisir les expériences et les attitudes diverses adoptées par les peuples des sociétés colonisatrices. En effet, les Etats européens ont adopté des politiques coloniales différentes, tout comme ceux qui ont embrassé le mouvement colonial sont issus de milieux différents et étaient le produit des contextes culturels et politiques dans lesquels ils ont grandi. Ainsi donc, la relation des européens avec les peuples des deux mondes arabe et islamique a revêtu de différentes et multiples formes qui méritent d’être étudiées. En effet, certains, au sein même des pays européens, avaient adopté des positions anticoloniales, et les auteurs des manuels scolaires se doivent d’œuvrer à renforcer la conscience des élèves de la diversité des expériences des gens au cours de la période du colonialisme européen. 59 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 60 L’Europe et le conflit israélo-arabe L’un des sujets les plus sensibles dont traitent les manuels scolaires en Europe et dans le monde arabo-islamique est la question du conflit israélo-arabe, qui est un conflit dont les racines sont, certes, profondes, mais où l’Europe a incontestablement joué un rôle important, surtout à travers la Déclaration de Balfour, le traité de Sykes-Picot et le vote européen en 1947 aux Nations-Unies en faveur de la partition qui a conduit à la naissance de l’Etat d’Israël. Aussi faut-il porter à la connaissance des générations montantes en Europe et dans le monde arabe ces évènements historiques qui ont Le Dôme du Rocher à Al-Qods Al-Charif avec, en arrière plan, une vue sur l'Eglise Sainte-Marie-Madeleine contribué au conflit, en plus du rôle des forces extérieures. Les nouveaux manuels scolaires en Europe et dans les mondes arabe et islamique doivent également réviser les différentes formes de déformation existantes et porter à la connaissance des élèves les différentes versions disponibles dans ce cadre. 60 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 61 Les auteurs de ces manuels doivent traiter les évènements importants avec un style objectif et clair, tout comme ils doivent présenter les points de vue et les sources qui permettent aux élèves de parvenir à une compréhension des raisons qui doivent faire de ces évènements historiques le champ d’une démarche méthodologique basée sur la pluralité des visions, en tant qu’espoir unique d’une étude juste du conflit israélo-arabe. En effet, certains livres scolaires d’histoire européens versent dans la simplification à outrance quant à leur traitement des origines du conflit et de ses causes, en se limitant à y faire référence, sans mettre en exergue les conséquences de la déclaration de Balfour sur les relations au Moyen-Orient. Certains de ces manuels s’abstiennent de mentionner le nom de la Palestine sur les cartes géographiques, ce qui empêche d’éveiller la conscience des élèves sur la réalité du conflit et sur les résolutions de la légalité internationale. Face à cela, les manuels scolaires d’histoire dans les mondes arabe et islamique doivent mettre en valeur les positions européennes positives dans ce cadre, en attirant l’attention des élèves sur le fait que l’Union Européenne soutient la solution des deux Etats sur la base des résolutions de la légalité internationale et s’oppose aux politiques de colonisation de l’Etat d’Israël. Il s’agit là de positions importantes qui méritent d’être valorisées dans les manuels scolaires dans les deux mondes arabe et islamique. 61 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 62 guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 63 Conclusion L e présent Guide d’orientation est le produit d’une réflexion collective à laquelle ont participé des experts d’Europe et des deux mondes arabe et islamique en vue de promouvoir une compréhension plus profonde des complexités qui résident dans les images de la convergence culturelle telle qu’elle est abordée et telle qu’elle peut l’être dans les manuels scolaires d’histoire. Les enseignants, les éducateurs, les auteurs des manuels scolaires et les éditeurs, désireux de voir s’instaurer une compréhension et une coexistence entre les peuples et les cultures, trouveront dans ce Guide un certain nombre d’idées relatives aux voies à travers lesquelles l’enseignement de l’histoire peut enrichir la connaissance par les élèves des autres cultures et développer chez eux l’esprit critique. Ce Guide propose certaines méthodes qui peuvent être appliquées dans la construction de démarches incitatives pour l’apprentissage. Tout comme il recommande un grand nombre de sources documentaires et propose certaines approches méthodologiques et pédagogiques utiles pour aider les jeunes générations dans l’étude des questions historiques sensibles et controversées. Les usagers du présent Guide sont encouragés à intégrer les démarches méthodologiques multilatérales, à adopter des attitudes pédagogiques nouvelles pour ouvrir devant les élèves une vision plus large en ce qui concerne l’échange culturel, et à consolider la coexistence pacifique entre les peuples d’Europe et des deux mondes arabe et islamique. Nous trouvons aujourd’hui, et tout au long de l’histoire, un terrain commun dans le fondement de l’expérience existentielle humaine. Nous vivons à peu près tous les mêmes moments de bonheur et de douleur, nous partageons les mêmes expériences de l’enfance, de la croissance et de la famille, ainsi que l’expérience des divergences avec 63 Sur une voie partagée guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 64 ceux qui nous sont les plus proches. Nous pouvons nous rencontrer en tant qu’humains qui partagent des expériences uniques et semblables du point de vue des soins que nous apportons à nos proches, de la joie éprouvée à la naissance d’un enfant et de la tristesse ressentie à la disparition d’un ami. Nous sommes semblables dans nos efforts pour acquérir la confiance en nous-mêmes et pour l’honneur et le bonheur. La plupart d’entre nous sont passés par une crise de souffrance intérieure et nous partageons les mêmes préoccupations et la même inquiétude concernant le monde où nous vivons tous. Nous nous associons dans nos aspirations à la sécurité et à la vie qui porte un sens et un bonheur à toute l’humanité. Il s’agit là du terrain commun que nous pouvons prendre comme point de départ dans notre quête pour exprimer un point de vue constructif concernant le pluralisme que nous transmettons aux enfants et aux générations montantes. Nous, Arabes, Musulmans et Européens, marchons sur une voie commune. 64 Guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire guide livres historiques coirrigéfr 25/11/13 12:37 Page 65 Bibliographie L’enseignement de l’histoire Adwan, S./Bar-On, D. (eds.) 2002. Learning Each Other's Historical Narrative. Palestinians and Israelis. Beit Jala, Peace Research Institute in the Middle East (PRIME), (Arabic, Hebrew, French and Italian translations available). Barton, K./Levstick, L. 2004. Teaching History for the Common Good. New Jersey, Lawrence Erlbaum Associates, Inc. Biener, H. 2006. Herausforderungen zu einer multiperspektivischen Didaktik. Hamburg-Schenefeld, EB-Verlag. Choppin, A. 1992. Les Manuels scolaires: histoire et actualité. Paris, Hachette Education. Dalongeville, A. 1995. Enseigner l'histoire à l'école. Paris, Hachette Education. Department for Education and Employment 1999. History: The National Curriculum for England. London, HMSO. www.nc.uk.net. 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