Lettre de Penthes 026 / automne 2015
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Lettre de Penthes 026 / automne 2015
La Lettre de Penthes Le magazine du Domaine de Penthes – Numéro 26, automne 2015 ARTICLES Entreprises suisses dans le monde Les Suisses de Franche-Comté d’hier à aujourd’hui DOSSIER Les Besenval Artikel auf Deutsch: Seiten 46 und 74 Articles in English: Pages 22 and 72 Deux expos pour les familles HISTOIRE EN BRIQUES YAKARI, LES SUISSES À LA RENCONTRE DES AMÉRINDIENS SOMMAIRE | ÉDITORIAL Penthes est à vous | DOSSIER 2 | ARTICLES 1815-2015: le Valais, canton suisse 4 Entreprises suisses dans le monde 7 Beat Knoblauch, un Suisse au Pays des Kangourous 11 Un nouveau commandant pour la Garde suisse pontificale 14 Raymond Charles Pyramus de Candolle 17 Alexius Baebler, famous internationally but not as a Swiss 22 Peter Rindisbacher, peintre du Wild West 24 Les Suisses de Franche-Comté d’hier à aujourd’hui 30 34 | LES AMIS DE PENTHES Société des Amis de Penthes: 500+ Les Besenval 49 Martin de Besenval, seigneur des villages de Brunstatt, Riedisheim et Didenheim en Haute-Alsace 50 Le Fonds de Besenval: de la conservation à la diffusion du savoir 53 | MOT DU DIRECTEUR L’Esprit de Penthes Le rêve est permis! 56 | LA VIE DU MUSÉE | REVUE LITTÉRAIRE Livres à lire | 48 Les Suisses des cinq continents discutent du patrimoine helvétique à l’étranger à Penthes 58 Yakari, un petit Sioux à Penthes 66 Histoire en Briques 68 | À TRAVERS LE MONDE Swiss High-tech on the Oceans 72 Touristische Leistungen in aller Welt - man spricht Deutsch 74 La Lettre de Penthes - No 26 |1 | ÉDITORIAL Rodolphe S. Imhoof Président de la Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde Penthes est à vous Chères amies, chers amis, chers visiteurs, P our épauler et compléter l’action citoyenne et participative intitulée « Penthes est à vous », de nombreux événements ont eu lieu dans cet écrin à nul autre pareil où nature, culture et gastronomie s’allient harmonieusement. Tout d’abord, grâce à l’action conjuguée du Conseil d’Etat et du nouvel exécutif de la commune de PregnyChambésy, Penthes vient d’accueillir, en bordure de la place des Waldstätten, le Sablier du Millénaire. Certes, ceux qui se sont promenés dans le parc au cours des belles et lumineuses journées de l’été ont été intrigués, voire déçus, par la toile de plastique verte qui recouvre encore provisoirement ce monument. Très provisoirement j’espère, car le Conseil municipal de notre commune vient de voter le crédit indispensable pour construire, dans les mois qui viennent, en guise d’enveloppe transparente, un toit qui protège ce mécanisme sensible aux intempéries. Afin de souligner que « Penthes est à vous », à vous tous, les festivités organisées par les autorités communales pour le 1er Août de cette année, anniversaire du bicentenaire de l’entrée de Genève dans la Confédération, se sont tenues sur la place devant le Château. Le Musée était ouvert évidemment pour l’occasion le soir également, et je suis particulièrement heureux d’avoir pu ainsi faire connaître à certains résidents de notre commune les joyaux qu’il abrite. Eh oui ! « Penthes est à vous ». Deux semaines plus tard se sont tenues les premières assises des présidents des clubs suisses dans le monde. A l’issue de ces journées tenues en marge du Congrès de 2 | La Lettre de Penthes - No 26 l’Association des Suisses de l’étranger qui se tenait à Genève et au cours duquel le président du Conseil d’Etat a pu souligner la place et l’importance de la Genève internationale, les 70 représentants de 22 pays et des cinq continents en redemandent, pour parler familièrement. Lentement, nos compatriotes à travers le monde prennent ainsi conscience que Penthes héberge une Fondation qui est la leur. Et que la maison de tous les Suisses dans le monde se trouve dans le cœur international de Genève. Une demeure qui a pour but de présenter, de manière vivante et ludique, l’apport à notre propre histoire, développement et vision, de l’ouverture de la Suisse et des Suisses au monde. « Penthes est à vous », à vous particulièrement Suisses dans le monde ! Pendant ce temps-là, l’exposition temporaire « Arménie », où étaient présentés des œuvres et des documents qui rappellent l’odyssée de ce peuple meurtri, attirait de nombreux visiteurs. Ne faisait-elle pas écho, certes à la dimension de Penthes, au pavillon arménien de la Biennale de Venise, qui s’est vu décerner cette année le Lion d’Or et au fait que les Arméniens présents aujourd’hui dans notre pays le doivent au réseau des missionnaires protestants suisses de l’époque ? L’automne et l’hiver s’annoncent sous les mêmes auspices favorables. Les deux expositions parallèles spécialement destinées au jeune public, « Yakari : les Suisses à la rencontre des Amérindiens » et « Histoires en Briques » promettent d’attirer de nombreux visiteurs. Elles s’inscrivent dans la ligne des expositions sur Hugo Pratt ou les pastiches de Tintin qui ont rencontré tant de succès. « Penthes est à vous », jeunes Genevois et étrangers. Et l’histoire qui y est contée, en miroir avec Lego et au fil de la collection permanente, suit un parcours ÉDITORIAL | qui met en exergue nos spécificités, nos différences, mais aussi nos liens ancestraux avec le monde qui nous entoure. Le global, le « sans frontières » d’aujourd’hui nous fait reprendre conscience de nos limites indispensables, de nos racines propres. Car l’articulation de notre pays est faite d’assimilation culturelle – ou d’ouverture – et de développement d’un patrimoine propre – ou de frontières. Ces deux particularités d’un balancier bientôt millénaire sont partie intégrante du concept muséal de Penthes qui, grâce aux interactions de la collection permanente avec les expositions temporaires à géométrie variable, illustre l’équilibre indispensable entre ces deux caractéristiques tellement helvétiques. Un dernier mot pour dire merci à toutes celles et tous ceux qui nous permettent de poursuivre notre action culturelle en faveur d’une Suisse ouverte et fière de ses spécificités, et cela au centre de la Genève internationale. « Penthes est à vous », à vous de nous soutenir par votre présence, intérêt, encouragements. Par votre soutien financier aussi. Sablier du Millénium La Lettre de Penthes - No 26 |3 | ARTICLES 1815-2015 : le Valais, canton suisse Guy Ducrey Ancien ambassadeur de Suisse, Martigny Célébrer cette année le 200e anniversaire de l’entrée du Valais dans la Confédération suisse nous invite à décrire la géographie et l’histoire qui ont conduit à cet événement. Réalisée en 1944 pour la salle du Grand Conseil à Sion, la peinture murale d’Ernest Biéler (1863-1948) représente l’entrée du Valais dans la Confédération; Léopold de Sépibus, président du gouvernement, reçoit l’acte officiel d’adhésion du 12 septembre 1815 des mains des délégués valaisans rentrés de la Diète de Zurich. E n plein cœur des Alpes, entourée de la plupart des plus hauts sommets européens, la communauté qui habite une nature aussi rude et imposante a dû longtemps se contenter des maigres ressources dont elle disposait et se prémunir contre les catastrophes naturelles qu’elle subissait souvent. De prime abord, il n’y avait pas là de quoi susciter la convoitise des voisins. Pourtant, dès l’Antiquité, deux facteurs ont joué un rôle important dans le destin de cette région : d’abord le passage des Alpes, avec sa dimension stratégique reconnue dès l’époque romaine, puis l’autorité sur la 4 | La Lettre de Penthes - No 26 vallée, religieuse, politique et souvent militaire exercée par les évêques. Ceux-ci, issus de familles importantes, pouvaient se prévaloir du titre de prince. Le premier, Théodore, fut nommé en l’an 381. Appelés à gérer la vallée et à en arbitrer les fréquents conflits, ces évêques ont souvent été victimes de la noirceur de leurs adversaires et de la forfaiture de leurs obligés ; les « armes spirituelles » qu’ils fulminaient contre eux ne l’emportaient pas toujours. ARTICLES Excepté à l’époque où elle était comté du royaume de Bourgogne, la vallée est restée divisée entre sa partie occidentale, revendiquée par la Maison de Savoie, d’un côté, et les Alémanes venus du nord, de l’autre. Cette population germanophone gardait des liens étroits avec Lucerne, Unterwald et Uri et s’installa graduellement dans les vallées latérales du Haut-Valais, jusqu’à Sion. Par exemple Praborgne, autrefois village de langue française, devint Zermatt. Les dizains du Haut-Valais ont par la suite persévéré avec une vigilance inaltérable dans la défense de leurs gains géographiques face à la présence savoyarde. Un affrontement décisif opposa les deux camps à Sion, en 1473 ; cette bataille s’acheva par une défaite du camp savoyard, notamment en raison de l’aide militaire de Berne et de Soleure, dépêchée en soutien aux HautsValaisans via le col du Sanetsch. Le Bas-Valais fut alors assujetti par les dizains du Haut et connut l’affliction d’une perte qui paraissait sans recours. Un règlement scolaire, rédigé en latin et affiché dans les écoles sédunoises, indiquait l’obligation de parler l’allemand littéraire, mais en aucun cas le français sous peine du fouet ! Il fallut attendre l’influence grandissante du Directoire en France pour que soit prononcé, le 1er février 1798, l’acte d’indépendance du Bas-Valais. L’ensemble du canton fut ensuite rattaché à la République helvétique le 6 mai 1798. Après avoir franchi le col du Grand-Saint-Bernard (en mai 1800), Bonaparte était déterminé à ne plus se dessaisir des passages alpins, considérés après la victoire convaincante de Marengo comme indispensables à la réalisation de ses ambitions en Italie. Le 16 mai 1802, il proclama l’indépendance de la République du Valais qu’il avait décidé de détacher de la République helvétique afin de pouvoir contrôler plus librement le chantier de la route du Simplon. Le 27 août, Karl Müller von Friedberg, représentant de la République helvétique, se rendit à Sion ; pour sauver la face devant le fait accompli, il déclara devant la Diète | valaisanne, en niaisant son auditoire : « Je viens vous offrir l’indépendance de votre patrie. C’est au nom du gouvernement helvétique que je délie de ses serments ce peuple chéri ! » Le 12 novembre 1810, Napoléon, irrité par la lenteur du chantier de la route du Simplon, fit du Valais un département français. Dans le décret d’exécution, il s’en expliqua sans équivoque « considérant que la route du Simplon, qui réunit l’Empire à notre Royaume d’Italie, est utile à plus de soixante millions d’habitants, que le Valais n’a tenu aucun des engagements qu’il avait contractés ; article premier : le Valais est réuni à l’Empire ». A la chute de l’Empire, parallèlement au Congrès de Vienne, se prenaient à Paris des décisions importantes relatives à nos frontières. Dans cette ville, une députation haut-valaisanne alla demander pour le Valais l’autorisation de ne pas se joindre à la Suisse et de rester indépendant ; cette demande resta sans suite. Sur recommandation de la Diète, le Valais fut officiellement admis, le 12 septembre 1815, en tant que Canton, au sein de la Confédération. Inspirée par le Congrès de Vienne, cette décision avait alors pour but de contrarier à l’avenir les ambitions que la France pouvait encore nourrir sur l’Italie du Nord. Elle était aussi guidée par le souci de Londres face à la déclaration du colonel autrichien Josef Karl von Simbschen, arrivé à Sion avec son régiment et proclamant qu’il venait occuper le Valais. L’adhésion du Valais à la Confédération fut diversement accueillie par les Valaisans qui avaient apprécié huit ans d’indépendance. Aujourd’hui pourtant, après deux cents ans, même si la patrie reste d’abord la haute vallée du Rhône pour la plupart des Valaisans, le Valais se félicite d’être membre d’un pays à la fois solidaire et surtout respectueux de son identité. La Lettre de Penthes - No 26 |5 ARTICLES | Entreprises suisses dans le monde Fondée à Lausanne en 1927 sous le nom d’Office suisse d’expansion commerciale (OSEC), Switzerland Global Enterprise (S-GE) regroupe, sur mandat de la Confédération et des Cantons, la promotion des exportations, des importations et de la place économique suisse. Son siège principal se trouve à Zurich**. Entretien avec Madame Ruth Metzler-Arnold* présidente de Switzerland Global Enterprise MADAME LA PRÉSIDENTE, UNE PREMIÈRE QUESTION S’IMPOSE: UNE ÉCONOMIE COMME CELLE DE LA SUISSE A-T-ELLE ENCORE BESOIN D’UN SOUTIEN ÉTATIQUE POUR RÉUSSIR SUR LES MARCHÉS MONDIAUX? LES RÈGLES DE CONCURRENCE INTERNATIONALES N’INTERDISENT- disposent souvent pas des ressources suffisantes pour s’engager sur les marchés mondiaux. Dans un premier temps, nous mettons à leur disposition des informations et des conseils en tout genre ; ce sont des prestations de service public. Puis, quand leur projet prend des contours plus concrets, S-GE peut se charger, contre rémunération, d’une étude de marché, par exemple. ELLES PAS TOUTE AIDE À L’EXPORTATION (OMC, ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE AVEC L’UNION EUROPÉENNE, AELE)? Switzerland Global Enterprise (S-GE) œuvre au développement des entreprises à l’international et au rayonnement de la place économique suisse. C’est en tant que centre d’excellence en internationalisation que notre organisation, sur mandat du Secrétariat d’Etat pour l’économie (SECO) à Berne, aide les entreprises, notamment les PME, à prospecter de nouveaux débouchés à l’international. En effet, ces entreprises ne En ce qui concerne la promotion de la place économique, qui vise à attirer de nouveaux investissements en Suisse, la concurrence internationale est intense * Conseillère d’Etat du canton d’Appenzell R.I. (1996-1999), anc. conseillère fédérale (1999-2003), présidente et membre de plusieurs conseils d’administration et partenaire d’un cabinet de conseil. ** Stampfenbachstrasse 85, 8006 Zurich, tél. 044 365 51 51, [email protected] ; 47, quai d’Ouchy, 1006 Lausanne, tél. 545 94 94, [email protected] ; Corso Elvezia 16, c.p.5399, 6001 Lugano, tél. 091 601 86 86, [email protected]. La Lettre de Penthes - No 26 |7 | ARTICLES depuis des années ; une attitude proactive est indispensable. Pour ce qui est de la promotion des importations, il s’agit d’un instrument de la coopération au développement ; le but est de mettre les PME de certains pays émergents en position de développer leurs ventes en Suisse et en Europe. Il faut savoir que des organismes comme le nôtre existent dans presque tous les pays, sauf que S-GE, qui est une association privée de plus de 2000 membres, fonctionne conformément au principe typiquement suisse de subsidiarité, selon lequel l’Etat n’agit qu’en complément de l’économie privée. bénéfice. A l’étranger surtout, le mandat de la Confédération nous confère une certaine officialité, puisque les Swiss Business Hubs, nos relais à l’étranger, sont implantés dans des ambassades ou des consulats de Suisse dans 21 pays. Ce dispositif est unique et il a fait ses preuves au fil des ans. POUVE Z-VOUS NOUS FOURNIR QUE LQUES EXEMPLES PRATIQUES DE CETTE PROMOTION À L’EXPORTATION QU’OFFRE S-GE, PLUS PARTICULIÈREMENT CELLE QUI VISE LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES? COUVRE-T-ELLE AUSSI QUEL EST LE BUDGET ANNUEL DE S-GE ? CES L’EXPORTATION DE SERVICES? MOYENS PROVIENNENT-ILS EXCLUSIVEMENT DE LA CONFÉDÉRATION? Notre cadre financier pour la promotion des exportations était de 86 millions de francs pour la période 2012-2015. De cette somme, deux tiers environ venaient du SECO, le reste étant constitué de cotisations de nos membres, de recettes tirées de la vente de nos services et de fonds de soutien apportés par nos partenaires, des entreprises privées pour la plupart. Pendant la même période, la promotion de la place économique a été subventionnée par la Confédération à hauteur de 20,4 millions de francs ; à cela s’ajoutent des contributions des cantons d’un montant de 5,2 millions. La promotion des importations est soutenue par la Confédération à hauteur de 32,5 millions pour la période de 2012 à 2016. LES ACTIVITÉS DE S-GE NE FONT-ELLES PAS Tout d’abord, les entreprises ont accès à notre vaste offre – gratuite – d’informations sur les marchés extérieurs et d’opportunités d’affaires dans le monde entier. Nous offrons aussi le premier conseil, par exemple quand une PME cherche à savoir si son produit a des chances de s’imposer, disons sur le marché chinois. Nous disposons aussi d’une hot line permettant d’obtenir des réponses rapides à des questions plus techniques, comme le fonctionnement d’un accord de libre-échange ou d’un régime fiscal. En avançant dans son projet, la PME pourra ensuite donner mandat à S-GE pour trouver un agentdistributeur dans un pays ou une région donnés ou évaluer la situation concurrentielle de façon approfondie. S-GE peut également l’accueillir sur un de ses stands collectifs à une foire internationale. Dans toutes ces activités, S-GE et les Swiss Business Hubs ont souvent recours à des experts extérieurs spécialisés dans les marchés visés. CONCURRENCE AUX ENTREPRISES PRIVÉES SPÉCIALISÉES DANS LES CONSEILS AUX EXPORTA- À QUELS BESOINS RÉPOND LA PROMOTION DES TEURS OU DANS LE MARKETING? IMPORTATIONS? COMMENT FONCTIONNE-T-ELLE? Comme je l’ai déjà indiqué, S-GE est une association de droit privé comptant plus de 2000 membres actifs à l’export ; nous sommes donc très proches du terrain. S-GE travaille en réseau et fait le lien avec des spécialistes privés de l’internationalisation des affaires. Elle confie à des prestataires privés environ deux tiers des mandats payants. La vente de nos services nous permet de couvrir nos coûts, mais nous ne réalisons pas de Ce mandat nous a été confié par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) ; il s’agit de faciliter l’accès au marché suisse et européen à certaines PME de pays partenaires : leur fournir des contacts, les aider à exposer sur des salons internationaux, etc. S-GE les aide à renforcer leur compétitivité tout en développant la coopération et les relations entre la Suisse, l’Union européenne et les pays partenaires. Les importateurs en Suisse et en Europe 8 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES peuvent ainsi être mis en contact avec des fournisseurs de confiance dans les pays partenaires. Prenons le cas du Pérou. S-GE apporte un appui à des producteurs de fruits et de légumes – mangues, raisin de table, avocats, bananes. Nos services de promotion des importations aident ces producteurs à participer à Fruit Logistica à Berlin, un des salons les plus importants de la branche et qui permettent le contact direct avec des acheteurs suisses et européens. Ces derniers cherchent, eux, des fournisseurs de confiance qui puissent enrichir leur assortiment. La démarche conduit à des échanges lucratifs pour les entreprises européennes comme pour les entreprises péruviennes tout en favorisant un développement économique durable dans le pays de production. | Suisse. Dans la démarche des entreprises, ils prennent le relais généralement après un premier entretien avec nos spécialistes en Suisse. Grâce à leur statut officiel, les Hubs disposent d’un excellent réseau de contacts dans les pays cibles de nos exportateurs ; ils sont également chargés de la promotion de la place suisse à l’étranger. Car il devient crucial de défendre nos intérêts économiques dans le cadre de l’action diplomatique helvétique (« commercial diplomacy »), afin d’affirmer la compétitivité des entreprises suisses à l’échelle de la planète. S-GE met tout en œuvre pour favoriser les échanges et la coopération entre les représentations diplomatiques et l’économie. UNE DERNIÈRE QUESTION : QUELS CONSEILS À PROPOS DE LA PROMOTION DE LA PLACE ÉCO- DONNEZ-VOUS AUX ENTREPRISES QUI ESTIMENT NOMIQUE SUISSE, LE RÉSULTAT DU VOTE DU 9 QUE LE FRANC SUISSE EST DEVENU DÉCIDÉMENT FÉVRIER 2014 SUR L’«I MMIGRATION DE MASSE» TROP FORT POUR PRODUIRE EN SUISSE? A VOTRE N’A-T-IL PAS AUSSI ÉTÉ UN SIGNAL INVITANT NOS AVIS, QUE DEVRAIT FAIRE LA BANQUE NATIONALE AUTORITÉS À METTRE UN FREIN À LEURS EFFORTS POUR REVENIR À UN TAUX DE CHANGE DU FRANC EN VUE D’ATTIRER DE NOUVELLES ENTREPRISES SUISSE PLUS CONFORME À L’AUTHENTIQUE CAPA- ÉTRANGÈRES EN SUISSE? CITÉ CONCURRENTIELLE DE NOTRE PAYS? Il est vrai qu’un certain nombre d’initiatives ont pu créer de l’insécurité chez les investisseurs étrangers ces dernières années. L’une des missions clés de S-GE est justement de mener un travail d’information et de sensibilisation aux atouts de la Suisse, dans le but d’attirer sur notre territoire des entreprises à forte création de valeurs, et donc de créer des places de travail et de générer des recettes fiscales. Une récente étude du SECO montre que la promotion de la place économique n’a quasiment pas d’impact sur l’immigration : entre 2 et 4 %, regroupement familial compris. La Suisse reste une place forte, avec de gros avantages face à d’autres pays. Ce n’est pas pour rien qu’elle est considérée comme l’un des pays les plus compétitifs et les plus innovants au monde. Nous avons d’excellentes universités, une recherche de pointe, un droit du travail libéral, un système de formation duale qui a fait ses preuves, etc. Les PME sont les premières à en bénéficier. Et, faute de ressources, elles ne songent généralement pas à délocaliser leur production. COMMENT EST CONSTITUÉ LE RÉSEAU DE S-GE À L’ÉTRANGER? QUEL EST AUJOURD’HUI LE RÔLE DES AMBASSADES DE SUISSE EN MATIÈRE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE? Les relais de S-GE à l’étranger sont appelés Swiss Business Hub. Ils emploient des collaborateurs locaux et sont implantés dans une ambassade ou un consulat de Cela dit, S-GE encourage les PME à diversifier leurs engagements sur plusieurs marchés d’exportation afin de rééquilibrer les conditions monétaires et conjoncturelles. Ce n’est certes pas facile pour elles, mais les entreprises ne veulent pas baisser les bras face au franc fort. Elles sont toujours plus nombreuses à faire appel à nos services depuis janvier. Nos mandats de conseil ont bondi de 15 % par rapport à la même époque l’an dernier. La Lettre de Penthes - No 26 |9 MARCELLO Adèle d’Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna Une femme artiste entre cour et bohème DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE W W W. P E N T H E S .C H du 9 mars au 4 juin 2016 ARTICLES Entretien par Camille Verdier | Beat Knoblauch, un Suisse au Pays des Kangourous MONSIEUR KNOBLAUCH, NOUS VOUS VOYONS CHAQUE ANNÉE AU CONGRÈS DE L’OSE (ORGANISATION DES SUISSES DE L’ÉTRANGER), TRÈS FIDÈLE, ET POURTANT SYDNEY EST SANS DOUTE L’UNE DES VILLES LES PLUS ÉLOIGNÉES DE SUISSE. VOUS Y AVEZ VOTRE SOCIÉTÉ, VOUS ÉTIEZ PRÉSIDENT DE LA SWISS AUTRALIAN CHAMBER OF COM- MERCE AND INDUSTRY (DÉSORMAIS SWISSCHAM) ET VOUS ÊTES UN COLLECTIONNEUR AVISÉ D’ART CONTEMPORAIN ABORIGÈNE. COMMENT EXPLIQUER UN TEL PARCOURS? POUR QUELLE RAISON VOUS ÊTES-VOUS INSTALLÉ AUX ANTIPODES? Si je devais donner une seule raison, je dirais mon épouse. Mais mon parcours est plus compliqué sans doute. Je dois avouer que j’ai passé ma jeunesse comme un Suisse de l’étranger. Je suis né en 1939 à Zurich, mais mes parents étaient déjà établis à Alexandrie, en Egypte. Je n’ai retrouvé la Suisse qu’en 1953 pour y faire mon lycée à Interlaken, puis mon université à Berne. Travaillant à Hong Kong pour une compagnie suisse, j’ai alors croisé la route de la femme devenue mon épouse. Elle est Australienne et travaillait pour une compagnie aérienne. La société suisse pour laquelle je travaillais ensuite à Téhéran m’envoya après ce mandat en Australie, mon mariage facilitant l’obtention d’un visa. Finalement, je me suis installé à Sydney pas seulement pour mon épouse, mais aussi grâce à elle ! C’était en 1976. Quarante ans déjà ! ET PEU APRÈS VOUS AVEZ CRÉÉ VOTRE ENTREPRISE LÀ-BAS. COMMENT ET POURQUOI? Oui, dès 1976 j’ai ouvert mon bureau de consultants financiers sous le nom de Beat Knoblauch & Associates (http://www.knoblauch.com.au). Je me suis rendu compte très vite des opportunités d’être à Sydney et de faire le lien entre les entreprises de la région Pacifique et les sociétés européennes. Ces dernières me font confiance pour les aider à investir en Australie, en NouvelleZélande et en Nouvelle-Calédonie, puis quand le marché s’est ouvert, en Asie, notamment en Chine et en Asie du Sud-Est. Je dois avouer que la maîtrise de l’allemand, du français, de l’italien et de l’anglais m’ont beaucoup aidé, autant que l’idée qu’un Suisse maîtrise son affaire. Par ailleurs, je rentre souvent en Suisse pour La Lettre de Penthes - No 26 | 11 | ARTICLES voir personnellement mes clients, discuter avec eux face à face, souvent en suisse-allemand. Cela permet de garder avec eux un lien proche et de confiance. Et comme mon entreprise est petite, malgré la zone géographique qu’elle couvre, je peux m’ajuster aux demandes particulières des clients. LA QUALITÉ SUISSE EN MOUVEMENT EN SOMME? On pourrait se permettre de le dire. Et mes clients me recommandent à d’autres et reconnaissent mon côté suisse. « Il est Suisse, ça va aller », disent-ils. NOUS AVONS EU NOTRE RENCONTRE DES CLUBS AUSTRALIENNE, ET PLUS EXACTEMENT ABORIGÈNE, AUX SUISSES. POURRIEZ-VOUS NOUS PARLER DE VOTRE INTÉRÊT ET DE VOTRE COLLECTION? Ma première vraie collection a sans doute été celle des vues topographiques et historiques de la ville de Sydney que j’ai recherchées pendant vingt ans. Elle a été publiée et exposée à plusieurs occasions. On me demandait alors pourquoi je m’intéressais à ça alors que j’étais Suisse. J’avais beau leur donner comme raison que j’habitais ici, ils ne saisissaient pas. J’ai enfin expliqué qu’en Suisse, chacun a des estampes, des vues de la Suisse chez lui. Alors ça devient culturel et ils ont compris. SUISSES RÉCEMMENT ET NOUS SAVONS QUE VOUS ÊTES INVESTI DANS LA CULTURE. VOUS NOUS AVIEZ MIS AU COURANT DE L’EXISTENCE DE VIGNOBLES SUISSES EN NOUVELLE-GALLES-DUSUD, À VICTORIA, EN TASMANIE ET AILLEURS. MAIS PLUS QUE PROMOUVOIR LA CULTURE SUISSE EN AUSTRALIE, VOUS FAITES CONNAÎTRE LA CULTURE 12 | La Lettre de Penthes - No 26 Et j’ai également fait partie de l’Association des monuments historiques d’Australie. En plus je me suis passionné pour un art qui, il y a trente ans, n’était pas autant répandu : l’art contemporain aborigène. Je m’intéresse en particulier aux artistes contemporains des dernières trente années. J’admire l’utilisation des ARTICLES couleurs naturelles comme l’ocre, le jaune, le brun et le blanc que l’on retrouve sur ces œuvres. Les toiles souvent dépeignent la terre ancestrale, vue d’une perspective « d’en haut ». Les toiles représentent fréquemment les sentiments et l’attachement de l’artiste avec la terre. L’être humain apparaît alors essentiellement dans les sculptures, et souvent dans une démarche commémorative. C’est un art qui remonte probablement à 40 000 ans, plus ancien que les peintures de Lascaux. VOUS AVEZ PU MONTRER QUELQUES PIÈCES DE VOTRE COLLECTION EN SUISSE, N’EST-CE PAS? Tout à fait. En 2014 au Museo delle Culture de Lugano. Une centaine d’œuvres, de cet art qui reste peu connu en Suisse et en Europe, ont été exposées durant six mois. Mon frère Andreas, qui vit en Suisse, a également exposé quelques toiles de sa propre collection. Et je dois remercier mes clients établis à Lugano, qui m’ont aidé à rendre possible cette exposition grâce à leurs propres contacts. C’est finalement encore une histoire de rencontre, de réseau et d’opportunités. | ET FINALEMENT, LÀ, À GENÈVE ET DURANT LE CONGRÈS DE L’OSE, VOUS SENTEZ-VOUS TOUJOURS AUSSI SUISSE? Bonne question que l’on se pose au congrès de l’OSE. Vous savez, j’ai les deux passeports, australien et suisse. Mais au final, et je ne l’ai pas inventé, je suis 100 % Suisse… et 100 % Australien. Mes parents étaient Suisses de l’étranger, mais on passait les vacances en Suisse, j’y ai fait mes études, mon service militaire. Et si j’aime beaucoup revenir en Suisse, je crois bien que ma place est maintenant faite à l’autre bout du monde. Et mes clients demandent à ce que je sois là-bas ! Alors je reste fidèle au poste, comme lorsque je viens au Congrès de l’OSE. Et ainsi, je peux vous assurer de vous voir l’an prochain. La Lettre de Penthes - No 26 | 13 | ARTICLES Un nouveau commandant pour la Garde suisse pontificale Entretien par Stéphane Sapin En février 2015, le Lucernois Christoph Graf devenait le 35e commandant de la Garde suisse pontificale. Avec près de trente ans de service sous trois souverains pontifes, il répond à quelques-unes de nos questions. COMMENT ÉVOLUE ACTUELLEMENT LE RÔLE DE LA GARDE? La Garde suisse pontificale protège le successeur de Pierre depuis plus de 500 ans. C’est donc un corps de longue tradition, et le défi consiste à maintenir ce qu’il y a de bon dans cette tradition sans rester cependant figé, mais au contraire en ayant suffisamment de flexibilité pour répondre aux nécessités actuelles, notamment en matière sécuritaire. Nous devons aussi transmettre quelque chose du message de François. Cela se traduit par une attitude accueillante et l’attention portée aux plus faibles. RÉUSSISSEZ-VOUS TOUJOURS À RECRUTER DE JEUNES SUISSES POUR LA GARDE? Malgré le contexte actuel fortement sécularisé, je constate avec bonheur que de jeunes Suisses sont encore prêts à donner au moins deux ans de leur vie pour servir le Pape. Bien sûr il n’est pas facile de trouver des candidats qui répondent à tous les critères et l’individualisme ambiant n’aide pas, mais je crois que le message porté par l’Eglise et le pape constitue justement une réponse pertinente pour beaucoup de jeunes. L’ATMOSPHÈRE AU VATICAN A-T-ELLE ÉVOLUÉ DEPUIS L’ARRIVÉE DU PAPE FRANÇOIS? Issu d’un contexte socioculturel assez différent de celui de ses prédécesseurs, François force l’Eglise et donc le Vatican à repenser certaines manières de faire 14 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES héritées d’une époque aujourd’hui révolue et qui, dans certains cas, vont à l’encontre du message évangélique. Il invite chacun à plus de simplicité et de cohérence, et cela se ressent aussi et avant tout dans son propre Etat. | ET DEUX AUTRES PETITES QUESTIONS D’UN ANCIEN GARDE. QUELLES DIFFICULTÉS IMPLIQUENT LA SURVEILLANCE DU SAINT-PÈRE À L’EXTÉRIEUR DE L’EN- QUELLE EST L’IMAGE DE LA SUISSE DANS VOTRE CEINTE DU VATICAN? PAYS DE RÉSIDENCE? Nous gardons un lien très fort et concret avec la Suisse au travers des nombreux compatriotes qui viennent nous rendre visite à Rome ainsi qu’aux vacances que les gardes passent auprès de leur famille. D’autre part, l’éloignement nous fait prendre conscience du privilège que constitue le fait d’être Suisse et de l’image de sérieux, de précision, mais aussi d’ouverture dont jouit notre pays d’origine. Pour nous cela a impliqué quelques ajustements de notre dispositif, mais nous pouvons nous prévaloir d’une bonne collaboration avec les forces de sécurité italiennes et dans l’ensemble tout se passe sans trop de difficultés. Il est évident que les risques augmentent en dehors du périmètre familier du Vatican, mais le Saint-Père en est conscient et cela fait partie de sa volonté de contact avec le monde. EST-CE QUE LES RISQUES D’ATTENTATS TERRO- COMMENT VOYEZ-VOUS VOTRE RÔLE PERSONNEL RISTES NE PÈSENT PAS COMME UNE ÉPÉE DE EN TANT QUE «SUISSE DE L’ÉTRANGER»? DAMOCLÈS SUR L’AVENIR DE LA GARDE? Il me semble important de transmettre les valeurs que j’ai citées plus haut, de représenter la Suisse telle qu’elle est : un pays certes petit, mais aux qualités éprouvées et appréciées bien au-delà des frontières nationales. La situation internationale particulièrement tendue nous force à nous repenser sans cesse afin de nous montrer dignes de la confiance dont nous jouissons. Notre force repose sur notre formation et notre motivation. Chaque garde jure de sacrifier sa vie, si nécessaire, pour la défense du Saint-Père. La Lettre de Penthes - No 26 | 15 Equipements et mobiliers scolaires Galmar, leader dans l’équipement des classes interactives, continue à faire évoluer son offre en intégrant des écrans tactiles dans ses solutions pédagogiques pour l’éducation et les salles de conférences. L’écran S-Touch, dernière génération d’écran LED tactile multi-Touch de 84 pouces dispose d’une résolution 4K et d’un stylet électronique de précision. Il s’adapte parfaitement aux standards scolaires mais également aux besoins croissants des entreprises et institutions en matière de communication et de formation interne. L’écran S-Touch augmente l’attention des participants en présentant une image lumineuse et d’une très haute résolution. Les annotations et remarques sont faites sur l’écran à l’aide d’un stylet actif ou directement avec vos doigts. Testez-le sans plus attendre ! Partenaire tions a s i n a g r O s e d es International GALMAR SA Chemin de la Chatanerie 5 - 1023 Crissier - www.galmar.ch Tél. 021 635 39 09 - Fax 021 635 39 08 - [email protected] ARTICLES | Raymond Charles Pyramus de Candolle (1864-1935) Par Christophe Vuilleumier Raymond Charles Pyramus de Candolle, l’arrière-petit-fils du célèbre savant Augustin Pyrame de Candolle, est né le 24 août 1864 à Walton-on-Thames, dans le Surrey, sur la rive droite de la Tamise. Cet enfant de Genève possédait le passeport britannique, car son père, Casimir Anne Pyramus de Candolle, avait élu domicile en Angleterre. Une partie de la famille de sa mère, Anna Marcet, propriétaire du domaine de Malagny, était d’ailleurs établie à Londres1. R aymond de Candolle et ses trois frères allaient donc tous naître à l’ombre de l’Union Jack. De la fratrie, Augustin Richard Emile de Candolle fut sans doute le représentant le plus connu puisqu’il fut consul de Grande-Bretagne à Genève de 1912 à 1920, et un éminent scientifique2. Devenu ingénieur, spécialisé dans la construction ferroviaire, Raymond de Candolle occupera, à l’aube du nouveau siècle, le poste de directeur général des chemins de fer argentins dont une partie du réseau avait été construit par des capitaux anglais3. En 1914, la guerre éclate. Raymond de Candolle est âgé de cinquante ans. Décoré de l’Imperial Service Medal en 1902 pour son travail en Amérique du Sud4, il incorpore l’armée britannique avec le grade de brigadier général. Ses compétences d’ingénieur autant que sa connaissance du français l’amènent rapidement à être nommé officier de liaison auprès du général français Berthelot dirigeant alors le corps d’armée français en Roumanie5. La mission prioritaire de l’officier genevois était de conserver le réseau ferroviaire roumain opérationnel afin de garantir le transport de troupes alliées6. Il restera un temps dans les Balkans avant d’être muté plus loin dans l’est, auprès de l’Ataman Aleksei Kaledine, général des armées blanches. Raymond de Candolle, qui devait brièvement faire office de consul, représentera ainsi la couronne britannique à Rostov, situé à 170 kilomètres de Novocherkassk, centre politique où Kaledine avait son quartier général7 et son Armée des volontaires. Son affectation auprès des forces luttant contre les révolutionnaires bolcheviques était d’autant plus importante qu’après la révolution russe d’octobre 1917, les Cosaques avaient proclamé leur indépendance le 18 janvier 1918, en créant la République populaire du Kouban, entraînant une profonde instabilité dans l’ensemble de la région8. Cette affirmation nationaliste intervenait dans le cadre de la convention francoanglaise du 23 décembre 1917 qui avait divisé le sud de la Russie en sphères d’influences anglaises et françaises, le territoire cosaque relevant de la zone britannique. Le but recherché par les alliés était non seulement de barrer l’avancée allemande dont les troupes n’étaient plus très éloignées de Rostov, mais également d’occuper les ports russes afin d’assurer les approvisionnements militaires La Lettre de Penthes - No 26 | 17 | ARTICLES 18 | La Lettre de Penthes - No 26 Fuite des habitants de Smyrne, 1922 ARTICLES destinés originellement aux armées du tsar, et convoités par de nombreuses factions. Raymond de Candolle recevra d’ailleurs, le 31 décembre 1917, le diplomate américain DeWitt en visite à Novocherkassk, venu s’assurer de la situation militaire et politique à la veille de la naissance du nouvel Etat9. Les services de renseignement britannique allaient en outre mettre en œuvre les plans du War Cabinet en se servant du banquier russe Jaroszynski à Petrograd pour noyauter des banques russes instrumentalisées par l’Allemagne, ainsi que pour financer les forces antibolcheviques. Une banque cosaque sera notamment créée à Rostov, dans le but d’écouler de nouvelles coupures de dix roubles fabriquées par le gouvernement autonome cosaque10. La situation politique et militaire dans l’ensemble de la région à ce moment-là était ainsi spécialement explosive donnant à la mission de Raymond de Candolle une dimension particulièrement stratégique. Rostovsur-le-Don, au centre des grands axes du sud de la Russie, changera de mains à six reprises entre 1917 et 192011. Au bord de la mer d’Azov, perdu aux confins de mondes aussi exotiques qu’hostiles, l’arrière-petit-fils d’Augustin Pyrame de Candolle dans son luxueux wagon personnel d’un train de guerre britannique et témoin des événements dramatiques alors en cours, Port de Smyrne, 1919 | câblera les informations provenant de Petrograd aux officiers de renseignement britanniques, tout en tenant informé William Robert Robertson (1860-1933), le chef d’état-major général de l’Empire britannique12 de l’évolution de la situation militaire dans la région du Don. Considérés comme combattants par les bolcheviques, les membres de la mission britannique dirigée par de Candolle devront toutefois abandonner rapidement Rostov et se replier, en pleine débâcle de l’Armée des volontaires, sur la mer Noire dont les eaux restaient sous le contrôle des flottes de guerre occidentales, lorsque les forces de l’armée rouge occupent la ville à partir du 23 février 191813. L’aide tactique anglaise et la création de la Slavo-British Aviation Corps (S.B.A.C.) ne permettront pas de rétablir la situation. De nombreux soldats anglais perdront d’ailleurs la vie dans cette retraite. Plusieurs pilotes britanniques seront crucifiés par l’armée rouge au cours de ces opérations, une mesure plus destinée à intimider les volontaires de Kaledine que les militaires anglais14. Comment Raymond de Candolle terminera-t-il les derniers mois de guerre ? Les sources restent silencieuses. Il est probable qu’il regagna l’Europe, car son père meurt en 1918 et sa mère ne lui survivra que d’une année. On retrouve sa trace à Smyrne, le « Petit Paris » turc, occupé par l’armée grecque depuis le 15 mai 1919, peu après la guerre. La Lettre de Penthes - No 26 | 19 DOMAINE DE DÉCOUVERTES PUB CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE www.theoreme.ch W W W. PEN T HE S .CH “ La cuisine est un art, la restauration celui de le partager ” Ouvert tous les jours de 9h à 17h ainsi que le mercredi, jeudi et vendredi soir. Domaine de Penthes - Chemin de l’Impératrice 18 - 1292 Pregny-Chambésy Sandro Haroutunian ARTICLES | Marié depuis 1920 à une Américaine, Beatrix Chapman (1870-1942)15, il se remit à travailler comme ingénieur ferroviaire pour le compte d’investisseurs anglais, accompagnant son épouse dans sa chasse aux antiquités. Il n’allait pas tarder à diriger le Smyrna-Aydin Railway, mais la guerre devait à nouveau le rattraper. En septembre 1922, Smyrne s’écroulait sous les coups des forces d’Atatürk. Depuis l’un des navires occidentaux mouillant dans la rade, Raymond de Candolle assistera le 9 septembre à l’invasion brutale de la cité, aux exactions des soudards sur les habitants dont certains chercheront refuge sans succès auprès des bateaux européens, et à l’incendie qui éclate dans le quartier arménien le 13 septembre et qui ravage rapidement l’entier de la ville durant près d’une semaine16. Son épouse Béatrix quittera la Turquie pour Malte le 19 septembre à bord du King George V, Raymond demeurant, quant à lui, encore quelque temps à Smyrne en cherchant à négocier un accord sur sa ligne de chemin de fer avec le général Nureddin Ìbrahim Pas‚a16. Arrivée des Grecs à Smyrne, 1919 Rostov, 1917 Revenu en Europe, le couple de Candolle alternera ses séjours entre l’Angleterre et Genève. En 1923, Béatrix De Candolle donna au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) sa collection d’antiquités17. Raymond de Candolle, après avoir été le témoin de l’effondrement de deux villes et vécu une vie d’aventures, décédera le 25 janvier 1935, à l’âge de 71 ans, à l’Almonds Hotel, dans le comté de Londres18. Mes remerciements vont à Guillaume de Candolle qui a bien voulu entamer des recherches dans ses archives familiales pour cet article. 2 « Candolle, Augustin de », Obituary, Actes de la Société Helvétique des Sciences Naturelles 101 (1920). 3 « Major-General R. de Candolle », The Times (29 janvier 1935). Le chemin de fer de Buenos Aires atteint Tucuman avant 1880, Mendoza, San Juan, Salta, Catamarca avant 1890, la Rioja avant 1900. 4 British Army WWI Medal Rolls Index Cards, 1914-1920 [database on-line]. 5 Christophe Vuilleumier, « Il n’y a rien à dire sur l’histoire de la Suisse pendant la Première Guerre mondiale », Revue administrative, 396, Paris (2013), pp. 566-574. 6 Churchill Archive, London, CHAR 16-CHAR 16/33, « Official : War and Air: memoranda, notes, and other correspondence on Romania ». 7 « Major-Général R. de Candolle », The Times (29 janvier 1935). 8 Cet Etat éphémère devait disparaître sous le raz-de-marée de l’armée rouge en 1920. 9 An American Diplomat in Bolshevik Russia, DeWitt Clinton Poole, (éd.) Lorraine M. Lees et William S. Rodner, University of Wisconsin, 2015, p. 71. 10 Mikhail Istomin, Catalog of Banknotes of the Civil War in Russia, Volume III, Southeastern region, Crimea, North Caucasus (1917-1920), Kharkov, 2009. 1 11 Brian Murphy, Rostov in the Russian Civil War, 1917-1920: The Key to Victory (Cass Military Studies), Routledge, 2004. 12 The National Archives London, Cabinet Office - CAB 24/3184 GT, Cabinet Minutes and Memoranda, « Colonel Jack (Moscow) to D.M.I., 30 Dec 1917. De Candolle to C.I.G.S., 6 Jan 1918 », [WO 32/5668, NA]. 13 Les Bolcheviques devaient se maintenir dans la ville jusqu’à l’arrivée des armées allemandes, le 8 mai 1918. 14 Lauri Kopisto, The British Intervention in South Russia,1918-1920, Academic Dissertation, Université d’Helsinki, avril 2011, p. 118. 15 Il avait épousé l’Argentine Consuelo Porto Rey, lors de son séjour sud-américain, mais son mariage n’avait guère duré puisque son épouse mourut en 1904 à l’âge de 24 ans. 16 A la suite de ces victoires, l’Angleterre allait signer un armistice et s’engager à quitter le pays. Le Traité de Lausanne, signé au Château d’Ouchy le 24 juillet 1923, allait faire perdre à la Grèce l'ensemble de ses gains territoriaux de 1920 au profit de la Turquie. 17 Une collection qui compte près de mille d’objets, dont près de 900 figurines en terre cuite. Chantal Courtois, Les figurines de la collection de Candolle, Musée d'art et d'histoire de Genève, salle grecque, 2012. 18 The London Gazette (19 mars 1935). La Lettre de Penthes - No 26 | 21 | ARTICLES Alexius Baebler, famous internationally but not as a Swiss By Dr Anton Bebler University of Ljubljana Alexius Franziskus Baebler (1907-1981) was born in Idria, now in Slovenia, as the son of a chemistry professor and businessman. His grandfather Baltasar Baebler (1855-1930), born in Matt, Glarus, joined the wave of Swiss emigration at the age of 19, found his first job in Laibach/Ljubljana, settled and married in what was then Austro-Hungary. A lexius completed his studies at the Sorbonne in Paris with a doctorate in international law. When in 1936 civil war broke out in Spain, he volunteered to defend the Spanish Republic, fought in several battles and was commissioned as a Spanish captain. In 1941 Alexius was among those courageous Slovenians who decided to resist the fascist aggressors who had until then been victorious and became the first chief of staff of the Slovenian resistance organization. At the end of the war he was promoted to the rank of Yugoslav Major General and on May 5, 1945 became a member of the first Slovenian government. From 1945 till 1957 he served several times as Assistant, Deputy or Acting Foreign Minister of Yugoslavia. During the Cold War, he was well-known internationally under a somewhat different name, Aleš Bebler, a brilliant diplomat. In 1949 he was appointed to serve as the first Yugoslav Permanent Representative at the Organisation of the United Nations in New York and became the first Slovenian to sit on the Security Council. To this day, Alexius Baebler remains the only Swiss citizen to have served on and chaired the UN Security Council. Alexius' grandparents (sitting) and father (on the left) in Idria 22 | La Lettre de Penthes - No 26 In 1956-1957 he was the Yugoslav Ambassador to France. In 1958 he was elected to the Yugoslav Federal Assembly and until 1961 chaired its Foreign Affairs Committee. In 1962-1963 he went on to serve as Yugoslav Ambassador to Indonesia and in 1963 was elected a Justice of the newly established Federal Constitutional Court of Yugoslavia. In 1965 the government of ARTICLES | India appointed him to the three-member UN Arbitration Tribunal which settled a contentious part of the Indian-Pakistani border. His last official position was as a member for life of the consultative Council of Federation. In the last years of his life Alexius devoted most of his energy to the cause of fighting pollution and protecting pristine nature. During all this time, neither the public in Yugoslavia nor the foreign officials he dealt with were aware that he also held Swiss citizenship. Although a Slovene patriot and a Yugoslav National Hero, Alexius never forgot his Swiss roots. Alexius received the highest decorations of Yugoslavia, was honoured by France with a Grande Croix of the Legion d’Honneur and was given awards, decorations and medals by India, Ethiopia, the Holy See, Poland and Bulgaria. Alexius died in Ljubljana of a heart attack at the age of 74. There are today three statues erected in his honour in public places of three Slovenian municipalities, while several squares, streets and one public school were named after him. At the United Nations office in New York With US President Lyndon Johnson in the White House La Lettre de Penthes - No 26 | 23 | ARTICLES Peter Rindisbacher, peintre du Wild West Par Bénédict de Tscharner 24 | La Lettre de Penthes - No 26 On cite le nom du Bernois Peter Rindisbacher souvent à côté de celui de ces autres peintres de la vie des Indiens américains que sont le Suisse Karl Bodmer (1809-1893) ou l’Américain George Catlin (1796-1872). ARTICLES | L’ Ouest américain, pays encore sauvage, avec ses prairies, ses forêts et ses déserts, sa population indigène aussi et ses bisons, est le théâtre emblématique de l’aventure – récits authentiques, récits semiauthentiques, récits fictifs, mais avec un parfum d’authenticité, récits entièrement fantaisistes… (Les romans de l’écrivain allemand Karl May, père des héros que sont Winnetou et d’Old Shatterhand, sont à ranger plutôt dans ces dernières catégories.) Longtemps, l’écrit domine le genre, mais avant que le film ne prenne résolument le relais, le crayon et le pinceau ont grandement contribué à donner une image fascinante de cette aventure humaine. Peter Rindisdbacher, né à Eggiwil le 12 avril 1806, est le fils d’un paysan et vétérinaire du Haut-Emmental. Fait plutôt rare, c’est un garçon qui, dès son plus jeune âge, ne cesse de dessiner, spontanément. A l’âge de douze ans, il accompagne le peintre paysagiste Jakob Samuel Weibel (1771-1846) qui fait un ou deux voyages dans les Alpes et au Tessin – les dictionnaires classent ce dernier parmi les « petits-maîtres » bernois, avec Sigmund Freudenberger, Gabriel Lory, Ludwig Aberli –, mais cette rencontre ne saurait être considérée comme une formation artistique ; le jeune Rindisbacher est essentiellement autodidacte et ses œuvres, quoique d’une qualité indéniable et d’un style original, garderont un petit air d’art naïf. Il est rare que l’on trouve des indications météorologiques dans les manuels d’histoire suisse, mais l’époque immédiatement après la fin des guerres napoléoniennes fait exception : le climat en Europe se détériore dramatiquement, les récoltes sont mauvaises, les marchés ne se sont pas encore remis de la guerre et du blocus continental ; la pauvreté se répand en Suisse et pousse bon nombre d’ouvriers, d’artisans et de paysans à l’émigration. Les deux Amériques sont en tête des destinations ; plus tard, il y aura d’autres vagues d’émigration. En 1818, la famille Rindisbacher vend la petite ferme familiale à Luchsmatt, près d’Eggiwil ; mais la nouvelle ferme que le père acquiert, le Brunnmattgut à Niederwichtrach, dans la vallée de l’Aar entre Berne et Thoune – une ferme plus grande, une maison plus confortable – s’avère une charge trop importante au vu de la situation économique et, deux ans plus tard, la vente devient incontournable. L’émigration offre une issue aux difficultés que connaît la famille. Le voyage en Amérique coûtera 157 livres ; la commune ne veut pas payer la modeste aide à l’émigration qui est pourtant devenue habituelle ici et là ; quelques dettes resteront impayées. Les Rindisbacher répondent à l’incitation du capitaine Rodolphe de May de Berne, un ancien officier du régiment de Meuron. Après la dissolution de cette unité, suite à la guerre de 1812 contre les Etats-Unis, bon nombre de ses anciens soldats ont fait souche au Canada, y compris comme agriculteurs. A présent, de May agit au nom de la Hudson Bay Company (HBC), une société privée fondée en 1670 et spécialisée dans le commerce de fourrures – ce sont surtout les peaux de castor qui sont prisées –, mais aussi dans l’établissement de colons sur des terres cultivables. La destination des émigrés sera la colonie de Red River, située dans une région contrôlée par la HBC au sud du lac Winnipeg, région où bon nombre d’Ecossais, mais aussi des « Meurons », autrement dit des anciens La Lettre de Penthes - No 26 | 25 | ARTICLES soldats du régiment de Meuron, se sont déjà établis ; aujourd’hui, elle fait partie de l’Etat canadien du Manitoba. Les Suisses et les Allemands du Sud que de May réussit à enrôler se rassemblent à Kaiseraugst près de Bâle au printemps 1821. Après la descente du Rhin, c’est au port de Dordrecht, dans les Pays-Bas, qu’ils montent à bord du Lord Wellington, un voilier sous pavillon britannique qui appartient à la HBC. Quant au capitaine de May, qui a organisé le tout jusqu’ici, il prend congé et restera en Europe. Le voyage – dur pour ces passagers qui n’en ont pas l’habitude – conduit les émigrants vers les eaux situées entre le Groenland et le Labrador où les trois bateaux qui sont en route vers la Hudson Bay sont rejoints par ceux de l’amiral William Edward Perry, à la recherche du passage du Nord-Ouest par les mers glacées de l’Arctique. C’est là que Peter peut dessiner ses premiers indigènes américains, des Inuit qui abordent les navires venant d’Europe pour faire un peu de troc ; les vestes de fourrure bien chaudes sont particulièrement prisées par les passagers. Finalement, après 79 jours de traversée, les immigrants mettent pied à terre au petit port de 26 | La Lettre de Penthes - No 26 York Factory, sur la côte ouest de la Hudson Bay, un centre de traite de fourrures, autrement dit, la porte vers l’intérieur du pays. Ici, Peter peut dessiner ses premiers Indiens, une famille de Cree. Après quelques jours de repos, les immigrants sont placés par des guides, appelés « voyageurs », dans de petites embarcations pour remonter les voies d’eau, le Hayes River, puis le Hill River, qui les mèneront jusqu’au lac Winnipeg, au sud-ouest. Ils ont dû laisser une part importante de leurs bagages à York Factory dans l’espoir de les récupérer ultérieurement. En route, une modeste voile les aide à avancer parfois, surtout pour traverser les nombreux lacs ; mais, essentiellement, les passagers sont tenus de ramer eux-mêmes, à contre-courant, parfois même de tirer les bateaux le long des berges, voire de les porter pour contourner des rapides – les fameux « portages ». Peter fait de nombreux croquis de ce pénible trajet ; il dessine également les animaux sauvages qu’il peut observer en route. Il faut absolument arriver à un village avant le début de l’hiver. Déjà, certains passagers, notamment de petits enfants, ne survivent pas à cette épreuve. ARTICLES Les bateaux atteignent le grand lac vers la mioctobre ; la première station de la HBC, Norway House, ne peut pas les accueillir ; le voyage se prolonge de deux semaines : le froid, les tempêtes, la faim… Du nord au sud, ce lac est long de 400 kilomètres, les rives sont de vastes marécages. Début novembre, les bateaux et leurs passagers – ils sont environ 160 – arrivent enfin à l’embouchure du Red River, à la pointe sud du lac. Les Indiens de la tribu des Ojibwa sont prêts à leur vendre un peu de nourriture : du poisson séché, du riz sauvage ; la viande de bison se fait rare depuis que la région est devenue terre agricole. En remontant la rivière, le centre de la colonie, Fort Douglas, est vite atteint. L’accueil n’y est pas vraiment chaleureux, car là encore, les provisions ne sont pas abondantes. La région a souffert d’invasions de sauterelles. Néanmoins, la famille Rindisbacher trouve un toit provisoire chez d’anciens « Meurons », des Alsaciens, et Peter aura rapidement décroché un petit boulot comme assistant au magasin du Fort ; il peut y apprendre l’anglais, reprendre ses dessins – et observer les tricheries du tenancier. | Qu’en est-il au juste de cette colonie du Red River ? En 1811, lord Thomas Douglas, comte (5e Earl) de Selkirk (1771-1820), un noble philanthrope écossais, obtient de la Hudson Bay Company, dont il est d’ailleurs un important actionnaire, une vaste concession de 300 000 kilomètres carrés faisant partie du bassin versant de la grande baie. A cette époque, l’introduction de l’élevage d’ovins en Ecosse laisse beaucoup de petits paysans des Highlands sans revenus ; l’émigration reste la seule issue pour beaucoup d’entre eux et la promesse de terres gratuites faite par Selkirk s’avère irrésistible. Les premiers Ecossais vivent à Red River à partir de 1812, les premiers Meurons à partir de 1817. Et voici donc que des Suisses s’y ajoutent. Il faut préciser que le père Rindisbacher, en tant qu’agriculteur, est relativement bien préparé pour affronter cette vie nouvelle ; d’autres Suisses, artisans de tous genres, ne trouvent pas facilement de quoi vivre ou faire vivre leur famille. La Lettre de Penthes - No 26 | 27 | ARTICLES La HBC se trouve en vive concurrence avec la NorthWest Company, la NWC. Ces deux puissances privées se livrent de véritables batailles, chacune étant alliée à diverses tribus indigènes qui leur fournissent les fourrures ! Comme l’indique son nom, la NWC travaille plutôt dans l’arrière-pays de l’Ouest ; la concession de lord Selkirk coupe ce territoire de Montréal sur le Saint-Laurent, ville où la NWC a pourtant sa base. En 1818, un traité, négocié par Albert Gallatin, originaire de Genève, ancien secrétaire au Trésor, et à ce moment-là ambassadeur américain à Londres, attribue la partie méridionale de la région du Red River, au sud du 49e parallèle, aux Etats-Unis. En 1821, les deux compagnies rivales fusionnent sur ordre du gouvernement britannique ; leurs territoires feront officiellement partie du Canada à partir de 1870. Le Red River se trouve dans la partie du Manitoba qui est couverte de prairies ; aujourd’hui, de vastes champs de blé caractérisent la région. C’est dire que, même si la saison estivale de croissance est brève, il s’agit d’une bonne terre agricole. En 1822 pourtant, il ne paraît guère facile de développer ce potentiel. En tous cas, la 28 | La Lettre de Penthes - No 26 colonie connaît de fréquentes périodes de famine. Et puis, des Indiens Sioux et Dakota, et parfois même les Ojibwa, pourtant alliés des colons, menacent les Européens. Certains des nouveaux arrivants repartent rapidement en direction des Etats-Unis, et ce malgré les dangers d’un tel déplacement ; les Rindisbacher, satisfaits de leurs premières récoltes, restent pour l’instant : en bons Bernois, ils ne prennent pas de décision dans la précipitation. Et puis, le nouveau gouverneur offre à Peter le poste – non rémunéré, mais fort honorable – de peintre officiel de la colonie ! Le garçon, qui a seize ans, travaille comme un obsédé, en partie en copiant et en améliorant les esquisses qu’il a faites en route. Des colons passent des ordres ; des dessins et aquarelles partent pour l’Europe comme illustrations de leurs lettres. Certains seront copiés en gravures et vendus en Europe. L’artiste en herbe gagne même quelques sous. Le sujet qui le passionne le plus, ce sont les Indiens. Avec deux métis, il vit avec les Ojibwa pendant plusieurs semaines et participe à de dramatiques chasses aux bisons. C’est ainsi que naissent des témoignages ethnographiques de grande valeur. ARTICLES L’hiver 1825/26 apporte des précipitations en surabondance ; au printemps, quand la neige fond à partir du sud, une crue exceptionnelle du Red River emporte à la fois les fermettes sur les rives de la rivière et la terre que les colons ont cultivée depuis leur arrivée. (Les Etats de Winnipeg, du Minnesota et du Dakota du Nord connaîtront bien d’autres inondations dans le plat bassin du Red River ; ainsi celle de 1997 a été appelée « la crue du siècle » !) C’en est trop ; fin juin, plus de 200 Suisses, Ecossais, Meurons et quelques métis quittent les lieux, en direction du sud, formant un long cortège avec leurs chariots primitifs, lourdement chargés. Malgré des rencontres critiques avec les Dakota, la caravane traverse l’immense prairie, sans chemins ni pistes, qui s’étend de part et d’autre du haut Red River avec ses innombrables boucles pour arriver finalement, au bout d’un voyage de quelque 700 kilomètres, dans le bassin versant du Mississippi, qui fait à présent partie des Etats-Unis. Ils s’arrêtent à Fort Saint-Anthony (plus tard appelé Fort Snelling, aujourd’hui dans la métropole de MinneapolisSaint-Paul). A partir de ce point, la famille bernoise finit son périple en empruntant un bateau à vapeur sur le Mississippi jusqu’au Fever River (près de la ville actuelle de Dubuque) où les trois hommes de la famille travailleront quelque temps dans une fonderie de plomb avant de gagner un endroit du nom de Gratiot’s Grove, un peu plus à l’est, proche de la frontière du Wisconsin avec l’Illinois, où une nouvelle ferme Rindisbacher verra le jour. Deux ans plus tard, Peter, âgé de vingt-trois ans, quitte ses parents pour se rendre à Saint-Louis. Cette ville sur le Ol’Man River est alors le principal lieu de passage et de contact entre le monde dit civilisé de l’Est et l’Ouest sauvage. Une admiratrice, Mrs Sarah Beebe, aide le jeune artiste suisse à s’y installer ; mais rapidement, celui-ci est attiré par la nouvelle d’une négociation qui doit avoir lieu entre les autorités américaines et des tribus d’Indiens à Prairie-du-Chien, en amont sur le Mississippi – encore une occasion pour dessiner des Indiens ! Puis, le Suisse ouvre un petit atelier à Saint-Louis. Les clients sont assez nombreux, sans que l’on puisse affirmer que Peter Rindisbacher | soit devenu un artiste célèbre. Parmi les visiteurs, en 1833, on note le peintre suisse Karl Bodmer, en voyage à travers les Etats-Unis en compagnie du prince Maximilian Alexander Philipp zu Wied-Neuwied, un ethnologue, naturaliste et collectionneur allemand. On en sait beaucoup sur la vie du jeune Bernois, mais pas tout. Son décès, le 12 ou le 13 août 1834, ne trouve pas d’explication ; certains évoquent le choléra qui aurait sévi à l’époque. La plus importante collection de ses œuvres est celle qu’un officier américain du nom de Major Hughes a constituée et qui se trouve à l’Académie militaire de West Point (New York) ; d’autres sont conservées dans les Archives du Canada à Ottawa et au remarquable Musée Gilcrease à Tulsa (Oklahoma). BIBLIOGRAPHIE: E.H. BOVAY Le Canada et les Suisses, 1604-1974 Editions universitaires, Fribourg, 1976 GUY DE MEURON Le Régiment de Meuron, 1781-1816 Editions d’En Bas, 1982 FRED LINDEGGER Bruder des roten Mannes Das abenteuerliche Leben und einmalige Werk des Indianermalers Peter Rindisbacher (1806-1834) Aare Verlag, Solothurn, 1983 OTTO LÜTHI, JOSEF BUNTSCHU Peter Rindisbacher. 1806-1834. Indianermaler Museum Schloss Münsingen, 2007 ANTOINE DE COURTEN The Swiss Emigration to the Red River Settlement in 1821 and its Subsequent Exodus to the United States Illustrations : reproductions de dessins de Peter Rindisbacher Commandes : [email protected], Rolle VD, 2014 La Lettre de Penthes - No 26 | 29 | ARTICLES Les Suisses de Franche-Comté d’hier à aujourd’hui Stéphane Kronenberger Spécialiste de l’immigration suisse en France, Post-doctorant à Aix Marseille Université En 2015, un cinquième des Suisses immatriculés au sein de l’arrondissement consulaire de Lyon1 résident dans l’un des quatre départements comtois (Territoire de Belfort, Haute-Saône, Doubs ou Jura), soit 21 500 personnes sur un total de 104 000. Parmi ces ressortissants helvètes se trouvent de nombreux binationaux, dont la famille est établie outre Jura depuis parfois plus d’un siècle. L’histoire des migrations entre la Confédération et sa voisine comtoise s’inscrit, en effet, dans la longue durée, tout en étant marquée du sceau de la diversité. O n remonte généralement au repeuplement de la Franche-Comté par les paysans fribourgeois à la suite de la funeste guerre de Dix Ans (1634-1644), épisode local de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Mais il ne faut pas oublier les anabaptistes bernois invités à s’installer dans le Pays de Montbéliard par le prince Léopold-Eberhardt de Wurtemberg dès le début du XVIIIe siècle. Une autre migration agricole a également eu une vitalité et une longévité exceptionnelle, celle des fromagers helvètes, natifs principalement de la Gruyère et de l’Emmental, venus apporter leurs compétences et leur force de travail aux coopératives laitières (appelées fruitières) ou aux autres établissements des départements du Jura, du Doubs, et de la Haute-Saône. Un fromager suisse émigré en Franche-Comté dans son costume d’armailli. 30 | La Lettre de Penthes - No 26 L’apport de main-d’œuvre industrielle suisse à la Franche-Comté est indissociable de l’activité horlogère, anciennement implantée de part et d’autre de la montagne jurassienne, avec d’ailleurs une forte complémentarité entre les bassins industriels situés à l’extrême frontière. En pleine tourmente révolutionnaire, Besançon a aussi bénéficié de l’exil forcé du Genevois Laurent Mégevand et de ses compagnons, qui y ont implanté l’horlogerie, permettant, par la suite, à la ville de devenir la capitale française de la montre durant de nombreuses décennies. ARTICLES | Chocolaterie Klaus possédant des usines au Locle (canton de Neuchâtel) et à Morteau (Doubs). A la fin du XIXe siècle, des entreprises helvètes, appartenant à des secteurs d’activité aussi divers que le textile (bonneterie), la métallurgie, l’industrie agroalimentaire (chocolat et alcool) ou la fabrication d’objets en bois courbé, choisissent la Franche-Comté pour y créer des succursales, et ainsi sécuriser leur accès au marché français. Ce débouché, vital pour leurs exportations, est, en effet, de plus en plus protégé par des barrières douanières. Parallèlement, des usines comtoises, comme Peugeot, Japy ou la Société alsacienne de constructions mécaniques (ancêtre d’Alsthom), recrutent de la maind’œuvre suisse. Du simple ouvrier-paysan venu de l’Ajoie toute proche, à l’ingénieur biennois ou zurichois, ils concourent tous au développement industriel d’une région, qui, malgré les crises, est encore aujourd’hui fortement marquée par le secteur secondaire. Par ailleurs sont implantés au cœur des villes et villages de Franche-Comté des artisans et commerçants helvètes, dont la présence est trop souvent passée sous silence. Pourtant de nombreux cafés et hôtels sont par exemple tenus, dès le dernier tiers du XIXe siècle, par des natifs de la Confédération, sans oublier l’arrivée significative, dans le même temps, des maçons ou peintres tessinois. La part féminine de cette migration est enfin représentée par des actives, telles les bonnes ou préceptrices, au service de riches familles comtoises, ainsi que les ouvrières travaillant pour un faible gain dans les usines. En outre, les épouses, indiquées comme inactives sur les recensements de population successifs, aident en fait souvent au quotidien leurs maris, par exemple en tenant boutique. 1 Il regroupe les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Limousin, Bourgogne et Franche-Comté. Un Tessinois à la tête d’une petite affaire artisanale en Haute-Saône. La Lettre de Penthes - No 26 | 31 HÔTEL DRAKE LONGCHAMP & Résidence Genève Confort, Calme, Rive Droite, Situation exceptionnelle près du lac Partenaire des Organisations Internationales à Genève Hôtel DRAKE LONGCHAMP Rue Butini 7 - 1202 Genève - Rive droite Tél. 022 716 48 48 - Fax 022 738 00 07 Site: www.hdlge.ch - E-mail: [email protected] Petit déjeuner - Parking - Lounge – Bar à vin Toutes les chambres sont équipées d’une petite cuisine. 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Est-il vrai qu’en 1900 La Chaux-de-Fonds était presque aussi peuplée que Lausanne ? Le nombre de cantons romands varie-t-il entre les deux dates ? Savez-vous qu’une association propose la création d’un grand canton de l’Arc jurassien ? Connaissez-vous l’histoire du premier projet de fusion de deux cantons de l’Arc lémanique ? Quels sont les scénarios régionaux pour demain ? Selon vous, les cantons romands ont-ils une politique linguistique ? Si oui, quelle est-elle ? Savez-vous combien de concordats romands sont en vigueur aujourd’hui, et dans quels domaines ? L e livre grand public que voici est inédit, car il répond à toutes ces questions et à bien d’autres. Les éclairages fournis par quatre auteurs spécialistes vous permettront d’apprécier le dynamisme qui anime la Suisse romande, ainsi que son extraordinaire évolution, gage d’un avenir prometteur. Bonne lecture ! 34 | La Lettre de Penthes - No 26 BRIGITTE STUDER, CAROLINE ARNI, WALTER LEIMGRUBER, JON MATHIEU, Laurent TISSOT (éditeurs) Die Schweiz anderswo. AuslandschweizerInnen – SchweizerInnen im Ausland La Suisse ailleurs. Les Suisses de l’étranger – Les Suisses à l‘étranger Schweizerisches Jahrbuch für Wirtschafts- und Sozialgeschichte, Bd. 29, 29. Jahrg. / Annuaire suisse d’histoire économique et sociale, vol 29, 29e année (actes de la Journée annuelle 2013) Chronos Verlag, Zürich, 2015 Parmi les auteurs: Brigitte Studer (introduction), Leo Schelbert, Marco Schnyder, Mathieu Humbert, Georg Kreis P lus 732 000 citoyennes et citoyens suisses vivent actuellement à l’étranger, soit plus d’une personne sur dix titulaires du passeport helvétique. Les contributions rassemblées interrogent dans quelle mesure les « Suisses de l’étranger » – désignés ainsi à partir du XXe siècle seulement – ont servi de relais pour le commerce extérieur, ainsi que dans quelle mesure leurs réseaux de communication ont contribué aux transferts culturels et favorisé des formes d’échange du savoir ou, à l’inverse, quels sont les apports des (anciens) Suisses de l’étranger dans les domaines de l’économie, de la science, de la politique sociale et de la culture lors de leur retour en Suisse. REVUE LITTÉRAIRE Les contributions portent également sur la construction historique de la population en tant que nouvelle catégorie politique. La question de savoir à travers quelles politiques et mesures l’autorité, les pouvoirs publics, l’Etat et l’administration ont constitué et consolidé leur propre population et, suivant les cas, l’ont étendu au-delà des frontières (nationales) existantes concerne autant l’époque contemporaine que les périodes antérieures. Demain la Suisse Dans ce livre-entretien, Tim Guldimann aborde les thèmes les plus controversés de la politique intérieure et extérieure suisse : le refus d’admettre que nous sommes un pays d’immigration, le dilemme européen entre un bilatéralisme discriminant et une adhésion pour l’instant irréaliste, une politique étrangère entravée par le dogme de la neutralité, la démocratie directe et l’idéologie de la souveraineté illimitée du peuple, le déclin du plurilinguisme par le mépris alémanique des langues nationales, etc. Citoyen engagé et homme de gauche, il revendique une totale liberté d’opinion et son appartenance à la mouvance sociale-libérale. TIM GULDIMANN, CHRISTOPH REICHMUTH, JOSÉ RIBEAUD Dialogue avec Tim Guldimann diplomate et citoyen Editions Alphil, Neuchâtel, 2015 L’Ours bleu P ETIENNE DELESSERT L’Ours bleu. Mémoires d’un créateur d’images Editions Slatkine, Genève, 2015 endant un quart de siècle, Tim Guldimann est intervenu dans des conflits à l’étranger en qualité de médiateur et d’ambassadeur. Au moment de quitter la carrière diplomatique, il dresse un bilan sans complaisance de ses expériences et il analyse sans fard les défis auxquels notre pays est confronté. Diplomate atypique, Tim Guldimann joua un rôle de négociateur pendant la guerre de Tchétchénie entre indépendantistes et prorusses. En Croatie, puis au Kosovo, il assuma des mandats délicats pour le compte de l’OSCE et de l’ONU. En 2014, au plus fort de la crise ukrainienne, il assista le conseiller fédéral Didier Burkhalter, président en exercice de l’OSCE, pour nouer le dialogue entre le Kremlin et les autorités de Kiev. En poste pendant cinq ans à Téhéran, il fut chargé de la défense des intérêts américains en Iran. Il est un observateur privilégié de la scène proche-orientale. Finalement, de 2010 à 2015, il a représenté la Suisse en Allemagne. | E tienne Delessert est de ceux qui ont porté l’image au cœur des plus grands journaux et magazines mêlant l’intelligence et l’émotion, qui interroge notre époque avec ses ombres et sa lumière. Peintre, maître de la couleur, il sait changer d’humeur, créer le portrait délicat des paysages qu’il aime, mais aussi percer la surface des visages. Avec un sens aigu de la métaphore visuelle, celle qui traverse le temps tout en parlant d’aujourd’hui. Auteur et illustrateur de plus de quatre-vingts livres lus par des millions d’enfants, il a su capter leurs perceptions instinctives, parfois sauvages. Raconter des histoires de rire, de larmes et de survie. Dessiner leurs rêves. La Lettre de Penthes - No 26 | 35 | REVUE LITTÉRAIRE En ces pages, Etienne Delessert déroule les fils d’une vie aussi colorée et prenante que ses œuvres. Voici un demi-siècle de somptueux art graphique, de rencontres amicales et de collaborations avec Jean Piaget, Eugène Ionesco, les Gallimard, les grands Américains comme Herb Lubalin, les grands Français comme André François ou Alain Le Foll – et l’analyse sans concession des changements profonds qui ont marqué l’édition et les médias. Voici enfin un homme, ses amours, ses colères, ses drames et ses bonheurs de vivre, une présence européenne dans les rues de New York, trente ans de vie dans les collines de la Nouvelle-Angleterre, dans le grand atelier entouré d’arbres centenaires, au cœur d’une campagne visitée parfois par des ours que l’on aimerait toucher de la main. La Suisse et la grande guerre SOUS LA DIRECTION DE CHRISTOPHE VUILLEUMIER La Suisse et la guerre de 1914-1918 Société d'Histoire de la Suisse romande Editions de Penthes, Genève 2015 L e centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale a été l’occasion pour la Suisse de revenir sur cette période qui, durant des décennies, n’a guère suscité l’intérêt des chercheurs, jusqu’à ces dernières années. Peut-être fallait-il digérer l’épisode douloureux pour la fierté nationale de la publication, à la fin des années 90, des conclusions du « rapport Bergier » sur l’attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale, avant d’aborder l’autre guerre, celle des poilus 36 | La Lettre de Penthes - No 26 français et des Landsers prussiens, des trains de réfugiés sillonnant le pays en tous sens et des dragons montant la garde aux frontières. Le colloque international, tenu du 10 au 12 septembre 2014 au sein du château de Penthes à Genève, en présence de nombreuses personnalités officielles, a vu se succéder plusieurs dizaines de conférences sur des sujets parfois inédits et réunis dans cet ouvrage. Sont abordés ainsi la scission linguistique de la Suisse, la propagande des pays en guerre, le rôle de l’armée suisse, la présence des révolutionnaires sur le territoire, l’action du CICR bien évidemment et les blessés accueillis dans les cantons, mais également les Suisses engagés dans les armées étrangères, le rapatriement de 500 000 réfugiés français de Bâle à Genève, ignorés des historiens jusqu’il y a peu de temps, les évolutions des partis politiques ou les plans suisses d’invasion de l’Italie du Nord. La Première Guerre mondiale influencera le destin de la Suisse de manière durable et entraînera l’établissement sur son territoire de la Société des Nations, dont l’Organisation des Nations Unies prendra le relais en 1945. Histoire suisse – Mythes et réalités THOMAS MAISSEN Schweizer Heldengeschichten – und was dahinter steckt Hier und Jetzt Verlag, Baden, 2e édition, 2015 L ’auteur de ce remarquable essai historique a été professeur d’histoire à l’Université de Heidelberg de 2004 à 2013 et occupe actuellement le poste de directeur de l’Institut historique allemand à Paris. Il est REVUE LITTÉRAIRE l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire suisse, dont une Histoire de la NZZ (2005), une Histoire de la Suisse (2010) et une Histoire suisse en images (2012). Guillaume Tell, le Grütli, les batailles de Morgarten et de Marignan, les « juges étrangers », la « neutralité perpétuelle », le « Sonderfall »… les mythes nous ouvrent l’accès à l’histoire et expriment nos certitudes ou, du moins, notre soif de certitudes. En même temps, ils forment un vaste champ pour des simplifications et des semi-vérités qui se prêtent (trop) facilement comme des armes dans les combats politiques de nos jours ; ou disons-le plus directement : ils sont de plus en plus utilisés par l’ambitieuse frange nationale-conservatrice suisse dans sa lutte pour des voix et des suffrages, donc dans sa quête du pouvoir ; il s’agit le plus souvent aussi d’un moyen pour combattre ou ridiculiser des tendances internationalistes ou pro-européennes qu’ils soupçonnent d’être à l’œuvre un peu partout dans notre pays… Or, le livre de Thomas Maissen ne constitue en rien une contre-attaque dans un duel polémique ; l’auteur essaie tout simplement d’expliquer, soigneusement et sérieusement, ce qu’il en a été au juste, les circonstances et les détails historiques que nous avons tendance à ignorer ou à oublier. Il fait là œuvre salutaire, car il est à craindre que, laissé à ces seuls thuriféraires d’une Suisse héroïque qui n’a jamais existé, le peuple se contente finalement d’une histoire rassurante, certes, mais aussi dangereuse dans son approche des réalités d’aujourd’hui. | Trente-trois généraux suisses… ALAIN PIGEARD Les Généraux suisses, de Napoléon Ier et de la Révolution française Préface d’Alain-Jacques TORNARE Editions Cabédita, Bière, 2015 L a Suisse, à l’image de l’Allemagne, fut le pays qui donna le plus de généraux à la Révolution française et à l’Empire de Napoléon Ier. S’ils furent trente-trois à entrer au service de la grande nation voisine, jamais une recension complète ne leur fut cependant pleinement consacrée. C’est à cela que l’auteur s’est attelé à partir de sources historiques de première main puisées entre autres aux Archives nationales de Vincennes ou encore à celles de la Légion d’honneur. Chaque général est présenté au sein d’une fiche particulièrement complète comportant souvent des anecdotes, des informations inédites et leur autographe. Cet ouvrage est préfacé par Alain-Jacques Tornare, historien et écrivain, spécialiste de la Révolution et des Suisses au service de l’étranger. P.S. Cette étude en forme d’un petit lexique biographique reprend les trois interventions d’Alain Pigeard, président du Souvenir napoléonien, en 2014, lors du colloque organisé annuellement à Morges par cette association en collaboration avec les Editions Cabédita. La Lettre de Penthes - No 26 | 37 Aquarelles de Daniel LANOUX - Textes de Anselm ZURFLUH Préface de Daniel BERNARD U A E V NOU Suite au succès des coffrets luxe de bibliophilie : « J’aime la Suisse » ! Nous vous proposons la version livre, un ouvrage d’art et d’histoire : Histoire de la Suisse, Serment du Grütli en 4 langues, une carte de la Suisse, 26 cantons, 26 aquarelles, 26 histoires, 26 vignettes explicatives en 4 langues, + Bonus : Les Suisses dans le monde, 2 aquarelles, 2 pages d’histoire. Editeurs CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES : • Format 297 x 240 mm à l’italienne • Impression 4 couleurs • Nombres de pages : 128 • Papier couché 170 g/m2 • Prix de vente : CHF 34,90.- Un ouvrage de plus sur la Suisse, allez-vous me dire ? Non ! Dans ce livre nous découvrons ou redécouvrons les 26 cantons et leurs capitales, leurs histoires, les femmes et les hommes qui ont façonné ce pays aux multiples facettes, les chiffres clés et tout cela agrémenté d’aquarelles représentant la diversité des paysages de cette Suisse que nous aimons tant ! Ce livre s’adresse à toutes et à tous. Nous vous souhaitons une bonne lecture et un bon voyage ! Vaud : Les écrivains, Voltaire, Nabokov, Bergson, Byron, Hemingway comme les compositeurs, Stravinsky, Tchaïkovski, l’anarchiste français Elisée Reclus mais aussi les acteurs, Chaplin, Hepburn, Ustinov, le chorégraphe Maurice Béjart ont vécu dans le canton de Vaud et, pour un certain nombre d’entre eux, y sont même enterrés. Extraits : Anecdote du canton d’Uri L’export de fromage - seul produit laitier qui se conserve longuement et qui peut se vendre, comme chaque produit de qualité - au prix fort dans les capitales de l’Europe. Ainsi, à Versailles, Louis XIV (Le Roi Soleil) attendait son fromage spécialement fabriqué pour lui à Urseren. L NZEL APPEODESRES RH RIEU L NZEL INTÉ APPEODESRES RH RIEU EXTÉ LL GA TSAIN VIE ZOUG GO THUR USE FFHO SCHA VIE ILLE LE-V BÂ Lac de tance Cons ld uenfe ouse Fra ffh Scha ont re lém De Soleu h Züric rau Aa l sta Lie Lac de ach Semp ug Zo Lac de Zoug rne Luce Aar Lac des re Quatons Cant E e enèv 1 G ra el 2 Ju euchât 3 N aud 4 V ibourg 5 Fr erne e 6 B âle-Vill pagne 7 B âle-Cam 8 B alais 9 V cerne Lu in 10 ss Te 11 ich Zur e ur 12 Sole 13 Lac de hâtel Neuc Lac de z Brien Lac de t Mora bourg S Rhô ne e zon llin Lac ur Maje Be GR à l’équip ipé : Ont partic nne Lausa Lac de Joux Lac de no Luga Lac n Léma RG OU FRIB I UR n Sio IN ne Uri ytz 14 Schw ald 15 Obw ald 16 w Nid s s 17 eure Glari téri s 18 Zoug ffhouse hodes-Ex térieure 19 Scha zell R hodes-In en 20 App zell R en 21 App Gall t22 Sain ns 23 Griso vie 24 o Arg ovie rg 25 Thu 26 ents ciem Remeer éditoriale ISON Lac de ne Thou Fri Lac de la ère Gruy E Rhô Car Be tel uchâ Ne TEL BERN Sarine 26 Les te de la S Co Gla dorf Alt Sarne rne E : www.lycee-p areto. nche en roma scha), Traduction he : Lia Rumant he (en Romanc lle suisse. ique et culture La Ligue romanc ation linguist est une organis ntscha Lia Ruma translaziuns servetsch da OB RN LUCE Z italien enYT Traduction HWNIHIL SCppe Giuse 15 Lycée Pareto e (Suisse) Mies – Aubonn ch Lausanne – Site web TESS D WAL nève Ge ALD NIDW sillonne, aquarelliste, années. sculpteur euses UX, peintre de nombr talise Daniel LANO , les Alpes depuis gnes, il les immor et de Suisse monta néité survole la amoureux de nos que de sponta uites, et lle, techni été reprod sont Imprégné e de l ’ aquare œuvres ont aphies par la maîtris s ’ il en est. Ses . Des lithogr Etats-Unis. les en France raison, difficile Suisse et depuis pays dont éditées en nombreux sionnel, il réalise dans de et illustre es profes alpins teur diffusé et illustra domaine des sports e de plasticien le Plasticien carrièr on surtout dans son « truc » ! Sa de Créati eur ’ affiches est d ’ Direct c e de nombr création patibles. son métier longtemps tures. La ent incom ation avec et couver -Arts, son rs en corrél des guides les mais nullem e aux Beaux tion toujou parallè passag depuis et illustra deux routes indéniable, son chemine te, n graphique publicité), er, c ’ est en créatio pour l ’ anecdo s (agence de sait dessin années d ’ études murale . Il faut dire ries solides L ’ artiste tapisse quatre bases ce sont les exprimer son art sont des reçu après diplôme école US, était tout petit et t pour n ’ es dans une il r suppor t quand tu quand s premie artistique surtou de (et tombé dedan qui lui servirent nous tiens qu ’ il est n quand tu familiale de la maison l ’ âge de 6 ans... vocatio aux...). parent naissant dès par des préjugés riée pas contra : Annecy- ire ris ytz Schw canton ce petit n d ’ Uri, est citoye Guillaume Tell, étroite QuatreZURFLUH patrie de Anselm au lac des alémanique, t au nord, . de la Suisse gnarde qui abouti Saint-Gothard en histoire et vallée montaau sud, au col du de Nice dans la et l ’ Université tion alpine Cantons, études à raphie Une popula Il a fait ses sujets : « e siècles, démogisolat » ogie sur les XVIIe et XVIII d ’ un « en ethnol historique : cohérence n, Uri aux ethnodératio e Confé - Suisse « Analys ique, Uri avec une lités » et et menta monde alpin aléman e ses études Histoire ale, ». Il termin ulturel du l traditionnel ale, Histoire région , recherche ue et socioc société démographiq d ’ un modèle cultureHistoire nation tion entre ique selle, et dynam re univer sur l ’ interac sité ues Histoi « Univer nt à l ’ habilitation propos épistémologiq 990), assista eur spécialisé eln (1981-1 personnelle, individu ». r , cherch d ’ Einsied et à Zurich du recteu historique professeur au lycée du Thesis Verlag personnel s et r conseiller de Penthe Il a été eur et éditeuau XVIIe siècle et pour les Editions n, fondat tions éditeur d ’ Avigno . e des civilisa depuis 2002 s dans le Monde sur l ’ histoir de Nice. Il est des Suisse mie de l ’ Acadé l ’ Institut et du Musée ogie. ethnol de ur en directeur e - Docte en histoir Docteur ns Sta HÂ e uiss Wale n Lac de ne Bien NEUC IS GLAR Lac t de nstad Lac de h Zuric Lac de il Hallw LEUR ses penze Ap Aar le Bâ SO suis CH ZÜRI ll risau He JURA ons cant ll Ga St- Rhin GO AR LEBÂ AGNE MP CA 47 Via da la Plessur Chascha postala CH-7001 Cuira IS VALA VAUD telefon +41 NÈVE 75 (0)81 920 80 258 32 23 (0)81 telefax +41 antsch.ch aziuns@rum antscha.ch E-mail: transl www.liarum Site web: GE Rédaction Société en franç ais et allem d ’ Editio Générale and n et de Diffus 1023 CRISSIER publication Directeur de ARD ion ROCH Philippe ulture.ch : www.art-et-c ulture.ch Site web info@art-et-c E-mail : : Daniel LANOUX mise en page maquette et e, Illustrations, n liste et écrivaienfance en Inde où il ARD journa de son pour 5 ans, Daniel BERN passé une partie en poste ayant sionnelle fut muté Né à Paris, à l ’ OMS, Sa vie profes et qu ’ il médecin demi-siècle. à Paris, son père, e depuis un ’ il étudie dans un cinéma qu cien des couleurs réside à Genèv des avec le commence Suisse, comme technià lui la responsabilité en 70 : Michel drainant pratique des années renommé, laboratoire des cinéastes suissesJean-Luc Godard. et gagne-pain Yersin un productions était r, Yves cadre Francis Reusse de long-métrage œuvrant dans le , le en Koralnik, couleurs entre autres y retoucher Soutter, Pierre nage des brossant, tion. Il va filmé sera Mais l ’ étalon n ? La réalisa publique genevoise, portrait nne. Ce : sa passio à son propre l ’ instruction providentiel André Chava t se lancer fameux : tement de décide à s, qui suiven ce qui le du Dépar ller d ’ Etat et ses parentâge de 13 ans, d ’ un consei nationale en 1986, ingénieur, à l’ portrait de la avec un ami premier film 8 mm la télévision race SA, diffusé sur avant le séjour son créant Videot qui avait tourné 1958 par son père, réalisateur, il rédige compte, fils e en iques ité de leur -Bolex achetée ges, comm és numér -métra la créativ procéd les courts Paillard a avec 200 Léman bleu avec la camér Il filme plus de assure le montage, à la création de ’ en Inde. ans, jusqu est associé caméra et famille en t quatre il tient la écoulé. Il pendan est ios, a ’ s iècle des scénar qu ’ il diriger son ’ hui. Un demi-s genevoise, e. univers de d’aujourd ion locale ons à l ’ antenn le monde du livre, lisme littéraire la télévis t des émissi e et en 1996, journa et en animan ’ attirent : l ’ écritur pratique alors le management 2003, tout (Ecole de univers l d Colin. Il chez Arman depuis 1987 à l ’ ESM Puis d ’ autres t , maternel, un concep son métier grand-père il propose aire nement de e en 2007, Son parten et l ’ enseig on). une livre de Genèv un site internet. est ’ du C communicati le comité du Salon qui animeraient son stand. déjà s invitant sur Intégrant lequel il avait ews filmée défi en l ’ renom avec relève le : des intervi de au qui suisses nouve Ciel de livres Loisirs Suisse r roman est France avec le distributeur ! qu’il son premie ’ an 2000 publié pour pièces, dont deux pe l retrouvaille est dès il télévision, écrit : en 1991, ale avec cinq comédies. Il partici s fait de la Bernard période théâtr s illustré andes de Enfin Daniel il passe par une que et deux comm rédige deux roman e, , puis e. Il histori dixième ouvrag à bleu-rose de Genèv pour son : une trilogie en 1894 les HUG En 2015, met en scène scientifique sur de la peste Paris, lui s Limonade. e le bacille Ginkgo, à à un ouvrag se avec les Edition e ayant découvert Editions phe. Les pour la jeunes dre Yersin, l ’ homm , et mène journal apocry c ’ est à Alexanqu ’ il consacre un Loisirs Suisse de radio, de France émission Hong- Kong, eur en chef ce. assure une font confian 2009, il est le rédactet éclectisme. Il s Depui siasme . Entre lacs e avec enthou aute-Savoie, sa carrièr sur RCF-H mensuelle, , Uri en des Alpes e au cœur ns : . t, une cultur Publicatio 275 pages le changemen , Paris 1993, he e contre -geschichtlic •« Un mond », Economica . e-XXe siècles ? » Eine ethno 388 pages Suisse, XVII ionellen Welt , Zurich 1994, ll einer tradit », Thesis Verlag •« Uri, Mode européen Mentalität, ’ un espace die Urner olitique d Studie über re et Géop pages. Histoi 156 r von Alpin, , 1998, rin Zwye •« L ’ Arc Paris/Zurich tian Pereg . »/Thesis, enz von Sebas 6210 pages Economica spond 006, e der Korre , Zurich 1991-2 •« Werkausgab . Editions Thesis un », 250 pages (1597-1661), comm » 1992, d ch Eveba », Madri pour un avenir ion RIALP s communes •« Superpoblac , des valeur té européenne 125 pages. • L ’ identi valis 2001, Penthes/No Editions de lieux y, s, quelques Troyes, Annec , s et salon Bordeaux, années, Bozel Exposition Paris, Lyon, plusieurs y-Voltaire, hevel 1850 Curial, AixGenève, Ferne béry Carré 1650, Courc s, à Courchevel Vincent, Cham rement, Thône le-Vieux, Puy Saint très réguliè en Vanoise, Meythet, Bornand Champagny z, Novel, Le Grand , s, La Clusa Prestige Day, artiste ins chaque année les-Ba avec 3 amis 1996 à 2010 Picturales tions de Bonlieu de des collec l ’ origine des , Annecy dans s rnard int-Be Lithos... Œuvre Dubaï... Menthon-Sa uth, Miami Etats- Unis, lles, Bayre Canada, les le , Lyon, Bruxe le Japon pays, dont plus de 15 Suisse. la du urs es par plusie Et bien enten et diffusé : Annecy, reproduites s ont été en France ses œuvre Lausanne, : Genève, Depuis 1986 en Suisse ’ éditions maisons d Agay... Lyon, Paris, Grenoble, 7 Direction Artistiqu 6 14 Zoug ton de Can de Les Suisses dans le mon 1352 tagnes. mon g et ses lac de Zou érale, le : Zou g CANTON Zou g, vue gén e. E: CAPITAL e montagn di Zugo e, lago o general E: Zug o, vista CANTON ge. OGO: Zug seine Ber CAPOLU ersee und k, der Zug ner Blic : Zug , allgemei KANTON Zug T: TAD tognas. HAUPTS e las mun da Zug d, il Lai N: Zug sin la cita CHANTU Zug, vista LA: CHAPITA ts habitan 113 1052 239 km Canton des Grisons 86 1803 le Saint-Gothard, l’axe nord-sud le plus utilisé, que le pays se trouve sur de difficultés. Ensuite, pour faire fructifier Necker, entre Jean-Jacques Rousseau, Sophie tout cela circule sans trop donc des banques. Cela tombe bien, les uel est le point commun César Ritz, Eugène Grasset, Arthur de même pour l’ensemble, il faut de l’argent, de Staël, Louis Pernod, Simon, protestantisme les fournissent, Alberto Giacometti, Michel main-d’œuvre utile grandes villes passées au pas de banques mais la Taeuber-Arp, Ursula Kübler, Cendrars, Guy de Pourtalès, Mireille Darc, les catholiques, qui n’ont banque, les marchandises circulent bien, Blaise Henri Verneuil, à la Honegger, Le Corbusier, satisfaction de tous. Patrick Juvet, José Giovanni, au mercenariat. Grâce système fonctionne à la Vincent Perez, Anne Peter Knapp, Roger Pfund, aussi des gens qui on peut investir. Bref, le Delon, Jean-Luc Godard, sont tous, chacun à trouve Alain on cela, Aznavour, tout dans Charles Frei, Manuel Valls ? Ils moralement cassés Bien sûr, petits nuages des soldats qui reviennent Richard, Derib, Zep, Eduardovariable, des Suisses dans le monde. se ruinent à l’étranger, qui meurent de faim au paysans des fragilisés, leur manière ou à géométrie statistiquement ou des travailleurs et psychologiquement Cela existe aussi, mais ne sont pas des « expats » Les Suisses dans le monde fin fond du Brésil et ailleurs. qui est à retenir. des émigrés... Ce sont diaspora, encore moins hors du canton et étrangers organisés en parlant, c’est plutôt le succès Pour de vivre et de travailler sont préférés à d’autres. qui des personnes ayant choisi Suisses qui se trouvent les époques, certains endroits la France Selon87 ce sont plus de 10 % des c’est incontestablement hors de leur pays natal ; Cent-Suisses et les le Service militaire à l’étranger, passé comme de nos jours. les Gardes suisses, les ainsi « hors sol », dans le n’est autre que compte, c’est elle qui paye ligne. Les protestants ont un petit faible des Suisses dans le monde de à l’étranger comme Berne, D’ailleurs, le plus célèbre innombrables régiments que primo, Tell n’était pas prisée dans les villes légende. Guillaume Tell. On va objecter pour la Hollande, destination Après la guerre de Trente et secondo, que c’est une Saint-Gall. encore et pas est n’existait Alsace ou au Guillaume Tell vu que la Suisse Bâle, Zurich, Schaffhouse les Suisses partent en la clef pour comprendre. libertés suisses Or, c’est exactement là Ans et la paix de Westphalie, essaie de prendre pied en Espagne, d’une certaine idée des interne mondiale Suisse on La monde... militaire le dans le Service la personnificati Brandebourg. Suisse le plus emblématique c’est un désastre. Quand alors qu’en même par nécessité, et à ce titre, il est le dans la Sierra Morena, XIX siècle, partis, ce n’est pas seulement pour leur vie. au milieu du XIXe rêve Si tant de Suisses sont à l’étranger est prohibé, se fait en famille et en parce qu’ils avaient un fortement, l’émigration du Nord, bon ménage. En fait, mais surtout et souvent, temps la population croît l’Amérique du Sud, l’Amérique opportunité font souvent dès le départ, donc Cependant, nécessité et communauté vers la Russie, Ces émigrants connaissent différentes s’intègre à leur système l’émigration des Suisses arrêtent de chercher le Maghreb et l’Australie... de Russie ont pratiquement disparu. Les effet, quand les Suisses attaques éclairs avec depuis Guillaume Tell. En destinées. Ainsi, Les Suisses revenus en Suisse lors de la Révolution puissances en menant des sont chevaleresque des noises aux grandes nt Lénine dans son uns ont été liquidés ou pas aux règles de la guerre ceux qui accompagnaie pratiquement tous des gens qui ne se tiennent en 1515 qu’on ne peut pas s’attaquer au bolchévique, tandis que ont demain de idyllique du Sud, comme – parce qu’ils ont compris – ils renversent la vapeur et changent de projet de bâtir la société Les Suisses d ’Amérique ans 7 génération, à la 7e roi de France tous les fini dans les camps staliniens. impérialistes, mais tous aujourd’hui actions des sont en pour Temuco, comme Suisses paradigme. Plus aucun soldatpour vos rêves militaires ! Ainsi, les Suisses ceux du Chili autour de mais se considèrent toujours les soldats que vous voulez de milliers alors que ils ne parlent qu’ espagnol, XV et XVIe siècles : mondialisé aux XVe se comptent par centaines au départ. activité hautement inventent le premier business – passeport ou pas – et de familles s ’ étaient installées à l’étranger. Grâce à cette de ses moyens, celui du Service militaire seulement quelques milliers a commencé avec les Suisses débarqués non seulement vivre au-dessus placé chez soi. Les lucrative, la Suisse peut La colonisation de l’Argentine canton et commune ; gagné peut être utilement groupés autour de leur à la maison, milliers de mais surtout l’argent ainsi en famille, et qui restaient plusieurs centaines de permettent de vivre mieux sommes récoltées à l’étranger la production, ce qui permet au pays de aujourd’hui ce sont également la vague fut une des dans En Amérique du Nord, aux Etats-Unis se et de plus, on peut investir sillage de ce business personnes concernées. Autre avantage, dans le et leurs descendants directs Suisses Suisses les les : grandes, vivre mieux à son tour... collatéral plus de commerce éternel, il y a plein de possibilités du vin et du sel, produisent des importent et, vu premières exportent du fromage, matières importent les textiles très tôt pour l’export, Lara Gut Jacqueline Veuve Jacqueline Veuve Carla Del Ponte Ursula Andress Ella Maillart Martina Hingis 118 CANTON : gRISoNS Mont-Calanda (2805 m). la ville, en arrière-plan le sommet du CAPITALE : CoIRE, l’église Saint-Martin, CANTONE: gRIgIoNI m). e città, sullo sfondo vetta Calanda (2805 CAPOLUOGO: CoIRA, chiesa San Martino KANTON: gRAuBÜNDEN (2805 m). die Stadt und im Hintergrund der Calanda HAUPTSTADT: CHuR, die Martinskirche, CHANTUN: gRISCHuN (2805 m). Martin e la citad, davosvart il Calanda CHAPITALA: CuIRA, la baselgia da son 190 459 habitants 7 105 km2 106 Denise Biellman 107 119 | REVUE LITTÉRAIRE Construire le « pont de l’homme » au Yunnan Par Bénédict de Tscharner OTTO MEISTER «In den wilden Bergschluchten widerhallt ihr Pfeifen». Als Zürcher Ingenieur beim Bau der Yunnan-Bahn in Südchina 1903-1909. Préface de Thomas WAGNER ; notice biographique d’Ursula MEISTER-CARDI Limmat-Verlag, Zürich, 2014 L a construction, entre 1903 et 1910, de la ligne de chemin de fer qui relie le port vietnamien de Haiphong, dans le Golfe du Tonkin, à Kunming, la capitale de la province chinoise du Yunnan, constitue une des réalisations les plus remarquables – ou folles – du colonialisme français en Extrême-Orient. Il s’agit d’une ligne à gabarit étroit (100 cm) avec non moins de 173 ponts et 158 tunnels, un chemin de fer grimpant de la mer jusqu’à 1890 mètres d’altitude, sur un trajet long de 855 kilomètres. Outre l’exploit technique, ce chantier extravagant est surtout resté dans les mémoires pour le grand nombre de victimes, plus de 12 000 parmi les 60 000 travailleurs indigènes et 80 Européens : accidents et pannes techniques, terrain montagneux extrêmement difficile, climat tropical, malaria, bandits, bêtes sauvages (!), mais aussi rébellions – la ligne traverse la région tribale des Miao. La France s’était assuré le droit de construire cette liaison vers l’intérieur de la Chine auprès des autorités impériales en vue de l’exploitation du minerai de fer – les gisements du Yunnan s’avéreront finalement comme peu rentables ! L’histoire retiendra surtout qu’en 1949, 40 | La Lettre de Penthes - No 26 les communistes chinois qui viennent de prendre le pouvoir se serviront de cette ligne pour ravitailler les combattants du Viet Minh. Pourquoi en parler aujourd’hui ? Thomas Wagner, ancien maire de la ville de Zurich et président de de la Société Suisse-Chine, cheville ouvrière aussi du jumelage entre les villes de Zurich et de Kunming (3 millions d’habitants en 2000), a voulu mettre en évidence le rôle joué par un ingénieur suisse, Otto Meister, actif sur le tronçon chinois entre 1903 et 1909. Grâce à la collaboration de la famille, il a été possible de sauver de l’oubli, puis de publier une riche documentation faite de lettres et cartes postales, de rapports, notes de journal, esquisses et surtout de centaines d’excellentes photographies, un véritable trésor. Ce travail permet aujourd’hui de se faire une idée précise de ce que fut la vie d’un pionnier technique et industriel suisse du début du XXe siècle. Issu d’une vieille famille d’horlogers et de joailliers zurichois, Otto Meister naît à Horgen le 16 août 1873. Le jeune Suisse termine ses études d’ingénieur à l’Ecole polytechnique de Zurich en 1896 et accepte très tôt du travail à l’étranger, au Danemark d’abord, puis en Espagne ; en tant qu’ingénieur du génie civil, il réalise rapidement que c’est dans les colonies que les projets les plus intéressants vont se réaliser. Il s’engage auprès de la Compagnie française des chemins de fer de l’Indochine et du Yunnan et, en juin 1903, s’embarque à Marseille pour un voyage vers l’Orient qui durera deux mois. De Hanoï, il remontera le fleuve Rouge jusqu’à la ville frontière de Lao Cai, terminus provisoire de la nouvelle ligne de chemin de fer. Son lieu de travail se situera à l’intérieur de la Chine, dans une région de montagnes – le fameux « printemps éternel » ne règne qu’une fois que le voyageur a atteint le plateau du Yunnan. REVUE LITTÉRAIRE Initialement ingénieur subalterne, mais bientôt chef de chantier, Otto Meister est notamment responsable du dessin et de la construction du pont le plus connu de cette ligne, le pont de Wujiazhai, appelé aussi « pont de l’homme » ; en effet, avec ses deux piliers de soutien obliques qui se rejoignent au centre, ce pont audacieux ressemble au signe chinois désignant l’homme. Cette construction en acier est située au kilomètre 112 ; elle est longue de 67 mètres et traverse une gorge étroite entre deux portes de tunnels, à 90 mètres au-dessus de la rivière. Dans le contexte de la révolution chinoise, la première, celle de Sun Yat-sen et du Guomindang, qui mit fin à la dynastie des Qing, la question du contrôle national des lignes de chemin de fer prendra un poids politique considérable. Mais Otto Meister ne fait pas de politique et sa carrière ne se limitera pas à ce seul chantier. De 1911 à 1922, il travaillera pour le compte de la Maison Sulzer Frères, de Winterthour, au Japon. Il fait donc partie de cette génération de pionniers suisses qui ont permis à nos entreprises de devenir d’authentiques multinationales. Sulzer, grand spécialiste des moteurs diesel industriels et marins lui confie la responsabilité des marchés chinois, japonais et indochinois ; la succursale a son siège à Tokyo, puis à Kobe dès 1913. C’est là qu’il épouse la Japonaise Chiyo Ichizuka. Le couple aura un fils, Freddy Ioutaro, qui fera ses études en Suisse. Après un voyage qui comporte notamment une traversée du Mexique, Meister revient en Extrême-Orient et s’établit à Shanghai, où Sulzer ouvre une nouvelle succursale dont la responsabilité couvre l’ensemble du Sud-Est asiatique ; les bureaux sont installés à proximité de la célèbre promenade du « Bund ». La famille habite une villa européenne dans la concession française, une maison qui | existe toujours aujourd’hui. Ce n’est pas une période calme. Les nationalistes dirigés par Tchang Kai-chek et les communistes sous Mao Zedong se livrent des batailles sans fin. Otto Meister décédera à Shanghai le 28 mars 1937, peu avant l’attaque japonaise contre la Chine. 4e édition corrigée et complétée en 2015. En vente à la librairie du Château de Penthes. La guerre à deux voix LAURENCE DEONNA Editions de l’Aire, 2015 L a guerre au féminin. La guerre subie par des femmes juives d’Israël et des femmes arabes d’Egypte qui livrent ici leur vie, chacune de son côté, chacune dans son camp. Un reportage reliant des femmes qui furent ennemies et qui ne se sont jamais rencontrées, qui ne se rencontreront sans doute jamais. Laurence Deonna donne leurs vrais noms, leurs véritables adresses, elle les a même photographiées. Toutes, de la plus humble Oum Hashem, la mère du sergent tombé pour la Palestine qui ne sait pas où est la Palestine, 1985. La Lettre de Penthes - No 26 | 41 | REVUE LITTÉRAIRE victime à la star de la politique ou du spectacle, sont mères, épouses, sœurs, parentes ou amies de soldats. Et toutes se rejoignent : leurs hommes, de la simple recrue au général, ont été tués, mutilés, ou faits prisonniers. Certains ont disparu dans le désert sans laisser la moindre trace... Et quel fossé entre le show des politiques et la réalité que ces femmes nous dévoilent ! Ce n’est pas du roman. C’est du vécu. Ce sont plus de 25 ans d’histoire récente éclairée autrement. Comme le dit l’auteure, ce n’est pas là le livre des drapeaux bien repassés, c’est le livre des drapeaux linceuls. Et de la révolte. Un livre que l’on ne peut pas lire sans déchirement (Jules Dassin, cinéaste, Athènes). Un magazine suisse d’histoire L es étalages de nos kiosques nous offrent de plus en plus de revues thématiques : sciences, santé, religion, psychologie, mode, éducation, voyages, cuisine… et histoire. En règle générale, ce sont des publications fort bien réalisées, comportant des articles d’auteurs qualifiés, richement illustrées, imprimées sur du papier glacé et surtout, grâce à un tirage important, à un prix abordable. Ajoutons tout de suite qu’internet comporte une offre tout aussi riche ; mais, visiblement, le papier n’a pas dit son dernier mot face à cette concurrence des temps modernes. J’ai particulièrement apprécié votre courage d’ouvrir vos pages à ces victimes oubliées des guerres que sont les femmes, qui, elles, doivent survivre à l’absence et la souffrance (Prince Sadruddin Aga Khan, Bellerive, Genève). Dans le domaine de l’histoire, l’article de magazine ne remplace pas le livre, bien entendu. Souvent d’ailleurs, les auteurs de ces articles peuvent ainsi promouvoir plus ou moins discrètement leurs propres écrits plus volumineux. Pour le lecteur, la concision est cependant agréable, non seulement pour agrémenter un trajet en train ou une heure d’attente ; elle lui permet aussi de butiner dans des domaines où il n’investira pas le temps et l’argent nécessaires pour des lectures plus exigeantes. Laurence Deonna couvre depuis près d’un demisiècle les guerres du Proche et Moyen-Orient. Grand reporter, écrivaine et photographe suisse, elle a collaboré à d’innombrables médias, parmi lesquels la chaîne britannique Frontline News Television. Son ouvrage La guerre à deux voix a été abondamment traduit et adapté au théâtre et au cinéma. Il a valu à son auteure de nombreux prix, dont le Prix UNESCO de l’éducation à la paix. C’est donc un plaisir particulier de découvrir un nouveau venu, nouveau venu suisse, précisons-le d’emblée, car la taille restreinte du marché de notre pays n’invite pas les grands éditeurs allemands ou français – sans parler des anglophones – à soigner l’histoire suisse en particulier. Précisons tout de suite que NZZ Geschichte ne se limitera pas à des thèmes helvétiques. Le premier numéro est sorti en avril, le second en juillet 2015 ; on nous annonce quatre numéros par année. C’est avec une intense émotion que j’ai lu ces récits (…) qui témoignent du courage des femmes pour dépasser leur douleur et œuvrer pour la paix (Simone Veil, ancienne ministre, Paris). 42 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE Le Groupe de médias de la NZZ a confié la direction de ce dernier à Peer Teuwsen dont la carrière dans la publication est passée par les journaux Die Zeit et Tagesanzeiger Magazin ; il est assisté par Martin Beglinger, rédacteur à la NZZ et auteur d’une biographie du conseiller fédéral Otto Stich. Notons aussi que le magazine s’entoure des conseils d’une équipe d’historiens renommés, parmi lesquels on trouve les noms de Thomas Maissen (Paris), Irène Herrmann (Genève) ou encore André Holenstein (Berne). La couverture du premier numéro porte la figure de Napoléon en « inventeur de la Suisse moderne » (article de Thomas Maissen). Christophe Büchi dresse quant à lui le portrait de Germaine de Staël : « la femme qui détestait Napoléon ». La série d’articles est interrompue par un débat entre les historiens André Holenstein et Markus Somm, ce dernier rédacteur en chef de la Basler Zeitung, sur la bataille de Marignan baptisée ici « le massacre salutaire ». Des notices sur de nouvelles publications et un copieux mots croisés historique complètent ce numéro. La couverture du second numéro est ornée d’un portrait du réformateur zurichois Ulrich Zwingli ; dans un article fort documenté, Martin Beglinger nous explique comment la Réforme a rendu la Suisse riche… C’est le très célèbre historien germano-américain Fritz Stern qui se prête à l’entretien cette fois-ci. Bonne chance et longue vie au nouveau-né ! | Carnets des Andes Frédéric et Dorly Marmillod 1938-1958 MARC TURREL Editions Slatkine, Genève, 2015 R écit d’aventures, histoire d’amour, histoire de l’andinisme, ces Carnets des Andes révèlent la vie palpitante d’un couple d’alpinistes en Amérique latine durant la Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre. Le 26 juin 1938, alors que l’Allemagne nazie étend sa domination en Europe, Frédéric et Dorly Marmillod, citoyens suisses et alpinistes passionnés, s’embarquent pour le compte des Laboratoires Sandoz vers l’Argentine, puis le Chili. Dès leur arrivée sur le continent américain, ils partent à la découverte et à la conquête des plus beaux sommets des Andes, prenant des notes de chacune de leurs expéditions. Au fil de leurs chroniques, les Andes se dévoilent, textes et photographies mettant en lumière des lieux exceptionnels à plus d’un titre, de la mer des Caraïbes à la Patagonie, du Venezuela au Chili en passant par la Colombie, le Pérou, et l’Argentine. En une vingtaine d’années, ils ont parcouru quantité d’itinéraires, ouvert des voies nouvelles d’une extrémité à l’autre de la Cordillère, dans la Cordillère Blanche et l’Aconcagua. Frédéric Marmillod fait partie des précurseurs de l’andinisme moderne avec d’autres explorateurs et aventuriers qui se sont risqués à l’assaut de leurs sommets. Sa femme Dorly demeure le symbole de l’alpinisme féminin en Amérique du Sud. Unis dans la même passion, ils ont collectionné les exploits et les records. Ils formaient une cordée parfaite et incarnaient un alpinisme La Lettre de Penthes - No 26 | 43 | REVUE LITTÉRAIRE audacieux, novateur et d’une grande modernité. En émanent la beauté naturelle et l’élégance des deux héros tout autant que leur ardeur et leur détermination. De page en page et pas à pas, leurs Carnets des Andes esquissent le portrait de deux individus hors du commun. d’explorateurs, d’anthropologues, de naturalistes, etc., aux quatre coins du monde. Certains grands musées d’ethnographie ou d’histoire naturelle – à Bâle, à Genève, à Berne, à Neuchâtel, à Zurich – comptent dans leurs collections de très nombreux objets rapportés par ces Suisses. Colonialisme suisse Deux Bâlois, cousins issus de germains, Paul (18561919) et Fritz Sarasin (1859-1942), ont récemment fait l’objet de publications intéressantes : Par Bénédict de Tscharner L a contribution suisse à la conquête et à la domination du monde extra-européen par les puissances occidentales a été un peu cachée par le fait que la Suisse en tant qu’Etat n’a pas participé directement à des guerres coloniales et n’a jamais contrôlé de territoires d’outremer ; le terme même de colonialisme semblait donc longtemps inapproprié pour le comportement de ce pays. C’est oublier toutes les autres formes d’emprise de la Suisse et de la société suisse sur le monde extraeuropéen que sont, entre autres, le service étranger de citoyens helvétiques, notamment au sein de la Légion étrangère française et d’autres armées impliquées dans des guerres coloniales, mais aussi l’établissement d’un vaste réseau de missions chrétiennes, tant protestantes que catholiques, basé et financé à partir de la Suisse ; c’est aussi oublier toutes les activités économiques, le commerce en premier lieu, mais aussi les plantations, la construction, les investissements industriels ou encore l’exploitation minière dans les colonies. Tout cela a été mis à jour et analysé par des études récentes. Ces derniers temps, l’implication de Suisses dans la traite des esclaves entre l’Afrique et les Amériques a fait l’objet d’importants travaux historiques. Enfin, l’histoire des sciences en Suisse est fortement marquée par l’activité 44 | La Lettre de Penthes - No 26 CHRISTIAN SIMON Reisen, Sammeln und Forschen. Die Basler Naturhistoriker Paul und Fritz Sarasin Schwabe Verlag, Basel, 2015 BERNHARD C. SCHÄR Tropenliebe. Schweizer Naturforscher und niederländischer Imperialismus in Südostasien um 1900 Campus Verlag, Frankfurt, 2015 SERGE REUBI Für Basel und die Wissenschaft. Fritz und Paul Sarasin in Ceylon in : Die Naturforschenden. Auf der Suche nach Wissen über die Schweiz und die Welt Herausgeber : Patrick KUPFER, Bernhard C. SCHÄR Hier und Jetzt Verlag, Baden, 2015 Dans ce cas, comme dans d’autres, l’intérêt que l’on peut porter à ces deux célèbres chercheurs suisses concerne à la fois leur contribution à la science et leur destin personnel. REVUE LITTÉRAIRE Du côté biographique ou personnel, on retient aujourd’hui leur appartenance au milieu des riches familles commerçantes de Bâle, familles qui fournissaient à la ville également des générations entières de magistrats, de banquiers, de pasteurs et de professeurs. Au centre de cette société : la religion protestante, le sens des affaires, mais aussi les alliances matrimoniales, indispensables pour protéger les fortunes familiales. C’est sur ce dernier point que les deux cousins déçoivent profondément leurs parents : ils font connaissance au cours de leurs études à l’Université de Bâle et tombent profondément amoureux l’un de l’autre. A cette époque, il n’y avait pour eux qu’une solution : poursuivre leurs études ailleurs – en Allemagne, en l’occurrence – puis partir pour des expéditions scientifiques dans des pays lointains, tropicaux, exotiques, à la recherche de découvertes géographiques ethnologiques, archéologiques, botaniques, zoologiques et géologiques, mais aussi d’un contact avec des populations indigènes dites « primitives » et leurs mœurs. Le coût de ces expéditions ne posait pas de problème particulier aux familles. Il faut sans doute ajouter que l’attrait des tropiques se trouvait déjà, à Bâle, chez nombre de missionnaires et commerçants issus des mêmes familles. Sur le plan personnel, ces expéditions pouvaient être interprétées comme une fuite, voire l’expression de fantasmes plutôt étonnants pour des représentants de ce milieu assez austère ; sous l’angle scientifique, leurs recherches se sont avérées fort respectables. | moderne. Deux autres voyages, de 1893 à 1896 et en 1902/03, les conduisent sur l’île indonésienne de Célèbes (Sulawesi) dont l’intérieur est alors encore peu ou pas connu. Leurs expéditions, souvent dans un terrain et des conditions climatiques difficiles, avec de nombreux porteurs (coolies), serviteurs et guides locaux, coïncident avec la pénétration de l’île par les troupes coloniales néerlandaises, chercheurs et soldats avançant dans le no man’s land des tropiques : même phénomène ? Leurs publications et leurs grandes collections de spécimens, y compris, par exemple, de nombreux crânes et photographies, font des cousins Sarasin, à leur retour en Suisse, des scientifiques célèbres, même s’ils ont tendance à arranger – à « exotiser » – certaines images d’indigènes, par exemple, ou certains récits et même si leurs théories, sur un plan strictement scientifique, feront rapidement l’objet de précisions et de rectifications. Ils sont les fondateurs du Musée ethnographique de Bâle (aujourd’hui : Museum der Kulturen) ; Fritz Sarasin sera président du Jardin zoologique de Bâle et de la Société suisse des sciences naturelles ; Paul Sarasin sera parmi les fondateurs du Parc national suisse dans les Grisons et un des pionniers du mouvement de la protection de la nature. La réputation des cousins Sarasin sera autant basée sur leur travail scientifique que sur leur générosité en tant que mécènes. Le premier voyage conduit ce couple de Bâlois en Ceylan (Sri Lanka), à l’époque colonie britannique ; ils y séjournent de 1883 à 1886 ; une de leurs « découvertes » concerne le peuple indigène des « Weddas » dans lesquels ils voient des ancêtres primitifs de l’homme La Lettre de Penthes - No 26 | 45 | REVUE LITTÉRAIRE Leinengewerbe zur lenkbaren Wagenachse, vom frühen Tourismus zu einem Auswanderer-Schicksal, von den Spielkarten zur Fasnacht. Von der materiellen Kultur her, nicht von Theorien ausgehend, versucht der Autor sich ein Bild des Lebens in der Vergangenheit zu erarbeiten. Er zeigt sich als ein unkonventioneller Kopf und überrascht durch ungewohnte Ansätze. Inhalt War der Ofen schuld? Thurgauer Leinen für den Konstanzer Fernhandel Versuch über die lenkbare Wagenachse Der Mord an den unschuldigen Kindlein zu Solothurn Herrenloses Solothurn Xaver Zeltner. Ein viel besungener Landvogt und revolutionärer Dramenheld Ein Auswandererschicksal Eine tapfere Witwe gründet eine Weltfirma Vom Kaisern zum Jassen. Spielkartenland Schweiz Die enthüllte Wahrheit des Tarock/Tarot «… denn es ist kein Land wie dieses». Die Schweiz als voreisenbahnliches Reiseziel Die Basler Fasnacht, ein verfremdetes Sechseläuten Peter F. Kopp Peter F. Kopp War der Ofen schuld? War der Ofen schuld? Die ausserordentliche Bandbreite der in diesem Buch versammelten Beiträge zeigt das weite Interesse des Autors: von der Benachteiligung der Frau zur Entwicklung der städtischen Autonomie, vom Peter F. Kopp (*1938) studierte Kulturgeschichte, Kunstgeschichte und Archäologie in Zürich und Neuenburg. 1969 Dissertation über schweizerische Ratsaltertümer. Museumskonservator in Basel und Solothurn, Autor zahlreicher Publikationen hauptsächlich zur Schweizer Kulturgeschichte. Kabinettstücke aus der Schweizer Kulturgeschichte ISBN 978-3-0340-1215-7 9 783034 012157 Kopp UG 2.indd 1 28.04.14 17:26 War der Ofen daran schuld? PETER F. KOPP War der Ofen daran schuld? Chronos-Verlag, Zürich, 2014 N ein, der Ofen war nicht schuld. Soviel zum Anfang! Die in diesem Buch geschilderten Porträts ergeben eine bunte Palette der Kulturgeschichte. Jedes Thema, von Peter Kopp nacherzählt, ist vielschichtig. Der Text des Buches ist fundiert recherchiert und treffend formuliert. Die Zeitspanne reicht von den ersten Menschen bis ins 20. Jahrhundert. Der Autor befasst sich am liebsten mit dem Mittelalter. Einige für dieses Buch geschriebene Texte sind neu, andere stammen aus 40 Jahren des Sammelns und Forschens. Ab und zu kann der interessierte Leser auch auf einen lang vermissten „alten Bekannten“ stossen. Der Autor stellt sich Fragen, ist gründlich im Forschen und ist trotzdem intuitiv. Eines seiner wichtigsten Anliegen ist es, komplexe Sachverhalte verständlich darzustellen. Eine Prise Humor und ein Schuss Ironie dürfen nicht fehlen! Für ihn steht immer das Bild eines lebendigen Menschen im Mittelpunkt. Da ist ein Sachkundiger am Werk: Von der Materie, nicht von Theorien ausgehend, versucht er sich ein Bild des Lebens in der Vergangenheit zu machen. Zuviel des Guten wäre es, hier alle bearbeiteten Themen aufzuzählen: Kartenspiel, Frauengeschichte, Technik, Auswanderung, Tourismus, Fasnacht… um nur eine kleine Auswahl zu nennen. Auf jeden Fall scheut sich 46 | La Lettre de Penthes - No 26 der Autor nicht, seine persönlichen Überlegungen einzuflechten, die als neue Denkanstösse wertvoll sind. Er ist ein unkonventioneller Denker, überrascht durch ungewohnte Ansätze, hinterfragt vieles, was man sonst als gegeben annimmt. In zwei Kulturen aufgewachsen, bekennt sich der Autor als Verehrer Voltaires, der die Geschichtsschreibung zu einer Literaturgattung erhob. Das Resultat: Geschichte zum geniessen! REMBRANDT À GENÈVE Quand les Pays-Bas rencontrent la Suisse DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE W W W. P E N T H E S .C H du 23 juin au 2 octobre 2016 | LES AMIS DE PENTHES Novembre 2015 Société des Amis de Penthes : 500+ Daniel Bernard Président des Amis de Penthes Cette fois, nous y sommes : notre association vient de passer la barre mythique des 500 membres ! A lors c’est par un vif bravo qu’il se doit que nous commencions cet article, un vif bravo et un grand merci. Nous avions entamé notre exercice 2015 avec le nouveau logo, adopté par l’assemblée générale, et depuis, il se trouve visible sur la plupart des actions du musée, manifestations et publications, sans compter l’action « Penthes est à vous ! », à laquelle vous avez répondu très nombreux. Ainsi ce sont plus de 70 nouveaux membres qui ont rejoint la SAP ! Le virage que nous avons pris tend à faire coller l’association à la réalité culturelle suisse romande, sans toutefois aller sur les terres de la Fondation. Expliquons. Nous tentons de faire connaître des artistes contemporains en les invitant à venir évoquer leur trajet, leur création, leur vision du monde. En 2015 la famille de Besenval avec Gabrielle Claerr Stamm, le sociologue Uli Windisch en personne, concerts à la mémoire de Pierre Wissmer, en présence de son neveu journaliste, et dès 2016, Raymond Vouillamoz, réalisateur genevois, Marcello, femme sculpteur fribourgeoise du XIXe siècle, Célina Ramsauer, musicienne valaisanne contemporaine, Ines Ader, journaliste et écrivain, Parisienne de Genève et Magali Jenny, auteur à succès fribourgeoise, ont fait l’année culturelle de notre association. Mais j’ai un regret : celui de ne pas vous voir plus nombreux lors de ces événements qui ont tous lieu au Château de Penthes. Alors, on le sait, on gronde souvent 48 | La Lettre de Penthes - No 26 les présents, car ce sont des absents dont on parle, et on fait erreur ! Ici, avec la Lettre de Penthes, chacun se trouvera face à ses interrogations, comme à l’isoloir. Pourquoi ne pas participer plus souvent à la vie de l’association ? Pourquoi ne pas choisir de rencontrer des Suisses qui font des choses pour la culture de leur pays ? La SAP offre ces plages, une fois par mois. Donc une fois par mois, décidons de venir témoigner notre soutien au Domaine de Penthes, à la Fondation et au Musée des Suisses dans le Monde. Nous nous battons pour que vive ce musée unique au monde, alors, en ayant rejoint la SAP, sachez vous montrer solidaire ! La situation n’est pas aussi simple qu’elle apparaît au grand jour. Depuis plus de 30 ans, la fondation et son musée ont vécu sans subvention ! Cela veut dire que c’est le bon vouloir de chacun qui fait que l’institution existe, et existera encore demain. Penthes est à vous ! Ce n’est pas qu’un slogan. C’est une réalité, du parc en passant par le restaurant, en assistant aux expositions, en achetant les publications, en participant aux événements... Nous, Amis de Penthes, nous y croyons ! Alors, si ce n’est pas encore le cas au moment où vous lisez ces quelques lignes, devenez Amis de Penthes. Bonne fin d’année, et rendez-vous en 2016. DOSSIER | Dossier Les Besenval GABRIELLE CLAERR STAMM La saga de la famille de Besenval, seigneurs de Brunnstatt, Riedisheim et Didenheim Société d’Histoire du Sundgau, 2015 D D’un modeste hameau du Val d’Aoste à la cour de Versailles. La saga des Besenval raconte l’ascension remarquable d’une famille patricienne de Soleure, devenue par un hasard de l’histoire propriétaire de la baronnie de Brunnstatt. u début du XVIIe siècle au milieu du XIX e siècle, Gabrielle Claerr Stamm, historienne et présidente de la Société d’histoire du Sundgau, nous emmène à la découverte de sept générations aux destins variés. Elle nous raconte leur enrichissement dans le commerce du sel, leurs brillantes carrières militaires et diplomatiques, mais aussi leurs difficultés à s’insérer dans la société postrévolutionnaire. Grâce à une importante correspondance conservée dans les archives, les Besenval nous livrent également leurs secrets les plus intimes, récits de mariages d’amour ou arrangés, querelles familiales, gestion de leur patrimoine. Fruit de quatre années de recherches, cet ouvrage, abondamment illustré, est aussi une invitation au voyage, à la découverte des lieux où ont vécu les Besenval : le Val d’Aoste, Soleure et leur château de Waldegg, Paris et leurs hôtels particuliers et, bien sûr, Brunnstatt, Riedisheim et Didenheim, leur fief de Haute-Alsace. La Lettre de Penthes - No 26 | 49 | DOSSIER UN AUTRE ASPECT DES RELATIONS FRANCO-SUISSES: Par Gabrielle Claerr Stamm Présidente de la Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace Martin de Besenval, seigneur des villages de Brunstatt, Riedisheim et Didenheim en Haute-Alsace T andis que la ville de Mulhouse fêtait en 2015 les 500 ans de son alliance d’amitié avec la Suisse, nous voudrions présenter ici un aspect plus méconnu des relations franco-suisses, mais tout aussi important pour les liens que celles-ci tissèrent. Martin Besenval, originaire du Val d’Aoste, qu’il quitta dès l’âge de 16 ans, dans des conditions rocambolesques, s’installe vers 1625 à Soleure, la ville de l’ambassade de France. Il s’y enrichit dans divers commerces dont le blé, le sel et les armes, est reçu bourgeois de la ville et épouse Catherine Schwaller, fille d’un meunier aisé. Fortune faite, il va en investir une partie lors de deux achats en Haute-Alsace. Dès le 16 mai 1644, il acquiert de Jean Adam de Ferrette et de Truberte de Wessenberg, le château de Byss à Zillisheim et le village de Didenheim. Ni les archives de la famille de Besenval conservées au château de Penthes, ni les Staatsarchiv à Soleure, ne révèlent la raison de ce choix. La Haute-Alsace, alors terre des Habsbourg, subit encore les affres de la guerre de Trente Ans – les Traités de Westphalie ne seront signés qu’en 1648 – le village de Didenheim a perdu la moitié de ses habitants, le château de Byss semble intact. Son choix a peut-être été dicté par la proximité de la ville de Mulhouse, une alliée des cantons suisses ? C’est peutêtre également une rencontre fortuite avec Marie Madeleine de Sickingen épouse Rust qui l’a déterminé. 50 | La Lettre de Penthes - No 26 Riche veuve sans enfant depuis 1617 – on lui doit notamment une très belle chapelle gothique en l’église Saint-Thiébaut de Thann – Marie Madeleine de Sickingen-Rust est venue se réfugier à Soleure. Ces biens à Zillisheim et Didenheim appartenaient initialement à son neveu Jean Frédéric de Rust. Mais celui-ci les lui avait hypothéqués contre un emprunt de 5000 florins. Dans l’incapacité de rembourser la somme au décès de sa tante, les biens passèrent aux oncles par alliance de Marie Madeleine qui les revendirent à Martin Besenval. Dix ans plus tard, la guerre de Trente Ans achevée et la Haute-Alsace aux mains du roi de France, mais dans un pays encore passablement en ruine, Martin achète, le 3 novembre 1655, deux autres villages dans la périphérie de Mulhouse : Brunstatt et Riedisheim. Biens des Ortenbourg-Salamanque, totalement ruinés, c’est finalement à leurs créanciers Seneka Schreiber d’Augsbourg et aux héritiers des Fugger, que Martin verse la somme de 18 000 guldens. Martin Besenval prend ainsi pied sur la terre du roi de France et s’installe dans le château de Brunstatt avec sa seconde épouse Marie Glutz et ses plus jeunes enfants. Il n’y vit pas en permanence, préférant tout de même le confort de sa demeure hors les murs à Soleure, route de Bâle, à cette forteresse médiévale entourée de marécages et située loin du village. DOSSIER Martin est fait chevalier par Louis XIV en février 1655, en raison de ses mérites et des services rendus à la couronne de France. En effet, il a racheté en 1653, la demi-compagnie de Gardes suisses de son beaupère Schwaller et l’a confiée à son second fils Jean-Martin. Alors que Louis XIV soutient son premier siège à Arras, le capitaine Jean Martin se bat vaillamment et est tué le 25 août 1654 aux côtés de son compatriote Henry de Sury. Martin enverra immédiatement son fils Jean Victor Pierre Joseph pour servir le roi de France. Cette fidélité à la royauté française lui vaut son anoblissement et fait de lui définitivement un membre du patriciat soleurois. Désormais la famille s’appelle « de Besenval de Brunstatt » et arbore les armes « écartelé au un, d’azur à une bande d’argent chargée d’un quatre cramponné, la | hampe prolongée et à deux traverses de sable (armoiries de la famille Besenval), au deux, d’or à un fer à cheval de sable (armoiries de Brunstatt), au trois, d’or à une biche de gueules (armoiries de Riedisheim), au quatre, coupé d’azur et de mer sur laquelle nage une sirène d’argent tenant dans la dextre une fleur de lys d’or dans la senestre un crampon d’argent (armoirie de Didenheim) ». Ses descendants, déjà faits barons du Saint Empire romain germanique, en 1695, verront leur terre de Brunstatt élevée au rang de baronnie par Louis XV et porteront désormais aussi le titre de baron en France. Jusqu’au bout, des Besenval se battront pour défendre le roi de France et lui resteront fidèles lorsqu’éclatera la Révolution en 1789. Document avec sceau signé par Louis XIV en février 1655 par lequel Martin Besenval est anobli. Armoiries de Besenval. La Lettre de Penthes - No 26 | 51 DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE www.theoreme.ch W W W. PEN T HE S .CH Aux portes de Genève, le Domaine de Penthes propose, dans un cadre exceptionnel face au Lac Léman et au Mont-Blanc, un monde de découvertes où gastronomie et culture se côtoient. Domaine de Penthes - Chemin de l’Impératrice 18 - 1292 Pregny-Chambésy DOSSIER | Le Fonds de Besenval : de la conservation à la diffusion du savoir Laure Eynard Dr ès lettres Responsable des partenariats scientifiques et du projet Besenval L’Institut et le Musée des Suisses dans le Monde conservent depuis les années 1980 le fonds de Besenval, un legs de la princesse Amédée de Broglie, née Béatrix de FaucignyLucinge. U n classement minutieux de ce fonds avait été réalisé en 1899, du vivant de la princesse de Broglie, par la chancellerie du tribunal supérieur du canton de Soleure. Les documents et les lettres avaient été rangés par ordre chronologique ou alphabétique selon un classement général s’inspirant de l’arbre généalogique sur sept générations successives, comme il était d’usage à la fin du XIXe siècle. Ce classement est toujours en vigueur. Conservé dans 27 boîtes d’archives avec un volume total d’environ 25 000 pages et de quelques sceaux, le fonds de Besenval compte différents documents, tels que lettres de noblesse, lettres et correspondance, papiers personnels, papiers militaires et d’affaires, brevets et comptes, récits manuscrits, arbres généalogiques avec armoiries, dessins des armoiries. Les archives des familles alliées, les von Roll et les Sury, ainsi que des titres des domaines des Besenval du XVIIe au XIXe siècle, sont également conservés. La plupart de ces documents sont en allemand. QUE CONNAISSONS-NOUS DE CETTE FAMILLE DE BESENVAL? A l’époque de l’Ancien Régime, elle est non seulement la plus influente dynastie de Soleure, mais aussi l’une des principales familles patriciennes de la Confédération. Du XVIIe au XVIIIe siècle, les Besenval réussissent à se hisser à des fonctions politiques, militaires et diplomatiques privilégiées et stratégiques grâce à la richesse acquise par le commerce du sel, à leurs relations politiques, au service étranger et à leur stratégie matrimoniale. Les papiers les plus anciens de cette famille, conservés à Penthes, remontent au XVIIe siècle et à Martin Besenval (vers 1599-1660), avoyer de Soleure, dont de nombreux descendants, titrés barons de Brunstatt en 1695, occupèrent des fonctions municipales, servirent dans les armées suisse et française ou encore dans la diplomatie. Parmi les personnalités les plus marquantes figurent Jean Victor II de Besenval (1671-1736) et Pierre Victor (1721-1791), petit-fils et arrière-petit-fils de Martin. Le premier est nommé par Louis XIV, puis par Louis XV, ambassadeur extraordinaire de France auprès du roi de Pologne ; les archives le concernant, consultées récemment par l’historien Andreas Affolter (Lettre de Penthes, numéro 25, printemps 2015, pp. 42-43), constituent un ensemble d’ordre diplomatique de grande importance. Le second, baron de Besenval, le plus connu de la La Lettre de Penthes - No 26 | 53 | DOSSIER dynastie, est aide de camp du maréchal de Broglie et du duc d’Orléans, puis lieutenant-colonel des Gardes suisses, tout en appartenant au cercle rapproché de la reine Marie-Antoinette. Il commande les forces rassemblées à Paris au début de la Révolution française et, ordonnant la défense de la Bastille, contribue au caractère retentissant de la journée fondatrice du 14 juillet 1789. VALEUR HISTORIQUE DU FONDS Si certaines correspondances échangées de France et de Suisse entre les Besenval éclairent la vie politique, militaire et sociale de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle à Paris, nombre de documents de ces archives mettent en lumière l’histoire de la Suisse, en particulier les aspects marquants des régiments suisses dans lesquels le général baron de Besenval et plusieurs de ses parents furent titulaires d’importants commandements. D’autres documents informent également de l’administration des fiefs des Besenval en Alsace. L’historienne Gabrielle Claerr Stamm, auteure de La saga de la famille de Besenval, révèle les liens des Besenval avec l’Alsace et, en retraçant leurs interventions dans la gestion de leur baronnie, donne vie à un pan de cette histoire locale. Cette grande initiative est également soutenue par des institutions, telles que le Château de Waldegg, propriété des Besenval et siège autrefois des ambassadeurs du roi de France ; des documents inédits prêtés par l’Institut y seront exposés durant l’hiver 2015-2016 dans le cadre de l’exposition Besenvaliana - Auf den Spuren der Familie von Besenval. L’objectif de ce projet vise à préserver, dans un premier temps, ce fonds contre les risques d’altération, d’en faciliter l’accès et ainsi de le valoriser grâce à la gestion des données dans un système d’archivage d’information. A long terme, l’Institut souhaite mettre en réseau ces documents et ces données par l’intermédiaire du « web des données ouvertes » (open linked data) et permettre, grâce à ces nouvelles technologies, d’approfondir la recherche et la connaissance par le partage interactif et collaboratif entre chercheurs et institutions. DE LA NUMÉRISATION AU PARTAGE DU SAVOIR Suite à de nombreuses demandes de consultation et à l’intérêt grandissant de chercheurs pour ce fonds unique, l’Institut a décidé de piloter un programme d’envergure de mise en valeur de ses archives. Grâce aux subventions de la Confédération (Protection des biens culturels PBC) et de la Fondation Sandoz, le projet de reconditionnement et de numérisation vient d’être lancé avec le laboratoire Fachlabor Gubler, entreprise spécialisée dans le records management et l’archivage. 54 | La Lettre de Penthes - No 26 TOUTE PERSONNE INTÉRESSÉE À SOUTENIR SCIENTIFIQUEMENT OU FINANCIÈREMENT CE PROJET CONTACTERA LAURE EYNARD [email protected] DOSSIER La Lettre de Penthes - No 26 | | 55 | MOT DU DIRECTEUR Mot du Directeur L’Esprit de Penthes Le rêve est permis ! Anselm Zurfluh Directeur du Musée et de l’Institut des Suisses dans le Monde Nous arrivons à la fin de l’année et nous pouvons déjà l’annoncer avec fierté : 2015 fut une grande année pour Penthes ! Un véritable tour de force pour l’équipe du musée et un tour du monde pour les visiteurs : nous avons commencé par la Russie, mise à l’honneur avec l’exposition La Suisse par les Russes, puis nous avons exploré avec émotion l’histoire et l’art de l’Arménie durant l’exposition Suisse-Arménie, sur le chemin de la mémoire. Durant l’été, le monde est venu à Penthes, avec la première édition de la Rencontre internationale des clubs suisses. Et cet automne, les familles découvrent deux expositions légères et pleines de charme : Yakari, les Suisses à la rencontre des Amérindiens et Histoire en Briques – qui sont respectivement au programme jusqu’en janvier et février 2016 ! Une belle manière de passer les Fêtes en famille, au musée et en découvrant l’histoire autrement ! E xpliquer la qualité suisse dans le monde et illustrer la richesse et la diversité de la présence suisse à l’étranger sont au cœur de la mission du Musée et de l’Institut des Suisses dans le Monde. Pour que cette alchimie puisse s’opérer avec le public, Suisses ou visiteurs de passage, Penthes se doit d’innover et de renouveler son offre culturelle. Ainsi notre engagement ne concerne pas uniquement les expositions, mais il porte à vous offrir de multiples sensations. Entre amis, en famille, âme solitaire ou amoureux en balade, petits et grands, fans d’histoire ou de nature, vous pourrez ici en faire tout un plat, dans notre restaurant, ou goûter aux œuvres musicales ou théâtrales que nous vous proposons. Ressentez l’ambiance toute particulière de Penthes, étendu verte contrastant avec le 56 | La Lettre de Penthes - No 26 Léman bleu et le Mont-Blanc, et respirez à pleins poumons le vent de l’histoire qui en émane. Au-delà de la poésie du lieu, vivez Penthes comme un rêve à ciel ouvert. Pouvoir se cultiver, en prendre plein la vue et se sustenter délicieusement, le tout dans le même espace, est un privilège, mais un privilège accessible à tous ! Un rêve dans notre monde virevoltant, voire survolté. Oasis de paix dans un monde en débats, Penthes est un bien unique où l’on peut prendre le mal du monde en patience. L’esprit de Penthes, en somme. En tout cas, de quoi en faire toute une histoire, celle que nous poursuivons grâce à tous ceux qui en ont perçu l’inestimable potentiel. En août 2015, l’Institut a invité des Suisses du monde entier à vivre Penthes comme leur maison, lors la première Rencontre internationale des clubs suisses. MOT DU DIRECTEUR Expatriés suisses et Suisses de troisième ou quatrième génération, en provenance de 22 pays et représentant 40 clubs, se sont réunis autour d’une thématique forte : le patrimoine suisse de l’étranger, sa promotion et sa conservation. Le succès fut tel, qu’une prochaine édition est agendée, en 2016, et sera consacrée aux traditions et folklores suisses à l’étranger. Durant l’hiver qui s’annonce, c’est la sculptrice fribourgeoise Adèle d’Affry qui sera l’hôte du musée, dans l’exposition Marcello, Adèle d’Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna. Femme artiste entre cour et bohème. Marcello fut une proche de Napoléon III et elle sculpta sous le pseudonyme masculin de Marcello afin d’être reconnue pour ses talents par la critique et échapper ainsi à son statut de femme artiste et d’aristocrate. Le grand projet que porte notre Fondation pour le musée, c’est de réaliser une « nouvelle scénographie » pour notre collection permanente, harmonieusement accordée aux nouvelles technologies, axée sur un public jeune et dynamique. On y expliquera d’une manière ludique et moderne les mécanismes qui ont fait la Suisse, de Guillaume Tell au Roger Federer de demain et ce que le Swiss Made signifie. Dans cette époque de « tempi brutti », pouvoir proposer un tel projet à long terme, c’est un rêve. N’en faisons pas qu’une utopie et agissons, avec votre soutien, à rapprocher cet horizon. | Personnellement, en tant que directeur, et pour l’avenir, je n’ai pas UN rêve, mais TROIS. Mettre en œuvre cette « nouvelle scénographie » bien entendu, monter une exposition autour du mythe suisse des Alpes et de l’impact que cet imaginaire collectif typiquement suisse produit dans le monde (pensons à Heïdi et au Cervin) et faire participer le musée à l’exposition universelle de Dubaï en 2020. Pour ce faire et accélérer la mise en place de ces projets, pour rendre le rêve réalité, il faut rencontrer une personnalité exceptionnelle qui partagerait cette vision de la Suisse ouverte sur le monde, et cette passion de la réaliser concrètement dans un grand projet pour Genève et pour la Suisse. Là, il faut un peu de chance... mais cela fait aussi partie intégrante du rêve que chacun porte en lui ! Enfin, pour ce qui concerne ce nouveau numéro de la Lettre de Penthes, nous voulions rappeler que, si Penthes est dans le canton de Genève, Penthes est aussi la maison de tous les Suisses partis dans le monde – francophones, alémaniques ou italophones ! Pour le moment, la Lettre de Penthes est éditée majoritairement en français, mais nous allons changer ce fait - la Lettre de Penthes soll auch auf Deutsch erscheinen - english, why not ? - e il desiderio sarà di poter pubblicare La Lettre de Penthes anche in italiano ! La Lettre de Penthes - No 26 | 57 | LA VIE DU MUSÉE Les Suisses des cinq continents discutent du patrimoine helvétique à l’étranger à Penthes En plein cœur de l’été genevois, plus de 80 Suisses et descendants de Suisses se sont réunis à Penthes pour la première fois afin d’évoquer le patrimoine qu’ils ont à charge dans leur pays d’adoption. L’échange et la découverte étaient les deux éléments partagés par ces Suisses qui ont fait le chemin depuis l’Argentine, l’Uruguay, l’Australie, le Maroc, Israël ou encore les Emirats arabes unis jusqu’à cette maison qui est la leur, au centre de la Genève internationale : Penthes. 58 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE UNE CONVICTION, UN PROJET, UNE RÉUSSITE D epuis un an, la Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde prépare la première rencontre internationale des clubs suisses. En effet, dispersés sur les cinq continents, les expatriés et les descendants d’émigrés suisses se réunissent souvent en club et en société afin de retrouver un morceau de leur pays alpin, en une communauté d’intérêt, de culture et de tradition. Mais si parfois ils se fédèrent au niveau régional et national, les clubs suisses se retrouvent très rarement au niveau d’un continent, et jamais à l’échelle de la planète. C’est de ce constat qu’est né notre projet : renforcer le réseau entre les Suisses de l’étranger, mais non pas tant leurs liens avec la Suisse (l’Organisation des Suisses de l’Etranger – OSE – remplit parfaitement cette mission), mais entre eux, expatriés, descendants d’émigrés et représentants de la Suisse dans le monde. Car ceux-là partagent une culture et des ambitions communes et un goût pour l’ailleurs. Car ceux-là construisent un avenir pour eux-mêmes tout en modelant l’image de la Suisse dans le monde, à travers des entreprises, des associations, ou encore des projets humanitaires. Car ceux-là enfin s’engagent dans la promotion de la culture des pays qui les ont accueillis et des peuples qu’ils ont croisés. | d’un morceau de ce patrimoine, sous la forme de bâtiments, d’archives, d’objets artistiques, scientifiques ou historiques, ou de traditions encore vivantes et vibrantes. Quatre angles de cette thématique ont été abordés durant ces deux jours, de manière informelle et parfois plus stricte durant des conférences. Il s’agit de la conservation, de la restauration, de la promotion et du financement du patrimoine suisse de l’étranger. Le 12 août 2015, Penthes a eu l’honneur d’accueillir plus de 80 Suisses, membres de 40 clubs et provenant de 22 pays à travers le monde, ayant répondu à son appel. UNE PREMIÈRE JOURNÉE DE DÉCOUVERTE Le premier jour de la rencontre, chacun a pu faire connaissance dans une atmosphère détendue. Des kakémonos explicatifs présentaient le travail que les différents clubs suisses effectuaient sur le patrimoine Fort de ce constat, la Fondation a réfléchi à une thématique centrale et qui rentre dans les missions qu’elle s’est données, à la fois comme musée, comme institut de recherche et comme vitrine culturelle de la Genève internationale. Ainsi, le thème du patrimoine suisse de l’étranger est apparu comme une évidence. Des siècles durant, de nombreux Suisses ont quitté le pays pour s’installer ailleurs, parfois à l’autre bout du monde connu. Avec eux, ils ont emporté une partie de leur culture et l’ont adaptée à la culture de leur pays d’accueil, produisant ainsi une histoire suisse de l’étranger. Ce patrimoine est d’une richesse peu connue et chaque club suisse à travers le monde se retrouve dépositaire La Lettre de Penthes - No 26 | 59 | LA VIE DU MUSÉE Restauration des tableaux par Alejandro Rogazy culturel dont ils ont la charge. Le directeur du musée et de l’institut, Anselm Zurfluh, a fait découvrir à ses hôtes venus des cinq continents le domaine de Penthes, son jardin alpin, sa vue sur le Mont-Blanc et sur le lac Léman. Genève sur le monde. Nos invités les plus étonnés ont sûrement été les Uruguayens, ravis de voir leur ambassadeur à Berne, son Excellence Jorge Meyer Long, luimême d’ascendance suisse et appenzelloise, ouvrir la rencontre aux côtés des autorités genevoises. Une visite guidée du musée, expliquant l’histoire des Suisses dans le monde, leur histoire et celle de leurs aïeuls, a précédé une cérémonie d’ouverture officielle. Les participants ont alors reçu un accueil chaleureux de la part du vice-président du Grand Conseil genevois, M. Jean-Marc Guinchard, qui a rappelé l’ouverture de Le film du journaliste et cinéaste Diego Fischer, Historias, relatos y sueños, qui présente l’histoire des Suisses du Paraguay à travers des témoignages, a servi à la fois de conclusion à la cérémonie d’ouverture et d’introduction à la problématique de la conservation et la promotion du patrimoine culturel suisse. 60 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE | LES CONFÉRENCES Le deuxième jour a été ponctué par deux cycles de conférence, dirigés par le directeur, Anselm Zurfluh, et modérés par le président de la Société des Amis de Penthes, le journaliste et écrivain Daniel Bernard. Les conférences du matin avaient pour thème la conservation et la numérisation du patrimoine, autour des spécialistes Christophe Mauron, conservateur au Musée gruérien de Bulle et auteur de plusieurs ouvrages sur l’émigration suisse en Argentine, Rudolf Gschwind de la société Fachlabor, professionnel de l’archivage et de la numérisation des archives, et Victor Weiss, versé dans la problématique des volumes de stockages de données numériques et de leur conservation. La conférence de l’après-midi avait pour thème la promotion et le financement des projets culturels, avec l’intervention de Thomas Schmutz, spécialiste de la question. L’optimisation de la conservation Christophe Mauron a utilisé son expérience de la colonie suisse de Baradero en Argentine, dans laquelle il s’est rendu plusieurs fois, pour poser les bases de la problématique de la conservation et de l’atmosphère contrôlé. Ainsi, la conservation optimale de la plupart des matériaux demande une température entre 18°C et 22°C, une humidité de 45 % à 55 %, et des écarts entre ces valeurs les moins abrupts et récurrents possible. Ce qu’il concède comme étant compliqué dans des régions comme celle de Baradero, où l’humidité atteint des valeurs trop hautes. Le siège de la Société suisse à Baradero, fondé en 1890, est l’exemple d’un bâtiment infiltré par l’eau et l’humidité. Si les fonds ne permettent pas la mise aux normes de l’ensemble du bâtiment, la rénovation d’une salle pour le stockage des collections fragiles peut être une solution moins onéreuse. La Lettre de Penthes - No 26 | 61 | LA VIE DU MUSÉE Que doit-on conserver? L’un des questionnements principaux de la rencontre a été le choix dans la conservation. Quels sont les critères pour décider de l’importance ou non d’un document ? Une Uruguayenne témoigne : « On a tellement perdu dans le passé qu’il faut absolument tout garder et conserver même si on ne connaît pas la valeur ni l’intérêt du document. On doit prendre conscience de l’importance de la conservation. En convaincre les gens. » Christophe Mauron affirme « qu’il faut, d’une manière ou d’une autre, établir des critères de sélection, sur des éléments intéressants et significatifs de l’époque. Mais tout dépend de l’intérêt scientifique et de l’argent que l’on a à disposition pour la conservation. Moins on a d’argent, plus on doit sélectionner. Pour conserver et investir, il faut savoir pourquoi. Il faut se mettre en contact avec des experts. » Bien entendu, « des Etats comme l’Argentine n’aident en rien à la conservation d’un patrimoine qu’ils considèrent comme un patrimoine d’immigrants. En Suisse par contre, on peut plus facilement créer une collaboration. Internet aide beaucoup à l’évolution des associations. Ces archives de l’histoire de l’immigration ont un intérêt véritable pour l’Europe pour mieux comprendre la problématique actuelle de l’immigration. Mais l’utilisation d’internet nécessite une numérisation des documents. » Numérisation et communication Rudolf Gschwind, de Fachlabor Gubler SA, intervient pour expliquer l’importance de la numérisation et la nécessité de l’organisation dans la digitalisation des archives et l’utilisation des métadonnées. Numériser comporte de nombreux avantages, comme conserver un document malgré sa dégradation, permettre de limiter sa manipulation et de communiquer dessus. Mais afin de bien communiquer et aller au-delà de la conservation de l’objet sous format numérique, les métadonnées doivent être traitées de manière à pouvoir être diffusées pour les recherches et les connexions entre les différentes bases de données. Ainsi, les musées 62 | La Lettre de Penthes - No 26 et les archives peuvent échanger des informations sur leur collection respective et comprendre l’intérêt des objets qui la composent. Mais il faut une organisation réfléchie et constante, pour éviter que chacun utilise un protocole différent et mette à mal le travail précédemment effectué. « Numériser ses archives permet de les montrer à des spécialistes qui eux, vont pouvoir donner un avis sur la nécessité de conserver tel ou tel document, affirme Christophe Mauron. Le numérique aide à la collaboration, surtout sur les longues distances. » Les musées et les archives helvétiques sont des services disposés à aider les Suisses de l’étranger, et les aiguiller dans la gestion de leur patrimoine par leurs conseils. Toutefois, la numérisation ne dispense pas d’être attentif à la conservation des documents originaux. « Surtout, précise Christophe Mauron, que les données LA VIE DU MUSÉE numériques sont particulièrement fragiles. Les formats évoluent, les logiciels aussi. Une base de données créée en 2010 peut devenir illisible ou corrompue en 2015. Et les supports numériques ne sont pas plus éternels que les documents originaux. » Support de stockages Victor Weiss, spécialiste dans le stockage et la conservation des données numériques et lui-même Suisse d’Israël, prend la parole pour exposer les différentes problématiques sur le sujet. La technologie offre actuellement de vastes options, entre le stockage sur des supports à distance (Cloud, VPN, Google, DropBox…) qui, s’ils évitent les risques de perte physique, restent sensibles au niveau de la sécurité des données, et le stockage sur des supports locaux, comme les CD, les disques durs SSD/HDD et d’autres. | L’évolution des supports locaux a fait réaliser leur instabilité dans le temps. Ainsi, un CD/DVD a une durée de vie de 20 ans et un disque dur entre 10 et 20 ans. Les technologies de stockage optique 3-D et M-Disc (Millenial Disc) ont permis d’augmenter la durée de vie des supports numériques jusqu’à un siècle, voire 1000 ans selon ce que prétend la compagnie détentrice du brevet du M-Disc. Mais la longévité des supports ne pourra être démontrée qu’avec le temps, et il reste nécessaire de prêter attention aux sauvegardes des données sur plusieurs supports, autant locaux qu’à distance. Ainsi les échanges et les collaborations permettent aux données de circuler et d’être sauvegardées quelque part. Les conférences se sont donc terminées sur les conclusions suivantes : la nécessité d’offrir de bonnes conditions de conservation (température et humidité), l’importance de la conservation des documents pour la La Lettre de Penthes - No 26 | 63 | LA VIE DU MUSÉE postérité, l’utilité des échanges avec des spécialistes de la Suisse, l’efficacité de la numérisation dans les échanges et la préservation du patrimoine et l’effort qui doit être fait pour prendre conscience des risques de perte des données numériques. Mais une des questions récurrentes reste celle concernant le financement des projets de conservation, de restauration et de numérisation. Savoir exposer un projet Thomas Schmutz explique que financement et promotion sont imbriqués. La promotion permet de trouver un financement qui permet une meilleure promotion qui permet elle-même de trouver un plus gros financement… Mais il faut commencer par définir le projet et la stratégie, et contrôler par la suite la réalisation et le financement. Une fois les raisons et les limites du projet définies, il faut lui construire un plan de financement en demandant l’avis des spécialistes du sujet. Il est plus sûr d’assurer le financement par plusieurs sources de revenus : les dons privés (mécènes et entreprises, financement participatif), les subventions publiques (commune, canton, Loterie romande), les sociétés d’amis et les revenus indirects (prix des billets, ventes autour du projet). Les dons privés auprès des mécènes ou des entreprises demandent la constitution d’un dossier de sponsoring structuré, qui met en avant les points forts du projet qui pourraient intéresser le mécène. Le sponsor demande souvent des exclusivités ou des retours pour ses clients, s’il s’agit d’une entreprise par exemple. Le financement participatif devient un mode de financement de plus en plus utilisé par la culture et le milieu du patrimoine. De nombreux sites internet proposent des services de mise en réseau, mais il faut correctement réfléchir aux contreparties proposées à ceux qui investissent dans le projet. Un suivi est nécessaire. 64 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE Les financements publics sont toujours possibles à travers les communes ou les organes de redistribution comme la Loterie romande. Pour ce qui est des Suisses dans le monde, si on s’imagine que le pays ne s’intéresse pas à son patrimoine d’immigration, ils peuvent difficilement se tourner ailleurs. La fidélisation par la Société des Amis est une source de revenu stable et l’assurance de capter un public. Il est important de mettre en avant les membres et de les fidéliser autour du projet. Il faut que le bénéfice d’être membre soit évident. L’ensemble de ces sources de revenus directs, basé sur la communication du projet, se génère mutuellement quand la machine est lancée. Le public aidera plus volontiers au projet si une partie du financement est assurée par des privés, qui seront plus incités à investir s’ils sont sensibilisés par le projet et par leur statut de membre de la Société des Amis. Quand Anselm Zurfluh demande la base véritable de financement, Thomas Schultz répond « qu’il faut avant tout fonder une association ou une fondation. Le lien www.swissfoundations.ch donne les standards pour ce qui concerne les donations. Ensuite, des spécialistes peuvent aider à développer une stratégie de financement autour des forces du projet. Puis construire un réseau est essentiel, de même que rendre compte de la réalisation du projet pour garder les sponsors acquis. » | mauvais chemin. Parfois, il faut réfléchir à un projet en fonction de son impact sur les médias et le grand public. Pour le bénéfice financier, c’est indispensable. » Anselm Zurfluh conclut ainsi les conférences sur la nécessité de construire un projet, de le communiquer et de le partager afin de trouver les financements pour sa réalisation. Il rappelle que la rencontre des Clubs suisses à Penthes a été organisée dans ce sens. La prochaine édition, en 2016 ou 2017, proposera de se pencher sur l’évolution des traditions suisses à l’étranger. Le directeur remercie l’assemblée et les intervenants, il invite chacun à venir au repas de gala de la soirée. UNE DERNIÈRE NOTE FESTIVE La première Rencontre des Clubs suisses s’est conclue par un repas festif durant lequel chaque participant a pu échanger sur ces deux jours dédiés au patrimoine suisse de l’étranger. Les réactions ont été très positives sur l’ensemble de l’événement et la Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde est désormais convaincue du rôle qu’elle doit tenir, au centre des relations entre les clubs suisses à l’étranger. Elle est ainsi déjà occupée à organiser la prochaine édition et invite les Suisses dans le monde à venir se rassembler à Penthes. « Mais comment passer à une gestion professionnelle quand on est amateur ? » demande un Suisse du Chili. « Toutes les grandes institutions étaient des amateurs au début, répond Thomas Schmutz. Ce n’est qu’avec le temps, une bonne organisation et un grand effort qu’on y arrive. Cependant on peut se poser une question : est-ce que tous les projets doivent se concrétiser ? Il faut savoir réorienter son projet lorsque celui-ci prend un La Lettre de Penthes - No 26 | 65 | LA VIE DU MUSÉE Yakari, un petit Sioux à Penthes Par Camille Verdier, directeur artistique, Musée des Suisses dans le Monde Cet automne, le Musée des Suisses dans le Monde plonge à nouveau le visiteur dans l’univers coloré de la bande dessinée. A près les expositions Le Marin et le Photographe, Corto Maltese et Marco D’Anna en 2012, rendant hommage au dessinateur Hugo Pratt, et Objectif Penthes. Tint’ interdits, pastiches et parodies en 2014 qui nous a régalés avec des parodies « tintinolesques » les plus désopilantes de la production bédéiste suisse, nous célébrons l’œuvre de deux Suisses, Derib et Job, à travers l’un des personnages de BD les plus attachants : Yakari. Ce petit Sioux qui parle aux animaux et qui, depuis 40 ans, a bercé et berce encore l’enfance de nombreuses têtes blondes, est sans doute le représentant le plus connu du Neuvième Art helvétique, en concurrence avec Titeuf. Et quel meilleur endroit que le château de Penthes, en République de Genève, pour exposer la bande dessinée suisse ? En effet, le créateur et théoricien de la BD, Rodolphe Töpffer (1799-1846) est Suisse et Genevois et ses « histoires en estampes », comme Monsieur Jabot (1833), lient de manière narrative et séquentielle l’image et le texte, sur un ton humoristique et fantaisiste. Töpffer théorisa même les principes de cet art qu’il pensait nouveau, où « les dessins sans le texte n’auraient qu’une signification obscure ; le texte sans les dessins ne signifierait rien ». Certes les lettres de noblesse de la bande dessinée occidentale ont été acquises en Belgique, mais la Suisse a produit des dessinateurs fameux comme Derib qui, dans l’apprentissage de son art, à Bruxelles auprès de Peyo, est un Suisse de l’étranger. Mais revenu sur les rives du Léman, le Vaudois Derib apparaît comme le premier auteur suisse à obtenir un succès international. Et au bout du lac, la cité de Calvin peut s’enorgueillir d’être le grand centre d’une production dessinée nouvelle avec des auteurs comme Exem, Mix & Remix ou encore Zep. Mais que serait Yakari sans son deuxième « père », le Jurassien Job, qui goûte dorénavant à la chaleur de la garrigue nîmoise, dans une maison Bauhaus dont la porte nous a toujours été ouverte ? Si Yakari est le personnage central de notre exposition, nous n’aurions pas pu manquer l’occasion d’évoquer les cultures des Indiens d’Amérique du Nord, d’ailleurs si chères à Derib et à Job. Comme chacun, ils ont été bercés par les westerns hollywoodiens et par l’idée que les « Indiens » massacrent les valeureux pionniers américains, 66 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE | Pehriska-Ruhpa. Guerrier Mannitarri costumé pour la Danse du Chien. Karl Bodmer – 1832-1834 ces cow-boys dont John Wayne est l’archétype. Par la suite, des films comme Danse avec les Loups (1990) ou Le Dernier des Mohicans (1992), adaptation de l’œuvre de Cooper et Pocahontas (1995) ont donné cette image romantique des cultures indiennes, nostalgique de leur quasi-disparition. Dans l’esprit des Euro-Américains l’« Indien » a souvent l’apparence d’un Sioux ou d’un natif de la région des Plaines : chevauchant dans les plaines, chassant le bison, arborant des coiffes à plumes et habitant les fameux tipis. L’exposition démarre donc par la présentation de ces objets iconiques des peuples natifs occupant les Plaines, et de ce qui interpelle l’imaginaire et le merveilleux : l’aventure dans l’Ouest sauvage américain. Pourtant cela ne concerne qu’une infime partie des centaines de tribus qui peuplaient le nord de l’Amérique, du désert du NouveauMexique jusqu’aux toundras d’Alaska, des vallées boisées des Montagnes Rocheuses aux vastes prairies du Kansas. Ces « clichés archéologiques » sont mis en relation avec les œuvres graphiques de Suisses qui sont partis au XIXe siècle explorer l’Amérique du Nord. Karl Bodmer (1809-1893), Peter Rindisbacher (1806-1834), Friedrich Kurz (1818-1871) et Frank Feller (1848-1908) nous ont laissé des témoignages exceptionnels des tribus qu’ils ont rencontrées durant leur périple : Crows, Comanches, Kiowas, Cheyennes, Mandans, Lakotas, Dakotas, Blackfeet, Assiniboines nous apparaissent dans leur vêtement d’apparat, dans les scènes de la vie quotidienne ou durant les cérémonies. Ces dessins précieux pour l’ethnographie sont des instantanés de ces cultures bouleversées par le contact avec le colonisateur et poussées à l’extinction par les déportations. Ces Suisses du XIXe siècle sont à mettre ensuite en relation avec ce Suisse du XXe siècle qui dessine des Natifs : Derib. Si Yakari est son œuvre la plus connue, nous avons décidé d’exposer des planches de Celui-qui-est-né-deuxfois, plus proche de la réalité historique et ethnologique. Loin de la tragédie amérindienne, Job a écrit des textes inédits afin d’évoquer le monde de Yakari à travers le bestiaire que le petit Sioux rencontre au cours de ses aventures. En effet, les tribus accordaient beaucoup d’importance à leur rapport avec la nature et les mythes autour des animaux en sont un symbole fort. Nous ne pouvons songer au mode de vie des Plaines sans réfléchir aux valeurs d’écologie qui caractérisent les courants de pensée actuels et qui transpirent dans les aventures de Yakari. Enfin, cette exposition s’adresse aux plus jeunes et tout un parcours pédagogique a été développé ainsi qu’un carnet d’exploration. Une première à Penthes ! « Le dernier des Mohicans » nous a quittés, mais nous reste Yakari, nous invitant à cette grande traversée sur les pistes et les traces ensoleillées par Derib et Job de la nostalgie amérindienne. Le film suisse de Patricia Moraz disait Les Indiens sont encore loin (1977). Les voici revenus tout près de nous, rien que pour vous, sur le domaine de Penthes. La Lettre de Penthes - No 26 | 67 | LA VIE DU MUSÉE Par Anselm Zurfluh Directeur du Musée et de l’Institut des Suisses dans le Monde Exposition du 1er novembre 2015 au 14 février 2016 68 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE | D ans les discussions philosophiques et politiques de ces derniers temps, des personnalités, des institutions, les politiques et les professionnels de l’éducation ont mis le doigt sur la quasi-absence d’un enseignement de l’histoire de la Suisse. Ce phénomène touche toute l’Europe et chaque nation. La Société Helvétique a même lancé une pétition pour exiger que l’histoire suisse retrouve sa place légitime dans nos écoles. Chacun y va donc de sa solution. Or, un des problèmes récurrents qui se posent à ce propos, c’est de savoir comment motiver les uns et les autres autour d’une thématique supposée aride et difficile. Le Musée des Suisses dans le Monde a décidé de s’emparer de cette problématique et de proposer une solution ludique et pédagogique pour les jeunes et les moins jeunes. Ainsi, associer la marque Lego® à l’Histoire suisse nous a semblé une bonne approche. Encore fallait-il choisir les sujets... Et pouvoir les associer à notre collection muséale. Ce qui fut fait, de Guillaume Tell, mythe fondateur autour de nos libertés suisses à Napoléon, garant de l’organisation nouvelle de la Suisse après la Révolution, de la fameuse locomotive Crocodile utilisée au Gothard au couteau Suisse Victorinox, icônes mondiales de l’industrie suisse, du Château de Penthes au sommet du mont Everest. Ce sont quelques moments forts de notre passé que nous pouvons illustrer d’autant mieux que les constructions Lego® sont en miroir avec les pièces de notre propre collection. Pas moins d’un million de briques Lego® ont été nécessaires pour pouvoir construire les œuvres que vous admirez. L’exposition et son catalogue retracent ces moments forts de notre histoire, des ateliers permettent à tous de s’immerger dans l’histoire, des visites guidées accompagnent les publics et des parcours spécifiques ont été mis en place pour les personnes en situation de handicap. Tout un programme au service d’un seul objectif : faire partager et aimer l’histoire du pays dans lequel nous vivons. La Lettre de Penthes - No 26 | 69 | LA VIE DU MUSÉE Tout commença quand je découvris sous le sapin de Noël ma première ® boîte de LEGO Eric Jousse Directeur de l’agence Epicure Studio Commissaire adjoint de l’exposition Histoire en Briques La culture est comme l’air que l’on respire. Elle nous est indispensable. Elle fait partie de notre vie, contribue à notre éducation. Elle rassemble. Elle surprend. Elle émerveille... et surtout, elle nous permet de vivre des instants d’évasion... C’est une véritable ouverture aux autres permettant d’enrichir notre quotidien et de découvrir le monde qui nous entoure au regard de créations aussi déroutantes que fantastiques. C’est aussi comprendre le passé et imaginer le futur à travers des témoignages divers et variés de l’histoire – et c’est aussi une histoire personnelle. C ’était un train avec des rails bleus que l’on assemblait avec des petites plaques blanches. Une locomotive noire associée à un wagon « caisson » rouge dans lequel on mettait des piles, le faisant avancer, suivi de deux autres wagons. C’était fabuleux et nouveau pour moi... C’était hier... Ou plutôt non, il y a plus de 35 ans. Je venais juste d’avoir mes 5 ans. Le souvenir d’un petit garçon qui ne l’a jamais quitté. Ce fut « LE JOUET » qui déclencha cette passion quelque peu incontrôlable pour les briques LEGO®… Maintenant, j’ai 4 enfants. Je continue à assembler ces rails devenus gris sur lesquels roulent des trains de plus en plus perfectionnés... Et je vois leurs yeux s’émerveiller. Je suis heureux et je n’ai pas besoin de plus… Dirigeant d’une entreprise de communication, d’événementiel et d’architecture Retail depuis plus de 20 ans, féru d’histoire ainsi que des briques LEGO®, je me suis donc rapproché de l’association Bonap’Art (Association valorisant le patrimoine culturel et historique français 70 | La Lettre de Penthes - No 26 et international), pour proposer au Député et Maire de la ville de Rueil-Malmaison, Monsieur Patrick Ollier, une exposition unique, à la fois ludique et audacieuse dans le cadre du « 2e Jubilé de Napoléon & Joséphine ». Evénement populaire qui draina plus de 60 000 visiteurs pendant les journées du patrimoine en 2014. Financée en partie par COFELY INEO du groupe ENGIE, l’exposition a eu pour objectif de reproduire en briques LEGO®, les patrimoines architecturaux, culturels et artistiques des villes de Rueil-Malmaison et Paris liés à la période du début du XIXe siècle. Distribué dans plus de 140 pays, vendant en moyenne sept boîtes à la seconde dans le monde avec un milliard et demi d’utilisateurs, LEGO® qui soutient cette exposition, est devenu récemment le premier groupe mondial sur le marché du jouet ! D’où l’idée d’associer un produit de consommation moderne et intergénérationnel en ayant pour but de faire découvrir et de raconter l’histoire autrement aux enfants et à leurs aînés via un LA VIE DU MUSÉE produit reconnu, voire même adulé : la brique LEGO®. Mais c’est aussi la mise à disposition d’ateliers pédagogiques pour les visiteurs pour construire « le monde » tel qu’ils le perçoivent et afin de poursuivre l’expérience, une boutique éphémère est implantée où les produits du catalogue LEGO® sont vendus. modélisateurs-constructeurs maîtrisant les techniques de construction LEGO® ne manquant pas d’ingéniosité et d’originalité ! Après Genève, une autre exposition s’installera à Saint-Quentin en Picardie pour ensuite voyager dans maintes villes de France et d’Europe, pour une tournée de cinq années. Une exposition muséographique, qui se veut itinérante, chaque fois adaptée aux lieux et qui s’enrichit au fur et à mesure de son exploitation par les villes et les musées. Après Rueil-Malmaison près de Paris, Waterloo en Belgique et La Mure, ville d’origine minière jouxtant Grenoble, l’exposition se produit actuellement au Château de Penthes, Musée des Suisses dans le Monde, avec des œuvres originales, conçues pour illustrer quelques aspects choisis de l’histoire suisse, de Guillaume Tell à Roger Federer, par Valentine Meyer, Commissaire de l’exposition et Anselm Zurfluh, Directeur du Musée. Des œuvres produites par des Histoire en Briques est une exposition incontournable à vivre en famille pour le plaisir des plus jeunes comme des plus grands. Plus de 75 000 visiteurs sont déjà venus admirer ces œuvres uniques lors des précédentes expositions ! Je compte énormément sur le public suisse, pour poursuivre cet élan tout en laissant la magie LEGO® faire son œuvre. | Tous à vos briques et TAK ! (*) (*) Merci en danois www.epicure.fr La Lettre de Penthes - No 26 | 71 | À TRAVERS LE MONDE Swiss High-tech on the Oceans Philippe M. Guénat chairman of the technical advisory board 72 | La Lettre de Penthes - No 26 Life was harsh in the inhospitable mountain valleys of the founding ‘forest cantons’ of Uri, Schwyz and Unterwalden and ever since the beginnings of the Swiss Confederation, some seven centuries ago, the Swiss have faced a formidable challenge: how to generate wealth without easily available natural resources. However, the Swiss have always been characterized by their gift for finding creative solutions to seemingly intractable problems. And to prosper from them. Indeed this genius for transcending hardship and scarcity is so great that it borders on alchemy: the famous Swiss ingenuity. À TRAVERS LE MONDE | T he Devil’s Bridge and the tolls collected there, the flourishing trade with pilgrims on their way to Rome, well-paid mercenaries all over Europe, the relative oasis of peace during the 30-YearWar in Europe… All these were important factors that contributed to the country’s prosperity. But most importantly, Switzerland from the start was obliged to invest in producing quality. Perhaps the best example of this is the making of cheese, because only cheese of the highest quality could be transported and sold throughout Europe. Later on, the Swiss gained a reputation for engineering, arbitrage, and precision tools, all following the same pattern: a focus on quality and high prices for niche markets. The ‘made in Switzerland’ label, which is today synonymous with quality and reliability, is not merely some quaint cultural stereotype but rather springs from a proud and unique history of entrepreneurial creativity. Swiss quality has become the hallmark of excellence worldwide. Despite its decidedly un-Swiss name, BakriCono Co. Ltd is nevertheless a shining example of Swiss knowhow under Swiss and international ownership and management. Established in 2004, it is a privately held company strategically located on the eastern shore of the Gulf of Thailand, where people need boats. This hightech shipyard is a specialist builder of monohull and catamaran luxury yachts, both sailing and powered, but with one tiny difference: they are powered by the sun! BakriCono’s staff of highly specialized workers and technicians is at the leading edge of this technology. From design to finished product, the shipyard’s expertise has earned it worldwide respect for its precision and excellence in boat-building. The company has a strong Swiss and European presence in management and key technical positions. In Michael LópezAlegria it has a former NASA astronaut as a partner. One of the key partners is Philippe M. Guénat, chairman of the technical advisory board as well as a member of the board of the SolarPlanet Foundation, which embodies the best of Swiss entrepreneurial excellence. He is a passionate yachtsman who spent his formative years on Lake Geneva learning about navigation and seamanship. His later vocation as an hotelier and his passion for tourism took him to the Orient where he managed various hotels, presided over the Hotelier’s Commission of Thailand and lectured on business management and re-engineering at the University of Bangkok. Well-known for his entrepreneurial flair and outstanding achievements, Philippe naturally decided to devote his energy and skills to the shipyard. He has combined his knowledge of sailing and solar energy and has pioneered the use of hybrid energy in the field of marine transportation. He leads BakriCono’s international business development and strategic partnerships. His business acumen, exacting standards and varied skill set are emblematic of the worldrenowned Swiss brand of entrepreneurial genius. In a way, Philippe is the typical Swiss...working in Thailand with an international crew, featuring a high-tech product, producing first-class objects of the finest kind, selling the end-product to dedicated customers who more often than not become friends...it’s Swiss know-how at its best! www.bakricono.com La Lettre de Penthes - No 26 | 73 | À TRAVERS LE MONDE Touristische Leistungen in aller Welt - man spricht Deutsch Ferien in den Philippinen bei einem Schweizer Ehepaar? Insidertipps in Australien in deutscher Sprache? Viele Schweizer schätzen diese Annehmlichkeiten in den Ferien. Auf dem neuen Vermittlungsportal halloswiss.ch können Auslandschweizer ihre touristischen Angebote vom Hotel bis zum Ausflugsprogram präsentieren. A uf halloswiss.ch finden Sie Schweizer im Ausland, welche eine touristische Leistung anbieten und sich mit Ihnen in Deutsch unterhalten wie zum Beispiel die Familie Blum – bekannt aus der Sendung „Auf und Davon“ auf SRF – die seit 2013 unvergessliche Abenteuerferien in Kanada anbieten oder Birgit und Rene in Südafrika, welche mitten in der Natur zwischen Bergen und Seen eine Lodge mit dem Namen „Kwela“ betreiben. Das Projekt halloswiss.ch ist Ende Mai erfolgreich gestartet. Bis heute sind es über 120 Angebote weltweit, die von Auslandschweizern platziert wurden. Ob Unterkünfte, Restaurants, Tauchschulen, Fahrzeugvermietungen, Sprachschulen, Surf Camps oder weitere tolle Angebote, alle haben eines gemeinsam: Alle Anbieter sprechen Deutsch. Ende 2014 wurden rund 747 000 Schweizer im Ausland gezählt und rund 10 000 Auslandschweizer mit touristischen Angeboten. Wir sind stets auf der Suche nach Schweizern im Ausland. Vielleicht kennen Sie selbst jemanden, der von unserer Idee profitieren könnte? Wir freuen uns über Schweizer Kontakte. Die Idee wurde übrigens vor 20 Jahren zwischen Bier und Bänken in einer Beiz in den USA ins Leben gerufen. Wäre es nicht toll, wenn man Schweizer im 74 | La Lettre de Penthes - No 26 À TRAVERS LE MONDE Ausland besuchen könnte. Damals hiess die Idee „Urner besuchen Urner“. Das Projekt kam sehr gut an, versandete aber leider nach einigen Jahren wieder. Letztes Jahr kam die Idee wieder auf und Ende Mai 2015 wurde halloswiss.ch lanciert und ins Leben gerufen. Halloswiss ist keine Buchungsplattform wie Airbnb sondern ein Vermittlungsportal. Ein Angebot kostet CHF 69.– pro Jahr und es kommen keine weiteren Kosten dazu. Die Besucher nehmen direkt Kontakt über das Kontaktformular oder via Email-Adresse auf. Es ist auch schon vorgekommen, dass Auslandschweizer andere Schweizer Nachbarn entdeckt haben. Was uns natürlich sehr freut. | Hinter dem Projekt halloswiss stehen die Reisebüros Hauger mit fünf Standorten in der Innenschweiz. Anbieter können auf die Unterstützung eines starken Partners in der Schweizer Reisebranche bauen. Das allererste Angebot ist übrigens von halloswiss-Projektleiterin Bettina Berger, welche ihr Pensum mit ihrem Bruder teilt. Oli Berger ist für alles Grafische verantwortlich. Bettina lebt seit acht Jahren in British Columbia, Kanada, und ist momentan für 6 Monate in der Schweiz und betreut das neue Projekt. Im November geht es dann wieder zurück in die Cat Skiing Lodge namens Mustang Powder, wo sie als Lodge Managerin für den Winter arbeitet. www.halloswiss.ch La Lettre de Penthes - No 26 | 75 | IMPRESSUM LA LETTRE DE PENTHES LE MAGAZINE DU DOMAINE DE PENTHES NUMÉRO 26 – AUTOMNE 2015 ÉDITEUR CONCEPTION ET RÉALISATION Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde Château de Penthes 18, ch. de l’Impératrice CH-1292 Pregny-Chambésy T +(0)22 734 90 21 www.penthes.ch Théorème communication, Genève CORRECTIONS Béatrice Obergfell PUBLICITÉ Régie Kal RÉDACTEUR EN CHEF Anselm Zurfluh IMPRESSION Atar Roto Presse SA, Genève ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Gabrielle Claerr Stamm Guy Ducrey Laure Eynard Stéphane Kronenberger Stéphane Sapin Bénédict de Tscharner Camille Verdier Christophe Vuilleumier TIRAGE 4000 exemplaires PHOTOS Epicure studio – couverture, pp. 68, 69, 70, 71 © Derib+Job - Le Lombard – pp. 1, 66 Christophe Veuilleumier – pp. 1, 17, 18, 19, 21 Musée des Suisses dans le Monde – pp. 3, 57, 60 Guy Ducrey – p. 4 Switzerland Global Entreprise – p. 7 Henry Bois de Chesne – pp. 11, 12, 13 © L’Osservatore Romano/AP Photo – p. 14 Camille Verdier – pp. 14, 15, 67 Anton Bebler – pp. 22, 23 Stéphane Kronenberger – pp. 30, 31 Laurence Deonna – p. 41 © Fachlabor Gubler AG – pp. 51, 55 Dominique Quennoz – pp. 58, 59, 61, 62, 64 Zurich, Nordamerika Native Museum – p. 67 BarkiCono Co. Ltd – pp. 72, 73 DR. 76 | La Lettre de Penthes - No 26 PERFOR MANCE neutral Imprimé 01-15-462623 myclimate.org RANGERWOOD MAKERS OF THE ORIGINAL SWISS ARMY KNIFE | VICTORINOX.COM