Cahier Spécial inondations
Transcription
Cahier Spécial inondations
RUMEUR Décryptage de la rumeur évoquant un sacrifice de la Somme au profit de Paris PAGE V HYDROLOGIE Thierry Monier explique pourquoi 2001 ne pourrait plus se reproduire aujourd’hui PAGE X MARDI 12 AVRIL 2011 Il y a dix ans la Somme sous les eaux TKE0100A II CAHIER SPÉCIAL COURRIER PICARD MARDI 12 AVRIL 2011 gINONDATIONS Quand le moral variait avec le niveau de l’eau Pendant plus de deux mois, les sinistrés de la Somme, à bout de nerfs, ont dû tenir bon dans un quotidien où chacun a dû apprendre à vivre en bottes, en barque voire en mobile home. rois mois. Trois mois les pieds dans l’eau, trois mois d’insomnies, trois mois interminables. Avec Abbeville, Fontaine-sur-Somme est la commune la plus durement touchée par les inondations. C’est ici qu’ont eu lieu les premières évacuations, et c’est encore ici que le retour à la normale a pris le plus de temps. Début avril, au plus fort de la crue, la rue Verte et la rue Clabaud sont submergées par plus d’1, 50 mètres d’eau. Les riverains, impuissants, regardent leur maison s’enfoncer dans les marais. « On n’aurait jamais dû nous laisser construire ici, je suis en train de tout perdre », commente à l’époque Jean-Paul Boyeldieu, habitant de la rue Clabaud. T L’impression d’être seuls au monde Fatigués physiquement et nerveusement, les habitants de Fontaine-sur-Somme ont aussi l’impression d’être seuls au monde. Élu depuis seulement une semaine au moment des faits, l’ancien maire Patrick Poliautre n’a rien oublié de ces folles semaines. « Je n’étais évidemment pas préparé à cela et, si nous avons eu la chance de ne pas avoir de morts, je n’oublie pas le stress. » Dix ans plus tard, Fontaine-sur-Somme semble pourtant avoir en partie évacué le souvenir. Des habitants sont par- RAPPEL DES FAITS TKE02II. tis, d’autres sont venus s’installer, et la mémoire des faits a tendance à s’évaporer. « Bien sûr, on reste vigilants, mais cela ne nous empêche plus de dormir », résume le maire actuel Gérard Leroy. Au maximum de la crise, plus de 700 maisons auront été inondées à Abbeville. Incontestablement, la capitale du Ponthieu fut la ville la plus touchée, à côté de sa voisine Mareuil-Caubert. « Par moments, nous avons dû parler à des gens qui menaçaient de se suicider » Joël Hart maire d’Abbeville en 2001 Mais au-delà de la force du chiffre, ce sont surtout des images qui resteront sans doute dans les mémoires, comme autant de symboles d’une histoire à tiroirs. Celle d’abord de la gare aux voies ferrées transformées en canaux. Celle plus poignante de ces tracteurs agricoles aux remorques chargées de meubles d’habitants sauvant ce qui pouvait l’être dans l’urgence. Celle encore des militaires, unanimement admirée, venus avec leurs moyens lourds et leurs bras. Celle de l’installation des mobiles homes pour reloger les sinistrés, d’abord à Mareuil puis à Abbeville. Celle aussi plus anecdotique de Bernadette Chirac sortant d’une maison de la chaussée de Rouvroy par une fenêtre. Lionel Jospin conspué sous les caméras Sans oublier enfin celle du premier ministre Lionel Jospin conspué sous les caméras par des sinistrés à bout de nerf. À tel point qu’il avait renoncé à pousser sa visite jusqu’à Fontaine-sur-Somme. Il faut dire que le maire d’alors Joël Hart l’avait senti très tôt : « La situation peut durer entre un et trois mois. » La réalité fut entre les deux. Un temps suffisamment long pour que chacun apprenne vite à s’organiser dans un quotidien chamboulé, et des rues rendues circulables uniquement en bottes, barques et chemin de planches. « Même quand les Allemands avaient inondé le marais (pendant la guerre), ça n’avait rien de comparable ! », nous avait lâché un ancien. Caves, pièces à vivre, garages, jardins… partout les mêmes scènes. Des pompes bruyantes, le moral variant au gré des averses de pluie et de la hauteur d’eau dans les maisons, mais aussi les badauds trouvant dans ce paysage extraordinaire une occasion de sortie du dimanche. Usant. « Par moments, nous avons dû parler à des gens qui mena- Les sinistrés et élus (en bas Guy Dovergne dit « Popof » le maire de Mareuil) ont dû s’adapter çaient de se suicider », le dira Joël Hart, un an après la catastrophe. Parmi les sinistrés, les relogés en mobile home ont particulièrement ému. « Ma femme pense que l’on ne passera pas l’été ici. J’aimerais qu’elle ait raison, mais au fond de moi, je sais qu’elle a tort », nous avait ainsi confiés M. Taghon. En effet, certains « relogés » ont réveillonné à Noël dans leur mai- son en plastique. « Il y a plus malheureux que nous » En miroir de cette désolation, le meilleur aussi s’est exprimé lors des inondations, à travers une multitude de grands et petits gestes solidaires. Comme cette coiffeuse d’Abbeville qui proposa des coupes gratuites aux sinistrés, tandis 18-23 MARS 2-3 AVRIL 10 AVRIL 22-25 AVRIL 27 AVRIL 1ER MAI L’Ancre, la Noye et l’Avre débordent ; premières évacuations ; de fin février à fin mars, des inondations sporadiques. Le Premier ministre Lionel Jospin conspué. « On ne m’enlèvera pas l’idée que l’eau vient du canal du Nord », lui jette un sinistré. Un pic dans le nombre de maisons touchées (2 800) est atteint ; progression de l’eau plus lente depuis la mi-avril, voire quelques décrues. État de catastrophe naturelle déclaré dans 107 premières communes ; le président Chirac évoque sa « compassion ». Le niveau de l’eau diminue d’un coup de 24 cm à Abbeville ; inauguration d’une « place des inondés » par les sinistrés. Les Hortillonnages d’Amiens submergés ; des dizaines de maisons touchées à Abbeville et Fontaine ; déjà plus de 1 000 sur la Somme. CAHIER SPÉCIAL III MARDI 12 AVRIL 2011 COURRIER PICARD À Amiens, les riverains n’avaient jamais vu cela « Tout est allé très vite. L’eau montait de 5 cm toutes les demi-heures »… Isabelle Griffoin était adjointe au maire d’Amiens, le 17 mars 2001, lorsque l’eau s’est mise à monter le long des voiries situées en bord de Somme. « Très vite, nous avons su que nous allions faire face à un événement exceptionnel… » Exceptionnel, il le fut, autant par son ampleur que par sa durée. Jamais de mémoire de riverains de la Somme à Amiens, on n’avait vu l’eau atteindre une telle hauteur : « Nous habitions chemin de Halage depuis vingt-huit ans, se souvient Raymonde Prévot. Avant nous, l’ancien propriétaire avait habité là pendant plus d’un demi-siècle. Il n’avait jamais eu d’eau dans son sous-sol… » Raymonde et Maurice Prévot, eux, ont pompé pendant deux mois. « Je me couchais à 20 h 30 pour me lever à 3 heures du matin, se souvient la sinistrée. Avec mon mari, nous alternions, pour qu’il y ait en permanence quelqu’un… » La ville d’Amiens a elle aussi été durement impactée par les inondations : chemin de Halage, rue de Verdun, chemin du Malaquis, Île Sainte-Aragone… Pendant deux mois, des dizaines d’habitants des bords de Somme ont eu les nerfs à vif, tandis que les services de la ville, les pompiers et l’armée étaient constamment sur la brèche. In fine, si de nombreux riverains ont réussi à rester chez eux, d’autres ont fini par être évacués, particulièrement Chemin du Malaquis et rue de Verdun où il a même fallu raser une maison, trop endommagée. Mais comme ce fut le cas tout au long de la zone sinistrée, cet épisode malheureux aura aussi donné lieu à d’innombrables témoignages de solidarité, à l’image de ces hortillons qui ont prêté et cultivé des terres pour les maraîchers sinistrés de l’île Sainte-Aragone. PH.F. 3 QUESTIONS À « Il ne faut pas oublier » JEAN-PHILIPPE DAMIEN Président de la Fédération des associations de sinistrés de la Somme (FASS). 왘 Quels sont vos souvenirs marquants de ces inondations ? Je revenais de Paris. Il y avait quelques centimètres d’eau dans ma maison que je venais juste d’acheter (dans le marais Saint-Gilles) à Abbeville. Les pompiers m’ont tout de suite prévenu que j’aurais de 20 à 30 cm en quelques heures. Ça sentait mauvais. Je voyais des poissons dans mon entrée. Je revois aussi ces gens qui balayaient leur maison pleine d’eau pour tenter de conjurer l’adversité. J’ai découvert aussi des sinistrés qui se trouvaient déjà dans la précarité, certains qui n’étaient pas assurés. à la vie sur l’eau. Les inondations ont donné lieu aussi à de nombreux gestes de solidarité. que Pierrette, une sinistrée de la chaussée de Rouvroy, elle, relativisait su son propre sort : « Il y a plus malheureux que nous. Certaines choses sont plus graves. » Et puis à la façon d’un miracle, sans doute aidé par l’installation de grosses pompes à Saint-Valery et ailleurs, l’eau a finalement diminué, en l’espace du week-end de la fête du travail. Comme un signe annonciateur de la suite. Les sinistrés allaient désormais franchir le seuil de leur plus dure épreuve : l’après inondation. GAËL RIVALLAIN et FABRICE JULIEN 5 MAI 6 JUIN Douze mobile-homes à Mareuil-Caubert pour reloger les sinistrés, avant un lotissement d’une cinquantaine à Abbeville. Fin de la crue, à Fontaine-sur-Somme, dernière commune inondée, deux semaines après le reflux de l’eau à Abbeville. Quatre instants à la « une ». De haut en bas : 22 mars, début des débordements de la Somme ; 4 avril, l’armée est réquistionnée et son arrivée est fort appréciée par les sinistrés ; 10 avril, Lionel Jospin fait une visite houleuse à Abbeville ; 19 avril, l’heure est à la décrue et au bilan, très lourd des inondations. Et le drame se poursuivra encore de longs mois. 왘 Dans ce grand malheur, avezvous retenu aussi du bon ? Dès que l’eau a monté, j’ai n’ai eu qu’une hâte : monter une association pour essayer de comprendre. Je voulais trouver un responsable, mais je savais que tout seul je n’y arriverais pas. Les gens se sont rapprochés. J’ai alors trouvé une cha- leur humaine exceptionnelle, avec des personnes qui sont restées des amis depuis. Au risque de choquer, je peux dire aujourd’hui, qu’au final, je garde plus de bons que de mauvais souvenirs de cette période... 왘 Dix ans après, faut-il maintenir le souvenir de cette crue ? La tempê- te en Vendée m’a fait remonter des flashs. Il est clair que nous sommes désormais confrontés à des changements climatiques. C’est dans les périodes tranquilles qu’il ne faut justement pas oublier. Pas pour affoler mais pour rester vigilant. Je ne sais pas si une telle catastrophe pourrait revenir chez nous. On me certifie que l’on est capable de faire baisser le niveau de l’eau de 30 cm en quelques heures. Je ne suis pas ingénieur. Difficile d’en juger. Depuis 2001, je n’ai jamais vu de remontée d’eau. Ceci étant, nous n’avons pas encore acquis une culture du risque suffisante dans notre pays. Il reste beaucoup à faire, notamment sur la gestion coordonnée des crises et l’adaptation de l’architecture quand on vit au bord de l’eau. LE CHIFFRE LA PHRASE caves et habitations inondées, plus de 1 100 personnes évacuées. Moins de dix communes (sur 138 touchées), dont Abbeville, Fontaine-sur-Somme, Mareuil-Caubert, Amiens, Cagny et Camon, concentrent l’essentiel des dégâts. « Cette catastrophe sans précédent par son ampleur et sa durée a soumis les sinistrés à des expériences éprouvantes, pouvant entraîner à long terme des séquelles sur leur santé physique et mentale. » 3500 Rapport d’enquête sanitaire « deux ans après les inondations TKE03III. IV CAHIER SPÉCIAL COURRIER PICARD MARDI 12 AVRIL 2011 gHAUTE SOMME Les inondations ont attendu l’été En avril, les étangs de Haute-Somme ont absorbé des millions de litres d’eau, évitant les inondations dans la région. Un violent orage a pulvérisé ce fragile équilibre, le 7 juillet. u printemps 2001, la Haute Somme n’a pas été épargnée par les inondations, mais dans une moindre mesure par rapport à l’Ouest du département. Météo France donne le record de pluie : 142,4 mm à Epehy et 109,4 à Méaulte, Il a plu 21 jours en ce mois d’avril. Cela s’est décanté à la fin du mois, quand cinq pompes sont mises en marche, dont une à Cléry-sur-Somme. La navigation est interdite sur le canal du Nord, du coup les écluses bloquent l'eau. Et la décrue est beaucoup plus lente dans l'Est qu’à Abbeville. A 3 QUESTIONS À MARC DENAVARRE Président de l'Association des sinistrés des inondations d'Albert (ASIA). Sa maison, rue de Corbie à Albert, a été inondée en 2001. « Les travaux de prévention dans les maisons n’ont pas été pris en compte par les assurances » Des ommunes en état de catastrophe naturelle L’état de catastrophe naturelle est décrété pour six communes : Beuvraignes, Bouchoir, Etelfay, Gruny, Laucourt, Montdidier. Fin mai, la préfecture publie le premier plan de prévention des risques d'inondations, entre autre pour les cantons d'Albert, Bray, Combles et Péronne. Cela passe inaperçu en Haute Somme, où la population est occupée à se mobiliser contre le troisième aéroport. L’eau vite oubliée. Pas longtemps, cependant. Dans la nuit du 6 au 7 juillet s’abattent des pluies dilu- Au niveau de Goyencourt, près de Roye, l’A1 s’est couverte d’un lac en moins d’une journée. viennes. Il tombe 150 mm en six heures ! Les secteurs de Montdidier et Roye sont les plus touchés, avec 150 habitations inondées, et 25 familles évacuées. Les zones relativement épargnées en avril sont fragilisées par des mouvements de terrain. Des excavations se forment. Dès le samedi 7, à Roye, l’eau monte brusquement une fois le matin dans un quartier. Et la polé- Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2001, il tombe 150 millimètres de pluies diluviennes en six heures. mique enfle aussi : cela serait de la faute de la Sanef, qui a ouvert une Beuvraignes touchée en mars et en juillet Michel Monard, maire de Beuvraignes se souvient bien de ces mois difficiles de 2001. Il a été élu maire le 24 mars de cette année-là. Dès le lendemain, il doit faire face au premier trou. « Il avait beaucoup plu depuis début mars. La rivière sèche qui traverse la commune a repris ses droits grâce aux nappes à fleur de peau, gonflées par ces pluies incessantes. C’est parti du point le plus haut de la commune, la Chapelle des Loges, et petit à petit, ça a traversé la départementale 133, Beuvraignes-Crapeaumesnil, inondant les deux côtés. » Les excavations et les affaissements de terrain prennent vite de l'ampleur. « 44 trous dans le village et 134 en plaine voient le jour. Ce n'est plus un village mais un gruyère, raconte l’élu. Le conseil municipal a pris un arrêté de péril pour quatre maisons devenues trop dangereuses. » Une reconnaissance de catastrophes naturelles pour les événements allant du 1er mars au 25 avril est promulguée au Journal officiel. Mais, début juillet, les trous se sont élargis avec un fort orage au début de l’été. Le 7 juillet, il a plu de 1 heure du matin à 18 heures. Cette fois, 375 excavations sont localisées, dont des cavités mal rebouchées des tranchées de la guerre de 1914-1918. Il faut injecter 120 m3 de sable limoneux pour garder une habitation debout, le TGV a été ralenti afin de faiTKE04IV. Sacré baptême du feu pour Michel Monard : au lendemain de son élection comme maire, il doit affronter les inondations. re des injections de béton dans le pont, et sur la D133, un vrai lac s'est créé, avec ses mouettes et d’autres oiseaux. Au final, le hameau de l'Abbaye a été noyé pendant deux ans. « J'ai pris une disponibilité de six mois à mon travail pour pouvoir faire face. Heureusement, il y a eu des interlocuteurs dynamiques, comme le sous-préfet Bruno Sourd, qui m'ont beaucoup apporté pour le montage des dossiers. C'est devenu de bons souvenirs maintenant mais cela a été très difficile », conclut Michel Monard. De notre correspondante CLAUDINE DELAIRE brèche dans l’A1 pour évacuer l’eau. L’A1 coupée toute une journée par une inondation En effet, depuis le matin, l’A1 est fermée dans les deux sens entre Roye et Estrées-Deniecourt, pour cause d’inondations à hauteur de Goyencourt. La chaussée est recouverte d’eau sur plus de 300 mètres, avec par endroits presque un mètre de profondeur. Autour, les champs sont inondés, donc l’évacuation très lente. Des bouchons énormes se forment, d’abord sur l’autoroute puis sur les nationales alentours où voitures et camions sont envoyés. Les travaux sur l’A1 commencent en soirée, l’eau est évacuée, et la circulation rétablie. En attendant, les eaux de ruissellement s’accumulent au point le plus bas de la région : Fonches-Fonchette, où la RN17 forme digue. Le 9 juillet à 8 h 30, on ne passe plus. Le midi, la Screg attaque la route à la pelleteuse. Tout s’évacue dans les champs en contrebas. Vers Nesle, dont le quartier Saint-Léonard menace à son tour d’être enfoui sous les eaux. A Roye, l’eau du robinet n’est plus potable. Le mardi 10 juillet, 49 communes sont déclarées sinistrées. Le 19 juillet, les premiers mobile homes arrivent à Montdidier. D’autres seront livrés à Fescamps et Etelfay. Et le 26 juillet, un énorme orage inonde à nouveau le secteur de Montdidier... CHRISTÈLE BOUCHÉ 왘 Est-ce que tous les sinistrés albertins ont été indemnisés ? La totalité des travaux n’a pas été remboursée. Il y a encore aujourd'hui des gens qui n’ont pas touché toutes leurs indemnisations. Pour les premiers remboursements, les assurances ont été assez rapides. Mais six mois après, on a découvert d’autres dégâts comme les moquettes qui pourrissaient, les remontées d’eau par capillarisation… Nous avons dû faire des aménagements pour éviter d’être à nouveau dans la panade, des travaux de prévention. Et ils n’ont pas voulu prendre en compte non plus ce qu’on avait comme matériel. Moi j’ai un petit atelier au sous-sol qui a souffert, des patates aussi… 왘 Combien de personnes sont concernées par les inondations de 2001 à Albert ? Il y a eu dix maisons forte- ment abîmées, dont la mienne, et une cinquantaine de familles, qui adhèrent à présent à l’association, touchées aussi. L’Association des maires de la Somme a touché plusieurs millions d’euros de particuliers. L’ASIA n’en a vu que 10 000 ¤, répartie entre les adhérents selon leurs situations. 왘 Et vous, dans quelle situation êtes-vous à présent, financièrement et moralement ? J’avais contracté un prêt avec le pact adrim de 2 900 ¤ parce qu’il me restait 3 908 ¤ à ma charge pour des travaux. J’ai fini de payer en mai 2008. Des travaux de drainage dans le quartier ont été entrepris. Mais l’été dernier, des orages ont encore fait déborder les regards et inondaient la rue. Ici pendant trois mois et demi, on avait 15 cm d’eau en 2001 ! J’ai encore une trouille bleue qu’il se remette à pleuvoir fort cette année ! CAHIER SPÉCIAL V MARDI 12 AVRIL 2011 COURRIER PICARD gPSYCHOSE La rumeur passe, le doute persiste Alors que les habitants de la Somme vivent depuis déjà un mois les pieds dans l’eau, les médias nationaux relayent « la rumeur ». Dix ans après, elle est toujours tenace. do Fernandes, investi pendant plus d’un an à chercher la vérité, abat alors un travail de titan pour comprendre ce qui se passe et pointer les erreurs. Oui, la pluviométrie de cet hiver 2000-2001 a battu des records. Oui, le manque d’entretien de la Somme et de ses berges a participé à cette situation catastrophique. LES FAITS 왘 Avril 2001 : Le premier minis- tre Lionel Jospin se déplace à Abbeville. Il y essuie la colère des sinistrés, devant les caméras des médias nationaux qui relayent la fameuse rumeur : la Somme a été inondée pour sauver Paris. 왘 La capitale est alors candidate à l’organisation des Jeux Olympiques de 2008. 왘 La commission d'évaluation du CIO venait de visiter les équipements de la capitale du 25 au 30 mars 2001. « Certaines semaines, les niveaux n’ont pas été relevés, notamment pendant les inondations » Fernando Fernandes a folle rumeur » - comme l’a titré à l’époque Le Figaro-, celle qui veut qu’on ait inondé la Somme pour protéger Paris, couvait depuis plusieurs semaines déjà, avant d’éclater au niveau national, le 9 avril 2001. Elle fut alors balayée d’un revers de main par les spécialistes qui priaient les Picards de « se raisonner ». Des sociologues ont quant à eux ramené son existence à un simple complexe d’infériorité Province/ Paris, et l’ont qualifiée d’exutoire pour une population en pleine détresse, qui avait besoin d’explications autres que naturelles. Une vision assez réductrice, quand on sait que la catastrophe a finalement engendré plusieurs commissions d’enquête (gouvernementale et sénatoriale notamment) chargées de faire la lumière sur les causes réelles de ces crues. Réductrice aussi, au vu de l’investissement de certaines victimes des inondations qui ont entrepris alors un véritable travail de recherche sur les trois départements, pour comprendre quelles communications pouvaient être établies entre la Somme, le Canal du Nord, ou encore le bassin de l’Oise, notamment. S’il faut chercher le berceau de la rumeur, c’est certainement de ce côté. À l’époque, dès les premières inquiétudes palpables de la population, vers le mois de février, les représentants des Voies navigables de France (VNF) l’assurent : aucune communication n’est possible entre ces deux bassins. Sauf L Fernando Fernandes a arpenté les canaux et rivières pour comprendre comment les bassins de l’Oise et de la Somme entraient en communication. Et contredire ce qu’affirmaient les VNF, depuis le début des inondations. qu’au début du mois d’avril, une partie du discours change et « des lâchures » sont reconnues par les mêmes VNF, principalement liées à des débordements des affluents du canal du Nord. Autre question qui attisera les doutes des sinistrés : la circulation 3 QUESTIONS À des péniches qu’il aurait certainement fallu suspendre pour éviter des lâchers d’eau à l’ouverture des écluses. Les réponses des VNF, alors pointées du doigt, sont dès lors trop évasives, puis trop techniques pour convaincre les sinistrés de la vallée. Lesquels assistent en plus à des changements de niveaux d’eau aberrants. L’explication des seules nappes phréatiques saturées ne tient plus, et, relayé par les élus locaux - Joël Hart, maire d’Abbeville, en tête - le doute s’insinue. Un habitant de la Somme, Fernan- PIERRE MARTIN « Le rapport n’a pas éteint la rumeur » PIERRE MARTIN sénateur UMP de la Somme, auteur d’un rapport parlementaire sur les causes des inondations. 왘 Pourquoi avez-vous proposé, avec le sénateur Marcel Deneux, de réaliser ce rapport sur les inondations de la Somme ? J’avais fait une intervention au Sénat, pour expliquer la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvions. J’avais été marqué, notamment, par la tristesse de la population dans mon canton, en particulier à Fontaine-sur-Somme. J’ai d’abord organisé une récolte de fonds et l’idée de faire un rap- port est venue tout naturellement. Il fallait trouver une explication à cette catastrophe et avoir des éléments pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus. 왘 Comment avez-vous procédé ? La réalisation du rapport, que nous avons remis à la fin de l’année 2001, a pris six mois. Nous avons interrogé des dizaines et des dizaines de spécialistes, dont certains avaient des avis contradictoires. Mais nous avons appris beaucoup de choses, sur la nature des terrains, les sources, l’évolution des rivières souterraines. 왘 L’objectif était-il également de démontrer que la rumeur selon laquelle la Somme avait été volontairement inondée par Paris était fausse ? Non. Mais les conclusions du rapport apportent la réponse. Ces inondations exceptionnelles sont liées à l’intensité des pluies et au manque d’entretien des cours d’eau. Je sais néanmoins que le rapport n’a pas éteint la rumeur, laquelle est toujours vivace aujourd’hui dans l’esprit des gens. Comme l’a si bien chanté Yves Duteil, la rumeur est quelque chose de très puissant. Elle indiffère ceux qui ne sont pas touchés par les faits, mais elle rassure ceux qui sont concernés. C’est exactement ce qui s’est passé dans la Somme. Mais après douze mois de relevés, Fernando Fernandes se présente devant la commission d’enquête avec des chiffres rendant compte de lâchers d’eau, notamment par le biais d’une rigole d’alimentation de l’Oise et du Noirrieu. Celle-ci permet bien une communication entre le bassin de l’Oise et celui de la Somme, via le canal de Saint- Quentin. Il conclut aussi à l’absence de relevés de rapprochement de cotes d’amont et d’aval, utiles à la visualisation d’ensemble d’une situation, et qui anticipent l’ouverture de certaines vannes en cas de nécessité. Or « non seulement les cotes n’ont pas été rapprochées, mais certaines semaines, les niveaux n’ont pas été relevés, notamment pendant les inondations ! », s’insurge-t-il en 2002. Pire : des travaux sur des écluses ayant été programmés, deux biefs : Ham supérieur et Offoy ont été vidés, et ce, alors qu’Abbeville était déjà noyé. Autant de manquements, aujourd’hui clairement identifiés, qui révèlent, non une volonté intentionnelle, mais bien une grave méconnaissance du terrain et des erreurs certaines. Alors non, la Somme n’a pas été sciemment inondée pour sauver Paris. Mais ces erreurs successives, tant sur le terrain que dans la communication des VNF, laisseront un doute indélébile dans l’esprit de ceux qui, trois mois durant, ont vécu les pieds dans l’eau. DELPHINE RICHARD TKE050V. VI CAHIER SPÉCIAL COURRIER PICARD MARDI 12 AVRIL 2011 EN IMAGES à ABBEVILLE PHOTO : SANTIAGO RICHARD, GAËL RIVALLAIN Scènes de la vie au fil de l’eau Pendant près d’un trimestre, début 2001, les habitants d’Abbeville et de sa proche région ont dû apprendre à vivre au quotidien avec l’eau. Souvenirs en images. Image singulière d’une époque qui le fut tout autant. Image emblématique de la période : la gare d’Abbeville envahie par les eaux. Et ses voies ferrées ressemblant à un canal. Pompes à eau dans les maisons et bastaings sur parpaings comme chemin. Un décor qui fut familier pour les Abbevillois. À droite, on remarque une petite Tour Eiffel qui laisse à penser que la « rumeur » mettant en cause la capitale est bien présente. TKE06VIA Il fallait bien vivre, pour les victimes des inondations. On s’adaptait donc, comme ici une colporteuse de presse du « Courrier picard » diffusant le journal en barque. Bottes, cuissardes et barque, l’équipement incontournable en ce printemps 2001. Certains sinistrés ont dû être relogés en mobile-home, comme ici à Mareuil-Caubert. Un lotissement entier a même été organisé à Abbeville. CAHIER SPÉCIAL VII MARDI 12 AVRIL 2011 COURRIER PICARD gMÉDIAS VOTRE AVIS ? Une onde surfant sur l’eau croupie D’abord traité par la presse régionale, « l’événement » des inondations a vite vu rappliquer les médias nationaux. Avec parfois des approximations. e 6 avril, le Courrier picard titrait en une : « Une crue qui s’éternise ». Deux semaines après le début de la montée des eaux, nous n’imaginions pas alors encore à quel point cela allait être vrai ! Aux avant- postes de la catastrophe, les médias locaux ne furent bientôt plus les seuls à s’émouvoir et s’interroger. Les sinistrés n’ont pas oublié le rôle joué par la radio, à commencer par France Bleu Picardie et sa libre antenne laissée aux initiatives solidaires. Un principe repris ensuite par RTL, installée le 13 avril en mairie d’Abbeville, avec succès ; à raison de 30 appels à la minute, la station a réussi à rassembler 300 000 F. Le 20 avril, France Inter faisait de même à l’école de Mareuil-Caubert, à côté d’Abbeville. Et TF1 de son côté offrait 1 000 places aux jeunes footballeurs des communes sinistrés pour la finale de Coupe de France Amiens-Strasbourg à Paris. Les Abbevillois se souviendront également de cette messe de Pâques décentralisée dans la capitale du Ponthieu, célébrée par l’évêque talonné par une forêt de micros. Dans l’assistance, Jean- Pierre Elkabbach (Europe 1) justifiait sa présence : « J’apprécie de voir les gens sur le terrain, de ne pas parler d’eux de manière théorique. On reviendra quand il fera beau aussi à Abbeville et à Amiens, dans la Somme, pour voir comment elle renaît. » Chacun aujourd’hui pourra juger de la suite donnée à cette promesse... Prompts à ouvrir leurs portes aux journalistes exutoires de leur peine, certains sinistrés ont aussi fini par se lasser de cette effervescence médiatique, et de ces journalistes débarquant en bottes toutes neuves, L JUAN RODRIGUEZ 77 ans, retraité, Abbeville. On a eu 1,30 mètre d’eau dans la maison pendant trois mois. On s’était réfugié à l’étage. Au bout de 15 jours, nous sommes allés chez ma fille. Dans la maison, tout a été abîmé. On a dû tout racheter le mobilier. Pendant un an, nous n’avons pas habité notre maison, car il fallait auparavant éliminer les champignons sur les murs. DANIEL PAPILLON 64 ans, retraité, Abbeville. Pendant plusieurs semaines, les Abbevillois se sont habitués à croiser des équipes de télé ou de radio. (Photo d’archives G.RIVALLAIN) « J’apprécie de voir les gens sur le terrain. On reviendra aussi quand il fera beau » Jean-Pierre Elkabbach, Europe 1 alors que l’on n’en trouvait déjà plus depuis longtemps dans la région. « C’est pas les caméras qui vont faire baisser l’eau ! », vitupérait ainsi un riverain bloqué sur son chemin de planches, le temps que Benoît Duquesne, le présentateur de France 2, achève le plateau de situation de son JT du 27 avril. Taxés a posteriori d’avoir alimenté la fameuse rumeur d’Abbeville (lire page V), les médias ont aussi fait grincer des dents chez les décideurs économiques, à l’image du président de la fédération hôtelière du département : « La presse ne donne qu’une partie de l’info. Pas un seul hôtel n’a les pieds dans l’eau ! » Tandis que certains relayaient très (trop ?) tôt le chiffre de 30 % d’annulation sur les réservations estivales. À l’office du tourisme d’Abbeville, c’est la presse hollandaise qui fit rugir. Elle décrivait «une Somme complètement inondée », alors que les Hortillonnages furent le seul site touristique touché. Par méconnaissance de la géographie locale, on a pu s’amuser à lire que « la baie de Somme est inondée » (NDLR : ce qui n’est pas faux, puisque cela arrive tous les jours à chaque marée !) On goûtera encore cette anecdote rapportée par Jean-Phi- lippe Damien, le président de la FASS, à qui un journaliste d’une radio nationale demanda de commenter la prolifération de moustiques à Abbeville. Malgré les dénégations du sinistré, le journaliste insistait : « oui mais c’est mon sujet ! » Néanmoins, le même Jean-Philippe Damien l’a souvent répété, non sans gratitude : « Ce sont aussi les médias qui nous ont permis d’interpeller les politiques et d’exprimer notre ressenti. » Ce qui n’était pas rien. Car petit à petit, le sort des sinistrés aurait pu disparaître sous la surface des eaux sommâtres des inondations, à la faveur de la loi du zapping, et pour une catastrophe qui fut désespérément interminable. Comme la presse, aussi, n’en avait encore jamais vu jusqu’alors. G.R. gÉCONOMIE Une facture totale de 160 millions d’euros Six mois après la catastrophe, le rapport du Sénat avançait un bilan des dégâts à 100 millions d’euros. Un autre rapport, ministériel celui-là, conclura plus tard à 160 millions d’euros. Cette facture aussi permet aussi de mesurer l’ampleur de l’événement. Si 2 800 maisons ont été inondées à l’époque, les dommages sur l’habitat n’ont représenté « que » 21 % du Quels souvenirs conservez-vous des inondations ? coût global. Des maisons qui, par ailleurs, ont perdu 20 % de leur valeur après l’inondation. Les dommages aux voiries ont représenté plus de 50 millions d’euros (pour l’essentiel hors zone inondée). Quelque 200 entreprises aussi ont souffert. Dans l’Abbevillois, une cinquantaine a dû interrompre en tout ou partie son activité, dont l’emblématique COMAP (robinetterie de 250 salariés), qui, depuis a carrément déménagé. Au niveau agricole (5 % de l’ensemble des dommages), les maraîchers des Hortillonnages ont le plus retenu l’attention du grand public, mais dans la profession, on n’aura pas oublié non plus la solidarité des autres départements pour l’approvisionnement en fourrages du bétail. À ce tableau, il faut ajouter le tourisme, largement impacté. Audelà des Hortillonnages (-36 % de fréquentation en 2001 et 2002), le P’tit train de la Haute Somme, le parc de Samara, le zoo d’Amiens et même le musée de Picardie ont subi des baisses, tandis que les Hôtels et campings de la Somme enregistraient 12 millions d’euros de perte en 2001-2002. Durant les inondations, je suis resté chez moi, au premier étage, faubourg des Planches. J’étais quasiment le seul du quartier, je montais la garde. J’ai vu l’eau arriver, cela m’a permis de m’organiser. Avec trois pompes, j’ai rejeté l’eau par les fenêtres. Je profitais d’une barque pour faire mes courses. Je me suis demandé si l’eau allait repartir. CHRISTIAN ARDUINO 60 ans,retraité, Abbeville. L’eau est montée jusqu’à un mètre. Au départ, cela a été la surprise, puis de l’impuissance. La famille et des voisins nous ont aidés à sauver du mobilier. On a perdu des photos, des papiers. Durant cette période, on a déménagé quatre fois et quitté la maison pendant 53 semaines. Je n’ai gardé que les murs extérieurs du pavillon. BERNADETTE BIENDILÉ 42 ans, Bellancourt. J’habitais Mareuil-Caubert qui a été inondée. Je livrais le Courrier picard en barque, ainsi que des courses et du pain. Cela me prenait toute la journée. Quand on a vu l’ampleur des dégâts, avec quelques bénévoles, nous avons créé le groupe Javel club, car des personnes nous donnaient des produits d’entretien pour les sinistrés. TKE07VII. VIII CAHIER SPÉCIAL COURRIER PICARD MARDI 12 AVRIL 2011 gSINISTRÉS « Un seul but : que l’eau aille à la mer » Passée d’une posture revendicative à « une démarche participative », l’Association des victimes des inondations d’Abbeville fait valoir le point de vue des habitants. ichard Pierru est président de l’Association des victimes des inondations d’Abbeville (AVIA), qui compte 300 familles. Grâce à sa longévité, son expérience et aussi parce que, le temps aidant, elle s’est posée davantage comme partenaire que comme adversaire, l’AVIA est reconnue par les pouvoirs publics comme un interlocuteur important des questions relatives à la gestion de l’eau et de ses risques] 왘 À quoi sert L’AVIA en 2011 ? Elle poursuit une action nécessaire de prévention des risques, aux côtés des responsables, des élus. Elle est associée dans des comités de pilotage, que ce soit sur le ru du Maillefeu (à Abbeville) ou sur l’étude hydraulique du bassin versant de la Somme. On participe à des réunions sur les travaux qui restent à faire. L’AVIA constate aussi que la remontée de nappe n’est pas le seul risque d’inondation, il y a également le ruissellement. On l’a vu avec l’orage du mois d’août 2008, à Abbeville. Nous sommes là aussi pour apporter notre expérience et jouer notre rôle de relais d’information entre population et élus. Enfin, se met en place le syndicat d’aménagement de gestion de l’eau (Sage) aval, dans l’ouest du département, avec une commission locale de l’eau qui sera un peu son Parlement. Un siège est destiné aux sinistrés. Nous sommes candidats et espérons être retenus avant la fin de ce semestre. 왘 Qu’est-ce qui a été fait pour juguler les inondations ? Des travaux ont été effectués dans l’urgence. On a remonté les berges avec des sacs de sable. Tous les Abbevillois s’en souviennent. Après, on les a confortées par des R matelas de gabions, par des palplanches. On a ouvert une passe supplémentaire dans le barrage supérieur de Saint-Valery. On a ouvert les portes à flot, réalisé une passe supplémentaire dans le barrage inférieur. On a installé définitivement la station de pompage de Sur Somme. Trois pompes ont été mises en place à Abbeville : sur le Maillefeu, sur la Plume et la troisième dans le marais Saint-Paul. À côté de cela, un service de vigilance de crues a été mis en place. Des repères de crues ont été installés. Un comité de surveillance des inondations a été créé en juin 2009, par la municipalité d’Abbeville, dans lequel nous siégeons. « Sans être techniciens, nous faisons remonter des observations. Cela veut dire que des questions existent » Richard Pierru Une règle nous apparaît évidente, c’est qu’en dehors des travaux qui améliorent le flux de l’eau, une coordination des acteurs est nécessaire. Si le fleuve Somme dépend du conseil général, les rivières comme le Maillefeu et la Plume dépendent de la ville, voire de la communauté de communes. Nous n’avons qu’un seul but : que l’eau, par le biais du canal maritime, parvienne à la mer. La coordination est le meilleur moyen d’améliorer l’efficacité des travaux réalisés et de ceux qui restent à entreprendre. 왘 Que reste-t-il à faire ? À Abbeville, il reste à améliorer les rus du Doigt et des Nonains. Richard Pierru, le président de l’Association des victimes des inondations d’Abbeville, sur une rive du Doigt, un des rus de la ville devant être recalibré. (Photo FRED HASLIN) L’hôpital avait mobilisé pour « une assistance psychologique » L’hôpital d’Abbeville n’a pas été touché par les inondations de 2001, mais une partie de son personnel a été mobilisée afin d’apporter une assistance psychologique. C’est le « plan blanc ». Ce dispositif vise à mobiliser du personnel médical, technique et administratif afin de répondre à une situation de crise. Si la crue de la Somme n’a pas entraîné de pertes humaines, de nombreuses infirmières et médecins psychologue ont été mis à contribution. « Nous avions eu peu d’accueil de personnes blessées. Seul un grave accident de la route concernant un véhicule de l’armée avait eu lieu. Ce qui nous a mobilisés, c’est l’assistance psychologique aux victiTKE08VIII. mes des inondations. Des personnes souffraient de problèmes psychiques, de manque de sommeil, d’obnubilations », relate Hervé Ducroquet, le directeur de l’hôpital abbevillois, déjà en poste à l’époque. Le jour, les infirmières en psychiatrie recevaient des victimes à l’hôpital. Le soir, elles partaient en barque pour aller au-devant de victimes n’ayant pas quitté leur domicile. « Cela a nécessité un important investissement. Les autorités départementales ont également envoyé des psychologues à Abbeville. se souvient le directeur. Pour des catastrophes importantes, comme les inondations de 2001, le cadre dépasse le niveau du plan blanc d’un établisse- ment de santé. » En cas d’inondation de l’hôpital, « nous avions prévu un plan de repli au centre de gérontologie, situé plus haut, afin de maintenir un accueil des urgences. Nous aurions également dû déplacer des patients dans les hôpitaux et cliniques d’Amiens en cas de panne d’électricité », se rappelle Hervé Ducroquet. Si chaque année, un « plan blanc » est planifié à l’hôpital d’Abbeville, aucun n’a concerné la thématique des inondations depuis 2001. Cela ne servirait pas à grand-chose. Dans ce cas, la lente montée des eaux permet au personnel de l’hôpital de s’organiser plus sereinement que lors d’une catastrophe plus brusque. ALEXANDRE BOUDARD Depuis 2001, il y avait l’idée d’un canal de dérivation, qui, rive gauche, permettrait de contourner Abbeville et d’aboutir, en aval, au canal maritime. Cette hypothèse a évolué. Aujourd’hui, on en est à quelque chose de plus réaliste et réalisable. On va améliorer le flux de l’eau, en améliorant les berges des Nonains pour permettre un meilleur écoulement jusqu’au quartier de Mautort. Ces deux rivières vont être recalibrées. 왘 Avez-vous eu le sentiment d’être suffisamment entendus ? Ça dépend sur quel thème. Après les deux premières années, je crois qu’on a été effectivement été entendus. Notre action s’inscrit dans une démarche participative et constructive. Elle est reconnue. Ça a été long. Un peu trop. Une méfiance a existé. On se demandait d’ailleurs dans les premières années si on allait pouvoir exister longtemps. On compte beaucoup sur nous, aussi, pour jouer ce rôle de relais d’information. Même si nous ne sommes pas des techniciens, nous faisons remonter des observations. Cela veut dire que des questions existent et méritent qu’on s’y penche. 왘 Comment lutter contre l’oubli, risque supplémentaire, selon vous, que les choses se répètent ? Ceux qui ont vécu ces inondations n’ont qu’une envie : oublier. Et penser que ça n’arrivera plus. Or, on sait que le risque zéro n’existe pas. Lutter contre l’oubli, c’est faire en sorte que chacun soit soucieux de l’entretien des cours d’eau, entretienne ses berges, cure son fossé, se préoccupe de son environnement en général. Le problème, après les travaux d’urgence et de consolidation, c’est qu’on est entré dans un domaine technique. Quand on parle de syndicat d’aménagement et de gestion de l’eau, les gens ne voient pas à quoi cela peut servir. On voudrait que les gens comprennent que si on a gardé notre sigle « Association des victimes des inondations », nous sommes engagés dans une gestion globale de l’eau et ouverts à tous. Lutter contre l’oubli, c’est se préserver, entretenir l’ensemble du réseau et être vigilant sur les aménagements à apporter et la gestion de l’alerte. Cela doit être permanent. Rien n’est totalement réglé et rien ne le sera jamais. Propos recueillis par VINCENT HERVÉ CAHIER SPÉCIAL IX MARDI 12 AVRIL 2011 COURRIER PICARD gTRAVAUX Une Somme de chantiers depuis 2001 Plus de 30 millions d’euros de travaux ont été engagés le long de la Somme. Ils ont permis de gagner jusqu’à 60 cm de hauteur d’eau sur les secteurs inondés en 2001. LES FAITS 왘 L’Ameva, syndicat mixte d’aménagement du bassin versant de la Somme, réalise des études pour la réalisation de travaux, et met en cohérence la gestion sur l’ensemble du bassin versant, soit 1 000 km de cours d’eau. 왘 Le syndicat regroupe 830 communes de la Somme et une centaine de l’Aisne. n chantier permanent. De sa source à son embouchure, mais aussi le long des 1 000 km de cours d’eau du bassin versant, la Somme n’a jamais été aussi bien entretenue. Un moindre mal, au regard de nombreux riverains, qui ont longtemps déploré un certain laisser-aller avant la U catastrophe. Les inondations auront eu au moins le mérite de réveiller les consciences, et d’ouvrir le portefeuille des pouvoirs publics. Depuis 2001, 30 millions d’euros ont ainsi été investis pour la réalisation d’ouvrages, le curage des cours d’eau, ou encore l’entretien des berges. La priorité de l’Ameva, le syndicat mixte d’aménagement hydraulique du bassin versant de la Somme, fut d’abord de déterminer la pertinence d’un ouvrage avant sa réalisation. « Les travaux hydrauliques coûtent très chers, on n’a pas le droit de se tromper », insiste Olivier Mopty, directeur de l’Ameva. Une des raisons pour laquelle la mise en œuvre des chantiers, dont certains sont programmés jusqu’en 2013, a pris un certain temps. Au préalable, le syndicat a missionné la Sogreah, cabinet d’étu- des spécialisé, afin de mesurer l’impact de tel ou tel ouvrage. Une étude de modélisation hydraulique, basée sur les données des inondations de 2001, a ainsi permis de mettre en place un schéma d’aménagement global sur toute la vallée. « Ce qui se fait à un endroit a des répercussions ailleurs, on ne peut pas travailler chacun dans son coin », poursuit Olivier Mopty. De même, l’opportunité de certains ouvrages est parfois remise en cause au fil de l’avancement des chantiers. Le projet de contournement d’Abbeville, par exemple, longtemps évoqué, demeure aujourd’hui une hypothèse peu probable. « Ce chantier colossal aurait un coût exorbitant et pourrait poser des problèmes environnementaux. Par ailleurs, la réalisation d’une troisième passe à l’écluse de Saint-Valery-sur-Somme a permis « Il est important de lutter contre l’oubli, de travailler sur la mémoire et la conscience du risque » Olivier Mopty d’améliorer considérablement la situation à Abbeville. Un canal de contournement ne semble donc plus du tout opportun. » L’appréhension de l’événement de 2001 modifie également les stratégies de défense contre les inondations. Dans l’hypothèse d’une crue de nappe, comme ce fut le cas, la création de zones d’expansion est nécessaire, mais insuffisante. « Ce qu’il faut, c’est évacuer. » D’où le projet stratégique de création d’une station de pompage à Péronne, destinée à renvoyer l’eau de la Somme vers le futur canal Seine-Nord. Dix ans après la catastrophe, la réalisation de tous ces travaux aura permis, selon les études réalisées par la Sogreah, de limiter considérablement les risques. On estime, par exemple, qu’il y aurait deux fois moins d’eau dans les rues d’Abbeville, soit entre 30 et 50 cm. De même, la création de Vigicrues, système de surveillance des cours d’eau et des nappes créé au lendemain des inondations de la Somme, demeure un indispensable outil d’anticipation des phénomènes. « Mais dans le cas d’une crue de type 2001, on n’arrivera pas à mettre hors d’eau toutes les habitations, prévient Olivier Mopty. C’est pourquoi il est également important de lutter contre l’oubli, de travailler sur la mémoire et la conscience du risque. » FABRICEJULIEN TKE09IX. X CAHIER SPÉCIAL COURRIER PICARD MARDI 12 AVRIL 2011 gHYDROLOGIE « Il y aurait beaucoup moins de casse » Ingénieur hydrologue, Thierry Monier a réalisé une étude destinée à planifier des travaux facilitant l’écoulement de la Somme. Pour lui, 2001 ne pourrait se reproduire. 왘 En quoi a consisté votre travail au sein du cabinet Sogreah, réalisé après les inondations de la Somme de 2001 ? À la demande de l’Ameva (le syndicat mixte d’aménagement du bassin versant de la Somme), nous avons réalisé une étude de modélisation de toute la vallée, de 2005 à 2007, basée sur une topographie précise du bassin. Ce modèle numérique a permis de mieux comprendre les phénomènes de crues, et de mettre en place des simulations pour tester des aménagements destinés à limiter l’impact des inondations. Ces simulations permettent de vérifier que l’on est bien dans l’objectif voulu, au cas où une crue de type 2001 revenait. Une première liste d’actions a été hiérarchisée en fonction des intérêts et des bénéfices attendus, puis, une étude de programmation a été engagée site par site afin d’approfondir des solutions et permettre à des collectivités de porter ces projets. 왘 Les travaux entrepris sur la Somme sont-ils suffisants pour éviter une catastrophe de type 2001 ? ment amélioré l’écoulement. 왘 Dans votre étude, avez-vous également analysé précisément l’origine de cette crue ? Nous avons aujourd’hui une très bonne compréhension de cet épisode. C’est un phénomène de grande ampleur qui se joue sur plusieurs semaines, et même plusieurs années, avec des excédents d’eau qui ont conduit à la saturation des nappes. « La cause des inondations de 2001 est avant tout géologique » Thierry Monier Thierry Monier (à gauche), du cabinet Sogreah, a réalisé une étude de modélisation numérique de toute la vallée de la Somme. Ici lors d’une rencontre avec des élus. Si une telle crue revenait, les enjeux essentiels, c’est-à-dire les zones urbanisées et les zones d’activité économique seraient mises hors d’eau. Certaines habitations pourraient néanmoins être touchées mais, dans ces cas-là, les volumes d’eau seraient considérablement réduits avec des gains pouvant aller jusqu’à 60 cm dans une ville comme Abbeville, par exemple. Mais il y aurait beaucoup moins de casse car les travaux réalisés ont considérable- Le problème, c’est que le réseau hydraulique n’est pas en capacité d’absorber un phénomène aussi rare. De mémoire d’homme, personne n’avait connaissance d’un tel événement mais, c’est surtout lié au fait qu’il y a cent ans, les zones urbanisées étaient moins étendues et les dégâts forcément Dix ans de plans pour protéger de la Haute Somme au littoral Il y a eu l’urgence. Prise en charge de la population, lutte contre la crue… dans l’organisation comme dans le financement, Bernard Florin, secrétaire général de la sous-préfecture d’Abbeville en poste au plus fort des inondations, se souvient de services de l’État touchant à leur expression la plus forte. « Je resterai à jamais marqué. Comme ce silence, sur une barque, plus un bruit d’oiseaux, rien et cette eau. Et la solidarité qui a joué entre tous était remarquable », confie aujourd’hui le désormais sous-préfet de l’arrondissement de Montdidier. Il est de ceux qui ont géré la crise, et l’après. Un après qui perdure. « Le plus jamais ça » passe par le plan de prévention des risques d’inondation de la vallée de la Somme et de ses affluents, le « PPRI ». Approuvé par arrêté préfectoral du 1er décembre 2004, il concerne 118 communes de la Somme et de ses affluents. Sauf qu’il a été annulé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai (10 décembre 2009). « Pour un détail de vice de procédure. Le PPRI fera l’objet d’une nouvelle enquête publique cette année », annonce la préfecture. Cela ne remet pas en cause, les zones identifiées comme exposées au risque naturel (zone d’aléas). « Ce TKE100X. Le « plus jamais ça », ce fut d’abord des réponses physiques : les écluses (ici Abbeville) ont été rénovées. qui permet de refuser les permis de construire pour les mêmes motifs que si le PPRI était applicable », prévient l’État. Ce dernier a lancé la création du service de prévision des crues de la Somme, le dossier départemental des risques majeurs (risques, attitude à tenir en fonction etc.) et les plans de sauvegarde communaux, outil d’assistance à la population (quatre-vingt-quatre communes en ont l’obligation, trente-quatre l’ont déjà réalisé). Puis, de la gestion de la catastrophe, l’humain s’est souvenu qu’il possédait une vallée. Les collectivités veulent une Somme retrouvée, au potentiel touristique intéressant. Cela passe par sa préservation. Le plan Somme 2007-2013 prévoit 16 millions d’euros à la lutte contre les inondations mais aussi à la protection des milieux aquatiques (2,5 par l’État). 18 m¤ iront à la restauration des bassins versants, cours d’eau et leurs débordements, zones humides et écosystèmes, jusqu’aux eaux pluviales… de la Haute Somme aux côtes. Deux territoires, avec chacun un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux à potasser par des dizaines de maires, car cela impacte les plans locaux d’urbanisme. Le Crotoy connaît la chanson, il y joue, entre autres, son autorisation de baignade. La catastrophe de 2001 va donc très loin dans ses conséquences en aménagement du territoire. Cela a pu aussi, peut-être, contribuer à l’obtention par la Baie de Somme (20 000 ha, 25 communes) du label Grands sites de France attribué par l’État « pour une gestion conforme aux principes du développement durable ». Au final, les inondations ont au moins réveillé les pouvoirs publics sur un patrimoine exceptionnel, mais qui reste capable du pire. DAVID VANDEVOORDE moins importants. 왘 Les inondations de la Somme ont-elles un caractère particulier ? Bien sûr. En France, c’est un des rares bassins, sinon le seul, qui possède la particularité de drainer des plateaux crayeux sur tout son cours. La plupart des rivières traversent des régions géologiques qui alternent, ce n’est pas le cas dans la Somme. Cette particularité met le bassin à l’abri des phénomènes courts, comme les orages, mais il devient très vulnérable lors d’une période humide de très longue durée. La cause des inondations de 2001 est donc avant tout géologique. 왘 Lors de votre étude, sur le terrain, avez-vous été confronté à la rumeur selon laquelle la Somme avait été volontairement inondée pour protéger Paris ? Pas directement, mais j’en ai beaucoup entendu parler. Et je sais aussi que, même si cette rumeur n’a aucun fondement, il y a, comme pour toute rumeur, un petit fond de vrai. Le canal du nord a un fonctionnement très compliqué, car il franchit des affluents de la Somme en divers endroits. Et ponctuellement, c’est vrai, il existe des déchargeoirs où l’on peut voir l’eau couler vers la Somme. Mais c’est aussi vrai dans l’autre sens et, au final, les quantités s’équilibrent. Ce fait est en tout cas suffisant pour alimenter ce type de rumeur. 왘 Les changements climatiques vont-ils accentuer les risques d’inondations dans la Somme ? Oui et non. Une étude menée récemment dans l’ouest de l’Europe montre que les phénomènes pluvieux sur une longue période conduisant à de fortes recharges des nappes seront de plus en plus rares. Néanmoins, la hausse des niveaux marins aura une incidence, notamment en aval du fleuve. Mais ce même secteur devrait bénéficier d’un débit moins important car nous allons certainement vers des périodes plus sèches. Ces éléments, qui n’ont pas été pris en compte dans les précédentes études, le seront certainement dans les prochaines. Propos recueillis par FABRICE JULIEN CAHIER SPÉCIAL XI MARDI 12 AVRIL 2011 COURRIER PICARD gEXPOSITION Abbeville, dix ans après Une exposition, des films, deux conférences se dérouleront ce samedi 16 et dimanche 17 avril, évoquant les événements de 2001 et les améliorations apportées depuis. omme l’eau, il y a dix ans, les émotions vont remonter à la surface. Cette histoire-là ne repassera jamais complètement au sec. Les gens sont marqués. À vie. Deux jours durant, les samedi 16 et dimanche 17 avril, l’hôtel de ville d’Abbeville abrite une exposition, sobrement baptisée « Abbeville, 10 ans après les inondations ». L’Association des victimes des inondations de cette ville en est le maître d’œuvre. L’AVIA fait donc parler ses archives, documents, photographies, coupures de presse, accrochés sur une vingtaine de panneaux, que ses bénévoles ont réalisés. Il y a même des bouts de vidéo ou de films, tournés par les habitants eux-mêmes sur l’arrivée et le départ de l’eau, dont un montage d’une vingtaine de minutes a été effectué. En matière de témoignage direct, difficile de faire mieux. Ce film passera en boucle. De même que celui de la Direction régionale de l’environnement et de l’énergie (Diren), intitulé La Somme, un fleuve pas si tranquille. Deux diffusions d’un troisième film, plus long (une heure environ), sont prévues durant les deux matinées. Il s’agit des 100 jours de la Somme, de Geneviève Roger. Un C Cette photographie de la gare d’Abbeville inondée sert de support à l’affiche réalisée pour l’exposition de la mi-avril (Photo DR) diaporama d’une trentaine de vues des aménagements qui ont été réalisés depuis dix ans, sera également diffusé. Il émane du Syndicat mixte d'aménagement et de valorisation du bassin de la Somme. Son président, Bernard Lenglet et son directeur, Olivier Mopty, animeront une conférence évoquant ce qui a été fait pour que de nouvelles inondations ne se renouvellent pas dans de telles proportions et ce qu’il reste à faire, en particulier dans la vallée de la Somme, mais aussi à Abbeville. Dans cette ville, par exemple, les rus des Nonains, du Doigt et de La Maillefeu doivent être gESSAI Un millénaire de catastrophes Comment relativiser une inondation centennale ? En remontant le temps au travers des registres civils et paroissiaux. C’est l’ambition portée par Myriam Provence, généalogiste, auteure des catastrophes météo dans la Somme, qui s’insère dans une collection de synthèses locales des grands événements climatiques. Le moins qu’on puisse dire, c’est que sur un millénaire, la Somme a connu son lot de crues, de vagues de froid et de tempêtes. Agrémenté de récits et descriptifs d’époque, le recensement débute en 1001 par un tremblement de terre, suivi de l’observation… d’une comète ! L’opuscule s’achève en 2007 avec une mini-tornade dans le Santerre. Entre-temps, c’est la litanie des inondations (par dizai- nes) qui marque le plus la chronologie du petit livre, comme celles de 1658, où le 5 mars à Abbeville « la Somme déborde avec tant d’impétuosité qu’elle inonde les deux tiers de la ville. Des ponts sont détruits et plusieurs personnes meurent noyées. » D’autres records jalonnent le récit : suite à l’ouragan de 1842 à Cayeux par exemple, « on enregistre 114 décès, soit deux fois plus qu’habituellement. » En 1422, « les Amiénois, Abbevillois, Péronnais et Doullennais voient leur vin geler dans les celliers. » En 1881, on relève -21,5ºC, et -22ºC en 1928-1929. Et en 1958, « on mesure jusqu’à 40 cm de neige à Amiens ! » À l’autre bout du thermomètre, en 1785, «des processions sont organisées contre la grande sécheresse ». La Somme aussi a connu des étés étouf- fants, comme 2003 et ses 37,3ºC. Plus étonnant encore, alors que le bassin picard est réputé l’un des moins sismique de France, on apprend que des tremblements de terre ont jalonné l’Histoire de la Somme, en particulier aux XVIIe et XVIIIe siècles. De quoi faire réfléchir aujourd’hui sur le discours des tenants du risque modéré… Au bout des 70 pages de synthèse des aléas climatiques, on sort de cette rapide traversée des siècles les cheveux en bataille et les chaussettes mouillées. Au point de presque comprendre que l’année 2001 n’y soit traitée qu’en cinq lignes. G.R. 왘 « Les catastrophes météo dans la Somme », Myriam Provence, ed. Archives & Culture, 12 ¤ (www.archivesetculture.fr) L’Association des victimes des inondations d’Abbeville fait parler ses archives recalibrés. Il est probable qu’à cette occasion, l’épineuse question du rôle des riverains, tenus d’entretenir les berges sera évoquée avec le public (16 h 30, samedi). Une autre conférence, sur le thème de la gestion communale de l’eau, à Abbeville, sera animée dimanche (15 h 30), par Émilie Coulon-Cornu, adjointe au développement durable et Stéphane Bellambois, responsable du service développement durable à la mairie d’Abbeville. Ce dernier a été nommé « Monsieur inondations » au sein d’un comité de suivi des risques d’inondations, créé en 2009. Rompu à ces questions, il connaît les problèmes rencontrés dans les périodes les plus critiques, évidemment 2001, mais aussi lors du violent orage d'août 2008. Cet événement avait d’ailleurs décidé la municipalité d’Abbeville à améliorer la remontée et la circulation de l’information des différents services, qui ont à traiter des écoulements d'eau pluviale et fluviale, de l’entretien des rivières, des rus et du faucardage des berges. V.H. 왘 « Abbeville, 10 ans après les inondations » samedi 16 (9 à 19 heures) et dimanche 17 avril (10 heures à 18 heures), Hôtel de ville d’Abbeville. Entrée libre. gLITTÉRATURE Acte de bonté dans le courant Les inondations de la Somme ont aussi donné lieu à différentes initiatives caritatives. Parmi cellesci, le magazine mutualiste Viva, afin de manifester sa solidarité avec les victimes des inondations, sollicita Philippe Lacoche, alors chef d’agence du Courrier picard à Abbeville et lauréat 2000 du Prix du livre populiste (pour son recueil HLM, ed. Castor Astral) afin d’écrire une nouvelle originale sur le drame. Parue sous forme de brochure, et désormais épuisée, Une bonté à contre-courant, décalé et tendre mais en pleine prise avec l’actualité abbevilloise, permit de récupérer des fonds qui furent remis aux sinistrés. 왘 Cette nouvelle est à lire dans notre dossier spécial sur les inondations, sur notre site www.courrier-picard.fr Supplément au numéro 21 117 du 12 avril 2011 Rédaction en chef : Didier LOUIS Réalisation : Daniel MURAZ Rédaction : Christelle BOUCHÉ, Alexandre BOUDARD, Aude COLLINA, Philippe FLUCKIGER, Vincent HERVÉ, Fabrice JULIEN, Delphine RICHARD, Gaël RIVALLAIN, David VANDEVOORDE. TKE11XI. PUBLICITÉ TKE1200.