Entretien avec Botond Bese (Duda)

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Entretien avec Botond Bese (Duda)
Bohaires de Gasconha
Entretien avec Botond Bese (Duda)
ENTRETIEN AVEC UN MUSICIEN HONGROIS, FACTEUR DE DUDAVoir les photos dans la galerie Entretien réalisé
par Jacques Baudoin, Patrice Bianco, Gaétan Polteau et Yves Pouysegur Interprète : Anico Horvath Musicien : Botond
Bese Lieu et date : festival « Cornemuses en Ballade » d’Uzeste le dimanche 04 juin 2006 Gaétan Polteau : Les
instruments qu’il fabrique sont-ils des copies d’instruments anciens ? Botond Bese : il y a beaucoup de
cornemuses anciennes dans les musées et il est possible de les étudier, de les mesurer, de regarder comment elles
sont fabriquées. Effectivement il fabrique des copies d’instrument ancien, mais il fabrique aussi des nouvelles
cornemuses mais avec le même aspect, les mêmes ornementations, la même mesure etc. Yves Pouysegur : Est-ce
que la cornemuse hongroise a évolué, et est-ce que les besoins des musiciens ont changé ? Botond Bese : La Duda
n’a pas changé parce que le goût musical du peuple, des villages n’a pas beaucoup changé, c’est
à dire que normalement, « traditionnellement », un sonneur de cornemuse joue tout seul. Quand il y a des groupes,
c’est rare qu’un joueur de cornemuse en fasse parti, le changement est plutôt le fait qu’un sonneur
joue dans un groupe plutôt que soliste, donc ce n’est pas la cornemuse et les mélodies jouées qui ont changé.
Quand il y a des changements dans l’organologie, cela dépend des territoires, par exemple si on prend une
cornemuse hongroise qui a été amenée par quelqu’un de Roumanie où il y a aussi une culture de cornemuses,
comme les mélodies sont différentes de celles de la Hongrie, donc l’organologie a un peu changé, mais
finalement, la cornemuse hongroise elle-même n’a pas beaucoup évoluée. Yves Pouysegur : Quelle est la
fonction de cette musique ? Botond Bese : Les musiques jouées par les cornemuses hongroises sont essentiellement
des musiques à danser. Ces musiques ont été préservées dans des endroits où la culture paysanne est toujours vivante
jusqu’au jour d’aujourd’hui, et c’est surtout dans les régions qui ne sont pas trop
développées économiquement, par exemple lors des bals ou de fêtes locales, mariages etc. Si un groupe est invité
cela coûte très cher, plus cher qu’un sonneur qui joue tout seul, c’est pourquoi c’est un instrument
de soliste aussi. Yves Pouysegur : Y a-t-il eu une rupture dans leurs traditions ? Botond Bese : Dans les régions citées
précédemment il n’y a pas eu de rupture du tout, comme sur la majorité du territoire, en revanche, comme le
métier de berger commençait à disparaître avec la disparition des troupeaux, la cornemuse a été menacée mais pas
suffisamment pour qu’il y ait une rupture. Les anciens maîtres de Duda qui étaient des bergers ont toujours su
transmettre leurs savoirs. Depuis 1970 donc cette rupture de situation sociale (disparition du métier de berger) les
jeunes ont commencé à s’intéresser à ces musiques donc il n’y a pas eu de rupture, la tradition a pu être
sauvée tout de suite et à ce moment là des écoles de cornemuses et des départements de cornemuses à
l’Université ont été crées. Jacques Baudoin : Est-ce lié à une politique de sauvegarde des spécificités de tout
l’empire soviétique, où c’était lié à ce qu’il s’est passé sur le plan Folk dans les pays
occidentaux ? Botond Bese : Au sens figuré le pouvoir soviétique y était pour quelque chose, parce que bien sûr
lorsque l’on est dans un pays occupé cela réveille des sentiments nationaux, bien évidemment pour
sauvegarder le patrimoine culturel, car à partir de 1945 le pays à été occupé, donc la langue russe était obligatoire,
presque tout le monde était membre du parti socialiste, etc. C’était donc une sorte d’uniformisation du
pays et comme résistance passive, c’étaient les sentiments nationaux qui s’étaient réveillés dont
faisaient parti la culture musicale et la cornemuse. Donc en quelque sorte le pouvoir soviétique a contribué à
sauvegarder notre patrimoine culturel. La particularité de l’instrument, de la cornemuse hongroise serait les
anches qui sont venues de l’Est, dans le basin des Carpates. Ce type d’anches est utilisé généralement
chez les peuples du Caucase, l’Arabie, de la Turquie etc. Gaétan Polteau : Quel bois est utilisé à la fabrication
des cornemuses ? Botond Bese : Principalement du prunier, et du buis. Si on reprend l’historique, les premières
trouvailles sur les cornemuses se datent des 6ème et 7ème siècle, dans des tombeaux des peuples « Avar », des
instruments bien conservés fabriqués dans des os de pattes d’oiseaux (des grues par exemple). Jacques
Baudoin : Il y a deux ‘’tubes’’ d’os d’oiseaux accolés ou 1 seul ? Botond
Bese : Dans les tombeaux les ‘’tuyaux’’ ont toujours été retrouvés côte à côte, serrés avec
certainement avec une matière qui les tenait collés mais avec le temps celles-ci a disparu, mais la position dans les
tombes est toujours parallèle et on a retrouvé 9 exemplaires de ce type d’instrument. Jacques Baudoin : On
trouve donc des tubes accolés, est-ce qu’il y a cette notion de 1 trou et cette notion de 5 trous ? Botond Bese :
Oui exactement pareil que la Duda. Gaétan Polteau : Est-ce qu’il a été retrouvé les anches sur les instruments
retrouvés dans les tombeaux ? Botond Bese : Non, tout ce qu’il restait dans les vestiges et qui était fabriqué en
os, comme le porte-vent ou le tube, il suppose que ces instruments anciens, au début, ne sonnaient pas avec une
poche en cuir mais plutôt avec une poche de vessie de boeuf ou de vache. Ce type de cornemuse (Duda) n’est
pas caractéristique à la Hongrie mais au bassin des Carpates, ça veut dire que c’est un instrument utilisé par des
Croates, des Serbes, des Slovaques, des Roumains. Historiquement, ce qui est important ce n’est pas la notion
d’une nation, mais l’appartenance à une couronne, à un empire. Dans le passé c’était
l’Empire Austro-hongrois, voire avant, la monarchie des Rois de la Hongrie. Finalement c’était
l’appartenance à cette culture là, à l’unité ethnico culturelle qui comptait. C’est pourquoi parmi les
sonneurs de cornemuses hongroises, on trouve des habitants de tous ces pays qui ont le même héritage, qui
habitaient cet empire là et qui ont la même culture de ce point de vue. Jacques Baudoin : Est-ce qu’il y a une
relation avec les plaines du Danube ? Botond Bese : Oui, car lors des vagues de transhumances, pour les peuples
venus de l’Est, la grande plaine du Danube était la dernière étape qui ressemblait vraiment aux Steppes
d’Asie. C’était plat, avec des pâturages, des fleures etc. et tous ces peuples là qui venaient des Steppes
sont restés là assez longtemps, ils se sont mélangés, donc finalement cette plaine était un carrefour des populations et
chaque peuple a amené avec lui son instrument. Finalement c’est pourquoi sur place il y avait un mélange des
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peuples, un mélange culturel. Jacques Baudoin : Si on va à Budapest ou en Hongrie, où peut-on trouver un Musée pour
voir des instruments anciens ? Botond Bese : à Budapest au grand Musé National de l’Ethnologie bien sur mais
aussi dans d’autres villes de province, comme Balassagyarmat. Au grand Musée National de Budapest il y a des
cornemuses anciennes exposées, mais la majorité est gardée dans des dépôts, dans des réserves et n’est pas
exposée. Par contre, il existe des expositions temporaires, par exemple récemment il y avait une exposition qui durait
un an et demi, où une centaine de cornemuses anciennes ont été exposées. Cette exposition a été fermée en avril
2006. Jacques Baudoin : Est-ce qu’il existe un catalogue de ces expositions ? Botond Bese : Oui,
d’ailleurs c’est possible de les commander par Internet en allant sur le site du Musée national
d’Ethnologie de Budapest, (http://www.museum.hu/search/museum.asp?ID=62). Patrice Bianco : En quoi est faite
la poche de la cornemuse ? Botond Bese : Avec de la peau de chèvre, la différence de couleur entre la poche de
cornemuse hongroise et celle de l’ouest-européenne est due à la procédure de préparation de la peau. En
Europe occidentale la longévité de la poche était un critère important, c’est pourquoi la procédure de
préparation était longue, avec différents produits. Dans le bassin des Carpates cette cornemuse était utilisée
essentiellement par des bergers, qui avaient sur place la matière première, la peau des chèvres, la longévité de la peau
n’était donc pas un critère, ils ont préparé la peau avec une procédure plus simple.
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