01 - Via-Alta
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Gian Vittorio Avondo - Claudio Rolando VIA ALTA LA VIA FRANCIGENA DE LA VALLÉE DE SUSA À VERCELLI L’édition de ce volume a été cofinancée par des fonds de l’Union Européenne, dans le cadre du programme ALCOTRA 2007-2013 Licence d’utilisation à durée indéterminée pour la publication sur le site www.via-alta.com © 2014 Edizioni del Capricorno Edizioni del Capricorno est une marque du Centro Scientifico Arte s.r.l. Edizioni del Capricorno Corso Monte Cucco, 73 10141 Tél + 39 011 385.36.56 Fax + 39 011 382.05.49 [email protected] www.edizionidelcapricorno.com TOUS DROITS RÉSERVÉS Traduction : Sylvie Bigoni Coordination éditoriale : Roberto Marro Maquette et mise en page : Manuela Banchio Année 17 16 15 14 réédition N1234 Gian Vittorio Avondo - Claudio Rolando VIA ALTA LA VIA FRANCIGENA DE LA VALLÉE DE SUSA À VERCELLI Sommaire 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx 10 02 De Oulx à Susa 19 03 Du Col du Mont-Cenis à Susa 32 04 De Susa à Avigliana 46 05 De Susa à Almese 65 06 D’Avigliana à Turin 76 07 D’Almese à Turin 89 08 De Turin à Chivasso 96 09 De Chivasso à Castell’Apertole 106 10 De Castell’Apertole à Vercelli 114 OÙ DORMIR 128 OÙ MANGER 131 OÙ ACHETER ET DÉGUSTER HOSPITALITÉ ET PÈLERINAGE 135 140 5 Introduction Parcourir la Via Alta pour découvrir un territoire, une culture et des populations Promouvoir la dimension culturelle et spirituelle des territoires de montagne, de la vallée de Susa en Italie et de la haute vallée de la Durance en France, au travers de la valorisation d’un axe historique qui relie deux grandes destinations touristiques et culturelles, Avignon et Turin, allant jusqu’à Arles et Vercelli, voilà quel est le projet européen « Via Alta », qui a été cofinancé dans le cadre du programme européen ALCOTRA. La Province de Turin est le chef de projet en partenariat avec le Comité Départemental du Tourisme des Hautes Alpes et avec le Comité Régional du Tourisme PACA (Provence-Alpes-Côte D’Azur). La Province de Turin travaille à ce projet depuis 2008, en concomitance avec la constitution d’un groupe de travail avec les Diocèses de Turin et de Susa, ainsi qu’avec les associations françaises « Amis de Saint Jacques PACA » et « Maison Usher ». Ce groupe a mis en place un projet structuré et a envisagé un itinéraire qui, par la suite, ont été présentés dans le détail sur des cartes touristiques en italien, en français et en anglais, disponibles dans les différents Offices de Tourisme ATL de Turin et province. Enfin, pour mettre en valeur de façon plus dynamique le charme et l’intérêt que dégagent les territoires traversés par la Via Alta, le Centre Audiovisuel de la Media Agency Province de Turin a réalisé un film dédié à la partie italienne du tracé du chemin qui parcourt la Via Francigena, empruntée pendant des siècles par les pèlerins qui se rendaient à Rome. Le guide que vous allez feuilleter est plutôt dédié à une présentation géographique, culturelle et historique indispensable de ces territoires traversés par la Via Alta, entendu que, un voyage – d’autant plus si celui-ci est fait à pied et sur une période plus ou moins longue propice à la méditation et à l’introspection – ne peut s’orienter que vers deux directions de recherche : l’une intérieure (en se mettant à l’épreuve le long d’un itinéraire qui offre peu de confort et, au contraire, de nombreuses occasions propices à la réflexion), et l’autre dédiée aux lieux et aux personnes rencontrées au cours de ce voyage. 7 Note de l’éditeur Au début de chacun des chapitres vous trouverez une page d’introduction à l’étape du jour, rédigée par Michele Dosio (« M.D. »). En suivant le fil de l’itinéraire (sans pour autant rentrer dans sa description) l’auteur, passionné du « pèlerinage » à pied, désire nous transmettre ses sensations, ses émotions et réflexions. Remerciements Les auteurs et l’éditeur remercient : - Michele Dosio pour la collaboration précieuse et pour l’écriture des textes d’introduction aux étapes - les familles Natale Faure et Virgilio Faure de Salbertrand - l’Ecomusée Colombano Romean de Salbertrand - Valentina Mangini. 9 20,9 km 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx C’est d’ici, de Montgenèvre, que part l’itinéraire de la « Via Alta » qui chevauche les Alpes reliant un des itinéraires français vers Santiago de Compostelle à celui de la Via Francigena vers Rome : deux grandes destinations de pèlerinage dès le Moyen-Âge. À côté de la petite chapelle Sainte-Anne se trouve une stèle qui nous rappelle que la première destination se trouve à 2010 km, tandis que pour Rome il ne faudra parcourir « que » 914 km… Alors que nous perdons progressivement de l’altitude, la journée qui nous attend sera immergée dans un paysage alpin, parfois marqué par la présence humaine, parfois doux et parfois âpre et sauvage. À la sortie de Clavière, premier village italien, ancien poste frontière, on se dirige vers un petit promontoire sur lequel se dresse la pyramide d’une chapelle dédiée à Saint-Gervais, de laquelle le regard embrasse un large horizon et, juste en dessous, les gorges du même nom, avant de précipiter dans les profondeurs de ce canyon naturel. La descente se fait en passant près d’un impressionnant « pont tibétain » qui attire bon nombre de visiteurs et qui mérite le détour, car il permet de profiter de la vue plongeante dans les profondeurs des gorges et d’éprouver la sensation du grand vide qui se déploie sous ses câbles suspendus tout le long de la traversée. Arrivés au plus profond des gorges, il faudra suivre un petit sentier assez évident, parfois remplacé par des passerelles agrippées à la roche le long du torrent Petite Doire qui, selon les périodes, peut apparaître impétueux (toutefois le sentier ne présente aucune difficulté de parcours même avec un gros sac à dos sur les épaules). En regardant plus haut on peut voir tout le tracé de la route nationale, comme suspendue dans les airs de façon, somme toute, assez surprenante et qui absorbe la circulation automobile et des poids lourds. Cette journée prévoit également quelques tronçons sur route goudronnée avant Cesana, puis avant Oulx, puisque les routes actuelles ont emprunté le parcours de l’ancienne Via Francigena. Cela fait également partie intégrante du chemin des pèlerins des temps modernes. Les longs tronçons de sentiers ombragés et frais qui courent dans les bois riches parallèles à la RN sont très agréables. Après une longue traversée dans un sousbois typique de montagne, voilà Solomiac, un très beau village alpin désormais complètement abandonné durant les mois d’hiver mais où, pendant la saison estivale, quelques montagnards passionnés continuent de cultiver, avec beaucoup de soins, de très jolis potagers où poussent toutes sortes de légumes ainsi que des Clavière et le Mont Janus. 10 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx plantes officinales. En face, l’imposante paroi ouest du Chaberton (3130 m) dont le sommet fut fortifié au début du XXe siècle. Tout au long de cette journée, notre chemin sera dominé par des montagnes qui dépassent les 3000 m d’altitude et, parmi elles, dès mi-parcours direction nord, on apercevra la forme majestueuse du mont Séguret avec ses cavités naturelles communément dénommées « grottes des Sarrasins », en souvenir 20,9 km des troupes arabes qui y séjournèrent au Xe siècle après avoir conquis presque toute l’Espagne et après avoir traversé tout le Sud de la France. La petite ville d’Oulx, important centre urbain de la Haute Vallée de Susa, nous accueille en fin de journée dans le calme et la paix de son « Abbaye » dans une atmosphère qui invite à la contemplation et au recueillement. (M.D.) DISTANCE 20,9 km TEMPS DE PARCOURS 6 h 45 DÉNIVELÉ 760 m ITINÉRAIRE Montgenèvre (1850 m) est le dernier centre habité français avant la frontière avec l’Italie. À la sortie du village se trouvent l’Obélisque érigé en honneur à Napoléon qui fit construire la route du Montgenèvre et, un peu plus loin, la stèle qui indique les distances qui nous séparent de Santiago de Compostelle (2010 km) et, à l’opposé, de Rome (914 km). On pénètre en territoire italien en passant par ce qui, jusque dans les années 1990, fut le poste frontière de Clavière (1760 m) avec, à l’entrée 11 en amont du village, les installations devenues obsolètes de la vieille douane. Après avoir traversé tout le village, à la hauteur du rond point où l’on rejoint la SS 24 (Strada Statale = RN), grimper sur le sommet du monticule en direction de la chapelle dédiée au martyre proto-chrétien Saint-Gervais et poursuivre le long d’un sentier qui descend en direction du départ du très long pont tibétain suspendu dans le vide dans les gorges du même nom juste en dessous. Le sentier descend en effectuant une série de lacets plutôt raides jusqu’au fond des gorges pour aller traverser le torrent Petite Doire. Depuis la rive opposée, surplombée de parois de roche blanchâtre, qui dans les temps anciens était utilisée pour produire de la chaux (quelques restes de vieux fours sont encore visibles), descendre sur la droite orographique du torrent jusqu’à la SS 24 (RN 24). Continuer jusqu’aux abords de Cesana Torinese (1358 m) et, à la sortie du dernier virage surplombant le village avant le pont, prendre à droite pour entrer dans le village par le haut. Traverser tout le centre habité en se dirigeant vers l’église paroissiale dédiée à Saint-Jean-Baptiste ornée d’un beau clocher de style roman typique du Dauphiné. Depuis l’église, poursuivre en passant devant le cimetière, prendre à droite puis à gauche une portion de route qui reconduit à la SS 24, la Cesana-Oulx. Arrivés à la hauteur de Mollières (1344 m), rejoindre la route supérieure qui traverse le village et se transforme en une ample route en terre et va jusqu’à Solomiac (1377 m), qui fut chef-lieu de la commune qui porte son nom jusqu’au début du XXe siècle. 12 Le pont tibétain de Clavière. Les maisons de Solomiac. 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx LE PONT TIBÉTAIN « SERGIO BOMPARD » DE CLAVIÈRE : LE PLUS LONG DU MONDE. Ce pont d’une longueur de 408 m + 70 m, dominant les Gorges de Saint Gervais à Clavière, plus qu’un pont tibétain, en réalité est une passerelle suspendue par des câbles en acier, ancrés dans la roche qui se dresse sur les côtés. La structure principale est précédée d’une première partie de 70 m de long qui traverse la gorge perpendiculairement au cours du torrent pour donner accès au pont principal qui lui, pratiquement, suit le torrent sur une bonne partie. Cette passerelle est constituée de marches et est soutenue par des câbles, le tout en acier, à une hauteur moyenne de 25 m au-dessus du fond des gorges où serpente la Petite Doire. À la sortie du pont se trouve le départ d’une via ferrata dite « du 20,9 km bunker » qui, après un départ vertical, se poursuit par un long travers pour finir en remontant un escalier en ciment qui constituait une issue du bunker qu’il faudra traverser pour finir la via ferrata. Ce petit ouvrage en ciment fut en grande partie détruit lors des opérations de destructions dictées par les accords du Traité de Paix de 1947 avec le gouvernement français. Une fois à l’extérieur, un autre pont nous attend, celui-ci aux dimensions plus modestes, mesure 90 m de long, bien que s’élevant à 100 m audessus du torrent. Le pont fut dédié à Sergio Bompard, guide de haute montagne de Bardonecchia qui collabora à la réalisation de l’ouvrage, décédé en 2006 des suites d’une maladie. SOLOMIAC, LA MAISON COSSUL ET ... L’« HUILE DE MARMOTTE » Solomiac est un minuscule village désormais habité uniquement pendant la belle saison, dont le toponyme dérive du mot saule. Jusqu’en 1928, il fut le chef-lieu de la commune du même nom, dont faisaient partie les hameaux de Autagne et Colombières. Ce village, caractérisé par quelques belles constructions en pierre et bois, renferme en son sein un très beau monument, connu sous le nom de Maison Cossul ou « château de Solomiac ». Il s’agit d’un bel édifice constitué de quatre étages, avec une façade reportant de fines décorations et complétée par des balcons avec de belles rambardes en bois travaillé. Sur la façade trône un grand cadrant solaire datant du XIXe siècle reportant la maxime « Vita fugit sicut umbra ». L’édifice (non visitable) remonte très probablement au XVIIe siècle et appartient à la famille dont il porte le nom, et qui exerçait une sorte de primauté sur Solomiac, Fenils et Mollières. La maison apparaît comme un édifice fortifié doté de souterrains auxquels on ne peut accéder que par des puits. Les habitants de Solomiac, tout comme ceux des villages voisins de Fenils ou Mollières, avaient l’habitude intéressante de presser les noyaux du Prunus brigantia, un petit arbre sauvage qui produit des petites prunes jaunes au goût insipide, pour obtenir une huile alimentaire dite « huile de marmotte » : dans le dialecte local, l’arbre était appelé le marmoutier. Maison Cossul à Solomiac. 13 LA NATURE DE LA HAUTE VALLÉE Le Mont Chaberton. Le long de haute vallée de la Doire Ripaire, sur les communes de Cesana, Clavière et Oulx, se trouvent trois sites importants : Sites d’Intérêt Communautaire (SIC), définis selon les directives de la Communauté Européenne 92/43/CEE « Habitats ». Le premier, comprenant les communes de Cesana et Clavière, est nommé Pentes du Mont Chaberton. Il s’étend sur 329 hectares sur le versant italien du mont, entre 1400 m depuis Cesana, jusqu’aux confins avec la France à 2408 m d’altitude. Les agents atmosphériques ont travaillé en profondeur la roche carbonifère de cette montagne en produisant une grande quantité de détritus, créant un environnement spécifique qui a vu s’installer une végétation particulièrement adaptée. Parmi les zones soumises au plan de protection, se trouvent la partie boisée de pins à crochets qui poussent sur substrat calcaire et les zones restantes de pins ponderosa ainsi que de raisins d’ours, tous deux habitats prioritaires selon la directive. Sont également présentes dans cette même zone, une plante endémique, Berardia subacaulis 14 (ou Bérardie laineuse, plante herbacée aux feuilles larges, blanches et laineuses) qui est inscrite sur la liste rouge des plantes à protéger en Italie, ainsi que la Brassica repanda et la Campanula alpestris, outre la seule population de Pieris ergane, un lépidoptère que l’on ne retrouve que dans très peu de zones du Nord de l’Italie. Le second site est l’oasis xérothermique (c’est-à dire caractérisé par un climat sec et chaud) de la zone Oulx-Amazas. La zone protégée (environ 300 hectares) occupe une partie du versant oriental du Mont Cotolivier (2106 m), depuis le fond de la vallée jusqu’à environ 1500 m d’altitude, et s’élargit en partie dans le lit de la Doire Ripaire qui louvoie ses pentes. La zone s’arrête au nord au Lac Borello séparée par la route qui relie Oulx à la Madonna du Cotolivier. Sur le site se trouvent quatre habitats d’intérêt communautaire, parmi lesquels les prairies sèches sur substrat calcaire où vivent de nombreuses espèces d’orchidées thermophiles (qui ont donc besoin d’un climat tempéré), dont font partie les Aceras antropophorum, Ophys 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx fuciflora et Ophrys insectifera, poussant toutes à une altitude exceptionnelle. Les près destinés à la coupe sont également très intéressants, tout comme les mélézins et la végétation des rives et du lit de la Doire Ripaire. Le troisième site est l’étang d’Oulx, connu par les habitués sous le nom de Lac Borello, protégé également en tant que Réserve naturelle spéciale de la Province de Turin. La zone couvrant 83 hectares se trouve à peine à la sortie du bourg d’Oulx. Le lac est le fruit de la renaturaliLe raisin d’ours. Le pin cembro. 20,9 km sation spontanée d’une zone d’extraction de roche abandonnée qui fut exploitée de 1857 à 1871 afin de fournir les matériaux nécessaires à la construction du tunnel du Fréjus. À la fin des travaux d’extraction, et pendant plusieurs décennies, l’étang fut utilisé pour la production de glace. Une digue partage la zone en deux parties. La partie plus en amont atteint une profondeur de 3 m, tandis que la partie plus en aval est formée de petites flaques d’eau stagnante. La glace produite était conservée dans une construction semi-circulaire d’environ 12 mètres de diamètre, dont les restes sont encore visibles. Lorsque cette activité prit fin, la végétation reprit naturellement ses droits et, de nos jours, plus de la moitié de la superficie protégée est occupée par une pinède de pins sylvestres avec des petites zones plantées d’aulnes blancs, tandis que des touffes de cannes occupent une bonne partie des rives. L’étang d’Oulx a un intérêt naturalistique très important dans l’arc alpin occidental italien, car c’est une des rares zones de paluds de fond de vallée à cette altitude qui abrite de nombreuses espèces animales et végétales à risque d’extinction sur tout l’arc alpin. Les lieux sont fréquentés par plus de 56 espèces d’oiseaux dont le martin pêcheur et le pic noir, et ils sont également très utiles pour l’avifaune aquatique di passage. Ici le crapaud commun profite du site de reproduction le plus reculé des terres de la vallée de Susa et on y trouve aussi la crevette de rivière, espèce pour laquelle la directive « Habitats » prévoit une protection rigoureuse. La grenouille verte. 15 Depuis Solomiac, en suivant une route en terre, rejoindre la SS 24 (RN 24) à la hauteur du croisement de Fenils, petit village situé sur la rive gauche du torrent Doire Ripaire, puis continuer sur un bref tronçon jusqu’à une route en terre qui part sur la droite en passant au-dessus des murs de soutènement qui bordent la route en la dominant et qui, assez rapidement, débouche à la hauteur d’un autre croisement sur la RN, celui d’Amazas, village que l’on aperçoit sur la rive opposée. De là, passées les deux maisons dans le léger virage, prendre la route en terre sur la droite qui conduit jusqu’à la bourgade de San Marco d’Oulx (1212 m) ; puis, en suivant la route goudronnée, redescendre vers la paroisse d’Oulx, située non loin de la tour dauphinoise qui domine les habitations. Ce qui reste de l’abbaye de Saint-Just d’Oulx. LE LOUP Depuis le début des années 1990, le loup est revenu dans les vallées qui convergent vers le lit de la Doire Ripaire. Jadis, l’espèce était bien présente dans les zones alpines et de l’Apennin. Dans le Piémont, le loup disparut au début du XXe siècle suite à une chasse sans merci : il était considéré comme un danger pour les troupeaux et même pour les hommes. Cependant, dans les années 1970, les conditions culturelles et économiques évoluèrent au détriment de la terre, et de vastes zones alpines et de l’Apennin furent abandonnées. La faune sauvage repris ses marques, les ongulés essentiellement se répandirent et, avec le changement des mentali16 tés, on ne vit plus le loup comme un animal nocif, mais comme un élément essentiel à l’écosystème. Ces conditions ont permis à l’espèce de recoloniser assez rapidement l’Apennin Ligure jusqu’aux Alpes Maritimes, les Alpes Cotiennes et, dernièrement, également les Alpes Graies. Le caractère social du loup, qui lui a permis une colonisation très rapide des territoires, est fondé sur le principe de la meute constituée de quelques individus (généralement de 2 à 7) au sein de laquelle ne se reproduit que le couple dominant. Les meutes sont composées des petits de l’année et de ceux de l’année précédente en plus, éventuellement, de 01 Du Col du Montgenèvre à Oulx quelques individus adultes qui restent dans le groupe, probablement dans l’espoir de conquérir la position dominante. À l’âge adulte, les loups s’éloignent à la recherche de leur propre territoire ou d’une meute à laquelle se joindre. Dans le langage technique, cette phase est appelée la « dispersion », c’est le moment où les individus peuvent parcourir des centaines de kilomètres. De nos jours, au moins quatre meutes de loups vivent entre Montgenèvre et la basse vallée de Susa, chacune composée de 2 à 5-6 individus, selon les possibilités qu’offre le territoire. Ce sont souvent des individus ayant des liens de parenté puisqu’ils proviennent de meutes qui occupent des territoires voisins. Les proies préférées des meutes de la Val Susa sont les ongulés sauvages, surtout les cerfs, chevreuils et sangliers, tandis que le chamois est une proie un peu moins facile. De plus, généralement chaque groupe se spécialise dans la chasse d’une ou deux espèces des plus abondantes et faciles à chasser sur leur territoire. Les animaux domestiques, surtout chèvres et moutons, occupent une part mineure de leur alimentation tout comme 20,9 km Un loup photographié dans la Vallée Chisone. les petits mammifères, tels marmottes, lièvres et rongeurs. Mais en hiver, lorsque la nourriture vient à manquer, même les carcasses ont un rôle essentiel pour fournir les 3 à 4 kilos de viande quotidiens dont à besoin un adulte. Les loups sont des animaux furtifs, très prudents et, surtout vis à vis de l’homme, particulièrement farouches. Ce pourquoi, même en sachant que nous allons traverser leur territoire, rencontrer un de ces animaux reste un fait vraiment improbable. LA PRÉVÔTÉ DE SAN LORENZO D’OULX La prévôté de San Lorenzo d’Oulx fut construite après l’an 1042 sur les restes d’une église plus ancienne intitulée à ce même saint, dite ad martyrum, forme christianisée de ad martis, elle-même construite probablement sur un site où se trouvait déjà un temple dédié à Mars. En fait, il ne s’agissait pas d’une simple paroisse, mais d’un véritable complexe qui avait toutes les prérogatives du monastère. Sa fondation intègre donc le cadre d’une gestion politique de la vallée de Susa, importante voie de circulation et de commerce vers la France qui fut développée dans toute la vallée grâce à une organisation administrative et ecclésiastique minutieuse du territoire, entre autres articulée en châtellenie, églises, prévôtés et abbayes. La spéci- ficité de la prévôté d’Oulx résidait dans le fait que, contrairement à Novalesa ou à la Sacra de San Michele, elle ne fut pas fondée selon le bon vouloir de riches et puissants seigneurs, mais elle fut promue par un groupe de prêtres qui s’unirent pour mener une vie en communauté. Ceux-ci appartenaient à l’ordre des Canoniques Réguliers de Laterano et suivaient la règle de Sant’Agostino ; c’est la raison pour laquelle elle ne fut pas définie comme abbaye mais comme prévôté. Cependant, dès ses débuts, San Lorenzo d’Oulx fut soutenue par des princes et évêques grâce à des donations de biens et droits et, en quelques années seulement, de nombreuses églises et paroisses dispersées dans la haute vallée de Susa se retrouvèrent sous son contrôle. Voilà ce 17 Oulx, la tour dauphinoise. que l’on peut lire sur un acte qui relate une donation effectuée par un certain Poncius clericus daté entre 1050 et 1061, sur lequel on définit la zone d’influence sur laquelle la prévôté exerçait : « de monte Genevo ad pontem Galambre qui vocatur Exilles » (de Montgenèvre au pont Galambre, dénommé Exilles). Dès ses débuts, la fondation prit ainsi la physionomie d’une collégiale, c’est-à-dire composée d’une congrégation de chanoines réguliers dirigés par un prévôt. Le bâtiment devait être composé de plusieurs édifices : probablement deux églises, une dédiée à Saint-Laurent et la seconde de dimensions plus modestes à Saint-Pierre, outre un « ospicium pauperorum » utilisé aussi pour accueillir les pèlerins qui parcouraient la Via Francigena en passant par le Col du Montgenèvre, en plus de structures de service. La prévôté atteignit son apogée entre le XIIe et le XIVe siècle. Son contrôle s’étendait jusqu’à une partie de la voisine vallée du Chisone (avec les paroisses de Pragelato, Usseaux, Fenestrelle et Mentoulles). Même si mi-XIVe siècle les premiers signes de déclin se manifestaient déjà, la prévôté maintint encore longtemps un fort pouvoir économique tandis que sa période la plus faste fut au début du XVe siècle. La chute 18 fut cependant rapide et, déjà dans la deuxième moitié de ce même siècle, les chanoines cessèrent d’élire leur propre chef laissant la décision au Dauphin de France ; puis, au cours du XVIe siècle, les guerres de religion firent le reste. En 1952, une incursion huguenote réussit à passer la ligne du partage des eaux atteignant Cesana, Oulx, Salbertrand et Chiomonte. Le but des huguenots était de séquestrer et de détruire les apparats liturgiques des églises et des chapelles catholiques. La prévôté d’Oulx fut saccagée et incendiée et, quelques années plus tard, ce qui en restait fut rasé au sol afin d’empêcher les protestants de le fortifier et de l’utiliser. Enfin, avec le traité d’Utrecht, la haute vallée de Susa passa aux mains des Savoia leur donnant, par là même, le droit d’élire des commanditaires, droit qu’ils n’exercèrent pas pendant plus de trente ans, très probablement afin de faire disparaître l’institution, ce qui fut fait en 1749. Une dizaine d’années plus tard, ce qui restait encore fut vendu et le tout finit à l’abandon et dans la ruine. La reconstruction de l’édifice, de nos jours dédié au Sacré-Cœur de Jésus, fut terminée en 1886, la nouvelle église fut consacrée par monseigneur Rosaz, évêque de Susa et, à partir de 1895, elle fut confiée aux salésiens. 28,1 km 02 De Oulx à Susa L’étape d’aujourd’hui nous transporte à travers un lent mais progressif changement de l’environnement qui nous entoure, dans la descente vers la basse vallée. Sur la gauche, au loin, se dresse le Mont Rochemelon qui, avec ses 3538 m d’altitude, est le sommet le plus haut de cette partie des Alpes. Cette vision accompagnera pour le restant de la journée le cheminement du voyageur. Au cours de cette étape, on s’éloigne à plusieurs reprises du fond de la vallée et de tous ses bruits, pour pénétrer le silence du sous-bois, accompagnés par le chant d’une infinité de petits oiseaux qui semblent vouloir donner la cadence au pas du pèlerin. Dans la première partie du Grand Bosco, avec un peu d’attention, on notera facilement une grande quantité de touffes de gui agrippées au sommet des conifères. Le long du parcours, on rencontrera trois villages de montagne typiques : Gad, Exilles et Chiomonte, avec la même structure d’urbanisme, c’est-à dire étirées tout le long de la rue centrale, la « via maestra ». Ils méritent que l’on prenne le temps de les traverser sans oublier de relever les yeux afin de mieux apprécier les façades et en prenant le temps aussi de regarder les cours intérieures. De nombreux édifices construits en pierre et en bois sont recouverts par les typiques « loses », ces plaques de pierre locale très lourdes, aptes à protéger du vent qui sait souffler fort et parfois même pendant de longues périodes. Gad est caractérisé par le travail de récupération de toutes les anciennes habitations dans le respect du style premier. À Exilles il est intéressant de s’arrêter pour lire les enseignes des vieux commerces et locaux des artisans qui animaient jadis l’économie de ces villages de montagne. Fort d’Exilles. 19 À Chiomonte, dans le vieux village paré de nombreux portiques, outre une domus hospitalis construite dans les premières années après l’an 1000 destinée à l’accueil des pèlerins, nous pourrons profiter de l’abondance des résurgences d’eau, comptant pas moins de sept fontaines pluri-séculaires. Le marcheur pourra ainsi s’approvisionner pour la suite du voyage car il n’y aura pas d’autre endroit où prendre de l’eau. Une bonne demie journée sera dominée par la vue sur le fort d’Exilles, un ouvrage défensif stratégique majestueux, essentiel durant les siècles passés pour le contrôle militaire de la vallée. On peut en admirer le magnifique pont-levis avant de parcourir une partie de l’imposante rampe d’accès orientale. Ce fort fut théâtre de nombreuses batailles pour la domination du territoire et surtout de l’accès aux frontières. Il fut détruit, reconstruit et restructuré à plusieurs reprises selon l’évolution des techniques et des stratégies militaires. L’itinéraire propose ensuite de traverser des terrassements plantés de vignes pour produire l’Avanà, cépage autochtone récemment redécouvert et valorisé y compris par des jeunes viticulteurs locaux. Les terrassements, réalisés pour une culture agricole de subsistance afin d’arracher à la terre quelques mètres de plus à cultiver, de nos jours cohabitent avec la structure des ponts modernes de l’autoroute, robuste et aérienne, qui conduit au tunnel du Fréjus. Enfin, l’inégalable entrée dans Susa en passant sous l’Arc d’Auguste (8e siècle av. J.-C.), à coté de l’aqueduc romain (IIIe siècle apr. J.-C.) construit sur les roches antiques d’un autel celte. Entre l’Arc d’Auguste et l’aqueduc, se trouve une fontaine aux eaux fraiches même en été, que les autochtones considèrent comme étant la meilleure alentours. C’est un point d’approvisionnement important pour ceux qui parcourent la via en direction de la France, parce que c’est le dernier point d’eau avant plusieurs kilomètres. Un peu plus bas, à l’ouest de la ville, c’est la majestueuse porte romaine-médiévale « porte Savoia » qui accueille le voyageur. C’est de là que partait la route vers la Gaule. Susa mérite une visite tranquille et attentive. Le Musée Diocésain vaut également le détour car, en plus de l’exposition d’objets magnifiques témoins d’une ère, il permet de voir une portion de route pavée de l’antique Via Francigena, véritable témoin de la circulation et du transit international dans les Alpes. (M.D.) ITINÉRAIRE À la sortie du centre urbain d’Oulx, poursuivre sur un bref tronçon la SS 24 en direction de la basse vallée pour dévier en passant par le hameau du Gad. Un autre bref tronçon de route, en suivant les indications « Sentier des Francs » nous conduira sur un sentier qui longe à mipente le versant droit orographique de la Doire avec une vue splendide sur le lac Poligono. Arrivés à un panneau, à un croisement, suivre les indications pour le refuge Daniele Arlaud de Montagne Seu. Une centaine de mètres plus loin, on arrive à un sentier qui court dans les près longeant l’orée du Grand Bosco avant d’arriver au siège du Grand Bosco de Salbertrand, où il sera possible de trouver du matériel d’information. Dépasser la maison du Parc et poursuivre jusqu’à une route en terre qui, grâce à quelques virages, nous conduit au fort du Sapé situé au-dessus d’Exilles. De cette position, qui offre une belle vue sur les habitations d’Exilles, depuis le fort descendre dans le bois, traverser le village en passant près de la masse imposante du Fort d’Exilles jusqu’au lit de la Doire où se trouve un pont récemment construit. De là, rejoindre le Pont Neuf d’Exilles (Ponte Nuovo), qu’il faudra traverser en remontant pour se diriger vers la centrale hydroélectrique de Chiomonte. 20 La paroisse de Saint-JeanBaptiste à Salbertrand. 02 De Oulx à Susa 28,1 km DISTANCE 28,1 km TEMPS DE PARCOURS 5 h 30 DÉNIVELÉ 576 m CENTRES D’INTÉRÊT CULTUREL Fort d’Exilles : Tél et Fax 00 39 0122 58270, [email protected], www.fortediexilles.it. Ecomusée Colombano Romean : l’itinéraire part du siège du Parc Naturel Gran Bosco de Salbertrand, via Fransuà Fontan, 1 (zone de l’ex pépinière de l’ONF). Les édifices qui composent l’écomusée ne sont ouverts que pour les visites guidées. Réservation : Tél 00 39 0122 854720, [email protected]. Cathédrale Saint-Juste de Susa, piazza San Giusto : ouvert tous les jours au public. Infos : Tél 00 39 0122 622053 (paroisse). Musée Diocésain d’art sacré, via Giuseppe Mazzini, 1, Susa ; ouverture : du 1er juillet au 18 septembre, du mardi au dimanche : 9h 30 - 12h 00 – 15h 30 - 19h 00 (en août ouvert aussi le lundi) ; d’octobre à juin, du samedi au dimanche : 14h 30 - 18h 00. Infos : Tél 00 39 0122 622640, Fax 00 39 0122 622640, [email protected], www.centroculturalediocesano.it. 21 LE GRAN BOSCO DE SALBERTRAND Le Gran Bosco de Salbertrand est inscrit au livre national des semences, il est composé d’une forêt mixte de sapins blancs et sapins rouges pratiquement unique dans le Piémont. La présence de ces deux conifères est en effet rare dans les Alpes occidentales pour des raisons climatiques ; cependant, la zone du Gran Bosco, plutôt fermée et donc protégée des courants d’air, a des caractéristiques particulières qui correspondent aux deux espèces. De plus, les sapins du Gran Bosco peuvent mieux résister à la sècheresse de l’été que les populations des Alpes orientales et constituent donc un écotype (population spécifique d’une espèce, ainsi définie par les experts) qui s’est installé précisément dans cette zone. C’est la raison pour laquelle depuis 1980 la Région Piémont a décidé de protéger la zone en tant que Parc Naturel, aujourd’hui géré par l’Institut de Gestion des zones protégées des Alpes Cotiennes. Cette expérience particulière et précieuse vécut cependant un grand moment de crise au siècle dernier. Tout commença au début des années soixante, lorsque l’administration provinciale décida d’introduire dans le Gran Bosco 10 cerfs et 40 chevreuils. C’étaient des espèces présentes depuis toujours, mais lorsque les montagnes étaient aussi peuplées de prédateurs naturels (en premier lieu du loup), ce qui permettait de maintenir un équilibre entre les populations et la survie de la forêt. Mais, par rap port au passé, au moment de la réintroduction les choses avaient bien changé, puisque les prédateurs entre temps avaient disparu de la scène. Sans aucun régulateur naturel, les populations de ces herbivores grandit de façon démesurée et, au printemps 1987, dans la haute vallée on recensa 1300 cerfs : un nombre cinq fois supérieur à ce que le territoire pouvait absorber. Très rapidement, les dommages faits au patrimoine boisé devinrent flagrants. En hiver, les cerfs se nourrissaient des aiguilles et des repousses des conifères, détruisant ainsi plus du 95% des jeunes plantes. La forêt n’avait plus la capacité de se régénérer et risquait de disparaitre. C’est alors qu’un plan de capture et d’abattage fut mis en place. Une solution qui, avec le temps, grâce aussi au retour du loup, a ramené la population des cerfs à un niveau compatible avec la survie de la forêt. Dans le passé, le Gran Bosco – qui occupe 700 hectares sur le versant droit de la Doire Ripaire en amont de Salbertrand, tranche d’altitude comprise entre 1000 m et 2500 m – eut un important rôle économique car, dans les années 1700 ces forêts de conifères fournissaient le bois pour les grandes travées à voie droite utilisée dans les ouvrages importants d’ingénierie militaire et civile comme l’Arsenal de Turin, la Basilique de Superga et le château de la Venaria Reale. L’ÉCOMUSÉE COLOMBANO ROMEAN La glacière. 22 Sur le territoire de la commune de Salbertrand se trouve l’Écomusée ColombanoRomean qui, grâce à neuf centres d’intérêts différents, illustre certains aspects historiques et culturels de la vie de cette petite communauté. Les mises en scène sont réalisées et organisées par le Parc Naturel du Gran Bosco, en collaboration avec l’administration communale et la Région Piémont. Elles sont disposées le long d’un itinéraire qui, en partant du siège du parc dans la rue Fransuà Fontan, s’articule sur la rive droite de la Doire Ripaire et se termine dans le village sur la rive gauche. Une visite qui dure environ une heure et demie. L’écomusée est dédié à Colombano Romean, mi- neur de légende qui, en huit ans, entre 1526 et 1534, dans une solitude absolue et à l’aide uniquement de masses, coins et pics, à 2000 m d’altitude, creusa le Trou de Touilles, une gallerie de 500 m de long avec une section d’un mètre quatre-vingt de haut sur un mètre de large qui se trouve quelques kilomètres après Salbertrand, afin de porter les eaux du torrent Touilles à Chiomonte et à Cels. Le départ de l’itinéraire se fait depuis le siège du parc et, en suivant les indications – flèche jaune et panneaux – on rejoint assez rapidement le premier point : la glacière. Il s’agit d’une construction creusée dans la montagne au croisement des torrents Gorge et Ourettes, où l’on stockait la glace produite pendant l’hiver dans un petit lac artificiel de 1100 m2, qui se trouve à peine plus haut. Les blocs de glace, séparés par des couches de paille, se conservaient jusqu’à l’été et, pour le transport, on les enveloppait dans des toiles de jute. L’édifice constitue l’unique et dernier exemplaire de glacière piémontaise encore parfaitement conservée. Après la glacière, on rencontre d’autres équipements qui illustrent certains des métiers typiques de ces zones de montagne ; de la charbonnière au four à chaux où l’on fabriquait la chaux à l’aide de pierres et de bois, jusqu’aux chantiers forestiers et aux carrières de pierre, où les peira plata, pierre plate, comme les habitants de Salbertrand étaient surnommés, produisaient les loses, des plaques de pierre avec lesquelles on recouvrait les toits. On passe ensuite devant la vitrine dédiée à la Glorieuse Rentrée de 1689, lorsqu’un petit groupe de vaudois guidés par Enrico Arlaud rentra de l’exode pour occuper à nouveau certaines des vallées des Alpes piémontaises desquelles ils avaient été chassés trente ans auparavant par le Duc Charles Emmanuel II de Savoie. Le parcours traverse la Doire et, après le four banal du village, il rejoint la chapelle de l’Annonciation de l’Oulme, où se trouvent d’intéressants cycles de fresques du XVIe siècle. On pénètre ensuite dans Salbertrand où l’on croise les fontaines de la place San Guiffre (1525) et, un peu plus loin, la plus fameuse d’entre elles, la fontaine du Milieu (1524), que l’architecte d’Andrade reproduisit en 1884 dans le Bourg Médiéval du château du Valentino à l’occasion de l’Exposition Générale de Turin. On continue plus loin jusqu’à la place de la Mairie, où se trouve l’église romane de SaintJean-Baptiste qui, d’un point de vue artistique, est peut-être l’église la plus riche et complète de toute la haute vallée de Susa. Enfin, on traverse la route nationale et le parcours se conclut avec le moulin hydraulique qui se trouve à peine derrière le mur du cimetière, témoin de huit siècles d’exploitation de la force de l’eau, depuis l’époque des droits féodaux sur la mouture jusqu’à la naissance de l’Azienda Elettrica Municipale (Agence Electrique Municipale). Salbertrand, la fontaine du Milieu. Chapelle de l’Annonciation, Oulme. La charbonnière. 23 L’« USINE DE MORUE » DE SALBERTRAND C’est en 1930 que fut fondée la société OMNIUM à Salbertrand, dirigée par un groupe d’entrepreneurs franco-italiens qui s’occupaient de la transformation et de la commercialisation de produits typiques. C’est aussi l’époque à laquelle ils achetèrent un grand bâtiment construit quarante ans plus tôt sur la rive droite de la Doire, juste en face de la gare ferroviaire, où ils commencèrent le travail de transformation de la morue. Ce qui determina le choix du site où implanter l’exploitation de ce poisson malgré les kilomètres qui les séparent de la mer, furent le climat sec et ventilé de la haute vallée, particulièrement adapté à la transformation du poisson, le train et la proximité de la France, depuis laquelle arrivait la morue pêchée dans les eaux froides du Nord. Le poisson arrivait conservé dans le sel et dans l’usine il était lavé et séché. La première opération consistait à le plonger dans de grands bassins remplis d’eau afin de retirer le sel et éliminer les éventuelles parties avariées, ce qui se faisait à la main en utilisant des brosses de sorgho très dur. Après avoir été lavée, la morue était pendue à l’extérieur sur des séchoirs, composés de grands cadres en bois plantés dans le terrain, chacun desquels possédait trois rangées distancées de soixante centimètres l’une de l’autre. Les files de séchoirs étaient séparées d’un mètre cinquante, orientées de sorte à profiter des rayons du soleil de midi au début du mois d’avril. La durée nécessaire au séchage du poisson pouvait s’étaler sur plusieurs semaines selon les conditions climatiques ou des exigences du client qui pouvait préférer un produit humide, semi-humide, sec ou dur. Chaque année, c’étaient des centaines de tonnes de poisson qui étaient travaillées et l’activité se répandit au point que deux autres établissements furent ouverts, un à Oulx, l’autre à Chiomonte. « Lä fabriccä dlä marlücchä », ainsi appelait-on l’usine dans le dialecte local, fonctionna jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les relations commerciales entre la France et l’Italie furent interrompues. La morue n’arrivait plus des ports de Bordeaux, Saint-Malo, Fécamp et Le Havre et, jusqu’à la fin de la guerre, le bâtiment fut tout d’abord utilisé pour loger les troupes et, par la suite, pour usiner certains matériels de guerre. Pour la cinquantaine d’habitants de Salbertrand, ce fut une grave perte car, comme l’écrit Oreste Rey dans le Cahier n° 8 de l’écomusée Colombano Romean, « malgré le froid saisissant qui perdurait tout l’hiver et les mains pleines de plaies à cause du contact continu avec l’eau salée […] l’activité (pour les familles de la trentaine de personnes employées) fournissait un revenu essentiel qui intégrait un bilan familial plutôt maigre basé uniquement sur les revenus de la campagne ». L’usine reprit son activité en 1947 et se modernisa avec des systèmes de plus en plus mécanisés telles des « machines à laver mécaniques » et une gallerie de séchage de 30 mètres de long, où de l’air à une température entre 26 et 28 °C était soufflé afin de faciliter le séchage du poisson. Puis, durant la nuit du 13 au 14 juin 1957, l’usine fut gravement endommagée par le débordement des eaux de la Doire. Depuis cet évènement la situation ne fit qu’empirer jusqu’à ce que, en 1963, la Société Beurier ne cessa toute activité à Salbertrand et ne ferma définitivement l’établissement. Salbertrand, l’« usine de morue » sur une photo d’époque. 24 02 De Oulx à Susa 28,1 km LE FORT D’EXILLES Exilles et son fort. Tous ceux qui parcourent la SS 24 (RN) de la haute vallée de Susa pour le tourisme ou par nécessité, arrivés à proximité du centre habité d’Exilles, se trouvent devant un paysage complètement barré par une imposante forteresse qui, bien que de nos jours elle soit désarmée et réservée à une activité qui n’a strictement plus rien à voir avec la guerre, présente encore toute sa splendeur guerrière. Le travail de récupération de ce monument alors qu’il semblait voué à un tas de ruines, ainsi que son recyclage, justifient que l’on prenne le temps de visiter ce bastion. Pour mieux comprendre, voici son histoire. Suite au passage de la haute vallée de Susa à la couronne de France en 1349, lorsque le Dauphin de Vienne Humbert II céda la haute vallée de la Doire, les hautes vallées du Chisone et Varaita à Philippe VI de Valois, Exilles revêtit un intérêt particulièrement stratégique. Les ducs de Savoie, descendants des Arduini, ayant toujours eu des vues sur cette portion de territoire piémontais, essayèrent par tous les moyens de le reconquérir ce pourquoi, dès le XIIe siècle, l’antique tour romane déjà présente fut renforcée. En 1453, au cours de la guerre de Lombardie, Charles VII de France, ligué avec les Milanais et les Florentins, envoya à leur secours Renée d’Anjou, souverain de Provence. Ce dernier, arrivé à Exilles se fit agresser et prit la fuite cédant le pas aux troupes de Ludovic de Savoie, lesquelles al- lèrent jusqu’à saccager le village et ses églises. À cette occasion, selon la tradition, le fameux miracle de Turin se fit : une hostie bénie, prélevée dans la paroisse d’Exilles, sortie d’un calice qui avait été volé avec d’autres objets de culte s’éleva vers le ciel. Très rapidement reprise par les Français, la place forte fit à nouveau l’objet de faits d’armes en 1953, lorsque Charles Emmanuel Ier assiégea pendant 15 jours ce qui était devenu entre temps un véritable château, le reprenant aux mains du maréchal huguenot François de Bonne, duc de Lesdiguières, envoyé par Henri IV pour envahir le Piémont. C’est à cette période que le village, le fort ainsi que les hameaux de Champbons et Deveys furent incendiés par les armées du duc où de nombreux villageois périrent dans les flammes. Deux ans plus tard, les deux antagonistes se battirent de nouveau en ces lieux au moment où Lesdiguières essaya d’en reprendre le contrôle. Malgré les efforts de Charles Emmanuel et de son armée sous les ordres du général Grazzino, la garnison céda au moment où les Français se préparaient à se retirer, ce qui valut au commandant d’être mis en prison à Turin. Après une période de calme relatif, au cours de laquelle en 1708 la forteresse fut agrandie, c’est pendant la guerre de succession au trône d’Espagne que Victor-Amédée II reconquit le fort, tout comme les places fortes de Perosa et de Fenestrelle. Ces conquêtes furent confirmée au moment de la signature du Traité de Utrecht (1713), suite auquel les hautes vallée de la Doire et du Chisone passèrent définitivement aux mains de la famille de Savoie. Le premier roi de Sardaigne, qui ne pouvait que constater le manque d’efficacité des places fortes qu’il venait à peine de prendre aux mains des Français, entrepris de les renforcer sinon de les 25 Intérieur du Fort d’Exilles. construire ex novo comme ce fut le cas pour Fenestrelle, où le vieux Fort Mutin fut remplacé par la structure grandiose que l’on peut admirer de nos jours sur le versant gauche de la vallée du Chisone. Après être passée aux mains de la famille de Savoie, les épisodes dramatiques n’en finirent pas pour autant pour la petite bourgade d’Exilles : vers la moitié du XVIIIe siècle, au cours de la guerre de succession au trône d’Autriche, les franco-espagnols essayèrent de dominer la forteresse afin d’ouvrir une brèche vers Turin. Toutefois, ceux-ci furent durement contrastés par les troupes de CharlesEmmanuel III jusqu’à ce que les agresseurs lèvent le siège, bien qu’un contingent de Lanciers de Nice, commandés par le général De Rossi, fut encerclé et capturé près de Jousseau. Deux ans plus tard (1747), la fameuse bataille de l’Assiette n’eut pas vraiment de répercussions sur Exilles, puisqu’elle fut essentiellement combattue au sommet des montagnes, sur les crêtes, à 2500 m d’altitude ; ceci d’ailleurs, grâce à la présence de ce fort ainsi que du récent fort de Fenestrelle encore en construction constituant un barrage dissuasif qui bloquaient les accès vers la capitale subalpine. En 1794, ce furent les armées révolutionnaires transalpines qui envahirent la vallée de Susa commandée par le maréchal La Valette et qui encerclèrent Exilles en occupant les hauteurs alentours avec un grand nombre d’hommes et de canons ; de nouveau, la forteresse résista et les assiégeants ne purent que s’enfuir vers la plaine d’Oulx et de Bardonecchia. Celui-ci fut le 26 dernier épisode durant lequel l’ancienne place forte d’Exilles se révéla utile : deux ans plus tard, grâce au traité de Cherasco, la place fut démantelée, pour renaître de ses cendres après la fin de l’époque napoléonienne. Si en 1727, un premier temps Victor-Amédée II avait confié les travaux de restructuration au colonel du Génie Ignazio Bertola, par la suite nommé conte d’Exilles (celui-là même qui s’était occupé de Fenestrelle), Victor-Emmanuel Ier, de retour d’exil en Sardaigne après la Restauration, donna en charge au colonel Giovanni Antonio Rana, puis au capitaine Francesco Olivero de remplacer les structures qui avaient été détruites. Il s’agissait de tenter de réhabiliter le système défensif piémontais tout entier, qui se basait sur l’utilité d’ouvrages fortifiés sur les hauteurs (Bard, Vinadio, Tenda, l’Esseillon, le Varisello, en plus des deux à peine cités) situés aux pieds des cols qui ouvraient l’accès vers royaume. Olivero, entre 1821 et 1829, en repartant des ruines édifia une puissante structure, guère différente de la première érigée par Bertola. Une des caractéristiques de ce fort sont les différents secteurs indépendants les uns des autres bien que communicants : les Tenailles, l’Avantfort, le Bas Fort, le Cavalier et les Batteries de Cels, Reale, de la Doire et du Diamant de San Benedetto. Cet ensemble fut complété plus tard (1832) par le Blockhaus, armé tout d’abord d’un canon de 9 AR/ Ret, puis par 4 mitrailleuses Maxim. En 1874, de gros travaux de modernisation modifièrent encore, au moins en partie, l’aspect du bastion. Ce furent 02 De Oulx à Susa Dans les murs du Fort d’Exilles. les dernières modifications apportées à la place forte, celles qui lui attribuèrent l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui. Au cours des travaux la Batterie Royale fut agrandie, on réalisa une position pour canons en barbette sur la terrasse du Cavalier et une casemate dans le Bas Fort. L’armement des différents secteurs fut renouvelé avec l’installation de 22 pièces d’artillerie (canons de 12 ARC/ Ret et de 15 GRC/Ret), et la garnison fut renforcée par un détachement d’infanterie outre un important contingent d’artilleurs qui prenaient en charge la gestion des bouches à feu. Le fort fut désarmé en 1915 mais fut utilisé jusqu’en 1934. L’histoire de la forteresse, cependant, ne se termina pas avec son démantèlement. Après des années de négligence et d’abandon, cette même place forte fut transformée en un important centre d’intérêt historique et touristique. Les premières interventions eurent lieu en 1978 sous l’égide de la Région Piémont. Suite à un accord signé avec l’Etat Défense pour une concession de prêt du fort, le programme de récupération de l’ouvrage démarra avec les travaux sur l’ex chapelle en la réhabilitant pour pouvoir accueillir des concerts et des conférences, ainsi qu’il en avait 28,1 km déjà été pour le fort de Fenestrelle. En avril 1996 une convention fut signée entre la Région et le Musée National de la Montagne de Turin pour la récupération et la valorisation des structures, en définissant l’ensemble en tant que place d’exposition, inaugurée au début de l’an 2000. Dans deux zones spécifiques du bastion, la zone des Canons et la zone dite du Diamant, se trouvent des expositions permanentes qui relatent l’histoire de l’uniforme des troupes alpines et de la forteresse ellemême. Le premier espace, particulièrement bien mis en scène, accueille une exposition d’uniformes militaires, sans pour autant tomber dans la rhétorique patriotique ou dans la banalité de la simple recherche esthétique. Dans ce cas précis des solutions audacieuses ont été élaborées, comme l’utilisation de 44 mannequins en pierre, la même pierre qui constitue le fort et dont était métaphoriquement constitué le caractère des montagnards qui, au cours des siècles, vêtirent ces uniformes. Le fil conducteur de cette exposition est représenté par un volume sur les Alpini écrit par Ernestino Chiappa, édité par le Musée National de la Montagne, duquel ont été tirées les images reproduites en peinture. Toujours dans la zone des Canons, l’espace dédié à la mémoire et au souvenir occupe une partie importante avec six groupes de soldats sculptés pétrifiés reproduisant les pensées, les aspirations, les peurs des soldats qui portaient ces uniformes. Il s’agit là de véritables moments figés à jamais de la vie militaire en montagne, liés au éléments symboliques de la montagne : fer, glace, roche, brouillard, neige et nuit. Afin de susciter une émotion plus crédible, la mise en scène prévoit non seulement des stimulations visuelles (projection sur les murs tout autour), mais aussi sonores (échos de tirs, ordres criés, des bruits de pas de marche, mélodies de chansons des Alpes). Dans le Diamant, par contre, c’est l’histoire de la forteresse qui est illustrée, en quelque sorte un récit qui suit un fil logique dont le conteur est la forteresse elle-même. Ces lieux sont meublés de façon sobre et rudimentaire ; six grandes maquettes racontent les évolutions de la place forte à travers les siècles, tandis que dans la grande pièce des cadres on peut voir les nombreux souverains qui furent les acteurs de l’évolution de la forteresse et de la vallée de Susa. La visite en traversant les salles et les couloirs du fort, dans lesquels une bonne partie de l’histoire de la vallée mais aussi de l’histoire piémontaise se fit, est chargée d’une grande émotion. 27 Juste avant de rejoindre la centrale, tourner à droite, retraverser la Doire et remonter sur une brève distance la route goudronnée qui mène au centre du village ; laisser la route non loin d’un virage, au croisement avec un chemin muletier qui remonte dans une forêt de feuillus. Une centaine de mètres plus haut, à un autre croisement, tourner à droite jusqu’à la petite place de la paroisse de Chiomonte et, de là, jusqu’à la rue principale qui traverse le village. En tournant à gauche nous passons devant deux magnifiques fontaines du XVIe siècle. Dans le centre du village, juste à coté de la Mairie, se trouve l’oratoire roman de Sainte-Catherine et, à coté, apparaît l’antique domus hospitalis construite pour accueillir les pèlerins qui descendent du Montgenèvre. Erigée au XIIe siècle, la structure appartint à l’Ordre de Jérusalem, puis devint siège épiscopal, lorsque la Prévôté d’Oulx fut supprimée. A l’intérieur de l’église, bien qu’ayant subi les torts du temps, nous pouvons encore admirer quelques fresques du XVe siècle illustrant les Apôtres. À la sortie de Chiomonte, parcourir la SS 24 (RN) en se dirigeant vers l’aval, sur environ 800 m. Une chemin piéton protégé par des barrières en bois longe cette portion de route. Arrivés à un croisement (panneau indiquant « Strada del Plans »), tourner à gauche et prendre une petite route bordée de très beaux murs en pierre sèche qui court dans un vignoble, caractérisée par la présence de nombreux ciabòt, petites constructions en 28 Extérieur et intérieur de l’oratoire de SainteCatherine à Chiomonte. pierre dans lesquels les viticulteurs entreposent leurs outils. Arrivés à un croisement, continuer à gauche en prenant un sentier qui pénètre dans la forêt et offre une jolie vue sur Giaglione et ses hameaux. Traverser un châtaignier planté d’arbres séculaires et suivre le sentier qui descend jusqu’à un élargissement où, non loin d’une panneau illustré, se trouve un autre croisement. En tournant à gauche, effectuer un virage à presque 180° pour prendre une petite route en terre qui monte dans la forêt jusqu’à côtoyer la ligne ferroviaire Turin-Lyon. Continuer en déviant vers la gauche et parcourir une partie du chemin à mi-pente qui offre un autre joli coup d’oeil sur la zone de Giaglione, la pointe Avanzà, le groupe du Rochemelon et les gorges de la Doire en contrebas. Arrivés à une deuxième route en terre, tourner à gauche et suivre une route pavée qui passe sous un très beau viaduc ferroviaire en pierre pour aller prendre, au fond d’une pente raide dans la forêt, une seconde petite route qui part sur la gauche. Cette dernière aboutit dans un sentier qui court à mi-pente au-dessus des gorges de la Doire avant d’arriver au grand bassin hydrique réalisé par l’ENEL (EDF) en amont de Susa. De là, descendre en empruntant un sentier qui traverse une forêt de buis dense pour rejoindre une petite route goudronnée qui nous mène rapidement sous l’Arc d’Auguste et arrive sur la place Savoia où s’élèvent la porte romane du même nom et la cathédrale Saint-Just (5 h 30 au total). Giaglione vue de la Via Francigena en descendant vers Susa. Susa : l’arc d’Auguste. 29 SUSA ET SES TRÉSORS D’ART D’un point de vue artistique, Susa a su conserver un grand nombre de témoignages de grande valeur se rapportant en fait à toutes les périodes de l’histoire : outre les monuments romains déjà cités, en centre ville il existe encore de nombreux édifices médiévaux comme la cathédrale Saint-Juste, église paroissiale faite érigée par Olderico Manfredi au XIe siècle et restructurée avec des formes gothiques au XIVe siècle. Sur le portail à l’entrée de cette dernière se trouvent deux fresques précieuses, le Triptyque du Rochemelon (exposé le 5 août de chaque année uniquement), un ouvrage en bronze sculpté en relief, porté au sommet de la montagne par Rotario d’Asti en 1358, un cœur en bois du XIVe siècle pro- venant de l’antique monastère de Santa Maria Maggiore et une toile de Defendente Ferrari (L’Adoration de Jésus). Non loin du principal temple de la ville, dans la rue Martiri della Libertà, on peut encore voir les restes du monastère de Santa Maria qui, de nos jours, a intégré la construction d’édifices plus récents. Le monastère, lui aussi datant du XIe siècle et dans lequel on ne dit plus messe depuis 1749, conserve un petit clocher fort élégant orné de petits arcs, très probablement remontant à l’époque de la construction même de l’église. Toujours en rapport avec l’architecture religieuse, il ne faut pas oublier l’ex église romane de San Saturnino (située en dehors de la ville), l’église de San Francesco d’Assisi à l’origine construite en tant que couvent à l’occasion du passage du saint dans la vallée ; l’église du Pont (Madonna de la Paix) érigée au XIIIe siècle et qui a su conserver des morceaux de fresques du XVIe siècle, l’ex petit temple de Saint-Paul dans lequel on ne dit également plus messe depuis 1749 ; la paroisse de Saint Evasio ; et les chapelles de la Consolata, de la Miséricorde, de Sainte-Croix (Traduerivi), des Saints Simon et Judas (Coldimosso), de Croaglie (de nos jours en ruines) et du Bienheureux Amédée, grand temple baroque jadis présent à coté du fort de la Brunetta, de nos jours quasi détruit. Le Musée Diocésain d’Art Sacré, exposition faste et intéressante, a été réalisé attenant à l’église baroque de la Madonna de la Paix (ou église du Pont). Parmi ses belles collections, il renferme entre autres le trésor de la Cathédrale de SaintJust, le trésor de l’église du Pont, orfèvres et statues religieuses. À Susa, l’architecture civile et militaire est représentée par de nombreux édifices et par quelques forteresses qui témoignent de Susa, clocher de la cathédrale de Saint-Just. 30 02 De Oulx à Susa 28,1 km Intérieur du Musée Diocésain de Susa. l’importance au cours des siècles derniers de cette petite ville située aux pieds des deux cols frontière très fréquentés que sont le Mont-Cenis et le Montgenèvre. Entre autres, à ne pas oublier, le château dit d’Adélaïde, construit probablement par les Ardouins sur les ruines d’un palais des rois des Alpes Cottiennes, en utilisant les tours de garde parties intégrantes des murs. Ce bastion qui fut plusieurs fois détruit puis reconstruit, perdit de son importance au XVIe siècle, suite à la construction de la citadelle de Santa Maria, bien qu’il conserve encore aujourd’hui une certaine importance. Toujours à propos de places fortes, il faut citer la tour de Traduerivi (qui appartint aux familles des Bartolomei et des de Rubeis), le fort Rocchetta (érigé en 1592 après l’attaque des Français de Lesdiguières et abandonné en 1629) et la plus récente redoute de Croaglie (dite la Bicocca) construite au XVIIIe siècle, mais qui fut abandonnée dès les débuts du XIXe siècle. En ville et dans ses alentours, se trouvent aussi la maison remontant aux années 1300 des Bartolomei, avec de beaux arcs à deux ouvertures, et la tour à horloge ainsi que ledit Bourg des Nobles, construit au XIIe siècle juste en dehors des murs des patriciens savoyards qui avaient laissé Chambéry pour suivre les Savoia à Susa. Enfin, non loin des ruines de l’aqueduc romain, on trouve des incisions néolithiques en forme de petites gouttières, vases et écuelles sur une grosse roche qui, très probablement, indiquent les sources que l’on pouvait trouver dans la zone. Fresque à l’extérieur de la cathédrale. La porte Savoia et l’entrée de la cathédrale de Saint-Just. 31
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