Le Credo des chrétiens - enseignement Catholique

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Le Credo des chrétiens - enseignement Catholique
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Journées ForFor Namur 23-24 janvier 2014
Le Credo des chrétiens, que donne-t-il à penser en post-modernité ?
LE CREDO DES CHRETIENS
André Fossion
Partons des deux versions du Credo en usage dans la liturgie actuelle
1. Le symbole des Apôtres
Constantinople(381)
et
le
symbole
de
Nicée
(325)-
La version brève est d’origine occidentale et de tradition liturgique. Elle est la mise en
forme dans un texte continu de la confession de foi baptismale sous forme dialoguée par
questions et réponses1.
La version longue est d’origine orientale et de tradition conciliaire. Ce symbole de
Nicée-Constantinople utilise un vocabulaire doctrinal et théologique. Il recourt au langage de
la philosophie grecque (homoousios, de même nature, par exemple). Il est le fruit de conciles
œcuméniques. Le Concile de Constantinople a complété le texte de Nicée en ajoutant
notamment des affirmations concernant la divinité du Saint Esprit. Au VIe siècle, en Orient, le
symbole de Nicée-Constantinople entrera dans la liturgie baptismale puis eucharistique. En
Occident, il entrera dans la liturgie eucharistique au VIIIe siècle.
Symbole des Apôtres
Credo de Nicée-Constantinople
Je crois en Dieu
Je crois en un seul Dieu,
le Père Tout-Puissant,
le Père Tout-Puissant,
Créateur du ciel et de la terre.
Créateur du ciel et de la terre
de l’univers visible et invisible.
Et en Jésus-Christ, son Fils unique
Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ
notre Seigneur,
le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles
Il est Dieu, né de Dieu,
Lumière, né de la Lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu,
engendré, non pas créé,
de même nature que le Père,
et par Lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut,
1
La "Tradition apostolique" d'Hippolyte (170-235) décrit la "tradition du saint baptême" où le Symbole
baptismal est présenté sous forme interrogative. Ce texte est l'ancêtre direct du "Symbole des Apôtres":
2
Il descendit du ciel ;
qui a été conçu du Saint-Esprit,
par l’Esprit Saint,
est né de la Vierge Marie,
Il a pris chair de la Vierge Marie,
et S’est fait homme.
a souffert sous Ponce Pilate,
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
a été crucifié, est mort
Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.
et a été enseveli,
est descendu aux enfers.
Le troisième jour est ressuscité des morts,
II ressuscita le troisième jour,
conformément aux Ecritures,
est monté aux cieux,
et Il monta au ciel;
est assis à la droite de Dieu le Père
Il est assis à la droite du Père.
Tout-Puissant,
d’où Il viendra juger les vivants et les morts.
Il reviendra dans la gloire,
pour juger les vivants et les morts;
et son règne n’aura pas de fin.
Je crois en l’Esprit Saint,
Je crois en l’Esprit Saint,
qui est Seigneur et qui donne la vie;
Il procède du Père et du Fils;
avec le Père et le Fils,
Il reçoit même adoration et même gloire;
II a parlé par les prophètes.
à la sainte Eglise catholique,
Je crois en l’Eglise,
à la communion des saints,
une, sainte, catholique et apostolique.
Je reconnais un seul baptême
à la rémission des péchés,
pour le pardon des péchés.
à la résurrection de la chair,
J’attends la résurrection des morts,
à la vie éternelle,
et la vie du monde à venir.
Amen.
Amen.
2. . Les origines du Credo : diverses confessions de foi
2.1.Dans les Ecritures :
3
- Formules unaires : "Jésus est Seigneur" - Rm 10,9; "Jésus est le Christ" - Ac 18,5 -; "Jésus
est le Fils de Dieu" - Ac 8,36-38
- Formules binaires : «Que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de
Dieu le Père. » Phil 2,11
- « Il n’y a pour vous qu’un seul Dieu, le Père de qui tout vient et vers qui nous allons, et un
seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes » 1 Co, 8,6 .
"Nul ne peut dire 'Jésus est Seigneur', si ce n'est par l'Esprit Saint" 1 Co 12,3.
« A vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ». Eph 1,1
- Formules ternaires.
« Il y a un seul Corps et un seul Esprit ; un seul seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un
seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous ». Ep 4,4;
« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu, et la communication du Saint
Esprit, soient avec vous tous! » 2 Co 13,14
- « Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » Mt 28,19-20.
- Formules kérygmatiques : « Je vous ai transmis ce que j’ai reçu : Christ est mort popur nos
péchés, selon les Ecritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour selon les
Ecritures. Il est apparu à Céphas, puis aux douze » (1Co, 15,3-5).
Ces formules de foi dans les Ecritures sont des traces d’acclamations dans la liturgie. Elles
sont aussi des attestations publiques de la foi chrétienne par opposition aux cultes païens.
2.2.Dans la tradition de l’Eglise primitive
Ignace d’Antioche (évêque dès les années 70)
"Soyez donc sourds quand on vous parle d'autre chose que de Jésus-Christ, de la race de
David, (fils) de Marie, qui est véritablement né, qui a mangé, qui a bu, qui a été véritablement
persécuté sous Ponce Pilate, qui a été véritablement crucifié, et est mort, aux regards du ciel,
de la terre et des enfers, qui est aussi véritablement ressuscité d'entre les morts. C'est son Père
qui l'a ressuscité, et c'est lui aussi, (le Père), qui à sa ressemblance nous ressuscitera en JésusChrist, nous qui croyons en lui, en dehors de qui nous n'avons pas la vie véritable" (Aux
chrétiens de Tralles. 9,1-2).
Clément de Rome (pape de 92 à 101)
"Pourquoi des querelles, des colères, des disputes, des scissions et des guerres parmi vous?
N'avons-nous pas un seul Dieu, un seul Christ, un seul Esprit de grâce qui a été répandu sur
nous et une seule vocation dans le Christ?" (Aux Cor. 46,5-6; cf. 52,8).
La Didachè : (fin du premier siècle2)
"Pour le baptême, baptisez de cette manière: après avoir dit auparavant tout ce qui précède,
baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit dans de l'eau courante" (Did. 7,1).
2
Premier document extra-canonique du christianisme primitif, pratiquement contemporain des livres qui
composent le Nouveau Testament. Selon les historiens qui ont cherché à fixer la date de sa rédaction, celle-ci se
situerait entre les points extrêmes de 70 et 150. Le mot grec Didachè, ou Didakhè, signifie Enseignement, ou
Doctrine. Le manuscrit retrouvé est intitulé : Enseignement des douze Apôtres. En dehors de cette indication du
titre, les douze apôtres ne sont jamais mentionnés dans le texte lui-même. Cela fait supposer que ce titre est dû à
un copiste
4
Irénée : (évêque de Lyon - 120-202)
"Et voici la règle de notre foi, le fondement de l'édifice et ce qui donne fermeté à notre conduite:
Dieu Père, incréé, qui n'est pas contenu, invisible, un Dieu, le créateur de l'univers; tel est le tout
premier article de notre foi.
Mais comme deuxième article: le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, Christ Jésus Notre-Seigneur,
qui est apparu aux prophètes selon le genre de leur prophétie et selon l'état des économies du
Père; par qui toute chose a été faite; qui, en outre, à la fin des temps, pour récapituler toute
chose, s'est fait homme parmi les hommes, visible et palpable, pour détruire la mort, faire
apparaître la vie et opérer une communion de Dieu et de l'homme.
Et comme troisième article: le Saint-Esprit par lequel les prophètes ont prophétisé et les Pères
ont appris ce qui concerne Dieu et les justes ont été guidés dans la voie de la justice et qui, à la
fin des temps a été répandu d'une manière nouvelle sur notre humanité pour renouveler l'homme
sur toute la terre en vue de Dieu" (Démonstr. Prédic. Apost. n°6).
Hyppolyte (prêtre à Rome, 170-235)
La "Tradition apostolique" d'Hippolyte est le premier document de recueils liturgiques, après
la Didachè. Y est décrit la "tradition du saint baptême" où le Symbole baptismal est présenté
sous forme interrogative (cf. Trad. apost. 21). Ce texte est l'ancêtre direct du "Symbole des
Apôtres":
"- Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant?
- Je crois.
- Crois-tu au Christ-Jésus, Fils de Dieu, qui est né par le Saint-Esprit de la Vierge Marie, a été
crucifié sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité le troisième jour vivant d'entre les morts, est
monté aux cieux et est assis à la droite du Père; qui viendra juger les vivants et les morts?
- Je crois.
- Crois-tu en l'Esprit Saint dans la sainte Eglise ?
- Je crois".
Extrait du site « Croire.com »
Comment le Credo a-t-il été élaboré ?
Né au IIe siècle, le Symbole des Apôtres s'est peu à peu enrichi, jusqu'au VIe siècle. Le
Symbole de Nicée-Constantinople, lui, répond aux disputes théologiques sur la nature du Christ,
qui ont fait rage aux IVe et Ve siècles...
Deux textes se sont imposés dans l'Église, issus des formules baptismales. Le Symbole des
apôtres est né vers le IIe siècle. À Rome, il a été enrichi et s'est répandu dans tout l'Occident. Il
a été fixé sous sa forme actuelle vers le VIe siècle, et sa popularité doit beaucoup à
Charlemagne.
L'Église d'Orient ne connaît en revanche que le symbole de Nicée-Constantinople, rédigé lors
des conciles œcuméniques tenus en 325 et 381 dans ces villes, à partir d'un texte d'Eusèbe de
Césarée, qui était probablement la profession de foi baptismale en usage dans l'Église de
Jérusalem. L'élaboration de ce texte, qui est reconnu comme le symbole œcuménique de l'unité
de l'Église dans la foi, eut d'emblée la perspective de l'unité des chrétiens. En effet, il s'agissait
pour l'Église du IVe siècle, traversée par les controverses doctrinales, de contrer l'hérésie
d'Arius. Le texte rédigé à Nicée et complété à Constantinople statue ainsi sur la nature
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pleinement divine et pleinement humaine du Christ, précisant que le Père et le Fils sont de
même nature, et enfin que les trois personnes de la Trinité sont égales.
Malgré la prétention de ce texte à l'unité, les controverses et les divisions ont perduré dans
l'Église, surtout en Orient. Les plus célèbres ont été les disputes autour des doctrines de
Nestorius (Ve siècle), qui clamait la dualité des natures divine et humaine dans le Christ, puis
celles autour du monophysisme (ne reconnaissant au contraire au Christ qu'une seule nature)
lors du concile de Chalcédoine (451), ainsi que la dispute du Filioque, nuance théologique
répandue à partir de l'Espagne au VIe siècle, et qui atteste que l'Esprit Saint "procède du Père et
du Fils".
3. Les quatre fonctions du Credo
Le Credo a une quadruple fonction.
3.1. Le Credo a tout d’abord une fonction symbolique. Le Credo est un « symbole » au sens
étymologique de « signe de reconnaissance ». « Sumballein » signifie, en grec, « mettre
ensemble ».
« Le symbole est un gage de reconnaissance, un objet coupé en deux et distribués entre deux
partenaires alliés qui devaient conserver chacun leur part et la transmettre à leur descendants de
telle sorte que ces éléments complémentaires à nouveau rapprochés, permettaient par leur
ajustement réciproque de faire reconnaître les porteurs et d’attester les liens d’alliance
contractés antérieurement. Le sym-bolon consiste donc dans la corrélation entre des éléments
sans valeur isolée, mais dont la réunion (sym-ballô) ou l’ajustement réciproque permet à deux
alliés de se faire reconnaître comme tels, c’est-à-dire comme liées entre eux (sym-balonntes,
contractants).3 »
Le Credo a fonction symbolique au sens où il est un signe (comme le signe de la croix,
l’Eucharistie, la lecture des Ecritures) qui permet aux chrétiens de se reconnaître. A quoi
reconnaît-on les chrétiens ? Au fait, notamment, qu’ils proclament le même Credo.
Le Credo permet ainsi de tracer des limites entre ceux et celles qui appartiennent à la
communauté des chrétiens. Le Credo ne s’impose pas et n’impose rien. L’appartenance à la
foi chrétienne est un acte éminemment libre.
Proclamer le Credo dans l’assemblée liturgique, c’est d’abord attester sa libre
appartenance à la communauté de ceux et celles qui se réclament de Jésus-Christ, même si on
ne comprend pas tout du Credo, même si des points du Credo restent difficiles à comprendre.
3.2. Le Credo est également symbolique au sens où il rassemble en un texte bref l’essentiel
des affirmations de la foi. Il est en ce sens un « résumé » de la confession de foi chrétienne.
Il est un acte d’interprétation de l’Ecriture. Le Credo exprime la totalité de la foi en une unité
simple. Il est la matrice de l’enseignement catéchétique.
3.3. Le Credo est dit aussi « règle de foi ». Il n’enferme pas la foi dans le texte qui la
définirait de manière fixiste. Il est plutôt une « règle » qui ouvre le jeu de la pensée de la foi,
qui dit ce qui est à penser à approfondir, à interpréter, sans en limiter ni fixer le sens a priori.
3
Edmond Ortigues, Le discours et le symbole, Paris, Aubien 1961, pp.60.61.
6
Le Credo, en ce sens, donne à penser ; Le Credo ne ferme pas la pensée : il dit ce qui est et
reste à penser. Une « règle » est ce qui ouvre le jeu, et les parties de jeu peuvent être
différentes mais néanmoins sous la même règle. Ainsi peut-on avoir des théologies différentes
mais qui peuvent se tenir sous la règle.
3.4. Enfin, le Credo joue un rôle d’attestation publique de ce que confessent les chrétiens.
Tous – croyants ou non – peuvent lire dans le Credo l’objet essentiel de la foi chrétienne qui
la distingue d’autres fois religieuses ou convictions. En tant qu’attestation, le credo reste liée à
la proclamation orale. Comme le dit Marguerite Léna : « Ces textes (du Credo) sont faits pour
être confiés à la mémoire plutôt qu’à l’écriture, et pour être prononcés en public. Ils associent
ainsi la dimension la plus intérieure et singulière de l’adhésion de foi avec sa dimension
publique, ecclésiale et collective »4.
Note sur le dogme :
Le mot « dogme » vient du verbe grec « dokein » qui signifie « sembler », « avoir une
opinion ». Dans la communauté chrétienne, après avoir débattu ensemble des questions
relatives à la compréhension de la foi, les conciles dont émis des textes qui semblaient
pouvoir exprimer le mieux la foi de tous, dans les questions du moment et dans le langage de
l’époque. Originellement, le dogme peut être donc compris comme « ce qui semble (dokein,
dogma) le mieux exprimer la foi de tous ». Ces consensus ainsi élaborés dans le débat ont
alors été considérés comme des points de références incontournables pour penser la foi ; ils
ont pris alors le sens normatif de « édits », « décrets », « canons », « règles ». Mais, ces
« édits » ne figent pas l’intelligence de la foi ; ils disent ce qui est à penser et à repenser
toujours à nouveau dans la fidélité à une tradition de foi. Voici un texte de Jacques Gaillot
qui explique bien les choses :
« Lorsque les chrétiens voulurent parler de leur expérience religieuse, entre eux ou à leur entourage, ils
commencèrent par se raconter leur découverte de Jésus en centrant son histoire sur sa mort et sa résurrection,
puis en l'étendant à ses propos et à ses gestes. Cette "narration" était aussi appel à la conversion.
Par la suite, ils rédigèrent des textes grâce auxquels tous les croyants pouvaient confesser une même foi (ce
qu’on appelle des "symboles").
Mais un symbole peut être compris de façons très diverses. D'où le besoin de préciser intellectuellement ce qu'on
veut dire par des "définitions" exprimant le "dogme". Ce mot désigne la règle de foi que reconnaît le groupe
religieux après en avoir débattu.
Etant donné que les définitions dogmatiques répondent aux questions posées dans le cadre d'une culture précise,
leur langage reste relatif. Mais jalonnant l'approfondissement de la foi de l'Eglise, elles restent à jamais des
points de références. C’est comme telles qu'elles sont "officialisées" (déclarées de foi).
En même temps, langage d'homme, le dogme est toujours susceptible de progrès, de reformulations profondes,
tant l'évolution du sens des mots, leur usure, risquent à la longue de trahir le sens originel ou de le rendre
incompréhensible.
Attention alors à ne pas réduire le dogme à un vénérable fossile sans signification réelle dans l'existence
quotidienne. On déboucherait sur le "dogmatisme", attitude rigide qui consiste à imposer des formules toute
4
Marguerite LENA, « Aux sources de notre identité de croyants : le Credo », in Vers de nouveaux visages
d’Eglise. Quarante ans près le concile Vatican II : la mission du catéchuménat. Université d’été 2005, Service
National du Catéchuménat, Paris, 2005, p.103.
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faites et intemporelles plaquées de l'extérieur, mais sans insertion possible dans la vie de ceux qui les entendent;
ce sont des "réponses" qui ne répondent plus à aucune interrogation vraie, qui étouffent même les questions
vitales avant qu'elles aient pu s'exprimer. On peut en faire un catalogue qu'on laissera dans un placard en
attendant d'avoir à le ressortir pour juger les hérétiques; on n'en vit pas. On croit savoir des vérités, mais on ne
"fait" pas la vérité. Cela ne peut que tuer l'intériorité.
Mémoire du passé de la communauté, le dogme appelle les croyants à une réappropriation grâce à laquelle ce qui
est ancien peut rejaillir en nouveauté. Il est alors porteur de vie.
Jacques Gaillot
http://www.partenia.fr/c_9712f.htm
4. La triple structuration du Credo
4.1. Le Credo manifeste une triple structuration
1. La première structure est trinitaire ; Dieu est confessé comme unique mais cette
unicité de Dieu se donne à penser comme une communion aimante de trois personnes
distinctes : Père, Fils et Esprit.
2. La deuxième structure est narrative. Le Credo, en effet, raconte l’histoire du salut
depuis l’origine de la création jusqu’à son aboutissement dans le Royaume à venir. Au centre
de cette histoire, apparaît la figure du Christ, le Fils de Dieu fait chair, annoncé par les
prophètes, crucifié sous Ponce Pilate, ressuscité d’entre les morts le troisième jour et ouvrant
le temps de la mission de l’Eglise dans le monde dans l’espérance du monde à venir.
3. L.a troisième structure du Credo est énonciative. Elle indique un mouvement
d’appropriation de la foi par un « je », en Eglise et au sein du « nous » de l’humanité. Le
Credo, en effet, parle non seulement de l’objet de la foi (son contenu), mais aussi des sujets
qui se l’approprient, en vivent et en témoignent. Dans ses marques d’énonciation, le Credo
atteste l’émergence de « je » croyants, constituant ensemble l’espace communautaire de
l’Eglise et communiquant à tous le message que ce même Credo énonce.
4.2. La confession de foi chrétienne, révélation du mystère de la communication en
Dieu, de Dieu, selon Dieu
Cette triple structuration du Credo peut être relue dans une optique de communication.
Cette relecture est très importante aujourd’hui, car nous sommes dans une culture façonnée
par la pratique, par les exigences et aussi par les difficultés de la communication. Dans cette
culture, nous avons besoin de redécouvrir le christianisme comme la révélation du mystère de
la communication dans lequel nous sommes pris ; et non seulement comme révélation, mais
aussi, en conséquence, comme une pratique, comme manière d’être en communication,
comme « style5 » ou, en d’autres termes, comme une manière d’habiter le monde.
Aussi, dans ce contexte culturel, sur le plan pastoral et catéchétique, est-il déterminant
aujourd’hui ce comprendre que la foi chrétienne, en ses dogmes mêmes - c’est-à-dire en ses
affirmations fondamentales exprimées dans le Credo - loin de freiner la communication, en
5
Cf ; Christoph THEOBALD, Le christianisme comme style. Une manière de faire la théologie en
postmodernité, collection Cogitatio Fidei, 2 volumes, n°260-261, Le Cerf, Paris, 2008.
8
révèle le mystère puisqu'elle parle de Dieu en termes de communication, promeut la
communication jusqu’à l’extrême et lui ouvre des perspectives insoupçonnées.
Le Credo, en effet, selon la triple structuration que nous avons relevée, loin de bloquer
la communication dans le dogmatisme, parle du mystère de la communication et la pousse
jusqu’à l’extrême. Il parle d’un Dieu qui est en lui-même une unité aimante de
communication (la Trinité), qui se communique (histoire du salut) et donne de vivre en
communication (la vie humaine et son épanouissement possible dans la foi). Ainsi, à partir du
Credo, c’est l’ensemble du mystère chrétien qui peut être compris comme mystère de la
communication en Dieu, de Dieu et selon (dans l’Esprit) de Dieu.
5. Le Credo dans la genèse et dans la maturation de la foi
5.1. Pour naître à la foi, en recevoir les mots (traditio)
La confession s’inscrit toujours dans un dialogue ; elle advient comme une réponse à un
appel. La confession de foi, en effet, est toujours précédée par le témoignage d’autres
croyants. Elle est une réaction à une proposition et une réponse à une question : « Crois-tu, toi
aussi ? » La liturgie baptismale garde cette forme dialoguée : « Croyez-vous ? » - « Nous
croyons ». Cette forme dialoguée est d’ailleurs celle que l’on trouve dans l’Evangile lui-même
lorsque Jésus interpelle ses disciples et suscite la confession de foi de Pierre: « Et vous, que
dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Réponse : « Tu es le Christ de Dieu » (Lc 9,20). La
confession de foi est donc toujours une réponse à une question devant quelqu’un qui la pose.
Mais cette confession de foi, bien entendu, ne se fait pas de manière immédiate. Elle
passe, au préalable, par une conversation avec d’autres et par un apprentissage des mots pour
dire la foi. De même que l’on apprend une langue en la recevant de ceux et celles qui nous
précèdent, ainsi, pour accéder à la confession de foi, faut-il nécessairement que d’autres nous
en parlent, nous initient au langage de la foi et nous prêtent les mots pour la dire. A cet égard,
on peut considérer la catéchèse, comme l’apprentissage du langage qui permet de nommer les
choses de la foi, de les distinguer, de les repérer, de les comprendre, de les articuler, de les
vivre et de les redire aussi de manière personnelle. Songeons au catéchuménat des adultes : la
foi que les nouveaux baptisés proclameront solennellement le jour de leur baptême aura été
précédée par une longue lecture des Evangile, par une catéchèse autour du Credo (qui
interprète de manière condensée les Ecritures) et par le rite de la « traditio symboli ». Cette
catéchèse déploie devant le catéchumène les mots de la foi afin qu’il puisse la comprendre, se
l’approprier et la confesser à la première personne en Eglise « Les mots du Credo, reçus
d’autres, font passer la conscience du catéchumène d’une attente obscure de Dieu, incapable
de se formuler elle-même par elle-même, à un acte explicite de nomination, ou encore de
l’appréhension confuse du mystère chrétien à sa formulation précise, selon une configuration
de sens dont l’Eglise est la gardienne 6». Le rite de la Traditio-Redditio Symboli est expressif,
précisément, de l’apprentissage du langage de la foi qu’on reçoit toujours des autres et que
l’on reprend à son compte, d’abord par imitation, mais ensuite de manière personnelle et
créative. Comme dans tout apprentissage, en effet, il y a nécessairement, s’agissant de la foi,
un aspect de répétition. Répéter le Credo de l’Eglise, c’est d’une part, reconnaître que la foi
nous précède et qu’on la reçoit de l’Eglise avec les mots pour la dire. C’est aussi un acte
symbolique de communion dans une même foi. C’est pourquoi le Credo se répète dans la
6
Marguerite LENA,op.cit.,p.102.
9
liturgie de manière inchangée. Le croyant, cependant, n’est pas contraint à la répétition ; il est
aussi appelé à s’approprier les mots et les expressions de la foi d’une manière personnelle et
inventive mais d’une manière qui reste « réglée » par la foi commune
5.2. Pour grandir dans la foi
Le Credo est répété à chaque assemblée eucharistique dominicale. Il clôture la liturgie
de la Parole et introduit ainsi à la liturgie eucharistique. Cette proclamation liturgique du
Credo est particulièrement solennisée lors de la veillée pascale.
La préparation des communautés à célébrer la Pâque peut être l’occasion d’une
catéchèsecatéchèse organique et systématique qui invite les chrétiens à être capables « de
rendre raison de leur foi » à leurs propres yeux comme dans le dialogue avec autrui. Parce que
le texte du Credo est difficile, il ouvre précisément l’espace pour un travail exigeant et
salutaire de raison. Il s’agit de mettre en chantier ses propres représentations à propos des
affirmations essentielles de la foi (création, révélation, incarnation, rédemption, résurrection,
jugement, fins dernières) de telle sorte que ces représentations soient en l’honneur de Dieu et
l’homme et que la foi puisse être ainsi éprouvée comme bonne, salutaire et désirable. Pouvoir
« rendre raison » de la foi, c’est aussi se montrer capable de réexprimer de manière
personnelle la foi de tous, symbolisée par le Credo.
Mais ces professions de foi personnalisées ne devront jamais être produites ou
entendues comme remplaçant le Credo de tous. Au contraire, elles n’auront de sens et de
pertinence qu’en s’appuyant sur le Credo en tant que « règle » et symbole de la foi de tous les
chrétiens. En d’autres termes, il ne faudra jamais mettre en concurrence le Credo et les
professions personnalisées de foi sous prétexte que le premier serait démodé ou difficile à
comprendre. Ce serait dévaloriser le premier en lui enlevant son rôle de règle et de symbole.
Et ce serait aussi dévaloriser les secondes en les réduisant à une expression subjective d’une
foi purement individuelle. Il convient donc de favoriser les expressions personnelles de la foi
mais d’une manière qui « symbolise » avec le Credo de l’ensemble de la communauté
ecclésiale.
Il serait pertinent de multiplier, à Pâques, les professions de foi solennisées selon les
âges et les circonstances. Il y a une tendance aujourd’hui à retarder de plus en plus la
confirmation, pour la rendre plus personnelle et plus engageante, au risque, cependant, de
désarticuler l’unité des trois sacrements de l’initiation et de réserver la confirmation à une
élite. Au lieu de postposer la confirmation, ne serait-il pas plus opportun de multiplier pour les
personnes les occasions de profession de foi aux différents âges-charnières7 de l’existence
(12, 18, 25 ans, …) ou selon les circonstances de la vie (épreuve, déplacement, nouvelle
fonction, etc) ? Ces professions de foi solennisées, préparées par des catéchèses appropriées,
pourraient rejoindre la profession de foi solennelle de toute la communauté à Pâques.
André Fossion
Outils pédagogiques en video :
-
7
Voir KTO La foi prise au mot . Le Credo
http://www.ktotv.com/videos-chretiennes/emissions/la-foi-prise-au-mot/la-foiprise-au-mot-credo/00056950
Voir à ce propos le chapitre 10.
10
-
Voire « croire.com » http://mesvideos.croire.com/video/3446a3f3a1fs.html
http://www.croire.com/Definitions/Mots-de-la-foi/Credo/Naissance-du-Credo