Les marchands de toiles d`Amanlis

Transcription

Les marchands de toiles d`Amanlis
Université Rennes 2 – Haute Bretagne
Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO
Thomas P ERRONO
Les marchands de toiles d’Amanlis
Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles
1750 – v. 1900
Sous la direction de M. Yann LAGADEC
Master 2 Histoire, sociétés et cultures
Septembre 2011
Université Rennes 2 – Haute Bretagne
Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO
Thomas P ERRONO
Les marchands de toiles d’Amanlis
Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles
1750- v. 1900
Tome 1
Sous la direction de M. Yann LAGADEC
Master 2 Histoire, sociétés et cultures
Septembre 2011
A Olivia,
A ma famille,
A mes ancêtres Perrono,
tisserands au village de Kervihan en Guénin (56).
En couverture : Carte postale de la halle de Janzé, début du XXe siècle, éd. Mary-Rousselière, Rennes.
REMERCIEMENTS
Ce travail de recherche n’aurait pas été possible sans l’aide constante ou occasionnelle
de nombreuses personnes.
Je tiens, tout d’abord, à montrer ma gratitude envers M. Yann Lagadec qui m’a
proposé ce sujet et m’a appris l’exigence du travail de la recherche historique avec une
disponibilité de tous les instants. Je lui suis aussi redevable de m’avoir encouragé et conseillé
lors de ma participation au colloque « Industrie et monde rural en France de l'Antiquité au
e
XXI
siècle », qui s’est tenu à Limoges du 30 septembre au 2 octobre 2010.
Je remercie l’ensemble du personnel des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine et
M. Renan Donnerh, bibliothécaire du CERHIO, pour leur disponibilité.
Ce travail ne serait également rien sans le soutien de mes parents et d’Alban, qui n’ont
eu de cesse d’alimenter ma passion de l’histoire tout au long de mon enfance.
Mes amis bretons, normands, poitevins et d’ailleurs, du master Histoire, sociétés et
cultures, trouvent évidemment leur place ici, pour la saine émulation qui nous a animée aux
Archives départementales.
Enfin, et surtout, je pense à Olivia qui m’a apporté un soutien indéfectible, une écoute
délicate et une aide précieuse tout au long de ce travail. Je lui promets de ne plus passer,
désormais, tout mon temps à Amanlis en compagnie de Jean-Baptiste Chevrel et de PierreAntoine Arondel.
Remerciements | 3
AVERTISSEMENTS
Afin d’alléger la lecture de notre travail, nous avons utilisé un certain nombre de
signes et d’abréviations, que voici :
Les références d’archives
ADIV : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine
AMR : Archives municipales de Rennes
Les abréviations bibliographiques
AB : Annales de Bretagne
ABPO : Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest
AESC : Annales Economies, Sociétés, Civilisations
AHSR : Association d’Histoire des Sociétés Rurales
BMSAHIV : Bulletins et mémoires de la Société Archéologique et Historique d’Ille-etVilaine
MSHAB : Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne
PUF : Presses Universitaires de France
PUR : Presses Universitaires de Rennes
RB : Revue de Bretagne
RN : Revue du Nord
Les abréviations généalogiques
° : né à la date du ; ¤ : marié à la date du ; † : décédé à la date du.
La monnaie de compte
L : livre tournoi ; s : sou ; d : denier ; fr : franc.
Avertissements | 4
INTRODUCTION
Entre les
e
XVI
et
e
XVIII
siècles, la Bretagne a été une grande région productrice de
toiles, au cœur d’un espace de production textile plus large englobant l’ouest de la France. J.
Tanguy explique que « le climat océanique dominant en Bretagne, doux et humide, convient
bien à la culture du lin et du chanvre », les deux plantes qui servent à confection des toiles.1 Il
en est de même pour les conditions géologiques avec des sols fertiles le long de la côte nord et
dans le bassin de Rennes, fertilité due à « des placages de lœss, provenant des fonds marins de
la Manche asséchée au quaternaire. »2 A côté des deux importantes manufactures rurales
linières, que sont celles des « crées », produites dans le Léon, ainsi que celles des
« bretagnes », produites en Centre-Bretagne, on trouve d’autres zones de productions toilières,
notamment celle des toiles de chanvre qui nous intéressent plus particulièrement ici. Ces
toiles à voiles sont principalement produites dans les paroisses rurales du triangle
Rennes/Vitré/La Guerche. Celles de Noyal, Châteaugiron, Piré, Janzé et Amanlis constituent
le cœur de cette manufacture rurale.3
Amanlis est d’ailleurs décrite dans les années 1840-1850, par A. Marteville et P.
Varin, correcteurs du Dictionnaire historique et géographique de Bretagne d’Ogée, comme
un « pays [où l’on] produit encore […] beaucoup de chanvre : aussi dans presque toutes les
fermes on fabrique des toiles à voiles. Il y a au village de Néron une blanchisserie de fil
considérable. »4 Cette paroisse, devenue commune après la Révolution, se situe entre les deux
grosses paroisses toilières de Châteaugiron et de Piré-sur-Seiche. Elle est éloignée de
seulement une vingtaine de kilomètres de la ville de Rennes et de ses halles aux toiles. Nous
n’avons que très peu d’éléments sur l’histoire d’Amanlis, mis à part une monographie de R.
1
TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16 e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994,
p. 9.
2
Ibid., p. 10.
3
Cf. annexe n°1.
4
OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE
Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853, tome 2, p. 39.
Introduction | 5
Chabirand, un érudit local.5 D’après son ouvrage, la culture des plantes textiles (lin et
chanvre) serait pratiquée depuis l’époque médiévale à Amanlis, elle se développe ensuite,
après 1500, favorisée par l’industrie des toiles à voiles « canevas » originaire de Vitré, puis au
e
XVII
siècle avec l’arrivée des « noyales », de la paroisse voisine de Noyal-sur-Vilaine.
Cependant, nous n’avons pas pour but de faire, comme R. Chabirand, une simple
histoire locale d’Amanlis. Notre étude entend apporter sa contribution à l’historiographie de la
proto-industrie textile des campagnes du sud-est de Rennes, qui n’est pas aussi approfondie
que celle des manufactures des « crées » dans le Léon, ou des « bretagnes » aux alentours de
Quintin/Uzel/Loudéac, comme ont pu le remarquer Y. Lagadec et D. Pointeau, qui se
proposent, dans un article publié en 2006 dans les Mémoires de la Société Historique et
Archéologique de Bretagne, d’établir un bilan des connaissances actuelles sur la manufacture
des toiles à voiles. Les deux historiens constatent alors « une connaissance par trop
impressionniste de la production textile des campagnes des environs de Vitré, […] une
production rarement étudiée pour elle-même. »6 Ils suggèrent également qu’il existe un mode
de production spécifique à cette manufacture des toiles à voiles, qui repose sur deux
éléments : tout d’abord, la pluri-activité des acteurs de la production textile, ceux-ci seraient
des paysans qui trouvent dans la production des toiles à voiles une source de revenus
supplémentaires lorsqu’ils désertent les travaux des champs ; ensuite, le soutien de l’Etat dans
ces commandes de voiles pour la Marine pendant tout le XVIIIe siècle et la première moitié du
XIX
e
siècle, ce qui aurait permis de « garantir une activité plus durable à défaut d’être aussi
soutenue que dans le Léon et en Centre-Bretagne. »7
Conjointement à ce volet plus économique de l’histoire de la manufacture des toiles à
voiles, notre travail entend également être une histoire sociale d’une petite élite rurale : les
marchands de toiles. Ces derniers sont considérés comme les véritables moteurs de l’industrie
textile des paroisses rurales du sud-est de Rennes. La compréhension du fonctionnement du
groupe social qu’ils composent nous permettra de saisir l’évolution du système productif de la
manufacture. Nous n’avons pour l’instant que très peu d’informations sur les marchands de
toiles à voiles. Sont-ils de riches marchands-fabricants à l’image des Juloded léonards, ou
5
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968.
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré
(XVIe-XIXe siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 181.
7
Ibid., p. 196.
6
Introduction | 6
bien de petits paysans-marchands pluri-actifs ? Il sera d’ailleurs nécessaire d’aborder un
certain nombre de questions : quelle place occupent les marchands dans le système productif
et commercial des toiles à voiles ? Forment-ils un groupe homogène financièrement avec un
niveau de richesse plus élevé que le reste de la population paysanne d’Amanlis ? Mettent-ils
en place des stratégies matrimoniales et de reproduction sociale afin de maintenir en place
leur groupe social ? Exercent-ils une influence politique sur les institutions locales, tant
paroissiales sous l’Ancien Régime, que communales après la Révolution ? Ont-ils investi leur
richesse dans un patrimoine foncier, immobilier et mobilier conséquent et original ? Ont-ils eu
une influence sur le patrimoine religieux de leur paroisse ?
Le cadre chronologique de notre étude s’étend sur environ un siècle et demi, entre
1750 et la fin du
XIX
e
siècle. On remarquera que nous avons sciemment choisi de dépasser
« la césure académique entre les périodes moderne et contemporaine »8, afin de pouvoir
étudier le second essor de la manufacture dans le second quart du
XIX
e
siècle, puis son déclin
progressif jusque dans les années 1860. Alors, pourquoi étendre l’étude au-delà de la
disparition de la manufacture des toiles à voiles ? De manière à saisir l’effet d’inertie exercée
par cette production toilière, désormais abandonnée, sur la société rurale d’Amanlis,
notamment lors de la reconversion professionnelle des anciens marchands et de leur
descendance.
La production textile a suscité un certain nombre d’études depuis la fin du
XIX
e
siècle.
Mais elles ont porté des regards différents sur cette industrie : le temps des premières
connaissances fin
XIX
e
, début
e
XX
siècle, l’histoire économique dans les années 1960, puis
l’arrivée de la « Nouvelle histoire » dans les années 1980 qui a posé un regard plus social
pour essayer de comprendre les mentalités des acteurs de l’industrie textile.
Nous avons évoqué à plusieurs reprises le concept de proto-industrialisation. Il a été
forgé par l’historien américain, F. Mendels, dans sa thèse soutenue en 1969 à l’université du
Wisconsin.9 Elle désigne une première phase de modernisation industrielle pendant laquelle
8
Ibid., p. 181.
MENDELS Franklin, Industrialization and population pressure in XVIII th century Flanders, thèse de doctorat,
univ. Wisconsin, 1969.
9
Introduction | 7
les industries rurales sont perçues comme une étape préalable à la révolution industrielle.10
Mendels propose que l’on analyse la proto-industrialisation comme la combinaison de quatre
critères interdépendants :
1- Les productions réalisées par les artisans et paysans ruraux doivent être destinées au
commerce sur des marchés situés en dehors du cadre spatial local, voire à l’étranger. On ne
doit pas être en présence d’une activité qui permette uniquement l’autosubsistance des
paysans, par exemple de se vêtir dans le cas des industries textiles.
2- Cette proto-industrialisation doit impliquer les paysans dans son système de production.
Ceux-ci deviennent alors acteurs de l’artisanat rural, en plus de leurs activités agricoles. Ils y
trouvent ainsi des revenus de compléments. Cette production est hiérarchisée : la ville joue un
rôle de marché pour les productions rurales et de contrôle qualitatif des marchandises. Les
paysans viennent à la ville vendre directement leur production dans le cadre du Kaufsystem,
ou bien font appel à des « marchands-fabricants » de la ville lorsque l’on se trouve dans le
Verlagssystem ou le putting out system.
3- L’agriculture et l’industrie sont liées : les paysans ont besoin de revenus de complément,
à cause des tailles insuffisantes de leurs exploitations. Ils les trouvent en fabriquant des
produits commercialisés (toiles à voiles dans notre étude) à des moments de l’année où les
travaux des champs sont interrompus.
4- La proto-industrialisation doit se concevoir à une échelle régionale. Il existe une véritable
complémentarité des productions à cette échelle, entre « terre riche d’agriculture commerciale
et terre pauvre d’agriculture de subsistance ; paysage de grandes fermes cultivées par des
ouvriers salariés et de petites fermes familiales. » Les relations entre les villes et les
campagnes environnantes forment « la structure élémentaire de la proto-industrialisation. » Ce
que Mendels résume ainsi : « la région est la molécule, ses zones rurales internes différenciées
en sont les atomes, dont la ou les villes forment le noyau. » 11
L’historiographie de l’industrie textile bretonne se concentre principalement autour
des deux manufactures linières des « crées » dans le Léon et des « bretagnes » en CentreBretagne, à travers notamment les ouvrages de références que sont Quand la toile va.
L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, de J. Tanguy et Toiles de Bretagne. La
10
MENDELS Franklin, « Des industries rurales à la proto-industrialisation, histoire d’un changement de
perspective », AESC, septembre-octobre 1984, p. 988.
11
Ibid., p. 988.
Introduction | 8
manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac 1670-1830, de J. Martin.12 Ces deux ouvrages
proposent les mêmes grilles d’analyses. Ils s’intéressent aux aspects économiques, sociaux,
culturels et patrimoniaux des manufactures. Ainsi, ils rentrent dans le débat de la protoindustrialisation proposé par Mendels, tout comme ils abordent les questions des mentalités et
de la culture matérielle. Nous verrons, au cours de notre étude, si nous pouvons appliquer
entièrement ces mêmes grilles d’analyses à la manufacture des toiles à voiles, ou bien si elle
comporte des spécificités dans son fonctionnement économique notamment. A côté de ces
deux ouvrages, nous trouvons également d’autres études universitaires dans le cadre de
mémoires de master, notamment celui d’Anthony Guillemot, soutenu en 2007, et qui avait
pour objectif d’étudier la relation entre richesse produite par le commerce des toiles et
entreprise de chantiers paroissiaux, au cœur de la manufacture des toiles « bretagnes ». En
fait, il a appliqué à cette manufacture la réflexion de Jean Tanguy.13
Si les manufactures de toiles des « crées » et des « bretagnes » ont été largement
étudiées, ce n’est pas le cas de la manufacture des toiles à voiles, qui se situe dans les
paroisses rurales de l’évêché de Rennes. Il n’existe qu’un nombre restreint d’études anciennes
et qui nécessitent d’être réactualisées. L’une des plus anciennes est celle du vitréen Edouard
Frain de la Gaulayrie à la fin du
XIX
e
siècle.14 Cet ouvrage est très marqué par l’école
méthodique de C. Seignobos. Sinon, nous devons alors nous contenter d’études partielles,
souvent insérées au sein d’ouvrages consacrés aux autres manufactures. Comme, par exemple,
dans la monographie de R. Chabirand sur Amanlis, qui livre – sans citer ses sources –
plusieurs éléments factuels sur la production des toiles à voiles et des marchands de la
paroisse/commune.15 J. Tanguy, dans son ouvrage sur l’industrie toilière bretonne, évoque
également la production de toiles de chanvre dans la région de Vitré et de Rennes, mais il
s’agit plus d’une chronologie de l’économie de la manufacture des toiles à voiles, que d’une
étude économique et sociale. En fait, ce n’est que très récemment que l’on a commencé à
redécouvrir cette manufacture toilière, avec notamment Y. Lagadec qui a publié deux articles
à ce sujet en 2006. Il a tout d’abord publié le rapport d’un inspecteur principal de la
manufacture entre 1748 et 1767, Antoine de Coisy, ce qui permet de disposer d’un état de
12
TANGUY Jean, Quand la toile va…, op. cit. MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin,
Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998.
13
GUILLEMOT Anthony, Prospérité toilière et chantiers paroissiaux dans les paroisses rurales de la
manufacture des toiles « Bretagnes » (1650-1830), Mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2007.
14
FRAIN DE LA GAULAYRIE, Edouard, Les Vitréens et le commerce international, Vannes, Lafolye, 1893.
15
CHABIRAND, Raymond, Amanlis, op. cit.
Introduction | 9
l’industrie des toiles à voiles au milieu du
e
XVIII
siècle.16 Il y a eu également un autre article
publié dans le cadre du Congrès de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne
(SHAB) à Vitré en 2006, en collaboration avec Delphine Pointeau, qui cherche à faire un état
des connaissances sur l’industrie des toiles à voiles, à cette date.17 Les deux historiens ont
notamment cherché à se démarquer de l’historiographie des deux manufactures linières
bretonnes, en incitant de futurs chercheurs à étudier les spécificités économiques, sociales et
patrimoniales de la manufacture chanvrière. Plus largement, nous pouvons également citer le
mémoire de master de G. Le Goué-Sinquin, soutenu en 2009, sur les marchands de toiles de
Vitré au XVIe siècle, qui a très largement renouvelé l’historiographie de ce sujet.18
Pour mener à bien notre travail, il a été nécessaire de dépouiller et d’étudier plusieurs
types de sources : manuscrites, imprimées, administratives, commerciales, notariales, fiscales
etc. C’est grâce à cette diversité que nous allons faire l’analyse la plus fine et la plus complète
possible des marchands de toile d’Amanlis.
La majorité des sources étudiées sont conservées aux archives départementales d’Illeet-Vilaine.
Les sources les plus abondantes sont issues, sans aucun doute, des différentes archives
administratives : qu’il s’agisse des listes de recensement (série 6M des ADIV), des matrices et
plans cadastraux (série 3P des ADIV), des registres de mutations après décès provenant du
bureau de l’enregistrement (série 3Q des ADIV), des archives de justice commerciale rendue
par le Consulat sous l’Ancien Régime (série 10B des ADIV), voire des archives liées aux
élections et aux nominations du personnel politique local (séries 2M et 3M des ADIV). Nous
retrouvons également les sources de l’administration paroissiale, comme les registres de
délibérations du général de paroisse (série 2G des ADIV).
Les archives fiscales nous ont permis d’estimer la richesse des marchands de toiles, à
travers l’étude des registres de capitations (série C des ADIV). Le registre de capitation est un
document fiscal produit tous les ans, sous l’autorité de six égailleurs de la capitation. Ces
derniers représentent chacun un des six traits de la paroisse. Il s’agit d’une division de la
16
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport
de l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 141-174.
17
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La proto-industrie textile… », art. cit.
18
LE GOUE-SINQUIN Gwénolé, Les marchands de toiles de Vitré (v. 1500 - v. 1600) : aspects économiques,
sociaux, religieux, culturels, Mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2009.
Introduction | 10
paroisse créée pour des raisons fiscales. Au début de chaque mois de novembre, on désigne un
égailleur des impôts par trait qui était alors chargé de la répartition de l’impôt à l’intérieur du
trait. Le registre prend en note le nom du capité ainsi que la somme due au titre de la
capitation, qui est un impôt par répartition qui pesait sur tous les chefs de feu. Ainsi un chef
de famille paye aussi pour tous les servantes ou domestiques présents sous son toit.
L’étude des patrimoines fonciers, immobiliers et mobiliers des marchands a été
réalisée à partir de l’analyse des sources notariales que constituent les inventaires après décès
(séries 4B et 4E des ADIV). Cet acte notarié comprend l’énumération et la description des
biens du défunt après sa mort. Ce type d’acte est rédigé lorsque des mineurs sont en jeu dans
la succession, ou bien lorsqu’une veuve ou un veuf veut arrêter la communauté des biens avec
son époux défunt.
Les registres paroissiaux, sous l’Ancien Régime, et l’état civil, après la Révolution,
constituent également un type de source primordial lorsque l’on fait une histoire sociale des
marchands de toiles. Ces archives nous ont permis de reconstituer les généalogies de plusieurs
marchands de toiles et ainsi d’étudier, par exemple, l’endogamie ou la reproduction sociale au
sein de ce groupe.
Nous avons également appuyé notre travail sur l’étude de nombreuses sources
imprimées, dont de nombreux rapports et mémoires rédigés sur l’industrie des toiles à voiles
aux XVIIIe et XIXe siècles.
Nous n’allons pas reprendre, ici, l’ensemble des questionnements que nous avons
exposé au cours de cette introduction. Mais, de façon plus générale, ce travail est l’occasion
de comprendre les mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de la manufacture des
toiles à voiles, d’étudier le groupe social des marchands de toiles pour voir s’il s’agit d’une
élite rurale, ainsi que d’analyser la disparition de cette production toilière avec l’échec d’un
système proto-industriel vers une véritable industrie. Cette étude s’appuiera donc sur les
travaux déjà réalisés pour les autres manufactures bretonnes, tout en se gardant bien de ne pas
forcément reproduire l’ensemble de leurs grilles d’analyses, ce qui permettra ainsi de voir les
spécificités de la manufacture des toiles à voiles.
Introduction | 11
Les deux premiers chapitres seront consacrés à une étude globale de la manufacture
des toiles à voiles, en partant de l’exemple d’Amanlis, afin de comprendre l’univers
économique, social et commercial dans lequel s’intègre les marchands de toiles. Nous
analyserons, dans le premier chapitre, la production des toiles à voiles par l’implication de
l’ensemble de la population paysanne d’Amanlis. Puis, dans le deuxième, nous aborderons le
commerce de cette production, depuis Amanlis et ses marchands ruraux, jusqu’à Saint-Malo
et ses grands négociants d’envergure internationale. Les quatre chapitres suivants seront le
cœur de l’étude sur les marchands de toiles d’Amanlis. Nous étudierons tout d’abord, le
groupe social des marchands, ensuite, leur patrimoine foncier, immobilier et mobilier, puis,
leur domination sur la vie politique locale et enfin, leur influence, ou non, sur le patrimoine
religieux. Le septième et dernier chapitre sera consacré à comprendre les raisons du déclin,
puis de la disparition, de la manufacture rurale des toiles à voiles, dans la première moitié du
XIX
e
siècle.
Introduction | 12
CHAPITRE 1
La production des toiles à voiles à Amanlis
Comme ont pu largement le montrer J. Tanguy ou bien J. Martin1, la province de
Bretagne a été au cœur des flux économiques mondiaux, entre les XVe et XIXe siècles, grâce au
commerce des toiles. Si les villes de Rennes, Saint-Malo et Nantes concentrent ce commerce
destiné aux marchés étrangers – Hollande, Angleterre, Espagne et ses colonies américaines
principalement – jusqu’au milieu du
e
XVIII
siècle, il ne faut surtout pas sous-estimer le rôle
joué par les paroisses rurales environnantes, puisque ce sont « de 10 à 30 000 pièces » de
toiles « noyales » qui sont marquées chaque année entre 1750 et la Révolution dans les
bureaux de marque de Rennes, Vitré, La Guerche et Nantes.2 La production de ces toiles de
chanvre est centrée « autour des trois paroisses de Piré, Noyal et Châteaugiron, le tissage en
concerne au moins une quarantaine d’autres […] de Janzé à Argentré et de Gennes à
Cesson. »3
Nous pouvons nous demander comment la production de toiles à voiles – du semis de
la graine de chanvre, jusqu’au tissage – a pu devenir le moteur économique de toute une
région rurale située au sud-est de Rennes, dans le cadre du concept de proto-industrialisation ?
Pour cela, nous étudierons dans un premier temps, le fait que la production toilière ait pris une
place primordiale dans les paroisses situées au cœur de la manufacture, allant jusqu’à
impliquer l’ensemble de la population paysanne. Puis dans un second temps, nous analyserons
le processus de fabrication des toiles à voiles, ainsi que les différents types de toiles tissées.
1
TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994
et MARTIN Jean, Toiles de Bretagne. La manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac (1670-1830), Rennes, PUR,
1998.
2
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré
(XVIe-XIXe siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 184.
3
Ibid., p.184.
Chapitre 1 | 13
La production des toiles à voiles à Amanlis
1. L’importance de l’activité textile à Amanlis
Avant d’étudier plus en profondeur le groupe social des marchands de toiles, il faut
voir que ceux-ci prennent place dans une société paysanne entièrement impliquée dans la
production des toiles à voiles, d’autant plus que la paroisse d’Amanlis se situe au cœur de la
manufacture des toiles à voiles.
1.1. Amanlis, une paroisse au cœur de la manufacture des toiles à voiles
Amanlis se situe au cœur d’une zone de production toilière, comme ont pu le constater
Y. Lagadec et D. Pointeau qui rapportent, à travers une enquête de l’intendance en date de
1739, que la culture du chanvre est « largement répandu dans le quadrilatère Rennes/Vitré/La
Guerche/Châteaugiron. »4 Ils restituent les propos de Charil, subdélégué de Vitré pour qui « il
est certain qu’il n’y a pas de laboureurs à la campagne qui tiennent des fermes quelques
petites qu’elles soient qui ne sème des chanvres. »5. Le même avance dans une autre
lettre : « Je pense que l’on sème des chanvres dans presque toutes les paroisses de la
subdélégation de Vitré. »6 La paroisse d’Amanlis n’est distante que d’une vingtaine de
kilomètres des villes de Rennes et Vitré, comme du bourg de La Guerche (cf. carte n°1). Les
marchands d’Amanlis trouvent dans ces villes et bourgs des bureaux de contrôle et de marque
des toiles à partir du milieu du
e
XVIII
siècle, mais également des marchés aux toiles
7
importants. En outre, Amanlis est limitrophe des paroisses de Châteaugiron et de Piré,
véritable cœur de la manufacture, où Y. Lagadec a dénombré pas moins de 280 métiers à
tisser pour les années 1750.8 A Janzé, chef-lieu du canton auquel appartient Amanlis après la
Révolution, se tient un marché hebdomadaire, qui est fréquenté à « plus de dix lieues à la
ronde » selon J.-B. Ogée.9
4
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile … », art. cit., p. 187.
ADIV, C 1560, Lettre du 5 novembre 1739.
6
ADIV, C 1560, Lettres des 22 octobre et 26 novembre 1739.
7
LAGADEC Yann, « L’horizon planétaire des ruraux bretons », Du lin à la toile : la proto-industrie textile en
Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 312.
8
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport de
l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 171.
9
OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE
Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853, p. 356.
5
Chapitre 1 | 14
La production des toiles à voiles à Amanlis
Carte n°1 : La manufacture des toiles à voiles « noyales » au XVIIIe siècle
1.2. Une population paysanne entièrement impliquée dans la production des toiles
1.2.1. A travers l’étude des inventaires après décès
L’étude des inventaires après décès à Amanlis permet de déterminer l’importance de la
culture du chanvre et sa transformation en toiles à voiles dans la paroisse.10 Nous avons à
notre disposition 49 inventaires, sur une période d’un siècle entre la seconde moitié du
siècle et la première moitié du
e
XIX
e
XVIII
siècle. Ce résultat n’est certainement pas suffisant pour
une étude sérielle et quantitative, ce qui aurait été permis par une étude systématique de
l’ensemble des sources notariales concernant Amanlis. Toutefois, cela nous permet d’évaluer
l’impact de la culture chanvrière et la production toilière à Amanlis.
Pour débuter, nous pouvons remarquer que seuls trois inventaires après décès ne font
mention d’aucun outil ou matière première lié à la culture du chanvre et à la production de
toiles. Le premier d’entre eux est celui de Noël Daën du Cosquer (1756-1825), recteur
d’Amanlis de novembre 1783 à décembre 1803. C’est un noble né en la paroisse SaintEtienne de Rennes.11 Il a quitté Amanlis le 16 mai 1791 face à son refus de la Constitution
civile du Clergé. Parti rejoindre les émigrés, il séjourna un temps en Angleterre avant de
10
ADIV, 4B 30, 4B 2688/3, 4E 4167, 4E 4187, 4E 4190, 4E 4289, 4E 4294, 4E 4305, 4E 4307, 4E 4316, 4E
4503, 4E 4504, 4E 4507, 4E 4519, 4E 4531. Etude de 49 inventaires après décès, sur la période 1756-1853.
11
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,
p. 85.
Chapitre 1 | 15
La production des toiles à voiles à Amanlis
revenir pour reprendre sa cure le 12 juillet 1802. Cependant le 23 frimaire an II de la
République, ses biens avaient été saisis par la nouvelle municipalité d’Amanlis ; c’est à cette
occasion qu’a été réalisé un inventaire de tous ses biens meubles.12 Le deuxième inventaire est
celui de Me Georges Brizé (1732-1817), notaire, cultivateur et marchand de toiles au Jarrot.
Etant donné son grand âge à sa mort, 85 ans, il n’est donc pas étonnant de ne trouver aucune
mention d’outil ou matière première lié à la culture du chanvre et à la production de toiles
dans son inventaire établi le 27 décembre 1817.13 Le troisième inventaire après décès est
également celui d’un ancien marchand de toiles, le Sieur Louis Belloir (1760-1837), fils d’un
négociant nantais. Comme pour le marchand-notaire du Jarrot, l’âge avancé de Louis Belloir –
77 ans – explique certainement que l’on ne trouve rien concernant la production toilière dans
l’inventaire du 31 mars 1837.14 De plus, d’après son inventaire après décès, cet ancien
marchand avait déjà partagé ses biens entre ses trois fils François, Ambroise et Jean-Marie.15
Ce partage s’est effectué lors d’une succession entre vifs, en date du 16 mai 1834, chez Me
Chapon, notaire à Janzé. Au final, recteur mis à part, la toile semble concerner d’une manière
ou d’une autre la totalité de la population.
L’étude de ces 49 inventaires après décès permet de décrypter plus finement l’impact
de la manufacture des toiles à voile sur la société amanlisienne. Pour cela, nous nous
appuierons sur le tableau ci-dessous, qui recense la présence ou non d’au moins un des
éléments (outil comme matière première) dans chacun des inventaires (cf. tableau n°1).
12
ADIV, 4E 4190, inventaire de Noël Daën du Cosquer, 23 frimaire 1793.
ADIV, 4E 4504, inventaire après décès de Georges Brizé, 27 décembre 1817.
14
ADIV, 4E 4307, inventaire après décès de Louis Belloir, 31 mars 1837.
15
Jean-Marie Belloir est par ailleurs mentionné comme « cultivateur et marchand » aux Ouches, puis la Touche
de Néron et Bel-Air dans les registres de recensement de 1846, 1851, 1856 et 1861 – ADIV, 6M 50, registres de
recensements de la commune d’Amanlis.
13
Chapitre 1 | 16
La production des toiles à voiles à Amanlis
Tableau n°1 : L’impact de la culture chanvrière dans les inventaires après décès
Matières premières
Outils
Présence dans les
inventaires après décès
Rouet
Travouil
Braye à broyer
Métier à toile
Fil de chanvre
Graines de chanvre
Poupée de chanvre
Paquet de chanvre
Loyaux de chanvre
Chanvre à broyer
Chanvre sur pied
Pièce de toile
Ratio (sur les 49 IAD)
36
34
17
9
28
23
22
18
16
13
12
3
73%
69%
35%
18%
57%
47%
45%
37%
33%
27%
24%
6%
Nous pouvons ainsi voir que le rouet et le travouil, deux outils de bases dans le travail
du chanvre16, sont présents respectivement dans 36 et 34 inventaires après décès. Cela montre
deux choses : le travail quasi systématique du chanvre par cette population rurale, ainsi que le
faible coût de ces équipements qui permet leur diffusion massive. Un rouet selon sa taille
(grand filage ou non) et son état de conservation est prisé de manière générale entre 2 et 8 L.17
Le travouil, quant à lui, est prisé à hauteur d’1 L., voire simplement quelques sols pour les
plus mauvais, ou bien 1,5 L. quand il est agrémenté d’un pied de travouil. La braye ou broye,
qui permet comme son nom l’indique de broyer les tiges de chanvre afin de séparer la
chènevotte de l’étoupe, est également très présente dans les inventaires après décès, 17 sur 49.
Cet outil, comme les deux précédents, était d’utilisation très courante et peu onéreux à l’achat.
Il est prisé entre 12 s. et 2,5 L. Par ailleurs, on retrouve souvent les trois outils prisés dans le
même inventaire. Le métier à tisser, nommé métier à toile, ou métier à faire toile, prisé
autour de 30 L., est d’ailleurs plus rare. On ne le retrouve que neuf fois sur les 49 inventaires,
quatre sont d’ailleurs mentionnés dans les inventaires après décès de marchands de toiles.
Les matériaux également sont largement présents dans les foyers d’Amanlis. Parmi
ceux-ci, on retrouve des fils de chanvre à 28 reprises, en plus ou moins grande quantité, mais
aussi des graines de chanvre, généralement conditionnées dans des barriques, dans 23
inventaires. En revanche, il n’est fait mention de toiles qu’à trois reprises seulement. Cela
16
Le rouët est un instrument actionné par une pédale ou une manivelle qui servait au filage du chanvre, et le
travouil est un dévidoir pour mettre le fil en écheveaux.
17
Le prisage est l’estimation du bien répertorié dans l’inventaire après décès, le prix mentionné sert ensuite lors
de la vente des biens.
Chapitre 1 | 17
La production des toiles à voiles à Amanlis
peut s’expliquer par le fait que l’on stockait les toiles que sur un temps très court. Dans
l’inventaire après décès du marchand Jean-François Chevrel, on relève la possession, chez lui
ou chez d’autres marchands ou tisserands, de sept toiles, ce qui est exceptionnel ici.18
Ces résultats semblent indiquer que la quasi-totalité de la population de la paroisse est
impliquée, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, dans l’industrie
textile dans la deuxième moitié du XVIIIe et au début XIXe siècle.
1.2.2. A travers l’étude des registres de recensement
Au
e
XIX
population
professions.
siècle, les listes nominatives de recensement nous permettent d’étudier la
paysanne impliquée dans la production toilière, grâce à l’indication des
19
Nous en avons retenus quatre pour notre étude : marchands de toiles ou de
fils20, tisserands, filassiers ou peigneurs de chanvre et fileuses. L’histogramme ci-dessous
nous montre l’évolution du nombre de paysans occupés par la production de toiles à voiles
entre les années 1841 et 1861 (cf. graphique n°1).
18
ADIV, 4E 4316, inventaire après décès de Jean-François Chevrel, 5-6 novembre 1841.
ADIV, 6M 50. Nous avons dépouillé les listes des années 1841, 1846, 1851, 1856 et 1861. La liste de
recensement pour l’année 1836 étant donné qu’elle était incommunicable, pour cause de numérisation.
20
Parfois, il était simplement mentionné la profession de « marchand », ce qui complique la distinction entre un
marchand de toiles et un marchand de cidre par exemple. Nous avons pour cela, essayé de voir si la même
personne n’était pas mentionnée dans un autre document, nous donnant des précisions sur le type de
marchandises dont il faisait commerce.
19
Chapitre 1 | 18
La production des toiles à voiles à Amanlis
Nombre de personnes impliqués dans la production toilière
Graphique n°1 : Evolution de la population impliquée dans la
production toilière à Amanlis (à partir des registres de recensement)
900
800
5
39
700
134
600
7
30
500
Marchands
131
Filassiers
400
Tisserands
610
300
200
383
Fileuses
9
29
12
33
109
119
9
14
64
114
109
81
1856
1861
100
0
1841
Le
e
XIX
1846
1851
Années
siècle est une longue période de déclin pour l’activité textile des paroisses
rurales de l’évêché de Rennes, en raison, notamment, de la concurrence des toiles fabriquées
mécaniquement, dans le nord de la France, ou à l’étranger comme en Grande-Bretagne ou en
Belgique, mais aussi plus proche d’Amanlis, dans les manufactures urbaines de Rennes. Ce
sont désormais les commandes de l’Etat qui soutiennent la proto-industrie des toiles à voiles,
à la faveur des besoins de la Marine. Ainsi, la guerre de Crimée qui débute en 1855 requiert la
production de voiles pour la flotte française, ce qui relance, pour une dizaine d’années, la
production des toiles désormais appelées rurales, par opposition aux toiles mécaniques
produites dans les manufactures urbaines.21 Sur le graphique, on remarque que l’activité de
tissage semble se maintenir à un même niveau entre 1841 et 1856, puisque le nombre de
tisserands en activité tourne autour de 120 pendant ces 15 années ; on fait le même constat en
ce qui concerne les professions de filassiers ou peigneurs de chanvres et de marchands. En
revanche, les résultats concernant l’activité des fileuses sont tout à fait différents. En 1846 on
ne recense que 114 fileuses, alors qu’elles étaient trois fois plus nombreuses cinq auparavant,
et que ce ne sont pas moins de 610 fileuses qui sont comptabilisés lors du recensement de
21
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 186-187.
Chapitre 1 | 19
La production des toiles à voiles à Amanlis
1851. On peut tout à fait expliquer ces chiffres par une baisse de l’activité de filage entre 1841
et 1846, puis par une reprise soudaine et très importante dans les cinq années suivantes. Ces
écarts importants peuvent également trouver leur explication dans les méthodes de comptage
des agents recenseurs. Le filage reste l’activité domestique féminine de base dans ces
paroisses rurales, ce que nous avons déjà pu constater par l’étude des inventaires après décès,
qui mentionnent la présence d’outils de filage (rouët, quenouilles, travouil etc.) dans tous les
ménages d’Amanlis. Ainsi, il suffit que lors des campagnes de recensement on décide de
désigner sous le terme générique de « fileuse » l’ensemble des femmes et des filles vivant
dans les fermes, et à qui on ne donne pas le titre de « cultivatrice » ou bien « tisserande »,
pour faire gonfler artificiellement les chiffres de l’activité de filage.22
Au final, l’activité textile reste très importante au
XIX
e
siècle pour la société rurale
d’Amanlis, puisque les cinq professions que nous avons nommées auparavant, représentent au
total entre 10% (en 1846) et 29% (en 1851) de la population totale. Cependant, il reste à
commenter le recensement de 1861, qui montre que l’activité textile à Amanlis vit ses
dernières années, puisque l’on constate une baisse significative de l’ensemble des
professions : le nombre de fileuses a baissé de 25% en cinq ans, même chiffre pour les
marchands, alors que le nombre des tisserands a chuté de 46,2% et celui des filassiers de
57,6%. En parallèle, la population totale d’Amanlis qui avait enregistré une croissance
continue de 18,8% entre 1780 et 1840, voit la courbe s’inverser brutalement avec une baisse
de près de 14% en 20 ans (cf. graphique n°2). Cette baisse de la population à partir du milieu
du XIXe siècle est le reflet du début de l’exode rural d’une main d’œuvre trop abondante pour
des communes qui offrent de moins en moins de travail. Plus tard dans notre raisonnement,
nous nous poserons la question de savoir si une partie de cette population part travailler dans
les manufactures urbaines de Châteaugiron ou de Rennes.
Population
Graphique n°2 : Evolution de la population d'Amanlis entre 1780
et 1861
2900
2800
2700
2600
2500
2400
1780
22
1790
1800
1810
1820
1830 1841
Années
1846
1851
1856
1861
Dans le recensement de 1851, les fileuses représentent 22,5% de la population totale d’Amanlis.
Chapitre 1 | 20
La production des toiles à voiles à Amanlis
2. La production des toiles à voiles
Après avoir montré la prépondérance de la proto-industrie des toiles à voiles à
Amanlis, il faut maintenant s’intéresser aux mécanismes de cette manufacture chanvrière, de
la culture du chanvre, jusqu’à la fabrication des toiles à voiles.
2.1. Du chanvre à la toile à voile
Nous avons dit auparavant que le chanvre, plante de la famille des cannabinacae et
originaire d’Asie, est cultivé dans les jardins ou courtils situés à proximité des habitations
paysannes d’Amanlis. Le chanvre est semé à partir du 20 avril, lorsque tout risque de gelée a
disparu. Les paysans disposent alors d’un mois pour mettre le chènevis23 en terre dans le
courtil. La plante doit lever en quatre jours seulement. Elle pousse très serrée, étouffant ainsi
les mauvaises herbes, ce qui évite les travaux d’entretien contraignants. Une centaine de jours
plus tard, elle peut atteindre trois mètres de hauteur. Après quatre mois de croissance,
proverbialement aux alentours de la Saint-Louis (soit le 25 août), débute la phase finale de la
culture du chanvre : l’arrachage. L’opération est effectuée par tout le personnel de la ferme (le
paysan, sa femme, ses enfants et ses domestiques éventuels). On réunissait les pieds pour en
faire des paquets liés par deux liens.
Ensuite les paquets de chanvres étaient transportés jusqu’au routoir ou au doué pour
subir l’opération de rouissage (cf. illustration n°1). Le but était d’éliminer les matières
pectiques qui collent les faisceaux de fibres entre eux. Les poignées étaient tassées sur une
croix de chanvre, constituant une sorte de radeau ; pour immerger le chanvre, de grosses
pierres étaient placées sur toute la surface. Plusieurs jours devaient s’écouler avant d’obtenir
le rouissage convenable, la température de l’eau jouant un grand rôle. Y. Lagadec et D.
Pointeau ont rappelé que le rouissage s’effectuait parfois dans les rivières : bien que « des
ordonnances défendent d’utiliser les rivières pour ce rouissage qui pollue l’eau, il semble
qu’elles n’aient guère été suivies d’effets »24. Selon les propos de Joseph Thomas de La
Plesse, le subdélégué de Vitré, répondant à l’intendant suite à une plainte des officiers des
eaux et forêts de Rennes,
23
24
Le chènevis est le nom donné à la graine de chanvre.
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 189.
Chapitre 1 | 21
La production des toiles à voiles à Amanlis
« cet usage est proscrit par différens arrêts, toutefois il est toléré […]. Depuis près de 30 ans
que je suis officier de la maîtrise [des eaux et forêts] de Vitré où se trouvent les rivières de
Vilaine, de Seiche et les petits ruisseaux qui y descendent, je n’ai jamais vu mettre ses arrêts
en exécution, parce qu’en effet je n’ai jamais reçu de plainte que le rouissage des lins et des
chanvres ait nui aux poissons, qu’il ait été dangereux aux bestiaux qui y boivent et ait
occasionné des épidémies. Nous avons fermé les yeux sur cet usage ancien parce que nous n’y
avons vu aucun inconvénient et que le plus grand bien le demandoit. »25
Illustration n°1 : Doués ou routoirs au lieu-dit des Douëts-de-Néron à Amanlis
(d’après le cadastre napoléonien)
Y. Lagadec et D. Pointeau expliquent qu’une fois rouies et séchées à l’ombre, les
bottes de chanvre étaient entreposées dans les greniers.26 Par la suite, le chanvre est broyé à
l’aide d’une broie ou braie (cf. illustration n°2), avant de passer au pilage, au cours duquel le
chanvre est battu à l’aide de gros maillets dans des mortiers de bois. On obtient alors de la
filasse, qui est peignée dans un serrant ou peigne à dents de fer, afin de séparer correctement
les fibres les unes des autres. On forme enfin des poupées qui sont « exposées ensuite dans les
25
26
ADIV, C 1556. Lettre du 13 mai 1777.
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 188.
Chapitre 1 | 22
La production des toiles à voiles à Amanlis
marchés et foires et vendues aux fileuses qui vendent ensuite les fils dans ces mesmes foires et
marchés à des marchands qui font particulièrement ce commerce, ou aux fabriquans qui font
ou font faire les toiles ».27
Illustration n°2 : Reconstitution « pittoresque » du broyage du chanvre
Le chanvre est ensuite filé, pendant l’hiver, lorsque les travaux de la terre nécessitent
moins de main-d’œuvre. Cette opération du filage est une activité essentiellement féminine.
Les domestiques et les servantes prêtent également renfort lors du filage. Cette activité peut
être un moyen de subsistance pour les veuves qui y trouvent une source de revenus non
négligeables. Les outils nécessaires sont le rouet et le travouil (cf. illustration n°3).
27
ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751.
Chapitre 1 | 23
La production des toiles à voiles à Amanlis
Illustration n°3 : Rouet et travouil28
L’opération de tissage est l’étape ultime de la fabrication de la toile de chanvre, elle
nécessite l’utilisation d’un métier à tisser ou métier à toille. Le coût de ce matériel réduit la
pratique de cette activité à un plus petit nombre de paysans. Il y a bien, dès le
e
XVIII
siècle
quelques tisserands indépendants, mais la pluri-activité, présente dans ces paroisses rurales,
fait que le tissage est bien souvent une source de revenu supplémentaire pour des paysans qui
se font salariés auprès d’un fabricant, qui est un véritable « petit entrepreneur textile rural »29,
qui cultive son chanvre, le tisse, le file, achète des fils et des toiles supplémentaires dans le
but d’en faire commerce. Les toiles de chanvres ainsi tissées servent quasi-exclusivement à
faire des voiles de bateaux. En revanche, il en existe de plusieurs qualités, de plusieurs tailles,
ce que nous allons étudier maintenant.
28
Musée des arts et traditions populaires, Essé, 35. RACAPE Marine, Le cadre de vie matérielle dans les
communes de Janzé, Piré-sur-Seiche, Amanlis et Brie au XIXe siècle, mémoire de maîtrise, dact., Université
Rennes 2, 2003, p. 73.
29
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 188.
Chapitre 1 | 24
La production des toiles à voiles à Amanlis
2.2. Les différentes toiles fabriquées dans les campagnes du triangle Rennes-Vitré-La
Guerche
Avant de rentrer dans le détail, nous pouvons dire que les toiles produites à Amanlis
portent le nom de « noyales » avant le XIXe siècle, puis de toiles « rurales » par la suite.
Auparavant, les premières toiles de chanvre fabriquées dans la région furent les
« canevas » de Vitré. Ces toiles à voiles ont connu leur apogée à la fin du
e
XVI
siècle,
notamment grâce à la confrérie des Marchands d’Outre-Mer.30 Ce ne sont pas moins de
1 700 000 mètres qui sont exportés annuellement vers l’Angleterre ou Cadix dans les années
1580.31 Les guerres de la Ligue ont mis fin à l’hégémonie vitréenne. Dès le
XV
e
siècle, elles
sont connues sous le terme de « vitrés », mais la production se limite à 650 000 mètres au
e
XVII
siècle.
Au cours du
e
XVII
siècle, la zone de production toilière se déplace vers les paroisses
rurales du sud-est de Rennes, notamment Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Piré et
Janzé. Ces toiles à voiles portent logiquement le nom de « noyales ». Celles-ci peuvent
également devenir des sacs pour le transport des marchandises, des hamacs et fonçures, ou
bien des ris aux voiles, c'est-à-dire des « bandes horizontales qu’on peut replier grâce à des
garcettes en cas de besoin, afin de diminuer la surface de la voilure »32. A partir des années
1730, les toiles « noyales » ont pris définitivement le dessus sur les toiles « vitrés » ou celles
en lin des « pertrées », fabriquées elles aussi localement.
Si l’on se concentre sur les toiles « noyales » produites à Amanlis, on se rend compte
que ce nom générique regroupe différents types de toiles. Nous avons pu les recenser à partir
du rapport d’Antoine de Coisy, inspecteur principal des manufactures pour la Bretagne, rédigé
en 1751 (cf. tableau n°2).33
30
Sur cette question du commerce des toiles à Vitré au XVIe siècle, on notera le récent travail de recherche de LE
GOUE-SINQUIN Gwénolé, Les marchands de toiles de Vitré (v. 1500 - v. 1600) : aspects économiques, sociaux,
religieux, culturels, mémoire de Master, dact., Rennes 2, 324 p.
31
LE CHARLES Monique, « Au temps des noyales », in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la
proto-industrie textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 180.
32
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne… », op. cit., p. 155.
33
ADIV, C 1560, Enquête sur la culture du chanvre en Bretagne. Yann Lagadec a entièrement retranscrit le
rapport d’Antoine de Coisy dans l’article consacré à la production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du
e
XVIII siècle. Ibid., p. 153-169.
Chapitre 1 | 25
La production des toiles à voiles à Amanlis
Tableau n°2: Toiles à voiles fabriquées en 1751
Noïales larges d'un fil de la première qualité (746 fils de chaîne)
Noïales entre-larges d'un fil (660 fils de chaîne)
Noïales étroites ou courtes grosses d'un fil (600 fils de chaîne)
Courtes menues ou fines d'un fil
Rondelettes d'un fil (780 fils de chaîne)
Noïales à quatre fils communes (1 000 fils de large)
Noïales à quatre fils de brin de la première largeur (1 000 fils de chaîne)
Noïales à quatre fils de brin de la seconde largeur (1 200 fils de chaîne)
Noïales à six fils de brin de la première largeur (1 260 fils)
Noïales à six fils de brin de la seconde largeur (1 512 fils)
Noïales triples à un fil de la première largeur (1 000 fils de chaîne)
Noïales à quatre fils bande de ris (320 fils de chaîne)
Noïales triples à un fil de la seconde largeur (1 160 fils)
Meslis (900 fils)
Toiles à voiles façon Hollande à un fil (920 fils de chaîne)
La fin du
e
siècle voit l’apparition des toiles mécaniques dites régulières. Elles
XVIII
sont fabriquées dans les manufactures urbaines de Rennes principalement, mais aussi
Fougères et Châteaugiron. Nous évoquerons ce type de fabrication des toiles, au sein
d’ateliers urbains et mécanisés, au cours d’un chapitre prochain qui analysera les aléas du
commerce des toiles à voile.
A partir du
XIX
e
siècle, on parle de toiles rurales pour nommer les toiles à voiles
fabriquées dans les paroisses rurales de la manufacture, comme Amanlis, pour les distinguer
des toiles dites de fabrication régulière. Nous avons pu recenser l’ensemble de ces toiles dites
rurales, produites dans les cantons de Châteaugiron et Janzé, grâce au rapport de la
« Commission consultative et de surveillance pour les toiles rurales » à propos d’une
« Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles »34 (cf.
tableau n°3). Plusieurs marchands ou négociants en toiles faisaient d’ailleurs partie de cette
commission. On peut relever les noms de A. Raimbault, négociant à Châteaugiron, le Sieur
Des Bouillons, ancien négociant et directeur de la manufacture éponyme à Châteaugiron,
Desguez, marchand de toiles à Châteaugiron, J. Deshommes, fabricant à Noyal-sur-Vilaine et
J. Louis, fabricant à Janzé.
34
ADIV, 9M 16, « Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles », 1853.
Chapitre 1 | 26
La production des toiles à voiles à Amanlis
Tableau n°3 : Toiles « rurales » fabriquées en 1853
Dans le canton de Châteaugiron
Dans le canton de Janzé
Six fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)
Six fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)
Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)
Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 58,5)
Deux fils forts (longueur: 80m ; laize: 57)
Deux fils forts (longueur: 80m ; laize: 57)
Treize cents (longueur: 65m ; laize: 57)
Treize cents (longueur: 65m ; laize: 57)
Quatorze cents (longueur: 90m ; laize: 57)
Quatorze cents (longueur: 90m ; laize: 57)
Bonnettes (longueur: 80m ; laize: 65)
Bonnettes (longueur: 80m ; laize: 65)
Mélis double (longueur: 80m ; laize: 57-58)
Mélis double (longueur: 80m ; laize: 57-58)
Mélis simple (longueur: 60m ; laize: 65)
Mélis simple (longueur: 60m ; laize: 65)
Rondelettes 1ère qualité (longueur: 60m ; laize: 65)
Rondelettes 1ère qualité (longueur: 60m ; laize:
57)
Rondelettes 2ème qualité (longueur: 100m ;
laize: 57)
Quatre fils 30 (longueur: 65m ; laize: 57)
Rondelettes 2ème qualité (longueur: 100m ; laize: 65)
Prélarts (longueur: 65m ; laize: 65-66)
Fonçures (longueur: 60m ; laize: 65-66)
Quatre fils communes (longueur: 100m ; laize: 54)
Conclusion :
En conclusion, nous pouvons retenir l’implication de la quasi-totalité de la population
rurale d’Amanlis dans la production des toiles à voiles. Ces paysans trouvent des
compléments de revenus dans une activité textile qui les occupe toute l’année : des semis au
printemps, à la récolte à la fin de l’été, jusqu’au filage durant l’hiver. Les paroisses/communes
rurales du sud-est de Rennes, dont Amanlis, produisent ainsi différents types de toiles à voiles
destinées aux marchés internationaux. Le concept de proto-industrialisation analysé par F.
Mendels semble correspondre au type de production toilière étudié ici. Il est toutefois
nécessaire d’étudier plus en profondeur ce qui est la phase la plus importante de ce processus
proto-industriel : le commerce des toiles.
Chapitre 1 | 27
La production des toiles à voiles à Amanlis
CHAPITRE 2
D’Amanlis à Saint-Malo : le commerce des toiles à voiles
Dans ce concept de proto-industrialisation défini par F. Mendels, le commerce des
toiles tient le rôle central. Il faut donc maintenant étudier le processus de commercialisation
de la production toilière des paroisses/communes rurales – Amanlis –,
jusqu’aux ports
tournés vers les marchés internationaux, Saint-Malo principalement.
Pour analyser les mécanismes de ce commerce, nous évaluerons, dans un premier
temps, le nombre des marchands et l’ampleur des ventes de toiles. Puis, dans un deuxième
temps, nous étudierons les lieux et les moments de rencontre des marchands. Enfin, dans un
troisième temps, nous reconstituerons une chaîne de commerce depuis Amanlis jusqu’aux
marchés internationaux, via Saint-Malo.
Chapitre 2 | 28
Le commerce des toiles à voiles
1. Un nombre de marchands important pour une production toilière majeure
Il s’agira dans cette première partie de cerner l’ampleur du commerce des toiles à
voiles au sein des paroisses/communes rurales des environs de Rennes, en dénombrant, dans
un premier temps, le nombre des marchands d’Amanlis, ainsi qu’en évaluant, dans un second
temps, la production de toiles à voile.
1.1. Amanlis, vivier de marchands de toiles
Jusqu’à présent, aucune étude n’est parvenue à dénombrer précisément les marchands
de toiles des paroisses rurales entre Rennes et Vitré. Y. Lagadec et D. Pointeau ont toutefois
réussi à avancer des chiffres pour des villes (la Guerche, Châteaugiron) ou paroisses rurales
(Châteaubourg, Janzé, Amanlis, Noyal) « que l’on ne connaît que très marginalement »1. Ils
ont travaillé à partir de mémoires et de rapports rédigés aux
e
XVIII
et
e
XIX
siècles sur la
manufacture des toiles à voiles. Pour ces deux historiens, les marchands de toiles sont « peu
nombreux : 18 seulement font le commerce des toiles à voiles dans les campagnes entre
Rennes et Vitré en 17512 ; et si l’on compte 63 marchands ruraux en 1826, ils ne sont plus que
37 en 18473. » Ils relevaient alors la faible présence de marchands de toiles comparés aux
chiffres de J. Martin pour la manufacture des toiles « bretagnes », dans laquelle 194
marchands de toiles fréquentent le marché de Loudéac dans les années 1780-1790, ceux-ci
étant originaires de 18 paroisses rurales environnantes. On pouvait par ailleurs dénombrer pas
moins de 42 marchands pour la seule paroisse de Trévé.4
Le dénombrement des marchands de toiles à Amanlis pour le
e
XVIII
siècle nous est
apparu compliqué au début, étant donné que les registres de capitation ne mentionnent pas les
professions exercées par les capités. C’est alors que la découverte d’une liste nominative « de
ceux qui ont souscripts, c'est-à-dire, qu’ils ont soussignés exercer telle ou telle profession
dans la commune d’Amanlis pour l’an 1791 et suivantes »5, nous a permis d’obtenir un
résultat concret pour cette paroisse rurale. Le résultat est tout à fait surprenant, puisque ce ne
sont pas moins de 62 marchands de fils et de toiles qui sont inscrits sur cette liste.6 Cette seule
1
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré
(XVIe-XIXe siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 191.
2
ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751.
3
ADIV, 9M 16, Rapport du préfet, 12 novembre 1851.
4
MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, PUR,
1998, p. 166.
5
ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4.
6
Cf. annexe n°2.
Chapitre 2 | 29
Le commerce des toiles à voiles
liste remet en cause tous les chiffres avancés jusqu’à présent dans les évaluations qui
globalisaient l’ensemble des paroisses rurales entre Rennes et Vitré. Ainsi la paroisse
d’Amanlis, coincée entre la ville-marché de Châteaugiron et la grosse paroisse toilière de Piré,
comptabilise un nombre de marchands, pour 1791, supérieur aux estimations antérieures. Pour
expliquer cet écart, il est probable que les rapports faits au
e
XVIII
siècle ne comptabilisent que
les plus grands marchands, délaissant une population nombreuse de petits marchands
pluriactifs qui trouvent dans le commerce des toiles un complément de revenu. 7 Amanlis
présente-t-elle malgré tout un exemple exceptionnel ? Nous ne pouvons répondre par
l’affirmative, ni par la négative pour le moment. L’étude plus approfondie d’autres paroisses
rurales permettrait d’avoir un avis définitif sur la question. Toutefois, on peut émettre
l’hypothèse que la grande proximité du marché de Châteaugiron – voire de celui de Rennes –
ait incité les paysans aisés d’Amanlis à se lancer dans le commerce des toiles, même s’il ne
s’agit pas de leur activité principale.
Nous pouvons également comparer ces chiffres au nombre des marchands de toiles
léonards.8 L. Elégoët nous donne ces indications à propos de la manufacture des « crées », à la
fin des années 1780 : « Dans la zone la plus toilière, les fabricants9 sont nettement plus
nombreux : Pleyber-Christ et Plounéour-Ménez en comptent un pour 87 habitants ; Sizun, un
pour 82 et Saint-Thégonnec, un pour 71. » Un rapide calcul pour la paroisse d’Amanlis nous
donne un ratio d’un marchand de toiles pour environ 38 habitants, ce qui parait considérable,
surtout quand on sait que la manufacture des toiles à voiles a toujours été sous-estimée dans
les études sur les toiles bretonnes, par rapport à la manufacture linière du Léon et ses riches
Juloded, qui ont fait bâtir de fastueux enclos paroissiaux.10
Au
XIX
e
siècle, nous avons été en mesure de recenser les marchands de toiles grâce
aux registres de recensements.11 Nous constatons une baisse considérable de l’effectif entre
1791 et le milieu du XIXe. La génération de marchands de 1791 exerce cette profession jusque
dans les années 1830 au maximum. Ainsi en 1841, on ne compte plus que trois marchands au
7
On peut nommer par exemple Toussaint Benard, demeurant à Laval, paroisse d’Amanlis, qui est cabaretier et
marchand de toiles, ou bien Emmanuel Bouë, demeurant à Serran, paroisse d’Amanlis, qui est charron et
marchand de fils et de bois.
8
ELEGOËT Louis, Les Juloded. Grandeur et décadence d’une caste paysanne en Basse-Bretagne, Rennes, PUR,
1996, p. 46-50. Pour dénombrer les marchands de toiles à la Révolution, Louis Elégoët a utilisé les rôles de
patentes. Ce qui semble également possible de faire pour la paroisse de Piré ; ADIV, E dépôt Administratif Pirésur-Seiche 37.
9
Il est fréquent que les marchands de toiles soient nommés ainsi.
10
On peut ajouter que par exemple, la paroisse de Saint-Thégonnec qui est au cœur de la manufacture des
« crées » comptabilise 46 paysans-marchands autour de 1800. ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 47.
11
Cf. annexe n°3 et graphique n°1.
Chapitre 2 | 30
Le commerce des toiles à voiles
sein de la commune. Par la suite, leur nombre stagne autour d’une petite dizaine de
marchands : 9 en 1846, 5 en 1851, 12 en 1856 et 9 en 1861. On remarque par ailleurs que
plusieurs marchands de toiles possèdent une autre profession ou qualité. Par exemple, JeanMarie Belloir est qualifié de « cultivateur marchand » en 1846. Il en est de même pour
plusieurs autres, voire même « marchand agriculteur » pour Désiré Arondel en 1856. Nous
pouvons en conclure que la pluriactivité des marchands, notamment au profit de l’agriculture,
devient la règle au
e
XIX
siècle, bien que l’effectif des marchands ait été divisé par six en 50
ans. Ces variations laissent entendre également que les choix de « l’agent recenseur » sont
aussi à prendre en considération. Nous nous attacherons à analyser plus en détail ce groupe
des marchands de toiles dans les chapitres suivants.
1.2. L’évaluation des ventes de toiles au fil des années
Différentes sources peuvent nous permettre d’évaluer le volume des toiles à voiles aux
e
,
XVII
e
XVIII
et
XIX
e
siècles. Pour la fin du
e
XVII
siècle, nous avons le mémoire rédigé par
l’intendant de Marine Jean-Baptiste Patoulet en 1686, alors qu’il avait été envoyé à Cadix par
le secrétaire d’Etat à la Marine Seignelay pour mener une enquête auprès des négociants
français installés dans la ville, afin d’évaluer le commerce des toiles qui y est fait, ainsi que le
mémoire réalisé par l’intendant Béchameil de Nointel en 1696.12 Pour la seconde moitié du
e
XVIII
siècle, nous disposons des estimations chiffrées annuelles concernant la marque des
toiles, fournies par les inspecteurs des manufactures Coisy et son successeur Guillotou.13
Enfin, pour le
XIX
e
siècle, nous nous appuierons sur le rapport de la « Commission
consultative et de surveillance pour les toiles rurales » de 1853.14
Le commerce des toiles rurales commença à être florissant à partir des années 1660,
avec les toiles « noyales » et les « vitrés » qui étaient de grosses toiles écrues servant pour les
12
Le mémoire de Patoulet est intitulé « Mémoire général sur le commerce qui se fait aux Indes Occidentales par
Cadis par lequel on en peut pénétrer à fond toutes les circonstances et juger les moyens que le Roy devra prendre
pour en étendre ou au moins conserver à ses sujets les avantages » (MORINEAU Michel, Incroyables gazettes et
fabuleux métaux. Les retours des trésors américains d’après les gazettes hollandaises (XVIe- XVIIIe siècles),
Paris/Cambridge, CUP/Editions de la MSH, 1984, p. 326-343). L’intendant Béchameil de Nointel écrit un
rapport au roi en 1696 qui a été étudié par J. Bérenger et J. Meyer (BERENGER Jean et MEYER Jean, La Bretagne
à la fin du XVIIe siècle d’après le mémoire de Béchameil de Nointel, Paris, Klincksieck, 1976).
13
Les chiffres de l’administration de l’Inspection des manufactures ont été repris dans les articles et ouvrages de
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport de
l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 147-148, et de TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie
toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994, p. 106.
14
ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le
département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853.
Chapitre 2 | 31
Le commerce des toiles à voiles
voiles des navires. L’ouverture à l’international du commerce toilier s’effectue à partir des
ports de Saint-Malo et de Nantes, vers la Hollande et l’Angleterre pour une somme totale de 3
à 400 000 L. par an, l’Espagne achetant des toiles pour l’emballage de ses marchandises en
partance pour les Amériques et non pour en faire des voiles de navires. En 1670, le marché de
Rennes fournit les grandes marines européennes (France, Angleterre et Hollande) en toiles et
cordages ; mais ces marchés étrangers sont rapidement soumis à une rude concurrence
puisque ces acheteurs deviennent à leurs tours producteurs de leurs propres toiles, faisant
tomber les exportations de toiles à voiles à 80 000 L. par an à la fin du
e
XVII
siècle. Dans ces
mêmes années les marchés espagnol et surtout sud-américain, via Cadix, se ferment petit à
petit aux toiles « noyales » et de Vitré. Patoulet, dans son rapport de 1686, rapporte que
celles-ci sont « de grosses toiles » et « peu considérées en Espagne ». Il évalue ainsi le
commerce des « Toiles de Rennes ou Noyalles » entre 30 et 36 000 L. et celui des « Toiles de
Vitré » entre seulement 8 à 10 000 L.15 Dix ans plus tard, en 1696, l’intendant Béchameil de
Nointel évalue entre 40 et 50 000 L le commerce des « vitrés » sur le marché espagnol, soit de
60 à 80 % du commerce total de ces toiles.16
La production de toiles de chanvre diminue peu à peu au cours du
XVIII
e
siècle. Elle
stagne à une moyenne de 9 460 pièces marquées annuellement au bureau de Rennes entre
1748 et 1780 (cf. graphique n°3). Toutefois, le commerce des toiles à voiles semble trouver
un second souffle lors de la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). On assiste,
durant ces sept années, à une multiplication par plus de trois du nombre de toiles marquées :
10 921 en 1775 contre 32 021 en 1782. Mais ce n’est qu’un répit de courte durée puisque la
Révolution française puis le blocus continental mis en place par le Premier Empire mettent à
mal le commerce des toiles à voiles, qui se cantonne désormais au seul marché français pour
la pêche et le cabotage.
15
16
MORINEAU Michel, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, op. cit., p. 328.
BERENGER Jean et MEYER Jean, La Bretagne à la fin du XVIIe siècle, op. cit., p. 121.
Chapitre 2 | 32
Le commerce des toiles à voiles
Graphique n°3 : Pièces de toiles marquées à Rennes (1748-1789)
35000
30000
25000
20000
15000
10000
Pièces
de toile
5000
0
Les années 1830 voient l’accélération de la concurrence des toiles fabriquées
mécaniquement, avec l’apparition de manufactures mécaniques en Anjou, Flandres ou
Picardie. Au bout du compte la rentabilité des toiles « rurales » s’effondre peu à peu. Elles ne
doivent leur survie qu’à la politique de soutien de la part de l’Etat. Ainsi en 1848, il existe
deux types de toiles à voiles en Ille-et-Vilaine, celles que l’on appelle désormais toiles
« rurales » de par leur provenance, et les toiles dites « régulières », fabriquées dans les
manufactures mécaniques de Fougères et de Rennes. Ce dernier type de toile concurrence
fortement le commerce des toiles fabriquées dans les communes rurales du sud-est de Rennes,
mais le produit total de la fabrication de ces dernières reste toujours plus important que le
produit cumulé des deux autres manufactures de toiles « régulières » (évalué à 2 000 000 de
francs). Le rapport indique que l’arrondissement de Rennes est le plus grand producteur de
toiles « rurales » du département au début des années 1850, et particulièrement « les cantons
de Châteaugiron et de Janzé, et quelques communes environnantes »17. Ce même rapport nous
donne un tableau du nombre de pièces de toiles « rurales » vendues à la halle de Rennes entre
1826 et 1855 (cf. graphique n°4). On peut y constater que le commerce des toiles à voiles se
maintient à peu près au même niveau tout au long de ces 27 années, avec la vente d’environ
20 000 toiles par an, tout en enregistrant un maximum en 1838 avec 25 688 toiles vendues et
un minimum en 1848, en pleine crise économique qui touche la France depuis deux ans, avec
seulement 14 569 toiles vendues à la halle de Rennes.18
17
Amanlis fait alors partie du canton de Janzé.
ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le
département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853., p. 36.
18
Chapitre 2 | 33
Le commerce des toiles à voiles
Graphique n°4 : Pièces de toiles vendues à la halle de Rennes (18261855)
30000
25000
20000
Pièces de
toiles
15000
10000
5000
0
Après avoir étudié les acteurs et l’ampleur du commerce toilier dans la manufacture
rurale des toiles à voile, il faut maintenant s’intéresser aux lieux et moments de rencontre de
ces marchands de toiles.
2. Lieux et moments de rencontre des marchands de toiles
Véritable moteur économique des paroisses rurales du sud-est de Rennes, le commerce
des toiles se fait principalement lors des marchés et des foires qui se tiennent dans les bourgs
ruraux ou les petites villes de la manufacture. Toutefois, il ne se tient ni foire, ni marché à
Amanlis. Quels étaient alors les moments et les lieux de rencontre pour les marchands de
toiles amanlisiens des XVIIIe et XIXe siècles ?
2.1. Foires et marchés : moments de rencontre des marchands
Si Amanlis est tenue à l’écart du réseau local des foires et des marchés19, d’après R.
Chabirand, quatre des six communes limitrophes possèdent les leurs à la fin du
e
XVIII
siècle :
Piré, le lundi, Corps-Nuds, le mardi, Janzé, le mercredi, et Châteaugiron, le jeudi. 20 Ces
marchés hebdomadaires locaux sont l’occasion pour les marchands de toiles et fils d’Amanlis,
d’acheter le fil qu’ils donnent aux tisserands de leur commune pour tisser les toiles, d’acheter
des toiles vendues par des tisserands, ainsi que de vendre – sur les marchés importants – leur
19
La foire est une manifestation commerciale qui se déroule ponctuellement dans l’année, à date fixe ou
fluctuante, au lieu de se dérouler de façon hebdomadaire comme le marché.
20
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,
p. 154.
Chapitre 2 | 34
Le commerce des toiles à voiles
propre production toilière. Les marchands d’Amanlis privilégient sans doute ceux de
Châteaugiron et de Janzé, étant donné que ce sont des bourgs commerciaux.
L’étude des différents calendriers et annuaires du département d’Ille-et-Vilaine, nous
permet d’établir une cartographie de l’ensemble des foires et marchés à l’échelle de la
manufacture des toiles à voiles sur l’ensemble du
XIX
e
siècle. Pour plus de commodités, nous
avons réalisé des sondages à la fréquence de 20-25 ans (cf. carte n°2).
Carte n°2 : Les foires et marchés de la manufacture des toiles à voiles au XIXe siècle
Les foires et
marchés en l’an
VIII
(1800)21
21
AMR, R0-41. Calendrier du département d’Ille-et-Vilaine, pour la VIIIe année républicaine, Rennes,
Chausseblanche imprimeur, an VII.
Chapitre 2 | 35
Le commerce des toiles à voiles
Les foires et
marchés en
182522
Les foires et
marchés en
184523
22
AMR, R0-49. Etrennes royales de Rennes et du département d’Ille-et-Vilaine, pour l’an 1825, Rennes, Mme Ve
Frout imprimeur, 1824.
23
AMR, R0-52. Etrennes de Rennes et du département d’Ille-et-Vilaine, pour l’an 1845, Rennes, Imprimerie
d’AMB. Jausions, 1844.
Chapitre 2 | 36
Le commerce des toiles à voiles
Les foires et
marchés en
186324
Les foires et
marchés en
188525
A partir de ces cinq cartes, nous pouvons faire deux constats : un premier sur la
localisation des foires et marchés, un second sur leur nombre.
Tout d’abord, les cartes montrent nettement que la densité des foires et marchés est
plus forte dans ce qui peut être appelé « le cœur de la manufacture des toiles à voiles », qui
représente environ 30% de l’ensemble des communes de la manufacture des toiles à voiles,
24
AMR, R0-72. Annuaire d’Ille-et-Vilaine et des tribunaux du ressort de la cour impériale de Rennes (1863),
Rennes, A. Leroy imprimeur, 1862.
25
AMR, R0-76. Annuaire officiel d’Ille-et-Vilaine (1885), Rennes, Alphonse Leroy fils imprimeur-éditeur, 1884.
Chapitre 2 | 37
Le commerce des toiles à voiles
mais qui concentre entre 36 et 47% des foires et marchés de la manufacture. De plus, si
Amanlis reste à l’écart de ces moments d’échanges commerciaux, on remarque que presque
toutes les communes périphériques possèdent au moins une foire ou un marché, voire les deux
à Châteaugiron et Janzé. Ces deux communes apparaissent d’ailleurs comme les deux centres
commerciaux majeurs les plus proches de Rennes.
Ensuite, nous pouvons remarquer que la tenue de foires et marchés, dans les
communes de la manufacture des toiles à voiles, ne semble pas corrélée à la conjoncture
économique du commerce des toiles à voiles, puisque le nombre des communes possédant au
moins une foire ou un marché continue d’augmenter, malgré le déclin – 1863 – et l’arrêt
définitif – 1885 – de la production toilière au sein de ces communes (cf. graphique n°5).
Graphique n°5 : Evolution du nombre des communes possédant des
foires et marchés dans la manufacture des toiles à voiles (1800-1885)
18
16
14
12
10
8
Marchés
6
Foires
4
2
0
On passe ainsi de 9 communes possédant au moins une foire en l’an VIII à 15 en 1845,
puis 16 en 1863 et 1885. C’est la même chose pour les marchés, puisque de 9 communes
possédant un marché en 1825, on passe à 12 en 1863.
En revanche, aucune source ne nous indique la présence de marchands de toiles
d’Amanlis dans les foires et marchés. Il demeure tout de même fort probable que ceux-ci
fréquentent les marchés et les foires de Châteaugiron et encore plus de Janzé pour les
Chapitre 2 | 38
Le commerce des toiles à voiles
marchands qui habitent la partie sud de la commune – autour du village de Néron – là où se
concentre les marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle.26
Le calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les années
1840-1850 se déroule du mois de mars au mois de décembre (cf. tableau n°4).27
Tableau n°4 : Calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les
années 1840-1850
Châteaugiron
Corps-Nuds
Janzé
Janvier
-
-
-
Février
-
-
-
Mars
-
-
-
Avril
4e jeudi
Mardi avant Pâques
2nd mercredi
Mai
-
-
2nd mercredi
25 juin, lendemain de la
Mardi après la Saint-
Saint-Jean
Pierre (29 juin)
-
-
2nd mercredi
-
-
-
Septembre
4 jeudi
-
-
Octobre
-
2nd mardi
2nd mercredi
Novembre
-
-
11 novembre
Décembre
-
Mardi avant Noël
-
Juin
Juillet
Août
e
2nd mercredi
Quant aux lieux où se déroule ces foires, nous savons que celles de Châteaugiron se
déroulent sur la place des Gâtes qui sert de champ de foires. D’après les érudits locaux J.
Legoux et J. Méril, la place avait l’aspect « d’un terrain vague, sorte de ‟vaine pâture” ».28
Les marchés prennent place, quant à eux, dans le lieu qui pourrait symboliser le cœur du
commerce toilier, la halle, chargée de concentrer en un même lieu les productions de toiles
des paroisses/communes rurales, afin de les redistribuer vers les marchés urbains et les
marchés internationaux.
26
Cf. annexe n°4.
OGEE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, nouvelle édition par MARTEVILLE
Alphonse et VARIN Pierre, Rennes, éd. Deniel, 1843-1853.
28
LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron. Images d’hier et d’aujourd’hui, Rennes, Imprimerie
Simon, 1975, p. 90.
27
Chapitre 2 | 39
Le commerce des toiles à voiles
2.2. Les halles : principaux lieux de rencontre des marchands
2.2.1. Des anciennes halles seigneuriales…
Lorsque l’on évoque le bâtiment des halles, il nous vient systématiquement à l’esprit
un bâtiment au milieu d’une place qui concentre en son sein et à ses alentours directs les
activités commerciales du centre urbain. Toutefois, au moins jusqu’au
XVII
e
siècle, en
Bretagne, on trouve largement une autre typologie de halles « incorporées dans des îlots
d’habitation »29, ce qui est le cas de Châteaugiron et de Janzé, tout du moins pour les
anciennes halles. Ce type de construction est un élément du pouvoir seigneurial, puisque « le
droit de fondation d’un marché et la construction d’une halle relevait du seigneur local ou
était délégué au seigneur local par son suzerain ».30 Nous savons d’ailleurs que les halles de
Janzé appartiennent jusqu’à la Révolution au marquis de Langle de Beaumanoir, seigneur de
Brie et Janzé.31
Les halles, propriétés du seigneur, nous amènent à évoquer un autre rôle noncommercial qui est attribué à ce bâtiment. Elles sont le lieu où se rend la justice seigneuriale
sous l’Ancien Régime. Ces auditoires, placés sous la juridiction directe du seigneur local, sont
situés soit dans un étage construit sous les combles – comme on peut le retrouver à Bécherel
par exemple –, soit se trouvent simplement accolés au bout des halles – Châteaugiron et
certainement Janzé entrent dans ce cas de figure. Il est loin d’être rare de trouver un
« triptyque » : halle-auditoire-prison. Cette triple fonction confirme, selon l’architecte et
historien de l’art D. Leloup, « le rôle institutionnel des halles et détermine l’aspect extérieur
du bâtiment ainsi que son emplacement au cœur même de la cité. Cette association, exprimée
par une construction unique, revêt un caractère hautement symbolique. »32
Il ne nous reste que peu de traces des anciennes halles de Janzé et de Châteaugiron qui
sont utilisées jusqu’au milieu du
e
XIX
siècle, période à laquelle celles-ci sont remplacées par
des halles plus modernes. Ces anciennes halles sont construites en bois. Toutefois, le manque
d’entretien au fil des années a fait qu’elles se trouvent dans un état très dégradé dans les
années 1840-1850. M. Soraye-Racapé rapporte, à ce propos, le jugement des Janzéens sur les
vieilles halles, à partir d’un rapport du conseil municipal en 1844 : « les Halles de Janzé
29
LELOUP Daniel, Halles de Bretagne. Cinq siècles d’histoire, Rennes, éd. Apogée, 1999, p. 24.
Ibid., p33.
31
SORAYE-RACAPE Marie, Janzé ses origines, son histoire, Janzé, Yves Salmon éditeur, 1982, p.111.
32
LELOUP Daniel, Halles de Bretagne, op. cit., p. 40.
30
Chapitre 2 | 40
Le commerce des toiles à voiles
remontent à une antiquité fort reculée. […] Leur construction en bois desséché par les années,
leur donne une laideur qui arrête le regard du passant, dans une ville de 1 800 habitants qui
commencent à recevoir la régularité des alignements. »33 Le cadastre napoléonien nous
permet de repérer spatialement les halles dans la ville (cf. illustration n°4). Les anciennes
halles étaient situées en face de l’église Saint-Martin. Elles sont identifiées par le numéro 600
sur le cadastre. Autour des halles se concentraient l’ensemble du trafic commercial. Trop
petites pour contenir le flot de marchands, le commerce se faisait également dans les rues
voisines. Nous savons par exemple que la rue de Lantivy, située au nord-ouest des halles,
étaient le domaine du commerce du fil et de la filasse, et ce encore au
XIX
e
siècle.34 Le
commerce des toiles semblait se tenir dans les halles, tandis que celui du grain avait lieu dans
l’ancienne église Saint-Pierre toute proche.35
33
SORAYE-RACAPE Marie, Janzé ses origines, op. cit., p.111.
Ibid., p. 108.
35
Jusqu’à la Révolution, Janzé possède deux paroisses. En 1803, la paroisse de Saint-Pierre de Janzé est
supprimée et son territoire réuni à celle de Saint-Martin. Sur le cadastre napoléonien, la halle aux grains est
identifiée sous les numéros 553 et 554. le marché aux bestiaux se déroule, quant à lui, dans les bâtiments
numérotés 550 et 551.
34
Chapitre 2 | 41
Le commerce des toiles à voiles
Illustration n°4 : Les anciennes halles de Janzé36
Nous n’avons que peu de sources sur les anciennes halles de Châteaugiron, sinon ce
que nous rapportent les auteurs d’un ouvrage collectif d’érudits locaux sur l’histoire de la cité
marchande : « Jouxtant presque cette chapelle [de la Trinité], voici les halles avec leur énorme
toiture d’ardoises soutenue par une forêt de chevrons, et l’auditoire, grande salle où se rend la
justice seigneuriale. »37 Sur l’extrait cadastral des halles de Châteaugiron (cf. illustration
n°5), nous pouvons observer que les anciennes halles sont situées à l’angle de la rue de la
Poterie et de la Grande Rue, cette dernière étant la plus commerçante de la cité, ainsi que la
rue de résidence des marchands de toiles.
36
37
ADIV, 3P 5365. Section B2 du cadastre napoléonien de Janzé, 1837.
LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron…, op.cit., p. 91.
Chapitre 2 | 42
Le commerce des toiles à voiles
Illustration n°5 : Les anciennes halles de Châteaugiron dans la ville38
Nous avons déjà décrit dans quel état pitoyable se trouvent les halles de Janzé en 1844.
Celles de Châteaugiron ne sont pas dans un meilleur état. En 1854, le maire de la ville,
Auguste Marchand39, souhaite entreprendre la construction de nouvelles halles et il en fait
part dans une lettre adressée au préfet, en date du 16 août : « Ce projet est d’une importance
extrême pour l’avenir commercial de Châteaugiron, qui verra ses marchés tomber
38
ADIV, 3P 5300. Section A du cadastre napoléonien de Châteaugiron, 1849.
Auguste Marchand, entrepreneur, est maire de Châteaugiron de 1856 à 1878. On peut se demander s’il est l’un
des descendants des marchands de toiles François et Jacquette Marchand qui ont été parmi les principaux
animateurs du commerce toilier de la cité au XVIIIe siècle.
39
Chapitre 2 | 43
Le commerce des toiles à voiles
entièrement, si l’on y construit pas une halle. »40 Ces années 1850 sont l’occasion, pour Janzé
et Châteaugiron, de redynamiser leur commerce local, qui décroit en même temps que la
manufacture rurale des toiles à voiles, par la construction de nouvelles halles.
2.2.2. … vers la construction de halles modernes dans les années 1850
Dans sa lettre du 16 août 1854, adressée au préfet, le maire de Châteaugiron, évoque le
projet de construction d’une nouvelle halle sur « un terrain central et parfaitement situé […]
avec une rue de chaque côté. » Il s’agit en fait des terrains et des bâtiments propriétés de la
communauté des Ursulines – transférée alors dans l’ancien prieuré de Sainte-Croix et
ancienne manufacture de toiles Des Bouillons –, qui sont situés entre les rues du Porche et de
la Poterie (cf. illustration n°5). L’acquisition du terrain, de l’immeuble et des bâtiments est
estimée à 30 000 francs. Le terrain serait alors mis « à nu » par la destruction de tous les
bâtiments conventuels. Le coût de la démolition est évalué à 5 000 francs.41 La nouvelle
construction permettrait, selon le maire, d’établir de nouvelles voies de communication : entre
les rues du Porche et de la Poterie, ainsi qu’entre la rue du Porche et le « champ de foire
[place des Gâtes] ». Toutefois, le projet est repoussé une première fois dans un rapport du
conseil local des Bâtiments civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa séance du 3 avril
1855.42 Il y est demandé la production d’un plan général du projet, ainsi que la modification
de quelques éléments architecturaux. Les dimensions de la halle sont prévues faire 42,60
mètres de longueur pour 18,75 mètres de largeur, sur un terrain mesurant 63 mètres de long et
57 mètres de large.43 (cf. illustration n°6)
40
ADIV, 2O 70/14. Lettre adressée au préfet par le maire de Châteaugiron, à propos d’un « projet d’acquisition
d’un terrain et construction d’une halle », datant du 16 août 1854.
41
ADIV, 2O 70/14. Etat approximatif de la dépense de cette construction et des moyens pour y parvenir.
42
ADIV, 2O 70/14. Rapport du conseil local des Bâtiments civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa
séance du 3 avril 1855.
43
ADIV, 2O 70/14. Procès-verbal d’enquête de commodo et incommodo, datant des 26, 27 et 28 mars 1857.
Chapitre 2 | 44
Le commerce des toiles à voiles
Illustration n°6 : Plan de la halle de Châteaugiron, à l’état de projet44
D’après J. Legoux et J. Méril, les travaux débutent en 1858 pour se terminer un an
plus tard.45 Dans sa configuration définitive, la halle est composée d’un bâtiment central, ainsi
44
ADIV, 2O 70/14. Plan de la future halle de Châteaugiron extrait du rapport du conseil local des Bâtiments
civils du département d’Ille-et-Vilaine, lors de sa séance du 3 avril 1855.
45
LE GOUX Jean, MERIL Joseph, Histoire de Châteaugiron…, op.cit., p. 196.
Chapitre 2 | 45
Le commerce des toiles à voiles
que deux appentis moins élevés sur les deux murs gouttereaux de ce bâtiment (cf. illustration
n°7). Ce dernier est surmonté de greniers réservés au dépôt des céréales. La grande halle du
rez-de-chaussée est réservée au commerce des toiles et à l’accueil des marchands forains.
Cette affectation des activités de la halle montre le décalage entre l’avenir perceptible – déjà –
des toiles et les projets du conseil municipal de Châteaugiron, mais politiquement il est
difficile de faire autrement. Les autorités politiques souhaitent que la cité marchande reste un
lieu d’échanges commerciaux, bien que l’activité économique principale jusque dans les
années 1850 – les toiles – soit sur le déclin. Les deux appentis de la halle, quant à eux, sont
destinés à recevoir le marché aux grains. Dernière opération pour la municipalité dans ce
projet : procéder à l’alignement des rues proches de la halle, en concédant des terrains à des
propriétaires qui les obligent à construire des maisons sur un plan uniforme et régulier.46
Illustration n°7 : Photos de la halle de Châteaugiron
(Clichés Thomas Perrono)
Vue de la façade de la halle
Vue de l’appenti latéral nord
46
Ibid., p. 196.
Chapitre 2 | 46
Le commerce des toiles à voiles
A Janzé, le conseil municipal cherche à acquérir les anciennes halles seigneuriales dès
1823.47 Un membre du conseil municipal, monsieur Chocquené, souhaite avancer des fonds
pour acheter les halles qui appartiennent aux sieurs Dubot et Desaintdo. Le prix du rachat est
estimé à 12 000 francs et doit être remboursé par la commune à Chocquené petit à petit, grâce
aux revenus issus de l’exploitation de la halle. Le projet semble bien se dérouler puisque le
préfet donne son accord à cet achat pour utilité publique et générale. Toutefois le conseil
municipal semble rencontrer des problèmes, puisqu’un nouvel extrait du registre des
délibérations du 6 novembre 1853 – soit 30 ans après la décision d’achat ! – révèle que l’un
des anciens propriétaires, monsieur Desaintdo, essaye d’entraver par « chaînes et chaînons »
l’utilisation de la halle, alors que pour le conseil municipal, « le sol des halles [est] propriété
communale ».48
La même année, vu que ce problème semble insoluble, alors que nous ne connaissons
pas le fond du litige, le conseil municipal cherche une nouvelle solution car la nécessité de
disposer de halles modernes est de plus en plus pressante. Il faut rappeler que la cité de
Châteaugiron commence également à réfléchir au remplacement de ses vieilles halles. C’est
pourquoi un deuxième projet de halle est lancé le 12 juillet 1853 avec un document présentant
le « métré et estimation des travaux ».49 Une première estimation est établie à 13 002,65
francs, avant que l’on révise celle-ci à 14 981,38 francs le 21 novembre 1853, dans un avenant
à ce même document. Ce projet est présenté devant le conseil local des bâtiments civils de la
préfecture d’Ille-et-Vilaine lors de la séance du 3 août 1853.50 Le document révèle que la
commune de Janzé « a cherché un emplacement convenable pour en construire une
nouvelle ». Ce nouvel emplacement se trouve dans les jardins du manoir de la Grandinerie,
qui se trouve à l’époque à proximité du centre ancien de Janzé. Le rapport insiste sur le fait
que cette nouvelle halle serait ainsi située sur le nord de la route de Vitré, que le projet prévoit
la construction d’une rue de « douze mètres » vers Rennes et qu’elle est ouverte en
prolongement de la rue de Châteaugiron. Plus tard seulement, serait construit une connexion
avec l’intérieur de la ville par une nouvelle rue. Ce projet est révélateur du changement de
point de vue des autorités municipales sur l’utilité d’une halle. Celle-ci n’est plus conçue
comme un des lieux centraux de la vie publique, comme sous l’Ancien Régime, avec les
47
ADIV, 2O 137/17. Extrait du registre des délibérations de la commune de Janzé, en date du 13 mai 1823.
ADIV, 2O 137/17. Extrait du registre des délibérations de la commune de Janzé, en date du 6 novembre 1853.
49
ADIV, 2O 137/17. Projet de halle. Métré et estimation des travaux, datant du 12 juillet 1853.
50
ADIV, 2O 137/17. Conseil local des bâtiments civils de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, projet de halle et rue,
séance du 3 août 1853.
48
Chapitre 2 | 47
Le commerce des toiles à voiles
activités de commerce et de justice, de plus situé juste à côté de l’église paroissiale. En
revanche, cette nouvelle halle doit être tournée vers l’extérieur, notamment les villes
marchandes voisines : Rennes, Vitré, Châteaugiron.
Cependant, le conseil local des bâtiments civils, par la voix de son président Thomas
Pinczon du Sel51, regrette l’absence d’un programme détaillé de construction dans le projet et
critique également « le manque de simplicité et surtout de solidité » de l’architecture de la
future halle. Par exemple, le conseil juge inopportun la construction d’un clocheton ainsi que
l’emploi de certains matériaux. Malgré tout, ce projet arrive à son terme dans les années
suivantes et à faire la comparaison entre les plans fournis lors du passage devant le conseil
local des bâtiments civils et une carte postale de la fin du
e
XIX
siècle-début
e
XX
siècle, la
ressemblance prouve que le projet n’a été modifié qu’à la marge (cf. illustrations n°8 et 9).
51
Thomas Paul Marie Pinczon du Sel (1812-1882), conseiller de préfecture, se trouve être de la même famille
que Julien-Joseph Pinczon du Sel des Monts (1712-1882), puisque ce dernier est le frère aîné de son arrièregrand-père. Julien-Joseph fut le fondateur de la manufacture royale des toileries de Rennes en 1742. Nous aurons
l’occasion de retrouver ce personnage dans un prochain chapitre qui abordera la question de la concurrence des
toiles mécaniques.
Chapitre 2 | 48
Le commerce des toiles à voiles
Illustration n°8 : Plans du 2nd projet de halle de Janzé52
Coupe longitudinale, élévation d’un pignon, coupe en travers
52
ADIV, 2O 137/17. Plans du second projet de halle, 1853.
Chapitre 2 | 49
Le commerce des toiles à voiles
Façade principale, place de la halle
Chapitre 2 | 50
Le commerce des toiles à voiles
Illustration n°9 : Carte postale de la halle de Janzé
Ces deux exemples de Châteaugiron et de Janzé montrent bien que la fin de l’Ancien
Régime a posé le problème des vieilles halles seigneuriales. Toutefois, nous ne savons pas si
elles sont devenues obsolètes ou bien si elles ont vieilli prématurément par un moindre
entretien et une moindre utilisation. Dans tous les cas, les municipalités de la première moitié
du
XIX
e
siècle cherchent à relancer leur commerce par la construction de halles modernes.
Celles-ci doivent être placées à des endroits stratégiques : proche du champ de foire et des
principales rues – du Porche et de la Poterie –, à Châteaugiron ; proche des voies de
communication vers les villes marchandes de Rennes, Vitré et Châteaugiron, à Janzé. On
remarque enfin que les autorités municipales pensent/souhaitent que le commerce des toiles
reste l’un des piliers du commerce local, puisque la halle centrale de Châteaugiron lui est
réservée, alors que le commerce des toiles rurales connait son dernier souffle au cours de la
décennie 1850. Les halles sont donc les maillons essentiels pour le bon fonctionnement du
circuit commercial des toiles.
Chapitre 2 | 51
Le commerce des toiles à voiles
3. Un circuit des toiles : d’Amanlis à Saint-Malo
En plus des différentes informations récoltées dans les paragraphes précédents,
plusieurs sources nous permettent de recréer le cheminement de la commercialisation des
toiles « rurales », depuis le lieu de production – Amanlis – jusqu’aux portes des marchés
internationaux – Saint-Malo.
Pour le
e
XVIII
siècle, les procès-verbaux de fraudes et malfaçons établis par le bureau
de contrôle et de marque de Rennes révèlent les relations commerciales entre les tisserands,
les marchands-fabricants et les marchands commissionnaires des paroisses rurales de la
manufacture toilière. Nous avons le cas, par exemple, d’un procès-verbal établit le 29
novembre 1777 contre une toile « six fils » présentée par Jacquette Hamelin, femme de
François Marchand, elle-même marchande de toiles à Châteaugiron.53 Cette toile lui avait été
confiée par Pierre Brosseau, « fabriquant » de la paroisse d’Amanlis. On peut penser que
Pierre Brosseau est certainement venu vendre lui-même sa toile à Jacquette Hamelin sur le
marché de Châteaugiron, avant que la marchande de toiles n’aille la vendre sur le marché de
Rennes et la passer préalablement au bureau de marque de la ville, là où une malfaçon a été
sanctionnée. Un autre procès-verbal, dressé lors de la visite du samedi 17 janvier 1778, nous
donne l’exemple d’un marchand de toiles d’Amanlis, Pierre Chevrel, pour une pièce
appartenant à René Gautier, « fabriquant » de la paroisse de Piré.54 A d’autres moments, on
voit apparaître des « marchands commissionnaires » dans ces procès verbaux. Comme par
exemple, Georges Brizé, marchand de toiles et notaire au Jarrot à Amanlis, dans un procès
verbal du 22 avril 1780, ou bien Julien Melissons marchand de la paroisse de Châteaugiron,
dans un procès-verbal dressé le 8 février 1786.55 A travers ces documents, il apparaît une
« hiérarchie » entre les différents marchands de toiles. Des « fabriquants » confient ou
vendent leurs toiles à d’autres marchands de leur paroisse ou de la paroisse voisine, sur les
marchés de Châteaugiron ou de Janzé. Puis les « marchands » ou « marchands
commissionnaires » présentent la marchandise au bureau de contrôle et de marque de Rennes
et la vendent sur le marché à des négociants rennais et surtout malouins.
53
ADIV, C 1545. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées
et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants.
54
ADIV, C 1545. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées
et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants.
55
ADIV, C 1546. Lettres des contrôleurs généraux invitant l’intendant à donner main-levée de toiles confisquées
et à modérer les amendes prononcées contre les fabricants.
Chapitre 2 | 52
Le commerce des toiles à voiles
Pour le
XIX
e
siècle, nous pouvons nous appuyer sur le rapport de la « Commission
consultative et de surveillance pour les toiles rurales » de 1853, pour nous rendre compte que
le système de commercialisation des toiles à voiles n’a pas changé depuis un siècle. 56 Le
rapport dit que les « marchands ruraux » achètent les toiles directement dans les paroisses
rurales, chez le « producteur », c'est-à-dire le tisserand à qui l’on a confié du fil pour qu’il
tisse la toile, ou le « petit fabricant », qui s’est approvisionné lui-même en fils et filasses sur
les marchés ruraux locaux, comme « Janzé, Châteaugiron, La Guerche et Retiers ». Puis ces
« marchands ruraux » apportent la marchandise à la halle de Rennes, où ils « sont inscrits […]
au nombre de 37 [en 1853] », pour les vendre à des négociants. Il arrive également que les
toiles soient vendues aux négociants, rennais et surtout malouins, sans passer par la halle,
voire qu’elles soient directement envoyées au port de Saint-Malo.57
Nous pouvons, à partir de l’ensemble de ces informations, tenter de reconstituer un
schéma du commerce des toiles à voiles valable pour le
première moitié du
XIX
e
e
XVIII
siècle, mais aussi pour la
siècle, depuis Amanlis, le lieu de production, vers les marchés
internationaux. Ce schéma réalisé pour Amanlis – objet de notre étude – est bien entendu
valable pour les autres paroisses/communes rurales de la manufacture des toiles à voiles.
56
ADIV, 9M 16. Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la fabrication des toiles dans le
département. Rapport à M. le Préfet, Rennes, A. Marteville et Lefas, 1853.
57
Ibid., p. 39.
Chapitre 2 | 53
Le commerce des toiles à voiles
Schéma n°1 : Le commerce des toiles à voiles, d’Amanlis à Saint-Malo
du XVIIIe siècle aux années 1850
Légende :
Chapitre 2 | 54
Le commerce des toiles à voiles
Ici on se retrouve dans un modèle productif s’apparentant au Kaufsystem, c'est-à-dire
qu’un nombre important de paysans-marchands d’Amanlis – 62 en 1791 – viennent vendre
eux-mêmes leur production de toiles à voiles, ou bien celle de tisserands à qui ils ont fourni la
matière première sur le marché de Châteaugiron. Les plus riches d’entre eux vont jusqu’à
Rennes vendre directement leurs toiles à la halle. Ensuite ce sont des marchands urbains,
établis à Châteaugiron qui s’occupent de faire passer les toiles au Bureau de marque de
Rennes ; une fois l’opération de contrôle de qualité effectuée, les toiles sont vendues à des
négociants rennais, ou bien probablement directement aux négociants malouins. Ces derniers,
situés tout en haut de l’échelle du commerce toilier, s’occupent de les vendre sur les marchés
internationaux, puis, de plus en plus, sur le marché français au cours du
e
XVIII
siècle, lorsque
les marchés hollandais, anglais et espagnols se ferment petit à petit aux toiles de fabrication
rurale française, privilégiant les toiles fabriquées mécaniquement. Nous voyons bien que dans
ce schéma, ce sont les marchands de toiles (du petit paysan-marchand, jusqu’au grand
négociant) qui tiennent le rôle central dans la manufacture des toiles à voiles, le paysanmarchand rural ayant pour fonction essentielle d’amorcer cette chaîne du commerce.
Conclusion :
Si le commerce des toiles à voile issu des campagnes du triangle Rennes/Vitré/La
Guerche, n’est pas aussi important que celui des « crées » produites dans le Léon, ou des
« bretagnes », produites dans le Centre-Bretagne, il ne faut pourtant pas sous-estimer la
manufacture rurale des toiles à voile. Au
e
XVIII
siècle, dans les paroisses rurales situées au
sud-est de Rennes semblent – à l’exemple d’Amanlis – se trouver un grand nombre de
marchands de toiles. La densité de cette profession par rapport au reste de la population
paysanne dépasserait ainsi ponctuellement celles enregistrées dans les grandes paroisses
toilières du Léon, à la même époque. De plus, les cantons de Châteaugiron et de Janzé sont
restés parmi les plus gros producteurs de toiles du département d’Ille-et-Vilaine au siècle
suivant.
La première étape du commerce toilier se déroule lors des foires et marchés qui ont
lieu dans les paroisses/communes des environs d’Amanlis. Si les plus riches des marchands
amanlisiens vont certainement jusqu’à Rennes pour vendre leur marchandise, ils se tournent
Chapitre 2 | 55
Le commerce des toiles à voiles
principalement vers les marchés et halles de Châteaugiron et Janzé. C’est pourquoi, ces deux
bourgs marchands prennent avec force le problème des vieilles halles seigneuriales, pour faire
construire des halles modernes dans les années 1850. Il faut noter par ailleurs, que ces deux
communes sont devenues des chefs-lieux de cantons à la Révolution, ces nouvelles
constructions sont peut-être un moyen d’affirmer cette position par rapport aux communes
rurales voisines. Durant cette décennie, alors que le commerce des toiles « rurales » est voué à
s’effondrer définitivement, celui-ci est encore l’une des seules ouvertures de ces communes
rurales vers l’extérieur, vers les grandes villes marchandes comme Rennes et Saint-Malo.
D’Amanlis à Saint-Malo se met donc en place un circuit commercial, au sein duquel les
marchands de toiles ruraux ont pour rôle de stimuler la production locale des toiles, puis de
drainer celle-ci vers les halles voisines. En revanche les marchands ruraux d’Amanlis
semblent n’avoir eu pas ou très peu de relations directes avec les négociants rennais et plus
encore malouins. Dans un prochain chapitre nous analyserons un autre type de relation entre
les marchands ruraux et les marchands urbains : les dettes liées au commerce des toiles.
Nous venons de voir le rôle important joué par les marchands ruraux dans la protoindustrie des toiles à voiles. Il serait intéressant maintenant d’étudier la place sociale,
économique et politique qu’occupe ce groupe social – si nous pouvons le définir ainsi – au
sein de leur société rurale.
Chapitre 2 | 56
Le commerce des toiles à voiles
CHAPITRE 3
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Les deux premiers chapitres de notre étude ont permis d’analyser le fonctionnement
économique de la manufacture rurale des toiles à voiles : de la culture du chanvre dans les
courtils et la fabrication des toiles à Amanlis jusqu’à la commercialisation sur les marchés
internationaux à Saint-Malo. Nous avons également mis en lumière le rôle majeur joué par les
marchands de toiles, notamment par les petits marchands ruraux. Il s’agit désormais
d’analyser la place occupée par les marchands de toiles, en tant que groupe social s’ils en
constituaient bien un, dans la société rurale d’Amanlis.
Pour ce faire, nous verrons, tout d’abord, si nous avons à faire à un groupe homogène
de riches marchands, ou si, au contraire, il s’agit d’un groupe social aux fortunes diverses,
regroupant autour d’un même commerce des hommes de conditions différentes. Puis, nous
nous attacherons par la suite à replacer ce groupe social par rapport aux élites économiques et
sociales du département d’Ille-et-Vilaine. Enfin, nous analyserons la généalogie détaillée de
plusieurs familles marchandes pour voir si l’endogamie et la reproduction sociale font parties
de leurs pratiques socioculturelles.
Chapitre 3 | 57
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
1. Un groupe social professionnellement et financièrement très hétérogène
Si l’on considère que, de par leur activité professionnelle de commerce toilier, les
marchands ruraux d’Amanlis peuvent former un groupe social, nous verrons que ce groupe est
avant tout très divers, tant par les situations professionnelles que financières de ces membres.
1.1. « Marchand de toiles » : une seule profession, mais des situations diverses
La liste nominative des marchands de 1791 montre clairement que la profession de
marchand de toiles recouvre des situations bien différentes.1 Nous avons pu analyser cette
diversité à travers six situations professionnelles qui sont exposées dans le tableau et le
graphique ci-dessous (cf. tableau n°5 et graphique n°6).
1
ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4. Liste nominative de ceux qui ont déclaré exercer une profession à
Amanlis pour l’année 1791 et suivantes, 1791. Cf. annexe n°2.
Chapitre 3 | 58
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Tableau n°5 : La diversité des situations professionnelles des marchands de toiles
d’Amanlis en 1791
Situations professionnelles
Nombre de marchands
Marchands de toiles et fils
39
Marchands de fils
5
Marchands et tisserands
9
Marchands et autres activités
commerciales (autres denrées,
cabaretier, marchand tanneur)
Marchands et activités artisanales
(charron, menuisier, meunier,
cordonnier)
Marchand et autre activité (notaire)
3
Noms des marchands
François Albert, Jean Barbier,
René Barbier, Charles Berthiau,
Pierre Bigot, Jean Bigot, Jean
Boüe, Antoine Brizé, Georges
Brizé (de la Piardière), Jean
Brossault, Jullien Brossault,
Théodore Bustault, Paul Chailleux,
Félicien Châtellier, Jean-Baptiste
Chevrel, Joseph Chevrel, Jean
Croyal père, Jean Garnier, Charles
Garnier, Jean-Baptiste Gilbert,
Joseph Guibour, René Haslé, Paul
Hazard, Georges Jamois, Nicolas
Lussot, Pierre Maleuvre, Charles
Martin, Jacques Ménard, François
Morin, Jean Paris père, Alexis
Perrichon, Jullien Ricard, René
Robert, Joseph Robert, Georges
Robert, François Tortellier,
Jacques Vallée, Joseph Veilleaux,
Jean Veilleaux
Jean-François Chevrel, René
Garnier, Charles Guyené, Pierre
Jouzel, René Viel
Jean Albert, Jean Desiles, Georges
Herrault, Jean Jamier, Georges
Jamier, Georges Louis, Jean
Meslet, Jean Micault, Pierre Paris
Louis Belloir, Toussaint Benard,
Jullien Louis
5
Emmanuel Boüe, Jean-Baptiste
Boüe, Joseph Debroize, Jean
Faucheux, Pierre Grée
1
Georges Brizé (du Jarrot)
Chapitre 3 | 59
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Graphique n°6 : La répartition des situations professionnelles des
marchands de toiles d'Amanlis en 1791
5
Marchands de toiles et fils
1
3
Marchands de fils
9
Marchands et tisserands
5
39
Marchands et autres activités
commerciales
Marchands et activités artisanales
Marchand et autre activité
Si la majorité des marchands – 39, soit 63% – exerce les activités conjointes de
marchands de fils et de toiles, cinq marchands ne font que le commerce de fils (8%). Neuf
marchands sont également désignés comme tisserands (14%). Les neuf autres exercent une
autre activité professionnelle en plus du commerce textile ; trois ont une autre activité
commerciale (5%), comme marchand tanneur, d’autres denrées, ou bien cabaretier ; cinq
pratiquent une activité artisanale (8%), en tant que charron, menuisier, meunier, ou
cordonnier ; enfin, un marchand exerce également une profession juridique 2. Il est intéressant
également de regarder dans quel ordre ont été notées les professions. Par exemple, Emmanuel
Bouë, qui demeure au village de Séran3, est désigné comme « charron et marchand de fils et
bois » ; nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il est avant tout un artisan qui fabriquait des
roues de charrettes et qu’il trouvait dans le commerce du fil et du bois une source de revenus
supplémentaires. Jean Meslet, de Laval, a déclaré comme profession « tisserand et marchand
de toiles », alors que Georges Loüis de Bellemotte est « marchand de fils et toiles et
tisserand ». Là aussi nous émettons l’hypothèse que le premier est avant tout tisserand, qu’il
vend ses toiles – plus quelques autres qu’il a pu acheter à Amanlis – sans doute à Janzé ou à
Châteaugiron, plus difficilement à Rennes. En fait, Jean Meslet correspond aux
« fabriquants » que nous avons pu étudier dans le chapitre précédent, alors que le second,
Georges Loüis, n’est tisserand que de manière secondaire.
2
3
Il s’agit de Georges Brizé du Jarrot qui est notaire.
Cf. annexe n°4 pour repérer les différents villages d’Amanlis.
Chapitre 3 | 60
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Ces situations professionnelles diverses entraînent des situations financières très
différentes. Les marchands de toiles forment ainsi un groupe social très hétérogène du point
de vue de la richesse.
1.2. Les marchands de toiles face à une richesse inégale…
1.2.1. Une inégalité face à la capitation
Les registres de capitation, pour la période antérieure à 1790, constituent la source la
plus commode pour évaluer la richesse des marchands. Nous sommes en possession de 17
rôles pour la période 1751-1790 à Amanlis. Etant donné qu’aucun des rôles ne mentionnait les
professions, nous avons fait concorder les noms des marchands de toiles de la liste de 1791
avec les noms des capités de 1790.4
Premier constat : les marchands de toiles sont globalement plus riches que le reste de
la population (cf. graphique n°7). Sur les 423 personnes soumises à la capitation en 1790,
presque 15% d’entre elles étaient des marchands de toiles. Lorsque l’on s’intéresse au détail
de la capitation, on se rend compte qu’ils payent en moyenne 7 L. et 9 s., là où le reste de la
population n’en paye que 4 L. et 10 s. Ils ne représentent que 5% des capités les plus pauvres,
ceux qui ne payent qu’une ou deux livres, et ce taux augmente graduellement lorsque l’on
monte dans l’échelle de la capitation, jusqu’à représenter 80% de ceux qui payent 14 ou 15 L.
de capitation et 38% des plus riches qui payent plus de 15 L. Ce constat en amène un autre : le
groupe des marchands de toiles est très hétérogène, puisque six marchands en 1790 font partie
des catégories de capités les plus pauvres, ne payant qu’une ou deux livres, alors que six
autres payent plus de 15 L. de capitation. Le montant de la capitation a un lien avec le
patrimoine personnel5, ce qui signifie que la diversité des sommes payées par les marchands
recouvre des situations personnelles très différentes : lorsque certains marchands vivent
comme de petits paysans, d’autres sont de véritables bourgeois ruraux. Toutefois, il faut noter
que les marchands ne sont qu’une partie des plus riches.
4
ADIV, C 4066. Rôle de capitation de la paroisse d’Amanlis, 1790. Cf. annexe n°5.
A partir d’un rapide calcul entre le rapport de la somme totale du patrimoine mobilier laissé au décès dans
l’inventaire après décès, et celle payée par la capitation, nous sommes arrivés à un ratio d’environ 1 pour 104.
5
Chapitre 3 | 61
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Graphique n°7 : Capitation des marchands de toiles par rapport aux
autres en 1790
120
100
80
60
Marchands
Autres
40
20
0
1.2.2. Un emploi inégal de domestiques par les marchands de toiles
La richesse peut également être évaluée, de manière plus indirecte cependant, au
nombre de domestiques employés par les marchands. Ces domestiques sont repérables, pour
le XVIIIe siècle, sur les registres de capitation puisque ce sont les employeurs qui payaient cet
impôt pour eux, à raison de 1,5 à 2,5 L. par personne. Pour le
XIX
e
siècle, nous pouvons
utiliser les registres de recensement, puisque les domestiques sont recensés dans les foyers de
leurs maîtres, comme en 1846 (cf. tableau n°6).
Tableau n°6 : Un emploi inégal des domestiques par les marchands de toiles
en 1790 et en 1846
Nombre de
domestiques
0
1
2
3
4
5
6
7
32
16
9
3
1
0
0
0
4
0
1
1
1
1
0
1
Nombre de
marchands en
1790
Nombre de
marchands en
1846
Chapitre 3 | 62
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
En 1790, près de la moitié des marchands de toiles (32) n’emploie aucun domestique,
mais 21 en emploient 1 ou plus, jusqu’à 4 pour l’une d’entre eux. Il s’agit de la veuve de JeanBaptiste Chevrel, sieur du Vinoux, qui demeure au Gros-Chêne et emploie deux domestiques,
une servante et un tisserand6. Nous constatons qu’il existe également une grande
hétérogénéité du groupe social des marchands de toiles face à l’emploi de domestiques. Mais
il est important de noter que le lien nombre de domestiques/richesse n’est pas forcément
automatique. Toussaint Besnard, de Laval, paye par exemple 18 L. de capitation et n’emploie
pas de domestiques.
En 1846, sur les neuf marchands de toiles encore présents à Amanlis, cinq emploient
au moins un domestique.7 Ils emploient respectivement deux, trois, quatre, cinq et sept
domestiques. Désiré Arondel, marchand de toiles au Talut, emploie ainsi le plus de
domestiques. Nous aurons l’occasion dans le point suivant sur les stratégies matrimoniales
d’étudier cette famille Arondel, l’une des plus riches et importantes d’Amanlis au XIXe siècle.
Après avoir dénombré les domestiques chez les marchands de toiles, nous pouvons
également étudier, à partir des mêmes sources, leur sexe, ainsi que les fonctions pour
lesquelles ils étaient employés (cf. tableau n°7).
Tableau n°7 : Une typologie des domestiques employés par les marchands de toiles
en 1790 et en 1846
Nombre de
en 1790
Nombre de
en 1846
Servante
Domestique
Tisserand
Valet
Farinier
Pâtre
Homme
Femme
26
11
6
3
1
0
21
26
0
19
1
0
0
1
16
5
A partir de ce tableau, lorsque l’on essaye d’établir une typologie des domestiques
employés par les marchands de toiles en 1790 et en 1846, une première information ressort :
six domestiques en 1790 et un en 1846 sont employés au titre de tisserands par les marchands.
Le tableau montre également des disparités dans la dénomination des types de
domestiques. Alors que plus d’un domestique sur deux est une servante en 1790, cette
dénomination a disparu en 1846. Cela s’explique par le fait que les femmes sont désormais
6
Elle paye 32 L. de capitation, ce qui fait d’elle la plus riche du groupe de marchands de toiles. Son défunt mari,
Jean-Baptiste, avait payé 38 L. de capitation en 1783. Nous aurons par ailleurs l’occasion d’étudier plus en
profondeur les Chevrel d’Amanlis dans le point suivant.
7
ADIV, 6M 50. Registres de recensement de la commune d’Amanlis, 1846.
Chapitre 3 | 63
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
regroupées avec les hommes parmi les domestiques. En fait, le terme « domestique » semble
être devenu la norme en 1846, lorsqu’il s’agit de simplement recenser les personnes
employées par le foyer, alors qu’il est important de définir des professions précises en 1790,
puisque tous les domestiques ne coutent pas la même somme au paiement de la capitation. En
1846, seule Anne-Marie Gilbert, veuve Garnier, demeurant au bourg, fait la distinction parmi
ses domestiques. Elle emploie deux domestiques, un tisserand et un pâtre. Ce dernier est en
fait un jeune garçon âgé de 12 ans. Sa mission doit essentiellement consister à faire paître le
bétail de la ferme.
Un autre fait important réside dans la très forte diminution du nombre de domestiques
femmes : alors qu’elles représentent 55% des domestiques en 1790, le pourcentage tombe à
24% un demi-siècle plus tard. Dans le même temps, le nombre de domestiques hommes s’est
à peu près maintenu entre 21 et 16. On peut poser l’hypothèse que les servantes de 1790 sont
là pour aider la femme du marchand dans toutes ses tâches ménagères, mais surtout pour
l’activité de filage qui est primordiale comme nous avons pu le voir auparavant. Cette activité
déclinant tout au long du XIXe siècle à Amanlis – il ne reste plus que 114 fileuses en 1846 –, il
devient de moins en moins nécessaire d’employer des filles, mis à part pour s’occuper de la
maison et des enfants. De plus, les hommes qualifiés comme domestiques en 1846 doivent
d’avantage être compris comme ce que nous appellerions aujourd’hui des ouvriers agricoles.
Nous pouvons remarquer enfin que les 32 marchands de 1790 emploient 47
domestiques contre 21 pour les seuls neuf marchands de 1846 – soit un ratio de 1,4 en 1790
contre 2,3 en 1846. Cela est révélateur d’une inégalité de richesse entre la génération de la fin
de l’Ancien Régime et celle du milieu XIXe siècle.
Pour terminer notre typologie sur les domestiques, nous pouvons nous intéresser à
l’âge de ceux-ci en 1846 (cf. graphique n°8).
Chapitre 3 | 64
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
7
Graphique n°8 : L'âge des domestiques employés par les marchands
en 1846
6
5
4
Nombre de
domestiques
3
2
1
0
0-15
15-20
20-25
25-30
30-40
En moyenne, quel que soit le sexe ou le type, l’âge d’un domestique est de 24 ans. En
fait, plus de la moitié des domestiques – 11 sur 21 – ont un âge compris entre 20 et 30 ans.
Seulement trois ont moins de 15 ans, le plus jeune étant le pâtre de 12 ans chez la veuve
Garnier. Le domestique le plus âgé a 36 ans et travaille chez Jean-Marie Belloir aux Ouches.
Tout ceci peut nous permettre de dégager le portrait type d’un domestique travaillant
chez un marchand de toiles en 1846. Il s’agit d’un homme, plutôt jeune, qui travaille dans les
champs avec le cultivateur-marchand et qui l’assiste probablement dans ses activités
commerciales. Ce qui correspond en fait au statut d’ouvrier agricole, que l’on donne au
e
XX
siècle pour ce type d’employé dans une ferme.
Nous avons notamment vu jusqu’ici que le groupe social des marchands de toiles est
très inégal face à l’impôt, tout comme face à la capacité d’emploi de domestiques. Il est
intéressant d’étudier maintenant que cette inégalité se poursuit jusqu’à leur mort.
1.3. … jusqu’à leur mort
La mort est l’occasion de faire un bilan de la réussite professionnelle des marchands.
Entre moyen d’accession à la fortune et revenus complémentaires à l’activité agricole, les
différentes pratiques du commerce des toiles s’observent également lors du trépas des
marchands de toiles. Là aussi, l’hétérogénéité de la richesse des marchands est flagrante.
Chapitre 3 | 65
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
L’un des moyens de montrer l’expression de la richesse des marchands est d’analyser
leurs propriétés foncières à travers les registres des mutations après décès.8 Ceux-ci relèvent
des archives de l’Enregistrement. À partir de 1790, tout acte notarié doit être présenté à
l’Enregistrement dans les dix jours suivant la date de sa rédaction lorsque le notaire réside
dans le lieu où le bureau est installé, et dans les vingt jours lorsque le notaire réside hors du
lieu de l’établissement du bureau. Une exception est faite pour les testaments, qui doivent être
présentés trois mois au plus tard après le décès des testateurs.9 Une taxe est prélevée par la
suite. Celle-ci fut créée en 1790, puis réorganisée par la loi du 22 frimaire an VII.10 Pour notre
étude, nous nous concentrerons sur le capital des propriétés foncières déclaré à la mort des
marchands de toiles d’Amanlis.11 Nous avons utilisé la liste des marchands de toiles de 1791
pour cette étude. A cette liste nous avons juste ajouté Pierre Antoine Arondel, qui est un des
acteurs majeurs du commerce des toiles à Amanlis au
XIX
e
siècle. Mais n’étant arrivé dans la
commune qu’en 1802, il ne pouvait logiquement pas faire partie de cette liste. Au final, nous
avons trouvé les mutations après décès de 41 marchands – sur un nombre initial de 63
marchands – sur une période s’étalant du 4 thermidor an
III,
jusqu’au 5 avril 1842 (cf.
graphique n°9).12
8
ADIV, 3Q 18/283 jusqu’à 3Q 18/311, registres des mutations après décès du bureau de l’enregistrement de
Janzé.
9
Ce dispositif prend la suite du contrôle des actes qui existait sous l’Ancien Régime. La différence entre les
deux réside dans la suppression de l’insinuation judicaire et de l’insinuation fiscale, mais l’obligation
d’enregistrer les actes notariés subsiste, et l’enregistrement inclut désormais la déclaration de succession.
10
DAUMARD Adeline, « Paris et les archives de l'Enregistrement », Annales ESC, 13e année, n°1, 1958, p. 289.
11
Les registres de mutations après décès détaillent l’ensemble des propriétés foncières du décédé, en précisant
les revenus issues de ces propriétés. Pour obtenir le capital, il faut multiplier le revenu par un coefficient qui a
évolué au cours de la Révolution. Ainsi jusqu’en l’an VII de la République, le coefficient multiplicateur entre «
revenus » et « capital » est de 25 ; il n’est plus que de 22 au cours de l’an VII et le début de l’an VIII ; par la suite
le coefficient multiplicateur reste stable à 20.
12
Cf. annexe n°6.
Chapitre 3 | 66
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
12
Graphique n°9 : Montant du capital foncier des marchands de toiles
d'Amanlis à leur décès (an III-1842)
11
10
9
8
7
Nombre de
marchands
de toiles
6
5
4
3
2
1
0
Ce graphique montre parfaitement le large spectre des conditions matérielles des
marchands. Ainsi, 20% des marchands de toiles peuvent être considérés comme pauvres
puisqu’ils n’ont accumulé aucun ou moins de 500 fr. de capital foncier durant leur vie. Sur les
85% des marchands qui possèdent quelque chose, les situations varient énormément : les
deux-tiers ont un capital foncier compris entre 500 et 10 000 fr., contre seulement 14% qui en
possèdent plus de 10 000 fr. Le groupe social des marchands serait ainsi dans sa grande
majorité un groupe de petits propriétaires terriens, avec à ses marges, une minorité qui ne
possède rien ou très peu, et à l’opposé, quelques individus relativement riches. Jean-François
Chevrel, marchand de toiles aux Douëts-de-Néron, est le plus grand propriétaire foncier parmi
eux, avec un capital foncier s’élevant à 23 209,60 fr.13
De plus, l’analyse de la moyenne et de la médiane des chiffres du capital foncier des
marchands de toiles d’Amanlis confirme la très grande hétérogénéité de ce monde de petits
propriétaires fonciers. Si la moyenne du capital foncier s’élève à 4 556 fr., dans le même
temps, la médiane est nettement inférieure avec 2 908 fr. En conséquence, cette différence
importante reflète très bien qu’une minorité de riches marchands tire l’ensemble du groupe
social vers le haut, alors que dans le même temps, la moitié des marchands possède moins de
2 908 fr. de capital foncier.
13
ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842.
Chapitre 3 | 67
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Nous étudierons plus en profondeur les différents types de propriétés foncières des
marchands de toiles d’Amanlis dans le prochain chapitre.
L’idée principale, qui ressort de cette première partie est la très grande hétérogénéité
du groupe social des marchands de toiles d’Amanlis. Celle-ci se voit d’abord dans la diversité
des situations professionnelles des marchands du
e
XVIII
siècle, mais également dans les
situations financières complètement différentes, que ce soit face à l’impôt, pour la constitution
d’un patrimoine foncier, ou bien encore face à l’emploi de domestiques. Malgré tout, nous
avons pu remarquer que l’ensemble du groupe social des marchands est globalement plus
riche que le reste de la population paysanne d’Amanlis. Cet état de fait semble se renforcer au
le XIXe siècle.
Toutefois, si les marchands de toiles d’Amanlis apparaissent parmi les plus riches de
leur commune, notamment au
e
XIX
siècle, nous pouvons nous poser la question de savoir
quelle est leur situation par rapport aux élites départementales.
2. Un groupe social à l’écart des élites départementales
Si les marchands de toiles d’Amanlis, par leur relative richesse, appartiennent à l’élite
communale au
XIX
e
siècle – comme c’était déjà le cas au XVIIIe –, qu’en est-il face aux élites
économiques, financières et politiques du département d’Ille-et-Vilaine ? Peuvent-ils
prétendre à faire partie de l’élite départementale ? Nous étudierons, dans un premier temps,
l’intégration politique des marchands d’Amanlis parmi les élites départementales. Puis, dans
un second temps, nous élargirons cette étude à l’ensemble du monde rural d’Ille-et-Vilaine.
2.1. Les marchands de toiles d’Amanlis : une élite seulement locale à l’échelle de l’Ille-etVilaine
Si les marchands de toiles sont, dans leur ensemble, plus riches que le reste de la
population à l’échelle de leur société paroissiale – ou communale après la Révolution –, il est
intéressant de pouvoir établir leur position sociale à une échelle géographique plus large. Pour
cela, nous avons utilisé trois sources électorales différentes : premièrement, la liste des 600
Chapitre 3 | 68
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
contribuables les plus imposés du département en l’an
XIII
14
; deuxièmement, la liste des
membres du collège électoral de l’arrondissement de Rennes, toujours en l’an
15
XIII
;
troisièmement, la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections
départementales, établie en 1833.16
Pour commencer, la liste des 600 contribuables les plus imposés du département
permet de faire un constat simple : aucun des marchands de toiles d’Amanlis n’est mentionné
dans cette liste des personnes les plus riches d’Ille-et-Vilaine.
Ensuite, à partir de la liste des membres du collège électoral de l’arrondissement de
Rennes du 30 germinal an
XIII
(20 avril 1805) : sur une soixantaine de marchands de toiles
exerçant à Amanlis en ce début du XIXe siècle, seul Alexis Garnier (1785-1845), cultivateur et
marchand de toiles au bourg, est membre de ce collège électoral.
Enfin, sur la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections
départementales en 1833, on ne retrouve, une nouvelle fois, que la personne d’Alexis Garnier,
qui devient maire d’Amanlis en septembre de la même année, jusqu’à sa démission en mai
1836. On peut noter également la présence des deux marchands, Pierre Jouzel, de la
Ferronnerie, et Jean-François Chevrel, des Douëts-de-Néron, parmi les électeurs
complémentaires.
De ce constat, on peut en déduire que, si les marchands d’Amanlis constituent une
élite locale, en revanche, dès que l’on dépasse le cadre du canton, voire de leur commune, ils
ne peuvent prétendre à faire partie d’une élite départementale.
2.2. Un monde rural globalement en marge des élites départementales
En partant du constat qu’il n’y a qu’un horizon local pour l’élite marchande
d’Amanlis, on peut se demander s’il s’agit d’une exception, ou bien la règle en ce qui
concerne les élites rurales d’Ille-et-Vilaine. Pour cela nous allons étudier plus en profondeur
notre troisième source : la liste des électeurs de la monarchie de Juillet pour les élections
départementales, établie en 1833. Ces élections se déroulent sur le mode du suffrage
censitaire, qui a été mis en place en 1814 : seuls les citoyens dont le total des contributions
14
ADIV, 3M 9, liste des 600 contribuables les plus imposés du département, an XIII.
ADIV, 3M 9, liste des membres du collège électoral de l’arrondissement de Rennes, 30 germinal an XIII.
16
ADIV, 3M 50, liste des électeurs de la Monarchie de juillet pour les élections départementales, 1833.
15
Chapitre 3 | 69
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
directes dépasse un seuil, appelé cens, sont électeurs.17 La monarchie de Juillet élargit
progressivement le corps électoral en incluant notamment la patente – impôt qui touche les
personnes qui exercent un commerce – dans le calcul du cens, qui est par ailleurs ramené de
300 à 200 fr. Ainsi pour être inscrit sur les listes électorales, il suffit d’avoir 25 ans et
d’acquitter un cens de 200 fr. En revanche pour être éligible, il faut être âgé de 30 ans et payer
500 fr. de contributions directes.18
A partir des chiffres de recensement de 1831 pour l’ensemble de l’Ille-et-Vilaine19, et
du nombre des membres du collège électorale de 1833, nous avons pu calculé un ratio de
membres pour 1 000 habitants et par canton, afin d' établir une cartographie (cf. carte n°3).
17
LAGOUYETTE Patrick, La vie politique en France au XIXe siècle, Paris, Ophrys, coll. Synthèse Σ Histoire, 1997,
p. 47.
18
Ibid., p. 48.
19
Contribution des Archives à l’histoire du département d’Ille-et-Vilaine de 1789 à 1980, Rennes, Archives
d'Ille-et-Vilaine, 1981.
Chapitre 3 | 70
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Carte n°3 : La répartition des membres du collège électoral de 1833 par canton
0
50 km
Chapitre 3 | 71
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
En s’appuyant sur la carte de la répartition des membres du collège électoral de 1833
par canton, ainsi que sur le tableau ci-dessous (cf. carte n°3 et tableau n°8), nous pouvons
remarquer très nettement que certains cantons concentrent plus de membres au sein du collège
pour 1 000 habitants. Trois aires semblent ainsi se dégager :
-
les cantons urbains principaux, autour des deux cantons nord de Rennes et celui de
Saint-Malo.
-
les cantons urbains secondaires, autour des deux cantons sud de Rennes, les deux
cantons vitréens, le canton de Redon, les deux de Fougères et celui de Saint-Servan
en périphérie de Saint-Malo.
-
enfin, le reste du département, c’est-à-dire les cantons ruraux, avec des nuances
toutefois. Certains cantons apparaissent mieux représentés au sein du collège
électoral, notamment ceux situés en périphéries des aires urbaines, tels les cantons
de Mordelles, de Dol, de Saint-Aubin-du-Cormier par exemple.
Tableau n°8 : Nombre de membres du collège électoral de 1833 pour 1 000 habitants
selon le type de cantons
Département
3,4
Cantons urbains
Cantons urbains
principaux
secondaires
16
4,4
Cantons ruraux
1,9
Cantons de la
manufacture
1,8
L’étude plus précise des chiffres du tableau n°8 est très parlante, puisque l’on constate
qu’il y a presque cinq fois plus de membres du collège électoral pour 1 000 habitants dans les
principaux cantons urbains que dans l’ensemble du département, alors que, dans le même
temps, ils sont presque deux fois moins nombreux dans les cantons ruraux par rapport à la
moyenne départementale. On remarque, dans ces conditions, que les élites économiques,
celles qui ont les moyens de participer au processus politique à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine –
du fait du droit de vote censitaire –, sont très fortement concentrées dans les cantons urbains
au détriment des cantons ruraux.
Chapitre 3 | 72
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Un dernier chiffre nous permet d’aller encore plus loin, il s’agit de celui des cantons
intégrés à la manufacture rurale des toiles à voiles.20 On comptabilise ainsi 1,8 membre du
collège électoral pour 1 000 habitants sur l’ensemble de ces six cantons, un chiffre encore
plus faible – bien que très légèrement – que celui de l’ensemble des cantons ruraux. Deux
constats en découlent : premièrement, le monde rural ne concentre pas une élite économique,
à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine ; deuxièmement, ce constat est encore plus fort à l’échelle des
cantons de la manufacture des toiles à voiles.
Au final, on constate que le commerce des toiles à voile n’a pas été un moyen, pour les
marchands ruraux, de s’élever au niveau social des élites économiques départementales. Cela
s’inscrit dans un contexte plus large, d’une mise à l’écart du monde rural par rapport au
pouvoir politique départemental, puisqu’il n’est que très faiblement représenté au sein du
collège électoral. Toutefois, une autre hypothèse reste possible : les riches marchands ruraux
partent pour la ville une fois l’ascension réalisée, comme c’est le cas pour Hyacinthe Porteu,
qui a repris la manufacture de la Piletière à Rennes aux débuts des années 1820 et qui est le
fils d’un notaire et marchand de toiles de Louvigné-de-Bais.21 En revanche, nous n’avons pas
encore d’exemple similaire pour Amanlis. Peut-être l’étude de la généalogie des principales
familles de marchands de toiles d’Amanlis permettra-t-elle de valider cette hypothèse.
3. « Se marier entre soi » : un moyen de conforter sa position sociale et de construire
des réseaux
Lorsqu’il évoque les alliances matrimoniales au sein du groupe social des Juloded –
ces marchands de toiles léonards –, L. Elegoët parle en ces termes : « Jusqu’à cette époque [le
milieu du XIXe siècle] les marchands de toiles et les tanneurs se marient presque toujours entre
eux et forment une sorte de caste. »22 Il serait intéressant de savoir, à ce moment de l’étude, si
les marchands de toiles d’Amanlis ont les mêmes pratiques endogamiques et ainsi, de voir
s’ils se considéraient comme un groupe social « en soi », voire comme une caste à part entière
dans la société paroissiale.
20
Bien que la manufacture ne soit pas aussi strictement définie autour de frontières cantonales, nous avons
retenu les six cantons d’Argentré, de Châteaugiron, de Châteaubourg, de Janzé, de La Guerche et enfin de
Retiers.
21
LAGADEC Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale. L'exemple de Louvigné-de-Bais (XVIe-XIXe
siècles), thèse de doctorat, dact., université Rennes 2, 2003, p. 384-385.
22
ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 143.
Chapitre 3 | 73
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
3.1. Amanlis, une société rurale endogame
L’endogamie, notion qui relève de l’ethnographie, est l’obligation – ou tout du moins
la forte inclinaison – pour un membre d’un groupe social de se marier avec un membre du
même groupe. Nous pouvons distinguer plusieurs types d’endogamies : l’endogamie
géographique, pour les mariages entre personnes de la même paroisse ou de la même
commune ; l’endogamie sociale, qui concerne les mariages dans le même milieu social ;
l’endogamie professionnelle, lorsque deux familles exerçant la même profession marient leurs
enfants ; enfin, l’endogamie religieuse, qui consiste à se marier avec une personne de la même
religion. Toutefois, nous n’évoquerons pas ce quatrième type d’endogamie, puisqu’il semble
que toutes les personnes qui apparaissent dans ces généalogies soient de confession
catholique. De plus, dans les archives de la paroisse d’Amanlis, il n’est jamais fait état d’une
quelconque conversion de catholiques au protestantisme, ou bien de la pratique du culte
réformé. Nous conclurons donc à une endogamie religieuse de facto à Amanlis. Pour étudier
ces pratiques endogamiques, nous nous appuierons sur la généalogie détaillée23 de trois
familles notables de marchands de toiles : la famille Chevrel du Gros-Chêne – à ne pas
confondre avec la famille Chevrel de Néron, de lointains cousins, que nous avons déjà
évoqués à travers la personne de Jean-François Chevrel –, la famille Jouzel et la famille
Arondel.24
3.1.1. L’endogamie géographique
La première question à se poser sur le mariage « entre soi » est de savoir si les
marchands de toiles d’Amanlis allaient chercher leurs épouses – ou des époux pour leurs filles
– en dehors d’Amanlis, ou bien si l’on se mariait avant tout dans le cadre de la paroisse, puis
de la commune. Sur les trois familles étudiées, nous avons pu repérer l’origine géographique
du conjoint pour 28 mariages, entre le milieu du XVIIIe et la fin du XIXe siècle.
23
Nous avons tenté de remonter le plus en amont possible pour nos trois familles de marchands et de poursuivre
jusqu’à une période la plus contemporaine possible. Ainsi, nous pourrons tenter de voir leurs origines familiales,
mais aussi observer l’évolution familiale, une fois le commerce de la toile abandonné dans les dernières
décennies du XIXe siècle. C’est pourquoi la généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne s’étend sur sept
générations, du début du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle ; celle de la famille Jouzel compte huit
générations du début XVIIe au tournant du XXe siècle ; enfin la plus étoffée (12 générations), celle de la famille
Arondel, que nous avons réussi à remonter jusqu’aux dernières décennies du XVe siècle pour se terminer au
milieu du XXe siècle.
24
Pour pouvoir utiliser des informations suffisamment étoffées dans nos statistiques, nous nous concentrerons
sur les générations nées à partir du milieu du XVIIIe siècle (génération n°1). Cf. annexes n°7, 8 et 9.
Chapitre 3 | 74
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Nous avons réparti sur trois « zones » l’origine géographique des mariés : « zone 0 »,
lorsque les conjoint sont natifs de la même paroisse/commune ; « zone 1 », lorsque les
conjoints viennent de deux paroisses/communes limitrophes ; « zone 2 », lorsqu’un conjoint
vient d’une paroisse/commune séparée par au moins une autre, par rapport à celle de l’autre
conjoint (cf. graphique n°10).
Graphique n°10 : Endogamie géographique - Origine paroissiale ou
communale du ou de la marié(e)
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14
12
10
8
6
Nombres de mariages
4
2
0
Nous avons également établi une cartographie de l’endogamie géographique pratiquée
par les familles Arondel, Chevrel et Jouzel, originaires d’Amanlis (cf. carte n°4).
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Carte n°4 : L’endogamie géographique des marchands de toiles et de leurs descendants :
étude des familles Arondel, Chevrel et Jouzel
Légende :
Ces résultats nous montrent une endogamie très marquée chez les familles Arondel,
Chevrel et Jouzel, puisque plus de la moitié (53%) des mariages se font avec une personne
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
originaire de la même paroisse/commune, Amanlis. Une part notable des mariages – un quart
– est établie avec une personne originaire de la paroisse/commune voisine. Dans ce cas, on
remarque par ailleurs, qu’à cinq reprises les marchands de toiles vont chercher une femme, ou
un mari pour leur fille, à Janzé. On peut retenir par exemple le cas de Joachim-Pierre Jouzel,
fils de Pierre Jouzel, marchand de toiles qui épouse à Janzé Jeanne-Marie Pâris, fille de Julien
Pâris, cultivateur à Janzé, le 3 juillet 1806 ; ou bien celui de Rosalie Chevrel, fille de JeanBaptiste, qui se marie avec Armand Chedmail, cultivateur à la Haslerie en Janzé.
En revanche, il est à noter que l’on ne relève aucun mariage avec des personnes
originaires de Piré ou bien Châteaugiron, les autres terres voisines, pourtant riches en
marchands de toiles. Peut-on en conclure que les marchands de toiles d’Amanlis faisaient plus
commerce avec les Janzéens ? C’est probable. Il faut tenir compte également du fait que
Janzé, ville de marché, devient le chef-lieu de canton d’Amanlis après la Révolution, ce qui
entraîne des liens plus forts entre les deux communes, Amanlis se rapprochant ainsi plus du
marché de Janzé, au détriment de celui de Châteaugiron. A partir de ces données, nous
pouvons observer – sinon en tirer des conclusions irrévocables, vu le faible nombre de
mariages étudiés – une véritable tendance, pour les marchands de toiles, à se marier avec des
personnes originaires de la même paroisse/commune. Ainsi, les mariages des marchands de
toiles étaient marqués par une forte endogamie géographique.
Cette endogamie géographique, au sein du groupe social des marchands de toiles,
serait à relativiser vis-à-vis du reste de la population paysanne. Toutefois, les sources à notre
disposition ne nous ont pas permis de connaître directement l’origine géographique des
époux/ses pour l’ensemble des mariages célébrées à Amanlis. Ainsi, les tables décennales
disponibles couvrent seulement la période postérieure à la Révolution. De plus, seuls les noms
des époux sont inscrits dans le registre. Il n’est pas fait mention de leur origine communale.
Au final, pour pouvoir tenter de comparer l’endogamie des marchands avec le reste de la
population, il aurait fallu dépouiller l’ensemble des registres paroissiaux et de l’état civil sur
une période suffisamment longue,
e
XVIII
et XIXe siècles au minimum. L’ampleur du travail de
dépouillement et le caractère secondaire de cette analyse, nous oblige à faire simplement le
constat de l’endogamie géographique importante pour les marchands de toiles d’Amanlis.
Nous pouvons même poser l’hypothèse que l’endogamie géographie doit être encore plus
élevée pour le reste de la population paysanne d’Amanlis.
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
3.1.2. L’endogamie sociale et professionnelle
Après avoir étudié l’endogamie géographique pratiquée par les marchands de toiles
d’Amanlis, nous allons analyser si ceux-ci pratiquent également l’endogamie sociale et
professionnelle. Pour cela, nous avons repérer la profession du marié ou du père de la mariée
lors des mariages dans les familles Arondel, Chevrel et Jouzel (cf. graphique n°11).
Graphique n°11 : Endogamie socio-professionnelle - La profession du
marié ou du père de la mariée lors des mariages dans les familles
Arondel, Chevrel et Jouzel
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Nombres de mariages
Entre la fin du
XVIII
e
siècle et le milieu du
XIX
e
siècle, près de la moitié des 28
mariages recensés se sont conclus au sein du même groupe social des marchands de toiles. En
outre, si l’on veut aller plus loin dans la comparaison des marchands de toiles haut-breton
avec les Juloded léonards, on remarquera également les trois mariages conclus avec des
marchands tanneurs.25 Ces deux professions composent, pour L. Elégoët, la caste des Juloded
dans les paroisses rurales de la manufacture linière des « crées ».26 La deuxième profession la
plus représentée est – sans surprise – celle de cultivateur ou agriculteur. Ce cas de figure
intervient le plus souvent au cours du
XIX
e
siècle, alors que l’activité toilière décline, tout du
moins se concentre entre les mains d’un nombre restreint de marchands de toiles (cf.
25
Il s’agit ici, essentiellement de la famille Monnier, marchands tanneurs au bourg d’Amanlis, à qui
appartiennent plusieurs notables de la paroisse au cours du XVIIIe siècle, notamment François Monnier.
26
ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 34.
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
graphique n°1). Ces cultivateurs ont probablement pratiqué le commerce toilier auparavant,
ou bien leur père, mais ils ont désormais abandonné cette activité. Il n’empêche que ces
cultivateurs peuvent être d’une richesse au moins comparable à celle des marchands de toiles.
Il est très intéressant de noter les professions – plus ponctuelles – que l’on trouve dans
ces mariages : trois propriétaires, deux notaires, un médecin et la fille d’un négociant en
beurre et œufs. Aucun mariage n’est ici conclu avec des personnes d’un groupe social que
l’on pourrait d’ « inférieur ». Par exemple, Désiré Marie Joseph Arondel (1867-1949), arrièrepetit-fils d’Antoine Pierre Arondel, et fils de Désiré Jean-Marie René Arondel (1840-1906),
cultivateur et marchand, ancien maire d’Amanlis de 1870 à 1880 et conseiller
d’arrondissement pour le canton de Janzé de 1875 jusqu’à sa mort en 1906, s’est marié le 5
septembre 1892 avec Félicité Joséphine Bridel (1874-1956) à Martigné-Ferchaud. Cette
dernière est la fille de Jean-Marie Bridel (1843-1916), négociant en beurre et œufs à
Martigné-Ferchaud. Elle est également la sœur d’Emile Timothée Bridel (1877-1957), qui
reprend l’activité de son père et développe cette société familiale en rachetant une fromagerie
au Theil-de-Bretagne puis à Retiers et s’implante à l’Hermitage ainsi que dans le Maine-etLoire. Il donne son nom à une marque internationalement reconnue aujourd’hui. Au delà de
l’anecdote, cela traduit bien que les marchands de toiles et leurs fils, s’ils ne se marient pas au
sein de leur groupe professionnel, s’allient avec des familles de notables ruraux. Dans tous les
cas, ces professions témoignent incontestablement d’un certain niveau de vie et aussi d’une
ascension sociale au sein de la bourgeoisie. Nous pouvons alors parler d’endogamie sociale en
plus de la nette endogamie professionnelle évoquée un peu plus haut.
3.2. Alliances matrimoniales et mariages « en famille »
Parfois l’endogamie socio-professionnelle pratiquée par les marchands de toiles
d’Amanlis laisse apparaître une multiplication des alliances matrimoniales entre deux
familles, voire au sein d’une même famille.
Dans la famille Chevrel du Gros-Chêne, on observe des mariages répétés avec les
Monnier, marchands tanneurs au bourg, ou avec la famille de marchands de toiles Louis, de la
Touche de Néron. Jean-Baptiste Chevrel, sieur du Vinoux, marie sa fille Julienne à Jean
Monnier, le fils de François, qui est l’un des hommes – sinon l’homme – le plus influent de la
commune (cf. graphique n°12). La cérémonie est célébrée le 21 messidor an
V
(9 juillet
1797) par Pierre Monnier (1756-1813), frère du marié et prêtre depuis 1781. Il vient tout
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
juste, par ailleurs, de revenir de Jersey où il a été déporté en 1793.27 Un an plus tard, le 1er
octobre 1798, Rosalie Chevrel se marie, à Janzé, cette fois avec Julien Louis marchand
tanneur à la Touche de Néron. Un deuxième mariage intervient le 14 juin 1803 avec cette
même famille Louis de la Touche, lorsque Prudence, la plus jeune sœur, se marie avec Pierre
Louis, le frère de Julien, qui est cultivateur et marchand de toiles à la Touche de Néron.
Graphique n°12 : Généalogie simplifiée de la famille Chevrel, du Gros-Chêne
Deux autres familles de marchands de toiles multiplient les mariages au début du
XIX
e
siècle : il s’agit des Arondel et des Jouzel (cf. graphique n°13). Attardons-nous sur le
personnage d’Antoine-Pierre Arondel. Il est né le 10 juillet 1761 à Avranches (paroisse de
Notre-Dame-des-Champs), fils d’Antoine Arondel, sieur des Vaux, apothicaire à Avranches,
et de Claire Morin, née à Dol-de-Bretagne, quant à elle fille d’un médecin. La Révolution lui
fait embrasser la carrière militaire ; il devient ainsi, en 1792, capitaine adjudant-major au 1er
bataillon de la Manche, l’un des bataillons de volontaires de 1792. Blessé grièvement en juin
ou juillet 1793, il passe sa convalescence à Pleine-Fougères dans la maison des Hardouin, son
frère René ayant épousé Jeanne Hardouin en 1790. C’est là qu’il fait la connaissance de la
jeune Cécile Hardouin qu’il prend pour femme le 7 janvier 1794. Il a trente-deux ans ; elle
n’en a pas encore dix-neuf. René Hardouin, sieur du Budan, le père de Jeanne et Cécile,
exerce la médecine ; un de ses fils est par la suite officier sous Napoléon. Il semble donc que
rien ne prédispose le nouveau ménage à diriger une exploitation agricole. Pourtant, l’ancien
capitaine, ayant été réformé définitivement avec pension, cherche une nouvelle activité.
27
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,
p. 243.
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Puisque sa femme vient de recevoir en héritage la ferme du « Talus » – forme ancienne du
Talut – en Amanlis, ils s’y installent en 1802. Le maître du manoir du Talut est aidé par son
frère Thibaud et par plusieurs commis. Le foyer n’a pas encore d’enfants ; une nièce, la petite
Henriette Arondel, née en 1792, grandit à la ferme du Talus.28 Antoine-Pierre devient
immédiatement un personnage important d’Amanlis. Il se lie d’amitié avec Pierre Jouzel,
marchand de fil à la Ferronnerie depuis 1802, alors que ce dernier vivait à Néron auparavant.
Pour marquer l’alliance entre les deux familles, un premier mariage intervient en 1813,
celui d’Henriette Arondel et de Jean-Baptiste Jouzel, fils de Pierre, lui-même marchand de fil
à la Touche de Néron. Par la suite, on assiste à un double mariage entre les deux familles, ce
qui parachève l’alliance. Celui-ci a lieu le 7 juillet 1838, en l’église paroissiale d’Amanlis.
Jeanne-Marie Jouzel, fille de François Jouzel, le second fils de Pierre29, épouse Désiré
Arondel cultivateur et marchand de toiles au Talus, fils d’Antoine Pierre Arondel, tandis que
François Jouzel, frère de Jeanne-Marie, épouse Joséphine Arondel, sœur de Désiré.
28
Ibid., p. 139.
François Jouzel est né le 2 avril 1781. Il est cultivateur et probablement marchand de toiles au bourg de Néron.
Il est marié en 1810 à Jeanne-Marie Chevrel, la fille de Jean-François Chevrel, le riche marchand de toiles aux
Douets de Néron. Le couple a eu deux enfants en 1811 et 1812, avant qu’un malheur s’abatte sur la famille.
François trouve la mort accidentellement en 1814, âgé seulement de 33 ans, « au cours d’un pari stupide », nous
dit R. Chabirand. Ibid., p. 144.
29
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Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Graphique n°13 : Alliances matrimoniales entre les familles Arondel et Jouzel
Chapitre 3 | 82
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Au-delà de ces alliances entre les familles notables de marchands de toiles, on peut
remarquer également des unions au sein de la même famille. C’est le cas dans la famille
Jouzel, où deux petits-enfants de Pierre Jouzel se marient le 27 avril 1847 : Jean-Marie Jouzel,
cultivateur et propriétaire à la Rivière – fils de Joachim-Pierre (appelé communément Pierre),
marchand de fil à la Rivière –, épouse sa cousine Jeanne-Marie Jouzel, cultivatrice – fille de
Jean-Baptiste Jouzel, marchand de fil à la Touche de Néron. Nous n’apportons ici qu’un seul
exemple, mais il est fort à parier que sans être légions, les mariages entre cousins ne sont pas
si rares. D’ailleurs L. Elégoët, dans son étude sur les marchands de toiles léonards, a recensé
un certain nombre de ces mariages au sein de la même famille. Il soulève également un
problème religieux, puisque « les Juloded s’entre épous[a]nt, il est inévitable que les futurs
mariés ne soient pas quelquefois amenés à solliciter des dispenses de mariage : l’Eglise
interdit d’épouser ses parents par le sang jusqu’au quatrième degré, c'est-à-dire jusqu’aux
cousins de germains inclus. […] Il nous semble que chez les Juloded ces mêmes demandes ne
concernent pas plus d’un mariage sur dix. »30 En ce qui concerne les marchands de toiles
d’Amanlis, nous n’avons pu quantifier la fréquence de ces mariages. Cependant, le fait de
prouver que le mariage entre cousins existe dans la société marchande d’Amanlis montre une
nouvelle fois la forte endogamie qui prévaut au sein de ce groupe social.
De l’étude de la généalogie des marchands de toiles d’Amanlis, nous pouvons retenir
qu’ils pratiquent une forte endogamie géographique et professionnelle, conditions nécessaires
à la constitution d’un groupe social à part entière. Ce sentiment de groupe social peut être
renforcé par la conclusion de plusieurs mariages entre deux familles, voire au sein de la même
famille. Nous ne pouvons tout de même pas parler de caste – à l’instar des Juloded – puisque
les marchands de toiles semblent s’allier de plus en plus, au XIXe siècle, avec d’autres notables
ruraux – notaires, médecins, propriétaires… –, alors que le commerce toilier est peu à peu
abandonné. Enfin, concernant l’hypothèse d’un départ des plus riches marchands de toiles
d’Amanlis vers la ville, une fois l’ascension sociale réalisée, l’étude de la généalogie de trois
des plus importantes familles de marchands de toiles de la commune, ne nous a apporté que
peu d’exemples et fort peu concluant. Nous pouvons juste retenir celui de Désiré Jean-Marie
René Arondel, cultivateur et marchand, qui démissionne de son poste de maire d’Amanlis en
1880, pour s’installer à Janzé, alors qu’il est âgé de 40 ans et qu’il est conseiller
d’arrondissement pour le canton de Janzé depuis cinq ans. Toutefois, ce cas de départ reste
relatif par rapport à celui d’un Porteu, puisqu’il se limite à Janzé et non à Rennes.
30
ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 136.
Chapitre 3 | 83
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
Conclusion :
Au final, le groupe social des marchands de toiles d’Amanlis est marqué par une très
forte hétérogénéité, quelle soit professionnelle, ou financière. De plus, si les marchands de
toiles sont globalement plus riches que le reste de la population d’Amanlis, nous avons vu
qu’ils sont tenus à l’écart des élites départementales.
Si le groupe social des marchands de toiles a des contours flous au
revanche, pour le
XIX
e
XVIII
e
siècle, en
siècle, la baisse importante du nombre des marchands, consécutive à
l’abandon du commerce toilier par les moins fortunés d’entre eux, a entraîné une
homogénéisation de ce groupe social. Il s’agit désormais d’un groupe resserré de cultivateursmarchands plus riches que le reste de la population. Ce groupe social se maintient au cours de
la première moitié du siècle, alors que le commerce toilier décline inexorablement, grâce à
une endogamie sociale et professionnelle qui se traduit par des alliances matrimoniales au sein
des marchands de la paroisse d’Amanlis et des environs, ainsi qu’avec d’autres notables
ruraux. Au
XIX
e
siècle, les marchands de toiles formeraient donc un groupe social intégré à
une élite rurale locale plus large.
Enfin, nous avons vu que les marchands de toiles fondent également une partie de leur
richesse sur la possession d’un patrimoine foncier, contribuant ainsi à la formation d’une
petite élite économique locale. En revanche, nous n’avons fait que l’évaluation de ce
patrimoine foncier. Pour l’instant nous n’en connaissons pas le détail. C’est pourquoi, nous
allons approfondir, dans le prochain chapitre, l’étude des patrimoines foncier, immobilier et
mobilier des marchands de toiles.
Chapitre 3 | 84
Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ?
CHAPITRE 4
Le patrimoine foncier, immobilier
et mobilier des marchands de toiles
Le chapitre précédent nous a permis d’apercevoir la très grande hétérogénéité des
marchands de toiles face à la constitution d’un patrimoine foncier, tout au long de leur vie. Il
va s’agir ici d’étudier en profondeur ce patrimoine, non seulement foncier, mais également
immobilier et mobilier. Plusieurs questions se posent à nous : les marchands de toiles
possèdent-ils un patrimoine foncier plus élevé que le reste de la population paysanne ? Quels
types de propriétés foncières possèdent les marchands de toiles ? Les marchands de toiles
habitent-ils dans des exploitations agricoles ou bien dans des maisons de bourgeois ruraux ? Y
a-t-il un patrimoine immobilier original dans la manufacture des toiles à voiles ? Les
marchands de toiles se sont-ils constitués un riche patrimoine mobilier ? Des objets les
distinguent-ils du reste de la population paysanne ?
A partir de toutes ces interrogations, nous structurerons notre propos en trois parties.
Dans une première partie, nous étudierons les différents types de propriétés foncières des
marchands de toiles, afin de voir si ce groupe social est une petite élite économique locale.
Dans une deuxième partie, nous nous concentrerons sur le patrimoine mobilier des
marchands, pour analyser les différents types de maisons habitées par les marchands et voir
s’ils ont contribué à créer un patrimoine toilier original. Dans une troisième partie, nous nous
attacherons à voir si les marchands de toiles se sont constitués un patrimoine mobilier plus
important que le reste de la population et si des objets pourraient être révélateurs d’une
certaine notabilité rurale.
Chapitre 4 | 85
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
1. Une petite élite économique locale basée sur la propriété foncière ?
Nous allons voir tout d’abord que les marchands de toiles d’Amanlis se distinguent
des autres paysans par la possession de plusieurs propriétés foncières. Ensuite, nous nous
concentrerons sur l’analyse des propriétés foncières de quelques marchands importants.
1.1. Un patrimoine foncier plus important que la moyenne
Nous allons reprendre la même source que dans le chapitre précédent, lorsque nous
avons voulu montrer que le groupe social des marchands de toiles reste hétérogène même
jusqu’au moment de la mort de ces derniers, dans une étude menée à partir des registres de
mutations après décès.1 Cependant, nous allons, ici, non pas simplement comparer les
marchands entre eux, mais les confronter au reste de la population rurale.
C’est dans ce but que nous avons dépouillé, en plus, le registre de mutation après
décès pour l’ensemble des communes du bureau de l’Enregistrement de Janzé durant l’année
1819. Il faut, toutefois, être bien conscient des limites de cette comparaison, puisque les
mutations après décès des marchands, dont nous disposons, s’étendent sur près d’un demisiècle, de l’an
III
de la République à 1842 ; il aurait fallu, ainsi, dépouiller l’ensemble des
mutations après décès du bureau de Janzé sur la même période pour avoir une comparaison
complètement fiable. Le temps court et intense imposé par un master et l’ampleur des sources
à dépouiller ne nous l’ont pas permis.
1
Cf. chapitre 3, 1.3, p. 65-68.
Chapitre 4 | 86
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Graphique n°14 : Comparaison du montant du capital foncier des
marchands de toiles d'Amanlis (an III-1842) par rapport aux
personnes ayant fait une déclaration de mutations après décès au
cours de l'année 1819 dans l'ensemble du bureau de Janzé
30%
25%
20%
15%
Marchands
de toiles
10%
Autres
personnes
5%
0%
Toutefois, le graphique ci-dessus révèle une réelle tendance (cf. graphique n°14).
Lorsque l’on compare les différentes catégories de population – pauvres, riches, médians –,
les chiffres sont très révélateurs : si 1 marchand sur 5 peut être considéré comme pauvre –
capital foncier inférieur à 500 fr. – le ratio s’élève à 1 sur 2 en ce qui concerne le reste de la
population rurale. Dans la tranche médiane – capital foncier compris entre 500 et 10 000 fr. –,
on y trouve les deux-tiers des marchands contre seulement 40% du reste de la population.
Même parmi les plus riches, les marchands sont plus présents : 14% contre 9%. Ainsi, la
structure de l’histogramme de l’ensemble de la population montre qu’une grande part de la
population rurale ne possède aucun capital : la courbe décroît au fur et à mesure que l’on
s’élève sur l’échelle du montant du capital. En revanche, l’histogramme du capital des
marchands de toiles d’Amanlis montre une structure bien différente, avec ce noyau de petits
propriétaires terriens, que nous avons déjà repéré dans le chapitre précédent.
La moyenne du capital des marchands de toiles par rapport au reste de la population
est, également, un très bon indicateur. Alors que les marchands possèdent en moyenne 4 556
fr. de capital foncier, celui du reste de la population est 1,7 fois plus faible et se situe à 2 688
fr.
Chapitre 4 | 87
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Le groupe social des marchands serait, ainsi, un groupe de petits propriétaires terriens,
plus riche en moyenne que le reste de la population rurale. Cependant, si l’on relève quelques
grands propriétaires parmi les marchands de toiles d’Amanlis, notamment Jean-François
Chevrel avec un capital de 23 209,60 fr.2, celui-ci reste tout de même moins riche que les plus
grands possesseurs de capitaux fonciers, puisque nous avons pu relever, au cours de l’année
1819, des capitaux fonciers se montant à 27 835 fr., 27 870 fr., 34 284 fr., et le plus élevé
38 403 fr.3 Il s’agit, dans l’ordre de ces fortunes, de Pierre Tortellier, laboureur propriétaire et
ancien marchand de toiles à Piré, décédé le 15 août 18184, de Jan-Auguste-Mathieu SaintMarc, propriétaire décédé à Saint-Malo le 29 juin 18195, de Perrinne-Marguerite Mouisel,
propriétaire décédée à Rennes le 12 septembre 18186, et de dame Gabrielle Pelé, veuve du
sieur Antoine Félix Le Guay, décédée à Châteaugiron le 24 août 18187. Cette dernière
possède notamment quatre fermes à Amanlis : la ferme du Gripail, pour un capital foncier de
440 fr., la ferme de la Clarlais, pour un capital foncier de 470 fr., la ferme des Landes, pour un
capital foncier de 330 fr., et la ferme de la Tionnais, pour un capital foncier de 300 fr.
1.2. Des propriétés foncières intégrées dans un paysage de bocage
Avant de détailler les propriétés des familles Arondel, Chevrel et Jouzel, il est
intéressant de se représenter ce qu’est le paysage rural d’Amanlis. Celui-ci est avant tout un
paysage de bocage, avec un extrême morcellement des parcelles, qui sont séparées par des
haies, constituées d'un talus (arbres et bois piquants) et d'un fossé. Elles sont desservies par un
très grand nombre de petits chemins. Toutefois, d’après M. Racapé, « un champ sur quatre
reste enclavé, et n'est accessible que par droit de servitude sur l'un de ses voisins. »8 Cette
dernière a détaillé le parcellaire du paysage de la commune d’Amanlis à partir du relevé
cadastral de 1837 (cf. tableau n°9).9
2
ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842.
ADIV, 3Q 18/298, mutations après décès du bureau de l’Enregistrement de Janzé, année 1819.
4
ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Pierre Tortellier, du 27 janvier 1819.
5
ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Jan-Auguste-Mathieu Saint-Marc, du 25 octobre 1819.
6
ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de Perrinne-Marguerite Mouisel, du 22 février 1819.
7
ADIV, 3Q 18/298, mutation après décès de dame Gabrielle Pelé, du 17 février 1819.
8
RACAPE Marine, Le cadre de vie matérielle dans les communes de Janzé, Piré-sur-Seiche, Amanlis et Brie au
e
XIX siècle, mémoire de maîtrise, dact., Université Rennes 2, 2003, p. 14.
9
Ibid., p. 14.
3
Chapitre 4 | 88
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Tableau n°9 : Le paysage d’Amanlis d’après le relevé cadastral de 1837
Surface
Imposable
Terres labourables et dessertes
imposable
1 905 ha 11 ares
Prés
311 ha 88 ares
Jardins (courtils)
100 ha 85 ares
Pâtures et pâtis
21 ha 25 ares
Landes
12 ha 74 ares
Vagues, mares, carrières, douets
2 ha 50 ares
Bois, taillis et sapins
31 ha 56 ares
Bois de châtaigniers, futaies, avenues
28 ha 97 ares
Etangs et viviers
Non-
Contenances
0 ha 71 ares
Bâtiments et cours
21 ha 50 ares
Chemins et places
70 ha 06 ares
Rivières et ruisseaux
15 ha 50 ares
Eglise et cimetières
0 ha 31 ares
Presbytère et jardin
0 ha 60 ares
Si les terres labourables restent, fort logiquement, le type de parcelles le plus présent à
Amanlis avec 1 905 ha 11 ares, nous pouvons noter que la surface des jardins ou courtils se
monte à 100 ha 85 ares. Ces terres servent à la culture vivrière, mais elles sont également le
lieu de la culture du chanvre.
Concernant le prix de la terre, R. Chabirand donne quelques indices pour l’Ancien
Régime. Au début du XVIIIe siècle, la valeur de l’hectare de terre se monterait entre 400 et 600
L. suivant la qualité du terrain. Il a constaté également une nette augmentation du prix de la
terre entre 1763 et 1789. Il donne ainsi l’exemple de François Monnier, marchand tanneur au
bourg, qui achète en 1785, « trois pièces de terre à la Haute-Touche, contenant au total 2 ha
70, pour le prix de 2120 L. (soit 785 L./ha) ; il paye en outre 265 L. de taxes à la Baronnie et
77 L. au notaire. »10
10
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,
p. 37.
Chapitre 4 | 89
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Le régime des successions peut expliquer le morcellement extrême des propriétés à
Amanlis. Selon M. Racapé, « la coutume veut, en effet, qu’à la mort d’un propriétaire chacun
de ses enfants (ou de ses héritiers) reçoive un lot de terrains ou de maisons. »11
1.3. Les propriétés foncières de quelques marchands de toiles
L’étude du cadastre nous permet d’analyser les propriétés foncières de quelques
marchands de toiles d’Amanlis. Le cadastre napoléonien représente l’état des biens fonciers
d’une commune, où sont consignés le nom des propriétaires, la superficie des parcelles et le
produit qu’elles rapportent. Il sert avant tout à la perception de l’impôt foncier.12
Tout comme pour les généalogies, nous nous intéresserons aux familles Arondel,
Chevrel et Jouzel et plus particulièrement à Pierre-Antoine Arondel, Jean-Baptiste Chevrel et
aux trois frères Jean-Baptiste, René et Pierre Jouzel. A partir des matrices cadastrales13, nous
avons pu reconstituer l’ensemble des propriétés foncières de ces marchands.14 Nous n’avons
pris en compte que les propriétés présentes sur le territoire communal d’Amanlis : non
seulement il n’est pas exclu que ces marchands aient des propriétés hors de la commune, mais
certains doivent aussi être locataires de parcelles qu’ils exploitent, parcelles que nous n’avons
pu recenser cependant.
Nous ferons consécutivement une étude quantitative puis qualitative des propriétés
foncières de ces marchands de toiles, avant d’aborder la question de la localisation de ces
parcelles.
1.3.1. Des propriétés foncières de tailles variables
Si l’étude des registres de mutation après décès a montré que les marchands de toiles
possèdent un capital foncier globalement plus important que le reste de la population
paysanne, l’étude des matrices cadastrales va, quant à elle, nous permettre d’évaluer la taille
des propriétés foncières de cinq marchands de toiles (cf. tableau n°10).
11
RACAPE Marine, Le cadre de vie matériel…, op. cit., p. 24.
La série 3P des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine renferment les plans cadastraux. Ceux de l’année
1837 sont conservés pour Amanlis sous la cote 3P 5235.
13
ADIV, 3P 96, matrices des propriétés foncières d’Amanlis, 1837.
14
Cf. annexes n°10, 11 et 12.
12
Chapitre 4 | 90
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Tableau n°10 : Les propriétés foncières des marchands de toiles à Amanlis
Noms
Qualités
Nombre de parcelles
Superficies
Pierre-Antoine Arondel
Marchand au Talut
17
8 ha, 5 a, 39 ca
Jean-Baptiste Chevrel
Marchand au Gros-Chêne
21
8 ha, 15 a, 94 ca
Pierre Jouzel
Marchand à la Rivière
33
17 ha, 59 a, 77 ca
Jean-Baptiste Jouzel
Marchand à la Touche de Néron
39
17 ha, 39 a, 40 ca
René Jouzel
Marchand à Néron
10
4 ha, 36 a, 50 ca
Ces cinq marchands possèdent en moyenne un peu plus de 11 ha, ce qui est presque
trois fois supérieur à la moyenne générale de la population d’Amanlis. Puisque, si l’on
considère qu’il y a – d’après les recensements – environ 600 ménages à Amanlis dans les
années 1836-1840 et que la superficie totale des parcelles imposables en 1837 s’élèvent à
2 437,07 ha (cf. tableau n°9), cela nous donne une moyenne d’environ 4 ha de propriétés
foncières par ménage. Ceci montre parfaitement le statut de petits propriétaires terriens des
marchands de toiles : plus riches que la moyenne, mais dans des proportions qui restent
modestes.
En outre, on constate, une nouvelle fois, les disparités entre marchands de toiles. Par
exemple, deux des frères Jouzel, Pierre et Jean-Baptiste, possèdent 17 ha, alors que leur plus
jeune frère n’en possède seulement que 4, ce qui constitue un rapport d’environ 1 à 4. Par
ailleurs, René Jouzel se retrouve totalement dans cet archétype d’exploitation moyenne à
Amanlis, avec une propriété foncière de 4 ha. Il est possible que ce chiffre corresponde à la
limite d’une exploitation viable.
En conséquence, cet exemple montre que les marchands de toiles d’Amanlis ne tire
pas l’essentiel de leurs revenus de la propriété foncière mais bien de la pluri-activité
commerciale et agricole. De plus, en ce qui concerne Pierre-Antoine Arondel, Jean-Baptiste
Chevrel, s’il est sûr qu’ils sont plus propriétaires que la moyenne, il est possible qu’ils
exploitent autant de terres que la moyenne des exploitants, le reste des terres étant voué à la
location. Reste à savoir de quels types de parcelles étaient constituées ces propriétés foncières.
Chapitre 4 | 91
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
1.3.2. La composition de ces propriétés foncières
Etablir une typologie des propriétés foncières des marchands de toiles permettra
notamment de voir si celles-ci présentent un profil « atypique » par rapport au parcellaire
disponible sur le territoire communal (cf. graphique n°15).15 Ceci pourrait montrer une
utilisation particulière des terres par les marchands de toiles, dans l’optique de la production
de fil et de toile.
Graphique n°15 : Répartition des propriétés foncières des marchands
de toiles selon les différents types de parcelles dans la première moitié
du XIXe siècle à Amanlis, d’après les matrices cadastrales.
(Proportion des surfaces en hectare)
100%
90%
80%
70%
60%
Pierre-Antoine Arondel
50%
Jean-Baptiste Chevrel
40%
Pierre Jouzel
Jean-Baptiste Jouzel
30%
René Jouzel
20%
Moyenne marchands
10%
Total Amanlis
0%
Nous pouvons remarquer tout d’abord que les marchands de toiles – à travers ces cinq
exemples – n’ont pas constitué de propriétés foncières « atypiques » par rapport aux types de
parcelles disponibles sur le territoire communal.16 C'est-à-dire que les marchands ne semblent
pas avoir cherché à acquérir des parcelles tournées vers un type particulier d’activité. Par
exemple, si l’on avait constaté une surreprésentation des parcelles de jardin dans les
15
Cf. annexe n°13.
Afin de comparer les types de parcelles possédées par les marchands de toiles par rapport au total des parcelles
disponibles à Amanlis, nous nous sommes appuyés sur les données du tableau n°9.
16
Chapitre 4 | 92
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
propriétés foncières des marchands de toiles, on aurait pu y voir une volonté de leur part de
développer à plus grande échelle la culture du chanvre dans ces jardins ou courtils, aux côtés
des cultures vivrières. Or, celles-ci ne représentent que 4% de la surface de leurs propriétés
foncières, exactement la même proportion que sur le reste du territoire communal. Au final,
nous pouvons poser comme hypothèse que si, dans l’ensemble, les marchands de toiles
possèdent, en moyenne, plus de terres que le reste de la population paysanne, en revanche,
ceux-ci ont les mêmes besoins fonciers.
Maintenant, si l’on entre dans le détail de ces propriétés foncières, on voit que la
majorité – entre 70 et 80% – des propriétés sont des terres labourables, qui servent notamment
à la culture des céréales. Au
e
XVIII
siècle, on cultive à Amanlis avant tout le sarrasin (blé
noir), le seigle, l’avoine, le froment et l’orge. Le blé froment est la céréale la plus noble,
réservée à la vente ainsi qu’au paiement des redevances. Le seigle et le sarrasin servent à la
nourriture quotidienne de la paysannerie d’Amanlis, à travers le pain et les galettes. D’après
R. Chabirand, « les rendements céréaliers sont médiocres », de l’ordre de 5 ou 6 quintaux
pour 1 ha.17 Cela est dû, sans nul doute, au manque d’engrais et à la mauvaise qualité des
semences. Les terres restent en jachère deux, voire trois années sur six. En revanche, au
XIX
e
siècle, on observe une nette amélioration des cultures. Les jachères ont diminué, pour ne plus
représenter que le quart des terres labourables. Le seigle ne se cultive plus que sur les terres
les plus hautes. La culture du froment augmente considérablement et représente – avec le
sarrasin – plus de la moitié de la superficie des terres cultivés. 18 La culture de la pomme de
terre supplante alors celle des navets. Les rendements céréaliers se sont améliorés, on atteint
désormais un rendement moyen sur la commune de 13,6 quintaux pour 1 ha.19
Les marchands de toiles possèdent également d’autres types de propriétés foncières.
Outre de rares landes, les frères Jouzel ont cinq parcelles de bois taillis qui leur permettent
d’exploiter le bois, une ressource importante. Les châtaigneraies, possédées par Jean-Baptiste
Chevrel et les Jouzel, permettent, quant à elles, de faire de la farine de châtaignes qui peut se
substituer aux farines de céréales en hiver. Les prés, quant à eux, représentent entre 5 et 18%
de la surface totale des propriétés des marchands, et ont une double utilité : celle de faire
paître les bêtes et surtout une utilité liée à la fabrication des toiles à voiles, grâce à l’accès à
l’eau. Ce que nous allons étudier plus précisément maintenant.
17
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…, op. cit., p. 36.
Ibid., p. 150.
19
Ibid., p. 151.
18
Chapitre 4 | 93
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
1.3.3. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières
L’eau est l’élément déterminant pour l’opération du rouissage, qui consiste – comme
nous l’avons dit auparavant – à éliminer les matières pectiques qui collent les faisceaux de
fibres entre eux. Il est donc possible que les marchands cherchent à posséder des parcelles
ayant un accès à l’eau, que ce soit sous forme de rivière, ruisseaux, ou bien de routoirs. Cette
hypothèse peut être vérifiée en observant la localisation des parcelles sur le cadastre et
notamment grâce aux reconstitutions des propriétés foncières des cinq marchands (cf. tableau
n°11).20
Tableau n°11 : Les propriétés foncières des marchands et l’accès à l’eau
Noms des marchands de toiles
Proportion des parcelles ayant
Nombre de routoirs présents sur
un accès à l’eau
les parcelles
Pierre-Antoine Arondel
5/17 soit 30%
0
Jean-Baptiste Chevrel
8/21 soit 38%
2
Pierre Jouzel
9/33 soit 30%
4 + 1 mare
Jean-Baptiste Jouzel
7/39 soit 18%
4
René Jouzel
0/10 soit 0%
0
Le tableau ci-dessus confirme l’hypothèse de la recherche de l’accès à l’eau par les
marchands. Mis à part pour René Jouzel, entre 18 et 38% de parcelles des quatre autres
marchands possèdent un accès à cette ressource. Il faut noter également, que dans un cas sur
deux (14/29 parcelles), les parcelles possédant un accès à l’eau sont des prés.
L’accès à l’eau se fait de plusieurs manières :
-
Par le contact direct avec la rivière de la Seiche :
o Parcelles n°582, 633 chez Jean-Baptiste Chevrel.
-
Par le contact avec de petites rivières, ou des ruisseaux :
o La rivière de Néron : parcelles n°443, 444, 453, 585 chez Jean-Baptiste
Chevrel, ou n°451, 459 chez Jean-Baptiste Jouzel.
20
Cf. annexes n°10, 11 et 12.
Chapitre 4 | 94
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
o Le ruisseau du Reda : parcelles n°64, 65, 176, 146, 148, 143, 130 chez Pierre
Jouzel.
o D’autres petits ruisseaux : parcelles n°670, 673, 674, 855 ter, 707 chez PierreAntoine Arondel, ou n°73, 494, 496, 534 chez Jean-Baptiste Jouzel.
-
Par le contact avec un étang :
o Parcelle n°444 chez Jean-Baptiste Chevrel – bien que les étangs du Choisel
n’appartenaient pas en propre au marchand du Gros-Chêne –.
Dans le tableau ci-dessus, nous avons également relevé la présence de plusieurs
routoirs dans les propriétés de Jean-Baptiste Chevrel, Pierre Jouzel et Jean-Baptiste Jouzel (cf.
illustration n°10). Pierre Jouzel possède également une « mâre » (parcelle n°146) reliée au
ruisseau du Reda et située au village de la rivière de Néron. Ces routoirs sont de deux types :
soit ils sont situés au bord d’un ruisseau (parcelles n°130, 143 de Pierre Jouzel et n°494 de
Jean-Baptiste Jouzel), soit ils semblent créés ex-nihilo (parcelles n°732, 733 de Jean-Baptiste
Chevrel et n°573 de Jean-Baptiste Jouzel). Ces routoirs sont communément nommés douëts,
terme qui se retrouve également dans la toponymie local avec le village se dénommant « Les
Douëts-de-Néron ». C’est d’ailleurs dans ce village qu’habite le marchand de toiles JeanFrançois Chevrel.
Chapitre 4 | 95
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Illustration n°10 : Les routoirs dans les propriétés foncières des marchands de toiles
Routoir dans le « pré de la cartelle » de
Pierre Jouzel
2 routoirs près du manoir du Gros-Chêne de
Jean-Baptiste Chevrel
Routoir dans le « pré des cours mardaux » de
Pierre Jouzel
Routoir dans le « pré de la Fontaine » de
Jean-Baptiste Jouzel
2 routoirs dans le « pré devant » de
Jean-Baptiste Jouzel
Par ailleurs, nous avons déjà évoqué, dans le chapitre 1, les problèmes de pollution de
l’eau, que posent ces pratiques du rouissage dans les rivières.
Au final, la localisation des biens fonciers pourrait s’avérer être plus importante pour
les marchands de toiles, que la quantité ou le type des parcelles, avec une préférence pour des
parcelles ayant un accès à l’eau : rivière, ruisseaux, routoirs, afin de pouvoir faire rouir le
chanvre.
Chapitre 4 | 96
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
2. Le patrimoine immobilier des marchands de toiles
Lieu de vie et de travail, la maison peut également être un moyen d’exprimer son
aisance, grâce à la richesse du décor architectural, par la multiplication des pièces intérieures
à la maison d’habitation ou par le nombre des bâtiments composant la ferme. Dans un premier
temps, il faut chercher à savoir si les marchands de toiles d’Amanlis pensent et utilisent leurs
habitations comme de simples exploitations agricoles, ou bien si celles-ci peuvent être le
reflet d’une certaine notabilité rurale. Ceci nous amènera dans un second temps, à nous poser
la question de la qualité architecturale de ces maisons marchandes. C’est-à-dire de savoir s’il
y a un style architectural original dans ces communes rurales – Amanlis – et urbaines –
Châteaugiron – de la campagne rennaise, tout en nous appuyant sur des comparaisons avec la
manufacture des « bretagnes » autour de Quintin.
2.1. Des maisons de marchands entre simples exploitations agricoles et maisons de
bourgeois ruraux
Après nous être intéressé à l’étude des propriétés foncières des marchands de toiles,
nous allons nous concentrer sur leurs propriétés immobilières, avant d’analyser plus en détail
deux d’entre elles.
2.1.1. Quelles types de propriétés immobilières possèdent les marchands ?
En partant de l’étude sur les propriétés foncières des marchands de toiles Arondel,
Chevrel et Jouzel, nous observons, que ceux-ci possèdent plusieurs maisons, accompagnées
de bâtiments et d’une cour dans la plupart des cas.21 Pierre-Antoine Arondel en a deux : une
au Talut – sa résidence principale –, et la seconde de l’autre côté de la route du bourg, à
l’Ombrière. Jean-Baptiste Chevrel détient le manoir du Gros-Chêne ainsi qu’une autre maison
juste de l’autre côté de la route du bourg au Choisel. Pierre Jouzel est le propriétaire de deux
maisons à la Rivière et une autre au bourg de Néron. Son frère, Jean-Baptiste, établi à la
Touche de Néron, a trois maisons dans le village. René Jouzel, le troisième frère, habite dans
son unique maison du bourg de Néron, mitoyenne de celle de Pierre. Nous pouvons en
déduire que la richesse de certains marchands de toiles leur permet « d’investir dans la
pierre » et de mettre ces biens immobiliers à la location, mis à part leur résidence principale
bien entendu.
21
Cf. annexes n°10, 11 et 12.
Chapitre 4 | 97
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Toutefois, ces propriétés immobilières ne possèdent pas la même valeur. C’est ainsi
que l’ensemble des maisons de la commune est réparti en dix classes selon le revenu fiscal de
celles-ci. L’érudit local, R. Chabirand, porte à notre connaissance le résultat du classement de
l’habitat amanlisien effectué par l’Administration des contributions directes, lors de la
constitution de la matrice cadastrale de 1837.22
Tableau n°12 : L’habitat à Amanlis en 1837
Classes
Nombre de maisons (total de 656)
Revenu imposable (en francs)
Hors classe
2
80-100
classe
1
50
2 classe
2
35
3e classe
8
24
4e classe
1
ère
e
21
18
e
29
14
e
6 classe
52
10
7e classe
116
8
8e classe
298
6
99
4
28
2
5 classe
e
9 classe
e
10 classe
D’après R. Chabirand, « la majorité des maisons d’habitation des fermes de plus de 10
ha se trouve en 5e, 6e, ou 7e classe. Ce sont des maisons à deux pièces ou à une grande pièce
bien éclairée »23. A côté de ces 231 maisons dites « convenables », il existe 425 maisons –
65% du total – que l’on qualifie de « pauvres ». Celles-ci se retrouvent dans les 8e, 9e et 10e
classes. La 8e classe concentre par ailleurs près de la moitié (45%) de l’ensemble des maisons
d’Amanlis. Ces maisons pauvres dateraient pour la plupart du
e
XVIII
e
XVII
siècle ou du début du
siècle, et se seraient dégradées par manque d’entretien, jusqu’à devenir insalubres. Elles
seraient ainsi les demeures des « ouvriers, des petits fermiers, des vieilles femmes seules »24.
A partir de ce classement, il est intéressant d’analyser la valeur fiscale des maisons
possédées par les marchands de toiles, en faisant la distinction entre leurs habitations
principales et leurs autres propriétés destinées à la location (cf. tableau n°13).
22
Ibid., p. 156.
Ibid., p. 156.
24
Ibid., p. 156.
23
Chapitre 4 | 98
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Tableau n°13 : Le classement des maisons d’habitation des marchands de toiles en 1837
Noms des marchands
Pierre-Antoine Arondel
Localisation de la maison (n°
cadastre)
Classes
Le Talut (B, 675)
3
L’Ombrière (B, 689)
7
Le Choisel (D, 603 bis)
9
Le Gros-Chêne (D, 732)
4
La Rivière (E, 149)
8
La Rivière (E, 186)
4
Bourg de Néron (E, 295)
6
René Jouzel
Bourg de Néron (E, 296)
5
Jean-Baptiste Jouzel
La Basse Touche (E, 538)
6
La Basse Touche (E, 539)
8
La Basse Touche (E, 542)
8
La Basse Touche (E, 571)
4
Jean-Baptiste Chevrel
Pierre Jouzel
Nous pouvons remarquer que la valeur fiscale des maisons principales – en gras – est
bien différente de la valeur des autres biens immobiliers – en italique – possédés par ces cinq
marchands de toiles. Ceux-ci habitent dans des maisons répertoriées dans les classes 2, 3, 4 et
5, alors que leurs autres biens immobiliers ne sont que dans les classes 6, 7, 8 et 9.
En fait, mis à part René Jouzel, dont la maison est répertoriée en 5e classe, les quatre
autres marchands possèdent des maisons appartenant aux 5% des habitations les plus
imposées de la commune. Ces maisons bourgeoises témoignent d’une certaine aisance
financière de leur part. Le manoir de Pierre-Antoine Arondel, au Talut, fait même partie des
13 habitations – sur 656 – les plus imposées d’Amanlis.
Après avoir comparé les résidences principales des marchands de toiles par rapport
aux maisons du reste de la population d’Amanlis, il faut maintenant étudier précisément les
différents bâtiments, la disposition et l’utilité des pièces de ces premières. C’est pourquoi,
nous nous appuierons ainsi sur les inventaires de Jean-François Chevrel25, marchand de fils
aux Douëts-de-Néron, et de Jean-Baptiste Chevrel26, marchand de toiles au Gros-Chêne. Ces
25
ADIV, 4E 4316. Inventaire après décès de Jean-François Chevrel, en date des 5-6 novembre 1841. Cf. annexe
n° 14.
26
ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°
15.
Chapitre 4 | 99
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
deux exemples serviront à montrer deux types de maisons de marchands relativement
différents : une exploitation agricole et une maison de bourgeois rural.
2.1.2. L’exploitation agricole de Jean-François Chevrel
Jean-François Chevrel (1763-1841), marchand de toiles et fils aux Douëts-de-Néron
est, dans le premier tiers du
XIX
e
siècle, le marchand le plus riche d’Amanlis. A sa mort, en
1841, il posséde un capital foncier s’élevant à 23 209,60 francs.27 Nous avons classé les
différents bâtiments ou lieux de la ferme de Jean-François Chevrel, selon leurs usages (cf.
tableau n°14).
Tableau n°14 : La ferme de Jean-François Chevrel
Bâtiments ou lieux de demeure
Bâtiments ou lieux liés à la
ou à usage domestique
production toilière
Maison de demeure
Buanderie
2 écuries
Maison neuve
Maison dite la subite
Greniers
Cellier
Douët
Etable
Bâtiments à vocation agricole
Cour
Refuge à porcs
A partir des matrices cadastrales28, nous avons reconstitué la propriété agricole de
Jean-François Chevrel, tout en essayant de faire correspondre les bâtiments et lieux recensés
dans le tableau ci-dessus (cf. illustration n°11).
27
28
ADIV, 3Q 18/311, mutation après décès de Jean-François Chevrel, du 5 avril 1842.
ADIV, 3P 96, matrices des propriétés foncières d’Amanlis, 1837.
Chapitre 4 | 100
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Illustration n°11 : La ferme de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron sur le
cadastre d’Amanlis en 1837 (section E de Néron)
Quelques commentaires sur les différents bâtiments ou lieux de la ferme pourraient
être utiles. Tout d’abord, nous n’avons pas classé la « maison dite la subite » parmi les
bâtiments de demeure, puisque celle-ci – outre qu’elle ne doit pas être très grande – doit servir
à travailler ; elle contient un « métier à toile » ainsi qu’un pressoir. Ensuite, l’activité toilière
est marquée par la présence d’une buanderie et d’un douët. La buanderie sert au blanchiment
des toiles tissées écrus. Cette opération consiste à donner une couleur blanche aux toiles, mais
également à enlever les impuretés naturelles des fibres textiles. Ainsi, « le tissu devait perdre
celles [les impuretés] acquises lors des différentes transformations de la fibre : rouissage,
filature, tissage ».29 Le douët permet, quant à lui, de faire rouir le chanvre fauché. D’ailleurs,
ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve dans la toponymie de son lieu d’habitation
l’ajout du mot douët accolé au nom du lieu-dit de Néron.
29
MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et Loudéac, 1670-1830, Rennes, Presses
universitaires de Rennes, 1998, p. 132.
Chapitre 4 | 101
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Concernant la maison neuve, nous ne savons pas si elle est destinée à la location, ou
bien Jean-François Chevrel est venu y habité lors de ses vieux jours – il meurt en 1841 à l’âge
de 78 ans – (cf. illustration n°12). La deuxième hypothèse est possible, puisque l’un de ses
enfants, Jean-Baptiste Chevrel – à ne pas confondre avec les Chevrel du Gros-Chêne –
continue l’activité du commerce des fils et possède, en 1837, une grande partie des autres
parcelles, maisons et bâtiments disponibles aux Douëts-de-Néron. Le père aurait ainsi cédé sa
place à la ferme à son fils, pour se retirer dans une nouvelle maison d’habitation.
Illustration n°12 : La « maison neuve » de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron
(cliché Thomas Perrono)
Il faut noter ici l’importance des bâtiments agricoles – hors production toilière – dans
la ferme du marchand. Cela prouve une nouvelle fois l’importance de la pluriactivité pour les
marchands de toiles amanlisiens. L’activité de culture céréalière se voit par la présence de
greniers, et celle de l’élevage par la présence de l’étable, des écuries et du refuge à porcs. De
plus, le fait qu’il y ait deux écuries montre l’utilité, pour les marchands, de posséder des
chevaux afin de pouvoir transporter les toiles et le fil vers les marchés urbains.
Chapitre 4 | 102
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
2.1.3. La maison bourgeoise de Jean-Baptiste Chevrel
L’habitation principale de Jean-Baptiste Chevrel, qui se situe au village du GrosChêne, présente un autre type d’habitat marchand, moins tourné vers l’exploitation agricole.
Ce manoir est acheté à la fin du
e
XVIII
siècle par son père, le sieur du Vinoux, Jean-Baptiste
Chevrel, également marchand de toiles, qui était installé auparavant dans le bourg d’Amanlis.
L’inventaire après décès établi le 15 janvier 1836 décrit, pièces après pièces, les objets
mobiliers qui s’y trouvent, ce qui nous permet de tenter de reconstituer l’intérieur du manoir
du Gros-Chêne, de la distribution des pièces jusqu’à leur utilité, tout en nous appuyant sur le
cadastre (cf. illustrations n°13 et n°14).30
Illustration n°13 : Le manoir du Gros-Chêne sur le cadastre d’Amanlis en 1837
30
ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836.
Chapitre 4 | 103
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Illustration n°14 : Plan schématique possible du manoir du Gros-Chêne
(d’après l’inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel et le cadastre)
Lors de l’inventaire après décès, la prisée commence par la cuisine, puis continue dans
un corridor qui doit séparer la cuisine de la salle. Ensuite, un escalier, sous lequel se trouve un
charnier, permet de monter au premier étage du manoir. Là, on trouve deux chambres : l’une
au-dessus de la cuisine qui contient lits, coffres et armoires bien entendu, ainsi que du
matériel de filage ; la seconde chambre sert, quant à elle, à entreposer des graines de chanvre.
Chapitre 4 | 104
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Toujours au premier étage, se trouve un cabinet contenant une table, un lit et une armoire. Audessus, au second étage, des greniers servent à entreposer les récoltes de grains, mais aussi
d’autres graines de chanvre, ainsi que du matériel en tout genre. Sans doute accolés à la
maison de demeure, prennent place une boulangerie et un cellier. Etant donnée l’absence de
four dans la boulangerie, on peut exclure l’idée qu’elle sert, comme son nom le suggère, à
préparer le pain pour la famille. En revanche, la pièce contient une marmite et une chaudière,
ce qui pourrait laisser penser que l’on y prépare les rations des animaux. De plus, deux
chevaux y sont logés. Dans la pièce annexe, le cellier, sont entreposés les tonneaux, barriques,
fûts de cidre, mais encore du matériel de filage et des charrues. Au-dessus de ces deux
bâtiments, on retrouve à nouveau des greniers qui contiennent des barriques, du chanvre
femelle en vrac, une baratte.
A proximité de cette maison d’habitation, il est fait mention d’une « petite maison » –
peut-être le bâtiment circulaire mentionné sur le cadastre –, qui a une vocation de stockage.
On y trouve du chanvre en vrac, ainsi que des outils de toutes sortes. Il y a aussi deux
bâtiments d’élevage : une « écurie aux chevaux », où est entreposé du matériel de labour, et
une « écurie aux vaches » (sic), dans laquelle vivent cinq vaches. Il est intéressant de noter
que les chevaux ne sont pas logés dans « l’écurie aux chevaux », mais dans la boulangerie, à
côté de l’habitation des Chevrel. On peut suggérer l’hypothèse que les noms donnés aux
différentes pièces et bâtiments ne correspondraient pas réellement à leur utilisation. En ceci
que le matériel – une selle notamment – pour les chevaux se trouve également dans la
boulangerie et non dans « l’écurie aux chevaux », et que le matériel de labour prend place
dans ce bâtiment. Ainsi, le manoir du Gros-Chêne semble avoir une vocation toilière et
agricole bien moins affirmée que la ferme de Jean-François Chevrel, où l’on retrouve un
certain nombre de bâtiments agricoles avec une utilisation précise : étable, écurie, grenier,
refuge à porcs, buanderie.
Un jardin prend également place devant la maison. Une ruche y est prisée pour 6
francs. Sur le côté sud du jardin, on trouve un douët, ce qui laisse penser que ce jardin pourrait
notamment être utilisé pour la culture du chanvre. Une autre petite pièce d’eau se trouve
derrière la maison, mais il n’en est pas fait mention dans l’inventaire après décès, bien que
visible sur le plan du cadastre (cf. illustration n°13).
Enfin, R. Chabirand relate qu’après la mort de Jean-Baptiste Chevrel, le dernier jour
de l’année 1835, le manoir ne reste pas propriété de la famille Chevrel. Jean-Baptiste, son fils,
Chapitre 4 | 105
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
également marchand de toiles, part pour la ferme de la Placette à Janzé.31 Le manoir du GrosChêne est alors acheté par Pierre Domaigné, qui n’est ni marchand de toiles, ni même
cultivateur.32 Ce qui peut contribuer à penser que le manoir du Gros-Chêne est plus le reflet
d’une maison de bourgeois rural, que d’un cultivateur-marchand.
Ces deux exemples semblent nous montrer que les marchands de toiles ne concevaient
pas – au sens propre comme au sens figuré – de la même façon leurs habitations : exploitation
agricole ou maison bourgeoise. En revanche, reste à savoir, si malgré tout, un style
architectural propre à cette petite élite locale et à la manufacture des toiles à voiles peut se
dégager.
2.2. Existe t-il un patrimoine toilier original à la manufacture des toiles à voiles ?
Nous allons voir tout d’abord si les marchands de toiles d’Amanlis ont contribué à
créer un patrimoine toilier propre à la manufacture des toiles à voiles par la construction de
leurs maisons dans un style architectural original. Puis, nous élargirons notre étude à une
réflexion sur le patrimoine immobilier des marchands urbains de Châteaugiron, en le
comparant à Quintin, cité marchande de la manufacture des « bretagnes ».
2.2.1. Un style « marchand de toiles » à Amanlis ?
Nous analyserons ici le style architectural des maisons de plusieurs marchands de
toiles, que nous avons pu identifier. Puis, nous les comparerons avec les maisons de
marchands ruraux de la manufacture des « bretagnes », qui constituent d’après J. Martin
« l’originalité architecturale » de la manufacture.33
Pour cette étude nous nous sommes concentrer sur les résidences principales de
quelques marchands importants du début du
XIX
e
siècle : Pierre-Antoine Arondel, les trois
frères Jouzel – Pierre, Jean-Baptiste et René –, ainsi que Jean-François Chevrel.34 En
revanche, nous avons exclu de ce corpus le manoir du Gros-Chêne de Jean-Baptiste Chevrel,
31
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 157.
Le manoir est acheté vers 1842 par Pierre Domaigné, puis en 1858 par Achille Cahours. Ce dernier, rentier,
agrandit l’immeuble et lui donne son aspect actuel (travaux exécutés en 1862).
33
MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 252.
34
Cf. annexe n°16.
32
Chapitre 4 | 106
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
car la façade a subi trop de modifications postérieures au marchand de toile, pour que celle-ci
soit révélatrice de ce que le manoir pouvait être au XVIIIe et au début du XIXe siècle.
A partir des photos présentées en annexe, on se rend compte que plusieurs maisons de
marchands peuvent montrer des ressemblances au niveau architectural : Pierre Jouzel, à la
Rivière, René Jouzel, au bourg de Néron, Jean-Baptiste Jouzel à la Touche de Néron, voire
celle de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron. Nous avons essayé de dégager les
grandes caractéristiques architecturales de ces maisons, à travers l’exemple de la maison de
Pierre Jouzel, située au village de la Rivière (cf. illustration n°15).
Illustration n°15 : Les caractéristiques architecturales de la maison de Pierre Jouzel, à
la Rivière (clichés Thomas Perrono)
Partie ouest de la maison
Partie est de la maison
Chapitre 4 | 107
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
La maison de Pierre Jouzel – tout comme celles de René Jouzel, de Jean-Baptiste
Jouzel et de Jean-François Chevrel – est une maison longue ou « longère », orientée au sud.
La partie ouest de la maison semble être réservée à l’habitation de la famille Jouzel, alors que
la partie est serait consacrée aux activités agricoles et toilières. Au niveau architectural,
l’appareil des murs est en schiste, pierre typique du bassin de rennais. La charpente, qui se
termine en pente douce par un coyau, se retrouve également sur de nombreuses maisons
d’Amanlis et des alentours. On remarque, d’ailleurs, que les charpentes des deux parties de la
maison ne sont pas de la même hauteur : faut-il y voir un besoin de stockage plus grand, dans
la partie est ? L’extrémité est de la maison semble avoir été retouchée à une autre période – au
XIX
e
siècle peut-être – ; l’appareil de schiste est beaucoup plus foncé que le reste de la bâtisse.
La lucarne, située sur la toiture du « magasin », est caractéristique dans la manufacture des
toiles à voiles. Une poulie probablement disparue ici – vient souvent s’ajouter à la lucarne,
dans le but de faciliter le stockage du chanvre en vrac ou en « loyaux » dans les greniers. On
remarque également la taille inégale des fenêtres, entre le rez-de-chaussée qui est un étage
d’habitation, et le premier étage, consacré au stockage, ce qui est lié à un évident besoin de
luminosité.
Toutefois, si les marchands de toiles habitent, au
e
XIX
siècle, de « grandes et belles
maisons »35 – Pierre-Antoine Arondel et Jean-Baptiste Chevrel dans des manoirs et les autres
dans de grandes fermes –, il faut noter que ces demeures datent probablement de la fin du
e
XVII
ou du début du
XVIII
e
siècle. Donc, malgré les rénovations, les améliorations et les
agrandissements qu’ont subi ces maisons marchandes, on ne peut pas y voir la constitution
d’un patrimoine toilier original par les marchands de toiles, issu d’un enrichissement des
individus de ce groupe social. Bien que ces maisons portent bien, dans leur architecture, les
marques d’une architecture locale, ce ne sont pas de véritables « traces » de la prospérité des
marchands de toiles d’Amanlis de la fin du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle.
Même la seule maison neuve construite par un marchand de toiles au
XIX
e
siècle, que
nous avons recensé, celle de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron, ne semble pas très
différente des autres dans son architecture (cf. illustration n°12).
Ainsi, les marchands de toiles ruraux de la manufacture des toiles à voiles auraient
continué à construire leurs maisons, au
e
XVII
comme
XIX
e
siècle, sur des conceptions
35
Nous empruntons ici une expression des juges locaux des environs d’Uzel, rapportée par J. Martin, à propos
des maisons de Saint-Thélo. MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 255.
Chapitre 4 | 108
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
architecturales locales, ce qui n’est pas le cas dans la manufacture des « bretagnes ». Dans sa
thèse, J. Martin, a étudié ce phénomène de construction de maisons, par des marchands de
toiles ruraux des environs de Quintin/Uzel/Loudéac.36 Ces maisons se caractérisent par leurs
composition et plan symétriques, par leurs façades sévères et ordonnées, ainsi que par les
importantes parties hautes. L’historien y voit l’influence des maisons de plaisance rurales des
négociants de Saint-Malo, également appelées « malouinières ». La construction de ce
nouveau type de maisons a débuté dans le premier quart du
e
XVIII
siècle, avec
l’enrichissement des marchands de toiles ruraux. L’une des maisons caractéristiques de ce
phénomène se situe dans la petite commune rurale de Saint-Thélo – proche d’Uzel –,
construite au début des années 1720, et qui porte le nom de « manoir Boscher-Delangle »,
bien que la construction soit probablement antérieure d’une génération à ce marchand de
toiles (cf. illustration n°16).37
Illustration n°16 : La maison Boscher-Delangle dans le bourg de Saint-Thélo,
vue de la façade sud
Cette différence d’influence architecturale entre deux manufactures toilières rurales est
peut-être une nouvelle preuve du peu de contacts entre les marchands ruraux d’Amanlis et les
36
37
Ibid., p. 259.
J. Martin a réalisé, dans sa thèse, une étude plus poussée de cette maison Boscher-Delangle. Ibid., p. 259-261.
Chapitre 4 | 109
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
négociants malouins, à la différence des marchands ruraux de Saint-Thélo et des environs qui
vendaient directement leurs toiles aux négociants de Saint-Malo.38
Au final, si il y a bien un style architectural local à Amanlis et dans les environs, nous
ne pouvons pas dire qu’il y a un style « marchand de toiles » comme cela se trouve dans les
communes rurales de la manufacture des « bretagnes ».
Voyons maintenant si les marchands de la cité marchande de Châteaugiron ont été
plus sensibles au style architectural « à la française » des malouinières.
2.2.2. Maisons marchandes à pan-de-bois de Châteaugiron vs. hôtels marchands en pierre de
Quintin
Lorsque l’on étudie le patrimoine immobilier de la manufacture des toiles à voiles, il
est important de dépasser l’horizon de la seule commune rurale d’Amanlis. Le cas de
Châteaugiron permet d’analyser un patrimoine urbain, situé en zone rurale. Dans le
paragraphe précédent, nous avons comparer Amanlis avec la commune rurale de Saint-Thélo ;
nous nous proposons ici de confronter Châteaugiron avec la cité toilière de Quintin, l’un des
piliers de la manufacture des « bretagnes ».
La plupart des boutiques des marchands de toiles de Châteaugiron se situent dans la
Grand Rue (cf. illustration n°5). Elles ont été construites en bois et en pierre, principalement
du grès39, et présentent généralement un encorbellement de façade, notamment sur celles
datant du XVIe et du début du XVIIe siècle.40 Les façades des maisons tendent à être régulières
et ordonnées : au rez-de-chaussée, nous retrouvons la vitrine de la boutique, avec la porte soit
au milieu, soit sur l’un des côtés de la façade selon la distribution interne du bâtiment. Le
centre du premier étage est occupé par une fenêtre. Une lucarne – au niveau des combles –
suit cet alignement vertical.41 L’analyse d’une maison de marchands, située actuellement au
n°35 de la Grand Rue, et datant probablement du
e
XVI
siècle, reprend presque toutes les
caractéristiques générales que nous venons d’exposer (cf. illustration n°17).42
38
Ibid., p. 154-158.
DAVID Typhaine, Toutes toiles sur Châteaugiron. Industrie toilière et apports artistiques du xviie au xixe
siècle, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art, dact., université Rennes 2, 1997, 2 tomes, p. 93.
40
Ibid., p. 95.
41
Ibid., p. 96.
42
Cf. annexe n°, pour voir la marque de marchand gravée sur la façade de la maison.
39
Chapitre 4 | 110
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Illustration n°17 : Une maison de marchand de toiles dans la Grand Rue de
Châteaugiron
(cliché Thomas Perrono)
En ce qui concerne l’intérieur de ces habitations marchandes, nous avons à notre
disposition la description de la maison d’Olivier Bienassis, marchand de toiles dans cette
Grand Rue, au milieu du
e
XVIII
siècle.43 Alors que celui-ci est en situation de faillite, le
consulat de Rennes instruit son dossier et recense notamment l’ensemble de ses biens
immobiliers et mobiliers. En pièce jointe au dossier, il nous est fait part de la « grosse de
contrat d’acquêt passé entre le sieur Bienassix et femme, acquereurs et Charlotte Aubin,
vendresse, le troisieme novembre 1757 ». Ce contrat décrit dans le détail le bien immobilier
43
ADIV 10B 93. Affaire n° 148, faillite du marchand de toiles de Châteaugiron, Olivier Bienassis, en date du 5
février 1766.
Chapitre 4 | 111
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
que le marchand de toiles vient d’acquérir. Malheureusement, nous n’avons pas pu identifier
précisément cette maison, ce qui nous empêche d’en faire une reconstitution à partir du
cadastre.
« Scavoir est une maison scise et scituée prés le milieu de la Grande Ruede la ditte ville de
Chateaugiron paroisse de la Magdeleine bastye de bois pierre en terrasse, couverte d’ardoise,
constistante en un paranbas avec cheminée, dans lequel paranbas il y a une boutique ouvrante
sur la ditte grande rue, icelle boutique bastye de carraux, chambre audessus de la ditte
maison ou il y a aussi cheminée et grenier audessus de la ditte chambre, transport au derriere
de la ditte maison ou est un escallier de bois pour le deservice des dites chambre et grenier,
cour auderriere du dit transport dans la qu’elle il y a des latrinne bastye de caraux la
la[…]ge couverte d’ardoise, et une ecurie au derriere de la susditte cour et latrinne, icelle
bastye de pierre bois et terasse couverte d’ardoise avec un petit grenier audessus de la ditte
ecurie et comme elle en comporte et generallement tout ce qui depend de la ditte maison et en
appartien a la ditte Aubin vendresse le tout contenant par fond quatre cordes de terre ou
environ cordes de terre joignante doriant maison cour ecurie et deport de demoiselle Perinne
Labbé veuve du Sieur Julien Besnard par sur lequel deport la ditte ecurie a droit de pied a
echelle, du midy et occident maison cour et ecurie et jardin des Demoiselles Marie et
Guillemette Peudeniers Demoiselles de la Gaudinays et des vergers et du nord la Grand Rue
de cette ditte ville de Chateaugiron. »
Si à Châteaugiron, nous ne retrouvons quasiment que des maisons marchandes datant
du XVIe siècle, comme celle décrite ci-dessus, à Quintin, J. Martin n’a recensé que 14 maisons
construites avant 1600 sur l’ensemble de la ville. En revanche, l’historien a recensé 109
maisons datant du
XVIII
e
siècle.44 Les incendies et les multiples sièges subis par la ville,
notamment lors des guerres de la Ligue, ne sont pas les seuls responsables du peu d’édifices si
anciens.
J. Martin y voit des raisons économiques : le développement du commerce des toiles à
Quintin au
e
XVIII
siècle a bouleversé le patrimoine immobilier de la cité.45 Les marchands de
toiles ont construit, grâce à leur enrichissement, de nombreux hôtels particuliers en pierre.
Ceux-ci se présentent généralement par des façades à cinq ou sept travées s’organisent autour
d’un axe central qui est couronné par un fronton ou par une demi-lune. L’hôtel Digaultray du
Vivier – l’actuelle mairie – est l’exemple parfait de ces hôtels marchands quintinais (cf.
illustration n°18). Plusieurs beaux hôtels particuliers se situent également dans la rue Saint44
45
MARTIN Jean, Toiles de Bretagne…, op. cit., p. 268.
Ibid., p. 270.
Chapitre 4 | 112
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Thurian toute proche, dont le plus ancien, datant de 1720, l’hôtel Digaultray des Landes, qui
possède un jardin à la française (illustration n°18).
Illustration n°18 : Les hôtels particuliers des marchands de toiles quintinais
(clichés Thomas Perrono)
Hôtel Digaultray du Vivier, place du Martray
Hôtel Digaultray des Landes, 7-9 rue Saint-Thurian
Chapitre 4 | 113
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Au final, les différences de construction entre les maisons de marchands de toiles de
Châteaugiron, par rapport à celles de Quintin, s’expliquent probablement par le fait que
« l’âge d’or » des cités de la manufacture des toiles à voiles – à l’instar de Vitré – se situe au
e
XVI
siècle plutôt qu’au
e
XVIII
siècle, ce qui est le cas pour Quintin. On peut même se
demander si Châteaugiron n’aurait pas connu un tel phénomène de construction d’hôtels
particuliers en pierre si la manufacture des « noyales » avait connu le même essor que celle
des « bretagnes » au siècle des Lumières.
Après avoir étudié les propriétés immobilières des marchands de toiles ruraux et
urbains d’Amanlis et de Châteaugiron, il serait intéressant de « rentrer » dans leurs intérieurs
pour analyser leurs biens mobiliers.
3. Le patrimoine mobilier des marchands de la manufacture des toiles à voiles
Y. Lagadec a montré, dans un article, que les biens mobiliers des marchands de toiles
ruraux peuvent révéler leur appartenance à la notabilité locale.46 Il a ainsi étudié le cas de
Pierre-Anne Moisan, marchand de toiles de la seconde moitié du
e
XVIII
siècle, important à
l’échelle de Trévé, paroisse qui représenterait d’après l’historien « une sorte de parangon de
l’image d’une Bretagne centrale éloignée de tout, délaissée, crottée à l’excès. »47 Malgré tout,
ce marchand rural de la manufacture des « bretagnes », qui n’a certainement pas plus voyagé
que nos marchands d’Amanlis, possède une bibliothèque où se croise les livres de dévotion
proches des Jésuites, les auteurs antiques comme César, Ovide, Trajan ou Virgile, les auteurs
modernes comme Boileau, les récits de voyage autour du monde d’un Italien ou l’Histoire de
la Bretagne de Dom Lobineau (1707). Le marchand est également abonné à toute une série de
périodiques qui dépasse le seul horizon de sa paroisse : le Journal de Verdun, le Courrier
d’Avignon, ainsi que la Gazette de France. La notabilité de ce marchand rural peut également
se voir à travers la consommation, par sa famille, de « caffé moka », ou bien par la possession,
par sa mère, de toiles de coton qualifiées d’« indiennes ».48
Il serait donc intéressant d’étudier si l’on retrouve ce même phénomène en ce qui
concerne les marchands de toiles d’Amanlis. Toutefois le but de notre travail n’étant pas de
faire une histoire de la culture matérielle d’une petite élite rurale, ce qui est présenté ici n’est
46
LAGADEC Yann, « Trévé et la Vera Cruz : les horizons d'un marchand de toiles de Bretagne centrale au XVIIIe
siècle », ABPO, 2005, p. 127-142.
47
Ibid., p. 128.
48
Ibid., p. 136.
Chapitre 4 | 114
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
qu’une ébauche d’une étude plus large, qui serait à mener par la suite. Nous nous sommes
concentré sur l’étude de 10 inventaires après décès de marchands de toiles et 39 autres pour le
reste de la population amanlisienne.49
Dans un premier temps, nous tenterons d’évaluer le patrimoine mobilier des
marchands de toiles, par rapport au reste de la population d’Amanlis. Puis, dans un second
temps, nous chercherons à trouver dans leurs intérieurs, des objets qui marqueraient leur
appartenance à une élite rurale.
3.1. Un patrimoine mobilier plus important que la moyenne
Avant d’étudier dans le détail le patrimoine mobilier des marchands de toiles, il est
important d’évaluer le patrimoine mobilier des marchands de toiles d’Amanlis par rapport au
reste de la population, en comparant les montants totaux des sommes prisées dans les
inventaires après décès.50 Nous avons établi une répartition sociale des marchands de toiles
par rapport au reste de la population selon ces sommes (cf. graphique n°16).51
49
ADIV, 4B 30, 4B 2688/3, 4E 4167, 4E 4187, 4E 4190, 4E 4289, 4E 4294, 4E 4305, 4E 4307, 4E 4316, 4E
4503, 4E 4504, 4E 4507, 4E 4519, 4E 4531. Etude de 49 inventaires après décès, sur la période 1756-1853.
50
Le prisage, c’est l’estimation du bien répertorié dans l’inventaire après décès, le prix mentionné sert ensuite
lors de la vente des biens.
51
Notre corpus de 49 inventaires après décès couvre une période allant de 1756 à 1853, durant laquelle deux
monnaies ont eu cours : la livre tournois, sous l’Ancien Régime, le franc, après la Révolution. Pour pouvoir
comparer l’ensemble des montants des inventaires après décès, nous avons tenu compte du taux entre la livre et
le franc mise en place par la loi du 25 germinal an IV (17 avril 1796), qui établit que 1 fr équivaut à 1 L 3 d, soit
1 fr = 1,0125 L. Par commodité, étant donné la faiblesse du taux entre les monnaies, nous avons décidé d’établir
la parité entre les deux monnaies, soit 1 fr = 1 L.
Chapitre 4 | 115
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Graphique n°16 : Répartition sociale des marchands et non
marchands, à Amanlis, à partir des sommes d'inventaires après
décès (1756-1853)
15
10
5
Autres
Marchand
0
Une nouvelle fois, nous faisons le constat d’un groupe social des marchands de toiles
hétérogène, mais globalement plus riche que le reste de la population. Ainsi, à leur mort, les
premiers possèdent, en moyenne, un patrimoine mobilier trois fois plus élevé que les seconds:
2 917 fr., contre 980 fr.
De plus, si aucun marchand ne possède moins de 100 fr de patrimoine mobilier, c’est
pourtant le cas d’1 habitant sur 5, hors de ce groupe social. A l’inverse, quand 70% des
inventaires marchands se montent au moins à 1 000 fr, seulement 30% du reste de la
population en possède un équivalent. De plus, l’inventaire le plus élevé, que nous avons
relevé, avec un montant de 16 325 fr., est celui de Jean-François Chevrel.52 Toutefois, il est
probable que d’autres personnes, notamment parmi les nobles et les propriétaires d’Amanlis,
possèdent un patrimoine mobilier supérieur à celui du marchand de fils et toiles des Douëtsde-Néron.
Après, avoir fait le constat que le patrimoine mobilier, du groupe social des marchands
de toiles, est plus important que celui du reste de la population d’Amanlis, il faut maintenant
étudier le contenu de ces inventaires, pour voir si des objets permettraient de saisir une
certaine appartenance à une notabilité rurale.
52
ADIV, 4E 4316. Inventaire après décès de Jean-François Chevrel, en date des 5-6 novembre 1841. Cf. annexe
n°14.
Chapitre 4 | 116
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
3.2. Des inventaires après décès révélateurs d’une certaine notabilité rurale ?
L’analyse des 10 inventaires après décès de marchands de toiles révèle une faible
présence d’objets mobiliers de valeur.
On ne recense aucun bijou. De plus, les seuls objets en argent recensés appartiennent à
Louis Belloir, soit une montre pour un valeur de 15 fr., et une tabatière en corne avec cercle
en argent pour une valeur de 5 fr.53 La vaisselle raffinée est également rare. Jean-Baptiste
Chevrel possède tout de même quelques pièces en faïence, voire en porcelaine, dont 25
assiettes, 3 plats et 2 soupières en faïence, plus 1 plat en porcelaine. 54 L’usage plus courant de
la faïence s’explique certainement par son coût moins élevé par rapport à la porcelaine. Cette
vaisselle plus raffinée que la simple vaisselle en céramique, ou en étain, n’est pas pour autant
de la vaisselle de luxe.
Peu de meubles sortent de l’ordinaire, bien que la présence de chaises, plus
confortables que les simples bancs, soit assez fréquente chez les marchands de toiles. Par
exemple, François Albert possède neuf chaises « jonchées », c’est-à-dire dont l’assise est en
paille tressée, pour une valeur de 4 fr.55 Nous retiendrons également le buffet en cerisier de
Jean-Baptiste Chevrel pour 50 fr., ou bien son prie-Dieu valant 15 fr.56 Le notaire du Jarrot,
Georges Brizé, possède également ce type de mobilier liturgique, mais d’une valeur moindre
avec une estimation à 2 fr.57 Les horloges font couramment partie du mobilier des marchands
de toiles. Elles sont présentes chez six d’entre eux, mais de formes et de valeurs différentes :
chez François Tortellier, Jean-François Chevrel, Jean-Baptiste Chevrel et Louis Belloir, ce
sont des horloges avec leurs « bouette », « boëte » ou « boite », pour une estimation entre 20
et 40 fr. Georges Brizé possède une horloge en cuivre, valant 12 fr. Alors que chez François
Albert, on trouve plutôt une « une pendulle ou horloge en bois avec ses pois », pour
seulement 3 fr.
En fait, les meubles les plus courants semblent être les armoires et les lits. On en
trouve en plusieurs exemplaires chez tous les marchands, mais de qualités variables. Par
exemple, dans l’inventaire de Jean-Baptiste Chevrel, on relève plusieurs types d’armoires :
une « ancienne armoire » pour 3,5 fr, une « vieille armoire » pour 20 fr, « une grande
53
ADIV, 4E 4307. Inventaire après décès de Louis Belloir, en date du 31 mars 1837.
ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15.
55
ADIV, 4E 4507. Inventaire après décès de François Albert, en date du 31 juillet 1820.
56
ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15.
57
ADIV, 4E 4504. Inventaire après décès de Georges Brizé, en date du 27 décembre 1817.
54
Chapitre 4 | 117
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
armoire en chêne » pour 40 fr, ainsi qu’une « armoire en cerisier » dont le montant s’élève à
66 fr.58 Chez le marchand du Gros-Chêne, on dénombre pas moins de sept lits, plus un lit
d’enfant. Les plus beaux d’entre eux sont prisés pour une somme d’environ 50 fr., comme
celui-ci :
« Un lit à lange au midi de la cheminée, composé de sa carrée, vergette de fer, plafond en
indienne à fleur, & rideaux de coton blanc, paillasse, matelat, couette de plume, deux oreilles
de plume, un traversin de balle & une couverture de laine blanche. »
En revanche, il n’est jamais fait mention de biens « exotiques », comme pouvait l’être
le « caffé moka » de Pierre-Anne Moisan, de Trévé. Il en est de même pour les biens ayant un
lien avec la culture. Les marchands de toiles d’Amanlis ne semblaient pas possédés de livres
ou de tableaux, par exemple.
Il ressort de ces inventaires après décès une faible ostentation de l’argent à travers les
biens mobiliers. Les marchands de toiles n’ont apparemment pas investi leur richesse dans
l’achat de meubles, ou d’objets « luxueux ». Les biens mobiliers possédés sont avant tout
utilitaires : lits, armoires, buffets, horloge, vaisselle etc. Au final, l’un des hommes les plus
riches d’Amanlis, Jean-François Chevrel, vit comme un paysan aisé, mais pas comme un
bourgeois rural. Même Jean-Baptiste Chevrel, qui cherche pourtant à vivre comme un notable
dans son manoir du Gros-Chêne, ne possède pas un patrimoine mobilier digne d’un bourgeois
rural.
Conclusion :
En conclusion, nous pouvons retenir que si les marchands de toiles possèdent des
propriétés foncières plus importantes que le reste des paysans d’Amanlis, ils n’ont pas
cherché, pour autant, à tirer profit de ces terres supplémentaires pour cultiver plus
spécifiquement le chanvre. En fait, les marchands de toiles restent avant tout des paysans
pluri-actifs qui cultivent des céréales et élèvent quelques animaux, plus que de véritables
entrepreneurs toiliers.
58
ADIV, 4E 4305. Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel, en date du 15 janvier 1836. Cf. annexe n°15.
Chapitre 4 | 118
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
Les marchands sont, dans la plupart des cas, propriétaires de plusieurs biens
immobiliers, souvent des fermes qu’ils louent par la suite. Leur résidence principale reste
également tourné vers l’exploitation agricole, comme nous avons pu le voir chez JeanFrançois Chevrel. Quelques marchands tentent pourtant de vivre comme des notables ruraux
dans leurs manoirs, comme Jean-Baptiste Chevrel au Gros-Chêne, ou Pierre-Antoine Arondel
au Talut. Toutefois ces manoirs comportent un certain nombre de bâtiments agricoles. De
plus, nous ne pouvons pas dire qu’il existe un style architectural « marchand de toiles » à
Amanlis. Leurs maisons sont construites sur des modèles locaux, que l’on retrouve chez les
autres paysans.
De la même façon, si les marchands de toiles ont un patrimoine mobilier plus
important que la moyenne, il n’est en aucun cas révélateur de l’appartenance à une élite
rurale. Les marchands possèdent ainsi, peu de biens de valeurs, qui sortent de l’ordinaire, ou
bien qui manifestent l’accès à un certain niveau de culture.
Au final, si les marchands de toiles ne semblent pas avoir manifestés les « attributs »
de leur notabilité à travers le patrimoine, il est possible que leur influence politique permette
de les voir comme une petite élite rurale.
Chapitre 4 | 119
Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands de toiles
CHAPITRE 5
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Dans les chapitres précédents, nous avons vu que les marchands de toiles d’Amanlis
apparaissent comme une petite élite économique et sociale à l’échelle de leur
paroisse/commune. Ainsi, tout en tenant compte l’hétérogénéité de leur richesse, ils forment
un groupe social de petits propriétaires terriens plus riches que la moyenne. Cette notabilité se
manifeste notamment par l’ajout du nom d’une de leurs propriétés à leur nom de famille. On
observe cette pratique chez plusieurs familles de marchands de toiles, par exemple JeanBaptiste Chevrel, sieur du Vinoux, ou bien le sieur François Paul Loüis, sieur de la Morinière.
Toutefois, nous avons pu remarquer, dans le chapitre 3, que cette petite élite rurale n’a
d’ampleur qu’à l’échelle locale, puisqu’ils sont quasi-inexistants sur la scène départementale.
Nous pouvons nous demander si ce groupe des marchands de toiles profite de leur
situation sociale et économique pour dominer politiquement la vie paroissiale sous l’Ancien
Régime, puis la vie municipale après la Révolution. Nous verrons dans une première partie,
que les marchands de toiles sont très présents au sein des institutions politiques de la paroisse
entre 1750 et 1789. Puis, dans une deuxième partie, nous étudierons le rôle qu’ils ont joué, ou
pas, lors de la Révolution, que ce soit dans la garde nationale, dans la mise en place de la
municipalité, ainsi que lors de la création d’administrations plus vastes que le territoire
d’Amanlis – district et municipalité de canton. Enfin, dans une troisième partie, nous
analyserons la poursuite de leur domination politique locale au XIXe siècle.
Chapitre 5 | 120
Les marchands de toiles : une élite politique locale
1. Les marchands de toiles aux commandes de la paroisse
Nous allons nous intéresser tout d’abord à la domination de la vie paroissiale
d’Amanlis par les marchands de toiles, lors de la période d’Ancien Régime. Nous
présenterons, tout d’abord, les différents pouvoirs paroissiaux présents à Amanlis. Puis, nous
étudierons l’influence des marchands sur ceux-ci. Enfin, nous aborderons la question de
l’alphabétisation et de l’instruction nécessaire pour exercer des fonctions politiques au niveau
de la paroisse.
1.1. La paroisse : cadre politique et religieux de la société amanlisienne
Sous l’Ancien régime, il n’existe pas en Bretagne rurale, de structure laïque et
indépendante. Les institutions locales se basent sur la paroisse, qui offre ainsi un cadre
politique et religieux à la société rurale d’Amanlis. Nous détaillerons, ici, ces différentes
institutions.
1.1.1. Le cadre politique de la paroisse : général, fabrique et missions fiscales
+ Le général de paroisse
Sous l’Ancien Régime, chaque paroisse est administrée par un organisme composé de
12 membres et appelé corps politique du général de la paroisse ou de façon plus succincte
général. Avant la fin du
e
XVII
siècle, ce qui s’appelle alors la généralité des paroissiens
rassemble une plus large part des paroissiens, mais le Parlement de Bretagne souhaite réduire
cette pratique du pouvoir paroissial à un petit nombre de paroissiens alphabétisés. Le corps
délibérant est alors réduit à 17 paroissiens délibérants, dont 14 sont d’anciens trésoriers de la
fabrique.1 Ce chiffre passe progressivement à 12 paroissiens délibérants au sein du général au
cours du XVIIIe siècle.
Cette institution s’occupe des affaires civiles et religieuses de la paroisse, mais elle
n’est chargée de délibérer que sur les affaires les plus importantes de la paroisse. Par exemple,
c’est le général qui délibère afin de procéder à des travaux d’agrandissement ou de
construction d’édifices religieux (église, ossuaire, calvaire etc.). Une de ses autres fonctions
1
LAGADEC Yann, « Fabriques », in CROIX Alain, CASSARD Jean-Christophe, LE QUEAU Jean-René (dir.),
Dictionnaire d’Histoire de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2008, p. 285.
Chapitre 5 | 121
Les marchands de toiles : une élite politique locale
essentielles est d’élire, chaque année, le conseil ordinaire de la fabrique qui gère au quotidien
« l’ensemble des affaires de la paroisse, religieuses mais aussi laïques ».2 Il nomme également
les prévôts des différentes confréries fondées dans la paroisse.
A Amanlis, l’assemblée se réunit ordinairement trois fois par an : à Pâques, à la SaintThomas (3 juillet) et à Noël. Il faut y ajouter une réunion pour nommer les officiers
paroissiaux pour l’année suivante, qui intervient généralement à la mi-novembre au milieu du
e
XVIII
siècle, puis progressivement au mois de septembre dans les années 1780. Le général est
composé de 12 délibérants qui sont forcément 12 anciens trésoriers de la fabrique qui ont
rendu et soldé leurs comptes (4 renouvelables annuellement), des deux trésoriers en exercice,
du recteur de la paroisse, ainsi que les juges de la juridiction. A partir des délibérations du
général de la paroisse, nous avons pu recréer l’organisation et le fonctionnement du pouvoir
paroissial à Amanlis.3
+ Le conseil ordinaire de la fabrique
Si le général de la paroisse est l’organe décisionnel concernant le temporel de la
paroisse, le conseil ordinaire est chargé d’administrer les biens de la paroisse dans le
quotidien. Le conseil se réunit ordinairement une fois toutes les deux semaines, aux prônes de
la Grand Messe, dans la sacristie. A sa tête se trouve un procureur, chargé des intérêts
matériels de la communauté religieuse du village ; celui-ci a été auparavant trésorier puis
délibérant. Deux trésoriers sont nommés chaque année. Ils sont chargés de dresser les comptes
de la fabrique, de préparer les affaires devant être portées au conseil, d’exécuter ses
délibérations, et de diriger l’administration quotidienne du temporel de la paroisse : pourvoir
aux besoins du culte et entretenir l’église notamment. Ils doivent être assez riches pour
pouvoir garantir, sur leurs propres deniers, la pérennité des comptes de la fabrique. De plus,
un économe – fonction relativement stable au fil des années – est là pour gérer les finances de
la fabrique.
+ Les missions fiscales de la paroisse
Enfin, deux anciens délibérants du général, nommés aux postes de notables des
fouages et de la capitation, dirigent les fonctions de la paroisse en matière fiscale. Six
2
3
Ibid., p. 285.
Cf. annexe n°17.
Chapitre 5 | 122
Les marchands de toiles : une élite politique locale
égailleurs des fouages et de la capitation – un par trait fiscal –, quatre collecteurs du vingtième
ou du dixième jusqu’en 1749 et quatre collecteurs de la capitation sont chargés, sous les
ordres des deux notables, de répartir et de collecter les impôts au sein de la paroisse. Ces
dernières fonctions sont généralement réservées aux paroissiens de « second plan » ou alors
comme entrée dans une sorte de « cursus honorum paroissial » pour de jeunes notables, ce
que nous essayerons de démontrer un peu plus tard.
1.1.2. Le cadre religieux : les confréries de dévotion
Nous retrouvons ensuite les confréries de dévotion, engendrées par le Concile de
Trente et qui se sont largement diffusées, en milieu rural, dès les premières décennies du XVIIe
siècle.4 Elles ont notamment pour buts d’encadrer les paroissiens, d’accroître leur dévotion
par la piété collective, ainsi que d’augmenter le prestige de l’église paroissiale.5 Un prévôt,
nommé en même temps que les autres charges paroissiales, est à leur tête pour un an, ce qui
rend la confrérie dépendante de la fabrique, selon C. Jamet.6 Il gère les biens, les comptes,
organise des quêtes et surveille le déroulement des services de la confrérie. Les recettes des
confréries sont issues des sommes versées par les nouveaux confrères, des offrandes, des dons
testamentaires, des fondations, mais également de dons en nature, comme du fil, ce qui
pourrait être le cas à Amanlis.7 La visibilité des confréries est assurée par la présence de
bannières lors des différentes processions qui ont lieu dans la paroisse et par la présence, dans
l’église paroissiale, d’une chapelle, avec un autel, dédiée à la confrérie. Cette dernière
disposition est une condition sine qua non pour pouvoir fonder une confrérie du Rosaire.8
A Amanlis, cinq confréries de dévotion, entre le milieu du XVIIe siècle et le XIXe siècle,
ont animé la vie religieuse de la paroisse : la confrérie du Rosaire, celle de Saint-Sébastien,
celle des Pauvres, celles des Défunts et enfin celle du Scapulaire. Le livre de la paroisse
rédigé en 1833, sans doute par le recteur Pierre Robert, nous donne un historique des
confréries du Rosaire et de Saint-Sébastien.9
4
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses. Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux
e
e
XVI et XVII siècles, Rennes, PUR, 2006, p. 179.
5
JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes ( XVIIe-XVIIIe siècle). Piété et
spiritualité : de l'idéal au quotidien », ABPO, n° 87-3, 1980, p. 483.
6
JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes, XVIIe et XVIIIe siècles, mémoire de
maîtrise, dact., Rennes 2, 1979, p. 69.
7
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 188.
8
Ibid., p. 190.
9
ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833.
Chapitre 5 | 123
Les marchands de toiles : une élite politique locale
+ La confrérie du Rosaire
La confrérie du Rosaire est établie en 1668 par un dominicain, le Père Julien Aubry.
Elle fait partie des confréries mariales. Le recteur affirme que sous l’Ancien Régime la
confrérie « parait s’être bien soutenue ». Il explique ensuite les pratiques du culte liées à la
confrérie :
« Tous les dimanches de l’année on récite le Rosaire en entier, ordinairement avant les
Vêpres, devant l’autel de la Sainte Vierge ; les premiers dimanches du mois et les jours de fête
de la Vierge on chante, ou on dit à voix basse, la première messe à l’autel de la Sainte Vierge
pour tous les associés. Le soir à la fin des Vêpres, on chante le Subtuum10, et on fait la
procession en chantant les litanies de la Sainte Vierge. On termine devant l’autel du
Rosaire. »11
Cette confrérie s’inscrit dans un large mouvement de fondation de confréries du
Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse de Rennes au
e
XVII
siècle, sous l’impulsion des
Dominicains de Vitré et de Rennes. Celles d’Amanlis est rattachée aux dominicains de
Bonne-Nouvelle de Rennes. B. Restif distingue trois vagues, entre 1620 et 1710, pour ces
fondations : une première entre 1620 et 1650, une deuxième entre 1650 et 1670 et une
troisième entre 1670 et 1710 (cf. carte n°5).12 Ainsi, la confrérie du Rosaire d’Amanlis a été
fondée à la fin de la deuxième période.
10
Ce chant connu sous le nom complet Sub Tuum Praesidium, signifiant « Sous l'abri de Ta miséricorde » est
une prière catholique dédiée à la Vierge Marie. C'est la plus ancienne prière adressée à Notre-Dame, si l'on
excepte le Magnificat qui est mis dans la bouche de Marie dans l'Evangile de Luc. Cette prière demande l'aide de
Marie, et parfois elle est chantée avec les Litanies à la Sainte Vierge.
11
ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833.
12
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 183.
Chapitre 5 | 124
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Carte n°5 : La diffusion des confréries du Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse
de Rennes, de 1604 à 170913
B. Restif parle d’un véritable « maillage territorial diocésain » par les Dominicains,
par la création de ces confréries du Rosaire, qui se retrouvent affiliées avec les confréries de
leurs propres couvents de Vitré et de Rennes. Ainsi, en 1710, B. Restif dénombre 92
confréries du Rosaire dans le diocèse, c’est-à-dire que 40% des paroisses rurales en ont une.14
Au final, bien que la fondation d’une confrérie du Rosaire à Amanlis soit loin d’être
une originalité à l’échelle du diocèse de Rennes, il faut noter cependant, qu’Amanlis est l’une
des seules et la plus précoce à posséder une telle confrérie parmi les paroisses limitrophes.
Seules Piré et Nouvoitou ont fondé de telles confréries, mais après 1670.
13
14
Ibid., p. 182.
Ibid., p. 183.
Chapitre 5 | 125
Les marchands de toiles : une élite politique locale
+ La confrérie de Saint-Sébastien
La confrérie de Saint-Sébastien à Amanlis remonterait, d’après le livre de paroisse, à
une institution très ancienne.15 Le recteur dit que l’on peut voir à la fin du registre les
indulgences accordées à cette confrérie, en 1636, par le souverain pontif Urbain
VIII.
Elle
semble avoir perdu de son prestige au fil du temps, notamment après la Révolution. Cette
confrérie est ce que l’on appelle une confrérie-vœu, dont la naissance est imputable à des
événements locaux. C’est ainsi que les fondations de confréries de Saint-Sébastien sont liées à
la surmortalité épidémique, notamment au
e
XVII
siècle.16 Saint Sébastien est invoqué
notamment contre la peste, mais aussi contre d’autres maladies épidémiques. Cette confrérie
fut d’abord placée sous les vocables de saint Roch et de saint Sébastien. Saint Roch est lui
aussi invoqué contre les fléaux. Il semblerait que ce soit au milieu du
e
XVIII
siècle, que la
confrérie n’est plus placée que sous le vocable unique de saint Sébastien.17
D’après B. Restif, seules 20 confréries réparties sur 14 paroisses sur l’ensemble du
diocèse de Rennes, ont pour patron un autre saint que la Vierge (cf. carte n°6).18
15
ADIV, 5V cd n°16. Livre de paroisse d’Amanlis, 1833.
JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes… », art. cit., p. 487.
17
En 1762, le sieur de la Peayerais Domaigné est nommé prévôt de la « confrairie de Saint Roch et Saint
Sebastien », par la suite les prévôts sont à la tête de la confrérie de Saint-Sébastien. De plus, entre 1750 et 1762,
la confrérie est nommée « confrairie de Saint Roch et Saint Sebastien » seulement trois fois pour treize années.
ADIV, 2G 2. Délibérations de la paroisse d’Amanlis.
18
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 185.
16
Chapitre 5 | 126
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Carte n°6 : Les confréries de dévotion (hors confréries du Rosaire) érigées dans les
paroisses rurales du diocèse de Rennes au XVIIe siècle19
Zone de production des toiles
à voile dites « noyales »
B. Restif fait ressortir par cette carte, le fait que le sud-est du diocèse de Rennes est un
lieu d’implantation privilégié des confréries de dévotion au
e
XVII
siècle. Il invite même à
« établir un lien avec les cartes des zones toilières. »20 Lorsque l’on applique les limites de la
zone de production des toiles à voile dites « noyales » (tracé vert) sur cette carte des
confréries de dévotion, on se rend compte, en effet, que la zone toilière concentre de
nombreuses confréries. On peut noter la confrérie de Sainte-Fabienne et de Saint-Sébastien
fondée à Janzé en 1787.
+ La confrérie du Scapulaire
Une nouvelle confrérie mariale est fondée à Amanlis, le 18 juin 1835, par
Monseigneur Claude Louis de Lesquen, évêque de Rennes. Il s’agit de la confrérie du
19
20
Ibid., p. 184.
Ibid., p. 185.
Chapitre 5 | 127
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Scapulaire. M. Lagrée, dans sa thèse sur les mentalités et la religion dans le diocèse de Rennes
entre 1815 et 1848, montre que les confréries du Scapulaire deviennent prédominantes au XIXe
siècle, alors que l’on reconstitue des confréries de dévotion après le choc de la Révolution et
la dispersion des ressources de celles-ci. Selon cet historien, « l’uniformisation tient
probablement à une politique qui vise à soumettre étroitement les associations de dévotion à
l’autorité épiscopale ».21 Ceci expliquerait la présence de l’évêque de Rennes, Monseigneur
de Lesquen, à Amanlis lors de la fondation de la confrérie. En tout état de cause, le fait de
trouver une confrérie du Scapulaire au
XIX
e
siècle à Amanlis, relève plus de la norme que de
l’exception dans le diocèse de Rennes.
+ La confrérie des Pauvres et la confrérie des Défunts
Enfin, sous l’Ancien Régime, on retrouve deux autres confréries qui n’ont pas pour
patron la Vierge ou un saint : la confrérie des Pauvres et de celle des Défunts. Toutefois, le
terme de confrérie utilisé ici semble poser problème. Il ne s’agit probablement pas de
confréries de dévotions comme nous venons de les décrire. S’il existe bien de nombreuses
confréries des agonisants dans un grand nombre de paroisses du diocèse de Rennes, celles-ci
ont pour principal but la recherche d’indulgences pour le salut de l’âme du confrère après sa
mort, ce qui ne semble pas être le cas à Amanlis.
C. Jamet, dans son étude des confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes aux
e
XVII
et
e
XVIII
siècles, dit « qu’il est possible qu’il s’agisse d’un emploi abusif du terme
Confrérie et d’une confusion avec ce que l’on désigne sous [diverses] appellations ».22 Il
pourrait donc plus s’agir de bourses que de véritables confréries.
La confrérie des Défunts serait ainsi une caisse destinée à pourvoir aux funérailles,
alors que la confrérie des Pauvres, comme son nom l’indique, viendrait aux secours des plus
démunis de la paroisse, voire peut-être des mendiants.
Ces deux confréries ont à leurs têtes des prévôts comme les autres confréries de
dévotion, ce qui pourrait avoir accentué la confusion entre bourse et véritable confrérie.
21
LAGREE Michel, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle : le diocèse de Rennes
(1815-1848), Paris, Klincksieck, 1977, p. 295.
22
JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes…, op. cit., p. 111.
Chapitre 5 | 128
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Y. Lagadec, dans sa maîtrise sur le pouvoir paroissial en Centre-Bretagne au
e
XVIII
siècle, distinguait déjà l’influence des marchands de toiles sur le général, donc sur le pouvoir
paroissial.23 De plus, C. Jamet avance que les « confrères sont des chrétiens au-dessus de la
moyenne : plus actifs et plus scrupuleux »24, et également que les confréries sont le lieu de
rencontre « d’une élite spirituelle, élite qui corrobore assez étroitement l’élite sociale [de la
paroisse]. »25 Ce qui nous amène à voir si les marchands de toiles d’Amanlis occupent une
place prédominante – ou non – dans les institutions politiques et religieuses de la paroisse
d’Amanlis.
1.2. Les marchands de toiles et le contrôle de la paroisse
L’étude de l’implication des marchands de toiles dans le général de la paroisse a été
rendue possible par l’étude des registres de délibérations de l’année 1750 jusqu’à 1790.26
Notre objet n’étant pas l’étude de la vie paroissiale en tant que telle, nous nous sommes
principalement concentré sur la séance de nomination des officiers paroissiaux pour l’année
suivante.27
1.2.1. Le contrôle des institutions politiques
+ Le général de paroisse
Sous l’Ancien Régime, le signe que les marchands de toiles auraient dominer la
paroisse, serait une forte présence – en nombre – de ceux-ci au sein du corps politique. Faire
partie des délibérants du général de la paroisse témoigne d’une notabilité déjà acquise, ou
alors permet de concrétiser une situation de notabilité.
Pour quantifier cette présence, nous avons relevé le nom des délibérants qui sont
dénommés au début de chaque réunion du général de la paroisse.28 Cette étude a été menée
sur la décennie 1780-1789, en nous appuyant sur la liste des marchands de 1791.29
23
LAGADEC Yann, Pouvoir et religion au village : la vie paroissiale à Loudéac, Trévé et Saint-Caradec au 18e
siècle (vers 1680-1790), Mémoire de Maîtrise, Rennes 2, 1991.
24
JAMET Catherine, « Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes… », art. cit., p. 484.
25
Ibid., p. 482.
26
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis.
27
Cf. annexe n°18.
28
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis.
29
ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4.
Chapitre 5 | 129
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Au cours de cette décennie 1780, nous avons recensé en moyenne 4,7 marchands de
toiles parmi les 12 délibérants du général de la paroisse d’Amanlis (cf. graphique n°17).30
Cette présence évolue entre trois marchands en 1781 et 1782 et huit pour l’année 1789. La
proportion des marchands fluctuerait alors entre un quart et deux-tiers des membres du
général. Nous pouvons tout de même émettre des réserves concernant les chiffres des
premières années de la décennie. Il y a probablement d’autres marchands de toiles présents au
sein du général, mais, n’ayant pu les identifier à coup sûr, nous avons préféré ne pas les
compter dans les statistiques. Cette impression est renforcée par la forte présence de certains
noms de familles qui comptent dans leur rang de nombreux marchands, tels les Berthiau,
Boué, Bustault, Garnier, Hairault, Haslé, Louis, Lussot, Ménard et Robert. Nous pourrions
alors établir un graphique similaire qui constituerait une moyenne haute, pour lequel on
comptabiliserait tous les membres du général qui portent un nom issu de familles de
marchands de toiles (cf. graphique n°18). Ce cas de figure montre des résultats
complètement différents, avec une moyenne de 8,4 délibérants issus de familles marchandes
pour 12 délibérants. On comptabilise alors au minimum sept délibérants, qu’ils soient
marchands, anciens marchands ou issus de familles de marchands.
Graphique n°17 : Les marchands de toiles au sein du général de
paroisse d'Amanlis (1780-1789)
12
11
10
9
Autres délibérants
8
7
6
5
4
Délibérants
marchands de
toiles
3
2
1
0
30
Cf. annexe n°19.
Chapitre 5 | 130
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Graphique n°18 : Les délibérants issus de familles marchandes
(1780-1789)
12
11
10
9
8
Autres délibérants
7
6
5
Délibérants issus
de familles
marchandes
4
3
2
1
0
La vie politique de la paroisse d’Amanlis est également marquée, au cours de la
décennie 1780, par quatre notables : le sieur de la Lande-Moulin, le sieur de la ToucheBourdon, monsieur des Ponts-Baulieu et le sieur Salmon-Laubourgère.31 Ces quatre
délibérants font partie des notables les plus influents de la paroisse de part leur condition de
propriétaires-rentiers. Ces délibérants non-marchands montrent bien que le pouvoir paroissial
n’est pas tenu par le seul groupe social des marchands de toiles. En conséquence, c’est la
position sociale de notabilité qui permet l’accession au pouvoir paroissial, plus que la simple
appartenance à un groupe social professionnel. En revanche, la richesse procurée par
l’exercice d’une profession peut permettre d’accéder à la notabilité paroissiale, qui se
matérialise alors par l’exercice d’une charge paroissiale, ou la présence au sein des
délibérants.
Au final, nous retiendrons tout de même la forte proportion de marchands de toiles
composant le général de la paroisse. Selon les méthodes de comptage nous ne pouvons
proposer qu’une fourchette large : entre 1 délibérant marchand sur 4 et 2 délibérants
marchands sur 3 ; mais cela suffit à montrer le poids du groupe social des marchands de toiles
sur la vie politique de la paroisse d’Amanlis. Ainsi, les plus riches marchands de toiles
31
Cf. annexe n°19.
Chapitre 5 | 131
Les marchands de toiles : une élite politique locale
d’Amanlis font partie intégrante de la notabilité paroissiale dans les dernières décennies de
l’Ancien Régime, partageant en grande partie le pouvoir paroissial avec des propriétairesrentiers.
+ Le conseil ordinaire de la fabrique
Que ce soit aux postes de trésoriers, procureur de fabrique ou économe, le constat reste
le même : les marchands de toiles ont occupé toutes les arcanes du pouvoir paroissial. Le
poste stratégique de trésorier est ainsi occupé, sans interruption, de 1781 à 1790 par au moins
un trésorier marchand ou issu d’une famille de marchands de toiles.32 On trouve même en
1781, 1786, 1788 et 1790, deux marchands aux postes de trésoriers. Le poste de procureur de
fabrique est revenu, quant à lui, à cinq reprises à un marchand de toiles entre 1780 et 1790.
Enfin, la fonction d’économe, après avoir été tenue de 1781 à 1787 par Jullien Bouyaux sans
interruption, entre dans le giron des marchands de toiles de 1788 à 1790 grâce à Jean Bigot.
Nous pouvons faire, encore une fois, le même constat lorsque l’on étudie les décennies
antérieures. Les noms des familles marchandes apparaissent régulièrement aux commandes du
conseil ordinaire de la fabrique d’Amanlis. Si l’on essayait de quantifier l’emprise des
familles de marchands de toiles sur ce conseil depuis 1750 jusqu’à la Révolution, on pourrait
évaluer qu’un peu plus d’un poste sur deux (58%) a été occupé par un marchand de toile ou
un membre de sa famille.33
1.2.2. Le contrôle des confréries
Nous avons dit auparavant que, sous l’Ancien Régime la paroisse d’Amanlis compte
deux confréries de dévotion : la confrérie du Rosaire et celle de Saint-Sébastien, ainsi que
deux confréries, à propos desquelles, nous nous sommes demandées s’il ne s’agit pas plutôt
de bourses : la confrérie des défunts et celle des pauvres. A leur tête, quatre prévôts. Il y a eu
de ce fait 44 nominations de prévôts entre 1780 et 1790 à Amanlis. Selon la même méthode
que pour les autres fonctions paroissiales, on dénombre 34 prévôts marchands de toiles ou
issus de familles marchandes, ce qui fait un rapport de 77%. Cette main mise du groupe social
des marchands sur les confréries est rendue plus facile par la pérennité de ces fonctions. Ainsi
32
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis.
Nous avons comptabilisé 57 trésoriers marchands ou issus de familles marchandes sur 82, soit 70% ; 24
procureurs sur 41, soit 59% ; 14 économes sur 41, soit 34%.
33
Chapitre 5 | 132
Les marchands de toiles : une élite politique locale
le notaire et marchand de toiles Georges Brizé du Jarot, occupe le poste de prévôt de SaintSébastien durant sept années consécutives entre 1780 et 1786. Ce constat n’aurait rien
d’original à lire C. Jamet, qui affirme que les nominations des prévôts se réalisent au sein
d’un petit groupe de notables.34
Après avoir constaté l’emprise du groupe social des marchands de toiles sur les
institutions politiques et religieuses de la paroisse, il est intéressant d’étudier l’exemple de la
carrière paroissial d’un marchand de toiles, avec en parallèle, celle d’un notable proche du
milieu marchand.
1.2.3. Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste Boué, dans les
dernières décennies de l’Ancien Régime
Membre du général de paroisse 11 années sur 19, entre 1767 et 1785, le sieur du
Vinoux, Jean-Baptiste Chevrel, représente parfaitement cette notabilité marchande à Amanlis.
Né au bourg le 29 janvier 1742 au bourg d’Amanlis, il est nommé pour la première
fois à la charge de trésorier en novembre 1766 pour l’année 1767. Mais sa minorité étant
établie par un « extrait baptistaire » en date du 31 janvier 1742, il ne peut assumer ces
fonctions. C’est alors Jan Crocq, du Bois du Teil, qui est nommé à sa place. Nous pourrions
retirer de cet événement une simple anecdote, mais il faut plutôt y voir la prépondérance des
marchands de toiles sur leur société paroissiale. Les délibérants de l’année 1766 ont ainsi jugé
que Jean-Baptiste Chevrel, âgé de 24 ans seulement, fait déjà partie des notables de la
paroisse ; il est aussi assez riche pour assumer sur ses propres deniers cette charge de
trésorier. Il lui faut attendre 1770 pour devenir trésorier (cf. tableau n°15). Il devient dès
l’année suivante, 1771, délibérant au sein du général de la paroisse. Il y demeure quatre
années consécutives, occupant en parallèle des charges secondaires : en 1772, il compte parmi
les porteurs du dais35 ; en 1773, il est prévôt des défunts en plus de porter les flambeaux ; en
1774, il est notable de la capitation alors qu’il n’est plus que délibérant subsidiaire. Quelques
années plus tard, en 1778, il prend la charge de procureur de fabrique. Enfin, il retrouve sa
place au sein du général de la paroisse, en étant délibérant de 1782 à 1785. Son « cursus
34
JAMET Catherine, Les confréries de dévotion dans le diocèse de Rennes…, op. cit., p. 70.
Le dais est un ouvrage comportant quatre pieds, recouvert de tentures. Il est employé lors des processions,
porté par quatre hommes, tandis que le célébrant se tient dessous. La visibilité des porteurs du dais lors des
processions nous laissent penser que cette charge revenait naturellement aux notables de la paroisse.
35
Chapitre 5 | 133
Les marchands de toiles : une élite politique locale
honorum » dans les arcanes du pouvoir paroissial d’Amanlis s’arrête brutalement avec sa mort
qui survient en 1787, alors qu’il n’est âgé que de 45 ans.
Nous avons remarqué qu’un autre homme a poursuivi une carrière paroissiale assez
analogue. Il s’agit du sieur des Cormiers, Jean-Baptiste Boué, du Gros-Chêne (1736-1802).
Toutefois, nous ne pouvons affirmer que celui-ci a participé au commerce des toiles à voile.
D’une part, plusieurs éléments vont même dans le sens contraire : il n’est pas présent sur la
liste des marchands de 1791 et à sa mort le 12 fructidor an
X
(30 août 1802), il est qualifié de
cultivateur. Son acte de mariage aurait pu nous aider à cerner sa profession lorsqu’il était
jeune, mais Jean-Baptiste Boué est resté célibataire… D’autre part, nous ne pouvons exclure
définitivement le sieur des Cormiers du commerce toilier, car la famille Boué est l’une des
plus importantes familles de marchands de toiles d’Amanlis ; de plus, il fait partie de la
notabilité paroissiale, enfin, il est un proche – en plus d’être le voisin – de Jean-Baptiste
Chevrel. En fait, Jean-Baptiste Boué possède toutes les caractéristique du marchand de toiles,
sauf que nous n’avons aucune trace attestant de la pratique de cette activité commerciale. En
tout état de cause, Jean-Baptiste Boué commence également son « cursus paroissial » par le
poste de trésorier en 1770, comme son jeune voisin du Gros-Chêne. Il est ensuite délibérant
de 1771 à 1774 – comme Jean-Baptiste Chevrel –, tout en exerçant d’autres fonctions :
porteur des flambeaux et prévôt de Saint-Sébastien. En 1775, le sieur des Cormiers devient
notable de la capitation, puis prévôt du Rosaire l’année suivante. Ensuite, il redevient
délibérant durant deux années, en 1779 et 1780, avant de terminer sa carrière paroissiale par le
poste de procureur de la fabrique en 1782 et celui d’assistant à l’examen des comptes en 1783.
Chapitre 5 | 134
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Tableau n°15 : Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel
et de Jean-Baptiste Boué
Jean-Baptiste Chevrel
Jean-Baptiste Boué
1767
Trésorier (remplacé pour cause de minorité)
-
1770
Trésorier
Trésorier
1771
Délibérant
Délibérant
1772
Délibérant, porteur du dais
Délibérant, porteur des flambeaux
1773
Délibérant, prévôt des défunts, porteur des
Délibérant, prévôt de Saint-Sébastien
flambeaux
1774
Délibérant subsidiaire, notable de la capitation
Délibérant subsidiaire, prévôt de Saint-Sébastien,
porteur des flambeaux
1775
-
Notable de la capitation
1778
Procureur de fabrique
Prévôt du Rosaire
1779
-
Délibérant
1780
-
Délibérant
1782
Délibérant
Procureur de fabrique
1783
Délibérant
Assistant à l’examen des comptes
1784
Délibérant
-
1785
Délibérant
-
Que pouvons-nous retirer de ces deux exemples de carrières paroissiales ? Tout
d’abord, qu’il s’agit de deux exemples de brillantes carrières à cet échelon, puisqu’ils ont
exercé presque toutes les charges : trésorier, délibérant, prévôt de confrérie, procureur,
notable de la capitation, porteur de dais ou de flambeaux… En revanche, ces exemples
montrent que si l’on peut parler de « cursus paroissial », dans le sens où l’on a pu observer de
véritables carrières au sein des institutions politiques locales, cette expression ne nous
apparaîtrait pas juste si l’on voulait lui donner le sens antique du « cursus honorum ». C'est-àdire qu’un jeune notable peut directement commencer sa carrière par une fonction importante
– en l’occurrence trésorier – sans avoir à exercer des fonctions subalternes, égailleurs par
exemple. Concernant le statut des prévôts de confréries, ces deux exemples semblent montrer
que cette fonction paroissiale relèverait plus d’un honneur conféré à un notable. En effet,
Jean-Baptiste Chevrel et Jean-Baptiste Boué ont occupé ces fonctions alors qu’ils sont
également délibérants, mis à part Boué qui a été prévôt du Rosaire en 1778 sans occuper
d’autres fonctions. On peut ainsi se demander si pour obtenir le poste de prévôt, il n’est pas
nécessaire d’avoir été délibérant auparavant, donc bien établi dans la notabilité paroissiale.
Chapitre 5 | 135
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Enfin, l’incertitude quant à la profession de Jean-Baptiste Boué nous oblige à poser
plusieurs hypothèses à propos de ces carrières paroissiales. Si celui-ci est bien un marchand
de toiles, cela montrerait, à nouveau, le poids important du groupe social des marchands sur la
vie paroissial d’Amanlis. En revanche, si Boué n’est pas marchand, on pourrait en conclure
que le statut de notable prime sur le groupe professionnel, dans le but d’accomplir une
carrière paroissiale de premier plan. Dans tous les cas, ces deux hypothèses ne sont pas
forcément à opposer, dans le sens où étant donnée la faible présence de professions juridiques
et médicales à Amanlis, la notabilité paroissiale est avant tout paysanne, ce qui impliquent
que les plus riches marchands de toiles en représentent une grande part. Il est donc normal de
voir un nombre important de marchands effectués des carrières paroissiales de premier plan,
mais celles-ci seraient possibles parce qu’ils font partie de la notabilité paroissiale et non pas
par leur simple appartenance au groupe social des marchands de toiles.
Il faut également prendre en compte une autre hypothèse : si ces notables occupent de
telles fonctions, l’explication n’est-elle pas à chercher dans un niveau d’alphabétisation plus
poussé que le reste de la population ?
1.3. Les marchands de toiles face à l’écrit
O. Chauvot, dans son étude sur les arrêts sur remontrance du Parlement de Bretagne
entre 1643 et 1720, rapporte une remontrance du procureur général, Charles Marie Huchet, en
date du 13 janvier 1688, dans laquelle ce dernier souhaite que les assemblées soient
composées au minimum de « 12 personnes sachant signer ». Le procureur général du
Parlement de Bretagne regrette que jusqu’ici les notables locaux qui savent signer « negligent
les assemblées paroissiales et les abandonnent a des gens qui ne savent meme pas ecrire ».36
Il est donc intéressant de voir, un siècle plus tard, quel est le niveau d’instruction des officiers
paroissiaux d’Amanlis, notamment celui des marchands de toiles. Nous étudierons dans un
premier temps les signatures des membres du général de paroisse, avant de voir dans un
second temps, de quelle instruction auraient pu bénéficier ces marchands.
36
CHAUVOT Olivia, Le Parlement de Bretagne et le religieux à Rennes : quelles relations ? Etude menée à
travers les arrêts sur remontrance. 1643-1720, mémoire de master 2, dact., Rennes 2, 2010, p. 91.
Chapitre 5 | 136
Les marchands de toiles : une élite politique locale
1.3.1. L’étude des signatures
L’étude des signatures des registres de délibérations de la paroisse peut nous permettre
d’évaluer le niveau d’instruction des délibérants (cf. tableau n°16).37 Pour cela, nous nous
appuierons sur les travaux de J. Quéniart qui a défini une méthodologie pour étudier les
signatures dans sa thèse sur la culture des sociétés urbaines dans la France de l’Ouest au XVIIIe
siècle.38 Nous avons ainsi classées les signatures de la délibération concernant les nominations
des officiers paroissiaux pour six années sur la période 1750-1789, en six catégories
différentes :
- aucune signature : lorsque l’on nous signale qu’un délibérant « déclare ne savoir
signer ».
- signature hésitante : écrite en majuscules, des fautes d’orthographe, ratures,
tremblements, taille inégale des lettres (écriture et lecture incertaine)
- signature lisible : utilisation des majuscules et des minuscules, quelques
tremblements, taille égale des lettres, peu liaison entre les lettres, écriture lourde (écriture
probable, lecture incertaine)
- signature appliquée : écriture fluide, liaison entre les lettres, malgré quelques
irrégularités (écriture certaine et lecture probable)
- signature courante : écriture rapide et ferme, ajout d’un signe supplémentaire
montrant la maitrise de l’écrit (éducation certaine)
37
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis.
QUENIART Jean, Culture et société urbaines dans la France de l'Ouest au XVIIIe siècle, Paris, Klincksieck,
1978, p. 34-36.
38
Chapitre 5 | 137
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Tableau n°16 : Les signatures des membres du général de paroisse d’Amanlis (1750-1789)
1750
1760
1761
1771
1783
1789
Total
1
0
0
0
0
0
1
2
2
3
2
2
1
12
4
5
7
0
3
3
22
6
4
14
7
6
8
45
0
3
3
5
3
3
17
Aucune
signature
Signatures
hésitantes
Signatures
lisibles
Signatures
appliquées
Signatures
courantes
Ce tableau révèle un taux de signature très honorable des délibérants du général de la
paroisse d’Amanlis (cf. graphique n°19). Ainsi, ils sont au total – sur l’ensemble de la
seconde moitié du
e
XVIII
siècle – près de 65% à savoir signer de façon appliquée (45) voire
courante (17). Nous pouvons constater également, d’après le graphique, que la qualité
générale des signatures semble s’améliorer plus l’on s’approche de la Révolution. Alors que
plus de la moitié des délibérants de 1750 ne peuvent signer qu’au mieux de façon lisible, cette
proportion tombe autour d’un quart en 1789. En revanche, il nous est impossible de trancher
la question de savoir si l’on assiste à une amélioration de l’alphabétisation des paroissiens
d’Amanlis – ou tout du moins des notables – au cours de la deuxième moitié du
e
XVIII
siècle,
ou bien, si ce constat n’est que le résultat de la volonté du Parlement d’améliorer la qualité
des officiers paroissiaux. Cette dernière hypothèse impliquerait que l’on mette
progressivement à l’écart des institutions politiques paroissiales les hommes illettrés ou mallettrés. Il n’en reste pas moins que l’on constate une amélioration significative et progressive
de la qualité des signatures des délibérants à Amanlis à l’approche de la Révolution.
Un autre élément pourrait accréditer la thèse de la mise à l’écart des illettrés : à une
seule reprise, il est fait mention qu’un délibérant ne sait pas signer. De plus, cette exception a
lieu en 1750, ce qui voudrait dire que par la suite, tous les délibérants possèdent au minimum
les rudiments de l’écriture. Bien que l’on ne puisse écarter non plus l’hypothèse selon
laquelle, il s’agirait de la seule fois que l’on mentionnerait la raison pour laquelle un
Chapitre 5 | 138
Les marchands de toiles : une élite politique locale
délibérant signe à la place d’un autre. Il n’en reste pas moins que les délibérants présents lors
de ces séances ont semblé faire une différence entre cette mention de 1750, à savoir : « Julien
Croyal [signe] pour Jan Lussot presant qu’il a declaré ne savoir signer »39 , alors qu’à
d’autres reprises il est simplement écrit, comme par exemple en 1761 : « Jullien Loüis pour
Gatien Morin present »40.
Graphique n°19 : La qualité des signatures dans les délibérations du
général de paroisse à Amanlis (1750-1789)
100%
90%
80%
70%
Signatures courantes
60%
Signatures appliquées
50%
Signatures lisibles
40%
Signatures hésitantes
30%
Aucune signature
20%
10%
0%
1750
1760
1761
1771
1783
1789
Total
Nous venons d’étudier les délibérants du général dans leur ensemble ; reste à savoir ce
qu’il en est des marchands de toiles. L’exemple de plusieurs signatures semble nous montrer
un niveau général relativement bon (cf. tableau n°17). Les signatures présentées ci-dessous
sont toutes à classer dans les catégories supérieures de la méthodologie de J. Quéniart, c’est à
dire entre signatures appliquées et signatures courantes. Il ne faut pas oublier pour autant que
les marchands de toiles, membres du général, forment eux-mêmes l’élite de leur groupe
social, et qu’ils ne sont en rien représentatifs de l’ensemble du groupe social des marchands
de toiles.
39
40
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. cf. annexe n°18.
ADIV, 2G 2. Registres de délibérations de la paroisse d’Amanlis. cf. annexe n°18.
Chapitre 5 | 139
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Tableau n°17 : Les signatures de marchands de toiles
Jean-Baptiste Chevrel
(le Gros-Chêne), 1771
Jean-François Chevrel
(les Douëts de Néron), 1771
Jullien Loüis
(Néron), 1783
Georges Brizé
(Le Jarrot), 1783
François Tortellier
(Le Vinoux), 1789
Jean Boué
(le Cotterel), 1789
1.3.2. Quelle instruction pour les marchands de toiles?
La signature élégante de Georges Brizé nous rappelle qu’il est l’un des « hommes de
l’écrit » dans la paroisse, aux côtés du recteur et de ses vicaires, et cela de par sa profession de
notaire, cumulée au commerce des toiles. Maître Georges Brizé était, ainsi, une personne
instruite, sachant naturellement lire et écrire. Nous avons retrouvé, par ailleurs, bon nombre
de ses actes notariés qui démontrent une écriture assurée, digne d’un notaire de campagne.41
En revanche, nous ignorons où Georges Brizé a reçu cette instruction. Les principaux
marchands de toiles semblent avoir fréquenté les bancs de l’école. L’érudit local R. Chabirand
– qui a pu consulter les archives privées des familles Arondel et Jouzel notamment – nous
rapporte que le marchand Pierre Jouzel de Néron a été à l’école et qu’il s’y est distingué « par
son intelligence ».42
Si plusieurs marchands semblent avoir reçu une instruction scolaire, il est peu
probable que cela fut à Amanlis, puisque « Amanlis n’a pas d’école digne de ce nom » sous
l’Ancien Régime, selon R. Chabirand.43 Les paroissiens s’en sont d’ailleurs plaints lors de la
41
ADIV, 4E 4164, 4165, 4166, 4167, 4631 (1757-1758 ; 1760-an IV). Actes notariés de l’étude Bergère de Janzé,
juridictions du Chatellier et Corpsnuds, notaire Georges Brizé (Amanlis).
42
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 67.
43
Ibid., p. 34.
Chapitre 5 | 140
Les marchands de toiles : une élite politique locale
rédaction du cahier de doléances de la paroisse en 1789. Ils réclament « un maître d’école
dont les enfants ont été privé jusqu’ici »44. L’érudit local de la paroisse d’Amanlis estime par
ailleurs que les hommes en capacité de lire et écrire devaient être en petit nombre, de l’ordre
d’un sur dix. Dans notre cas, nous nous garderons bien d’avancer des statistiques concernant
le taux d’alphabétisation à Amanlis à la fin de l’Ancien Régime.
D’après R. Chabirand, les notables d’Amanlis auraient parfois payé des études à leurs
enfants dans les écoles des environs. Selon lui, nous ne savons rien des écoles de Janzé, en
revanche Piré possède une école de garçons et une école de filles tenue par les sœurs de la
Charité depuis 1683 et on trouve également une école, qu’il qualifie de « réputée », à
Châteaugiron, puisque l’on y enseigne le latin.45 Il est fort possible que plusieurs marchands
de toiles aient pu suivre, pendant quelques années au moins, un enseignement dans l’une de
ces écoles. Néanmoins, aucune source ne nous permet de dire quelle instruction ont reçu JeanBaptiste Chevrel, ou les frères Jouzel.
Nous savons par ailleurs, toujours d’après R. Chabirand, que certains notables ont eu
recours à des précepteurs pour instruire leurs fils.46 Il donne l’exemple de Jérôme Louis,
maître en chirurgie, lui-même fils du sieur de la Morinière, François-Paul Louis, ancien
fabricant de toiles à voiles et propriétaire, beau-frère du sieur du Vinoux, Jean-Baptiste
Chevrel père. Il engage un des prêtres de la commune, un certain M. Buin –
ancien
dominicain et prêtre assermenté sous la Révolution, qui est arrivé à Amanlis en mars 1799 –
pour devenir précepteur de son fils, Jérôme, né le 24 février 1790. L’élève du prêtre Buin, qui
devient par la suite prêtre en 1824, puis Supérieur général des Eudistes en 1830, a d’ailleurs
évoqué cette période dans des propos rapportés par le père Dauphin dans un ouvrage consacré
à la vie du père Jérôme Louis de la Morinière :
« Ce M. Buin ne manquait pas d’instruction et n’était pas du tout républicain. L’intention de
mon père [en le demandant] était d’abord d’avoir la messe, ensuite de me permettre d’étudier
le latin. Il y avait un an que je faisais des thèmes sans y rien comprendre et sans savoir même
ce qu’on voulait me faire apprendre, lorsque les royalistes vinrent une nuit prendre M. Buin, le
conduisirent à l’église, l’obligèrent à leur remettre le peu d’ornements qui s’y trouvaient, et lui
44
Ibid., p. 34.
Ibid., p. 34.
46
Ibid., p. 129.
45
Chapitre 5 | 141
Les marchands de toiles : une élite politique locale
signifièrent qu’il fallait quitter Amanlis, ce qu’il fit dès le lendemain matin, tant il eut peur. Je
fus donc délivré de ce fâcheux précepteur que je ne regrettai pas beaucoup. »47
Certains enfants de notables d’Amanlis ont même fréquenté le prestigieux Collège des
Jésuites de Rennes. Ainsi, il est fait mention sur l’acte de baptême de Marie Thoinette
Julienne Louis – fille d’honorable homme Jullien Louis et d’honorable femme Anne Tortellier
–, en date du 26 janvier 1750, que son parrain, le jeune Antoine Beaulieu, est « ecollier en
cinquieme au College des Jesuites à Rennes ».48 Toutefois, la famille Des Ponts-Beaulieu est
une famille de propriétaire-rentier, et non de marchands de toiles, mais cela n’empêche pas
que ce cas de figure ait pu également se présenter au sein des plus importantes familles
marchandes.
Une autre source permet d’attester de la maîtrise de l’écrit par les marchands de toiles :
les livres de comptabilité. Nous avons l’exemple de celui de René Albert, marchand de toiles
à Amanlis au milieu du
e
XVIII
siècle.49 Lorsqu’il fait faillite en 1783, l’un de ses livres de
comptabilité est classé en annexe de son dossier auprès du Consulat de Rennes, qui est le
tribunal compétent pour régler les faillites des commerçants. 50 Toutefois, nous n’avons pu
l’exploiter, faute d’avoir compris la logique d’ensemble des annotations inscrites. On
remarque tout de même la maîtrise certaine de l’écriture par René Albert. Les opérations
comptables présentes dans ce carnet montrent que le marchand maîtrise également le les
règles de base de la comptabilité.
Au final, nous pouvons retenir que les plus riches marchands de toiles, qui font partie
des notables de la paroisse d’Amanlis, ont reçu généralement un minimum d’instruction :
savoir lire, écrire et compter, ce qui peut être important pour pouvoir tenir des livres de
comptes, dans le cadre du commerce des toiles. Cet éducation leur a certainement permis
d’exercer une influence certaine sur les institutions paroissiales entre les années 1750 et 1790,
en occupant largement les postes de décision. Pourtant, cette organisation paroissiale est
complètement bousculée lorsque survient la Révolution française en 1789, ainsi que la mise
en place de la République en 1792. Nous allons donc étudier, dans un deuxième temps, la
réaction des marchands de toiles face à l’effondrement de ces institutions paroissiales, et le
47
Ibid., p. 129. Texte cité par le père Dauphin dans son ouvrage Le Père Louis de la Morinière (1892). Nous
n’avons malheureusement pas pu retrouver cet ouvrage, ce qui aurait permis de donner des informations
supplémentaires.
48
ADIV, 10 NUM 35002 229. Registre paroissial d’Amanlis pour l’année 1750 (numérisé et mis en ligne).
49
Cf. annexe n°20.
50
ADIV, 10B 117. Dossier n°336, René Albert, marchand de toiles à la Hantelle, en Amanlis, 19 septembre
1783.
Chapitre 5 | 142
Les marchands de toiles : une élite politique locale
rôle qu’ils ont joué lors de la création des nouvelles institutions : municipalité, district,
municipalité de canton.
2. Les marchands de toiles face à la Révolution française
Face à ce grand bouleversement de la vie politique, sociale, économique et même
religieuse, que constitue la Révolution française, on peut se demander comment réagissent les
marchands de toiles. Prennent-ils le parti des « bleus » ou celui des « blancs » ? Cherchent-ils
également à participer à la création, voire à contrôler le pouvoir municipal naissant en 1790,
ainsi qu’aux autres institutions plus larges que le territoire d’Amanlis ? Peut-on déceler des
réactions communes à l’ensemble des marchands de toiles, ou bien réagissent-ils de façon
individuelle selon leur sensibilité politique, leur degré de ferveur religieuse ?
Pour répondre à toutes ces questions, les sources actuellement disponibles sont rares.
Nous avons dû nous contenter de quelques sources administratives, comme les registres de
délibérations du district de La Guerche, ou de la municipalité du canton de Janzé. Toutefois,
R. Chabirand semble en avoir consulté de plus nombreuses au moment de la préparation de
son ouvrage, notamment des archives privées des familles de notables d’Amanlis. Quelquesunes de ses descriptions nous permettront d’appuyer nos analyses.
2.1. La garde nationale, pré carré des marchands de toiles
La municipalité d’Amanlis, fondée le 2 février 1790, en est encore à ses balbutiements
lorsqu’une garde nationale est mise en place. Ce type de milices patriotiques chargées
d’assurer l’ordre intérieur et protéger la Révolution de ses ennemis, se répand rapidement sur
l’ensemble du territoire français.
R. Chabirand retrace la mise en place de la garde nationale d’Amanlis. D’après l’érudit
local, celle-ci commence par s’organiser au cours de l’hiver 1789-1790. Puis, le dimanche 30
mai 1790, l’abbé Louis, vicaire d’Amanlis, procède à la bénédiction du drapeau tricolore
flanqué de la devise « Patrie, liberté ». Un procès verbal de cette journée fait connaître les
cadres qui dirige cette organisation patriotique (cf. tableau n°18).51 Pour R. Dupuy, seules
Châteaugiron, Piré et Janzé ont fondé leurs gardes nationales durant le second semestre de
51
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 100.
Chapitre 5 | 143
Les marchands de toiles : une élite politique locale
1789.52 En revanche, l’historien recense bien Amanlis parmi les communes en ayant une pour
le 14 juillet 1790.53 Il est donc probable que la fondation de la garde nationale se soit faite en
même temps que celle de la municipalité en février 1790.
Tableau n°18 : La garde nationale d'Amanlis (mai 1790)
Noms
Grades
Ages
Lieu habitation
Professions
Georges Bourdon
François Monnier fils
Capitaine commandant
Capitaine en pied
48
38
le Bourg
le Tremblay
Julien Louis
Jean-Baptiste Chevrel
Julien Pelé
Second capitaine
Sous-lieutenant
Sergent-major
50
20
28
la Touche
le Gros-Chêne
le Bourg
Jean-Baptiste Boué
Jean Croyal
Louis Belloir
Jean Monnier
Premier sergent
Second sergent
Troisième sergent
Sergent
36
24
40
26
le Bourg
les Cours-Jamois
le Bourg
le Tremblay
Propriétaire rentier
Marchand tanneur
Marchand tanneur et
de toiles
Marchand de toiles
Ouvrier tisserand
Marchand de fils et
toiles
Marchand de toiles
Marchand de toiles
Marchand tanneur
Nous ne retrouvons pas moins de cinq marchands de toiles sur neuf officiers et sousofficiers. Il faut y ajouter le commandant, Georges Bourdon, propriétaire rentier au bourg,
ainsi que François et Jean, les deux frères Monnier de l’influente famille de marchands
tanneurs. Seul le sergent-major, Julien Pelé, ne fait pas partie des notables de la commune.
Originaire de Piré, marié à Amanlis, il vit au bourg et travaille comme ouvrier tisserand. Cela
peut paraître surprenant de le retrouver à ce poste, mais il faut savoir qu’il a servi, dans sa
jeunesse, pendant six ans comme soldat dans le corps royal des matelots à Cherbourg et peut
donc justifier d’une certaine expérience militaire alors que dans le même temps, les notables
d’Amanlis élus officiers et sous-officiers n’ont « aucune idée de l’art militaire ».54 Julien Pelé
est donc chargé de donner une instruction militaire à ses concitoyens, lors des entraînements
qui se déroulent le dimanche. Des tours de garde, pour veiller à la sécurité, se mettent en place
tout au long de la semaine. Il y aurait environ 150 personnes au sein de la garde nationale à
Amanlis, en ce printemps 1790. Les effectifs auraient même augmenté l’année suivante.55
D’après R. Dupuy, l’effectif de la garde nationale d’Amanlis est inférieur à 50 hommes en
1792, alors que celles-ci viennent d’être réorganisées par cantons et districts par la loi relative
52
DUPUY Roger, La Garde Nationale et les débuts de la révolution en Ille-et-Vilaine (1789-Mars 1793), Paris,
Klincksieck, 1972, p. 113.
53
Ibid., p. 136.
54
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 100.
55
Ibid., p. 100.
Chapitre 5 | 144
Les marchands de toiles : une élite politique locale
à l’organisation de la Garde Nationale, en date du 14 octobre 1791.56 En revanche, l’historien
ne donne aucun chiffre pour la période 1790-1792, en ce qui concerne la commune
d’Amanlis. Nous constatons, ici une grande différence avec les chiffres de R. Chabirand.
Ainsi, la garde nationale d’Amanlis aurait perdu les deux-tiers de ses hommes entre 1790 et
1792. Il est possible que l’érudit local ait surestimé les effectifs. Toutefois, il ne nous est
impossible de confirmer ou d’infirmer ces données, puisque R. Chabirand ne fait aucune
référence à ses sources. Nous pouvons également noter que le capitaine-commandant,
Georges Bourdon, est désigné pour conduire la délégation de Janzé à Paris, lors de la Fête de
la Fédération au Champs de Mars le 14 juillet 1790.57
2.2. Tensions idéologiques autour du pouvoir municipal
En grande partie, les marchands de toiles d’Amanlis ont plutôt adhérer à la Révolution
française, au moins à ses débuts, notamment, à travers leur implication dans la garde
nationale. Les environs de Châteaugiron et d’Amanlis n’ont, par ailleurs, pas été des terres
propices à la Contre-Révolution. Une large part des notables de la commune, dont plusieurs
marchands de toiles, étaient membres du club local des Amis de la Constitution, une société
affiliée au puissant club des Jacobins.58 Ce comportement tranche avec celui des marchands
de toiles du Léon, les Juloded, puisque L. Elégoët raconte « qu’en mars 1793, lors de la
révolte contre-révolutionnaire en Léon, quelques marchands de toile apparaissent parmi les
meneurs. »59
Toutefois, il ne faut pas y voir une unanimité totale au sein du groupe social des
marchands. Lorsque la Révolution se durcit, au cours de l’année 1792, la population
amanlisienne se divise. Les plus modérés se mettent en retrait des affaires publiques : ainsi les
marchands de toiles Louis Belloir, Jean-François Chevrel des Douëts de Néron, Pierre Bigot
et ses fils du Cormier, mais aussi François Monnier qui donne sa démission de la garde
nationale, ou bien Jean-Baptiste Boué du Gros-Chêne. Face à eux, certains « restent fidèles à
la Révolution, acceptent la République, font confiance aux dirigeants de la Nation »60 : ils
sont aux commandes de la commune. Parmi ceux-ci on dénombre les marchands de toiles
Julien Louis, de Néron, Georges Brizé, du Jarrot, François Morin, de Touche-Ronde, Julien
56
DUPUY Roger, La Garde Nationale…, op. cit., p. 146-149.
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 101.
58
Ibid., p. 101.
59
ELEGOËT Louis, Les Juloded…, op. cit., p. 177.
60
CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 111.
57
Chapitre 5 | 145
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Ricard, du Talus, Jean Croyal, du Gripail et Jean-Baptiste Chevrel, du Gros-Chêne – fils du
sieur du Vinoux –, ainsi que les propriétaires-rentiers Théodore Salmon-Laubourgère et René
Moulin « ardent patriote et zélé défenseur de la République », selon les mots de R.
Chabirand.61 Si les marchands de toiles ont participé activement à la mise en place des
nouvelles institutions et de la garde nationale à Amanlis, qu’en est-il hors du cadre de leur
commune ?
2.3. Des marchands de toiles peu présents dans l’administration du district de La
Guerche et du canton de Janzé
La Révolution voit se mettre en place de nouvelles institutions intermédiaires entre la
municipalité et le département : le conseil et le directoire du district, dans un premier temps,
puis la municipalité de canton, dans un second temps.
2.3.1. Le conseil et le directoire du district de La Guerche
Parmi les nouvelles administrations mises en place dès le début de la Révolution,
apparaît le district. Il est organisé par le décret du 22 décembre 1789. Il est géré par un conseil
de douze administrateurs, qui est une assemblée délibérante et temporaire. Elle a pour but de
choisir parmi ses membres quatre administrateurs, qui composent le directoire, organe
exécutif permanent.62 A côté, on retrouve un procureur syndic, élu pour requérir l’application
des lois. Le département d’Ille-et-Vilaine est ainsi divisé en neuf districts. Amanlis fait partie
de celui de la Guerche, comme l’ensemble du canton de Janzé.63 En revanche, le canton de
Châteaugiron est placé dans le district de Rennes.64
Les premiers administrateurs du conseil du district de La Guerche sont désignés le 30
juin 1790, lors de la réunion de l’assemblée électorale à l’hôtel de ville de La Guerche.65
Aucun habitant d’Amanlis – a fortiori de marchands de toiles – ne fait partie de ce conseil, et
donc du directoire du district.66 Jusqu’à la Constitution du 5 fructidor an
III
– 22 août 1795 –
61
Ibid., p. 111.
BRICAUD Jean, L’administration du département d’Ille-et-Vilaine au début de la Révolution (1790-1791),
Rennes, Imprimerie Bretonne, 1965, p. 88.
63
Cf. annexe n°21.
64
Les neuf districts d’Ille-et-Vilaine sont : le district de Rennes, de Bain, de Dol, de Fougères, de La Guerche, de
Monfort, de Redon, de Saint-Malo, et de Vitré.
65
BRICAUD Jean, L’administration du département d’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 103.
66
BRETON Yves, Le District de la Guerche (1789-1795), Montfort-sur-Meu, Y. Breton, 1989, p. 108.
62
Chapitre 5 | 146
Les marchands de toiles : une élite politique locale
qui voit la fondation du Directoire et la suppression des districts, le constat semble rester le
même en ce qui concerne la non-participation des marchands de toiles amanlisiens.
2.3.2. La municipalité du canton de Janzé
Nous avons dit auparavant qu’Amanlis fait partie du canton de Janzé, ainsi que la
commune de Brie. La partie sud de la commune – autour du village de Néron – se trouve ainsi
aussi proche du chef-lieu que du bourg.
Rappelons tout de même que ce nouveau découpage s’est mis en place fin 1789-début
1790 avec la naissance de 4 600 cantons, qui forment des circonscriptions intermédiaires entre
les 40 000 communes et les 554 districts. Le canton est conçu comme un ensemble cohérent
d’environ 5 500 habitants, autour d’un chef-lieu accessible en une demi journée de marche et
qui possède un relais de poste, une agence fiscale et souvent une foire.67 Toutefois le canton
n’a aucun attribut administratif avant l’instauration de la Constitution de l’an
III.
Pour S.
Bianchi, la suppression des districts et des municipalités en 1795 montre le « triomphe
apparent du canton ».68
Lorsque l’on analyse les archives de cette administration cantonale, aucun marchand
de toiles d’Amanlis n’y est fait mention.69
Donc dès que l’on sort du cadre territorial
d’Amanlis, on voit que les marchands de toiles sont peu présents dans les nouvelles
institutions que sont le conseil et le directoire du district de La Guerche, ainsi que la
municipalité du canton de Janzé. Malgré cela, ils ont pris largement part aux débuts de la
Révolution, du côté des « bleus », en participant à la garde nationale. Ils ont également occupé
le devant de la scène au moment de la fondation de la municipalité d’Amanlis, tout comme ils
le faisaient avec le général de la paroisse sous l’Ancien Régime. En revanche, le groupe social
des marchands de toiles ne constitue pas, pour autant, un ensemble homogène au niveau
politique. Cela se confirme lors du durcissement de la Révolution et de l’avènement de la
République en 1792 : on retrouve des marchands dans le camp des modérés, comme dans le
camp des républicains. Un comportement politique qui s’observe également parmi les
propriétaires-rentiers. Ainsi, face à de tels événements extraordinaires, les marchands de toiles
67
BIANCHI Serge, « L’expérience des cantons en milieu rural dans la décennie de la Révolution française :
pertinence et problèmes d’une greffe électorale, judiciaire, militaire et administrative », in LAGADEC Yann, LE
BIHAN Jean, TANGUY Jean-François (dir.), Le canton un territoire du quotidien ?, Rennes, PUR, 2009, p. 40.
68
Ibid., p. 42.
69
ADIV, L 1567. Déclaration et arrêts de l’administration du canton de Janzé (30 vendémiaire – 28 floréal an
VIII).
Chapitre 5 | 147
Les marchands de toiles : une élite politique locale
ne feraient pas preuve de corporatisme et seraient intégrés à une notabilité amanlisienne qui
s’organiserait plus autour de réseaux amicaux et familiaux, plus que selon les situations
professionnelles. Au final, si les notables, aux commandes de la paroisse sous l’Ancien
Régime, semblent avoir conservé leur position dominante tout au long de la Révolution, on
peut se demander ce qu’il advient au cours de la première partie du XIXe siècle ?
3. L’emprise des marchands de toiles sur la vie municipale au cours du premier XIXe
siècle
Si les marchands de toiles ont dominé la vie paroissiale d’Amanlis durant l’Ancien
Régime, la Révolution ne semble pas avoir remis en cause leur prépondérance, tout comme
celle de l’ensemble des notables. Nous pouvons nous demander si les marchands vont
maintenir leur emprise sur la vie municipale d’Amanlis au
XIX
e
siècle, alors que la
manufacture des toiles « rurales » est entrée dans une lente agonie.
3.1. La domination d’un groupe social sur la vie municipale
Avant d’étudier plus en profondeur la personnalité de certains
marchands de toiles
qui ont dominée la vie politique municipale d’Amanlis, nous allons analyser, tout d’abord, la
place du groupe social des marchands au sein du conseil municipal.
Pour observer la domination de la vie politique d’Amanlis par le groupe social des
marchands de toiles, nous avons choisi de prendre pour exemple les élections municipales qui
se déroulent en 1834, selon le système du vote censitaire. Dans un premier temps, la liste des
plus forts contribuables de la commune qui peuvent voter aux élections nous permet de
comprendre la répartition sociale des électeurs d’Amanlis (cf. graphique n°20).70
70
ADIV, 3M 104. Liste des plus forts contribuables de la commune d'Amanlis, élections municipales de 1834.
Chapitre 5 | 148
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Graphique n°20: Répartition sociale des électeurs d'Amanlis
lors des élections municipales de 1834
12
7 14
19
12
Noble
Hommes de loi
Marchands
Propriétaires
Laboureurs / Cultivateurs
Artisans
Autres
141
La loi municipale du 21 mars 1831 a rétabli l'élection des conseils municipaux par les
citoyens les plus imposés de la commune ; les maires et les adjoints sont désignés parmi les
membres du conseil municipal par le préfet. Lors des élections municipales de 1834, il y a
196 électeurs qui payent un cens situé entre 1 412,72 francs pour le comte Jacques de
Corbière, propriétaire au bourg, et 11,75 francs acquittés par Jean Herrault, laboureur à Laval.
Cette année-là, Amanlis recense 2 801 habitants. De ce fait, seulement 7% de la population a
le droit de vote aux élections municipales.
Sans surprise les laboureurs/cultivateurs représentent près de 70% des électeurs, car ils
forment la grande majorité de la population rurale d’Amanlis. Il faut tout de même noter que
les quatre cultivateurs recensés sont plus riches que les simples laboureurs et ne pratiquent pas
ou plus le commerces des toiles en pluriactivité. On trouve ensuite le groupe des marchands et
négociants – qui regroupe toutes les professions commerciales, parmi lesquels une majorité de
marchands de toiles – avec 19 électeurs, soit 10%. On recense également 12 propriétaires,
pour la plupart des hommes âgés retirés des affaires, et autant d’artisans. On peut ainsi
souligner la sur-représentation du groupe social des marchands (10%) au sein des électeurs
d’Amanlis, puisqu’ils ne représentaient qu’à peine 0,5% de la population totale de la
commune.
Chapitre 5 | 149
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Le conseil municipal, issu de ces élections de 1834 , montre également
une sur-
représentation du groupe social des marchands de toiles (cf. tableau n°19 et graphique
n°21).71
Tableau n°19 : Le conseil municipal d'Amanlis en 1834
Noms
Prénoms
Fonctions
Garnier
Jouzel
Belloir
Chevrel
Butault
Croyal
Tortellier
Louis
Lemêle
Dufil
Robert
Rossignol
Micault
Alexis
René
Célestin
Jean-Baptiste fils
René
Jean-Baptiste
François
René
Jean
Julien
Joseph
René
Julien
Maire
1er adjoint
2e adjoint
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Conseiller
Date d'élection ou
de nomination
04/11/183372
14/05/1833
10/06/1833
1834
1834
1834
1834
1834
1834
1834
1834
1834
1834
Professions
Marchand de toiles
Marchand de toiles
Marchand de toiles
Marchand de toiles
Laboureur
Marchand de toiles
Laboureur
Meunier
Laboureur
Tailleur
Marchand de toiles
Laboureur
Laboureur
Graphique n°21 : Répartition sociale du conseil municipal
d'Amanlis lors des élections municipales de 1834
2
Marchands
Laboureurs
6
Artisans
5
Il en ressort que 46% des membres du conseil municipal sont des marchands de toiles,
dont notamment le maire et ses deux adjoints, alors qu’ils ne représentent que 10% des
électeurs. On ne retrouve que 38% de laboureurs, pour 70% des électeurs. Il y a enfin deux
71
72
ADIV, 3M 83. Conseil municipal d’Amanlis en 1834.
Nomination d’Alexis Garnier intervenue suite au décès du maire Pierre-Antoine Arondel le 20 août 1833.
Chapitre 5 | 150
Les marchands de toiles : une élite politique locale
artisans, soit 15% du conseil. Ces éléments tendent à montrer que les marchands de toiles
conservent une influence certaine sur la vie municipale d’Amanlis, dans la première moitié du
XIX
e
siècle, malgré le déclin progressif de l’industrie rurale des toiles à voile.
Cette domination peut se révéler d’autant plus écrasante, qu’ils ne constituent pas le
groupe social le plus riche de la commune d’après la répartition sociale selon l’imposition des
électeurs (cf. graphique n°22).73
Graphique n°22 : Imposition des marchands de toiles par
rapport aux autres électeurs en 1834
90
80
70
60
50
40
Marchands
30
Autres
20
10
0
A partir du graphique ci-dessus, nous pouvons faire quasiment le même constat que
pour la capitation de 1790 (cf. graphique n°7). Tout d’abord, le groupe social des marchands
de toiles reste très hétérogène au
XIX
e
siècle. Ensuite, ils apparaissent comme globalement
plus riches que le reste de la population : seuls trois marchands – soit 16% d’entre eux – ont
une imposition inférieure à 50 fr, contre 130 autres électeurs – soit 73% d’entre eux –. Enfin,
s’ils sont plus riches que la moyenne, ils ne font pas partie pour autant des plus riches de la
commune. Le plus imposé d’Amanlis est le propriétaire du château du bourg, le comte
Jacques de Corbière, suivi par trois autres propriétaires terriens. Le marchand de toiles le plus
imposé n’est autre que Jean-François Chevrel, à la cinquième place avec 138 fr. de
contributions directes, soit une imposition plus de 10 fois inférieure à celle du comte de
Corbière. De plus le marchand des Douëts-de-Néron ne fait pas partie du conseil municipal.
73
ADIV, 3M 104. Liste des plus forts contribuables de la commune d'Amanlis, élections municipales de 1834.
Chapitre 5 | 151
Les marchands de toiles : une élite politique locale
En revanche, si l’on compare l’imposition des marchands de toiles présents au sein du
conseil municipal par rapport aux autres membres, le constat est plus tranché (cf. graphique
n°23).
Graphique n°23 : Imposition des marchands de toiles par rapport
aux autres membres du conseil municipal de 1834
6
5
4
3
Marchands
2
Autres
1
0
Au sein du conseil municipal de 1834, les marchands de toiles sont clairement plus
riches que le reste des conseillers municipaux : alors que la moyenne de l’imposition des
autres conseillers municipaux est de 48 fr, celle des marchands de toiles s’élève à 83,5 fr. De
plus, tandis que tous les marchands de toiles ont une imposition supérieure à 60 fr, seuls deux
autres membres du conseil – sur sept – se trouvent dans le même cas.
Au final, sans être le groupe social le plus riche de la commune – bien que
globalement plus aisés que la moyenne des électeurs –, les marchands de toiles apparaissent
sur-représentés parmi le corps électoral municipal et au sein du conseil municipal. Nous
pouvons parler de domination de la vie municipale de la part des marchands de toiles, dans la
première moitié du
XIX
e
siècle, dans le sens où à peine 0,5% de la population totale
monopolise près de la moitié des postes du conseil municipal.
3.2. Des marchands à la tête de la municipalité
Après avoir démontré la domination de la vie politique municipale par le groupe social
des marchands de toiles, nous allons nous arrêter sur les fonctions de premier magistrat de la
commune et sur quelques personnalités marquantes, notamment la famille Arondel du Talus.
Chapitre 5 | 152
Les marchands de toiles : une élite politique locale
3.2.1. Des maires puissants et influents localement
Si l’on fait la liste des maires d’Amanlis depuis la mise en place de la municipalité, le
mardi 2 février 1790, jusqu’à la disparition de la manufacture des toiles à voile dans les
années 1870, on retrouve régulièrement un marchand de toiles au poste de maire (cf. tableau
n°20).
Tableau n°20 : Les maires d'Amanlis (1790-1880)
Date début mandat Date fin mandat
Nom
février 1790
mai 1791
Théodore Salmon-Laubourgère
juin 1791
avril 1792
Georges Bourdon
mai 1792
1795
Théodore Salmon-Laubourgère
juin 1800
décembre 1806
François Monnier
janvier 1807
août 1815
Antoine-Pierre Arondel
août 1815
septembre 1830
Balthazar de Ravenel
septembre 1830
août 1833
Antoine-Pierre Arondel
septembre 1833
mai 1836
Alexis Garnier
janvier 1838
février 1843
François Crosson
septembre 1843
août 1851
René Jouzel
septembre 1851
mai 1857
Louis Louis
mai 1857
juin 1866
Balthazar Boué
novembre
octobre 1870
Désiré Arondel (fils)
1880
Profession
Homme de loi
Propriétaire rentier
Homme de loi
Marchand tanneur, cultivateur
Marchand de toiles, cultivateur
Propriétaire
Marchand de toiles, cultivateur
Marchand de toiles, cultivateur
Entrepreneur
Propriétaire, marchand de toiles
Propriétaire rentier
Cultivateur
Marchand de toiles, cultivateur
Avant d’analyser ce tableau, il est nécessaire de faire la remarque suivante : durant
presque tout le XIXe siècle – de 1800 à 1848, puis de 1851 à 1871 –, les maires d’Amanlis sont
nommés. Ainsi, leur place tient plus à la vision qu’a de la société locale le préfet ou le souspréfet, ce qui peut expliquer la domination des notables sur la vie politique municipale qui
ressort de ce tableau. Théodore Salmon-Laubourgère, homme de loi et propriétaire, fut l’un
des délibérants du général de paroisse les plus influents sous l’Ancien Régime. Sa charge de
procureur de fabrique pour l’année 1790 lui permet de devenir logiquement le premier maire
de la commune naissante d’Amanlis. Georges Bourdon, propriétaire rentier, lui succéde en
1791, lui qui avait été le capitaine commandant de la garde nationale d’Amanlis un an plus
tôt, cependant Georges Bourdon meurt brutalement le 10 avril 1792, alors qu’il est âgé de 49
ans.74 Après le retour de Théodore Salmon-Laubourgère, c’est l’influent marchand tanneur
François Monnier qui devient maire, lui le représentant de l’ordre catholique et monarchiste
de la commune. Celui qui avait été son premier adjoint, Antoine-Pierre Arondel, le remplace à
74
ADIV, 10 NUM 35002 476. Etat civil d’Amanlis, registre des sépultures pour l’année 1792 (numérisé et mis
en ligne).
Chapitre 5 | 153
Les marchands de toiles : une élite politique locale
la mairie en janvier 1807. Il est ainsi le premier des marchands de toiles à atteindre ce poste.
Arondel est d’ailleurs maire à deux reprises, entre janvier 1807 et août 1815 la première fois,
puis entre octobre 1830 et août 1833 la seconde. Entre ses deux mandats, le châtelain de la
commune, propriétaire du château de Boisteilleul, Balthazar de Ravenel prend les rênes de la
municipalité. On retrouve par la suite, d’autres personnages influents, comme Alexis Garnier
qui fut le seul membre du collège électoral départemental de l’an
XIII
originaire d’Amanlis.75
René Jouzel, marchand de toiles puis rentier à Néron, fils de Pierre Jouzel, est de ceux-là
également. Après avoir été premier adjoint, il devint maire en septembre 1843 et reste en
poste huit ans. Ensuite, le jeune – 29 ans – Louis François Prudent Louis, propriétaire rentier
demeurant au bourg, est élu en septembre 1851 après la démission de René Jouzel. Cet
homme cultivé et riche, mais de santé fragile, n’est autre que le fils de Pierre Louis, marchand
de toiles à la Touche de Néron, et de Prudence Chevrel ; et donc, petit-fils de feus Julien
Louis, marchand tanneur et marchand de toiles et fils et autre denrées à Néron, et de JeanBaptiste Chevrel, sieur du Vinoux, également marchand de toiles au Gros-Chêne. Enfin, il
faut noter que Désiré Arondel fils, le petit-fils d’Antoine-Pierre, est maire d’Amanlis durant
une décennie, entre octobre 1870 et novembre 1880.
Au final, des marchands de toiles ou fils de marchands sont à la tête de la commune à
six reprises entre 1790 et 1880. Nous pouvons dire, qu’en termes de durée des mandats,
environ la moitié de la période (48%) s’est déroulée sous la mandature d’un marchand de
toiles.
3.2.2. L’omniprésence de la famille Arondel du Talus dans la vie municipale
Nous venons de voir que deux représentants de la famille Arondel du Talus ont dirigé
la mairie d’Amanlis au cours du
XIX
e
siècle. Cette famille de marchands de toiles, originaire
de Normandie, arrivée à Amanlis en 1802 seulement, a tout de suite gravi les échelons de la
notabilité locale. Elle s’impose comme l’une des familles les plus importantes de la commune
du XIXe siècle, alors que le commerce toilier connait dans le temps un déclin irrémédiable (cf.
graphique n°24).
75
ADIV, 3M 50. Electeurs monarchie de Juillet lors des élections départementales de 1833.
Chapitre 5 | 154
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Graphique n°24 : La vie politique de la famille Arondel au XIXe siècle à Amanlis
Chapitre 5 | 155
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Tout commence avec Antoine-Pierre Arondel qui devient, en avril 1803 – seulement
six mois après son arrivée dans la commune ! –, adjoint au maire François Monnier, à la place
de Julien Ricard, lui-même marchand de fils et de toiles au Talus. Le marchand de toiles
s’intègre ainsi directement à la notabilité d’Amanlis. Il ne reste pour autant à son poste que
quelques mois. Il donne sa démission au préfet le 19 prairial an XII (8 juin 1804). Il l’explique
dans sa lettre par des divergences avec le maire François Monnier, puisque « son caractaire et
le mien ne peuvent pas prandre ensamble. »76 Ces deux hommes cultivés étaient « trop
différents de caractère, d’éducation et d’idées »77, selon R. Chabirand. Le maire représentait
l’ordre moral catholique et monarchiste au sein de la commune, tandis que son adjoint est
qualifié par le préfet en 1831 de « patriote zélé » et de « très patriote »78, lui qui soutint la
Révolution française au sein des armées révolutionnaires, avec le grade de capitaine.
Des tensions idéologiques s’affirment au sein de la commune, entre traditionalisme et
idées nouvelles. Les partisans de la République tentent à la suite de la démission de leur chef
de file de déstabiliser le maire. La campagne de critiques met rapidement François Monnier
en porte à faux. Ce dernier remet sa démission au préfet, le 1 er vendémiaire an
XIII
(23
septembre 1804), pour cause de « maladies récurrentes », alors qu’il n’est âgé que de 52 ans.79
Celle-ci lui est refusée, mais lorsqu’il refait une demande en octobre 1806, le préfet accepte.
Ainsi, le retrait de la vie politique municipale est de courte durée pour Antoine-Pierre
Arondel. Il est nommé maire le 27 décembre 1806, en sa qualité « d’officier retiré et
propriétaire ».80 François Tortellier, marchand de fils et de toiles, est nommé adjoint ; Jean
Boué, marchand de toiles au Cotterel, François Bigot, Pierre Garnier, François Hazard, Alexis
Garnier, marchand de toiles à Laval en Amanlis, François Butault et Pierre Jouzel, marchand
de fils et de toiles à la Ferronnerie, sont quant à eux conseillers.81. Pierre-Antoine Arondel
peut compter sur les soutiens de François Tortellier, gendre du marchand de toiles du Talus
Julien Ricard, lui-même grand ami et appui d’Arondel, Pierre Jouzel, avec lequel trois
mariages scellent quelques années plus tard l’alliance entre les familles Arondel et Jouzel,
Jean Morin, Alexis Garnier, Pierre Garnier notamment.82
76
ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813.
CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 134.
78
ADIV, 2M 85. Nomination des maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830-1846.
79
ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813.
80
ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813.
81
ADIV, 2M 39. Nomination des maires et adjoints à Amanlis, an VIII-1813.
82
CHABIRAND, Raymond, Amanlis,op. cit., p. 140.
77
Chapitre 5 | 156
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Le mandat de Pierre-Antoine se poursuit tout au long du Premier Empire. Waterloo, le
18 juin 1815, et le retour de Louis
XVIII
poussent le préfet à dissoudre le conseil municipal
d’Amanlis, le 16 août 1815.83 Cet événement est tout à fait banal, comme le souligne T. Le
Yoncourt, pour qui, si la première Restauration n’a pas été l’occasion d’un vaste
remplacement du personnel préfectoral et administratif du département d’Ille-et-Vilaine, la
seconde est qualifiée, par l’historienne, « d’épuration » de l’administration.84 Il apparaît
logique alors qu’Arondel, ancien officier des armées révolutionnaires et partisan de l’Empire,
soit écarté. Amanlis se met alors aux couleurs de la Restauration avec la nomination du
châtelain Balthazar de Ravenel du Boisteilleul. Le refus de ce dernier de prêter serment au
nouveau roi Louis Philippe, en septembre 1830, permet à Pierre-Antoine Arondel de retrouver
son poste de maire le 2 septembre 1830. René Jouzel, marchand de fils à la Touche de Néron,
fils de Pierre, est nommé adjoint le 22 septembre 1830.85
Quand le propriétaire du Talus meurt le 20 août 1833, il a passé près de 11 ans et demi
en tant que maire d’Amanlis. Au final, en une trentaine d’années, alors qu’il n’est pas
originaire de la commune, Pierre-Antoine Arondel en est devenu le personnage le plus
marquant. En outre, le fait qu’il ait obtenu un banc d’honneur pour sa famille dans la nef de
l’église paroissiale est un autre signe de son intégration à la notabilité locale (cf. illustration
n°19).86 D’autant plus que seules deux autres familles ont eu cette honneur, les deux familles
nobles de la commune : les Corbière et les Ravenel du Boisteilleul.
83
Ibid., p. 142.
LE YONCOURT Tiphaine, Le préfet et ses notables en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle (1814-1914), Paris, L.G.D.J.,
2001, p. 16-26.
85
ADIV, 2M 85. Nomination des maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830-1846.
86
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 159.
84
Chapitre 5 | 157
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Illustration n°19 : Bancs d’honneur dans la chapelle sud de l’église paroissiale
(cliché Thomas Perrono)
Désiré Arondel, le fils aîné de Pierre-Antoine, marchand de toiles et propriétaire au
Talus, a suivi une carrière politique radicalement différente de celle de son père. Tout en
participant à la vie politique locale, il n’a jamais occupé le devant de la scène municipale.
Désiré devient conseiller municipal à l’âge de 36 ans en 1843 en étant déjà la personne la
mieux élue, devant René Jouzel maire en exercice et les châtelains, Paul de Ravenel,
propriétaire du château du Boisteilleul, Ernest de Corbière, qui réside au bourg et François
Garnier-Duplessix du château de Laval. A nouveau réélu en tête aux élections municipales de
1848, il devient deuxième adjoint du maire René Jouzel. Il faut noter que ces élections de
1848 sont les seules, avant 1871, durant lesquelles le maire et les adjoints sont élus par les
membres du conseil municipal et non nommés par le préfet. Après la démission de René
Jouzel en août 1851 et l’élection de Louis Louis, Désiré devient premier adjoint.87 Au final, sa
carrière politique demeure comme secondaire, avec deux postes d’adjoint au maire. Toutefois
il semble que son influence politique fut bien supérieure. Il est possible même qu’il était
l’homme le plus influent de la commune.
Le troisième personnage public de la famille est Désiré Arondel, fils et petit-fils des
deux précédents. Il est cultivateur et marchand de toiles aux Grandes-Ouches. Il commence sa
carrière politique jeune puisqu’il a 30 ans lorsqu’il est nommé maire le 9 septembre 1870,
87
Ibid., p. 188-189.
Chapitre 5 | 158
Les marchands de toiles : une élite politique locale
alors que la Troisième République vient d’être proclamée cinq jours auparavant. Désiré
Arondel père, toujours conseiller à cette époque, se retire alors définitivement de la vie
politique amanlisienne.88 Le mandat municipal de Désiré fils est notamment marqué par la
construction de la mairie-école, en bordure de la route de Corps-Nuds.89 (cf. illustration
n°20) Il démissionne de son poste à la fin de l’année 1880, après dix ans de mandats,
puisqu’il quitte Amanlis au début de l’année 1881 pour s’installer à Janzé. Toutefois la
carrière politique de Désiré Arondel ne s’arrête pas au mandat de maire, puisqu’il a exercé la
fonction de conseiller d’arrondissement pour le canton de Janzé de 1875 jusqu’à sa mort en
1906. Il est élu pour la première fois le 25 avril 1875, en remplacement de Benjamin Gilbert
décédé 19 février de la même année. Arondel recueille 1 602 voix sur 2 572 votants pour
3 499 électeurs inscrits, face à Prosper Ménard, de Janzé.90 Il est élu, par la suite, cinq fois
d’affilée : en 188091, 188692, 189293, 189894 et 190495. Cette fonction de conseiller
d’arrondissement occupée par le petit-fils d’Antoine-Pierre Arondel révèle que les
descendants des marchands de toiles ont pu atteindre parfois un certain niveau de notabilité
locale supérieure au seul cadre de leur commune d’origine.
88
Ibid., p. 195.
Ibid., p. 203.
90
ADIV, 3M 390. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1875.
91
ADIV, 3M 394. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1880.
92
ADIV, 3M 397. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1886.
93
ADIV, 3M 401. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1892.
94
ADIV, 3M 406. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1898.
95
ADIV, 3M 408. Election d’un membre du conseil d’arrondissement du canton de Janzé, 1904.
89
Chapitre 5 | 159
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Illustration n°20 : La mairie-école d’Amanlis construite dans les années 1870
(carte postale datant du début XXe siècle)
Au-delà de l’étude de la seule famille Arondel, il faut voir dans cet exemple celui d’un
parcours politique d’une famille de notables-marchands dans une petite commune rurale des
environs de Rennes. Cette famille a exercé les fonctions locales les plus importantes : adjoint
et maire. Leur influence politique locale semble avoir été majeure tout au long du
XIX
e
siècle,
sans doute même supérieure à celle des représentants de la noblesse d’Ancien Régime à
Amanlis. L’un d’entre eux eut même un poste de conseiller d’arrondissement du canton de
Janzé dans le dernier quart du siècle. Cependant il faut regarder cette élite politique pour ce
quelle est réellement : une petite élite à l’influence locale. Jamais ils ne sont en mesure de se
faire élire à des postes plus importants ; alors que dans le Léon par exemple, L. Elégoët a
recensé de nombreux Juloded « élus conseillers généraux de leur canton »96, voire même
quelques-uns élus députés ou sénateurs.97
96
97
ELEGOËT Louis, Les Juloded, op. cit., p. 190.
L. Elégoët a repéré cinq Juloded élus députés ou sénateurs entre 1800 et 1945. Ibid., p. 190.
Chapitre 5 | 160
Les marchands de toiles : une élite politique locale
Conclusion :
En conclusion, le groupe social des marchands de toiles est bel est bien ce que l’on
peut appeler « une élite politique rurale ». Ce groupe compte en son sein une grande partie des
notables de la paroisse sous l’Ancien Régime. Ceux-ci ont largement occupé les charges les
plus importantes du général de paroisse. La Révolution française n’a changé en rien leur
domination. Ils ont été actifs lors de la mise en place de la municipalité et pris en main la
garde nationale d’Amanlis et en 1790. Le XIXe siècle, avec le recul progressif et inéluctable de
la manufacture des toiles à voiles, aurait pu être l’occasion d’une mise à l’écart des marchands
de toiles du pouvoir municipal. Mais nous ne pouvons que constater la forte emprise du
groupe social sur le conseil municipal, accédant même plusieurs fois aux fonctions de maire.
En fait, la position de notable acquise par plusieurs familles marchandes depuis le XVIIIe siècle
leur aurait permis de maintenir leur domination sur la chose publique à Amanlis, même après
la fin de la manufacture des toiles rurales. Cette élite politique se cantonne cependant très
largement au niveau local, paroisse puis commune. Nous n’avons recensé, ainsi, aucun
marchand de toiles d’Amanlis à des postes de niveau départemental (conseiller général par
exemple) et encore moins au niveau national (député ou sénateur).
Chapitre 5 | 161
Les marchands de toiles : une élite politique locale
CHAPITRE 6
Les marchands et le patrimoine religieux
Le lien entre prospérité toilière et création artistique et architecturale dans le domaine
religieux a été attesté pour les manufactures linières des « crées » dans le Léon et des
« bretagnes » en Bretagne centrale, tant par les études de J. Tanguy et L. Elegoët sur le Léon
et ses enclos paroissiaux, que par celles de J. Martin et surtout A. Guillemot pour la région de
Quintin-Loudéac.1 Toutefois, qu’en est-il de la manufacture rurale des toiles à voile ? La
prospérité du commerce des toiles de chanvre noyales a-t-elle permis l’éclosion d’un art
religieux dans ces paroisses rurales du triangle Rennes-Vitré-La Guerche ? A défaut de
flamboyants enclos paroissiaux, emblématiques du Léon toilier, les retables lavallois peuventils représenter à eux-seuls « l’âge d’or » de l’art religieux de la manufacture des toiles à
voiles ? Les marchands de toiles ont-ils eu une influence sur les chantiers paroissiaux ? Cette
dernière question conduisant à se demander s’il existe un lien entre prospérité toilière et
investissement religieux. Et au final, la manufacture des toiles à voiles présente-t-elle un
modèle d’investissement spécifique ?
Pour mener à bien cette réflexion, il aurait fallu dépouiller l’ensemble des comptes de
fabriques d’un grand nombre de paroisses de l’intérieur – aussi bien que de l’extérieur – de la
manufacture des toiles à voile, et ceci sur le temps long des XVIIe et XVIIIe siècles au moins. Ce
travail a notamment été effectué par A. Guillemot à l’échelle de la manufacture des toiles
« bretagnes », pour établir un lien entre la prospérité des toiles de lin et l’émergence des
chantiers paroissiaux entre 1650 et 1830. Cependant, ces livres de comptes ne sont plus
présents en ce qui concerne Amanlis – cœur de notre étude –, mis à part un rapport sur les
1
TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994,
p. 91-99 ; ELEGOËT Louis, Les Juloded. Grandeur et décadence d’une caste paysanne en Basse-Bretagne,
Rennes, PUR, 1996, p. 168-172 ; MARTIN Jean, Toiles de Bretagne : la manufacture de Quintin, Uzel et
Loudéac, 1670-1830, Rennes, PUR, 1998, p. 251-252 ; GUILLEMOT Anthony, Prospérité toilière et chantiers
paroissiaux dans les paroisses rurales de la manufacture des toiles « Bretagnes » (1650-1830), Mémoire de
master 2, dact., Rennes 2, 2007.
Chapitre 6 | 162
Les marchands et le patrimoine religieux
comptes de la fabrique datant de 1759.2 Au demeurant, une entreprise d’une telle ampleur
aurait été trop importante dans le cadre d’un master qui n’est pas consacré uniquement à ces
questions de patrimoine religieux. Par conséquent, nous avons décidé d’analyser ce lien entre
prospérité toilière et développement de l’art religieux en utilisant les réflexions et conclusions
tirées pour les autres manufactures toilières, tout en essayant d’obtenir l’inventaire le plus
complet du patrimoine religieux de la manufacture des toiles à voile, à partir des études déjà
réalisées, notamment pour les retables lavallois.3
Nous étudierons dans un premier temps le patrimoine religieux encore visible à Amanlis,
notamment l’église Saint-Martin et ses trois retables lavallois, ainsi que le presbytère. Puis,
dans un deuxième temps, nous analyserons l’influence directe et indirecte des marchands de
toiles d’Amanlis sur les chantiers paroissiaux. Enfin, dans un troisième temps, nous verrons si
lien entre prospérité toilière et l’investissement religieux, qui a été démontré dans le Léon et
en Centre-Bretagne, est également valable pour la manufacture des toiles à voiles, ou bien si
elle présente un modèle spécifique d’investissement artistique.
2
ADIV, 2G2/5. Finances de la paroisse d’Amanlis. Rapport sur les comptes de la fabrique (1759).
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses. Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux
e
e
XVI et XVII siècles, Rennes, PUR, 2006 ; Le patrimoine des communes d'Ille-et-Vilaine, Paris, Flohic, 2000, 2
vol. ; GUILLOTON DE CORSON Amédée, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Mayenne, éd. régionales
de l'Ouest, 1997, 6 vol. ; BANEAT Paul, Le Département d'Ille-et-Vilaine, Rennes, Larcher, 1927-1929, 4 vol.
3
Chapitre 6 | 163
Les marchands et le patrimoine religieux
1. Le patrimoine religieux d’Amanlis
1.1. Les grandes phases de constructions religieuses et d’embellissement artistique à
Amanlis
1.1.1. L’église Saint-Martin d’Amanlis : quatre siècles de chantiers paroissiaux
L’église paroissiale d’Amanlis, placée sous le vocable de Saint-Martin, se situe en
bord de Seiche sur une motte rocheuse, probable ancienne motte castrale (cf. illustration
n°21).4 Tout d’abord construite en schiste à partir du
e
XI
siècle, il ne subsiste que peu
d’éléments de cette église primitive de style roman avec un plan en croix latine. Par la suite,
l’église est reconstruite « probablement dans le dernier tiers du
e
XVI
siècle ».5 Elle subit de
nombreuses modifications au cours des trois siècles suivants. Nous avons établi une
chronologie la plus précise possible des différents chantiers relatifs à l’église paroissiale, ainsi
qu’au presbytère (cf. schéma n°2). La construction de l’église semble avoir pris fin en 1625,
année de l’achèvement de la chapelle sud, comme nous le prouve la date placée sur une des
arcades entre le chœur et la chapelle (cf. illustration n°22).
Schéma n°2 : Chronologie des chantiers relatifs à l’église paroissiale d’Amanlis
(1570-1900)
1- Dernier tiers du XVIe siècle : reconstruction de
l’église
2- 1625 : construction de la chapelle sud
3- 1630-1640 : construction de 3 retables lavallois
4- 1708 : construction de la chaire
5- 1715 : inauguration de 3 nouvelles cloches
6- 1741 : restauration des fonts baptismaux et
incendie de la grande sacristie
7- 1779 : construction du nouveau presbytère
8- Fin XVIIIe siècle : reconstruction de la sacristie
9- 1830 : construction d’une nouvelle tour
10- 1882-1890 : pose de nouveaux vitraux
4
L’église Saint-Martin d’Amanlis est classée aux Monuments historiques depuis le 21 février 1974.
CHABIRAND, Raymond, Amanlis. Histoire d’une paroisse rurale, Rennes, Imprimerie « Les Nouvelles », 1968,
p. 14.
5
Chapitre 6 | 164
Les marchands et le patrimoine religieux
Illustration n°21 : La situation de l’église paroissiale dans le bourg d’Amanlis
au XIXe siècle
(ADIV, 4J 2)
Illustration n°22 : Date inscrite sur l’une des arcades de la chapelle sud
(cliché Thomas Perrono)
Trois retables lavallois viennent ensuite embellir, dans les années 1630-1640, le chœur
et les deux chapelles de l’église. Nous détaillerons ces trois éléments d’art religieux dans le
point suivant. Par la suite, il faut attendre 1708 pour voir de nouveaux travaux dans l’église.
Le général de la paroisse décide, conjointement avec le recteur Pierre Le Roy, de faire
Chapitre 6 | 165
Les marchands et le patrimoine religieux
construire une chaire à prêcher (cf. illustration n°23).6 Le maître ébéniste, Mathurin
Gambier7, originaire de Chantepie, travaille sur place et reçoit 330 livres pour sa réalisation,
le bois étant fourni par la paroisse et la pension des ouvriers reversée par le recteur. Cette
chaire, ayant pour thème les quatre évangélistes, est considérée comme remarquable dans le
diocèse et est, par ailleurs, classée monument historique.8
Illustration n°23 : La chaire à prêcher
(cliché Thomas Perrono)
Quelques années plus tard, en octobre 1715, trois nouvelles cloches sont mises en
service. Selon R. Chabirand, « deux furent bénites le samedi 19 octobre par le supérieur du
séminaire de Rennes, la troisième le jeudi suivant par le recteur [Pierre Le Roy, recteur
d’Amanlis de 1685 à 1723]. »9 En 1735, le général de la paroisse prend la décision de raser la
tour de l’église, car elle menace de tomber en ruines. Une nouvelle est rebâtie un siècle plus
tard, en 1830, d’après les plans de l’architecte Louis Richelot.
6
Pierre Le Roy a été recteur d’Amanlis de 1685 à 1723, d’après C HABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p.
239.
7
Mathurin Gambier, le sculpteur de la chaire, choisit l’église d’Amanlis pour se marier, en 1717, avec Jeanne
Gilet, demoiselle de la Trincandière, et originaire de la paroisse.
8
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 20.
9
Ibid., p.20.
Chapitre 6 | 166
Les marchands et le patrimoine religieux
L’année 1741 est marquée par deux événements au cœur de l’église. Tout d’abord, par
la restauration des fonts baptismaux (cf. illustration n°24). Mais surtout, par la nuit du 13 au
14 novembre qui est le théâtre de l’incendie de la sacristie, située au nord, derrière l’autel du
Rosaire. L’incendie toucha également le chœur et la chapelle de la confrérie du Rosaire. Le
procès-verbal de l’architecte, le 20 novembre, établit un premier devis estimatif qui se monte
à 4 526 livres de réparations.10 Nous avons même le plan de la sacristie qui fut reconstruite à
la fin du
e
XVIII
siècle, sans que nous en sachions la date précise (cf. illustration n°25).
Cependant, d’après R. Chabirand, « la sacristie du clergé sera la salle située derrière le maître
autel (elle-même très endommagée, fut refaite en 1758). »11 L’accès à celle-ci continue tout
de même à se faire par la porte du nord (côté gauche du chœur), dissimulée dans la boiserie
posée en 1849.
Illustration n°24 : Les fonts baptismaux de l’église paroissiale d’Amanlis,
restaurés en 1741
(cliché Thomas Perrono)
10
ADIV, 2G2/3. Travaux et inventaires de l’église d’Amanlis (1672-1741). Incendie dans l’église, 13 et 14
novembre 1741.
11
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 64.
Chapitre 6 | 167
Les marchands et le patrimoine religieux
Illustration n°25 : Plan de la sacristie reconstruite fin du XVIIIe siècle
(source ADIV, 2G 2/3)
1.1.2. « L’affaire du presbytère » : le clergé à l’initiative d’un chantier paroissial
Nous avons évoqué, à propos de la construction de la chaire à prêcher notamment, le
fait que le recteur s’implique aux côtés du général de la paroisse, en ce qui concerne les
chantiers paroissiaux. L’exemple du nouveau presbytère, dans les années 1770, montre même
que le recteur peut se trouver à l’initiative d’une construction religieuse.
Le nouveau presbytère est construit en 1779, à la demande de Laurent Geffray, recteur
d’Amanlis de mars 1774 à novembre 1783. Celui-ci avait refusé d’habiter le vieux presbytère
jugé « inhabitable » lorsqu’il prit possession de sa cure et opta – pour lui et ses vicaires – pour
une maison du bourg. Il demande au général de la paroisse de faire les réparations nécessaires,
mais le devis des travaux s’élève à la somme exorbitante de 6 000 livres. Après un imbroglio
entre le général, le nouveau recteur et les héritiers de l’ancien recteur Jollivet – ces derniers
s’étant engagés devant un notaire le 13 février 1773 à effectuer les réparations du presbytère –
la décision fut prise, en février 1775, de faire construire un nouveau presbytère. Le recteur
s’engage à payer la totalité des travaux, une dépense compensée par une indemnité de 5 700
Chapitre 6 | 168
Les marchands et le patrimoine religieux
livres versée par les héritiers plus 300 livres par le général. Mais ce dernier, qui tient à voir les
plans et le devis, refuse cet arrangement le 12 mars 1775. Ce litige se poursuit jusqu’en 1778.
Le 1er mars 1778, la transaction est acceptée, les héritiers donnant une indemnité de 6 600
livres. L’assemblée des paroissiens donne son accord pour le devis du presbytère et les
travaux débutent sous les ordres du sieur Roger, entrepreneur, avec une architecture typique
du XVIIIe siècle. Le nouveau presbytère est terminé à la Toussaint 1779.12 Le bâtiment, qui fait
64 pieds de long, 29 de large et 25 de hauteur13, comporte un étage et une couverture à quatre
pans percée de trois lucarnes couronnant les trois travées centrales. Les ouvertures sont
disposées de manière symétrique entre les façades avant et arrière du presbytère, ce qui
constitue une nouveauté architecturale (cf. illustration n°26). A l’intérieur, on trouve au rezde-chaussée un vestibule, une cuisine, un salon et une salle ; le premier étage que l’on rejoint
par un escalier monumental, comporte trois chambres et deux cabinets ; enfin, le second étage
comprenait un grenier et un cabinet pour un domestique. Toutes les pièces étaient pavées et
les murs blanchis. Le recteur fait construire par la suite – à ses frais – des dépendances au
presbytère : grange, écurie, four, boulangerie.14
12
Ibid., p. 79-80.
Ce qui équivaut aux mesures actuelles : longueur 20,8 m ; largeur 9,4 m ; 8,1 m.
14
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…,op. cit., p. 80.
13
Chapitre 6 | 169
Les marchands et le patrimoine religieux
Illustration n°26 : Le nouveau presbytère d’Amanlis, construit en 1779
(cliché Thomas Perrono)
Façade avant
Façade arrière
Chapitre 6 | 170
Les marchands et le patrimoine religieux
Cette « affaire du presbytère », qui a lieu entre le nouveau recteur de la paroisse, les
héritiers de son prédécesseur et enfin le général de la paroisse, montre l’implication du clergé
paroissial dans les chantiers de construction architecturale ou d’embellissement artistique du
patrimoine religieux d’Amanlis. Nous avons pu voir également que les chantiers paroissiaux
ont été très diffus au cours des
e
XVII
,
e
XVIII
et
XIX
e
siècles dans la paroisse d’Amanlis.
L’apogée de cet embellissement artistique pourrait correspondre à la construction des retables
lavallois au cœur de l’église paroissiale.
1.2. Les retables lavallois d’Amanlis : apogée de l’embellissement artistique de la
paroisse ?
1.2.1. Description des trois retables lavallois
Dans la première partie, nous avons évoqué la construction de trois retables dans les
années 1630-1640, situés dans le chœur et les deux chapelles de l’église paroissiale. 15 Issus
des ateliers de Pierre Corbineau, ils prennent certainement pour modèle le retable du maîtreautel de la paroisse voisine de Piré.
Si nous nous appuyons sur le schéma élaboré par J. Salbert dans son étude sur les
retabliers lavallois aux
e
XVII
et
e
XVIII
siècles16, nous pouvons voir que le retable du Rosaire,
situé dans la chapelle sud, comporte de nombreux éléments caractéristiques des retables
lavallois (cf. schéma n°3). Il faut bien entendu noter que cette analyse vaut pour les deux
autres retables présents dans l’église paroissiale d’Amanlis.
15
Cf. annexe n°22.
SALBERT Jacques, Les ateliers des retabliers lavallois aux XVIIe et XVIIIe siècles. Etude historique et artistique,
Paris, Klincksieck, 1976, p. 392.
16
Chapitre 6 | 171
Les marchands et le patrimoine religieux
Schéma n°3 : Le retable du Rosaire de la chapelle sud, un retable lavallois
DECOR
A : Pots à feux
B : Angelots et têtes ailés d’angelots
C : Sculpture ornementale naturaliste,
subordonnée à la structure
D : Coquilles
E : Applications de marbre plat
STRUCTURE
1 : Importance des frontons
2 : Structure horizontale à trois corps, séparés à
l’étage supérieur
3 : Décor corinthien
4 : Niches réservées à une statuaire qui ne
masque pas la structure
5 : Structure verticale à plusieurs étages sur
soubassement
6 : Ailes en décrochement
Chapitre 6 | 172
Les marchands et le patrimoine religieux
De manière générale, le retable est conçu comme une structure architecturale, comme
la seconde façade de l’église. D’ailleurs, on a très souvent supprimé la maîtresse vitre qui
gênait la visibilité du maître-autel, alors que celle-ci était jusque-là – avec l’autel majeur –
« l’élément principal déterminant l’organisation spatiale de l’église », comme le rappelle B.
Restif.17 Le retable est composée une structure horizontale, sous forme de trois travées (ou
corps). La position oblique des deux ailes suggère une perspective. On retrouve également
une structure verticale, à plusieurs étages de soubassements. Le corps central du retable
s’articule autour d’un tableau représentant un moment capital d’une narration biblique ou tout
du moins religieuse. On retrouve juste en dessous le tabernacle placé dans l’axe central, et qui
fait le lien entre l’autel et l’étage principal. Le corps central est encadré de colonnes et
surmonté d’un fronton. Les niches latérales, garnies de statues, issues généralement des
dévotions paroissiales. Le registre supérieur comporte également trois corps, accueillant des
niches à statues. Tout le décor appliqué au retable (têtes ailées d’angelots, coquilles, pots à
feu, chapiteaux corinthiens, éléments végétaux) est ici au service de la recherche de
l’équilibre, de l’harmonie et surtout de la symétrie ; le décor ne doit en aucun cas masquer la
structure.18
Toutefois, ces retables sont à replacer dans le contexte plus large de la Réforme
catholique.
1.2.2. Un art de la Réforme catholique venu du Bas-Maine
Le mouvement de la Réforme catholique – issu du Concile de Trente – se met en place
à partir dès les années 1610 en Bretagne. Pour sensibiliser le public à ce renouveau spirituel,
le domaine des arts est largement mis à contribution. L’art baroque, né en Italie au tournant
des
e
XVI
et
e
XVII
siècles, se répand peu à peu en Europe. Il est porteur d’une liturgie fondée
sur l’émotion et le spectaculaire. La Bretagne, qui connaît son « âge d’or »19 économique, voit
la construction d’une multitude de retables dans ses églises comme dans ses chapelles. Les
fabriques paroissiales investissent alors des sommes énormes pour renouveler la décoration
17
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 199.
Ibid., p. 254.
19
Expression empruntée au titre de l’ouvrage d’Alain Croix, CROIX Alain, L’âge d’or de la Bretagne. 15321675, Rennes, Ouest-France, 1996.
18
Chapitre 6 | 173
Les marchands et le patrimoine religieux
de leurs églises : « les retables sont alors préférés aux vitraux et aux jubés », ainsi que
l’indique G. Provost.20
Les retables lavallois, originaires du Bas-Maine et de la région angevine, ont
considérablement marqué le goût nouveau pour le mobilier religieux. A partir des années
1630, les ateliers lavallois, notamment ceux de Pierre Corbineau et des Houdault, ont fabriqué
en nombre important des retables en marbre et tuffeau venant des bords de la Loire.21 Pierre
Corbineau est le plus marquant d’entre eux par l’ampleur de son travail d’architecte. Né en
1600, issu d’une grande famille d’architectes du Maine, il œuvre dans un premier temps
auprès de son père, Etienne. Après avoir travaillé pour des églises conventuelles de sa région
d’origine, notamment chez les Bénédictines de Laval, Pierre vient œuvrer en Haute-Bretagne.
Son premier chantier fut le maître-autel de l’église paroissiale de Piré, paroisse limitrophe
d’Amanlis, en 1632, lui en tant qu’architecte, un certain Biardeau, de Laval également, en tant
que sculpteur.22 Durant les années 1630-1650, Corbineau réalise de nombreux autres retables
dans les paroisses rurales de l’évêché de Rennes : dans la zone toilière – Amanlis, Brie,
Drouges – comme en dehors – Saint-Germain-sur-Ille. Par la suite, son art prend une autre
dimension. Il dirige l’achèvement du Parlement de Bretagne, à la suite de son père, de 1646 à
1655, puis la réalisation de la façade de la cathédrale de Rennes de 1654 à 1678, année de son
décès, incarnant ainsi « l’école lavalloise ».23
Au final, si nous avons dit qu’Amanlis a connu une période de constructions
religieuses tout au long des
e
XVII
,
e
XVIII
et
XIX
e
siècles, il est clair que les années 1630-1640
marquent une « apogée » de l’embellissement religieux de la paroisse avec la construction de
trois retables lavallois. Ce mobilier religieux issue de la Réforme catholique, originaire du
Bas-Maine, était très à la mode dans l’évêché de Rennes dans la première moitié du
e
XVII
siècle. Nous pouvons nous demander si les marchands de toiles ont eu une influence dans
20
PROVOST Georges, « Retable », in CROIX Alain, CASSARD Jean-Christophe, LE QUEAU Jean-René [dir.],
Dictionnaire d’Histoire de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2008, p. 841.
21
Les matériaux utilisés par les ateliers lavallois sont le tuffeau, pierre tendre et blanche, extrait des carrières du
Saumurois ou de la Touraine, et le marbre, noir, rouge ou jaune, provenant de Saint-Berthevin, Argentré ou
Sablé, à l’Est du bassin de Laval.
22
En 1638, Pierre Corbineau construit les deux autels latéraux de la Sainte-Vierge (comportant en son centre un
tableau du Rosaire) et de Saint-Jean-Baptiste (comportant en son centre la représentation du martyre du saint
avec les inscriptions "Donné par les confrères de S. Pierre. 1639", à gauche du tableau, et "Lagovz fecit au
Mans", plus bas).
23
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 200.
Chapitre 6 | 174
Les marchands et le patrimoine religieux
l’introduction de ces arts religieux, ainsi que sur les décisions de constructions
architecturales ?
2. Quelle influence ont eu les marchands de toiles sur l’art religieux paroissial ?
2.1. Une influence indirecte par l’intermédiaire des institutions paroissiales
Nous avons dit auparavant que les biens temporels de la paroisse sont gérés par la
fabrique et que les décisions importantes, en ce qui concerne les projets de construction et
d’entretien des chapelles et de l’église, sont prises par le général, composé de douze
délibérants plus les deux trésoriers. Dans le chapitre précédent, nous avons vu l’emprise du
groupe social des marchands de toiles sur cette assemblée paroissiale, au moins pour les plus
riches d’entre eux. Il est donc permis de faire l’hypothèse que les marchands de toiles ont
forcément pesé sur les décisions prises en matière de chantiers paroissiaux. Ont-ils eu par
contre une voix prépondérante ? Nous ne pouvons l’affirmer. Il aurait fallu pour cela,
dépouiller les registres de délibérations dans les mois précédents tous ces chantiers
paroissiaux. En revanche, il est impossible que le groupe social des marchands de toiles ait pu
peser, par l’intermédiaire des institutions paroissiales, sur les projets de constructions de
retables dans les années 1630-1640, puisque le général de la paroisse n’existe pas avant la fin
du
e
XVII
siècle. Est-il possible pour autant que les marchands de toiles aient participé au
financement artistique par le biais d’initiatives individuelles ?
2.2. Une influence directe limitée : l’exemple de la construction de deux vitraux
Le financement d’œuvres d’art au profit de l’église, par le biais d’initiatives
individuelles, peut permettre de montrer un impact direct, de la part du groupe social des
marchands de toiles, sur les chantiers paroissiaux. A Amanlis, nous avons repéré deux vitraux
issus de dons émanant des familles marchandes de la commune.
Ainsi, de 1882 à 1890, les anciens vitraux blancs de l’église sont remplacés. Les
nouveaux vitraux sont exécutés par les ateliers Lecomte et Colin de Rennes. D’après R.
Chabirand, « on se rendit compte qu’ils n’étaient pas des chefs-d’œuvre, ni par le dessin, ni
par la technique de fabrication », d’ailleurs « la famille qui avait promis de payer celui de
Chapitre 6 | 175
Les marchands et le patrimoine religieux
l’Ange gardien [en 1882] se récusa quand elle vit l’ouvrage. […] Le vitrail resta donc à la
charge du recteur. […] Le moins médiocre semble être celui du Sacré-Cœur. »24
Il n’en reste pas moins que la famille « Jouzel-Arondel » offrit, en 1883, le vitrail de
Saint-François-Xavier, qui est situé dans la nef du côté nord (cf. illustration n°28). Il s’agit
en fait de François Jouzel (1812-1888), longtemps marchand de toiles et propriétaire de la
Ferronnerie, fils de François Jouzel (1781-1814), cultivateur à Néron, petit-fils de Pierre
Jouzel (1753-1830), marchand de toiles et premier propriétaire de la Ferronnerie, et mari de
Joséphine Arondel (1816-1898), elle-même fille de Pierre-Antoine Arondel (1761-1833),
marchand de toiles au Talus. François, avec son beau-frère Désiré Arondel (1807-1892),
avaient été les principaux entrepreneurs toiliers d’Amanlis lorsque la manufacture des toiles
rurales connaissait son dernier souffle au milieu du siècle. Un de ses fils, François (18581935), est, par ailleurs, prêtre depuis l’année précédant l’offrande du vitrail. Faut-il y voir un
lien de cause à effet ? Ce dernier, né à la Ferronnerie, est par la suite professeur au collège
Saint-Vincent de Rennes, puis vicaire à Saint-Sauveur de Rennes, aumônier de la Visitation,
de Saint-Yves et de l’Espérance, chanoine titulaire en 1911, et enfin vicaire général entre
1916 et 1919.25
24
25
CHABIRAND, Raymond, Amanlis…, op. cit., p. 207.
Ibid., p. 244.
Chapitre 6 | 176
Les marchands et le patrimoine religieux
Illustration n°28 : Le vitrail de Saint-François-Xavier, offert par la famille JouzelArondel en 1883
(clichés Thomas Perrono)
Le vitrail de Saint-Jean Eudes, situé dans la nef côté sud, fut offert, en 1883,
indirectement par une famille de marchands de toiles, plus précisément par des descendants
de Jean-François Chevrel (1763-1841), des Douëts de Néron (cf. illustration n°29). Il est
inscrit sur le vitrail : « HIC EST FILIUS MEUM – DILECTUS ET COR MEUM
AMANTISSIMUM – R.R. P.P. CHEVREL » ; ceci pourrait être traduit par « C’est mon fils
chéri et mon cœur affectueux, le révérend père Chevrel ». Deux fils de Jean-Baptiste Chevrel
(1800-1871), lui aussi marchand de toiles aux Douëts de Néron, et petits-fils de Jean-François
Chevrel, sont ordonnés prêtre au milieu du
e
XIX
siècle. Il s’agit de Pierre-Marie (1838-1913),
prêtre en 1862, qui appartient à la congrégation des eudistes. Il est plus tard le supérieur du
séminaire de Valognes, dans le département de la Manche, mais revient à Amanlis à la fin de
ses jours. Son frère, Ferdinand (1843-1886), prêtre en 1868, fait partie de la même
congrégation religieuse. Cette appartenance à la congrégation de Jésus et Marie (personnages
Chapitre 6 | 177
Les marchands et le patrimoine religieux
principaux du vitrail) fondée en 1643 par Jean Eudes, explique le thème choisit pour le vitrail.
Cette congrégation religieuse, très présente dans le diocèse de Rennes, avait pour mission de
former le clergé, notamment à travers les séminaires.
Illustration n°29 : Le vitrail de Saint-Jean-Eudes, offert par les pères Chevrel en 1883
(clichés Thomas Perrono)
Ces deux exemples de vitraux offerts par des familles de marchands de toiles à la
paroisse d’Amanlis sont les seuls dons de la même nature à notre connaissance. Ils prouvent,
bien que de façon modeste, que cette élite locale des marchands de toiles a laissé son
empreinte dans la paroisse à travers l’embellissement artistique de son église. Il faut
néanmoins garder en mémoire l’époque tardive de ces vitraux, à la fin du
XIX
e
siècle, alors
que la manufacture des toiles à voiles a totalement disparu. Ceci pose la question de savoir s’il
existe un lien entre la prospérité toilière et les dépenses artistiques dans les paroisses rurales
de la manufacture des toiles à voile.
Chapitre 6 | 178
Les marchands et le patrimoine religieux
3. Un lien entre prospérité toilière et chantiers paroissiaux dans les paroisses rurales
de la manufacture des toiles à voile ?
3.1. Les retables lavallois, symbole du lien entre prospérité toilière et dépenses
artistiques ?
Si les retables lavallois peuvent constituer « l’apogée » de l’embellissement artistique
dans les paroisses rurales des environs de Rennes, il faut se poser la question de savoir si ces
commandes de mobilier religieux pourraient avoir un lien avec une conjoncture économique
favorable liée au commerce des toiles. Ce lien a clairement été démontré pour les
manufactures linières des « crées » et des « bretagnes ». Qu’en est-il des paroisses rurales du
triangle Rennes-Vitré-La Guerche ? Il faut commencer par savoir si l’on remarque une
présence plus importante des retables lavallois au sein de la manufacture des toiles à voile par
rapport aux paroisses situées à la périphérie.
Pour poser les premières hypothèses sur ce lien entre prospérité toilière et les chantiers
paroissiaux, nous allons nous concentrer sur les travaux de B. Restif et notamment sur la carte
produite dans sa thèse, qui localise les retables réalisés pour des églises paroissiales au
XVII
e
siècle (1620-1702) (cf. carte n°7).26
26
RESTIF Bruno, La révolution des paroisses…, op. cit., p. 253.
Chapitre 6 | 179
Les marchands et le patrimoine religieux
Carte n°7 : Localisation des retables dans la manufacture des toiles à voile et dans la
périphérie
Zone de la manufacture des toiles à voile
1- Rennes
2- Vitré
3- La Guerche
4- Amanlis
5- Châteaugiron
6- Janzé
7- Piré
Zones périphériques à la manufacture
I- Secteur de Bain et du Sel
II- Secteur de Liffré
III- Secteur de Martigné-Ferchaud
En analysant cette carte, on remarque qu’il y a bien une présence plus forte de retables
lavallois au sein des paroisses appartenant à la manufacture des toiles à voile. Sur une
cinquantaine de paroisses situées entre Rennes, Vitré et La Guerche, environ une paroisse sur
deux possède au moins un retable lavallois dans son église paroissiale. Mais l’on trouve
également dans ces paroisses bon nombre de retables inspirés du modèle lavallois,
généralement en bois, matériau moins coûteux que le marbre et le tuffeau. Ce premier constat
n’est pas suffisant pour conclure à une corrélation entre la prospérité économique liée à la
proto-industrie des toiles à voile au
e
XVII
siècle et la forte présence des retables lavallois au
sein de ces paroisses, il incite même à poursuivre l’enquête.
Chapitre 6 | 180
Les marchands et le patrimoine religieux
Pour cela, il est nécessaire d’analyser la densité de retables lavallois hors de la
manufacture des toiles à voile, en nous concentrant sur les paroisses rurales, à proximité de la
manufacture des toiles à voile, dans les secteurs de Bain, du Sel (zone I), de Liffré (zone II) et
de Martigné-Ferchaud (zone III). En ce qui concerne les secteurs I et II, le constat est simple :
alors que l’on se situe juste à la périphérie de la manufacture des toiles à voile, on ne
dénombre aucun retable lavallois et très peu de retables calqués sur ce style, puisqu’on n’en
retrouve qu’à Chasné-sur-Illet ou Lalleu. L’absence d’essor économique important, au
e
XVII
siècle, pour ces paroisses rurales, aurait ainsi pu les empêcher de suivre le mouvement de
renouvellement du mobilier religieux paroissial. En revanche pour le secteur de MartignéFerchaud (zone III), le constat est moins clair, puisque l’on y trouve la même densité de
retables lavallois que dans la manufacture. Toutefois une explication peut être avancée à ce
phénomène. Martigné-Ferchaud a connu une certaine expansion économique aux
e
XVIII
e
XVII
et
siècle grâce au travail du fer et le commerce des clous notamment. 27 Cette zone rurale
enrichie par une autre activité proto-industrielle aurait ainsi pu chercher à imiter les paroisses
rurales de la manufacture toilière, en investissant l’argent paroissial dans la construction de
retables lavallois.
Si l’étude du patrimoine religieux du
e
XVII
et du début du
e
XVIII
siècle n’est pas
suffisant pour conclure sur un lien entre prospérité toilière et investissement artistique
religieux, l’analyse du mouvement de reconstruction des églises paroissiales au
e
XIX
siècle
pourrait apporter de nouvelles hypothèses à ce sujet.
3.2. Conserver ou reconstruire l’église paroissiale au
e
XIX
siècle : un choix artistique ou
un choix économique ?
Au printemps 2011, les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine consacrent une
exposition à Arthur Regnault (1839-1932), l’architecte qui a sûrement le plus marqué le
paysage religieux de l’Ille-et-Vilaine au
XIX
e
siècle. Il a ainsi largement participé au
mouvement de construction ou de reconstruction des églises que l’on voit apparaître dans le
département tout au long du
e
XIX
siècle. Il serait alors intéressant de voir quel impact a eu ce
mouvement à l’intérieur de la manufacture des toiles à voile et à sa périphérie (cf. carte n°8).
27
Le toponyme de « Ferchaud » serait d’ailleurs issu de la forme francisé du latin « ferri caldi », signifiant « fer
chaud ».
Chapitre 6 | 181
Les marchands et le patrimoine religieux
Peut-on parler ici, comme pour les retables lavallois, d’une originalité en matière de
constructions religieuses pour les communes rurales du triangle Rennes-Vitré-La Guerche ?
Carte n°8 : Constructions et reconstructions d’églises, au XIXe siècle, dans la zone de
production des toiles à voile et à sa périphérie
A partir de cette carte, le constat est simple en ce qui concerne ce mouvement de
construction d’églises : il est beaucoup plus important pour les communes situées à la
périphérie de la manufacture des toiles à voile. Ainsi, 63% des communes (22/35) situées
dans les environs de Martigné-Ferchaud, de Bain, du Sel et de Liffré ont connu des
constructions d’édifices religieux au cours du
XIX
e
siècle. Ce qui est le cas notamment à
Martigné-Ferchaud, Tresboeuf, Bain, Le Sel, Saulnières, Liffré, La Bouexière, ThorignéFouillard, etc. Alors, que dans le même temps, ces constructions n’ont eu lieu que dans un
quart des communes (12/47) de la manufacture des toiles à voile, comme à Janzé,
Chapitre 6 | 182
Les marchands et le patrimoine religieux
Châteaugiron, ou Noyal-sur-Vilaine. Cette dissemblance entre les communes à l’intérieur de
la manufacture chanvrière et celles situées à la périphérie nous conduit à poser plusieurs
hypothèses.
D’un côté, cette singularité pourrait relever d’un choix artistique. Ainsi, le jugement,
de la part des constructeurs d’églises du
XIX
e
siècle, d’une absence de patrimoine
« d’exception » dans les communes extérieures à la manufacture des toiles à voile, les
auraient poussé à construire de nouvelles églises, le plus souvent dans le style néo-gothique.
Tandis que l’on aurait souhaité dans les communes au passé toilier, préserver les anciennes
églises et leurs retables lavallois, témoins d’une splendeur économique et paroissiale
désormais révolue.
D’un autre côté, cette non-participation au mouvement de construction de nouvelles
églises pourrait révéler un choix économique. L’effondrement de la proto-industrie textile,
dans les mêmes années, aurait pu empêcher les communes rurales de la manufacture des toiles
à voile d’investir dans un nouveau patrimoine religieux. En outre, cette hypothèse peut être
appuyée par le fait que parmi les seules communes de la manufacture à construire des
nouvelles églises, on retrouve des centres ruraux de commerce comme Janzé, Châteaugiron et
Noyal-sur-Vilaine. Dans ces cas, les nouvelles constructions pour s’expliquer par le maintien
d’une conjoncture économique moins mauvaise que dans les communes rurales voisines, et
parfois, par la nécessité d’agrandir les églises, due à l’accueil de nouveaux habitants ayant
quitté les campagnes proches.
Ces deux hypothèses ne sont pas forcément antinomiques. A Amanlis, par exemple, on
peut très bien imaginer que l’on ait souhaité conserver l’église paroissiale par soucis
d’héritage patrimonial, tout en améliorant certains éléments – grâce à des initiatives privées –,
comme les vitraux dont nous avons parlé plus haut. De plus, l’économie locale n’étant plus
aussi florissante que par le passé, le conseil municipal aurait préféré investir dans une mairieécole dans les années 1870, plutôt que de faire construire une nouvelle église.
Au final, il semble bien que les paroisses rurales de la manufacture des toiles à voile
présentent une spécificité artistique religieuse. Nous dénombrons, parmi elles, une quantité
largement supérieure de retables lavallois, par rapport aux autres paroisses rurales situées à la
périphérie de la manufacture. Le retable lavallois, par la cherté de ses matériaux (tuffeau et
Chapitre 6 | 183
Les marchands et le patrimoine religieux
marbre), la renommée des ateliers lavallois et les modifications architecturales induites sur
l’église (suppression de la maîtresse-vitre notamment), coûtait un prix très élevé aux fabriques
paroissiales qui sont à l’origine de ces chantiers. En outre, au XIXe siècle, on retrouve le même
phénomène de spécificité mais inversée, avec le mouvement de construction d’églises. On
trouve ainsi beaucoup moins de nouvelles églises parmi les communes de la manufacture des
toiles à voile, par rapport à sa périphérie.
Malgré tout, il reste difficile de conclure de façon définitive sur la question de savoir
s’il y a véritablement un lien entre prospérité toilière et dépenses artistiques, au sein de la
manufacture des toiles à voiles. En fait, la manufacture des toiles à voile n’aurait-elle pas
produit un modèle spécifique d’investissement artistique ?
3.3. La manufacture des toiles à voile : un modèle spécifique d’investissement artistique ?
A travers l’étude des deux exemples des retables lavallois au
e
XVII
siècle, ainsi que du mouvement de reconstruction des églises paroissiales au
et début
XIX
e
e
XVIII
siècle, nous
avons poser l’hypothèse d’un modèle d’investissement dans l’art religieux spécifique à la
manufacture des toiles à voiles, notamment en comparaison avec ce qui a été démontré pour
les enclos paroissiaux du Léon ou dans la manufacture des « bretagnes ».
Comme le suggéraient dans leur article Y. Lagadec et D. Pointeau, nous nous sommes
donc intéressé aux « autres éléments du décor des églises mais aussi, de manière plus globale,
à la conjoncture des constructions et transformations de ces édifices ».28 A partir de là, nous
avons tenté de trouver un critère suffisamment intéressant pour différencier les paroisses de la
manufacture et les paroisses extérieures en terme d’investissement artistique. Après réflexion,
nous avons opté pour le mouvement de construction ou de reconstruction des clochers. Ce
choix s’explique par le fait que ces constructions ne sont pas soumises à des impératifs
religieux, comme peuvent l’être les constructions de sacristie avec la Réforme catholique,
mais elles sont les seuls effets de finances paroissiales florissantes. Cependant les
informations que nous avons pu collecter ne sont pas suffisantes pour en retirer des
conclusions. Au final, seule l’étude complète des comptes de fabriques d’un grand nombre de
paroisses situées à l’intérieur et à l’extérieur de la manufacture, sur une période assez large,
pour voir si des revenus extraordinaires provenant des marchands de toiles pourraient
28
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré
(XVIe-XIXe siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 194.
Chapitre 6 | 184
Les marchands et le patrimoine religieux
correspondre à des investissements artistiques religieux, permettrait de conclure sur le lien
entre prospérité toilière et investissement artistique et donc sur l’originalité supposée de la
manufacture des toiles à voiles.
Néanmoins plusieurs éléments nous poussent à penser que l’hypothèse d’un modèle
d’investissement artistique religieux spécifique à la manufacture des toiles à voiles, est la
seule valable. Ainsi, l’investissement semble avoir été diffus tout au long des
XIX
e
e
XVII
,
e
XVIII
et
siècles. De plus, les chantiers paroissiaux n’ont pas l’envergure de ceux du Léon et de
ses enclos paroissiaux. Une église comme celle d’Amanlis a été peu à peu améliorée au fil des
siècles. Aucun élément ne nous permettrait, également, de démontrer que des marchands de
toiles d’Amanlis auraient eu la volonté d’affirmer leur richesse acquise par le commerce des
toiles à voiles en investissant dans l’art religieux. En outre, la richesse issue du commerce des
toiles à voiles a certainement contribué à enrichir artistiquement les églises paroissiales, mais
cela ne peut pas être la source unique de cet investissement. D’ailleurs, Y. Lagadec se
demande si dans le cas de Louvigné-de-Bais, la prospérité céréalière de la paroisse ne serait
pas plus importante que la prospérité toilière pour expliquer « la construction d’une nouvelle
église au
e
XVI
siècle, l’édification de trois retables lavallois dans les années 1653-1671, la
construction ou la reconstruction d’une sacristie, d’un clocher, d’un nouveau maître-autel ou
encore l’agrandissement de l’église au
e
XVIII
siècle. »29 En fait, il ne faut chercher à
transposer, pour la manufacture des toiles à voiles, les analyses de l’investissement artistique
religieux étudié pour les manufactures des « crées » et des « bretagnes ».
Conclusion :
Au final, tout comme la manufacture des toiles à voiles nous est apparu singulière, par
rapport aux deux autres manufactures du Léon et du Centre-Bretagne, dans son
fonctionnement économique, il semble en être de même en ce qui concerne son patrimoine
religieux. Dans les campagnes situées dans le triangle Rennes/Vitré/La Guerche, à Amanlis a
fortiori, les marchands de toiles n’ont pas ou très peu influencé, de façon directe, les dépenses
artistiques engagées lors des chantiers paroissiaux. De plus, la seule existence des chefsd’œuvre de la Réforme catholique que sont les retables lavallois ne peut pas conduire à
29
Ibid., p. 195.
Chapitre 6 | 185
Les marchands et le patrimoine religieux
conclure qu’ils sont forcément issus d’une prospérité toilière, comme si l’on cherchait à faire
rentrer ce type d’investissement artistique dans un cadre construit pour le Léon et ses enclos
paroissiaux.
Chapitre 6 | 186
Les marchands et le patrimoine religieux
CHAPITRE 7
Le destin d’une activité « fragile » :
vers la disparition des toiles à voiles dans les années 1860
Deux grandes causes ont généralement été invoquées pour expliquer la faillite de la
production des toiles à voiles dans les campagnes rennaises au
XIX
e
siècle : la forte
concurrence des toiles fabriquées dans les manufactures mécaniques du Nord et de l’Est de la
France, ainsi que l’abandon de la marine à voile, au profit de la marine à vapeur. 1 Nous
pensons qu’il faut chercher des causes plus profondes à la responsabilité de l’arrêt définitif de
la manufacture au milieu du
XIX
e
siècle. Cette production « fragile » des toiles à voiles est
minée depuis longtemps par une série de causes structurelles.
Nous analyserons, dans un premier temps, les causes structurelles responsables d’une
dégradation lente et durable du commerce des toiles, qu’il s’agisse de l’endettement chronique
des marchands ou des fraudes et malfaçons qui altèrent la qualité de la marchandise. Dans un
second temps, nous étudierons la concurrence nouvelle des toiles « mécaniques » apparue dès
la fin du
e
XVIII
siècle à Rennes, ainsi que la tentative de réponse apportée par les producteurs
ruraux de toiles à voiles.
1
LE CHARLES Monique, « Au temps des noyales », in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la
proto-industrie textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 187.
Chapitre 7 | 187
Le destin d’une activité « fragile »
1. Les causes structurelles
Depuis le XVIIIe siècle la production et le commerce des toiles à voiles sont gangrénés
par l’endettement important des marchands de toiles, ce qui entraîne la faillite de plusieurs
d’entre eux, les malfaçons et les fraudes sur la marchandise nuisant à la qualité des toiles.
1.1. L’endettement responsable de faillites de marchands
Nous avons déjà évoqué dans les chapitres précédents l’administration consulaire
chargée de juger les litiges liés aux pratiques commerciales et faillites. Nous avons trouvé
plusieurs dossiers concernant des marchands de toiles d’Amanlis et des environs, au sein des
archives du Consulat de Rennes. Pour la période 1726-1790 – année de la suppression du
Consulat sous la Révolution –, nous disposons d’un corpus de neuf dossiers de faillites
commerciales. Nous avons cherché à étendre cette étude au
XIX
e
siècle. Toutefois nous
n’avons trouvé aucun dossier de ce type dans les archives du Tribunal de commerce de
Rennes.2
Concernant les faillites de marchands de toiles, nous aborderons les différents types
d’endettements, les motivations de leurs emprunts, ainsi que la localisation géographique des
créanciers.
1.1.1. Quels types d’endettement ?
Les neuf dossiers de faillites présentent des situations bien différentes, à l’exemple de
Jean Pelhâtre, marchand de fils à Janzé, et Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,
de Châteaugiron.3 Ils présentent respectivement une dette de 1 169 L. et 31 959 L. Le cas de
la marchande de toiles est exceptionnel puisque la moyenne des dettes des autres marchands
s’élève à environ 3 000 L. (cf. tableau n°21).
2
ADIV, 6U 1 1031, 6U 1 1032, 6U 1 1033, 6U 1 1034. Archives du Tribunal de commerce de Rennes, dossiers
de faillites (an VIII-1867).
3
ADIV, 10B 138 – n° 441. Dossier de faillite de Jean Pelhâtre, marchand de fil aux Fourches à Janzé, en date du
9 juin 1789. ADIV, 10B 141 – n° 456. Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,
marchande à Châteaugiron, en date du 3 février 1790. Cf. annexe n°23.
Chapitre 7 | 188
Le destin d’une activité « fragile »
Tableau n°21 : Les marchands de toiles en faillite entre 1726 et 1790
Date
Nom
Paroisse
Total dettes passives
Total des actifs4
1726
Pierre Guihery
Châteaugiron
3 931 lt
8 626 lt
1753
Jacques Gérard
Piré
3 301 lt
1 325 lt
1766
Olivier Bienassis
Châteaugiron
1 355 lt
4 132 lt
1777
J.-F. Leremeneux
Châteaugiron
7 986 lt
5 132 lt
1783
René Albert
Amanlis
5 272 lt
1 828 lt
1783
Gabriel Hervouin
Châteaugiron
1 788 lt
547 lt
1784
René Divet
Châteaugiron
1 532 lt
519 lt
1789
Jean Pelhâtre
Janzé
1 169 lt
3 157 lt
1790
Jacquette Hamelin
Châteaugiron
31 959 lt
13 200 lt
A côté de ces dettes passives, cinq marchands possèdent également des dettes actives.
Les marchands peuvent être débiteur et créancier. Lorsque l’on analyse plus en détail ces
dettes actives, il apparaît que bon nombre d’entre elles sont en fait de « mauvaises dettes » :
les dettes actives des marchands n’ont aucune chance d’être remboursées. Par exemple,
« Julienne Bienassis sœur du dit Ollivier Bienassis lui doit par une part 78 lt d’une autre 33 lt
et d’une troisième 46 lt 13 s, lesquelles trois sommes font ensemble celle de 157 lt 13 s. Dont
il ne poura jamais avoir païement attendu l’insolvabilité de sa sœur. »5 L’argent dû au
marchand de toiles de Châteaugiron par sa sœur relève des dettes actives, mais le Consulat
estime que le marchand ne peut pas compter sur cet argent pour rembourser ses propres dettes
passives, c’est donc une « mauvaise dette ». Ces dettes actives aux côtés des dettes passives
montrent une circulation facile de l’argent et une pratique ordinaire du paiement à crédit.
Cette souplesse peut toutefois devenir un piège lorsque l’on ne peut plus se faire rembourser
l’argent ou les marchandises avancés. Un cercle vicieux s’installe. La situation du marchand
devient critique : ne pouvant plus honorer ses créanciers, la faillite devient un risque tangible.
En cas de faillite d’un débiteur, le créancier peut être classé selon plusieurs catégories.
Ce cas s’observe chez René Albert, marchand de toiles à Amanlis. On trouve parmi ses
créanciers, des créanciers préférables, « hipotéquaires », ou chirographaires.6 C'est-à-dire,
4
Le total des actifs représente la somme des dettes actives, des biens mobiliers prisés dans l’inventaire, des biens
immobiliers et propriétés foncières.
5
ADIV, 10B 93 – n° 148. Dossier de faillite d’Olivier Bienassis, marchand de toiles à Châteaugiron, en date du
5 février 1766.
6
ADIV, 10B 117 – n° 336. Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en Amanlis, en
date du 19 septembre 1783. Cf. annexe n°24.
Chapitre 7 | 189
Le destin d’une activité « fragile »
lorsque plusieurs créanciers doivent se partager le produit de la vente des biens ayant
appartenu à leur débiteur commun et que cette somme n'est pas d'un montant suffisant pour
les désintéresser tous, il s'ouvre une procédure dite « de distribution » qui a lieu à l'initiative
du greffier en chef de la juridiction – ici la juridiction consulaire de Rennes. Les créanciers
qui disposent d'un privilège ou d'une sûreté – par exemple, le Trésor pour le paiement des
impôts restés impayés ou les employés pour leurs salaires et leurs avantages salariaux ou
encore le bailleur pour les loyers – sont dits « créanciers privilégiés ». Ils sont remboursés
avant les autres et dans l'ordre fixé par la loi. Les autres créanciers n’ayant pas de privilège
légal sont dits « chirographaires ». S’il reste un reliquat après règlement des créances
privilégiées, ils sont payés « au marc-le-franc », ce qui signifie qu'ils reçoivent un
« dividende » calculé en faisant le rapport entre le montant de la créance de chacun d'eux et le
montant global de la somme restant à distribuer.
A côté du montant de la dette et du nom du créancier, il est régulièrement mentionné la
raison pour laquelle celle-ci a été contractée.7 Il est intéressant de voir que dans la majorité
des cas, les raisons invoquées ont un lien avec le commerce toilier : « toiles », « fourniture de
marchandises », « fil écru », « restant de métier à toiles », « loyer d’un étal », « ferrures de
chevaux ». D’autres sont en rapport avec la propriété foncière et agricole, comme la
« jouissance de biens immeubles » ou « la ferme d’un verger ». Enfin, la vie quotidienne est
également source d’endettement, lorsque l’on se trouve confronté, par exemple, à un accident,
ou à la maladie comme René Divet, de Châteaugiron, qui doit 90 lt au sieur Jan Fugne, « pour
une maladie aux jambes brulées qui ont été pensées de trois mois, avant de guerir,
simplement à 1 lt 10 s par jour. »8
Après avoir analysé les mécanismes de l’endettement des marchands de toiles, nous
pouvons nous demander si celui-ci se construit seulement à un niveau local?
1.1.2. L’origine géographique des créanciers
Nous avons pu établir une cartographie de l’origine géographique des créanciers et des
débiteurs des marchands de toiles, grâce aux informations fournies lors de la déclaration des
dettes passives (cf. carte n°9).
7
ADIV, 10B 141 – n° 456. Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand, marchande à
Châteaugiron, en date du 3 février 1790. Cf. annexe n°23.
8
ADIV, 10B 118 – n° 348. Dossier de faillite de René Divet, marchand de toiles à Châteaugiron, en date du 12
mai 1784.
Chapitre 7 | 190
Le destin d’une activité « fragile »
Carte n°9 : L’origine géographique des créanciers et des débiteurs des marchands de
toiles en faillite au XVIIIe siècle (1726-1790)
Nous pouvons remarquer que la quasi-totalité des créanciers et débiteurs des
marchands de toiles sont originaires des paroisses rurales situées dans le triangle
Rennes/Vitré/La Guerche, voire même au sein des paroisses d’Amanlis, de Châteaugiron, de
Piré et de Janzé. Les dettes contractées et les prêts se font donc au niveau local, pour des
sommes généralement modiques, entre des personnes qui se connaissent. Par exemple dans le
dossier de René Albert, de la Hantelle à Amanlis, on retrouve un nombre important de noms
de famille de la paroisse : Chevrel, Garnier, Debroise, Croyal, Bigot, Paris, Tortellier… Le
marchand de toiles en faillite s’est donc endetté en grande partie auprès de ses voisins et
même auprès du recteur.
9
Cela prouve une nouvelle fois que les marchands ruraux n’ont
d’autre horizon que celui de leur paroisse et des paroisses voisines, tout au plus pour les plus
riches d’entre eux celui de la ville de Rennes où ils viennent vendre leur marchandise.
Ce fonctionnement « local » de l’endettement ne va pas forcément de soi dans les
milieux commerciaux. Pour le montrer, nous pouvons nous appuyer sur les dossiers de trois
9
ADIV, 10B 117 – n° 336. Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en Amanlis, en
date du 19 septembre 1783. Cf. annexe n°24.
Chapitre 7 | 191
Le destin d’une activité « fragile »
marchands d’étoffes ou de draps et non plus de toiles, originaires de Châteaugiron et de
Janzé.10 Si l’on établit une cartographie de l’origine géographique de leurs créanciers, la carte
prend une autre dimension (cf. carte n°10).
Carte n°10 : L’origine géographique des créanciers des marchands d’étoffes et de draps
en faillite au XVIIIe siècle
C’est à l’échelle du royaume de France que l’on répertorie les créanciers des
marchands d’étoffes et de draps, et non plus à la seule échelle des campagnes rennaises
comme pour les toiles à voiles. Ceci permet de démontrer que les marchands s’endettent ou
prêtent de l’argent à leurs relations commerciales : au niveau local pour les toiles à voiles, à
l’échelle du pays pour les étoffes.
10
ADIV, 10B 129 – n° 395. Dossier de faillite de P.G. Morel, marchand à Janzé, en date du 29 janvier 1787.
ADIV, 10B 134 – n° 407. Dossier de faillite d’André Frogé, marchand de draps et soie à Châteaugiron, en date
du 31 juillet 1787. ADIV, 10B 144 – n° 479. Dossier de faillite de sieur Thomas Limousin, marchand d’étoffes à
Châteaugiron, en date du 28 décembre 1790.
Chapitre 7 | 192
Le destin d’une activité « fragile »
1.2. Un commerce affaiblit par les fraudes et les malfaçons
Avec la mise en place de la politique mercantiliste de Colbert dans les années 1670 le
contrôle de la qualité des toiles devient une priorité. C’est ainsi que l’on voit apparaître un
règlement royal du 4 décembre 1745, qui définit précisément les types de voiles qui peuvent
être fabriquées avec les données de fabrication, dans la manufacture des toiles à voiles. Pour
contrôler cette fabrication, « fleurissent alors, pour l’essentiel à compter du second tiers du
e
XVIII
siècle, des bureaux de contrôle et de marques de toiles installés dans les villes, […] ou
les gros bourgs des différentes zones de production. »11 Vers 1750, on retrouve des bureaux
de contrôle à Rennes, Vitré et La Guerche, au sein de la manufacture des toiles à voiles.
Il est régulier de voir des malfaçons dans les toiles. Dans son rapport de 1751, Coisy
constate qu’elles sont parfois les conséquences de tentatives de fraudes lorsque les toiles sont
présentées au bureau de contrôle et de marque.
12
Cette mauvaise qualité des toiles serait à
l’origine de la perte de vitesse concurrentielle des toiles à voiles sur les marchés
internationaux au
e
XVIII
siècle. Coisy rend compte de la déficience des contrôles dans les
différents bureaux où « les visites étoient mal faites, la police mal suivie dans les bureaux »,
ce qui favorise la production de mauvaises toiles. Ainsi « le fabriquant faisoit des toiles dans
des largeurs au-dessous de celles prescrites et dans des nombres de fils dans les chaînes
beaucoup inférieures à ce qu’il étoit ordonné »13. Coisy signale aussi la vente d’une toile à la
place d’une autre de meilleure qualité, « on vendoit des quatre fils communs pour des quatre
fils de brin et on les envoyoit au consommateur qui étoit trompé. »14 On peut également
constater des vices dans la fabrication des toiles comme le « soufflage d’eau dans les toiles »,
opération qui consiste à mouiller la toile pour qu’elle soit plus lourde lors de la vente, et ainsi
plus chère, mais cela détériore la toile qui pourrit et se « déchire au premier coup de vent ».
Un rapport daté de 1771, faisant des « observations sur la fabrique des toiles à voiles de
la province de Bretagne »15, est encore plus alarmant puisqu’il évoque la menace « d’une
destruction prochaine » des manufactures de l’Evêché de Rennes et de Locronan en raison de
11
LAGADEC Yann, « L’horizon planétaire des ruraux bretons. Toile et ouverture des campagnes dans la Bretagne
des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, in MARTIN Jean, PELLERIN Yvon (dir.), Du lin à la toile : la proto-industrie
textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, p. 312.
12
ADIV, C 3929, Mémoire concernant les fabriques des toiles à voiles qui se fabriquent en Bretagne, 1751.
13
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du XVIIIe siècle d'après un rapport
de l'Inspection des manufactures », BMSAHIV, 2006, p. 161.
14
Ibid., p. 162.
15
Cf. annexe n°25.
Chapitre 7 | 193
Le destin d’une activité « fragile »
la mauvaise qualité des toiles. Le rapport vise surtout la mauvaise qualité des toiles « 4 fils et
6 fils brin sur brin, premieres qualités de ces toiles ». Il dénombre trois causes à ces vices :
1° « La mauvaise filature. On ne trouve plus de fils pour trame qui ne soyent au moins de
moitié trop fins et trop torts, et ce sont les fabriquans qui les demandent ainsy aux fileuses,
parce que plus la trame est fine plus elle couvre de la chaîne et moins on en consomme. »
Cela produit des voiles trop « lâches » qui ne peuvent retenir le vent.
2° « Le mauvais lescivage des fils de chaine et de trame » laissant des impuretés, ce qui
empêche de faire un tissage de bonne qualité.
3° « Le mélange des matieres. » Les fabricants sont accusés de mêler différents types de
qualité de fils dans leurs toiles, pour obtenir des coûts de production plus faibles, entraînant
une perte de qualité de la toile.
Le rapport du Sieur Picot en 1775, mentionne la suppression des bureaux de la Guerche et
de Vitré en 1769, « à cause de leur mauvaise administration, a laquelle on ne pouvoit
remedier vu la mediocrité de leur produit. »16
50 ou 60 ans plus tard, on voit même directement des marchands de fils de Janzé et
Châteaugiron se plaindre au préfet de la mauvaise qualité des toiles fabriquées dans leurs
cantons :
« vous priant de faire cesser un abus bien grave qui se commet sur nos marchés de fils de Janzé et
de Chateaugiron seulement, car dans les autres localités comme Vitré et La Guerche la Police
veille a ce que la bonne foi de l’acheteur ne soit pas trompée, et que par suite de fraudes
coupables la marchandise ne soit pas détériorée, mais dans notre cantons les fils sont la majeure
partie mouillés, de telle sorte que les faisant sécher il y a reduction de poids, de huit et dix pour
cent, ces fils par suite de leur humidité se déteriorent, et il s’en suit qu’ils nous sont réfusés dans
les fabriques de Rennes, parcequ’une fois léssivés, ils n’ont plus aucune force, et ne peuvent faire
que de mauvaises toiles, cela nous fait un tort considerable. »17
Ces différents rapports, mémoires, correspondances font le constat de la mauvaise qualité
des toiles à voiles. De plus, cette production rurale doit désormais faire face à une nouvelle
16
Cf. annexe n°26.
ADIV, 9M 15, lettre des marchands de fils de Janzé et Châteaugiron au préfet d’Ille-et-Vilaine, datant de la
première moitié du XIXe siècle.
17
Chapitre 7 | 194
Le destin d’une activité « fragile »
concurrence apparue à Rennes dans la seconde moitié du
e
XVIII
siècle : les toiles fabriquées
mécaniquement.
2. La concurrence nouvelle des toiles « mécaniques »18
Aux XVIe et XVIIe siècles, la concurrence pour les noyales en chanvre venait d’autres toiles
rurales dites olonnes de Locronan – produites dans l’actuel Finistère sud –, mais leur déclin
définitif au cours du XVIIIe siècle avait permis aux toiles des campagnes rennaises de connaître
une embellie. Au même moment, les prémices d’une nouvelle concurrence – locale cette foisci – se mettent en place. Il s’agit des toiles dites mécaniques ou régulières, fabriquées dans les
manufactures urbaines de Rennes.19 Nous étudierons, tout d’abord, la lente structuration de ce
nouveau type de production toilière. Puis, nous analyserons les tentatives d’adaptation du
monde rural, et d’Amanlis en particulier, face à cette concurrence locale.
2.1. La lente structuration d’une nouvelle concurrence : les toiles mécaniques des
industries urbaines
Nous marquerons trois temps dans cette structuration des manufactures des toiles
« mécaniques » : un premier autour des débuts des manufactures toilières rennaises au
e
XVIII
siècle, puis dans un deuxième temps, nous étudierons leur développement au cours du
XIX
e
siècle, enfin dans une troisième partie, nous nous recentrerons sur l’exemple plus local de la
manufacture Des Bouillons de Châteaugiron.
2.1.1. La manufacture de la Piletière : les débuts d’une production mécanisée des toiles à
voile à Rennes
Si la première manufacture royale de toiles à voile mécaniques de la Piletière est
fondée à Rennes en 1748 par le Sieur Le Boucher, il est probable qu’une autre manufacture –
de cotonnades cette fois-ci – lui ait servi de modèle. C’est en effet en 1742, que Julien-Joseph
18
Cette partie s’appuie sur une communication effectuée au colloque « Industrie et monde rural en France de
l’Antiquité à nos jours », qui s’est tenu du 30 septembre au 2 octobre 2010 à Limoges, ainsi que sur l’article qui
paraîtra dans les actes du colloque au cours des prochains mois.
19
L’un des premiers rapports à faire mention de cette distinction entre toiles fabriquées en atelier urbain (toiles
« mécaniques ») et toiles fabriquées dans les campagnes rennaises (toiles « noyales » devenues toiles « rurales »)
est celui rédigé en 1853 à la demande du préfet d’Ille-et-Vilaine par la Commission consultative et de
surveillance pour les toiles rurales, intitulé « Enquête sur la culture du chanvre et du lin, le filage et la
fabrication des toiles ».
Chapitre 7 | 195
Le destin d’une activité « fragile »
Pinczon du Sel des Monts a établi à Rennes sa manufacture. 20 Elle compte, en 1754, une
centaine de métiers à tisser et emploie 900 ouvriers. L’originalité de cette structure réside
dans le recrutement de sa main d’œuvre, qui vise, selon Pinczon du Sel, à « procurer de
l’occupation à un nombre considérable d’habitants qui en manquait », principalement des
vieillards et des enfants.21
Ce modèle d’atelier urbain et d’emploi des plus démunis est repris par Le Boucher
pour sa manufacture de toiles à voile mécaniques. Il souhaite en ce domaine tirer profit du
savoir-faire des tisserands des paroisses rurales des environs, tout en mécanisant la
production, « à la manière de Hollande ». Assez rapidement, cet atelier jouit d’une solide
renommée auprès des négociants rennais et malouins, notamment en raison de la qualité de sa
production.
La manufacture de la Piletière emploie jusqu’à 200 tisserands sans compter les ateliers
pour les peigneurs de chanvre et pour les fileuses. Ceci représente environ 20 % des capacités
productives de la région, puisque que l’on dénombre 800 tisserands dans la campagne
rennaise. Malgré cette sérieuse concurrence, l’entreprise reste fragile. Après la guerre
d’Indépendance américaine (1775-1783), le nombre d’employés chute. Elle est d’ailleurs
reprise en 1789 par l’abbé Carron, recteur d’une des paroisses de la ville, qui en fait un atelier
de charité qui occupe jusqu’à 2 000 pauvres – toujours vieillards et enfants – au plus fort de
son activité dans les premières années de la Révolution avant de péricliter suite à l’émigration
de son promoteur.22
Il faut en fait attendre les premières années du
XIX
e
siècle pour que les manufactures
toilières de Rennes se développent réellement.
2.1.2. Le développement des manufactures toilières urbaines au XIXe siècle
Le
XIX
e
siècle voit la structuration des manufactures toilières mécanisées à Rennes.
Avant la Révolution, seule la manufacture de la Piletière, dirigée par l’abbé Carron, est
établie. Une autre apparait au début de la République. Trois manufactures sont dénombrées en
20
BOURDAIS F., « Un gentilhomme manufacturier à Rennes au XVIIIe siècle, Julien-Joseph Pinczon du Sel des
Monts (1712-1781) », Revue de la Bretagne, de Vendée et d’Anjou, 1909, p. 9.
21
Ibid., p. 13.
22
QUENIART Jean, La Bretagne au XVIIIe siècle (1675-1789), Rennes, Editions Ouest-France Université, 2004, p.
344.
Chapitre 7 | 196
Le destin d’une activité « fragile »
1820 : celle de la veuve Brossais-Saint-Marc, celle de Le Boucher-Villegaudin et celle de la
Piletière. Enfin dans les années 1840, cinq manufactures sont recensées. 23
La concurrence entre toiles « rurales » et toiles « mécaniques » est à son paroxysme
dans les années 1840-1850. Les principaux négociants et manufacturiers rennais – surnommés
la « bande noire » 24 – s’entendent contre les intérêts des toiles rurales. S’appuyant notamment
sur le député François Le Harivel, lui-même négociant, ces quelques entrepreneurs rennais
parviennent à imposer leurs vues à l’Administration. Outre le fait que cela traduise le
progressif recentrage, au cours du
XIX
e
siècle, du pouvoir de décision économique sur la
principale ville du département, ces pratiques révèlent la concentration en vigueur dont
pâtissent pour l’essentiel les communes rurales des environs.
Parmi les acteurs de la « bande noire », figure Hyacinthe Porteu, qui a repris la
manufacture de la Piletière aux débuts des années 1820. Ce personnage est d’autant plus
intéressant qu’au-delà d’une certaine réussite dans les affaires, il incarne le glissement des
héritiers de certains marchands ruraux vers la ville et les nouveaux horizons qu’elle offre : son
père était en effet notaire à Louvigné-de-Bais et marchand de toiles à ses heures.25
Certains de ces marchands ruraux ont cependant préféré investir localement.
2.1.3. De rares initiatives locales : Des Bouillons à Châteaugiron
Au cours du
XIX
e
siècle, de très rares initiatives se développent au sein même des
communes rurales. C’est le cas notamment de celle du Sieur Des Bouillons qui achète le
prieuré de Sainte-Croix dans les faubourgs de Châteaugiron, vendu à la Révolution comme
bien national (cf. illustration n°30). Il y installe, en 1824, une manufacture de deux ateliers
comportant 76 métiers à tisser dont plus des trois quarts étaient en activité dans les années
1830. Le chanvre utilisé à la confection des toiles « mécaniques » provient du marché de
Châteaugiron, acheté aux marchands ruraux des communes voisines. Cette manufacture
emploie 200 personnes, généralement originaires des communes de la manufacture rurale des
toiles à voile. Mais cette tentative se révèle rapidement être un échec. Les locaux de la
23
LAGADEC Yann, POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile dans les campagnes des environs de Vitré
(XVIe-XIXe siècles) : un modèle spécifique de production ? », MSHAB, 2006, p. 186.
24
Les Porteu, de Freslon, Chemillez et Gautier sont les principaux négociants et manufacturiers rennais formant
la « bande noire ». Ibid., p. 191 et CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques :
l’évolution de l’industrie textile en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle », Revue Historique,
1995, n° 595, p. 65-66.
25
LAGADEC Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale. L'exemple de Louvigné-de-Bais (XVIe-XIXe
siècles), thèse de doctorat, dact., université Rennes 2, 2003, p. 384-385. Ainsi que, BLAVIER Yves, La Société
linière du Finistère. Ouvriers et entrepreneurs à Landerneau au XIXe siècle, Rennes, PUR, 1999, p. 176.
Chapitre 7 | 197
Le destin d’une activité « fragile »
fabrique Des Bouillons sont cédés dès 1853 aux Ursulines et retrouvent alors leur fonction
religieuse première.
Illustration n°30 : Plan cadastral de la fabrique Des Bouillons à Châteaugiron en 1849
Malgré cette concurrence des manufactures urbaines, de plus en plus forte au cours du
XIX
e
siècle, les marchands ruraux cherchent les moyens de sortir leur manufacture d’un déclin
qui apparaît comme inéluctable.
2.2. Des toiles « noyales » aux toiles « rurales » : les marchands ruraux face au déclin de
la manufacture
Comme nous l’avons vu auparavant, au tournant des XVIIIe et
XIX
e
siècles, la faiblesse
des toiles à voile rurale réside dans le caractère fluctuant de leur qualité, ainsi que le
Chapitre 7 | 198
Le destin d’une activité « fragile »
dénoncent les inspecteurs des manufactures.26 Les ateliers mécanisés urbains, en garantissant
pour leur part une qualité homogène de leurs produits, réussissent à s’imposer sur les
marchés, notamment ceux de la Marine. Face à cette situation inédite, quelques marchands
ruraux tentent de sauver la proto-industrie rurale des toiles à voile en tentant d’adapter ce type
de production.
2.2.1. Les toiles rurales : vers une amélioration qualitative de la production
Malgré les règlements royaux qui, à compter de 1745, définissent très précisément les
normes de fabrication des toiles à voiles, les inspecteurs des manufacture dénoncent au cours
de la seconde moitié du
e
XVIII
siècle des problèmes récurrents de malfaçons, problèmes
amplifiés sans doute pendant la Révolution avec la suppression des bureaux de contrôle et de
marque.27 Le commerce des toiles en pâtit, poussant les marchands ruraux à chercher les
solutions nécessaires à une meilleure production. Les nombreuses lettres adressées dès le
début du XIXe siècle au préfet par les marchands de fils et toiles des environs de Châteaugiron
et de Janzé montrent en effet qu’ils ne sont pas absents de ce débat. 28 Ils se plaignent
notamment des abus commis sur les marchés par les paysans qui vendent encore des fils de
mauvaises qualités, principale cause selon eux de la baisse de la qualité dans la fabrication des
toiles.
La volonté des autorités comme des marchands ruraux, dans le dernier quart du
e
XVIII
et plus encore au XIXe siècle, est d’arriver à recentrer la production de fils et de toiles vers des
produits de meilleure qualité, tout en ayant le soucis que leur offre réponde à la demande des
négociants et donc des clients, au premier rang desquels figure la Marine. Ainsi, d’une
quinzaine de types des toiles à voile – bien souvent nommées « noyales » – produites dans les
années 1750, il n’en reste plus qu’une dizaine dans les années 1850, désormais qualifiées de
26
LAGADEC Yann, « La production des toiles à voiles… », art. cit., p. 149 et 162-163.
C’est le cas notamment dans le rapport de l’inspecteur général des manufactures Antoine de Coisy, en 1751. Il
rend compte de la déficience des contrôles dans les différents bureaux : « Les visites étoient mal faites, la police
mal suivie dans les bureaux », ce qui favorise la production de mauvaises toiles, ainsi « le fabriquant faisoit des
toiles dans des largeurs au-dessous de celles prescrites et dans des nombres de fils dans les chaînes beaucoup
inférieures à ce qu’il étoit ordonné », mais aussi la vente d’une toile à la place d’une autre de meilleure qualité,
« on vendoit des quatre fils communs pour des quatre fils de brin et on les envoyoit au consommateur qui étoit
trompé. » On peut également constater des vices dans la fabrication des toiles comme le « soufflage d’eau dans
les toiles », opération qui consiste à mouiller la toile pour qu’elle soit plus lourde lors de la vente, et ainsi plus
chère, mais cela détériore la toile qui pourrit et se « déchire au premier coup de vent ». Voir LAGADEC Yann, «
La production des toiles à voiles… », art. cit., p. 161-162.
28
ADIV, 9M15. Lettre des marchands de fils des cantons de Janzé et de Châteaugiron, à Monsieur le Préfet
d’Ille-et-Vilaine, datant de la première moitié du XIXe siècle.
27
Chapitre 7 | 199
Le destin d’une activité « fragile »
toiles « rurales », par opposition aux toiles « mécaniques » ou « régulières », largement
urbaines nous l’avons vu (cf. tableau n°3).
Ce recentrage du marché des toiles a pour conséquence une forte diminution du
nombre de marchands ruraux : seuls les plus riches d’entre eux subsistent.
2.2.2. Les tentatives d’adaptation de quelques marchands ruraux
La crise de la fin du
e
XVIII
et du début du
XIX
e
siècle conduit à une réorganisation
profonde de la structure de la manufacture rurale. Ainsi, à Amanlis, alors que le nombre de
tisserands reste stable autour de 130 dans la première partie du
XIX
e
siècle, le nombre des
marchands de toiles et/ou de fils est passé de 62 en 1791 à 9 seulement en 1861, signe d’une
concentration du commerce des toiles dans les mains de quelques riches ruraux, héritiers pour
la plupart des familles marchandes les plus en vue avant la Révolution.
Cette évolution n’entraîne pas pour autant la disparition de la pluriactivité : les
marchands ruraux restent notamment pour la plupart des cultivateurs, plus riches cependant
que la moyenne des paysans. Alors qu’au
e
XVIII
siècle, les marchands pluriactifs étaient les
moins riches d’entre eux, désormais, l’agriculture et le commerce des toiles assurent à ces
hommes une position de premier plan localement : c’est l’exemple de la famille Arondel, avec
les deux personnages du grand-père Pierre-Antoine et du petit-fils Désiré, que nous avons
développé dans le chapitre 5.
Vers le milieu du
e
XIX
siècle, quelques marchands deviennent de véritables
marchands-fabricants. S’inspirant du modèle des manufactures rennaises, certains tentent un
tardif passage au Verlargsystem afin de contrôler la production toilière depuis la culture du
chanvre jusqu’à la commercialisation des toiles aux halles de Châteaugiron, de Janzé ou de
Rennes. C’est le cas, entre autres, des familles Arondel et Jouzel qui, dès le début du
XIX
e
siècle, tentent de créer au sein de leurs exploitations agricoles d’Amanlis de petits ateliers de
filage et de tissage. L’un d’entre eux, Jean-Baptiste Jouzel, aurait même pu employer jusqu’à
une trentaine d’ouvriers dans sa ferme de la Ferronnerie selon des sources locales. D’ailleurs,
c’est probablement lui qui reçoit en 1850 une mention honorable lors de l’exposition nationale
Chapitre 7 | 200
Le destin d’une activité « fragile »
des produits de l’industrie, qui récompense les perfectionnements apportés par la famille
Jouzel-Arondel à l’industrie des toiles à voiles.29
Ces quelques tentatives d’adaptation de la production des toiles rurales portent leurs
fruits notamment dans les années 1840-1860, lorsque la manufacture connaît un dernier
sursaut.
2.2.3. 1840-1860 : un dernier sursaut pour les toiles rurales grâce au soutien de l’Etat
Alors que la manufacture des toiles à voile s’essouffle petit à petit depuis le début du
siècle, notamment pour l’activité de filage – on passe ainsi de 383 fileuses à Amanlis en 1841,
à 114 seulement en 1846 –, l’activité de tissage quant à elle semble reprendre une vigueur
inattendue dans ces mêmes années 1840. Entre le début du siècle et les années 1860, on
remarque une hausse de la proportion des inventaires après décès – jusqu’à un rapport de 1 à 3
– mentionnant un métier à tisser dans les communes rurales de la manufacture.
Le soutien aux toiles rurales vient pour une part des élus et préfets, au nom d’une
volonté de garder une production française de toiles, dans un moment où la concurrence
venue d’Angleterre et de Hollande est rude. Alors que l’exode rural a débuté dès les années
1830, leur but est aussi de retenir les populations rurales dans leurs communes d’origine.
Enfin, cette embellie des toiles rurales dans les années 1840-1860 peut s’expliquer par
le contexte international. L’Etat accroit ses commandes de toiles pour la Marine lorsque la
situation l’exige dans les années 1840 et, plus encore, lors de la guerre de Crimée entre 1853
et 1856.30 Toutefois, ce soutien ponctuel ne relance l’activité toilière que pour une courte
durée et les efforts de modernisation de quelques marchands ruraux ne suffisent pas. En 1864,
le ministère de la Marine informe le préfet d’Ille-et-Vilaine qu’il entend mettre fin au
monopole accordé de facto aux toiles rurales de Haute-Bretagne dans ses approvisionnements.
Les marchands ruraux et leurs fils sont alors obligés de se reconvertir. Certains vivent
en rentiers des modestes fortunes patiemment accumulées. D’autres changent de secteur
d’activité, plusieurs se réorientant vers le commerce du bois par exemple. Les filles des
marchands participent également de cette reconversion, en contractant des unions hors du
petit milieu homogame des marchands de toiles : par exemple, Rosalie Arondel, fille de
29
30
CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques… », art. cit., p. 69.
LAGADEC Yann et POINTEAU Delphine, « La protoindustrie textile… », art. cit., p. 186-187.
Chapitre 7 | 201
Le destin d’une activité « fragile »
l’ancien conseiller d’arrondissement Désiré Jean Marie, épouse le notaire Eugène Pamprain, à
l’instar de l’une de ses cousines, tandis qu’une autre se marie avec un médecin. Un nombre
important des fils de marchands ruraux a quitté leur commune d’origine, l’ascension sociale
passant à la fois par le changement d’activité et le départ pour la ville, les bourgs ruraux des
environs comme Janzé et, plus encore, Rennes ou Nantes.
Reconverties dans un nouveau commerce, concentrées sur leurs exploitations
agricoles, intégrées à de nouvelles notabilités, parties vers de nouveaux horizons urbains, les
familles de marchands de toiles ont donc, dans les années 1870, définitivement tourné la page
de la manufacture rurale des toiles à voile.
Conclusion :
Au final, nous avons vu que la disparition de la manufacture rurale des toiles à voiles
n’est pas simplement due à l’apparition de la marine à vapeur, au milieu du
XIX
e
siècle. Ceci
n’est que l’acte final d’un long processus de déclin entamé un siècle plus tôt.
Cette fabrication toilière dans les campagnes rennaises est structurellement affaiblie
par deux causes. En premier lieu, les fraudes et les malfaçons qui détériorent la qualité des
toiles à voiles, et les rendent de moins en moins concurrentielles. En second lieu,
l’endettement élevé des marchands-fabricants augmente leurs risques de faillites et empêchent
les investissements qui auraient permis de passer du domestic-system au Verlagsystem.
Ces investissements auraient été d’autant plus nécessaires face à l’arrivée, dès le
milieu du XVIIIe siècle, de manufactures mécanisées à Rennes ou Châteaugiron rendant encore
moins compétitives, au niveau local, les toiles « rurales ». On trouve certainement ici les
principales raisons de l’échec du passage d’une proto-industrie rurale à une véritable industrie
toilière mécanisée. Malgré tout, cette évolution profite peu aux manufactures rennaises, qui
n’ont jamais été en position de concurrencer les autres manufactures mécaniques qui se sont
développées dans le même temps dans le nord de la France. Elles disparaissent ainsi à leur
tour dans les années 1870-1890.31
31
CUCARULL Jérôme, « Le monde rural face aux mutations économiques… », art. cit., p. 79-83 et BLAVIER
Yves, La Société linière du Finistère, op. cit., p. 211-212.
Chapitre 7 | 202
Le destin d’une activité « fragile »
CONCLUSION GENERALE
Au moment de conclure notre étude sur les marchands ruraux de la manufacture des
toiles à voiles, nous voyons qu’il reste un champ de recherche immense à explorer. Si
certaines questions demeurent – pour l’instant – encore en suspens, nous avons déjà pu
apporter un certain nombre de réponses.
A propos du fonctionnement de la manufacture toilière, nous avons pu remarquer
l’implication quasi-totale de la population rurale d’Amanlis dans la fabrication des toiles à
voiles : des semis du chanvre au printemps, à la récolte à la fin de l’été, jusqu’au filage durant
l’hiver. Ces paysans trouvent une source de revenus complémentaires dans cette production
textile destinée aux marchés internationaux. Nous nous trouvons bien ici dans le concept de la
proto-industrie, tel qu’il a été défini par F. Mendels.
Un véritable circuit de commercialisation des toiles s’est mis en place entre le lieu de
production, Amanlis, et le lieu de la commercialisation, Saint-Malo. Au cœur de ce système
productif, on retrouve les marchands de toiles ruraux. Ces derniers, en plus de cultiver leur
propre chanvre et de produire leurs toiles, sont chargés d’alimenter les tisserands de leur
paroisse/commune avec les fils achetés sur les marchés des alentours. Par la suite, ils
acheminent la production locale de toiles à voiles vers les marchés urbains – Châteaugiron,
voire Rennes –, où elle est achetée par les négociants rennais et surtout malouins. Les
marchands ruraux sont donc le rouage essentiel qui relie les paysans-tisserands avec les
négociants urbains.
Ces marchands de toiles d’Amanlis forment un groupe social très hétérogène au
e
XVIII
siècle : d’un point de vue professionnel d’abord, puisque la quasi-totalité d’entre eux sont
pluri-actifs – paysan-marchand, artisan-marchand, commerçant-marchand –, d’un point de
vue social et financier ensuite, avec de très fortes disparités de richesses entre les différents
individus. Globalement, si les marchands apparaissent comme plus riches que la moyenne des
paysans d’Amanlis, très peu d’entre eux font réellement partie des plus riches de la paroisse.
Toutefois les crises économiques et politiques de la fin du XVIIIe siècle ont entraîné l’abandon
Conclusion | 203
du commerce toilier par un grand nombre de marchands. On est ainsi passé d’une soixantaine
de marchands à Amanlis en 1791, à moins de 10 dans les années 1840. Cela a eu pour
conséquence une concentration du groupe social autour d’un noyau de petits propriétaires
fonciers, qui possèdent plusieurs biens immobiliers, qui emploient souvent un ou plusieurs
domestiques pour les aider dans la production toilière ou les travaux des champs. Cette
homogénéisation se fait également par la forte endogamie sociale et professionnelle, qui est
concrétisée par de nombreuses alliances matrimoniales entre les principales familles
marchandes. Au
e
XVIII
siècle, comme au
XIX
e
siècle, les plus importantes d’entre elles font
partie de la notabilité paroissiale, puis communale. Cette notabilité se concrétise surtout par la
forte participation, voire la domination, des marchands sur les institutions politiques locales :
général de paroisse sous l’Ancien Régime, conseil municipal après la Révolution. En
revanche, si de ce point de vue les marchands peuvent être qualifiés de petite élite politique
rurale, ce n’est pas du tout le cas d’un point de vue patrimonial. Bien qu’ils possèdent plus de
biens fonciers et immobiliers que la moyenne des Amanlisiens, leurs maisons ne sont pas
porteuses d’une architecture originale et leurs biens mobiliers sont avant tout utilitaires et ne
montrent pas d’accès au luxe très peu d’objets en argent, peu de vaisselle en faïence ou en
porcelaine, ni à un certain niveau de culture aucun livre et aucun tableau recensé. En outre, les
marchands de toiles n’ont eu qu’une faible influence sur le patrimoine religieux d’Amanlis.
On trouve de rares initiatives d’investissement personnel, pour des vitraux par exemple. Il
n’existe pas de système d’investissement massif dans les chantiers paroissiaux, comme cela a
pu exister dans le Léon avec les enclos paroissiaux. Toujours en comparaison avec la
manufacture des « crées », nous pouvons affirmer qu’il n’existe pas de marchands de toiles
ruraux équivalents aux Juloded léonards. Même les marchands d’Amanlis les plus importants
de la première moitié du
XIX
e
siècle demeurent des paysans-marchands pluri-actifs. Il n’y a
pas, dans les campagnes rennaises, de véritables entrepreneurs toiliers.
La manufacture des toiles à voiles connaît un affaiblissement de son système productif
depuis le
e
XVIII
siècle. En premier lieu, par de graves problèmes de fraudes et surtout de
malfaçons dans les toiles, ce qui est régulièrement dénoncé dans des rapports administratifs.
Ces toiles de chanvre qui étaient reconnues pour leur qualité au siècle précédent, connaissent
désormais un déficit d’image, ce qui en fragilise le commerce. En second lieu, par
l’endettement important des marchands, précarisant ainsi leur situation économique.
D’ailleurs, nous avons dit que bon nombre d’entre eux abandonnent le commerce toilier au
Conclusion | 204
tournant des
e
XVIII
et
XIX
e
siècles. Cette trésorerie défaillante les empêche également
d’investir dans un nouveau modèle de production plus mécanisé.
En fait, cette manufacture rurale ne doit sa survie qu’à un soutien massif de la part de
l’Etat, qui a continué à fournir sa Marine avec des toiles à voiles de fabrication rurale, quand
les marchés étrangers se sont tournés vers les produits issus des manufactures mécanisées. Ce
type de production n’est par ailleurs pas absent de notre région, puisqu’à la fin du
surtout au début du
XIX
e
e
XVIII
et
siècle, des manufactures de ce type se sont implantées à Rennes,
mais aussi à Châteaugiron. Ces dernières, produisant des toiles « régulières » ont contribué à
affaiblir localement les débouchés des toiles « rurales », ce qui se double par une pression de
ces entrepreneurs textiles urbains – la « bande noire » – sur les pouvoirs politiques, afin qu’ils
arrêtent de soutenir la production rurale de toiles à voiles. Malgré tout, les marchands des
campagnes rennaises ont cherché des solutions à ces problèmes : amélioration de la qualité
des toiles grâce à des efforts de pédagogie auprès des paysans pour qu’ils produisent des toiles
sans défauts, adaptation de leur production à la demande du marché, voire tentative, pour une
infime minorité, d’un passage vers un système productif abandonnant le Kaufsytem au profit
du Verlagssystem. Cependant, l’abandon définitif des commandes étatiques dans les années
1860, après une dizaine d’années florissantes, sonne la fin de la production des toiles à voiles
de fabrication rurale.
A partir de l’ensemble de ces éléments, nous pouvons résumer ce qui différencie la
manufacture des toiles à voiles, et celles des « créées » et des « bretagnes » : tout d’abord, le
système productif de la manufacture des toiles à voiles s’apparente au Kaufsystem et s’appuie
largement sur la pluri-activité de ses paysans. Ensuite, les marchands de toiles ruraux sont
également des marchands-paysans pluri-actifs. Ils ne forment donc pas une caste
d’entrepreneurs toiliers à l’image des Juloded du Léon. De plus, leur rôle de marchands toiles
ruraux s’arrête aux marchés urbains des environs. Ils ne vont pas amener leur marchandise
jusqu’à Saint-Malo, comme c’est le cas pour les marchands de la manufacture des
« bretagnes ». De surcroît, la proto-industrie des toiles à voiles n’a dû sa survie, jusqu’au
milieu du
XIX
e
siècle, que grâce à un soutien actif de l’Etat. Enfin, on ne trouve pas de style
architectural spécifique aux marchands de toiles à Amanlis et les communes alentours, à
l’instar de ce que l’on peut voir à Locronan ou dans les campagnes proches de Loudéac et
Quintin. Ceux-ci n’ont, par ailleurs, pas investi directement dans l’embellissement du
patrimoine religieux paroissial, à la différence des marchands léonards avec les enclos
paroissiaux.
Conclusion | 205
Au final, nous pouvons tout de même considérer les marchands de toiles à voiles
d’Amanlis comme une petite élite rurale économique grâce à leur richesse supérieure aux
autres paysans, comme une petite élite sociale par leurs stratégies d’alliances matrimoniales et
les mariages avec d’autres notables ruraux – notaires et médecins, par exemple – et comme
une petite élite politique par leur domination sur les institutions politiques paroissiales puis
communales aux
e
XVIII
et
XIX
e
siècles. Cependant, cette petite élite rurale ne peut se
comprendre qu’à une échelle locale : au niveau de la paroisse, sous l’Ancien Régime, puis de
la commune, après la Révolution. Dès que l’on dépasse l’échelon du canton, du district, et
plus encore du département, les marchands de toiles d’Amanlis n’appartiennent plus aux élites
rurales.
Au terme de cette étude, il convient de reconnaître qu’il reste de nombreuses études à
mener sur la manufacture des toiles à voiles et ses marchands. Ceci passe très certainement
par une meilleure compréhension du monde des négociants rennais, ainsi que des
manufactures textiles rennaises, afin de mieux comprendre les interactions entre ceux-ci et le
monde rural des marchands de toiles à voiles. Il faudrait également poursuivre l’étude à une
échelle plus grande que celle de la seule paroisse/commune d’Amanlis. Nous ne prétendons
donc pas avoir construit une histoire définitive de la manufacture des toiles à voiles, mais
nous avons commencé à répondre aux interrogations et hypothèses posées par Y. Lagadec et
D. Pointeau dans leur article qui proposait, il y a cinq ans, de renouveler cette historiographie
textile de l’est breton.
Conclusion | 206
SOURCES
Sources manuscrites
Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine
Série 4B : Archives des juridictions seigneuriales
4B 30 : archives de la juridiction de Beauchesne.
4B 2688/3 : archives de la juridiction de Teillay Launay.
Série 10B : Archives du Consulat
10B 81 – n° 31 : Dossier de faillite de Pierre Guihery (et Gabrielle Geslin sa femme),
marchands à Châteaugiron, en date du 11 juin 1726.
10B 87 – n° 103 : Dossier de faillite de Jacques Gérard, marchand de toiles et sardines à Piré,
en date du 2 août 1753.
10B 93 – n° 148 : Dossier de faillite d’Olivier Bienassis, marchand de toiles à Châteaugiron,
en date du 5 février 1766.
10B 104 – n° 252 : Dossier de faillite de Jean François Leremeneux, marchand de toiles à
Châteaugiron, en date du 31 juillet 1777.
10B 117 – n° 336 : Dossier de faillite de René Albert, marchand de toiles à la Hantelle en
Amanlis, en date du 19 septembre 1783.
10B 117 – n° 338 : Dossier de faillite de Gabriel Hervouin, fabricant de toile à Châteaugiron,
en date du 11 octobre 1783.
10B 118 – n° 348 : Dossier de faillite de René Divet, marchand de toiles à Châteaugiron, en
date du 12 mai 1784.
10B 129 – n° 395 : Dossier de faillite de P.G. Morel, marchand à Janzé, en date du 29 janvier
1787.
Sources | 208
10B 134 – n° 407 : Dossier de faillite d’André Frogé, marchand de draps et soie à
Châteaugiron, en date du 31 juillet 1787.
10B 138 – n° 441 : Dossier de faillite de Jean Pelhâtre, marchand de fil aux Fourches à Janzé,
en date du 9 juin 1789.
10B 141 – n° 456 : Dossier de faillite de Jacquette Hamelin, veuve de François Marchand,
marchande à Châteaugiron, en date du 3 février 1790.
10B 144 – n° 479 : Dossier de faillite de sieur Thomas Limousin, marchand d’étoffes à
Châteaugiron, en date du 28 décembre 1790.
Série C : Administrations provinciales avant 1790, archives de l’Intendance de Bretagne
-Rapports et correspondances à propos des toiles à voiles, fond de l’intendance :
C 1531-1553 : Industrie et commerce, toiles à voiles, toiles de Bretagne, depuis 1676
(fabrication, commerce et marque).
-Registres de capitation, fond de la commission intermédiaire :
C 4002 : rôle de 1751 .
C 4005 : rôle de 1753.
C 4008 : rôle de 1754.
C 4011 : rôle de 1755.
C 4014 : rôle de 1756.
C 4017 : rôle de 1757.
C 4020 : rôle de 1760.
C 4023 : rôle de 1761.
C 4027 : rôle de 1766.
C 4030 : rôle de 1767.
C 4033 : rôle de 1769.
C 4040 : rôle de 1775.
C 4042 : rôle de 1776.
C 4044 : rôle de 1777.
C 4046 : rôle de 1779.
C 4053 : rôle de 1783.
C 4066 : rôle de 1790.
Sources | 209
Série 4E : Archives notariales
-Archives de l’étude Bergère de Janzé :
Georges Brizé (notaire à Amanlis) : 4E 4164 (1757-1768), 4E 4165 (1769-1775), 4E 4166
(1776-1785), 4E 4167 (1786-an VI), 4E 4631 répertoire (1757-1758 ; 1760-an VI).
Joseph Camu (notaire à Janzé) : 4E 4179, 4E 4180, 4E 4181, 4E 4182, 4E 4183, 4E 4184, 4E
4185, 4E 4186 (1773-1775).
Jean-Baptiste Camu (notaire à Janzé) : 4E 4187 (1787-1793).
René Camu (notaire à Janzé) : 4E 4188, 4E 4189, 4E 4190 (1790-an X).
François Couasnon (notaire à Janzé) : (1753-1779) 4E 4191, 4E 4192, 4E 4193, 4E 4194, 4E
4195, 4E 4196, 4E 4197, 4E 4198, 4E 4199, 4E 4200, 4E 4201, 4E 4202.
Benjamin Favrot (notaire à Janzé) : 4E 4203 (1777-1784).
Jean-Baptiste Gaultier : (1765-1771 ; 1773-1778 ; 1780-1790 ; an II-an III) 4E 4204, 4E 4205,
4E 4203, 4E 4204, 4E 4205, 4E 4206, 4E 4207, 4E 4208, 4E 4209, 4E 4210, 4E 4211, 4E
4212, 4E 4213, 4E 4214, 4E 4215, 4E 4216.
Pierre Jouaud (notaire à Janzé) : 4E 4217 (1784-1792).
Joseph Marie Martin (notaire à Janzé) : (1765-1774) 4E 4218, 4E 4219.
Félix Clair Julien Trévet (notaire à Janzé) : (juin 1765 ; 1766-1784) 4E 4242, 4E 4243, 4E
4244, 4E 4245, 4E 4246, 4E 4247, 4E 4248.
-Archives de l’étude Couëdro de Châteaugiron : 4E 41.
Série E dépôt administratif : Archives administratives de la paroisse
E dépôt administratif Amanlis 4 : cahier de notes diverses du secrétariat de la municipalité
d’Amanlis entre 1791 et 1794.
Sources | 210
Série 2G : Fonds paroissiaux d’Ancien Régime
2G 2 / 2 : registres de délibérations du général de la paroisse d’Amanlis : 8 juillet 1753 – 5
août 1759, 23 septembre 1759 – 19 octobre 1766, 26 février 1767 – 25 septembre 1785, 29
janvier 1786 – 8 décembre 1789.
2G2 / 3 : construction d’une sacristie 1755, réparation de l’église.
Série 2M : Nomination du personnel administratif
2M 31 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, an X – 1815.
2M 39 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, an VIII – 1813.
2M 53 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, 1821 – 1824.
2M 67 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, 1815 – 1830.
2M 82 : nomination, conseillers municipaux, Amanlis, 1830.
2M 85 : nomination, maires et adjoints, arrondissement de Rennes, 1830 – 1846.
2M 116 : nomination, maires et adjoints, Amanlis, 1852 – 1869.
Série 3M : Elections
3M 3 : Notabilité communale. Opérations préliminaires, correspondance. Arrondissement de
Rennes : fonctionnaires publics et notables élus absents, élus présents, listes arrêtées. (an IX)
3M 5 : Notabilité départementale : liste d’éligibilité départementale d’arrondissement de
Rennes et états nominatifs et numériques des notables du département. (an IX)
3M 7 : Membre du collège électorale d’Ille-et-Vilaine ; liste des plus imposés du département
; état des plus imposés non membres du collège électoral ; candidatures (an X – an XI)
3M 9 : Liste des 600 les plus imposés du département (an XII – an XIII) ; dossiers de quelques
intéressés ; liste des plus imposés : arrondissement de Rennes (an XII – an XIII).
3M 10 : Liste des membres qui composent le collège électoral du département d’Ille-etVilaine (classement alphabétique) (an XII).
Sources | 211
3M 12 : Registres civiques. Arrondissement de Rennes : canton de Janzé (Amanlis, Brie,
Janzé) (1806)
3M 14 : Liste des plus imposés, liste du collège départemental. (1810)
3M 15 : Liste des membres des collèges d’arrondissement. (1810)
3M 32 : Collèges électoraux : département. Liste des membres par arrondissement. (1815)
3M 35 : Collèges électoraux. Listes des membres. (1820)
3M 36 : Collèges électoraux. Listes des membres. (1822-1824)
3M 37 : Département et arrondissement, listes générales. (1827-1828)
3M 38 : Département et arrondissement, liste des membres. (1829)
3M 40 : Législatives, listes des électeurs. (1817)
3M 41 : Législatives, listes des électeurs. (1820)
3M 45 : Législatives, listes des électeurs. (1827)
3M 50 : Conseil général. Elections départementales. Liste des électeurs départementaux tous
arrondissement et par canton. (1833)
3M 58 : Conseil général. Elections départementales. Listes générales du jury et électeurs
départementaux par arrondissement. (1838)
3M 104 : conseils municipaux, liste des électeurs et des plus forts contribuables. (1831-1846)
Série 6M : Statistiques et démographie
6M 50 : Listes nominatives de recensement, 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861.
Série 7M : Comices agricoles
7M 64 : comice du canton de Châteaugiron.
7M 69 : comice du canton de Janzé.
Sources | 212
Série 5Mi : Registres paroissiaux et d’Etat civil
5Mi 1002, registres paroissiaux :
5Mi 1002 R 5: BMS355 (1670-1671), BMS (1696), BMS (1717-1718), BMS (1721-1733), BMS
(1734-1745).
5Mi 1002 R 6: BMS (1746-1758), BMS (1758-1764), BM (1765-1769), S (1765-26 octobre
1770), BM (janvier 1770-24 octobre 1770), BMS (27 octobre 1770-1779), BM (1780-1784),
BM (1785-1792), S (1780-1792), N356 (1793-an VIII).
5Mi 1002 R 7: M (1793-an X), D357 (1793-an X), N (an XI-1812), M (an XI-1812), D (an XI1812).
5Mi 1002 R 8: NMD (1813-1822), NMD (1823-1832), N (1833-1842).
5Mi 1002 R 9: MD (1833-1842), NMD (1843-1853), NMD (1854-1861), NMD (1862-1869).
5Mi 2, registres du greffe, complément aux registres paroissiaux :
5 Mi 2 R 1078 : BMS (1723-1775).
5Mi R 1079 : BMS (1776-1792), M (1793-an X).
5Mi 2002 R 982 : tables décennales d’Etat civil (1793-1892).
Série 2O : Administration communale
2O 2/57 : Plan du bourg d’Amanlis d’après le cadastre.
2O 70/14 : Dossier à propos de la construction d’un nouvelle halle à Châteaugiron.
2O 137/17 : Dossier à propos de la construction d’un nouvelle halle à Janzé.
Série 3P : Cadastre
3P 96 : matrice cadastrale d’Amanlis, tableau indicatif des propriétés foncières, 1837 (avec
P.V. de délimitation de la commune, 1830).
3P 644 : matrice cadastrale de Châteaugiron, 1849.
3P 5235 : plan cadastral d’Amanlis, 1837.
355
B : Baptême ; M : Mariage ; S : Sépulture
N : Naissance
357
D : Décès
356
Sources | 213
3P 5300 : plan cadastral de Châteaugiron, 1849.
Série 3Q : Bureau de l'enregistrement de Janzé, déclarations et mutations par décès:
3Q 18/283 : 12 mars 1793-6 messidor an IV.
3Q 18/284 : 6 messidor an IV-20 brumaire an VII.
3Q 18/285 : 1 frimaire an VII-30 germinal an VII.
3Q 18/286 : 1 floréal an VII-30 vendémiaire an VIII.
3Q 18/287 : 1 brumaire an VIII-10 frimaire an IX.
3Q 18/288 : 11 frimaire an IX-5 brumaire an X.
3Q 18/289 : 5 brumaire an X-22 thermidor an XI.
3Q 18/290 : 22 thermidor an XI-2 pluviose an XIII.
3Q 18/291 : 2 pluviose an XIII-20 frimaire an XIV.
3Q 18/292 : 20 frimaire an XIV-6 janvier 1807.
3Q 18/293 : 7 janvier 1807-26 août 1807.
3Q 18/294 : 26 août 1807-9 février 1809.
3Q 18/295 : 10 février 1809-31 décembre 1810.
3Q 18/297 : 10 juin 1815-8 janvier 1819.
3Q 18/298 : 8 janvier 1819-30 septembre 1822.
3Q 18/299 : 3 octobre 1822-20 août 1825.
3Q 18/300 : 22 août 1825-13 février 1828.
3Q 18/301 : 13 février 1828-25 février 1829.
3Q 18/302 : 25 février 1829-28 avril 1830.
3Q 18/303 : 28 avril 1830-16 juin 1831.
3Q 18/304 : 17 juin 1831-29 août 1832.
3Q 18/305 : 29 août 1832-11 décembre 1833.
3Q 18/306 : 11 décembre 1833-16 février 1836.
3Q 18/307 : 17 février 1836-18 juillet 1837.
Sources | 214
3Q 18/308 : 19 juillet 1837-14 novembre 1838.
3Q 18/309 : 14 novembre 1838-10 juin 1840.
3Q 18/310 : 10 juin 1840-3 février 1842.
3Q 18/311 : 3 février 1842-5 septembre 1843.
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TABLE DES GRAPHIQUES
Graphique n°1 : Evolution de la population impliquée dans la production toilière à
Amanlis……………………………………………………………………………………
19
Graphique n°2 : Evolution de la population d'Amanlis entre 1780 et 1861……………....
20
Graphique n°3 : Pièces de toiles marquées à Rennes (1748-1789)……………………….
33
Graphique n°4 : Pièces de toiles vendues à la halle de Rennes (1826-1855)……………..
34
Graphique n°5 : Evolution du nombre des communes possédant des foires et marchés
dans la manufacture des toiles à voiles (1800-1885)……………………………………...
38
Graphique n°6 : La répartition des situations professionnelles des marchands de toiles
d'Amanlis en 1791………………………………………………………………………...
60
Graphique n°7 : Capitation des marchands de toiles par rapport aux autres en 1790…….
62
Graphique n°8 : L'âge des domestiques employés par les marchands en 1846…………..
65
Graphique n°9 : Montant du capital foncier des marchands de toiles d'Amanlis à leur
décès (an III-1842)………………………………………………………………………..
67
Graphique n°10 : Endogamie géographique - Origine paroissiale ou communale du ou
de la marié(e)……………………………………………………………………………...
75
Graphique n°11 : Endogamie socio-professionnelle - La profession du marié ou du père
de la mariée lors des mariages dans les familles Arondel, Chevrel et Jouzel……….........
78
Graphique n°12 : Généalogie simplifiée de la famille Chevrel, du Gros-Chêne……........
80
Graphique n°13 : Alliances matrimoniales entre les familles Arondel et Jouzel…………
82
Graphique n°14 : Comparaison du montant du capital foncier des marchands de toiles
d'Amanlis (an
III-1842)
par rapport aux personnes ayant fait une déclaration de
mutations après décès au cours de l'année 1819 dans l'ensemble du bureau de Janzé…....
87
Graphique n°15 : Répartition des propriétés foncières des marchands de toiles selon les
différents types de parcelles dans la première moitié du
e
XIX
siècle à Amanlis, d’après
les matrices cadastrales………………………………………………………………........
92
Graphique n°16 : Répartition sociale des marchands et non marchands, à Amanlis, à
partir des sommes d'inventaires après décès (1756-1853)……………………………......
116
Tables | 226
Graphique n°17 : Les marchands de toiles au sein du général de paroisse d'Amanlis
(1780-1789)……………………………………………………………………………….
130
Graphique n°18 : Les délibérants issus de familles marchandes (1780-1789)………........ 131
Graphique n°19 : La qualité des signatures dans les délibérations du général de paroisse
à Amanlis (1750-1789)………………………………………………………………........ 139
Graphique n°20: Répartition sociale des électeurs d'Amanlis lors des élections
municipales de 1834………………………………………………………………............
149
Graphique n°21 : Répartition sociale du conseil municipal d'Amanlis lors des élections
municipales de 1834………………………………………………………………………
150
Graphique n°22 : Imposition des marchands de toiles par rapport aux autres électeurs en
1834……………………………………………………………………………………….
151
Graphique n°23 : Imposition des marchands de toiles par rapport aux autres membres
du conseil municipal de 1834…………………………………………………………......
152
Graphique n°24 : La vie politique de la famille Arondel au XIXe siècle à Amanlis…........
155
TABLE DES TABLEAUX
Tableau n°1 : L’impact de la culture chanvrière dans les inventaires après décès…..........
17
Tableau n°2 : Toiles à voiles fabriquées en 1751…………………………………………
26
Tableau n°3 : Toiles « rurales » fabriquées en 1853………………………………….......
27
Tableau n°4 : Calendrier des foires dans les communes limitrophes d’Amanlis dans les
années 1840-1850…………………………………………………………………………
39
Tableau n°5 : La diversité des situations professionnelles des marchands de toiles
d’Amanlis en 1791……………………………………………………………………......
59
Tableau n°6 : Un emploi inégal des domestiques par les marchands de toiles en 1790 et
en 1846……………………………………………………………………………………
62
Tableau n°7 : Une typologie des domestiques employés par les marchands de toiles en
1790 et en 1846…………………………………………………………………………...
63
Tables | 227
Tableau n°8 : Nombre de membres du collège électoral de 1833 pour 1 000 habitants
selon le type de cantons……………………………………………………………….......
72
Tableau n°9 : Le paysage d’Amanlis d’après le relevé cadastral de 1837………………..
89
Tableau n°10 : Les propriétés foncières des marchands de toiles à Amanlis……………..
91
Tableau n°11 : Les propriétés foncières des marchands et l’accès à l’eau…………..........
94
Tableau n°12 : L’habitat à Amanlis en 1837………………………………………….......
98
Tableau n°13 : Le classement des maisons d’habitation des marchands de toiles en
1837……………………………………………………………………………………….
99
Tableau n°14 : La ferme de Jean-François Chevrel………………………………………
100
Tableau n°15 : Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste
Boué………………………………………………………………………………………. 135
Tableau n°16 : Les signatures des membres du général de paroisse d’Amanlis (17501789)…………………………………………………………………………………….... 138
Tableau n°17 : Les signatures de marchands de toiles……………………………………
140
Tableau n°18 : La garde nationale d'Amanlis (mai 1790)……………………………..…. 144
Tableau n°19 : Le conseil municipal d'Amanlis en 1834…………………………………
150
Tableau n°20 : Les maires d'Amanlis (1790-1880)………………………………………. 153
Tableau n°21 : Les marchands de toiles en faillite entre 1726 et 1790…………………... 189
TABLE DES SCHEMAS
Schéma n°1 : Le commerce des toiles à voiles, d’Amanlis à Saint-Malo du
XVIII
e
siècle
aux années 1850………………………………………………………………………......
54
Schéma n°2 : Chronologie des chantiers relatifs à l’église paroissiale d’Amanlis (15701900)……………………………………………………………………………………… 164
Schéma n°3 : Le retable du Rosaire de la chapelle sud, un retable lavallois…………..…
172
Tables | 228
TABLE DES CARTES
Carte n°1 : La manufacture des toiles à voiles « noyales » au XVIIIe siècle…………........
15
Carte n°2 : Les foires et marchés de la manufacture des toiles à voiles au XIXe siècle…...
35
Carte n°3 : La répartition des membres du collège électoral de 1833 par canton………
71
Carte n°4 : L’endogamie géographique des marchands de toiles et de leurs descendants :
étude des familles Arondel, Chevrel et Jouzel……………………………………………
76
Carte n°5 : La diffusion des confréries du Rosaire dans les paroisses rurales du diocèse
de Rennes, de 1604 à 1709……………………………………………………………......
125
Carte n°6 : Les confréries de dévotion (hors confréries du Rosaire) érigées dans les
paroisses rurales du diocèse de Rennes au XVIIe siècle……………………………….......
127
Carte n°7 : Localisation des retables dans la manufacture des toiles à voile et dans la
périphérie………………………………………………………………………………….
Carte n°8 : Constructions et reconstructions d’églises, au
XIX
e
180
siècle, dans la zone de
production des toiles à voile et à sa périphérie………………………………………........ 182
Carte n°9 : L’origine géographique des créanciers et des débiteurs des marchands de
toiles en faillite au XVIIIe siècle (1726-1790)……………………………………………..
191
Carte n°10 : L’origine géographique des créanciers des marchands d’étoffes et de draps
en faillite au XVIIIe siècle………………………………………………………………….
192
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Illustration n°1 : Doués ou routoirs au lieu-dit Les Douëts-de-Néron à Amanlis………...
22
Illustration n°2 : Braie à broyer le chanvre……………………………………………….
23
Illustration n°3 : Rouet et travouil………………………………………………………...
24
Tables | 229
Illustration n°4 : Les anciennes halles de Janzé…………………………………………..
42
Illustration n°5 : Les anciennes halles de Châteaugiron dans la ville……………….........
43
Illustration n°6 : Plan de la halle de Châteaugiron, à l’état de projet………………..........
45
Illustration n°7 : Photos de la halle de Châteaugiron……………………………………..
46
Illustration n°8 : Plans du 2nd projet de halle de Janzé…………………………………....
49
Illustration n°9 : Carte postale de la halle de Janzé…………………………………….....
51
Illustration n°10 : Les routoirs dans les propriétés foncières des marchands de toiles…...
96
Illustration n°11 : La ferme de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron sur le
cadastre d’Amanlis en 1837………………………………………………………………
101
Illustration n°12 : La « maison neuve » de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron.
102
Illustration n°13 : Le manoir du Gros-Chêne sur le cadastre d’Amanlis en 1837…..........
103
Illustration n°14 : Plan schématique possible du manoir du Gros-Chêne………………...
104
Illustration n°15 : Les caractéristiques architecturales de la maison de Pierre Jouzel, à la
Rivière…………………………………………………………………………………….
107
Illustration n°16 : La maison Boscher-Delangle dans le bourg de Saint-Thélo, vue de la
façade sud…………………………………………………………………………………
109
Illustration n°17 : Une maison de marchand de toiles dans la Grand Rue de
Châteaugiron……………………………………………………………………………… 111
Illustration n°18 : Les hôtels particuliers des marchands de toiles quintinais……………. 113
Illustration n°19 : Bancs d’honneur dans la chapelle sud de l’église paroissiale…………
158
Illustration n°20 : La mairie-école d’Amanlis construite dans les années 1870……..…...
160
Illustration n°21 : La situation de l’église paroissiale dans le bourg d’Amanlis au
XIX
e
siècle………………………………………………………………………………………
165
Illustration n°22 : Date inscrite sur l’une des arcades de la chapelle sud………………… 165
Illustration n°23 : La chaire à prêcher…………………………………………………….
166
Illustration n°24 : Les fonts baptismaux de l’église paroissiale d’Amanlis, restaurés en
1741……………………………………………………………………………………….
167
Illustration n°25 : Plan de la sacristie reconstruite fin du XVIIIe siècle………………........ 168
Illustration n°26 : Le nouveau presbytère d’Amanlis, construit en 1779………………… 170
Illustration n°27 : Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les
années 1630-1640…………………………………………………………………………
172
Tables | 230
Illustration n°28 : Le vitrail de Saint-François-Xavier, offert par la famille JouzelArondel en 1883……………………………………………………………………..……
177
Illustration n°29 : Le vitrail de Saint-Jean-Eudes, offert par les pères Chevrel en 1883…
178
Illustration n°30 : Plan cadastral de la fabrique Des Bouillons à Châteaugiron en 1849… 198
Tables | 231
TABLE DES MATIERES
Remerciements………………………………………………………………….. 3
Avertissements …………………………………………………………………. 4
Introduction ..…………………………………………………………………… 5
Chapitre 1 – La production des toiles à voiles à Amanlis …………………. 13
3. L’IMPORTANCE DE L’ACTIVITE TEXTILE A AMANLIS ……………………………………...14
3.1. Amanlis, une paroisse au cœur de la manufacture des toiles à voiles……………...... 14
3.2. Une population paysanne entièrement impliquée dans la production des toiles…… 15
3.2.1. A travers l’étude des inventaires après décès ……………………………………… 15
3.2.2. A travers l’étude des registres de recensement …………………………………….. 18
4. LA PRODUCTION DES TOILES A VOILES …………………………………………………... 21
4.1. Du chanvre à la toile à voile ………………………………………………………………. 21
4.2. Les différentes toiles fabriquées dans les campagnes du triangle Rennes-Vitré-La
Guerche …………………………………………………………………………………….... 25
Chapitre 2 – D’Amanlis à Saint-Malo : le commerce des toiles à voiles .… 28
1. UN NOMBRE DE MARCHANDS IMPORTANT POUR UNE PRODUCTION TOILIERE MAJEURE ….. 29
1.1. Amanlis, vivier de marchands de toiles ………………………………………………….. 29
1.2. L’évaluation des ventes de toiles au fil des années …………………………………….. 31
2. LIEUX ET MOMENTS DE RENCONTRE DES MARCHANDS DE TOILES ………………………. 34
2.1. Foires et marchés : moments de rencontre des marchands……………………………. 34
2.2. Les halles : principaux lieux de rencontre des marchands ……………………………. 40
2.2.1. Des anciennes halles seigneuriales ………………………………………………… 40
2.2.2. Vers la construction de halles modernes dans les années 1850 …………………..... 44
Table des matières | 232
3. UN CIRCUIT DES TOILES : D’AMANLIS A SAINT-MALO ………………………………….. 52
Chapitre 3 – Les marchands de toiles : un groupe social à part entière ? .. 57
1. Un groupe social professionnellement et financièrement très hétérogène ……………… 58
1.1. « Marchands de toiles » : une seule profession, mais des situations diverses ……... 58
1.2. Les marchands de toiles face à une richesse inégale ………………………………….. 61
1.2.1. Une inégalité face à la capitation …………………………………………………. 61
1.2.2. Un emploi inégal de domestiques par les marchands de toiles …………………… 62
1.3. … jusqu’à leur mort ………………………………………………………………………… 65
2. UN GROUPE SOCIAL A L’ECART DES ELITES DEPARTEMENTALES ………………………… 68
2.1. Les marchands de toiles d’Amanlis : une élite seulement locale à l’échelle de
l’Ille-et-Vilaine ……………………………………………………………………………... 68
2.2. Un monde rural globalement en marge des élites départementales………………….. 69
3. « SE MARIER ENTRE SOI » : UN MOYEN DE CONFORTER SA POSITION SOCIALE ET DE
CONSTRUIRE DES RESEAUX ……………………………………………………………..... 73
3.1. Amanlis, une société rurale endogame …………………………………………………... 74
3.1.1. L’endogamie géographique ……………………………………………………..… 74
3.1.2. L’endogamie sociale et professionnelle …………………………………………... 78
3.2. Alliances matrimoniales et mariages « en familles » ………………………………… 79
Chapitre 4 – Le patrimoine foncier, immobilier et mobilier des marchands
de toiles ……………………………………………………………………… 85
1. UNE PETITE ELITE ECONOMIQUE LOCALE BASEE SUR LA PROPRIETE FONCIERE ? ……….. 86
1.1. Un patrimoine foncier plus important que la moyenne ……………………………… 86
1.2. Des propriétés foncières intégrées dans un paysage de bocage …………………… 88
1.3. Les propriétés foncières de quelques marchands de toiles ………………………….. 90
1.3.1. Des propriétés foncières de tailles variables ……………………………………… 90
1.3.2. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières ……... 92
1.3.3. Disposer d’un accès à l’eau grâce à la localisation des propriétés foncières …….
94
2. LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES MARCHANDS DE TOILES …………………………….... 97
Table des matières | 233
2.1. Des maisons de marchands entre simples exploitations agricoles et maisons de
bourgeois ruraux ………………………………………………………………………….. 97
2.1.1. Quelles types de propriétés immobilières possèdent les marchands ? ……….
97
2.1.2. L’exploitation agricole de Jean-François Chevrel ……………………….…..
100
2.1.3. La maison bourgeoise de Jean-Baptiste Chevrel ………………………….….
103
2.2. Existe t-il un patrimoine toilier original à la manufacture des toiles à voiles ?.... 106
2.2.1. Un style « marchand de toiles » à Amanlis ? ………………………………….
106
2.2.2. Maisons marchandes à pan-de-bois de Châteaugiron vs. hôtels marchands en
pierre de Quintin …………………………………………………………….......
110
3. LE PATRIMOINE MOBILIER DES MARCHANDS DE LA MANUFACTURE DES TOILES A
VOILES …………………………………………………………………………………
114
3.1. Un patrimoine mobilier plus important que la moyenne ……………………………. 115
3.2. Des inventaires après décès révélateurs d’une certaine notabilité rurale ?.......... 117
Chapitre 5 – Les marchands de toiles : une élite politique locale ………. 120
1. LES MARCHANDS DE TOILES AUX COMMANDES DE LA PAROISSE ………………………. 121
1.1. La paroisse : cadre politique et religieux de la société amanlisienne …………..…. 121
1.1.1. Le cadre politique de la paroisse : général, fabrique et missions fiscales ……
121
1.1.2. Le cadre religieux : les confréries de dévotion …………………………………
123
1.2. Les marchands de toiles et le contrôle de la paroisse ……………………………….. 129
1.2.1. Le contrôle des institutions politiques ………………………………………….
129
1.2.2. Le contrôle des confréries ………………………………………………………
132
1.2.3. Les carrières paroissiales de Jean-Baptiste Chevrel et de Jean-Baptiste Boué,
dans les dernières décennies de l’Ancien Régime ……………………………...
133
1.3. Les marchands de toiles face à l’écrit…………………………………………………... 136
1.3.1. L’étude des signatures ………………………………………………………….
137
1.3.2. Quelle instruction pour les marchands de toiles? ………………………………
140
2. LES MARCHANDS DE TOILES FACE A LA REVOLUTION FRANÇAISE ……………………… 143
2.1. La garde nationale, pré carré des marchands de toiles ………………………………143
2.2. Tensions idéologiques autour du pouvoir municipal ………………………………… 145
Table des matières | 234
2.3. Des marchands de toiles peu présents dans l’administration du district
de La Guerche et du canton de Janzé…………………………………………………… 146
2.3.1. Le conseil et le directoire du district de La Guerche …………………………...
146
2.3.2. La municipalité du canton de Janzé …………………………………………...
147
3. L’EMPRISE DES MARCHANDS DE TOILES SUR LA VIE MUNICIPALE AU COURS DU
PREMIER XIX SIECLE ………………………………………………………………….
E
148
3.1. La domination d’un groupe social sur la vie municipale ………………………...…..148
3.2. Des marchands à la tête de la municipalité …………………………………………… 153
3.2.1. Des maires puissants et influents localement ………………………………….
153
3.2.2. L’omniprésence de la famille Arondel du Talus dans la vie municipale ……..
154
Chapitre 6 – Les marchands et le patrimoine religieux …………………. 162
1. LE PATRIMOINE RELIGIEUX D’AMANLIS ……………………………………………...… 164
1.1. Les grandes phases de constructions religieuses et d’embellissement
artistique à Amanlis……………………………………………………………………….. 164
1.1.1. L’église Saint-Martin d’Amanlis : quatre siècles de chantiers paroissiaux …...
164
1.1.2. « L’affaire du presbytère » : le clergé à l’initiative d’un chantier paroissial ….
168
1.2. Les retables lavallois d’Amanlis : apogée de l’embellissement artistique
de la paroisse ?........................................................................................................ 171
1.2.1. Description des trois retables lavallois …………………………………………. 171
1.2.2. Un art de la Réforme catholique venu du Bas-Maine ………………………...
173
2. QUELLES INFLUENCES ONT EU LES MARCHANDS DE TOILES SUR L’ART
RELIGIEUX PAROISSIAL
? ………………………………………………………….…... 175
2.1. Une influence indirecte par l’intermédiaire des institutions paroissiales …..….… 175
2.2. Une influence directe limitée : l’exemple de la construction de deux vitraux.…..... 175
3. UN LIEN ENTRE PROSPERITE TOILIERE ET CHANTIERS PAROISSIAUX DANS LES
PAROISSES RURALES DE LA MANUFACTURE DES TOILES A VOILE
? ………………….… 179
3.1. Les retables lavallois, symbole du lien entre prospérité toilière et
dépenses artistiques ?............................................................................................... 179
3.2. Conserver ou reconstruire l’église paroissiale au XIXe siècle : un choix
artistique ou un choix économique ?........................................................................ 181
Table des matières | 235
3.3. La manufacture des toiles à voile : un modèle spécifique d’investissement
artistique ?................................................................................................................. 184
Chapitre 7 – Le destin d’une activité « fragile » : vers la disparition des
toiles à voiles dans les années 1860 …………………………………………187
1. LES CAUSES STRUCTURELLES …………………………………………………………. 188
1.1. L’endettement responsable de faillites de marchands………………………………… 188
1.1.1. Quels types d’endettement ? …………………………………………………....
188
1.1.2. L’origine géographique des créanciers …………………………………………
190
1.2. Un commerce affaiblit par les fraudes et les malfaçons …………….………………..193
2. LA CONCURRENCE NOUVELLE DES TOILES « MECANIQUES » ……………….…………. 195
2.1. La lente structuration d’une nouvelle concurrence : les toiles
mécaniques des industries urbaines …………………………………………………….. 195
2.1.1. La manufacture de la Piletière : les débuts d’une production mécanisée des
toiles à voile à Rennes ………………………………………………………….
195
2.1.2. Le développement des manufactures toilières urbaines au XIXe siècle ……….
196
2.1.3. De rares initiatives locales : Des Bouillons à Châteaugiron …………………...
197
2.2. Des toiles « noyales » aux toiles « rurales » : les marchands ruraux face au
déclin de la manufacture …………………………………………………………………. 198
2.2.1. Les toiles rurales : vers une amélioration qualitative de la production ……….
199
2.2.2. Les tentatives d’adaptation de quelques marchands ruraux ……………..……
200
2.2.3. 1840-1860 : un dernier sursaut pour les toiles rurales grâce au soutien de l’Etat… 201
Conclusion générale …………………………………………………………. 203
Sources ………………………………………………………………………. 208
Bibliographie ………………………………………………………………… 216
Tables ………………………………………………………………………... 226
Table des matières …………………………………………………………… 232
Table des matières | 236
Résumé :
Les
e
XVI
et
e
XVII
siècles ont vu émerger, dans les campagnes du sud-est de Rennes,
une zone de production toilière particulièrement dynamique. Centrée sur les paroisses de
Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Janzé et Piré-sur-Seiche, la manufacture des
« noyales » est destinée à la fabrication et au commerce de toiles à voiles.
C’est à l’étude des mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de cette
manufacture toilière, moins bien connue que les deux manufactures linières des « crées » dans
le Léon et des « bretagnes » dans le Centre-Bretagne, que ce travail est consacré. De plus,
cette recherche entend se concentrer sur les acteurs majeurs de cette production toilière : les
marchands ruraux de toiles à voiles. L’analyse de ce groupe social, mal identifié, tourne
autour d’une question centrale : forment-ils une petite élite rurale économique, sociale et
politique à l’échelle de leur paroisse au
e
XVIII
siècle, puis de leur commune au
XIX
e
siècle,
voire au-delà ?
Mots-clés :
Amanlis, marchands de toiles, élite rurale, proto-industrie textile, toiles à voiles, chanvre
Université Rennes 2 – Haute Bretagne
Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO
Thomas P ERRONO
Les marchands de toiles d’Amanlis
Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles
1750 – v. 1900
Sous la direction de M. Yann LAGADEC
Master 2 Histoire, sociétés et cultures
Septembre 2011
Université Rennes 2 – Haute Bretagne
Centre de recherches historiques de l’Ouest – CERHIO
Thomas P ERRONO
Les marchands de toiles d’Amanlis
Une petite élite rurale au cœur de la manufacture des toiles à voiles
1750- v. 1900
Tome 2
Sous la direction de M. Yann LAGADEC
Master 2 Histoire, sociétés et cultures
Septembre 2011
En couverture : Carte postale de la halle de Janzé, début du XXe siècle, éd. Mary-Rousselière, Rennes.
ANNEXE N°1
La production des toiles en Bretagne du XVIe au XVIIIe siècle
Source: TANGUY Jean, Quand la toile va. L’industrie toilière bretonne du 16 e au 18e siècle, Rennes, éd. Apogée, 1994, p. 12.
Annexe n°1 | 3
ANNEXE N°2
Liste des marchands de toiles d’Amanlis en 1791
(ADIV, E dépôt administratif Amanlis 4)
Nom
Albert
Albert
Barbier
Barbier
Belloir
Benard
Berthiau
Bigot
Bigot
Boüe
Boüe
Boüe
Brizé
Brizé
Brizé
Brossault
Brossault
Bustault
Chailleux
Châtellier
Chevrel
Chevrel
Chevrel
Croyal
Debroize
Desiles
Faucheux
Garnier
Garnier
Garnier
Gilbert
Grée
Guibour
Guyené
Haslé
Prénom
Jean
François
Jean
René
Louis
Toussaint
Charles
Pierre
Jean
Jean
Emmanuel
Jean-Baptiste
Antoine
Georges
Georges
Jean
Jullien
Théodore
Paul
Félicien
Jean-Baptiste
Jean-François
Joseph
Jean père
Joseph
Jean
Jean
Jean
René
Charles
Jean-Baptiste
Pierre
Joseph
Charles
René
Lieu d’habitation
Séran
Séran
Les Tais
Les Musses
La Haute Touche de Nairon
Laval
Les Tais
Le Cormier
Les Ouches
Le Cotterel
Séran
Bourg
La Piardière
Le Jarrot
La Piardière
Villarcel
Haut Jussé
Le Gripail
Laval
Séran
Le Gros-Chêne
Nairon
La Piardière
Le Gripail
Bourg
Laval
Laval
Le Bois-Robert
Nairon
Laval
Vasselot
Bourg
Séran
Nairon
Lessart
Professions mentionnées
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de toiles fils et autres denrées
cabaretier / marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
charron et marchand de fils et bois
menuissier et marchand de fils et bois
marchand de fils et toiles
marchand de fils / notaire
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles / menuisier
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de fils et toiles et menier
marchand de fils et toiles
marchand de fils
marchand de toiles et fils
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles / cordonnier
marchand de fils et toiles
marchand de fil
marchand de fils et toiles
Annexe n°2 | 4
Hazard
Herrault
Jamier
Jamier
Jamois
Jouzel
Loüis
Paul
Georges
Jean
Georges
Georges
Pierre
Jullien
La Pucelais
Laval
Laval
Laval
Le Pré du Verger
Nairon
Nairon
Loüis
Lussot
Maleuvre
Martin
Menard
Meslet
Micault
Morin
Paris
Paris
Perrichon
Ricard
Robert
Robert
Robert
Tortellier
Vallée
Veillaux
Veilleaux
Viel
Georges
Nicolas
Pierre
Charles
Jacques
Jean
Jean
François
Jean père
Pierre
Alexis
Jullien
René
Joseph
Georges
François
Jacques
Joseph
Jean
René
Bellemotte
Les Basses Landes
Les Musses
Les Cours Ravoües
Cahan
Laval
Le Paty Loyer
Touche-Ronde
Chaufour
Chaufour
Séran
Le Talut
Le Bois Tilleul
La Rivière de Nairon
La Trincandière
Le Vinoux
Le Jarrot
Villarcel
Lessart
L’Ombrière
marchand de fils et toiles
marchand de toiles et fils et tisserand
marchand de toiles et fils et tisserand
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de fils et toiles
marchand de fils
marchand tanneur et marchand de toiles
et fils et autres denrées
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
tisserand et marchand de toiles
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de toiles et fils
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles et tisserand
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fils et toiles
marchand de fil
Annexe n°2 | 5
ANNEXE N°3
Liste des marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle
(ADIV, 6M 50)
Recensement de 1841 :
Nom
Belloir
Belloir
Belloir
Belloir
Belloir
Rezé
Viel
Prénom
Célestin (père)
Célestin (fils)
Jean-Marie
Jeanne-Marie
Rose
Joseph
Joseph
Lieu d’habitation
Villarcel
Villarcel
Villarcel
Villarcel
Villarcel
Les Ouches
Bourg
Professions mentionnées
Marchand
Marchand
Marchand
Marchande
Marchande
Marchand
Marchand
Lieu d’habitation
Le Talus
Villarcel
Bourg
Le Coterel
Bourg
Bourg
Néron
Bourg
Bourg
Professions mentionnées
Marchand
Marchand
Marchand de fil
Marchand de toiles
Marchand - tailleur
Marchand
Propriétaire et marchand
Marchand
Marchand
Lieu d’habitation
Villarcel
Bourg
Piolaine
Bourg
Bourg
Professions mentionnées
Marchand
Marchand de fil
Cultivateur marchand
Marchande et buraliste
Marchand et buraliste
Recensement de 1846 :
Nom
Arondel
Belloir
Bouthemy
Croyal
Dufil
Garnier
Jouzel
Louis
Viel
Prénom
Désiré
Jean-Marie
François
Jean-Baptiste
Julien
Benjamin
René
Joseph
Joseph
Recensement de 1851 :
Nom
Belloir
Bouthemy
Bouyaux
Chauvigné
Dufil
Prénom
Jean-Marie
François
Ambroize
Jeanne
Julien
Annexe n°3 | 6
Recensement de 1856 :
Nom
Albert
Arondel
Belloir
Bouthemy
Chevrel
Chevrel
Domaigné
Dufil
Jouzel
Lebeau
Renault
Viel
Prénom
Jean
Désiré
Marie
François
Jean-Marie
Adolphe
Pierre
Ferdinand
François
Jean-Baptiste
Joseph
Joseph
Lieu d’habitation
Bourg
Le Talus
La Touche de Néron
Bourg
Néron
Belle Motte
Gros-Chêne
Bourg
Néron
Laval
Bourg
Bourg
Professions mentionnées
Marchand
Marchand et agriculteur
Marchand
Marchand de fil
Marchand
Marchand
Marchand et propriétaire
Marchand
Marchand et cultivateur
Marchand
Marchand
Marchand
Lieu d’habitation
Le Talus
Professions mentionnées
Agriculteur marchand
Marchand
Marchand
Marchand
Marchand
Marchand
Fabricant
Marchand
Marchand
Recensement de 1861 :
Nom
Arondel
Belloir
Boulet
Chevrel
Desbois
Dufil
Jouzel
Renault
Viel
Prénom
Désiré
Jean-Marie
Louis
Jean-Marie
Jacques
Ferdinand
François
Joseph
Joseph
Bel-Air
Néron
Néron
Bourg
Bourg
Néron
Bourg
Bourg
Annexe n°3 | 7
ANNEXE N°4
La localisation des marchands d’Amanlis en 1791 et 1856
Légende :
Annexe n°4 | 8
ANNEXE N°5
Rôles de capitation de 1783 et 1790
(ADIV, C 4053 et C 4066)
Noms des contribuables
TRAIT DU BOURG
René Garnier
Une servante
Baptiste Boué (trait de Teillay en 1783)
Louis Beloir
Une servante
Pierre Grées (trait de Toucheronde en 1783)
Charles Martin
Pierre Bigot (trait de Teillay en 1783)
Jean Bigot
Jean-Baptiste Chevrel
Un domestique
Un autre domestique
Un tisserand
Une servante
Joseph Guibourd
Un tisserand
Un domestique
Une servante
Un valet
René Desisles
Un tisserant
Une servante
Alexis Pesruchon
Emanuel Boüe
François Albert
Une servante
Jean Paris
Un valet
Un tisserand
Paul Hasard
Un tisserant
Une servante
René Robert
Un tisserand
Deux domestiques
Un valet
Un autre valet
Une servante
Jean Brosseau femme et ses deux fils
Sommes de la capitation
1783
1790
5L.
3L.
3L.
1L. 10s.
11L.
29L.
2L. 10s.
1L. 10s.
3L.
2L.
10L.
2L.
1L.
1L.
7L.
2L.
2L.
2L.
18L.
2L.
3L.
9L.
9L.
3L.
4L.
2L.
6L.
1L.
5L.
6L.
1L. 10s.
3L.
5L.
9L.
3L.
La veuve Chevrel :
25L.
2L.
1L.
2L. 10s.
1L. 10s.
9L.
2L.
1L. 10s.
6L.
2L.
2L.
2L.
3L. 10s.
1L. 10s.
13L.
1L. 10s.
8L.
2L.
1L. 10s.
9L.
2L.
1L.
1L. 10s.
4L.
Annexe n°5 | 9
TRAIT DE NERON
Jean Desisles
Une servante
Julien Louis
Un valet
Un domestique
Une servante
René Garnier (trait de la Rivière en 1783 –
Gripail)
Une servante
François Chevrel
Une servante
Pierre Jozel
Joseph Robert
Un tisserand
Un valet
Un domestique
Une servante
TRAIT DE TEILLAIS
Charles Bertiaud
Une servante
Jean Barbier
Une servante
Les mineurs de Charles Bertiaud
René Haslé
Une servante
Jean Boué
Une grande servante
Une servante
Pierre Maleuvre
TRAIT DE TOUCHERONDE
Jean Boué du Coterel
Un domestique
Une servante
François Morin
Deux servantes
Un tisserant
Un valet
Léonard Ruffeaut (Lussot)
Un valet
Un tisserant
Un domestique
Une servante
Une autre servante
François Tortelier
Une servante
Julien Louis son fils
Julien Brosseau
Une servante
Un valet
3L. 10s.
1L.
17L.
2L.
15L. 10s.
2L.
12L.
1L.
7L. 10s.
12L.
3L.
1L.
1L. 10s.
7L.
2L.
2L. 10s.
8L.
7L. 15s.
2L.
1L.
2L.
17L. 10s.
4L.
2L. 10s.
2L.
7L.
2L.
2L.
1L. 10s.
7L.
2L.
2L.
15L.
1L. 10s.
1L.
1L. 10s.
12L.
2L.
1L.
5L.
6L.
6L.
10L.
2L.
1L.
3L.
1L. 10s.
6L. 10s.
1L. 10.s
3L.
4L.
1L. 10s.
8L.
1L. 10s.
3L.
5L.
2L.
1L. 10s.
18L.
3L.
2L.
5L.
2L.
2L.
1L. 10s.
7L.
1L. 10s.
2L.
13L.
1L. 10s.
Annexe n°5 | 10
Nicolas Luçsau
Martin Morin
Un valet
Un tisserant
Une servante
Georges Louis
Un tisserand
Jean Micault
Julien Ricard
Une servante
Un domestique
Deux servantes
René Viel
TRAIT DE LA RIVIERE
Georges Robert
Un tisserand
Un valet
Deux domestiques
Une servante
Teodore Buteau
Jean Croyal père
Un valet
Jean Croyal fils
Deux servantes
Jean Meslet
Une servante
Jacques Menard
Jacques Vallée
Joseph Chevrel (trait de Teillay en 1783 ?)
Antoine Brizé
Un domestique
Georges Brizé
Une servante
La veuve Joseph Chevrel
Georges Jamois (trait du bourg en 1783)
Une servante
Jean Garnier
9L.
15L. 10s.
1L. 10s.
6L.
1L. 10s.
9L.
1L. 10s.
7L.
12L.
1L. 10s.
1L.
5L.
1L. 10s.
10L.
2L.
3L.
2L.
9L. 10s.
3L.
1L.
2L.
16L.
1L.
9L.
4L.
1L. 10s.
3L.
6L.
6L.
3L.
7L.
2L.
11L. 10s.
1L.
9L.
1L. 10s.
7L.
9L.
3L.
1L. 10s.
7L.
La veuve Jean Meslet :
4L.
10L.
2L.
3L.
5L.
2L.
5L.
1L. 10s.
2L.
2L.
La veuve Jean Garnier :
4L.
TRAIT DE LAVAL
Toussaint Besnard
Une servante
Jean Desisles
Jean Faucheux
Un farinier
Georges Herault
Georges Jamier
Jean Louis Jamier
Charles Garnier
15L.
2L.
6L. 10s.
1L.
2L. 10s.
18L.
3L. 10s.
8L.
3L.
1L. 10s.
1L.
3L.
3L.
Annexe n°5 | 11
ANNEXE N°6
La répartition des marchands selon leur capital foncier, d’après les
registres de mutations après décès
(ADIV, 3Q 18/283 à 3Q 18/311)
Date de la déclaration
4 thermidor an 3
12 frimaire an 5
23 messidor an 6
21 thermidor an 6
9 fructidor an 6
6 nivôse an 7
16 pluviôse an 7
3 germinal an 8
2 vendémiaire an 9
6 brumaire an 10
24 brumaire an 10
25 prairial an 10
27 fructidor an 10
8 pluviôse an 11
21 fructidor an 12
9 floréal an 13
27 messidor an 13
27 mai 1807
6 juillet 1807
25 novembre 1807
19 avril 1809
24 octobre 1810
4 novembre 1816
25 mars 1818
22 avril 1818
23 juin 1819
18 janvier 1820
12 juillet 1820
3 août 1820
15 janvier 1823
11 avril 1823
22 octobre 1828
4 novembre 1829
25 mai 1831
Nom du décédé
Jan Desilles
Antoine Brizé
Georges Loüis
Jan Paris
François Morin
René Hallé
Julien Louis
Toussaint Benard
Jan Croyal père
Jean Bigot
Pierre Bigot
Jean Veillaut
Georges Robert
Jean Baptiste Boué
Joseph Veillaut
Georges Jamier
Jacques Vallée
René Robert
Joseph Robert
Alexis Perrichon
Joseph Debroise
Jullien Ricard
Jean Micault
Emmanuel Boué
Georges Brizé
Jean Garnier
François Tortellier
Nicolas Lussot
François Albert
Charles Berthiau
Jean Boué
Jean Albert
Paul Hazard
Pierre Jouzel
Somme (fr.)
1308,4
6025
0
5500
14425
1232
4573
11898
8470
0
3000
2232
2908
14400
300
0
0
400
3420
1200
6650
6040
5135
0
2594
1800
2640
2840
5040
11990
2760
3501,2
5400
11000
Annexe n°6 | 12
22 février 1832
5 décembre 1832
26 décembre 1833
10 février 1834
24 juin 1836
28 juin 1837
5 avril 1842
Georges Brizé
Georges Jamois
Joseph Chevrel
Pierre Antoine Arondel
Jean-Baptiste Chevrel
Louis Belloir
Jean-François Chevrel
2566,65
780
1200
3230
7110
0
23209,6
Annexe n°6 | 13
ANNEXE N°7
Généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne
Annexe n°7 | 14
Annexe n°7 | 15
Annexe n°7 | 16
Annexe n°7 | 17
Annexe n°7 | 18
ANNEXE N°8
Généalogie de la famille Jouzel
Annexe n°8 | 19
Annexe n°8 | 20
Annexe n°8 | 21
Annexe n°8 | 22
ANNEXE N°9
Généalogie de la famille Arondel
Annexe n°9 | 23
Annexe n°9 | 24
ANNEXE N°10
Propriétés foncières de Jean-Baptiste Chevrel
(ADIV, 3P 96 et 3P 5235)
Carte : Thomas Perrono
Annexe n°10 | 25
ANNEXE N°12
Propriétés foncières de Pierre-Antoine Arondel
(ADIV, 3P 96 et 3P 5235)
Carte : Thomas Perrono
Annexe n°12 | 27
ANNEXE N°13
Répartition du parcellaire des propriétés foncières
des marchands de toiles
(ADIV, 3P 96)
Annexe n°13 | 28
ANNEXE N°14
Inventaire après décès de Jean-François Chevrel
Transcription de l’inventaire après décès des biens de Jean-François Chevrel, en
date des 5-6 novembre 1841
ADIV, 4E 4316, 12 folios
L’inventaire après décès a été transcrit dans son intégralité.
La mise en forme se veut la plus fidèle possible à la source.
Règles de transcription :
-
Maitre : les abréviations ont été développées, elles sont signalées par un texte en
italique.
-
Amanlis : les majuscules ont pu être ajoutées aux noms propres, elles sont
signalées par un caractère gras.
-
[correction
apportée en marge du texte:
François] : des corrections apportées par le
notaire en marge ou des commentaires permettant de comprendre le texte ont été
insérés entre crochets.
-
Nous avons choisi de transcrire les mots rayés par le notaire. De la même façon, ils
ont été rayés dans la transcription.
[folio 1]
Le 6 novembre 1841
L’an mil huit cent quarante & un, le
cinq novembre.
A la requête :
1° Du sieur Jean-Baptiste Chevrel, cultivateur,
Annexe n°14 | 29
demeurant aux Douets de Nairon, commune d’Amanlis,
2° De Jeanne-Marie Chevrel, veuve du sieur
Francois Jouzel, cultivatrice, demeurant à la Ferronnerie,
commune d’Amanlis.
3° Du sieur Augustin Garnier, proprietaire
demeurant à Janzé, enfant né du mariage de feux
Elisabeth Chevrel & Augustin Garnier.
Les dits Jean-Baptiste, Jeanne-Marie
et Elisabeth Chevrel frère & sœurs germains
nés du premier mariage de feux Jean-Francois
Chevrel avec Anne Cosnard.
4° Du sieur Pierre Chevrel & Jean Chevrel,
cultivateurs, demeurant au dit lieu des Douets
de Nairon, commune d’Amanlis
Et 6° Du sieur marie [correction apportée en marge du texte: François] Chevrel, cultivateur,
demeurant au dit lieu des Douets de Nairon, mineur
émancipé de justice, assisté & autorisé de M. Prosper
Menard prelembert propriétaire, demeurant aux
Ormeaux midi commune de Janzé, son curateur, les dits
François Pierre & Jean & Marie Chevrel
frères germains nés du second mariage du dit
feu Jean François Chevrel avec Marie Monnier,
Les dits Jean –Baptiste, Jeanne-Marie,
Elisabeth Pierre, Jean & Marie Chevrel,
habiles à se dire & porter héritiers conjointement
avec le dit Augustin Garnier, représentant
Elisabeth Garnier Chevrel, sa mère, pour
Annexe n°14 | 30
un sixième chacun dans la succession du dit
feu Jean-François Chevrel, leur père commun.
A la conservation des droits et intérêts des parties
et de tous autres qu’il appartiendra, il va être par
Maitre Joseph-Julien Chapon, notaire à Janzé (Ille
-&-Vilaine) soussigné, procédé au dit lieu des
Douets de Nairon, commune d’Amanlis, à l’inventaire
fidèle & description exacte des meubles et effets
mobiliers, titres & renseignements dépendant de la
[folio 2]
communauté qui a eu cours entre le dit Jean-François
Chevrel & Marie Monnier sa dernière épouse : tous les
deux décédés.
Et sur la représentation de ces meubles et
effets mobiliers, qui va être faite par les dits Pierre
Jean et Marie Chevrel, qui ont eu depuis le déces
de leur père, la garde verbale des dits meubles, lesquels
ont promis tout montrer, indiquer & déclarer,
La prisée des choses [note en marge : sujettes à l’estimation] va être faite par le notaire
soussigné, concurremment avec M. Jean-Francois
Bonyaux, expert, demeurant à la Herverie, commune
de Piré, choisis par les enfans du second lit, et
avec M. Paul-Jean-François Hervouin, greffier
de la justice de paix du canton de Janzé, expert
convenu & choisi par les enfans du premier lit ;
lesquels ont promis estimer les objets à leur juste
Annexe n°14 | 31
valeur, en suivant le cours du tems actuel
Dans la maison de demeure
une cremaillère réscurér trois francs & demi
3.50
un gril des pinces un francs & demi
1.50
une pierre à galette, trépied, tournette
1
&
galettier, huit francs
8.
une casserole, une écumoire, deux
francs & demi
2.50
la grande marmite & couvert deux
francs & demi
2.50
la petite et son couvert, deux francs
et demi
2.50
la choiné [chaine ou chenêt] des chaudrons d’airain noirici
quatre francs
4.
le second idem, deux francs & demi
2.50
un pöelon & un clou un franc
1.
un poële à frire, deux francs & demi
2.50
un chaudron d’airain jaune, la choiné [chaine ou chenêt]
cinq francs
5.
La deuxième choiné [chaine ou chenêt] idem quatre francs
et demi
4.5
une vieille grande poêle chaudrière,
trente francs
30.
un soufflet, une […] en bois & un panier
à reporter a
70.00
1
Un dévidoir sert à dévider du fil, de la laine, du coton. C’est un instrument en bois tournant sur des pivots.
LITTRE Emile, Dictionnaire de la langue française, 1863-1872.
Annexe n°14 | 32
[folio 3]
Report a
de provision, deux francs
70
2.
Un bois de bit au nord, paillasse, ballière,
traversin en balle, deux oreillers de plume,
couverture de laine, carrée vergette, plafond
tour & rirdeaux de ras vert, vingt-quatre
francs
24.
Bois de lit à l’ouest, paillasse, ballière,
couette de plume, couverture de laine, un traversin,
& deux oreillers de plume carrée, vergettes, pentes
en coton plummé & rideaux en ras vert, quatre-vingt
dix francs
90.
La meilleure demi-armoire, vingt-sept
francs
27.
La moindre idem, cinq francs
5.
Une grande armoire sculptée, douze francs
12.
Une horloge & sa boite vingt francs
20.
Une longue table, un franc cinquante centimes
1.50
Douze chaises, six francs
6.
Dans la maison neuve.
Un bois de lit au nord, paillasse, ballière,
couette de plume, quatre oreillers de plume, couverture
de laine verte, carrée, vergette, pentes & rideaux de
coton flammé, cent trente-quatre francs
134.
Bois de lit au midi, paillasse, ballière,
couette de plume, couverture de laine, un traversin
Annexe n°14 | 33
& deux oreillers de plume, carrée vergettes, pentes
& rideaux de coton flammé, centre trente-cinq francs
135.
Un bois de lit à l’ouest, paillasse, ballière,
couette de plume, couverture de laine, quatre oreillers
de plume, carrée, vergette, pentes & rideaux de
coton flammé, soixante-cinq francs
65.
La demie-armoire, vingt francs
20.
Une hache à lait, douze francs
12.
Une grande armoire à fiche de longueur,
cent cinq francs
105.
Une autre grande armoire, trente-huit
francs
38.
Une longue table & son banc, dix francs
10.
Une petite table, cinq francs
5.
Un rouet à dévider, étagère et piron, cinq
francs
5.
à reporter a
786.50
report a
786.50
[folio 4]
Douze chaises, dix francs
10.
Des balances, fléaux, crochets cordages &
poids, seize francs
16.
Tout le fil écru, cent quarante-cinq
francs cinquante centimes
145.50
Trois toiles chez René Jouzel, quatre
cent trente francs.
430.
Annexe n°14 | 34
Deux idem chez Davignon, deux cent
soixante-&-un francs
261.
Une idem chez Prioult-Hairault, soixante
seize francs vingt-cinq centimes
76.25
Une idem chez Vaurais cente trente&-un francs
131
Le fil destiné pour faire une toile,
cent trente-&-un francs
131
Centre trente six kilogramme de chanvre
en poupée (compris celui au fillage) cent
quarante-neuf francs soixante centimes
149.60
Dans la buanderie.
La meilleure faux & les moindre battment,
quatre francs
4.
La moindre idem & la meilleurs battemens
quatre francs
La meilleur tranche, deux francs
4.
2.
La seconde idem, un franc quatre-vingt
dix centimes
1.90
La hache/huche à terre, un franc & demi
1.50
La huche à poing un franc & quart
1.25
Un faucillon, un franc
1
Un croc, soixante-quinze centimes
.75
Une fourche de fer un franc soixante
quinze centimes
1.75
Autre idem un franc & quart
1.25
La meilleur houe, deux francs
2.
Annexe n°14 | 35
Les deux moindres, deux francs et demi
2.50
Le meilleur rateau cinquante centimes
.50
Une pelle dont le manche est cassé, deux
francs
2.
Quatre faucilles deux francs
2.
à reporter a
2165.65
report a
2165.65
[folio 5]
Une bombe de vitriole, vingt huit francs
28.
Un vaissellier, deux francs cinquante
centimes
2.50
Une barate, plat à beurre et cuiller, sept francs
7.
Un charnier à bœuf, six francs
6
Le charnier à lard & la viande qu’il contient,
cinquante dans le cellier francs
Un tonneau numéro un, huit francs
50.
8.
Dans le cellier.
Tonneau numéro deux, huict francs
8
Tonneau numéro trois, neuf francs
9
Tonneau numéro quatre, neuf francs
9.
Tonneau numéro cinq, sept francs
7.
Tonneau numéro six, quinze francs
15.
Tonneau numéro sept francs
7
Un tonneau plein de cidre numéro un,
vingt-quatre francs
idem numéro deux, vingt francs
24
20.
Annexe n°14 | 36
Idem numéro trois, vingt-cinq francs
25.
Idem numéro quatre, trente-cinq francs
35.
Une pelle de fer, quatre francs
4.
Dans l’écurie
Un petit bois de lit, paillasse, ballière,
deux oreillers & une couverture de fil, douze
francs
12
Autre bois de lit, paillasse, ballière, un
traversin & deux oreillers de plume & couvertures
de fil, quatorze francs
14.
Un coffre en forme de maie, trois francs
3.
Une vieille armoire sculptée, un franc
1.
Maie à pétrir, binettes, sas2, grilles, et
tambour à farine, huit francs
8.
Le meilleur bar à cheval, quinze francs
15.
Le moindre, douze francs
12.
Une selle de limon3, sourdeux & accessoires,
dix-huit francs
18.
Le colier avec les traits, treize francs
13.
Le second idem, douze francs
12.
Le troisieme, huit francs
8
Deux broies, cinq francs,
5.
à reporter a
2551.15
[folio 6]
2
Un sas est un tamis en tissu dans un cercle de bois servant à passer la farine. LITTRE Emile, Dictionnaire,
op.cit.
3
Une selle de limon sert à faire porter au cheval, dit limonier, les limons de la voiture. BIXIO Alexandre, Maison
rustique du XIXe siècle: encyclopédie d'agriculture pratique, volume 2, Librairie agricole, Paris, 1837, p.482
Annexe n°14 | 37
reporter a
2551.15
Dans la cour
Une charrette et armure, deux cent
cinquante francs
50
Un des roues de charrettes & ridelles
soixante quinze francs
75.
Un tombereau4 & accessoires, dix
francs
10.
Dans la maison dite la subite
Un metier à toile vingt-cinq francs
25.
Un pressoir, vingt-&-un francs
21.
Dans les greniers
Un grand van, trente six francs
36.
Un van d’osier six francs
6.
Un boisseau trois francs et demi
3.50
Toutes les douves5 & fonds de pome,
quinze francs
Un bar à cheval, trois francs
15.
3.
Tout le froment ou méléard6, mille
francs
1000.
Toute l’avoine, trois cents francs
300.
Toute l’orge, quarante-cinq francs
45.
Toute la graine de chanvre, trentesix francs
36
4
Un tombereau est une charrette entourée de planches servant à porter du sable, des pierres, etc. L ITTRE, Emile,
Dictionnaire, op.cit.
5
Les douves sont les planches formant le corps d’un tonneau et tenues ensemble avec des cercles. Ibid.
6
Le méteil ou méléard est un mélange de froment et de seigle, d’avoine et froment ou seigle. Cette culture était
présente dans la subdélégation de Rennes à la fin de l’Ancien Régime. SEE Henri, « Les classes rurales en
Bretagne du XVIe à la Révolution », Annales de Bretagne, 1908, vol.24, n°1, p.54.
Annexe n°14 | 38
Tout le blé noir, deux cent dix
francs
210
Deux charrues, soc, curette, chaine,
& accessoire, vingt franc
20.
Dans l’étable.
La vache Moizy, soixante douze francs
72.
La vache Mignonne, cinquante-cinq
francs
55
Vache d’engrais, soixante-six francs
66
La vache tête blanche, cent francs
100
La vache jolie, cent huit francs
108
La vache étoile, cent francs
100
La vache gaillarde, soixante francs
60
La vache pieds-fins, quatre vingt
cinq francs
85
La vache petite, soixante-dix-huit
francs
78.
à reporter a 5330.65
[folio 7]
report a
5330.65
La chèvre, huit francs 8.
Dans le refuge à porcs
Un cochon, quarante-deux francs
42.
Près le douet
Deux cuves, un cuvot et un cacot avec
un trou, trente francs
30.
Annexe n°14 | 39
Ce qu’il y a de pommes de terre, soixante
quinze francs
75
Tout le chanvre broyé, deux
cent en loyons et évaillé, deux cents francs
200
Dans l’écurie
Le cheval bleu, et ses équipages de
charruages, cent quarante francs c’est deux cent quarante
240 [le chiffre 2 a été retouché]
Le cheval bijou & ses équipages de
charruage cent francs
100
Une sie de travers deux rangeots & un
seau à eau, cinq francs
5.
Etant cinq heures du soir, il a été
renvoyé pour continuer le présent inventaire
à demain six novembre courrant aux neuf
heures du matin. Il a été vaqué au présent
depuis dix heures du matin aux
cinq heures du soir (deux vacations).
En présence des témoins ci-après
nommés.
6030.65
Et ont les parties signé avec le notaire
& les experts & témoins après lecture
[Signatures]
J.M Chevrel J.Chevrel
Baptiste Chevrel
Garnier
P.Chevrel
Prosper
J.B.P Cheverel Hervouin
Menard
Bonyaux
Annexe n°14 | 40
Chocquené
Cordier
Chapon
[folio 8]
report a
6030.65
Et le six novembre mil huit cent quarante-&-un,
et en vertu du renvoi d’autre part. Mr Chapon notaire
soussigné à aux mêmes requêtes & présence et toujours sous
l’expertise des sieurs Hervouin & Bonyaux
procédé à la continuation du présent procès verbal
d’inventaire, ainsi qu’il suit :
Dans la maison neuve.
Vingt-quatre taies d’oreiller, cinquante trois draps de lits,
quatorze napes, vingt torchons, cent quatre-cingt-quinze
francs
195
Les hardes & chemises du défunt, soixante
francs
60
Un fer à dresser, deux francs
2
Deux grandes cuillers à soupe, vingt-huit à
bouches, deux à café : toutes en étain & seize fourchettes en
fer, six francs
6
Un jeu de cannelles7, deux francs et demi
2.50
Du suif en pain, quatre francs quatre-vingts centimes
4.80
Cinq plats & une écuelle & neuf cuillers en étain
et une fourchette, dix francs
Tous les pots à lait, vaisselles porterie, neuf francs
10
9.
7
Une cannelle est un robinet formé d’un morceau de bois ou de métal pour tirer le vin d’une cuve, d’un pressoir
ou d’un tonneau. Ibid.
Annexe n°14 | 41
Un pot & le beurre qu’il contient, quatorze
francs
14.
Un pot & la graisse qu’il contient, quatorze francs
14.
Sept verres, trois sallières et une bouteille de
verre, un franc cinquante centimes
1.50
Une mauvaise couverture de fil & six sacs de toile
six francs
6.
Dans la cour
Ce qu’il y a de paille de froment, méléard,
avoine deux cent soixante quinze francs
275
Ce qu’il y a de gros bois & fagot quatre-vingt francs
80
Cent fagots environ dans le champ
Juguené, dix francs
10.
Le carreau en planche, quinze francs
15.
Ce qu’il y a de foin dans les greniers cent francs
100.
La paille d’écot et celle de blé noir, soixante
francs
60
Déclaration concernant l’actif
à raporter a
6895.45
Annexe n°14 | 42
[folio 9]
report a
6895.45
Il existe en numéraire comptant, neuf
cent quatre vingt six francs quarante
centimes
986.40
Il est dû à la communauté :
Par les fermiers, savoir :
Vaurais (Julien) cent dix neuf francs
119.
Francois Picoult quarante huit francs
48.
Jean Chevalier soixante francs échu pour
jouissances échues au vingt neuf du mois dernier
et environ vingt francs de vieux, sauf à régler
80
Pierre Bonyaux quarante deux francs
42.
Jean Ledoux, quarante deux francs
42
Et Lavissault, trente-sept francs
37
Pour fournitures de fils
Par M. Lanfray, cent quatre mille
cent quatre vingt quinze francs, sauf à
régler,
4195
Par M. Desbouillons, deux mille
trois cent cinquante sept francs sauf à régler
2357.
Par les demoiselles Sanson treize cent
soixante quatorze francs, sauf à régler
1374
Par M. Cordelier, cinquante trois
francs, sauf à régler
53.
Qu’il y a de plus en numéraire,
quatre vingt seize francs quatre vingt
Annexe n°14 | 43
centimes, provenus de fil venu à Pierre
Jouzel
96.80
Total de l’actif du présent inventaire
seize mille trois cent vingt cinq
francs soixante cinq centimes
Déclarations passives
16325.65
La communauté doit à Jean Monnier pour
jouissance soixante francs
60.
A Alexis Perruchon de Serran [commune d’Amanlis], cinquante-quatre francs
54
A Hurel de Janzé six francs
6
Il est dû à Augustin Garnier l’un des
héritiers pour prês, trois cent trente francs
330
Et pour jouissance échue à la Saint
Michel dernière, à raison de quatre vingt
à reporter a
450
report a
450
[folio 10]
sept francs par an, quatre vingt dix
francs
90
A Dufeil d’Amanlis
pour harder, cent francs
100
A Pierre, Jean-Marie & Francois
Chevrel héritier, leur compte d’inventaire
& de jouissance de biens, leurs provenant
du chef de leur mère, le tout pour ci –
mémoire
Annexe n°14 | 44
A Jeanne-Marie & Jean-Baptiste
Chevrel & Augustin Garnier, un compte pour succession et
la jouissance des biens qui leur sont échus
des successions de Anne & Jean-Francois Chevrel
leur frère & sœur oncle & tante, que ce même
compte s’applique aux trois autres enfans
chevrel-
mémoire
Au bureau de l’enregistrement le droit
de mutation de la succession de René Chevrel,
pour lequel il y aura laquelle succession
il y aura un compte à établir
mémoire
Total de l’actif passif connu, six
cent quarante francs
640.
Inventaire des papiers
Cote unique - dix pièces
La première est l’expédition de l’inventaire qui fut
rapporté après le décès de feu Marie Monnier, le premier
juin mil huit cent trente, recu de Maitre Morel, notaire
à Janzé, la deuxième six autres pièces concernant les
acquisitions faites pendant le mariage du sieur
Chevrel avec Marie Monnier, savoir : l’une du
treize mai mil huit cent onze, de la pièce de
Champfroment; une autre du trente décembre même
année, de la pièce des Corryettes, une autre du
vingt six février mil huit cent douze de la pièce
des Champs-Loyer, une autre du trois décembre mil
huit cent treize, d’un jardin à chanvre ; une
Annexe n°14 | 45
autre du vingt trois juillet avril huit cent
quinze de la pièce des Ouinières : ces cinq dernières
au rapport de Maitre Pouessel, notaire à Janzé,
une autre du cinq septembre mil huit cent
vingt sept recu du dit Maitre Morel, d’une étable
quantité de jardin & de la pièce des chênes ; autre
[folio 11]
du trente juin mil huit cent trente quatre de la
pièce des Vallées Longues ; une autre du vingt-&-un
mai mil huit cent trente neuf des trois pièces de
Choisel : ces deux actes au rapport du notaire soussigné ;
et la dernière, du dix juin mil huit cent quarante recu
de Tourneux, notaire à Janzé, la maison & jardin à
Nairon en Amanlis, toutes lesquelles pièces ont
été cotées & inventoriées à la cote unique ci – 10 pièces
Il a été ajouté que la succession doit encore
une somme de six cents francs, au sieur Julien-Pierre
Letru et aux domaigues [dommages] le prorata des années à gages. 600.
Que par le testament du défunt, du trente
septembre mil huit cent trente neuf, recu du
notaire soussigné, il a légué a Jean-Marie, Pierre &
Francois Chevrel, ses trois enfans nés de son second
mariage avec Marie Monnier, par préciput et
hors part, la moitié de tous les biens immeubles
qu’il a acquis depuis le décès de leur mère ; à Pierre
& Jean Marie Chevrel, le prix de leur remplacement
Annexe n°14 | 46
à l’armée ; et à Francois Chevrel, s’il est appelé au
service, aussi le prix d’un remplacement.
Et n’ayant plus rien à comprendre ici
d’écrire au présent inventaire les dits Pierre Jean
Marie & Francois Chevrel ont juré & affirmé qui
avaient la garde des objets, ont juré & affirmé
par serment que tous les meubles qui dépendent
de la dite communauté sont inventoriés, qu’il n’en
existent pas d’autres et qu’ils n’ont pas a m.aistance
qu’il en ait été détourné aucun directement ou
indirectement.
Il a été vaqué à la présente journée depuis
dix heures du matin aux cinq heures du soir (deux
vacations).
Tous les objets inventoriés sont restés aux
possessions des dits Pierre Jean-Marie & Francois
Chevrel qui devront les représenter lorsqu’ils en
seront requis.
Fait & passé au lieu des Douets en
Amanlis, les jour, mois & en d’autres part
En présence de M.M. Pierre Cordier
[folio 12]
& Louis Chocquené propriétaire demeurant a
Janzé, temoins requis
Et ont les parties signés avec les experts
les témoins & le notaire après lecture.
Annexe n°14 | 47
[Signatures]
JM Chevrel
Baptiste Chevrel
P. Chevrel
J.Chevrel
Garnier
Prosper Menard
F Chevrel
Bonyaux
Chocquené
Hervouin
Cordier
Chapon
Annexe n°14 | 48
ANNEXE N°15
Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel
Transcription de l’inventaire après décès des biens de Jean-Baptiste Chevrel, en date
du 15 janvier 1836
ADIV, 4E 4305, 12 folios
L’inventaire après décès a été transcrit dans son intégralité.
La mise en forme se veut la plus fidèle possible à la source.
Règles de transcription :
-
Maitre : les abréviations ont été développées, elles sont signalées par un texte en
italique.
-
Amanlis : les majuscules ont pu être ajoutées aux noms propres, elles sont
signalées par un caractère gras.
-
[correction
apportée en marge du texte:
François] : des corrections apportées par le
notaire en marge ou des commentaires permettant de comprendre le texte ont été
insérés entre crochets.
[…….] : les points correspondent aux nombres de lettres ou aux mots qui n’ont pu
être transcris.
-
Nous avons choisi de transcrire les mots rayés par le notaire. De la même façon, ils
ont été rayés dans la transcription.
[Folio 1]
15 janvier 1836
L’an mil huit cent trente six le quinze janvier neuf heures
du matin
A la requête 1° du Sieur Jean Baptiste Chevrel, cultivateur,
Annexe n°15 | 49
demeurant à la placette commune de Janzé en privé nom comme subrogé tuteur [en marge : de
Judilth Chevrel sa sœur]
2° du Sieur Jean Marie Chevrel, marchand boulanger, demeurant
ville & commune de Janzé ;
3° du Sieur Joseph Louis, époux d’Angélique Chevrel, cultivateur,
demeurant au bourg d’Amanlis,
4° Dame Aimée Chevrel, connue en religion sous le nom de
sœur Marie de Sainte Ambroise, religieuse du monastère de
Notre Dame de Charité, demeurant à la maison de Saint Cyr
à Rennes, représentée par M. Louis Chocquené son cousin germain
propriétaire demeurant à Janzé ; aux fin d’acte recu devant Maitre
Jolys & son collegue notaire à Rennes, le neuf janvier mil
huit cent trente six, et dont le brevet original dûment enregistré
& legat a été chiffré pour acceptation par le mandataire & est
demeuré annéxé aux présentes
5° du Sieur Amand Chedmail epoux de Rosalie Chevrel,
cultivateur, demeurant à la Haslerie commune de Janzé ;
6° du Sieur Adolphe Chedmail, Chevrel, cultivateur,
demeurant au gros chêne commune d’Amanlis ;
7° Marie Chevrel cultivatrice ;
8° Adhelaïde Chevrel aussi cultivatrice,
les deux demeurant au dit lieu du Gros Chêne en Amanlis,
9° Clémentine Chevrel, cultivatrice, demeurant au dit lieu,
10° Prosper Chevrel, ferblantier, demeurant à Janzé ;
ces deux derniers mineurs émancipés de justice, procédant
sous l’autorité de leur curateur ci après nommé ;
& 11° M. Louis Tortelier propriétaire, demeurant à Coesme
Annexe n°15 | 50
agissant tant en qualité de tuteur datif de Judilth Chevrel
mineure, que comme curateur des dits Clémentine &
Prosper Chevrel mineur emancipé
Les dits Jean Baptiste, Jean marie, Angélique, Aimée, Rosalie
Adolphe, Marie, Adhelaïde, Clémentine, Prosper & Judilth
Chevrel, frère & sœur germains, habiles à se porter héritiers pour
un onzième chacun dans les successions de feux Jean-Baptiste
Chevrel & Dame Angélique Tortelier, leur père & mère.
A la conservation des droits des parties, & de tout autre
qu’il appartiendra, il va être par Maitre Joseph Julien
Chapon, notaire royal à la résidence de Janzé, chef lieu
de canton, arrondissement de Rennes, département d’Ille&-Vilaine, & son collègue, soussignés, procédé à l’inventaire
fidèle & description exacte de tous les meubles & effets
mobiliers, deniers comptants, titres, papiers & renseignements
dépendant de dite successsion, ce qui seront trouvés dans
les lieux ci-après indiqués, faisant partis d’une maison et
demeure size au lieu de Gros Chêne en Amanlis, ou les
époux Chevrel sont décédés, & où les notaires se sont transportés.
[Folio 2]
Sur la représentation qui sera faite de ces objets par Adolphe,
Marie & Adhelaïde Chevrel qui ont eu la possession du
mobilier des dites successions, lesquels ont promis de tout
montrer & indiquer sans en rien cacher ni détourner, et ce
sont les peines de droit qui leur ont été expliquées & qu’ils
ont dit bien comprendre.
Annexe n°15 | 51
La prisée des choses qui y sont sujettes, sera faite par le
Sieur Joseph Bourdais, cultivateur, demeurant aux Ouches
commune d’Amanlis, seul expert choisi par le subrogé tuteur
& le curateur des messieurs Chevrel & agréé par les autres
parties, lequel expert a fait le serment devant M. Le
Juge de paix du canton de Janzé, qui l’a constaté par le
procès verbal de levée de scellé, de se fidèlement comporter.
Cet inventaire va être fait au fur & mesure que les scellés
apposés par M. Le Suppléant du Juge de paix du canton de
Janzé, en date du deux de ce mois, enregistré à Janzé le
neuf, auront été par M. le Juge de paix a a présent,
reconnu sain & entier, levés & otés.
Il a été procédé comme suit :
1° Dans une maison servant de cuisine, ayant veu ci
Une cremaillère, une pierre à galette, trepied, chevrette, une
grille en fer, un huvet, une pelle à feu, une paire de pinces, un
chandellier à resins en fer, le tout prisé dix sept francs
17.
Deux chandeliers en cuivre et un fer à dresser, cinq francs
5.
Un lit à lange, carrée, vergettes de fer, ciel en indienne
pentes & rideaux en coton flamé, paillasse, balière, couette de
plume, trois oreillers de plumes dont deux avec taye,
un traversin en balle et une couverture de berne, le tout
prisé cinquante huit francs
58.
Deux marmites & couvercles en cuivre, deux cuilleres
en bois & une ecumette en cuivre seize francs
16.
Deux casseroles en cuivre, deux francs
2.
un saulnier, deux seaux à eau, deux francs
2.
Annexe n°15 | 52
Un dressoir à planche trois francs
3.
Une huche à lait un en cerisier seize francs
16.
Un petit lit d’enfant, baliere, deux, dits draps,
Une couverture de coton & un oreiller de plume et sa
taye huit francs.
8
Un prie dieu quinze francs
15
Une vieille armoire à deux batan seize francs
16
Une autre vieille armoire plus grande vingt un francs
21
Un bois de lit au nord de la cheminée, carrée,
plafond en indienne, pente & rideaux en coton flamé,
paillasse, balière, couette de plume, trois oreillers dont
Deux avec tayes, couvertures de laine verte, prisée
cinquante sept francs
57.
[Total]
236
[Folio 3]
Une grande table & ses bancs prisés neuf francs
9.
Une petite table près la fenêtre deux francs
2.
Une échelle double trois francs
3.
Deux chaudrons jaunes onze francs
11.
Un plat & une assiette d’étain deux francs
2.
2° Dans le corridor
Trois chaudrons d’airain noir, vingt quatre francs
24.
Une timbale & un couloir1 en fer blanc trois francs
cinquante centimes
3.50
Une perche à pain et un couteau à pomme de terre
1
Un couloir est un récipient servant à épurer le lait. Le liquide est versé sur le fond en toile. LITTRE Emile,
Dictionnaire de la langue française, 1863-1872.
Annexe n°15 | 53
quatre francs cinquante centimes
4 .50
Deux clavreuils, une gouge, un marteau, un virolet
& trois mèches six francs cinquante centimes
6.50
Quinze pots à lait, vingt cinq assiettes de fayence,
quatre plats dont un en porcelaine & trois en fayance,
deux soupieres idem, deux huiliers avec soucoupes,
une bouteille de terre d’Angers et autres poteries, verre,
fayance et bouteilles, & une dousaine de fouchettes en
fer & vingt quatre cuilleres en étain grande et petite
le tout prisé dix sept francs
17
Vingt quatre kylogrammes de brin, vingt trois
kylogrammes & demi de grand brin, quatre vingt
cinq francs trente centimes
Deux panniers de p[r]ovision soixante centimes
3° Dans la salle, une petite table un franc
85.30
.60
1.
Une cuisiniere en fer blanc avec sa bouche, une casse,
Une broche & […….] sept francs
Une garde manger , quatre francs
7.
4.
Un chandelier et resine & au soufflet un franc cinquante
centimes
1.50
Un lit à lange au midi de la cheminée, composé
de sa carrée, vergette de fer, plafond en indienne à
fleur, & rideaux de coton blanc, paillasse, matelat,
couette de plume, deux oreilles de plume, un traversin de
balle & une couverture de laine blanche, cinquante trois
francs.
53
Un lit à lange au nord de la cheminée, carrée,
Annexe n°15 | 54
vergettes de fer, ciel, pentes & rideaux en indienne à
fleur rouge, paillasse, couette, traversin et deux oreilles
en plumes & une couverture de laine verte, prisés
soixante cinq francs.
65
L’armoire en cerisier où est le scellé soixante six
francs
66
Une horloge & sa bouette trente deux francs
32
Une autre vieille armoire vingt francs
20
[Total]
417.90
[Folio 4]
Un bois de lit dans l’angle nord ouest, carrée, vergettes de fer, plafond
& pentes en indiennes rouge, rideaux de coton flammé, paillasse, couette
de plume, traversin en balle, deux oreilles de plume & une couverture
de laine blanche, prisé cinquante sept francs
57
Une grande armoire en chêne, quarante francs
40
Un buffet en cerisier, cinquante francs
50.
Quatorze chaises dont deux mauvaises huit francs cinquante
centimes
Une table à pliand sept francs
8.50
7.
Seize tayes d’oreiller, trois traversins, douze napes,
le tout prisé vingt francs soixante quinze centimes
20.75
Dix huit draps de lit, trente trois francs cinquante
centimes
33.50
Trente serviette dix sept francs
17.
Quinze torchons & quatre drap de lit neuf francs
9
4° Sous l’escalier. un charnier & le lard qu’il contient
Annexe n°15 | 55
& un autre charnier, prisés quarante francs
40.
5° Dans la boulangerie une maithe et quinze biniaux
en paille et quatre sacs en toile seize francs
Une vaille & une marmite à cendre deux francs
16
2.
Une chaudiere & un crochet & une grande p[….]&
son support soixante francs
60.
Le cheval paichard avec son équipage de l[..]ion & de
harnais soixante dix francs
70
Le cheval pigeon & ses equipages cent quarante francs 840
Une table ses treteaux & trois planches quatre francs
4
Un tambour passe farine, deux grilles, un sas,
Une sci à main deux francs vingt cent centimes
2.25
Une selle de cavalier & sa bride neuf francs
9.
6° Dans le celier
quatre tonneaux & une barique vide vingt neuf francs
29
Trois futs de vieux, cidre & le cidre qu’il contiennent
evalués à quatorze hectolitre prisés cinquante francs
50.
Un autre fut de cidre nouveau de la contenance
de sept hectolitre quarante huit francs
48
Une petite poêle chaudière & un bassin d’airain
prisée vingt deux francs
Un grand trépied six francs
22
6
Deux rouets à devider, étayère & peron quatre francs 4
Une baratte en bois & ustenciles & une petite cuve, un
franc cinquante centime
Deux charues et rouoles dix huit francs
1.50
18.
7° Dans la chambre sur la cuisine
Annexe n°15 | 56
Un lit à tombeaux rideaux de coton flamés paillasse,
balière & couverture de berne, un traversin en balle et deux
oreilles de plume avec taye prisés seize francs
16.
[Total]
880.50
[Folio 5]
Un lot de cordage & deux vieilles marmites deux francs 2.
Un coffre & le dessus, deux francs cinquante centimes
2.50
Une ancienne armoire trois francs cinquante centimes
3.50
Un lit de sangle, un franc cinquante centimes
1.50
Une huche à lait cinq francs
5.
Une couchette et carreaux deux francs cinquante centimes 2.50
Une autre huche à lait un franc cinquante centimes
1.50
Un tour à ourdir, un jeu de quenelle et le fil dessus,
Une herse & verrins vingt un francs
21.
8° Dans le cabinet
Une petite table quatre francs
4.
Un lit baldaquin, carrée, vergette de fer, tout en
indienne, rideaux de balles, deux oreilles de plume avec
leur taye et une couverture de berne quarante neuf francs 49.
Une demie armoire en cerisier trente francs
30
9° Dans la chambre sur la salle
Quatre hectolitre de graines de chanvre quatre vingt francs
Sept hectolitre & demi de méleard soixante quinze francs
même quantité de froment quatre vingt dix francs
80
75
90.
Ce qu’il y a de carreaux & une corde à érailler le
linge deux francs cinquante centiles
2.50
Annexe n°15 | 57
10° Dans le grenier sur les chambres
Quinze hectolitres de bled noir cent vingt francs
120
Deux vans2 à bras, deux futs de bouesseaux et
une pelle de grenier six francs
6
Sept hectolitre d’avoine quarante deux francs
La moitié indivise d’un grand van douze francs
42
12.
11° Dans le grenier sur la boulangerie & le
celier une barique à vinaigre, un fauteuil, de
vieux coliers, de vieilles baratte, des fourches &
treteaux de bois, deux petits chenets, un lot de
bouteille de terre, une vieille barique, cinquante loyox
de chanvre femelle trente huit francs
38
Un harpon, un chaudron de potin3 & des ferrailles
huit francs cinquante centimes
8.50
12° Dans la petite maison
Le chanvre mâle en loyox cinquante francs
50.
Une meule à éguiser deux francs
2
Une hache à terre, deux francs vingt cinq centimes
2.25
Trois pelles de fer & un pali le huit francs cinquante centimes
8.50
Deux tranches, une tranche pic, et un pic six francs
cinquante centimes
6.50
Trois houes, trois fourches de fer et deux paires
de batement neuf francs cinquante centimes
9.50
Deux faucillons & une hache a main trois francs
[Total] 675.25
2
Un van est un outil en osier permettant de séparer la paille du grain. Ibid.
Le potin jaune est un mélange de cuivre jaune et de cuivre rouge. Le potin gris est un cuivre résultant d’un
mélange de laiton, de plomb et d’étain. Ibid.
3
Annexe n°15 | 58
[Folio 6]
cinquante centimes
3.50
Un orocq, deux quatre deuls et deux rateaux
Deux francs soixante quinze centimes
Deux faux & un Rifflard, trois francs
Cinq broyes à broyer sept francs
2.75
3.
7
Deux liûres4 des char[e]tes un franc cinquante
centimes
1.50
Un metier à toile & ustensilles quinze francs
15
Une meule en pierre quinze francs
15.
Un cochon trente deux francs
32
13° Dans l’écurie cinq chevaux
Bride & licols5, deux bas & sangle trente
deux francs
La charte & ustensiles soixante dix francs
32
70
Un tombereau vingt deux francs
22
Un nichier de lattes douze francs
12
14° Dans l’écurie aux vaches
La vache rouge vingt un francs
21
La collet d’or soixante douze francs
72
La mouchetée soixante trois francs
63
La jolie & son veau quatre vingt treize francs
93
La micarde & son veau soixante quinze francs
15° Dans le jardin une ruches d’abeilles
six francs
6
4
Une liûre est un câble d'une charrette qui sert à attacher les charges. Ibid.
Un licol ou licou est un Harnais de tête, en cuir ou en corde, servant à attacher les chevaux des à la mangeoire,
au poteau, ou à les assujettir. Ibid
5
Annexe n°15 | 59
Les semances & faisceaux de froment,
meleard & araire estimés quatre vingt
onze francs
91
[Total]
636.75
N’ayant pas d’autre objet mobilier à inventorier
il a été fait mention qu’il est du aux successions
pour prorata de jouissemens coura du vingt neuf septembre
dernier, au jour du décès, cent soixante francs cinquante
centimes, d’impôt de bien de Janzé à déduire
160.50
Que les successions doivent à 1° M. Daussy de Janzé
pour prêt quatre mille six cents francs plus le cout des
actes & intérêt
4.600
2° au Sieur Julien Masson de Serrand6 pour prêt
six cent francs
600
3° au sieur Louis Marchand à Amanlis
deux cents francs
200
4° à Jean Baptiste Chevrel l’un des héritiers
dix francs trente centimes
10.30
5° à François Chevrel de Châteaugiron
pour jouissance soixante deux francs
62
6° à Jean Marc Desile bourrelier, à Amanlis
[Total]
5472.30
report
5472.30
[Folio 7]
la somme de huit francs
6
Serrand ou Séran selon la toponymie actuelle, commune d’Amanlis,
Annexe n°15 | 60
7° au sieur Maugère maréchal, la somme
de trente trois francs 33
8° au sieur Dufil marchand à Amanlis
pour facon de harder & marchandises tente un
francs quatre vingt dix centimes 31.90
9° de plus, il est redu au sieur Louis Marchand
à Amanlis, une somme de quarante francs 40.
Total du passif cinq mille cinq cent quatre vingt cinq francs vingt centimes 5585.20
Le Sieur Jean Baptiste Chevrel fils ainé, a déclaré
avoir recu de son père en avancement successif, une
somme de quatre cents francs
Le sieur Louis époux d’Angélique Chevrel a declaré
avoir recu pour même objet, une pareille somme
de quatre cents francs
Le sieur Jean Marie Chevrel a declaré avoir recu
une pareille somme
Le Sieur Chedemail époux de Rosalie Chevrel cela
de cent quatre vingt douze francs
Le Sieur Adolphe Chevrel a declaré avoir recu
une somme de quatre cent francs.
Les Sieurs Jean Baptiste Chevrel, le Sieur Louis & le
Sieur Jean Marie Chevrel, ont reconnu avoir percu
chacun quatre années de jouissance des biens de leur
mère & belle-mère
Les comparans déclarent aussi que leur sœur &
belle sœur religieuse, a recu diverses sommes et
effets mobiliers, lorsqu’elle fut reçu à la communauté
Annexe n°15 | 61
et depuis, qu’elle a aussi reçu pendant quatre années
les fermages de ses biens propres, biens de sa mère.
M.Choquené son mandataire n’a pu avouer ni
contester cette déclaration.
Vérification faite des papiers, il ne s’est trouvé
susceptible d’être inventorié que l’expédition du proces
verbal d’inventaire rapporté après le décès de la dame
Angelique Tortilier femme Chevrel, en date des onze
& douze février mil huit cent vingt deux, vue devant
Maitre Morel notaire à Janzé, coté, chiffré & inventorié
comme pièce unique
une pièce
& sur le requisitoire que Maitre Chapon l’un des
notaires soussigné, à fait à M. Tortilier, de déclarer
s’il lui est du quelque chose par les missieurs dont
il est tuteur et curateur, il a déclaré qu’il ne lui
était rien du & que les dits mineurs ne devaient rien
aux dites successions.
Les dits Adolphe, Marie & Adhelaïde Chevrel
qui ont eu la possession du mobilier, interpellés de
[Folio 8]
jurer & affirmer par serment s’ils n’ont rien
détourné directement ni indirectement, ont
séparément juré négativement.
Tous les objets ci-dessus, ont été laissés aux
dits Adolphe, Marie & Adhelaïde Chevrel, qui s’en
sont chargés comme dépositaires, pour les
Annexe n°15 | 62
représenter quant & a qui il appartiendra
Le présent inventaire, monte en meubles inventaires
à la somme de trois mille six francs quatre vingt
dix centimes
3 006.90
Fait & passé au dit lieu du Gros Chêne, après
avoir été occupé au présent deux vacation de
trois heures, aller & retour non compris
Les parties & l’expert ont signé avec les
notaires, après lectures, aux trois heures de l’après
midi.
[Signatures]
Chocquené
L.Tortelier
Chevrel J.B
A.Biart
JM Chevrel
[………..]
Louis Joseph
Hervouin
greffier
Chedemail
Chevrel Adolphe
Marie chevrel
P.Chevrel
Adhelaide chevrel
Clémentine chevrel
[………………]
J. Le Bourday
Chapon
Annexe n°15 | 63
Pièce jointe :
[Folio 1 de la pièce jointe]
9 janvier 1896
[Dans la marge] procuration
Par devant Maitre Jolys et son collégue
notaire à Rennes soussignés
Fut présente Dame Aimée Chévrel, dite en religion
sœur Marie de Saint Ambroise, religieuse au monastère de Notre
Dame de Charité, demeurant à la maison de Saint
Cyr à Rennes
Laquelle est par ces présentes fait et constitué
son mandataire général et spécial Monsieur Louis Chocquené
Annexe n°15 | 64
son coussin germain propriétaire, demeurant à Janzé
auquel elle donner pouvoir de pour elle et en son nom,
recueillir les successions de Jean Baptiste Chevrel, son père
décédé en Amanlis le trente et un décembre dernier et d’Angélique
Tortelier, sa mère, décédée en Amanlis le huit septembre mil huit
cent vingt un, dans lesquelles successions la constituante est fondée
pour un onzieme, faire procéder à la levée des scellés apposés sur
les mobiliers des dites successions, à l’inventaire et à la vente du
mobilier, faire tout dires, réquisitions, réserves et protestations,
nommer touts officiers, gardiens et dépositaires, entendre, débattre
clôre et arrêter tous comptes, notamment celui de l’officier public
qui aura fait la vente du mobilier, exiger et recevoir toutes les
sommes qui dépendant ou dépendront des dites successions, tout
en capitaux qu’intérêts, arréages, fermages, loyers échuent à
échoir, donner toutes quittance et décharges, consenties toutes
mentions et subrogations donner mainlevées et consentir la
radiation de toutes inscriptions hypothécaires, retirer tous
dépôts, passer et accepter tous titres nouvels, faire faire
toutes notifications, offres et consignations, faire ou accepter
tous transports, cessions, délégations et subrogations, payer
et acquitter toutes dettes et charges, frais, droits de mutation et autres, faire toutes déclarations de successions et
autres[. P]roceder à tout partages et liquidations, composer
les masses, laisser tous objets en commun, former les lots,
les tirs au sort, accepter celui ou ceux qui echerront à
la constituante, payer ou recevoir toutes soultes, donner
pouvoir de suivre le recouvrement des créances laissées en
Annexe n°15 | 65
commun, poursuivre toutes licitations et tous partages judiciaires ou y défendre[. R]endre tous immeubles, soit à
l’amiable, soit en justice, par la voie et aux prix, charges,
clauses et conditions que le mandataire jugera convenables,
et recevoir le prix et en donner quittances [.]
[Folio 2 de la pièce jointe]
[A] défaut de paiement ou en cas de contestation et
au sujet des affaires des dites successions, citer et comparaitre
tout en demandant qu’en défendant devant tous juges, tribunaux, bureaux de paix et de conciliation, de concilier et faire
se peut, sinon plaider, s’opposer, apporter, se pourvoir en
cassation, ou par requête civile, former toutes demandes, obtenir
tous jugements, les faire mettre à exécution, exercer toutes
poursuites, contraintes et diligences nécessaires, former toutes
oppositions, faire toutes saisies, prendre inscriptions, poursuivre toutes expropriations forcées, provoquer tous ordres et distributions de deniers, retirer tous bordereaux de collocation, en recevoir
le montant, élire domicile, passer et signer tous actes [. N]ommer
et constituer tous avoués et avocats, arbitres experts et les
substituer, révoquer, transiger, signer tous compromis
et généralement faire tout ce qui sera utile et nécessaire
pour liquider et recueillir les dites successions
Dont acte fait et passé à Rennes à la maison de
Saint Cyr le neuf janvier mil huit cent trente six et
après lecture la dite dame constituante a signé avec
les notaires
Annexe n°15 | 66
[Signatures]
Aimee cheverlle
Voiron
Jolys
Annexe n°15 | 67
ANNEXE N°16
Les maisons de marchands de toiles d’Amanlis
Le manoir du Talus de Pierre-Antoine Arondel
Maisons de Jean-Baptiste Jouzel et René Jouzel à Néron (cliché T. Perrono)
Annexe n°16 | 68
Maison de Jean-Baptiste Jouzel à la Nasse-Touche de Néron (cliché T. Perrono)
Maison de Pierre Jouzel à la Rivière (1e partie) (cliché T. Perrono)
Maison de Pierre Jouzel à la Rivière (2e partie) (cliché T. Perrono)
Annexe n°16 | 69
Maison et bâtiment de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron (cliché T. Perrono)
Maison neuve de Jean-François Chevrel aux Douëts-de-Néron (cliché T. Perrono)
Annexe n°16 | 70
ANNEXE N°17
L’organisation du pouvoir paroissial à Amanlis sous l’Ancien Régime
Annexe n°17 | 71
ANNEXE N°18
Les délibérations du général de paroisse
(ADIV, 2G 2/2)
Composition du Général de paroisse pour l’année 1775 :
Du dimanche dix huit septembre mil sept cent soixante quatorze. En la sacristie d’Amanlix, le
general assemble suivant l’indication de dimanche dernier et repettée ce jour, dans les
personnes de Pierre Louis, Jacques Menard, le Sieur des Ponts Baulieu, Francois Monnier au
lieu de René Monnier, Francois Morin, le Sieur des Cormiers Boué au lieu et place de
Barnabe Louis, Pierre Menard, René Maloeuvre, Pierre Bigot, Georges Brizé, Mr de la
Touche Bourdon et Jan Croyal, present Mr le Senechal et procureur de la Baronnie de
Chateaugiron deliberant sur l’election de deux trezollier pour servier pendant l’an née 1775 et
autres officiers on declarer nommer pour trezollier Georges Brize du Jarot et Jan Garnier de
Nairon ; pour provost des deffunts [plus certainement nommé procureur] Martin Morin ; pour
provost du Rozaire Pierre Bigot ; pour provost de St Sebastien Charles Hasle ; pour les
deffunts Pierre Menard ; pour provost des peauvres René Maloeuvre ; pour notables Jan
Baptiste Bouë et Jan Croyal ; pour egailleur au trait du Bour le Sieur des ponts Baulieu, au
trait de Nairon Pierre Louis du Douetel, du trait de Teillée François Louis de Sevin, du trait de
Toucheronde Francois Tortellier, du trait de la Rivierres Joseph Benard et du trait de Laval
Guillaume Bouyaux ; pour collecteurs des vingtiesme Louis Brizé, René Guyné, Nicolas
Bouë, Pierre Jouzel ; pour collecteurs de la capitation Georges Louis des dehardieres, Rene
Dufil de la Hayais, Augustin Garnier et Pierre Dezilles ; pour porter le dais les officiers en
charge ; pour porteur des flambaux Francois Monnier, Jacques Menard, Jan Croyal, et Mr de
la Tousche Bourdon ; pour deliberants Jullien Louis de la Tousche au lieu et place de Pierre
Louis, Jan Crocq du Bois duteil au lieu et place de Jacques Menard, les autres continnües ;
pour subsidiaires Jacques Menard et Pierre Louis ; pour procureur terriain François Monnier
continnüe ; pour econnomme Francois Monnier fils. […]
Annexe n°18 | 72
J. Menard ; F. Morin ; François Monnier ; Pierre Bigot ; Brizé ; Pierre Louis ; Latouche
Bourdon ; Jean Croyal ; René Maleuvre ; Pierre Menard ; Jan Baptiste Bouë ; Bertin.
Composition du Général de paroisse pour l’année 1787 :
Du dimanche trois septembre mil sept cent quatre-vingt six. Le general de cette paroisse
assemblé en l’issüe de la messe paroissiale dans les personnes des Sieurs Latouche Bourdon,
Maître Georges Brizé, François Morin, Jan Berthiau, Charles Halé, Joachim Garnier, Jan
Crocq, Jan-Baptiste Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux et
Alexis Garnier, aux fins de l’indication faite dimanche dernier et repetée ce jour et deliberants
pour la nomination. [Ils] Ont nommés pour Trésoriers Jan Veillault et Georges Huet ; pour
procureur de fabrique Thomas Monnier ; pour Provost du Rosaire René Garnier du Gripail ;
pour Provost des defunts Pierre Louis du Douetel ; pour Provost des pauvres Louis Hairault ;
pour Provost de St Sébastien Alexis Garnier ; pour économe Julien Bouyaux ; pour Collecteur
à la capitation Jan Garnier des Ponts, Joseph Micault du Bouchée, René Morel et Louis
Lussot ; pour Collecteur du vingtieme Charles Berthiau, Julien Ricard, Joseph Guybourg et
Alexis Rozé ; pour egailleur des fouages et capitation au trait du bourg Luc Jamet, au trait de
Neron Joachim Barbier, au trait de Teillay Pierre Guyné, au trait de Toucheronde Pierre
Blanchard, au trait de la Rivière Louis Berthiau et au trait de Laval Jan Meslet ; pour notables
François Morin et Julien Louis de la Touche ; pour deliberants les Sieurs Latouche Bourdon,
François Morin, Charles Haslé, Jan-Baptiste Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert,
Guillaume Bouyaux, Alexis Garnier, Jan Croyal, Jan Boué, François Tortellier et Georges
Butault et pour deliberants subsidiaires les Sieurs Francois Monnier père et Laubourgere
Salmon. Delibere les dits jours et au fin le general a nommé pour depute au lieu et place de
Jan-Baptiste Cosnard qui sort de cette paroisse Pierre Louis du Douetel. Les mots Luc Jamet
retouchés, quatre mots rayés nuls.
Latouche Bourdon ; Brizé ; Joachim Garnier ; Jan Berthiau ; Joseph Robert ; F. Morin ;
Charle Haslé ; Alexis Garnier ; François Monnier fils ; Jean Baptiste Bourdays ; G.
Bouyeaux ; François Tortellier pour Jan Croq ; Leguay senechal de Chateaugiron.
Annexe n°18 | 73
Composition du Général de paroisse pour l’année 1788 :
Du dimanche douze aout mil sept cent quatre vingt sept. Le general assemblé dans les
personnes du Sieur de la Touche Bourdon, François Morin, Joseph Robert, François Monnier
fils, Jan Boué, Jan Croyal, Charles Haslé, Jan Batiste Bourdais, Alexis Garnier, Guillaume
Bouyaux, François Tortellier et Georges Butault deliberants, M. le procureur fiscal present.
Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année 1788, a nommé pour
tresoriers Georges Robert et Jan Batiste Boué de Launais ; pour procureur de fabrique M. de
la Touche Bourdon ; pour prevôt du Rosaire Julien Bourdon ; pour prevôt des defunts M. de
Laubourgere ; pour prevôt des pauvres Julien Louis de la Touche ; pour prevôt de St
Sebastien Alexis Garnier ; pour econôme Jan Bigot. Pour collecteurs de la capitation René
Gautier, Julien Guillot ( ?), Nicolas Lussot et Pierre Mahé ; pour collecteur du vingtieme Jean
Bigot, Julien Lusot des Basses Landes, Pierre Housel et Alexis Halé ; pour egailleur des
foiges et capitation, pour le trait du Bourg Jean Albert, au trait de Neron François Chevrel, au
trait de Teillai Pierre Veilleaux, au trait de Toucheronde Louis Boüé, au trait de la Riviere
René Bourdon et au trait de L’aval Louis Bouyeau ; pour notable François Tortellier et
Thomas Monnier.
Pour deliberants Mr des Cormier Boüé en place du Sieur Latouche Bourdon, René Louis
Sevin en la place de Jan Baptiste Bourdais, Jean Veilleau en la place de Charle Halé et
Georges Huet en la place de François Morin, les autres continües et pour subsidiaires Luc
Jamet et Martin Morin.
Au même endroit Jean Veillau tresorier a representé une assignation luy donné afin d’aveu
par le Sieur procureur fiscal de la juridiction de la Bauvais. En consequance le general a remis
à Thomas Monnier procureur de fabrique un aveu du 23 juin 1701 X Bauvais rendu par
Gatien Bourdais procureur de fabrique pour servir d’instruction pour rendre le dit aveu au
meme endroit Jacque Menard prevot du Rosaire en l’année 1785 a remis dans la bource de la
ditte confrerie la somme de cent quarante sept livres neuf sols neuf deniers pour le relicat de
son compte.
Aresté sous les Sings des deliberants les dits jours et au deux mots raiés nul.
Annexe n°18 | 74
De Latouche Bourdon ; Joseph Robert ; François Monnier fils ; Charles Hasle ; G. Bouyeaux ;
François Tortellier ; Georges Butault ; Jan Boüé ; F. Morin ; Alexis Garnier ; Jean Baptiste
Bourdays ; Jean Croyal.
Composition du Général de paroisse pour l’année 1789 :
Du dimanche sept septembre mil sept cent quatre vingt huit. Le général assemblé dans les
personnes du Sieur des Cormiers Boué, René Louis, Jan Veillaut, Georges Huet, Joseph
Robert, François Monnier fils, Jan Boué, Jan Croyal, Alexis Garnier, Guillaume Bouyaux,
François Tortellier et Georges Butault.
Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année mil sept cent quatre vingt
neuf, à nommé pour trésorier Charles Bertheau des Tais et Louis Bouyaux ; pour procureur de
fabrique le Sieur Monnier fils ; Alexis Boué de la Caremaie pour prevot du Rosaire ; pour
prevot des defunts Jan Crocq de la Lande d’Amanlis ; pour prevôt des pauvres Joachim
Garnier fils de la Touche ; pour prevôt de Saint Sebastien Alexis Garnier ; pour econôme Jan
Bigot ; pour collecteurs de la capitation Jan Rousselin, René Jamois de Paulievre, Jan
Bertheau de la Rehorie et Paul Chaillou de Laval ; pour collecteurs des vingtiemes Sieur Jan
Monnier fils, François et Jan Morin de Toucheronde ; Jan Croyal fils, Jan et Pierre Boulet ;
pour egailleurs des fouages et capitation pour le trait du Bourg René Robert du Bois faroye,
au trait de Neron Luc Monnier, au trait de Teillay Jan Barbier, au trait de Toucheronde Pierre
Laloi, au trait de la Riviere Jan Croyal et au trait de Laval Guillaume Bouyaux ; pour notables
le Sieur François Monnier père et Jan Morin du Cotrel ; pour deliberants le dit Sieur François
Monnier au lieu et place du Sieur François Monnier son fils, François Chevrel au lieu et place
de Joseph Robert, Charles Georges Robert au lieu et place de Guillaume Bouyaux et Baptiste
Boué au lieu et place d’Alexis Garnier, les autres continues.
A l’endroit Monsieur le Recteur à presenté au général un calise qu’il s’était chargé de faire
faire, lequel, le général à accepté.
Arrêté sous les Seings des deliberants les dits jours et an.
Alexis Garnier ; Joseph Robert ; François Tortellier ; Georges Robert pour Georges Huet ;
Georges Butault ; René Loüis ; Jan Veillauxt ; Jan Boué ; Jean Croyal ; Jan Baptiste Boué ;
François Monnier fils ; G. Bouyeaux ; Daën Du Cosquer recteur d’Amanlix.
Annexe n°18 | 75
 le 8 décembre 1788, Jan Baptiste Boué sieur des Cormiers est nommé prevot des pauvres à
la place de Joachim Garnier fils, nommé le 7 septembre 1788, vu qu’il est allé demeurer en
Trébeuf.
Composition du Général de paroisse pour l’année 1790 :
Du dimanche six septembre mil sept cent quatre vingt neuf. Le général de cette paroisse
assemblé dans les personnes des Sieurs François Monnier pere, François Tortellier, JanBaptiste Boué des Cormiers, François Chevrel, Jan Croyal, Jan Boué, René Louis, JanBaptiste Boué, Georges Huet, Georges Butault, Georges Robert et Jan Veillaut, present
Monsieur le Recteur.
Procedant à la nomination des officiers de la paroisse pour l’année mil sept cent quatre vingt
dix, à nommé pour trésoriers Pierre Jozel et René Robert ; pour procureur de fabrique
Monsieur de Laubourgere Salmon ; pour Prevôt du Rozaire Joseph Robert ; pour prevôt des
defunts Jan Veillaut ; pour Prevôt des Pauvres Guillaume Bouyaux, pour prevôt de Saint
Sebastien Alexis Garnier ; pour econome Jan Bigot ; pour collecteurs de la capitation Pierre
Chedmail du Bourg, Pierre Guiné de Lessard, Gatien Morin du Coterel et Julien Quelain ;
pour collecteurs des vingtiemes Jan François Boué sous l’autorité de son pere present lequel a
souscrit pour approbation Louis Boué du Mars, François Haslé de la Tionnais et Jan Menard
de la Piardiere ; pour egailleurs des fouages et capitation pour le trait du Bourg Georges
Butault, pour le trait de Néron Jan-François Chevrel, pour celui de Teillay Jan Baptiste Boué,
pour celui de Toucheronde Guillaume Laitu, pour celui de la Riviere Georges Robert et pour
celui de Laval Georges Louis ; pour notables Monsieur de la Lande Moulin et Martin Morin.
Pour déliberants Jacques Menard au lieu et place de Jan Croyal, Martin Morin au lieu et place
de Jan Boué, Charles Berthiau et Louis Bouyaux aux lieux et places de François Tortellier et
Georges Butault, les autres continues. Monsieur de la Lande accepte par continuation pour
l’année prochaine la recette des honoraires de la fabrique et à signé pour acceptation.
Arrêté sous les Seings des dits deliberants après lecture les dits jours et an. Deux mots rayés
nuls.
François Monnier fils ; François Chevrel ; René Louis ; Jan Boué ; Jean Croyal ; J. B. Boué ;
Georges Butault ; François Tortellier ; Jan Baptiste Boué, Jan Veillauxt, p. Alexis X ; Louis
Bouyaux ; Moulin de la Lande ; Georges Robert ; Daën Du Cosquer recteur d’Amanlix.
Annexe n°18 | 76
ANNEXE N°19
Les marchands de toiles délibérants du général de paroisse
dans les années 1780
(ADIV, 2G 2/2)
Années
1780
1781
1782
1783
1784
1785
1786
1787
1788
1789
Les 12 délibérants du général de la paroisse
(les marchands de toiles sont indiqués en gras et les probables marchands en italique)
Joseph Robert, Francois Lussot, Francois Monnier fils, Jan Bouë, Mr de la
Lande Moulin, Toussaint Benard, Francois Menard, Francois Bustault, René
Menard, Charles Haslé, Joseph Robert, Jean Baptiste Bouë sieur des Cormiers
Pierre Louis (de la Tranchardrie), Joseph Robert, Toussaint Benard, René
Menard, Thomas Monnier, le Sieur de la Lande Moulin, le Sieur Salmon,
Georges Brizé, Francois Bustault, Francois Menard, Jullien Bourdon, le Sieur
Baulieu des Ponts
Toussaint Benard, René Menard, Pierre Louis (du Douetel), Allexis Bouë, Jan
Baptiste Chevrel, Pierre Menard (de la Bastrie), le Sieur Laubourgere Salmon,
Georges Brizé, Francois Bustault, Francois Menard, Jullien Bourdon, Mr des
Ponts Baulieu
Toussaint Benard, René Bourdon, Louis Hairault, Jullien Louis, Jan Berthiau,
Pierre Louis (du Douetel), Allexis Boué, Jan Baptiste Chevrel, Me Georges
Brizé, le Sieur Salmon Laubourgere, le Sieur Baulieu des Ponts, Pierre Menard
Jan Baptiste Chevrel, René Bourdon, Jan Berteau, Georges Brizé (du Jarrot),
le Sieur de la Touche Bourdon, Allexis Boué, Toussaint Benard, Pierre Louis
(du Douetel), Jullien Louis (de la Touche), Jean Crocq, Jouachim Garnier fils,
Louis Hairault
François Morin, Jullien Louis, Baptiste Chevrel, Jan Bertiau, Mr de la Touche
Bourdon, Me Georges Brizé, René Bourdon, Louis Hairrault, Jouachim Garnier
fils, Jan Crocq, Jan Baptiste Bourdais, Joseph Benard
Sieur de la Touche Bourdon, François Morin, Jean Berthiaux, Me Georges
Brizé, Charles Haslé, Jouachim Garnier, Jean Crocq, Jean-Baptiste Bourdais,
Francois Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux, Allexis Garnier
Sieur de Latouche Bourdon, François Morin, Charles Haslé, Jan-Baptiste
Bourdays, François Monnier fils, Joseph Robert, Guillaume Bouyaux, Alexis
Garnier, Jan Croyal, Jan Boué, François Tortellier, Georges Butault
le Sieur des Cormiers Boué, René Louis, Jan Veillaut, Georges Huet, Joseph
Robert, Francois Monnier fils, Jan Boué, Jan Croyal, Alexis Garnier, Guillaume
Bouyaux, Francois Tortellier, Georges Butault
le Sieur Francois Monnier père, Francois Tortellier, Jean Baptiste Boué des
Cormiers, Francois Chevrel, Jan Croyal, Jan Boué, René Louis, Jan Baptiste
Boué, Georges Huet, Georges Butault, Georges Robert, Jan Veillaut
Annexe n°19 | 77
ANNEXE N°20
Le livre de compte de René Albert
(ADIV, 10B 177 – n° 336)
Nous présentons ici les premières pages du livre de compte de René Albert.
Annexe n°20 | 78
Annexe n°20 | 79
ANNEXE N°21
Le district de La Guerche
Cantons
Domalain
Gennes
La Guerche
Janzé
Marcillé-Robert
Martigné-Ferchaud
Piré
Retiers
Le Theil
Communes
Bais
Domalain
Moutiers
Availles
Brielles
Gennes
Saint-Germain-du-Pinel
Chelun
Drouges
La Guerche
Moussé
Selle-Guerchaise
Amanlis
Brie
Janzé
Marcillé-Robert
Moulins
Visseiche
Eancé
Forges
Martigné-Ferchaud
Boistrudan
Chancé
Piré
Arbressec
Couësmes
Retiers
Essé
Sainte-Colombe
Le Theil
Thourie
Population en 1793
3 127
2 655
1 216
850
1 064
2 076
961
933
1 000
4 150
286
330
2 413
942
3 293
1 363
1 102
1 303
1 178
602
3 550
1 054
480
3 048
363
1 406
3 047
1 551
450
1 396
1 060
Annexe n°21 | 80
ANNEXE N°22
Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les
années 1630-1640
Retable du maître-autel (cliché T. Perrono)
Annexe n°22 | 81
Retable de la chapelle nord (cliché T. Perrono)
Annexe n°22 | 82
Retable de la chapelle sud (cliché T. Perrono)
Annexe n°22 | 83
ANNEXE N°23
Le dossier de faillite de Jacquette Hamelin, marchande à
Châteaugiron, en date du 3 février 1790
(ADIV, 10B 141 – n° 456)
3 février 1790 : Etat et bilan
Actif
Pour la moitié des acquêts faits pendant la
communauté avec François Marchand
L’inventaire fait en 1788 de la communauté
avec François Marchand se monte à dix sept
cens soixante trois livres trois sous. Il est
depuis survenu une diminution de 763L.
Total
Dettes actives
Pierre Royer
Jan Vessisse
Différents particuliers de
Chateaugiron
Monsieur Barbier négotiant à
Rennes
Total
Somme
4 000L.
500L.
4 500L.
Raison
Aux fins de billet
Aux fins de billet
Vente de cuir et autres
marchandises
Vente et livraison de toilles
Somme
33L.
24L.
20L.
300L.
377L.
Total de l’avoir de la deposante sur lequel on peut compter : 5 183L. 11s.
Mauvais dettes
François Niolin
Jan Brais
François Porrée
MM Elian et Compagnie
Total
Raison
Aux fins de billet
Aux fins de billet
Somme
Vente et fourniture de toilles
54L.
13L. 10s.
56L.
1 500L.
1 623L. 10s.
Total général de l’actif tant en meubles, marchandises, effets, qu’en bons et mauvais
crédits : 6 807L. 1s. 3d.
Dettes passives
Garnier
Gendron
Lieux
Gripail [Amanlis]
Domagné
Raison
Somme
407L.
180L.
Annexe n°23 | 84
Butault
Oriere
Graslant
Mahé
Guillen
Drouin
Barbier
Picquel
Le Mesle
René Menard
Antoine Brozé [Brizé]
Simon
Beaugeard
De la pimoraye Lambert
Chevrel
Julien Lausane
Pierre Guillen
Dubourg desmon
Chalet
Herpin De la Croix
Roblot
Tessier
Beauchef
La Marche menuisier
Choquéné
Trehire domestique
1Demoiselle du Poyrier
La veuve Drouet
Sieur Duhoux
Mr Lemof
Desaunais Morel
Toubon
Layet
Sinllaud
Vardon boulanger
Le Garreau boulangere
René Le Coq
Jugné
Bertiau
Debroise
Chevrel
Edelaine
Georges Haslé
Garnier
Pelhastre
Chevalier
Guerin
La Salmondiere en Cesson
Le Boisorcan
Rocomps
Rue au provost
Vennelle
Epron
Beauvais
Lhommelet
La Lande daufri
La Piardiere [Amanlis]
La Piardiere [Amanlis]
Essé
Toille et labourage
Néron [Amanlis]
Saint Aubin
Essé
Rennes
Corpnud
Quatre années de
gages
Vissaiche
Dommagné
Bais
Rennes
Bais
Piré
La Telais [Amanlis]
La Puardiere [Amanlis]
Vissaiche
La Piere Longue
La Foucaudiere
Janzé
Saint Aubin
La Foucaudiere
104L.
103L.
27L.
57L.
33L.
198L.
37L.
48L.
62L.
76L.
82L.
210L.
46L.
1 200L.
20L.
18L.
36L.
100L.
48L.
500L.
1 600L.
42L. 13s.
100L.
45L.
93L.
288L.
400L.
200L.
140L.
220L.
171L.
30L.
20L.
157L.
17L.
30L.
101L.
152L.
78L.
88L.
13L. 10s.
9L.
38L.
38L.
20L.
51L.
56L.
Annexe n°23 | 85
René Dugast
Monsieur de la Rabinais
Jan Le Ray
Au diger
Mr Faget
Prunel
La Loy
Morel
Jan Crocq
Mr Guerin
Mr Guibourg
François Marchand
La veuve Sanson
A la femme de HairauL.
Guillon marchand
Guillon marchand
Total
Chateaugiron
Amanlis
De ???
Besgcotrye
Rennes
Rennes
Plusieurs billets
Pertes ellargis par la deposante
Entreprise du presbitere de Chantepie
Entreprise du presbitere de Chaumeré
Entreprise de celui d’Amanlix
Entreprise de celui de Brie
Entreprise de celui de Nouvoitou
Un cheval
Une vache
Vol par le domestique nommé la Bretagne
Vol à la foire du Bourgbarré
Trois jours de Blaterie à refaire
Deux futs de cidre
Huit pieces de toille perdüe dans le celier
Dettes acquittan de la succession de la femme Caillard
Frais d’instance criminelle contre son fils
Quatre maladies de François Marchand on couté
Celle considerable de la deposante
Dans la faillite Champion
Dans celle Le Remeneux
Bois vendu à Le Compte
Total
6L.
78L.
40L.
20L.
100L.
10L.
45L.
9L.
15L.
2603L.
420L.
376L.
24L.
1 300L.
5 300L.
6 092L.
23 928L. 3s.
Somme
2 500L.
260L.
300L.
300L.
140L.
153L.
102L.
600L.
72L.
300L.
190L.
600L.
600L.
600L.
600L.
400L.
104L.
90L.
120L.
8 031L.
Le total du passif s’elleve en total à la somme de : 31 959L. 3s.
Partante la deposante au dessous de ses affaires de : 18 744L. 11s. 9d.
Remise de trois-quarts et trois années pour payer le quart restant
Annexe n°23 | 86
18, 19, 20, 21 février 1790 : verification des meubles et effets de la veuve Marchand à
Chateaugiron
Demeurant grande rue de la dite ville de Chateaugiron [nous n’avons transcrit que les biens
les plus intéressants]
Inventaire
Dans la cuisine
Une petite armoire à quatre battants
Plusieurs echevaux de fil poil de cheval
Une grande armoire à deux battants avec clef et serrure
Un lit à lange avec son plafond, dossier de serge verte gallonné en ruban,
deux rideaux aussi de serge verte
Une couette de plumme mellée
Un traversin en toille et deux oreillers avec leur taye
Une couverture de laine
Deux draps dans le dit lit
Huit chaises
Une salle sur le derrierre
Six assiettes de porcelaine
Un bas d’armoire avec un dessert en planche
Quatres pots, six pintes, demie chopine, deux demions, seize plats et dix
neuf assiette et deux cuillers à potage le tout d’étain pezant ensemble
quatre vingt quatre livres à raison de dix sous la livre
Un bois de lit à tombeau avec de mauvais rideaux de toille
Une mauvaise couette de plume de volaille
Deux mauvais oreillers de plumme
Une couverture de laine
Une grande armoire à parquet avec deux tiroirs dont un fermant de clef
ferrure d’espagnollette avec clef et serrure
Douze paquets de chanvre broyé
Onze draps de lit y compris un drap de tente pour le soire
Une autre armoire de bois de cerisier à la romaine
Un bois de lit à lange avec sa paillasse plafond rouge et son dossier et ses
rideaux de raz bleu, pentes et vergettes
Une couette de plumme mellée avec un bon couetil
Deux draps de lit
Deux orillers avec leurs tayes
Une couverture de laine blanche
Un petit lit à enfant avec une mauvaise paillasse et de mauvais rideaux
Une armoire avec deux tiroirs
Quatre chaises
Descendus dans la cave
Dans un petit cellier à coté de la cour
Trois devidoirs à dévider du fil
Somme
2L.
1L. 4s.
24L.
20L.
10L.
3L.
4L.
2L. 10s
3L.
1L. 4s
4L.
42L.
2L.
2L. 10s
1L. 10s
2L. 10s
45L.
6L.
19L. 15s
60L.
40L.
48L.
3L. 10s
6L.
15L.
3L.
15L.
1L. 12s
18s
Annexe n°23 | 87
Un rouet à filer avec sa quenouille
Dans une chambre au dessus de la cuisine
Un cable de chanvre avec son fer
Un travoüil
Deux chaises
Dans un petit cabinet noir à coté
Une mauvaise couchette, une mauvaise couette de toille, une mauvaise
couverture de Berne, un mauvais oreiller
Un mauvais bas d’amoire
Un autre bois de lit et une mauvaise quarrée en forme de lit tombeau, deux
draps, un oreiller, une mauvaise couette, une paillasse, et un gros drap
servant de couverture
Dans une chambre à coté
Deux mauvaises chaises
Dans une écurie
Un cheval en poil brun avec sa bride, son licol et une longue sangle
Une mere vache sous poil garre brun
Une autre mere vache en poil brun
Une autre mere vache vieille sous poil rouge muzeau blanc
Deux chevres
Total
1L. 10s
3L.
12s
10s
6L.
6s.
8L.
6s.
50L.
40L.
36L.
36L.
8L.
1 442L. 2s. 6d.
Annexe n°23 | 88
ANNEXE N°24
Le dossier de faillite de René Albert, marchand à Amanlis, en date du
19 septembre 1783
(ADIV, 10B 117 – n° 336)
Chapitre 1 : Créanciers préférables
Créancier
Joachim Garnier
La veuve de René Garnier
Mr Domainier de la Pugerais
Anne Marie Poirier
Joachim Debroise
Jean Croyal
Raison
Somme
Cinq années de jouissance de
la ferme de la Hantelle située
paroisse d’Amanlis qui
échoiront à Noël prochain
Jouissance d’une pièce de
terre nommée Champ
froment située même
paroisse laquelle échoira à la
Saint Michel 1789
Jouissance d’une pièce de
terre nommée la Grande
piece et située même paroisse
Jouissance de la piece
nommée les Vaux même
paroisse
Année de jouissance de la
piece de terre nommée les
Champs blancs
Une quantité de terre
nommée la prise
Total
600L.
28L.
45L.
33L.
38L.
12L.
756L.
Chapitre 2: Créanciers hipotéquaires
Créancier
Jean Croyal
Jean Perrichon
Jean Rozé
René Lesage
Maitre Pierre Locillet
Pierre Bigot
Raison
Pour fourniture de
marchandises
Pour fourniture de
marchandises
Pour fourniture de
marchandises
Somme
300L.
94L. 17s
375L.
72L.
69L. 9s. 6d.
81L.
Annexe n°24 | 89
Aux mineurs de Jean Guiné
dont Goubet est tuteur
Bauchef Maréchal
Total
210L.
34L.
1 236L. 6s 6d
Chapitre 3: Créanciers chirographaires
Créancier
René Machéfal
Pierre Albert et femme
Pierre André
Pierre Boyaux
Jean Albert
Joseph Louvel
Jean Paris
François Tortellier
Jean Turpin
Louis Chevrel
Pierre Veron
Julien Delourmel
Jean Toubon
Jean Debroise
François Boué
Pierre Chevrel
René Grosdoy
M. le Senechal de Piré
Laurent Masson
Bourgine Dupas
Nicolas Bourgine
Raison
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
Somme
119L. 12s.
225L.
42L.
57L.
72L.
26L. 18s.
247L. 1s.
14L.
82L. 16s.
81L.
51L.
101L.
120L. 4s. 6d.
25L. 14s.
189L. 4s.
36L.
36L.
100L.
114L. 15s.
220L. 1s.
54L.
Annexe n°24 | 90
Pierre Jamelot
Michel Guerin
René Lussot
Gilles Hamel
François Le Page
Georges Desvaux
Jean Boué des Trelles
Pierre Collet
Jean Bouget de la Rue Scilon
Pierre Gendron
Pierre Blaret
Michel Pernon
Joseph Guibourg
René Desilles
Louis Berthiau
Mr le Recteur d’Amanlis
Joseph Chevrel
Jean Beaugeais
Sieur Jean Morel
Jean Coupart
Georges Viel
François Noel
Total
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
Pour fournitures de
marchandises
120L.
70L.
68L.
51L. 10s.
70L. 15s.
30L.
24L. 17s.
57L. 3s. 9d.
33L.
63L.
59L. 18s.
38L. 10s.
52L.
40L.
22L. 10s. 9d.
8L. 8s.
15L.
147L. 18s.
Environ 160L. sauf
procompte
29L.
31L. 8s
72L. 3s. 9d.
3 280L. 7s. 9d.
Annexe n°24 | 91
Etat de ce que possède René Albert [nous n’avons transcrit que les biens les plus
intéressants]
Bien meuble
Un lit garni de ses pentes de serge verte, d’une couette de plueme, de deux
oreillers, de deux couvertures, l’une de laine, l’autre de fil, et d’une paillasse
Un lit de domestique avec baliere, paillasse, deux oreillers, et une couverture
de fil
Une armoire à deux battants et deux tiroirs
Une table avec ses bancs
Une pendule avec sa boite
Un métier à toile avec son aramissement
Une grande charrette garnie de deux roües avec sa selle de limon et sa
peronne
Quatre tonneaux et deux barriques
Du chanvre à broyer
Un poële chaudiere
Trois bonnes assiettes d’etain et une mauvaise avec deux assiettes de fayance
Quatre meres vaches
Deux chevaux avec leurs equipages
Les pommes
Les chataignes
Du chanvre mâle avec sa graine existant dans trois jardins
Un ourdissoir
Total
Somme
60L.
12L.
36L.
18L.
12L.
42L.
72L.
56L.
72L.
48L.
3L. 10s.
200L.
300L.
80L.
30L.
180L.
12L.
1 828L.
Recapitulation
Dettes
Chapitre 1er Dettes privilégiées
Chapitre 2 Dettes hipotequaires
Chapitre 3 Dettes chirographaires
Sous total
Avoir
Meubles, effets
Reste du
756L.
1 266L. 6s.
6d.
3 280L. 7s.
9d.
5 272L. 14s.
3d.
1 828L.
3 444L. 14s.
3d.
[…]
Réné Albert n’a rien épargné pour remplir ses engagements et il voit avec douleur qu’il ne
peut y faire face : des pertes réiterées, des maladies très frequentes ont ruiné son commerce.
Annexe n°24 | 92
La perte surtout qu’il a fait, il y a environ deux ans, de trois petits livres semblables à ceux
qu’il joint à son état, n’a pas peu contribué à la démarche qu’il est obligé de faire aujourd’hui.
Ces livres ou les marchands avec qui il commençoit à Rennes portoient les fournitures de toile
qu’il leur faisoit, formoient au moins ensemble une créance de mil ou douze cent livres sur les
Sieurs Picot, Marion, de la Villegaudin le Boucher, Barbier, autres qui, sur le défaut de
représentation de ces livres ont refusés de faire son compte, de sorte que, malgré la meilleure
volonté de satisfaire, il se verroit dans la dure necessité de faire cession si le père de son
epouse quoique créancier préférable d’une somme de six cent livres ne venoit lui tendre une
main secourable de son infortune.
Persuadé que le derangement des affaires de son gendre ne provient point d’inconduite, aide
défaut d’administration, Joachim Garnier consent de se rendre garant de l’arrangement que
René Albert propose à Messieurs ses créanciers et qui tend à avoir remise de moitié de ce
qu’il doit, en payant l’autre moitié dans un an sans interêts ni frais à compter du jour de
l’homologation du traité qu’ils voudront bien souscrire : en imitant un sacrifice aussi
généreux, ils n’auront pas à craindre de ne pas être remplis de la moitié de leur créance dans
le délai leur proposé, sa fortune qui se monte à neuf cent livres de revenu annuel ou environ
repondra de l’exécution de ce traité et ils auront la satisfaction, si douce pour des âmes
sensibles, d’avoir obligé essentiellement un debiteur de bonne foi qui été plus malheureux que
coupable.
Certifié veritable à Rennes ce 19 septembre 1783
René Albert
Baymé
Le 25 septembre 1783 Veriffication des bilans de René Albert
Les 26, 27, 28, 29, 30 octobre 1783 Vente de René Albert
Vente publique des biens meubles, grains, bestiaux et autres effets dependants de la cession
de René Albert cessionnaire au profit de ses créanciers, faite à la porte de son domicile […]
Vente
Un tour à ourdir des toiles
Douze poupées de filasse
Un coupon de toile
Deux brayes
Une armoire à deux battants avec
deux tiroirs
Un fut de pipe
Un fut de pipe
Un fut de pipe
Un fut de pipe
Un metier à toile avec tous ses
Acquéreur
Joseph Guibourg dmt à Serant
Pierre Pouplon ? dmt à la Hantelle
Toussaint Martin dmt au Cours Hauvi
Julien Rouainé dmt à la Hantelle
Joseph Robert dmt à la Rivière
Jean Bouée dmt à la Pucelais
Jullien Lussot dmt à la Grand Noe
Jullien Lussot dmt à la Grand Noe
Baptiste Chevrel dmt au Gros Chêne
Le Mêle
Somme
4L. 15s.
1L. 13s.
5L. 12s.
4L. 9s.
76L. 10s.
5L. 7s.
9L. 5s.
10L. 5s.
9L. 5s.
26L.
Annexe n°24 | 93
ustancilles
Trois gros echeveaux de fil,
provenant d’un lot de filasse, porté
en la verification
Deux napes et deux mauvais
echeveaux de fil
Ce qu’il y a de pommes
La pendulle avec ses poids
Un cheval en poil noir avec son
equipage
Un bousseau de graine de chanvre
pour fils et trouvé trois boisseaux
et demy
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Un lot de chanvre
Total
Sieur Piton dmt au bourg de Piré
1L. 17s.
Sieur Piton
Baptiste Chevrel
François Sorel
Baptiste Chevrel
17L.
65L.
9L.
75L.
Jacques Portier
12L. 12s.
Barnabé Garnier du bourg de Neron
René Garnier de Nerron
Jacques Pannetier
Pierre Brosseaux dmt à Serrant
au dit Martin
Au dit Derouainé
Au dit Rouainé
2L. 15s.
4L.
5L. 9s.
4L. 7s.
3L. 18s.
11L. 8s.
9L. 16s.
1 252L. 18s.
3d.
Annexe n°24 | 94
ANNEXE N°25
Rapport sur les toiles à voiles daté de 1771
(ADIV, 9M 15)
Rennes
7461
février 1771
Observations sur la fabrique des toiles a voiles de la province de Bretagne.
Les 2 fabriques de toiles a voiles establies en Bretagne, l’une dans les environs de Rennes,
l’autre a Locronan et environs dans l’Evesché de Quimper sont menacées d’une destruction
prochaine ; elles produisirent en 1768 19429 pièces, en 1769 elles ont tombé a 17209 et en
1770 a 14946, ce qui fait 4477 pièces ou près d’un quart de diminution pour les 2 années.
Il est a remarquer que cette diminution porte en général sur les 4 fils et 6 fils brin sur brin,
premieres qualités de ces toiles ; les 4 fils communs et les toiles simples se debouchent assés
bien.
Plusieurs vices concourent a décréditer les 2 premieres qualités.
1° La mauvaise filature. On ne trouve plus de fils pour trame qui ne soyent au moins de
moitié trop fins et trop torts, et ce sont les fabriquans qui les demandent ainsy aux fileuses,
parce que plus la trame est fine plus elle couvre de la chaîne et moins on en consomme ; mais
aussy ne trouvant pas proportionnée, elle ne remplit pas, et ne fait qu’une toile creuse et lâche
sur laqu’elle l’ouvrier se garde bien de traper, et de tenir du pied, parcequ’il faut luy conserver
sa laize, or une toile a voiles ainsy fabriquée n’estant plus propre a retenir le vent n’est bonne
a rien.
2° Le mauvais lescivage des fils de chaine et de trame. Les fabriquans se contestent de donner
a leurs fils une legere lescive, ils restent durs, pleins d’aigrettes, et de chenevottes, dans cet
état on ne peut les tisser, ils se rompent souvent et facilement, et ne forment qu’un toile mal
tissüe pleine de nœuds, de lachare, et de clairieres.
Annexe n°25 | 95
3° Le mélange des matieres. La chaine et la trame des toiles de la premiere qualité doivent
estre composées du 1er brin du chanvre ; le 2e brin et les réparons servent aux juterieures,
parcequ’ils y trouvent un benefice, ils fardent cette malversation de sorte qu’on ne l’aperçoit
pas au premier coup d’œil, mais avec un peu d’attention et une mediocre connaissance des
matieres on la voit. Or il est prouvé par les experiences aprouvées par M. Duhamel du
Monçeau dans son traité de l’art du Cordier chapitre 5 que le 2e brin du chanvre n’a
qu’environ la moitié de la force du premier : par consequent une toile ainsy meslée ne durera
que la moitié d’une toute composée du 1e brin, et en se dechirant dans un coup de vent, auquel
une toile toute de bonne matiere ont resisté, occasionera de terribles accidens.
Pour remédier à la mauvaise filature j’avois proposé que quelques un des membres de la
Société d’Agriculture, du Commerce, et des Arts du bureau de Rennes s’engages les Etats a
tirer des echantillons des fils de trame qu’on emploïe pour les premieres qualités dans les
manufactures de Brest, Anger, et Saumur de les déposer dans pour modêle dans les paroisses
ou on file pour nos toiles, de charges Mrs les Recteurs et trésoriers de ces paroisses, et les
gentils hommes qui y resident de veiller a ce que les fileuses s’y conforment, et de faire
récompenser celles qui reussiroint le mieux ; quelques uns avoint adoptés ce sentiment, j’ay
su qu’ils en avoint été détournés par des gens dont l’interest personnel s’opposera a ce qu’on
file mieux.
Comme cet objet me paroit important pour conserver aux paroisses ou ces 2 fabriques sont
establies le seul moyen qu’elles aïent de se procurer de l’aisance, j’estime qu’il seroit utile
d’avoir ces modèles, de les faire parvenir avec une lettre de M. l’Intendant a chaque Recteur
et trésorier. Je me chargeré, volontiers de les faire parvenir, et le prix qui ne peut estre qu’une
bagatelle se prendra sur l’excedent du produit des bureaux. M. l’Intendant comettroit
egalement ses subdelégués pour exhorter les fileuses, et en tenant un peu rigueur aux
fabriquans dans les bureaux on viendroit a bout, avec du tems, de remettre la filature sur un
meilleur pied. Sans cette réforme nous n’aurons jamais de bonnes toiles, quoique que nous
ayons la meilleure matiere, et a beaucoup meilleur marché que dans les autres fabriques.
Le mauvais lessivage des fils, et le melange des matieres pouroint et devroint se corriger
facilement dans les bureaux de visite, ils sont deffendus par les art. 14 et 15 de l’arrest du
Conseil du 22 may 1742 portant reglement pour les toiles a voile de l’Evesché de Quimper, et
par les art. 18 et 19 de celuy du 4 xbre 1745 pour celles de l’Evesché de Rennes ; il ne
Annexe n°25 | 96
faudroit pour cela qu’un peu plus de severité de la part des Inspecteurs marchands dans le
bureau de Rennes et plus de protection au comis a la visite dans celuy de Locronan.
Dans le bureau de Rennes nous ne voyons pas les fabriqueurs ; ils vendent leurs toiles a
Chateaugiron, Amanlis, Piré, Janzay et autres a des marchands de ces endroits, ou ils les leur
contient pour les vendre a Rennes pour leur compte ceux ci les vendent aux marchands de la
ville qui sont Inspecteurs marchands chacuns a leur tour. Ils les achetent dans le bureau,
même avant la visite, et a credit ; au moyen les toiles sont souvent a eux lorsqu’ils les visitent,
ou si elles n’y sont pas, ils n’osent sévir contre les proprietaires parceque, ou ils leurs doivent
pour des achats anterieur, ou ils esperent par leur complaisance les engager a leur vendre.
Aussy ne manquent-ils dès que je détourne les yeux, et surtout dans mes absences de faire
marquer sans autre examen que celuy de la laize, de la les plaintes des ports maritimes ; si je
m’aperçois de quelque d’effectuosité, ils servent d’avocats et d’intercesseurs, et cherchent des
excuses, ceux de bonne foy conviennent du tort de leur conduite fait a cette fabrique, mais ils
ne croyent pouvoir agir autrement par raport au credit qui les met dans la dépendance de leurs
vendeurs, ce qui n’est dans aucune autres fabriques de la province ou les achats se font tous
argent comptant.
J’estime que le remede a un abus aussy destructif seroit de deffendre aux marchands de
Rennes d’acheter avant la visite finie, et que M. le Controlleur général voulut bien faire écrire
aux Inspecteurs pour leur ordonner de faire executer le reglement de 1745 lequel ordre leur
sera lu et remis dans une assemblée par M. l’Intendant ou un de ses subdelegués.
A Locronan le comis visite seul, parcequ’il n’y a point de marchands dans l’endroit.
L’insubordination des fabriquans y est marqué, le 10 juin 1768 un tisserand [illisible] au
comis sa toile dans laqu’elle il avoit reconnu qu’il manquoit 60 fils, le 9 novembre de la
même année un autre en fit autant, depuis ce tems ils l’ont souvent outragé de paroles et
menacé, enfin ils l’ont intimidé de façon qu’il n’ose plus rien leur dire ; ce comis a néanmoins
du talent et de la douceur ; mais l’impunité de ces 2 fabriquans fait croire a tous les autres que
le conseil approuve les representations que le corps politique de cette paroisse a dû adresser a
M. le Controlleur général en vertu d’une deliberation prise le 23 aoust 1767. Je n’ay pu voir
ces representations qui ont été effectivement envoyées. J’ay par ordre de M. de Montasan du 5
juillet dernier sollicité une copie de la deliberation, je l’ay obtenüe depuis peu de jours, et il a
fallu pour cela que j’aïe eu recours a l’autorité de M. l’Intendant.
Annexe n°25 | 97
Il paroit néanmoins necessaire de rétablir l’ordre dans ce bureau, et de mettre le comis en état
de remplir ses fonctions sans danger ; pour y parvenir j’estime qu’il faudroit que par une
ordonnance de M. l’Intendant les nommés Pierre Ligaran, et Jean Balancé qui ont agi de vive
force dans le bureau fussent condamnés a garder prison pendant 15 jours, qu’il fut fait
deffenses a aucun de tomber en pareil cas sous peine de 300£ d’amende et d’un mois de
prison, ainsy que d’outrager ou menacer le comis même hors du bureau sous pareille peine ;
sauf a eux a faire telles representations qu’ils jugeront devoir faire, et qu’ils continueront
d’executer tous les articles du reglement jusqu'à ce qu’il en ait eté autrement ordonné,
laqu’elle ordonnance sera lüe et publié au prône, et a l’audience, et affichée, avec ordre au
juge des manufactures d’y tenir la main.
___________________________________________________________________________
Rennes
May 1771
Réponse a la lettre du 16 avril de M. le Controlleur général a M. l’Intendant au sujet des toiles
a voiles.
Sur le compte que je me suis fait rendre du mémoire de l’Inspecteur de Rennes et des lettres et
procès verbaux du comis de la marque a Locronan. Je suis convaincu du déperissement des 2
fabriques de toiles a voiles établies en Bretagne ; une diminution du ¼ de fabrication dans 2
années demontre suffisament leur discrédit ; il provient principalement du système
d’independance que les marchands et fabriquans ont adopté depuis quelques années ; ils ont
par une avidité mal entendüe déteriorés la qualité des toiles de la 1ère sorte au point qu’on n’en
veut plus dans aucun de nos ports.
Il est a remarquer qu’il n’en est pas des toiles a voiles comme des autres : une toile pour linge
ou pour [illisible], si elle est mal fabriquée tombe de 1 ou 2 degré, et de valeur en proportion,
mais elle trouve son employ. Son[illisible] prévoit même souvent un moyen de débouché, au
lieu qu’une toile a voile si elle n’est pas bonne pour voile n’est bonne a rien.
Je pense donc qu’il est d’autant plus important de soutenir ces 2 fabriques en y retablissant la
regle, qu’elles sont la principale ressource des 2 plus pauvres cantons de la province, et que
pour y parvenir il convient d’ordonner
Annexe n°25 | 98
1° aux fileuses qui filent le 1er brin du chanvre destiné a composer les chaines et les trames
des toiles de 1ère qualité de filer beaucoup plus gros qu’elles ne font, et de tourner leur fil le
moins qu’elles pourront. Pour pieces de comparaison on envoyera dans chaque paroisse ou on
s’occupe de la filature un petit écheveau de fil filé convenablement, on l’adressera a Mrs les
Recteurs qui seront priés d’en donner connoissance aux fileuses, et de les exhorter a s’y
conformer, elles y trouveron de la qualité et de l’économie, et comprendront aisément que
c’est le seul moyen de se conserver cet objet intéressant d’occupation et de benefice.
2° d’ordonner aux marchands de fils d’en exposer dans les marchés du fil du 1 er brin du
chanvre qu’a peu près de la grosseur du modèle, d’assortir leurs môches ou paquets de fils de
sorte qu’ils soïent d’une même grosseur, egallement filés, et tous composés du 1 er brin du
chanvre sous peine de confiscation des fils, et de 10£ d’amendes pour chaque moche ou
paquet.
3° d’ordonner aux Inspecteurs et comis des manufactures, et aux inspecteurs marchands du
bureau de Rennes de descendre le plus souvent dans les marchés des fils a Rennes et aux
environs, et d’y tenir la main a l’execution des arrests du conseil servant de reglement pour ce
commerce.
4° d’ordonner aux fabriquans de n’employer dans leurs toiles dites 4 et 6 fils brin sur brin que
des fils conforment aux modèles sous peine de confiscation des toiles et de 10£ d’amende par
chaque piece ; de lesciver assés leurs fils pour qu’il soient moëleux, souples, et faciles a tisser,
come de les purger de bois, chevenottes, cendres, et de tous corps étrangers, leur enjoindre de
traper leurs toiles jusqu'à ce qu’elles soïent assés serrées pour retenir le vent, car si elles n’ont
pas cette qualité elles ne sont pas toiles a voiles ; le tout sous les peines portées par les articles
14 et 15 du reglement du 13 mars 1742 pour les toiles de Locronan, et les articles 8 et 19 de
celuy du 4 décembre 1745 pour celles de l’Evesché de Rennes.
5° d’ordonner aux marchands de paroisses voisinnes de Rennes qui achetent les toiles dans les
campagnes, ou qui les apportent au marché de Rennes pour le compte des fabriquans de ne
point acheter, ni se charger aucune toile deffectueuse sous peine d’estre personnellement
condamnés en 30£ d’amende par chaque piece sans diminution des condamnations portées
contre les fabriquans.
6° de deffendre aux fabriquans de mesler le 2ème brin du chanvre avec le 1er dans les toiles qui
seront marquées brin sur brin sous les peines portées par les dits articles 14 et 15 8 et 19 des 2
Annexe n°25 | 99
reglemens cités cy dessus, et de 50£ d’amende par chaque piece contre les marchands qui
auront mis la marque brin sur brin et leurs noms sur une toile meslée.
7° deffendre aux negocians et marchands de Rennes d’en arrher ni acheter aucune toile avant
la visite et la marque, ordonner aux Inspecteurs marchands de faire la visite avec attention,
d’arreter les toiles qui seront en contravention a quelques uns des articles du reglement de
1745 de commencer la visite en tout tems a 8 heures, les jours indiqués, et de continuer sans
interruption tant qu’il y aura des toiles a visiter, pour que les marchands et fabriquans puissent
disposer de leurs toiles a mesure qu’elles seront marquées, et les porter a vendre chés les
marchands et négocians de la ville, faire deffenses a ceux-cy d’acheter dans le bureau de la
ville avant 10 heures sous peine de 10£ d’amende par chaque piece contre le vendeur et
l’acheteur.
Et comme dans la manufacture de Locronan les fabriquans ont manifesté leur insubordination
par des [illisible] (a tes) violeurs, qu’ils ont menacés et outragés le comis en diverses
occasions, que le 10 juin 1768 Pierre Ligavan tisserand luy arracha des mains et enleva sa
toile de la chaine de laqu’elle il avoit reconnu qu’il manquoit 60 fils, que Jean Balancé en fit
autant, et par le même motif, le 9 novembre de la même année, que l’impunité de ces 2
fabriquans a enhardi les autres a intimider le comis au point qu’il n’ose plus arreter les toiles
deffectueuses, que tous ces actes derive de la deliberation tumultueuse du corps politique de la
paroisse de Locronan amentée le 23 aoust 1769 par Yves Ligavan tisserand et sindic de la dite
paroisse, par laquelle il fut arreté de faire des representations au conseil sur le reglement du 13
mars 1742. Le conseil n’y a eu aucun egard, et neanmoins les fabriquans de Locronan ont
arretés de croire qu’elles suspendoint provisoirement l’effet du reglement. Toute la conduit
des fabriquans me paroit temeraire et d’un dangereux exemple pourquoy j’estime qu’il
convient d’ordonner que les dits Pierre Ligavan et Jean Balancé [illisible] prison pendant 15
jours, qu’il soit fait deffenses aux fabriquans et a tous autres de s’opposer a ce que le comis
saisisse dans le bureau les toiles deffectueuses, sauf a ceux qui se croiront lezés de se pourvoir
devant le juge des manufactures, lors du jugement ; qu’il leur soit aussy fait deffenses de le
menacer ni outrager de parolles dans ni hors le bureau, le tout sous peine de 300£ d’amende,
et d’un mois de prison, meme de plus grande peine en cas de recidive.
Ordonner que la piece de toile dite Locornan a 2 fils, saisie le 21 septembre 1767 sur
Catherine Ligavan femme de Jean Ligavan, pour manque de 60 fils dans la chaine, sera
Annexe n°25 | 100
confisquée, et le dit Jean Ligavan condamné en 10£ d’amende conformément a l’art. 1 du
reglement du 13 mars 1742.
Ordonner aux fabriquans de fabriquer leurs toiles conformément a tous les articles du susdit
reglement, au comis d’arreter celles qui y seront en contravention, au juge d’y conformer ses
jugemens, et de donner protection et mainforte au comis dans tous les cas raisonnables, sauf
aux tisserands a presenter au conseil telles representations qu’ils croiront devoir contribuer au
bien de leur fabrique, mais qui ne pouront avoir d’execution, qu’après les ordres du conseil.
Annexe n°25 | 101
ANNEXE N°26
Mémoire sur les toiles à voiles du Sieur Picot daté de 1775
(ADIV, 9M 15)
4 avril 1775
Observation sur un mémoire du Sieur Picot
Il n’existe en Bretagne qu’un seul privilège pour la fabrication des toiles à voiles, c’est celui
en vertu duquel M. Le Boucher a établi une manufacture de ces toiles dans un des fauxbourgs
de Rennes. Il ne parait pas qu’elle puisse faire aucun tort à la fabrique des environs, elle est
obligée de vendre ses toiles de 12 à 15 p% plus chers que celleci, ainsy elle a peu de
débouché.
La fabrique des toiles à voiles de l’Evéché de Rennes est toute dans les campagnes à 2, 3, 4
jusqu’à 8 lieues de la capitale. Les fabricans sont tous colons, ils sèment le chanvre, le
récoltent, le préparent, les font filer, et font fabriquer les toiles, ou chez eux par des tisserands
domestiques, ou par leurs voisins dans les moments que leur laissent la culture des terres ; la
fabrication et le commerce de ces toiles est une des principales ressources des habitants
d’environ 20 ou 30 paroisses de ces cantons et de plusieurs négociants de la ville.
Les puissances maritimes ont un interée particulier à se procurer de bonnes toiles à voiles, de
leur perfection dépend la sûreté des expéditions de mer et la vie de plusieurs citoiens utiles.
Les armateurs cherchent aussi à se procurer les meilleures, mais à un prix relatif à
l’importance de leurs armemens, à la grandeur de leurs vaisseaux, et à la longueur des
voyages qu’ils entreprennent, ainsi il en faut de plus ou moins fortes et par conséquence plus
ou moins chères.
Ce sont surtout les toiles de premières qualités convenables pour les grands vaisseaux, et pour
les voiages de long cours que l’on tire de Russie et d’Hollande, parce que celles que nous
fabriquons dans …, sont composées de fils trop fins, surtout pour les tramer, ainsi elles ne
peuvent avoir, ni le corps, ni la force necessaires pour resister aussi longtems que ces toiles
Annexe n°26 | 102
etrangeres. Le principal défouct de ces toiles à voiles vient donc de la filature, le moïen
qu’indique le S. Picot pour la reformer n’est aucunement à charge aux fileuses et sera efficace
si MM. les Recteurs ou Curés des paroisses de la fabrique veulent bien se prêter à
communiquer facilement aux fileuses les echantillons qu’on deposera chez eux et à les
exhorter à s’y conformer, c'est-à-dire de filer plus gros et à moins tordre les fils destinés pour
traine ; ou a d’autant plus lieu d’esperer qu’ils ne regarderont pas ces details au dessous de
leur ministere que ce sera assurer un moien d’occupation et de subsistance aux plus pauvres
de leurs paroissiennes.
Si ce moien est adopté, il sera facile de se procurer des échantillons convenables. On tirera
des manufactures royales de Brest, d’Angers, ou de Beaufort en Anjou, des échantillons des
trames qu’on y fait entrer dans la composition des toiles de la premiere qualité, ou sera filer a
Rennes ou dans les environs la quantité nécessaire pour en déposer 1,2 ou 3 echevaux dans
chaque paroisse suivant son étendüe. 20 ou 30 £ de trames suffiront pour cela, et la dépense
n’excedera pas 40 a 50 £ qu’on prendra sur les excedens de produits du…oît demarque dont
on compte tous les ans à M. l’Intendant, cette somme sera deboursée par l’Inspecteur de
Rennes qui la passera en depense dans son prochain compte.
Il paroit qu’il sera egalement necessaire d’exhorter les fabricans à se servir des trames filées
conformément aux échantillons pour la tissure des toiles à voiles dites 6 fils en 30 et 36
portées, ainsi que pour celle des 4 fils en 25 et 30 portées, en leur laissant la liberté d’emploier
les trames plus fines dans les toiles de qualités inferieures.
Les bureaux de la Guerche et de Vitré furent suprimés en 1769 à cause de leur mauvaise
administration, a laquelle on ne pouvoit remedier vu la mediocrité de leur produit, mais on ne
croit qu’on le fut porté a la supression de ces bureaux qui enfin étoient commodes pour les
fabricans qui en étoient voisins, s’il n’avoit été prié d’emmener permis, par un arrêt du 7 fev.
1757 à tous les fabricans de l’Eveché de Rennes, de faire marquer leurs toiles dans tous les
bureaux de contrôle établis dans la Province ; motif de cet arrêt fut l’éloignement de quelques
fabricans qui se trouvent a 8 lieuës de Rennes et qui n’en ont que 12 ou 15 pour se rendre à
Nantes ou se consomme la majeure partie des toiles à voiles de cette fabrique, on croit donc
qu’il est utile de laisser subsister cette liberté.
Mais s’il est constaté que l’Inspecteur et le Comis des manufactures marquent sans examen
toutes les toiles qu’on aporte au bureau de cette ville, il est tout simple d’assujetir les
marchands de toiles de cette ville à remplir les fonctions d’Inspecteurs marchands de le
Annexe n°26 | 103
bureau. Ils ont un interêt personnel à ce qu’on ne marque aucunes mauvaises toiles, ils les
rebuteront, ils sont en grand nombre, ainsi ils ne seront pas grevés par ces assujetissement et
on ne sou… pas sur quels motifs ils s’y sont soustraits jusqu’icy, il ne s’agit pour cela que de
former un tableau de tous ceux qui doivent y etre compris sur lequel M. l’Intendant ordonnera
qu’ils serviront deux par trimestre conformément a tous les reglemens et qu’ils visiteront non
seulement les toiles à voiles, mais les courtils, les toiles Nantoises, les toiles peintes, et les
toiles Bretagnes. Alors la visite y sera à l’instar du bureau de Rennes, et les fabricans seront
obligés de n’y présenter que des toiles loyalles et marchandes.
___________________________________________________________________________
M. de Trudaine
Paris le 20 janvier 1776
M.
J’ai l’honneur de vous envoyer un mémoire qui m’a été adressé par le Sieur Picot, négociant
de la ville de Rennes, au sujet de la défectuosité des toiles à voile qui se fabriquent en
Bretagne et sur la nécessité qu’il y auroit, pour l’avantage de cette branche de commerce, d’en
perfectionner la fabrication.
Ce mémoir, M., me paroit très-intéressant. Vous y verrez qu’en général, toutes les toiles qui
se fabriquent en Bretagne, sont […] des fils trop fins et n’ont par conséquence ni le corps ni la
force nécessaire d’un bon usage* (*et pour servir de voile aux grands vaisseaux destinés aux
voyages de long cours ;) de sorte que les Armateurs donnent la préférence aux toiles
étrangères et sur-tout à celles de Russie et de Hollande, parcequ’étant tramées avec des fils
plus gros et plus forts que celles de Bretagne, elles ont beaucoup plus de consistance et de
force et résistent bien plus long-temps.
Annexe n°26 | 104
Ce négociant ajoute et il est en effet sensible que la défectuosité de nos toiles, ne provient que
de la filature ; en conséquence, il propose pour remédier à ce défaut, d’envoyer à tous les
Recteurs des Paroisses où on fabrique des toiles, des échantillons de gros fil, pour servir de
modèle aux fileuses, et d’exhorter les fabricans à se servir de trames filées conformément à
ces échantillons, même de les y obliger en quelque sorte, par l’attention qu’on auroit de ne
marquer que les toiles de bonne qualité.
J’ai communiqué, M., ce mémoire à l’Inspecteur général des manufactures de mon
Département et j’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint, les observations qu’il m’a remises à ce
sujet : elles ne laissent aucun doute sur l’utilité du projet du S. Picot.
Je pense en effet qu’il n’en peut résulter qu’un tres-grand bien pour le commerce de toiles à
voile de Bretagne et que les fabricans seront les premiers à en ressentir les avantages ;
parceque leurs toiles, étant tramées sur le modèle de celles de Russie et de Hollande, en feront
nécessairement tomber le débit ; elles seront d’ailleurs fabriquées avec de plus beaux chanvres
et se trouveront par ce moyen, supérieures en qualité : ainsi les Armateurs cesseront d’être
dans la nécessité de se pourvoir à l’étranger et les fabriques de la Bretagne qui sont déjà d’une
grande ressource pour les habitans, principalement dans l’Evéché de Rennes et que les
marchands* (*de toiles de cette ville) sont particulièrement intéressés à faire mettre au rebut
toutes celles qui sont défectueuses, il me paroit qu’il convient de les obliger, en conformité
des réglements, à remplir eux-mêmes, tour à tour, les fonctions d’Inspecteur au Bureau de la
marque.
J’ai cru, Monsieur, devoir vous communiquer ces différentes propositions ; et je donnerai à
cet égard, les ordres nécessaires, d’après ce que vous aurez bien voulu me marquer.
Je suis
Annexe n°26 | 105
ANNEXE N°27
Mémoire sur les toiles à voiles daté de 1778
(ADIV, 9M 15)
Rennes – 10 février 1778
Au dossier
MEMOIRE
Quelques fabricants de Châteaugiron seront chargés de fournir à un négociant de Rennes des
toiles à voile de la première qualité, des 6 fils en 3 b. et des 4 fils en 30 portées. Les toiles sont
divisées en petites pièces de 40 à 50 aunes de Paris, et pliées à la même aune. Ce pliage est
contraire à l’article 24 du règlement du 4 novembre 1745 qui ordonne que toutes les toiles y
dénommées seront pliées par feuilles d’une aune ou verge de 50 pouces, parcequ’à Rennes
elles se vendent à cette mesure. Quoique les formes admises par ces fabricants, ou demandées
par leur comettant soyent irrégulières, et qu’il semble qu’ils laissent de se faire authoriser
avant de les adopter. Je ne crois pas qu’on doive leur en faire un crime, parcequ’elles ne
s’opposent en rien à la bonté de la toile, et qu’au contraire la réduction des pièces à un
moindre aunage ne peut que faciliter la bonne fabrication ; mais contre toute raison, et au
mépris des règles établies, ils s’efforcent de les soustraire a toute visite et marque, ce qui est
d’un très dangereux exemple, et ne peut manquer d’estre aussy préjudiciable a la fabrique
qu’aux produits des bureaux des manufactures ; cette fabrication, commencée depuis environ
4 mois, s’augmente journellement, et peut s’estiment actuellement a environ 20 pièces par
semaine.
Les négocians de Rennes ont été le premiers a m’informer de cette fabrique clandestine ; j’ay
avertis les fabriquans, qu’on m’a désignés, de présenter ces toiles a la visite, comme les
autres, faute de quoy j’en ferois a recherche, et que les délinquans seroient punis suivant les
rigueurs des réglements.
Annexe n°27 | 106
Le jour de visite suivant 3 fabriquans présentèrent 8 pièces, on n’eut qu’a les livrer sur la
pureté et la préparation des matières, ainsi que sur la bonne fabrication, on les exhorta a
continuer, et a les présenter à la visite pour exciter l’émulation des autres fabriquans ; on les
leur marqua quoiqu’ils eussent négligés d’y appliquer l’empreinte de leur nom, et de celuy de
leurs demeures, on les avertit de ne plus obmettre cette précaution ordonnée par l’article 31 du
susdit règlement ; le jour de visite suivant on en présenta 3 autres pièces, les noms des
fabriquans n’y étoient pas mis, on les marqua néanmoins en leur réitèrent la nécessité d’y
mettre les noms ; depuis on n’en a pas présenté a la visite. On a été informé qu’on continuoit
d’en fabriquer, qu’on les aportoit a Rennes et qu’on les entreposoit dans les magasins que ces
fabriquans ont dans le voisinage du bureau.
Le samedy 7 du mois je fus avertis que Pierre Gaulay de Chateaugiron en avoit fait
entreposer, la veille quelques pièces dans son magasin, et qu’elles n’y étoient plus, j’y
descendis sur le champ et luy demandai les petites pièces qu’il avoit fais apporter la veille a la
connaissance de tous ceux qui fréquentent le bureau ; il s’y en trouva deux, qu’il fit porter au
bureau, et me dit qu’il alloit y faire aporter les 3 autres. Je les luy demandai plusieurs fois, en
présence de l’inspecteur marchand en exercice, et des marchands et fabriquans, en l’assurant
qu’on les marqueroit dès qu’il y auroit appliqué l’empreinte de son nom, et que s’il ne les
présentoit pas, je prendrois les ordres de M. l’intendant sur la contravention, il promit
toujours, et la visite finit, sans que les 3 pièces parurent, les 2 autres sont restés dans le
bureau.
Je crois qu’il seroit très dangereux de laisser ce fabriquant le maitre de représenter, ou non,
ces 3 pièces ; qu’il seroit convenable pour faire un exemple, et rétablir la subordinnation, et la
bonne police dans ce bureau de l’obliger de les représenter demain mercredy, et faute a luy de
le faire d’en dresser un procès verbal sur lequel il soit condamné a en payer la valeur estimée
a 50 francs par pièce, et a 20 francs d’amende par chaque pièce conformément au susdit
article 31.
Ce fabriquant voudra peut être s’authoriser d’un arrest du conseil du 7 février 1757 qui permet
aux fabriquans de toiles dans tous les bureaux de visite et de contrôle établis pour la visite et
marque desdites toiles ; mais cet arrest n’a dérogé a l’article 34 du susdit règlement qu’en
faveur des fabriquans qui par l’éloignement ou ils se trouvent de la ville de Rennes,
éprouveroient des frais inutiles, comme ceux des environs de la Guerche qui sont
presqu’aussy près de Nantes que de Rennes, et obligés d’y passer, surtout si leurs toiles sont
Annexe n°27 | 107
destinées pour St Malo comme celles du (marchand ?) Gaulay, or il seroit facile de prouver
qu’il se s’est jamais marqué de toiles a voiles au bureau de St Malo, s’il y en va c’est en
fraude au surplus il est certain que Gaulay et ses confrères livrent ces toiles a Rennes, et
qu’ainsi ils les vendent sans aucunes marques, ce qui est contraire aux dispositions de cet
arrest.
Le négociant qui les reçoit a Rennes est encore dans un cas moins favorable, il ne peut les
faire transporter sans marques, encore moins s’apposer a ce que le fabriquant y applique
l’empreinte de son nom ; il ne peut y avoir d’autre interest que de cacher l’endroit d’ou il tire
ces toiles pour s’en procurer un commerce exclusif sous des noms, et peut-être des marques
déposées, trouver ainsy le consommateur, et frustrer le fabriquant de l’Evesché de Rennes
d’une exportation plus considérable que luy procureroit nécessairement la connaissance d’une
fabrication améliorée dont le bénéfice se répartiroit sur tous les fabriquans et négocians, ou
bien de se trouver concentré entre 4 ou 5 fabriquans et un seul négociant.
Annexe n°27 | 108
TABLE DES ANNEXES
Annexe n°1 : La production des toiles en Bretagne du XVIe au XVIIIe siècle……….……. 3
Annexe n°2 : Liste des marchands de toiles d’Amanlis en 1791………………………...
4
Annexe n°3 : Liste des marchands de toiles d’Amanlis au XIXe siècle…………………..
6
Annexe n°4 : La localisation des marchands d’Amanlis en 1791 et 1856……………….
8
Annexe n°5 : Rôles de capitation de 1783 et 1790………………………………………. 9
Annexe n°6 : La répartition des marchands selon leur capital foncier, d’après les
registres de mutations après décès……………………………………………………….. 12
Annexe n°7 : Généalogie de la famille Chevrel du Gros-Chêne……………………….... 14
Annexe n°8 : Généalogie de la famille Jouzel………………………………………….... 19
Annexe n°9 : Généalogie de Pierre-Antoine Arondel…………………………………....
23
Annexe n°10 : Propriétés foncières de Jean-Baptiste Chevrel…………………………...
25
Annexe n°11 : Propriétés foncières des frères Jouzel……………………………………
26
Annexe n°12 : Propriétés foncières de Pierre-Antoine Arondel…………………………
27
Annexe n°13 : Répartition du parcellaire des propriétés foncières des marchands de
toiles……………………………………………………………………………………… 28
Annexe n°14 : Inventaire après décès de Jean-François Chevrel………………………... 29
Annexe n°15 : Inventaire après décès de Jean-Baptiste Chevrel………………………...
49
Annexe n°16 : Les maisons de marchands de toiles d’Amanlis…………………………. 68
Annexe n°17 : L’organisation du pouvoir paroissial à Amanlis sous l’Ancien Régime… 71
Annexe n°18 : Les délibérations du général de paroisse…………………………………
72
Table des annexes | 110
Annexe n°19 : Les marchands de toiles délibérants du général de paroisse dans les
années 1780………………………………………………………………………………
77
Annexe n°20 : Le livre de compte de René Albert………………………………………. 78
Annexe n°21 : Le district de La Guerche………………………………………………
80
Annexe n°22 : Les retables de l’église paroissiale d’Amanlis, construits dans les années
1630-1640………………………………………………………………………………... 81
Annexe n°23 : Le dossier de faillite de Jacquette Hamelin, marchande à Châteaugiron,
en date du 3 février 1790…………………………………………………………………
84
Annexe n°24 : Le dossier de faillite de René Albert, marchand à Amanlis, en date du 19
septembre 1783…………………………………………………………………………... 89
Annexe n°25 : Rapport sur les toiles à voiles daté de 1771……………………………...
95
Annexe n°26 : Mémoire sur les toiles à voiles du Sieur Picot daté de 1775……………..
102
Annexe n°27 : Mémoire sur les toiles à voiles daté de 1778…………………….............. 106
Table des annexes | 111
Résumé :
Les
e
XVI
et
e
XVII
siècles ont vu émerger, dans les campagnes du sud-est de Rennes,
une zone de production toilière particulièrement dynamique. Centrée sur les paroisses de
Noyal-sur-Vilaine, Châteaugiron, Amanlis, Janzé et Piré-sur-Seiche, la manufacture des
« noyales » est destinée à la fabrication et au commerce de toiles à voiles.
C’est à l’étude des mécanismes économiques, sociaux et commerciaux de cette
manufacture toilière, moins bien connue que les deux manufactures linières des « crées » dans
le Léon et des « bretagnes » dans le Centre-Bretagne, que ce travail est consacré. De plus,
cette recherche entend se concentrer sur les acteurs majeurs de cette production toilière : les
marchands ruraux de toiles à voiles. L’analyse de ce groupe social, mal identifié, tourne
autour d’une question centrale : forment-ils une petite élite rurale économique, sociale et
politique à l’échelle de leur paroisse au
e
XVIII
siècle, puis de leur commune au
XIX
e
siècle,
voire au-delà ?
Mots-clés :
Amanlis, marchands de toiles, élite rurale, proto-industrie textile, toiles à voiles, chanvre