tashi delek - Hippocratus
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tashi delek - Hippocratus
TASHI DELEK Hommage Introduction Les origines de la médecine tibétaine, son histoire Formation des praticiens Les 3 apprentissages possibles –famille -monastère -université Décalage urbain/rural Pays et peuples concernés Le principe d’équilibre des 3 humeurs Les 3 humeurs –le vent -la bile -le phlegme Les facteurs déclenchants –proches -fondamentaux Thérapeutique Méthodes de diagnostic Traitements – régime, hygiène de vie -plantes : Ramassage Lavage Séchage Stockage Détoxination -formes médicamenteuses Pharmacologie 5 niveaux Devenir Conclusion Hommage au Parfait Eveillé, le Maître Spirituel de Médecine, Roi de l'Eclat du Béryl "Au pays de médecine appelé Lta-na-sdug, résidence des sages inspirés, se trouve un palais formé des cinq espèces de matières précieuses. L'ornementation de ce palais :il est paré du précieux joyau de médecine sous diverses formes. Ce précieux joyau guérit des 404 maladies nées des déséquilibres du pneuma, de la bile et du phlegme, isolés ou associés par deux et par trois. Il rafraîchit les fièvres, réchauffe les maladies froides, apaise les 80000 espèces de mauvais esprits et exauce tous les voeux. Au Sud de ce pays, la montagne Bigs-byed qui possède l'énergie du soleil,couverte d'une forêt de drogues qui guérissent les maladies froides:grenades,poivre noir et poivre long,piment etc ,médecines de saveur épicée,acide,salée et de potentialité chaude. Au séduisant pays de Lta-na-sdug imprégné du parfum des drogues à racines, à bois,à tiges,à feuilles,à fleurs et à fruits,il n'y a point de maladies froides. Au Nord de ce pays la montagne Himalaya(gangs-can)qui possède l'énergie de la lune,couverte d'une forêt de drogues qui guérissent les maladies chaudes:santal,camphre,a-ga-ru,nim-pa,etc,médecines de saveur amère,sucrée,astringente et de potentialité froide et émoussée .Au séduisant pays de Lta-na-sdug imprégné du parfum des drogues à racines,à bois,à tiges,à feuilles,à fleurs et à fruits ,il n'y a point de maladies chaudes. A l'Est de ce pays la montagne appelée"parfumée d'encens"(sposngad ldan-pa) couverte d'une forêt de Terminalia Chebula. Les racines guérissent les affections des os,le bois celles de la chair,les branches celles des vaisseaux et des tendons,l'écorce celles de la peau,les feuilles celles des organes creux,les fleurs celles des organes des sens et les fruits celles des organes pleins. Au sommet mûrissent les 5 variétés de fruits de Terminalia Chebula. Elles possèdent les 6 saveurs, les 8 potentialités, les 3 propriétés post-digestives et rassemblent les 17 qualités. C'est pourquoi elles guérissent toutes les formes de maladies. Au séduisant pays de Lta-na-sdug, imprégné du parfum des médecines les 404 maladies n'existent point. A l'Ouest la montagne Malaya où poussent les 6 bonnes drogues. C'est la montagne aux médecines qui apaisent toutes les maladies:les 5 sortes de carbonates de chaux cong-zhi, les 5 sortes de bitume, les 5 sortes d'eaux médicinales et les 5 sortes de sources chaudes avec, de tous côtés,des collines de safran au parfum d'encens,des rochers avec des drogues minérales et toutes les variétés de sels. Perchés dans la forêt de médecine, le paon,l'oiseau shang-shang,le perroquet etc. font entendre leur doux chant .Au pied de la forêt se trouvent tous les animaux porteurs de bonnes drogues:l'éléphant, l'ours,le daim musqué etc. Il n'y a rien de tout ce qui orne ce lieu qui ne soit une sorte de médecine . Sur un trône de béryl, au centre du palais, siège le Maître appelé"Vainqueur qui a passé au- delà""Guérisseur","Maître Spirituel de Médecine, Roi de l'Eclat du Béryl".Il est complètement entouré par 4 assemblées :dieux,sages inspirés,non-bouddhistes et bouddhistes. Rgyud-bzhi vol 1 chap 1 Le Bouddha de la médecine, Sangye -Men-La tient souvent un myrobolan,fruit du Terminalia Chebula en tibétain « dug-bcom »soit : qui rend le poison inactif ;en tenant compte de la connotation spirituelle du mot « poison » :désir-atachement, haine, ignorance dans le bouddhisme ; Sangye- Men- La est le précepteur des médecins, il a l’éclat du lapis lazuli, il est appelé roi de la lumière aigue-marine, Guérisseur souverain. Introduction Joindre l’utile à l’agréable voilà ce que j’ai pu réaliser au cours de cette formation. Et en trouvant un sujet de mémoire sur cette région himalayenne, sa culture et ses peuples qui me passionnent et m’émerveillent depuis tant d’années, mon objectif était le plaisir de partager cette découverte en quelques pages. Voici donc un aperçu de la situation de la médecine tibétaine illustré par des photos personnelles prises au cours de plusieurs séjours. Les plantes tibétaines se retrouvent manifestation de la culture tibétaine, symbole des enjeux entre Tradition et Modernité. En ethnobotanique, Laurent Pordié nous apprend que les pharmacopées sont l’objet de programme de recherches avec l’O.M.S., mais recherches établies en occultant leurs environnements socioculturels. La biomédecine (médecine occidentale) est représentée comme standard ultime. Cette attitude soutenue même par des spécialistes tibétains limite l’approche à des considérations biologiques et pharmacologiques créant une séparation biologique/social,alors que les plantes sont une expression d’une culture donnée dans un contexte global. Dans la médecine tibétaine la pharmacologie relève de fondements philosophiques bouddhistes sur lesquels la pratique médicale repose. Et de plus parfois pour rétablir la santé, la population a recours aux chamanes spécialistes de rituels qui traitent la maladie comme les autres manifestations du malheur : mauvaise récolte, absence de pluie ou son contraire etc. La pharmacopée peut apparaître moderne : écologique, symbole d’un retour aux sources, arme politique, potentiel économique, médecine connectée au bouddhisme .Une identité ethnique s’exprime à travers la plante. Egalement être sympathisant des médecines traditionnelles- dites douces en occident, considérées comme pratique spirituelle- et aussi de leurs pharmacopées est une marque identitaire encline au modernisme. Cette grande tradition de médecine ne s’est jamais éteinte au Pays des Neiges et de nombreux scientifiques dans le monde entier l’étudient au plus près. Mais commençons par son histoire. Les origines de la médecine tibétaine La nature même du peuple et du pays donne des caractéristiques particulières à cette médecine originale classée dans les médecines traditionnelles alors qu’en étant seule connue jusqu’à récemment elle n’avait pas d’autre médecine à laquelle s’opposer. Pratiquée de façon ininterrompue depuis 2000 ans environ, les tibétains attribuent l’origine de leur médecine au Bouddha Sakyamouni lui-même. Comme la philosophie, la sciences des soins=Gso-ba rig-pa , est venue de l’Inde et représente un recours parmi d’autres comme les prières et la lecture de textes sacrés,pèlerinage, intervention des chamanes et différents rituels. Avant que le bouddhisme ne pénètre en Himalaya (demeure des neiges en sanskrit), la religion Bön régnait et ses tradipraticiens n’utilisaient pas les plantes. Nous sommes en 127 avant JC le premier roi du Tibet Nya-Tri Tsenpo règne et accueille les premiers thérapeutes venus de l’Inde. Au VIII eme siècle un grand médecin, Yuthog Yonten Gompo, er vénéré comme une réincarnation du Bouddha de la médecine, fonde le 1 collège médical à Menloung ,les 300 premiers diplômés sont sanctionnés déjà par 4 niveaux d’études différents. Maintenant que le tibétain écrit existe, Yuthog l’ancien surtout peut composer : Les Quatre Tantras de médecine=Tantras Racines= Gyud bzhi contenant l’enseignement sous forme versifiée de questions/réponses entre 2 sages inspirés, le sage « connaissance de la science »et le sage « né de l’esprit ». Les contrées voisines l’Afghanistan, le Cachemire, la Chine, la Mongolie,le Népal et la Perse participent. Au XII eme une synthèse de ce quadruple traité sera organisée en système et imprimée Par Yuthog Yonten Gompo le cadet . Bdud-rtsi snying-po yan-lag brgyad-pa qsang-ba man-ngag gi rgyud soit traité de l’Instruction secrète aux huit branches, essence d’ambroisie- titre complet des 4 traités- est donc composé de 156 chapitres traitant de 8400 maladies et 2993 substances médicinales dont 300 végétales . Le système part du principe que les substances de notre environnement absorbées sous forme de médicaments ou d’aliments et les substances de notre corps sont de même nature. C’est l’interdépendance . Il est indispensable d’avoir une alimentation saine et une bonne hygiène de vie en complément du traitement médical. -Le tantra fondamental : Rtsa-ba’i rgyud compte 6 chapitres et constitue une sorte d’index sur les causes des maladies, leur examen et les moyens curatifs. -Le tantra explicatif : Bshad-pa’i rhyud ,31 chapitres sur l’anatomie, la physiologie, la thérapeutique et les préparations médicinales, la chirurgie, l’éthique médicale. Cette doctrine médicale doit beaucoup à la médecine ayurvédique mais selon une perspective différente. -Le Tantra des instructions : Man ngag rgyud,en 92 chapitres étudie et classe les causes et conditions d’apparitions des maladies avec diagnostics et soins appropriés ; -Enfin le Tantra Final : Phyi ma rgyud en 25 chapitres étudie les pouls, l’examen des urines, et autres méthodes de diagnostic, les thérapies douces et fortes. Donc les 4 tantras rassemblent la théorie générale de la science médicale, l’exposé des maladies et les méthodes de soins. La grande majorité des médecins Figure 1texte tibétain étaient aussi des moines, les monastères faisaient donc office d’hôpitaux. C’est réunir l’éducation spirituelle et enseignement médical pour écarter toute souffrance et jouir d’une santé parfaite physique et psychique. Au XVII siècle apogée de la médecine tibétaine, le 5 eme Dalaï Lama décide la construction à Lhassa de son palais le Potala et de l’institut médical Chakpori. Le régent Sangye Gyamtso revise les 4 tantras, en donne un commentaire « aigue-marine » et fait réaliser 79 thangkas de médecine (tableaux sur toile réalisés selon un art très précis).Cela va constituer l’enseignement des étudiants en médecine tibétaine. . De 1910 à 1949 le Tibet étant fermé, seuls les Russes peuvent étudier la médecine tibétaine en Bouriatie (région à l’est du lac Baïkal de culture tibétaine) pour aboutir en 1963 à la rédaction d’un dictionnaire tibétain-latin-russe des plantes médicinales par Gammermann et Semiçov .Les diverses équipes russes travaillant chacune avec sa méthode, nous pouvons rencontrer plusieurs noms latins pour une même plante tibétaine et plusieurs fleurs pour un même nom latin ! En 1959 les Chinois envahissent le Tibet. Destructeur, le nouveau pouvoir anéantit l’existant : politique, philosophique, culturel, économique, médical et environnemental. De nombreux médecins furent emprisonnés, les livres de référence brûlés, monastères démolis. Le Chakpori rasé sera rouvert à Kalimpong en Inde. Le grand collège médical de Lhassa le Men tsee khang sera détruit, rebâti puis agrandi sous le nom d’Hôpital de Médecine Traditionnelle de la Région Autonome du Tibet. En 1976 apparaît dans une maison particulière un nouveau dispensaire de médecine tibétaine et ainsi petit à petit grâce à la valeur et l’utilité de cette médecine elle est « reconnue ».Les Chinois cèdent aux instances des étrangers, des Tibétains et autorisent à l’intérieur d’universités des formations de médecine tibétaine . Les Chinois vont même jusqu’à s’en servir de propagande en faisant visiter aux touristes les nouvelles installations « pour le bien du pays » ! D’autre part les Tibétains exilés se sont organisés et à Dharamsala lieu de résidence du Dalaï Lama et du gouvernement en exil, un institut médical voit le jour. Il est alors à la fois hôpitaldispensaire pour Tibétains et non Tibétains et centre d’études. C’est le nouveau Men Tsee Khang, le TMAI (tibétan médical and astrologic institut). Figure 2Pharmacie dispensaire à Paro Bhoutan 1994 Nous avons eu l’occasion de voir des dispensaires jalonner les petites villes bhoutanaises,ladakhies et dolpopas.C’est quelques 3000 patients qui de par le monde sont soignés par la médecine tibétaine. Tibétains et non tibétains. Formation et apprentissage Cette médecine s’était organisée en fonction du pays immense et du mode de vie de ses habitants essentiellement nomades et agriculteurs semi-nomades. Figure 3 Camp de nomades en Amdo 1996 Ceux-ci ne pouvant facilement laisser leur bétail pour consulter à la ville souvent éloignée, les médecins ou amchis allaient vers eux. Le terme « amchi » est relativement récent et ne se retrouve pas dans les textes anciens tel le quadruple Tantra. Il provient du mongol « am-ci ». 3 systèmes de formations à la médecine tibétaine : Aujourd’hui cohabitent : Apprentissages dans la famille, au monastère, à l’université. 3 systèmes dans lesquels parallèlement à la mémorisation des 4 tantras, la transmission orale est très importante. Nous la retrouvons dans l’apprentissage lors des consultations, de la fabrication des remèdes, de l’identification de la matière médicale. --Dans certaines familles la transmission du savoir se fait dès le plus jeune âge, fille ou surtout garçon. Les enfants commencent par apprendre à reconnaître les plantes en les ramassant avec les adultes. Ils apprennent non seulement à les identifier mais aussi à ne prélever que la partie nécessaire et le nombre voulu de façon à ne pas nuire à la reproduction. Puis ils apprennent à les laver dans l’eau claire et froide des ruisseaux, les couper en morceaux si nécessaire et les faire sécher à l’ombre. Par la suite ils seront capables de participer à la préparation des mélanges de plantes, des pilules (Dolkar Khangkar).Et s’ils sont aptes et s’ils le décident ils pourront eux aussi devenir Amchi. Cette transmission orale fait que chaque famille détient quelques formules de médications originales légèrement différentes des princeps. --Dans le monastère, le département de la médecine , les Men Pa Kra Tshang , les jeunes moines étudient la médecine mais aussi les rituels consacrés à Sangye Menla, le Bouddha de la médecine .Ils alternent donc cueillette des plantes l’été, Figure 4Nonnes aux champs Ladakh préparation des médicaments et étude l’hiver . Mais souvent le nombre de médicaments préparés malgré le grand nombre d’étudiants est moindre ,la théorie et les rituels occupant la majeure partie de leur temps .Par contre la conservation de la lignée médicale(maître à disciple),l’ensemble des connaissances écrites et orales,est ainsi très bien respectée. --Dans les nouvelles universités chinoises la médecine tibétaine est une branche de la médecine traditionnelle chinoise tout comme la médecine mongole et ouïgoure et l’aspect bouddhiste a pratiquement disparu niant ainsi sa caractéristique propre .Reste le développement de l’aspect économique. Décalage ruraux/urbains : Traditionnellement les patients rétribuaient les amchis selon leur possibilité. Ainsi de la nourriture, du bois ou de la bouse séchée de chauffe offerts permettaient à l’amchi de se consacrer à son art sans travailler par ailleurs. De même des villageois pouvaient participer aux cueillettes organisées par le praticien ainsi qu’à la culture des champs de simples. Des liens unissaient les différents acteurs de la vie rurale, mais à présent l’esprit de groupe cède la place à l’individualisme. L’amchi n’est plus entretenu par la communauté, les patients lui donnent quelques roupies en échanges de pilules .Les praticiens en campagne doivent donc travailler en plus et ont moins de temps pour fabriquer des médicaments et former des jeunes(formation sur plusieurs années) . En ville des centres gouvernementaux gratuits favorisent la dévalorisation du système traditionnel, plus de don contre don mais soins sans contre partie d’où une déstabilisation de l’organisation sociale traditionnelle ; de plus la gratuité enlève de la valeur à ce qui est donné, les patients accordent moins d’importance à leur traitement. Figure 5 Dispensaire de Rimbik au Sikkim 2006 Dans ce dispensaire de Rimbik nous avons assisté à la prise en charge de jeunes mamans et de leurs bébés. Elles faisaient un long trajet à pied à travers la montagne, c’est elles qui allaient vers la médecine, bébés sur le dos, elles recevaient là aussi une éducation sexuelle, une éducation nutritionnelle délivrée par une doctoresse indienne Figure 6 jeunes mamans allant au dispensaire Les médicaments étaient issus de la biomédecine. 60 % des tradipraticiens pratiquent aussi la biomédecine en dispensant les antibiotiques nouveaux rois de la pharmacopée. Un travail de revalorisation de l’usage des plantes médicinales dans la médecine communautaire se fait tout doucement. Il existe bien sûr d’autres différences matérielles entre l’exercice rural et urbain comme l’utilisation de 2 cailloux pour broyer et pulvériser les plantes en montagne et celle d’une machine en ville. Mais la machine n’est pas indispensable il s’agit seulement d’une question de rendement, de désir de facilité. Les amchis se « recyclent » au service d’agence de randonnée, Figure 7 Thinley amchi /muletier Sikkim2006 muletiers, ravitailleurs ou vont pratiquer en ville auprès de cliniques privées qui parfois les exploitent. Ici Thinley nous a accompagné tout le long de notre périple autour du Kangchenjunga,s’occupant de ses mules portant nos bagages tout en cherchant et cueillant des plantes dont le fameux saussurea dont il était ravi. Son habillement déjà nous montre bien son attachement à sa tradition et son envie d’occidentalisation. Figure 8saussurea sp. may-thock G’ang-lhah Plante entière . Saveur : acide et sucré,potentialité :réchauffant ; Antitussive,aphrodisiaque,emmenagogue Figure 9saussurea sp Pays concernés L’aire immense de culture tibétaine comprend : La Mongolie,la Bouriatie sibérienne(région russe à l’est du lac Baïkal ,n’oublions pas que dans la Russie des tsars la médecine tibétaine a bonne réputation et des médecins bouriates ouvrent une clinique de médecine tibétaine à St Pétersbourg ),une partie de la Birmanie,de l’Assam. Le U Tsang et Lhassa,l’Amdo et le Kham d’hier aujourd’hui morcelés en Région Autonome du TibetYunnan-Sitchuan-Gansu et Qingshaï et enfin l’arc himalayen autrement dit de gauche à droite le Bhoutan,le Sikkim, le Népal, le Spiti, le Lahul et le Ladakh. Des régions à faible densité humaine dont l’altitude varie de 2000 à 5000 M et les températures entre -30 à + 30°C Le Tibet possède quelques 10000 espèces de plantes . Le Tibet au carrefour de la Chine, de l’Inde et de la Sibérie, sur la route de la soie, a pu intégrer les influences indiennes et chinoises. Figure 10 Pays culture tibétaine Le principe d’équilibre des 3 humeurs Les 3 humeurs La pratique médicale repose sur des fondements bouddhistes comme l’interdépendance des éléments. Tout tourne autour des 5éléments cosmo-physiques : - L’Espace ou l’éther, nam-mkha(caractérisé par la non résistance) -Le Vent ou l’air, rlung(non résistance + le mouvement) -Le feu, me (non résistance+mouvement+chaleur) -L’eau, chu (non résistance+mouvement+chaleur+fluidité) -La terre, sa, y ajoute la solidité. Ces éléments composent tout l’univers, toute substance matérielle aussi subtile soit-elle, vivante ou non. Pour le corps humain, l’élément prédominant dans chaque mélange donnera certaines caractéristiques physiques et psychiques . Figure 11 points acuponcture Bhoutan 12 Détermination des 6 saveurs par les éléments F.Meyer De même pour Laurent Pordié« la pharmacologie des substances ingérées, médicaments ou aliments, est fonction de 3 catégories d’agents : -les 6 saveurs de base (acide, sucré, salé, amer, astringent et épicé), - les 3 saveurs post-digestives (sucré, acide, amer) et -les 8 potentialités des drogues (lourd, léger, onctueux, âpre, froid, chaud, émoussé et acéré). Ces différents goûts et pouvoirs intrinsèques résultent d’une combinaison particulière des 5 éléments cosmo-physiques et agissent en fonction sur le système physiologique. » ; Le fondement de la physiologie humaine repose donc sur le Nyipasum=la théorie des 3 humeurs, qui sont : -Rlung(prononcer loung)ou pneuma ou le vent, -Mkhris-pa (tri-pa) la bile et -Bad-kan(badkane) le phlegme. Chacune est divisée en 5 types aux fonctions différentes. Le Rlung caractérisé par le vent, principe subtil d’énergie et de mouvement, âpre et léger, froid, subtil, ferme et mobile. Il fait le lien entre le corps et l’esprit. Comme un cheval chevauché par l’esprit quand le cheval va mal, le cavalier ne pourra pas monter correctement. La Mkhris-pa, la bile liée à la fonction de la digestion et de la thermorégulation, a pour élément le feu. Elle est chaude, onctueuse, légère, fétide, acérée, purgative. Bad-kan, le phlegme, terre+eau est l’énergie du liquide, la fluidité, il maintient la souplesse des articulations, apaise l’esprit. De par sa nature, il est froid, onctueux, émoussé, stable, doux, lourd et gluant. Un déséquilibre dynamique entre ces 3 humeurs, c'est-à-dire un déséquilibre des 5 éléments entraîne l’apparition des symptômes morbides. Les humeurs sont les causes premières de maladies sous l’effet de facteurs déclenchants. Le traitement prescrit vise simplement à rétablir l’équilibre humoral rompu en abaissant ou augmentant les 5 éléments et les 3 humeurs perturbés en vérifiant qu’en abaissant le trop (ou en augmentant le manque), ce médicament n’augmente (ou ne diminue pas) une autre humeur, créant ainsi un autre déséquilibre, iatrogène ici. Figure 13 Rheum nobile Sikkim 2006Choo-mah-tzee Tige et fleur.Saveur :acide.Potentialité réchauffante Laxative,diurétique,antiémétique. L’équilibre des 3 humeurs entraîne l’équilibre des 7 constituants corporels : le sang, la chair, les muscles, la graisse, les os, la moelle osseuse, le suc reproducteur et l’essence nourricière. Ceux-ci ajoutés aux 5 organes des sens, aux 5 organes pleins (cœur, foie, reins, poumons, rate) et aux 6 organes creux (estomac, gros intestin, intestin grêle, vessie, vésicule biliaire, organes destinés à recueillir le suc reproducteur) composent le corps humain. Ces humeurs coopèrent pour extraire de l’alimentation l’essence nourricière, carburant du corps. La digestion est primordiale : le phlegme agit en décomposant et mélangeant la nourriture ;la bile participe dans l’estomac et le vent sépare les éléments purs des déchets. Dans la tradition tibétaine la maladie s’exprime d’abord en surface (peau et chair) puis de + en + profond : les os, les 5 viscères pleins, les 6 creux. Dans cette théorie la pathologie est donc endogène, les facteurs déclenchants excitants ou opposés à une ou plusieurs humeurs provoquent un déséquilibre. D’où une thérapie apaisante et parfois drainante et évacuatrice de l’humeur concernée figure 14 datura Bhoutan 1994 Th’ang-trhom nhuck-poh fruit. Saveur :amer et âcre.Potentialité :rafraîchissant et poison anti inflammatoire,analgésique,anthelmintique, Les facteurs déclenchants sont de 2 types : -Proches = les modifications des 3 humeurs : accumulation, érection, sédation engendrées par une mauvaise diététique, les saisons, les mauvaises actions antérieures, le mode de vie. -Fondamentaux ou éloignés = les 3 poisons mentaux : désir-attachement, haine, ignorance donnant à l’être humain une perception erronée de la réalité phénoménale. Dans cette optique bouddhiste le désir-attachement entraînera un déséquilibre du vent, la haine de la bile et l’ignorance du phlegme. Les causes proches pourront avoir des traitements médicaux tandis que les causes fondamentales trouveront l’apaisement voire la guérison dans la philosophie bouddhiste menant à l’Eveil,réalisant « que rien n’a d’existence en soi, que tout est vide et impermanent par une pratique assidue des enseignements du Bouddha » pour Tsering Phuntsog. Un amchi essaie tout en prescrivant des médications de faire prendre conscience à leurs patients de la présence d’un poison mental à corriger par le biais de la pratique bouddhiste. « La pharmacologie tibétaine révèle le rôle du religieux au sein du médical et éclaire également le médical comme véhicule des doctrines bouddhistes »Laurent Pordié. Un être est sous l’influence des 3 humeurs avec une ou deux dominantes et pouvant évoluer dans le temps. Voici quelques profils type Bad-kan(phlegme) : personne pâle, grosse, enjouée, serviable, a des problèmes de thermorégulation et peut vivre longtemps, tient la tête droite. Elle aime les aliments acides et mange beaucoup .Le « phlegme »se développe pendant l’enfance. Mkhris-pa (bile): a le teint jaune, est fine, agressive, intelligente, mange peu .La « bile »se développe à l’âge moyen. Rlung(pneuma) : personne courbée, mince, peu souple, teint sombre, gaie, aimant discuter, se disputer, aux articulations des genoux qui craquent. Ses aliments sont amers, acides voire piquants. Le « vent »se développe à la vieillesse. Thérapeutique Méthodes de diagnostic --Observation des yeux, du lobe des oreilles (chez les enfants) des paupières, de la langue des urines --prise des pouls= sphygmologie : Figure 15 Dasho médecin prenant le pouls de Sonam Bhoutan 1994 Elle constitue un lien physique avec le patient, le praticien se met en empathie avec le malade. A chaque poignet, palpation en profondeur ou en superficie de l’artère radiale par l’index, le majeur et l’annulaire. Donc 12 pouls en tout. A l’examen le poignet gauche est lu en premier chez l’homme et le droit chez la femme. Habituellement le médecin palpe avec ses doigts droits les pouls gauches du malade et vice versa. On notera l’existence de pouls « étonnants » tel le pouls de l’invité, de la famille, de l’ennemi, de l’ami, du mauvais esprit,de substitution ,de grossesse et de mort etc. .Il faut au moins 3 ans pour maîtriser la technique de prise des pouls .Cette prise de pouls ne donne qu’une indication d’un symptôme. Ici le médecin bhoutanais(qui a étudié à Lhassa avant 1959)dirigeait l’hôpital traditionnel de Timphu capitale du Bhoutan. Il auscultait Sonam qui se plaignait de migraines. Et l’interrogatoire en 29 questions concernant les 3 humeurs. Parfois le praticien fait aussi un diagnostic astrologique, ou une analyse des rêves, ou de l’iris. Les 404 maladies répertoriées sont classées en 4 groupes suivant leur gravité et leur traitement ou absence de traitement : Faciles à guérir : en prenant des médicaments adaptés qui accélèrent la guérison Difficiles à guérir : soignables et souvent guérissables Incurables : mais peuvent être soulagées ; placebo, vie normale jusqu’à la fin Celles où le traitement est refusé, il ne ferait qu’accélérer la mort.(mauvais sorts,mauvais esprits en présence) Traitement En tout premier : Figure 16 livre de Chris Ridell Rétablir un régime alimentaire sain et un rythme de vie harmonieux ; Pour notre ami Sonam de Timphu , ne plus fumer et moins boire d’alcool lui furent recommandé. Puis viendront les médicaments et les thérapeutiques externes dans un ordre précis. : L’administration de décoctions pour faire « mûrir » la maladie sera suivie de la prise de mélanges de poudres médicinales et de pilules. En cas de besoin on a recourt à des thérapies externes de douces à violentes en passant par rudes, puis à la petite chirurgie. -Médicaments : Chaque amchi avait ses formules tirées des écrits traditionnels et adaptées à chaque couple particulier Patient/Maladie. Maintenant certains laboratoires en particulier le TMAI de Dharamsala et d’autres dans le monde entier fabriquent en grande quantité des médicaments, selon des formules précises, distribués dans différentes officines. C’est moins personnalisé. Figure 17 ordonnance au Bhoutan 1994 pour Sonam Préparation des médicaments de phytothérapie : Le divin imprègne le quotidien de l’amchi dans la collecte et dans la préparation. _Ramassage : Proverbe tibétain : si l’été est passé, le revenu du médecin l’est aussi ! La période est très importante, dépend de la saison, de l’organe à prélever-tige en période humide-feuille en automne-fleurs pleinement épanouies-fruits à maturité-racine fin d’automneécorce début de printemps-résine milieu de printemps, du gel, de la grêle, de la sécheresse. Par tradition, elle débute au moment de bdud rsti byorba, journée propice. La cueillette se fait en pleine montagne loin des habitations, d’un cimetière, d’une falaise, d’un troupeau ; en récitant certains mantras Figure 18 mantra om mani pedme oum Dolpo 1999 (phrase récitée aux sons particuliers spirituellement significatifs ; il existe de multiples mantras pour chaque occasion,pour chaque action). Tayatha Om békadzé békadzé maha békadzé békadzé radza samugaté soha est le mantra court du Bouddha de la médecine ; La récolte n’est pas facilitée par les distances, l’altitude, les conditions météo. Elle se fera sur un versant nord, vers un sommet ou à l’ombre pour les plantes froides et au contraire sur un versant sud, au soleil pour les plantes chaudes. Elle se fera au printemps et en été, période ascendante, pour les plantes émétiques, qui entraînent vers le haut de potentialité feu-air et elle se fera en automne et en hiver, période descendante, pour les plantes purgatives, qui entraînent vers le bas de potentialité terre-eau . Figure 19 fleur de thé Darjeeling 2006 -Lavage : Après les avoir débarrassées de leurs cailloux éventuels et autres souillures on lave les plantes dans l’eau claire la plus proche du lieu de récolte. -Séchage : Puis elles sont secouées, pressées, coupées puis séchées au soleil pour les racines et toute plante à potentialité chaude et à l’ombre pour les fleurs et les plantes à potentialité froide. Les hôpitaux en l’absence de grenier séchoir utilisent de simples paniers en bambou et même des séchoirs électriques sujets de polémiques. -Stockage : Un an. Figure 20 réserve de l hôpital traditionnel Bhoutan 1994 Ici une véritable fortune dans ces lessiveuses. A cette date,on parlait beaucoup d’un if bhoutanais riche en taxol. -Détoxination : A faire lors de la cueillette au bon moment, on peut ainsi supprimer certaines parties de la plante jugées toxiques comme des nœuds de branches, épiderme de racines ou de tiges, endocarpes de fruits etc. Formes médicamenteuses : Toutes ont selon la quantité utilisée un ingrédient« roi »qui se « saisit » du désordre pathogène, des ingrédients « ministres »qui « infléchissent l’activité principale vers des activités plus spécifiques » et des ingrédients « peuple ». Nous trouvons comme formes : Figure 21liste plantes tibétain/latin au bhoutan 1994 Tisanes qui peuvent contenir jusqu’à 25 composants, à préparer en décoction Poudre de plantes à prendre par cuillerée Pilule : Méthode rurale : poudres +eau filtrée que l’on mélange longuement. Cela donne une pâte que l’on dispose sur une planche trouée de la taille des pilules voulues. Ces pilules seront roulées à la main puis séchées à l’air et enfin polies par frottement les unes contre les autres dans un grand sac, avec ou sans sucre. Méthode urbaine : le mélange sera effectué en machine de même que le séchage avec risque d’échauffement de la matière, ce que n’apprécient pas les anciens amchis. Figure 22méconopsis aculeata Amdo 1996 Tsayr-ngön Plante entière.Saveur :amer potentialité :froid Febrifuge,analgésique,consolidation des fractures Notons l’existence de pilules « précieuses » à base de matières premières rares tel le diamant, l’or, le corail, la turquoise en plus des plantes et de composants animaux. Leur préparation demande du temps, jusqu’à 2 ans jour et nuit, et une grande expérience. Leur prise est aussi jalonnée de rituels précis. Ces pilules sont destinées aux maladies graves avec des cibles différentes suivant l’élément précieux utilisé. Par exemple les affections du foie seront soignées par des pilules à base de turquoise, les nerfs par celles à base de corail etc. Fumigations, inhalations Beurres médicinaux : plantes intégrées dans un beurre de yak apprécié des personnes âgées mais peu utilisé ; Compotes : mais seulement dans les textes aujourd’hui comme les bières et les pâtes. En ville, au monastère les mélanges sont effectués par des préparateurs sous le contrôle du prescripteur Figure 23 Délivrance à Sonam 1994 à Figure 24pharmacien de l’ hôpital traditionnel Bhoutan 1994 préparant l’ ordonnance de Sonam. Les médications sont absorbées avec de l’eau chaude ou glacée ou encore dans du sucre ou du miel ce qui a pour effet de renforcer leur potentialité réchauffante ou refroidissante. Les remèdes de nature chaude se prennent le matin quand le » phlegme » qui est froid prédomine dans l’organisme ; les remèdes de nature froide sont donnés l’après midi ou le soir quand la » bile « chaude domine tandis que les remèdes contre les affections type » vent » sont à prendre en fin de journée. Les amchis préparent en montagne les mélanges qu’ils prescrivent, souvent sous formes de petits paquets-doses quotidiens sans oublier de réciter certains mantras de façon à augmenter le pouvoir du traitement, à purifier certaines choses négatives ou impures et même à remplacer 1 ou 2 composants manquants « .La plante est un véritable symbole de l’acte médico-religieux , elle catalyse les actions du praticien, transmet un héritage communautaire, c’est un vecteur d’identité culturelle. » pour Laurent Pordié. Devant une certaine pathologie diagnostiquée, le Quadruple Traité indique la forme du remède et son genre, c’est à s’il est « apaisant » ou « évacuateur »de l’humeur déséquilibrée. On apaise l’humeur en lui opposant une médication aux qualités contraires et parfois on doit amener une humeur pathogène à maturité avant de l’évacuer par un autre mélange adéquat. De plus Fernand Meyer signale que les notions d’apaisement et d’évacuation/purification occupent également une part importante dans le domaine religieux, aussi bien dans la doctrine que dans la pratique rituelle. Dans les remèdes « apaisants », il trouve Figure 25aconit sp Amdo 1996 Bhong-ngah nhuck-poh Racine.Saveur :apre et sucré. Potentialité :chaud et poison Vermifuge,anti inflammatoire,analgésique,contrôle rlung Les décoctions d’action rapide sont administrées en 1ère intention car elles mûrissent et collectent l’humeur morbide Les poudres : quand il y a résistance aux décoctions. Les pilules : lorsque les poudres ne suffisent pas. Les pâtes pour éliminer les vestiges morbides chroniques Les beurres : pour fortifier l’organisme Les cendres pour les maladies froides Les extraits pour les maladies chaudes Les bières pour les désordres du vent. Les matières précieuses sont réservées aux riches ou aux maladies résistant aux autres formes. Figure 26 gentiana sp Sikkim 2006p’ang-ghen Plante entière .Saveur:amer .Potentialité froid Febrifuge,anti inflammatoire Dans les remèdes « évacuateurs », il relève Les purgatifs : évacuent la bile vers le bas Les émétiques : évacuent le phlegme vers le haut Les sternucatoires : pour les affections situées au dessus des clavicules Des inductions d’écoulement par le nez Les lavements doux contre les désordres du pneuma et Les lavements drastiques en cas de ballonnements et rétentions urinaires. Dans les thérapeutiques externes employées classées en fonction de leur force, nous trouvons : Dans les thérapeutiques douces –des applications pour les désordres concernant plusieurs humeurs avec une prédominance du phlegme --des bains médicinaux et des applications chaudes sèches ou humides (serviettes boues) dans une dominance de la bile ; --des onctions surtout contre les désordres du pneuma. Dans les thérapeutiques externes rudes : --des saignées éliminant les vestiges des maladies chaudes. --acupuncture à l’aiguille d’or (sur l’occiput ou de part et d’autres de l’épine dorsale ou sur le thorax, destinée essentiellement aux affections mentales) --moxa ou moxibustion, c'est-à-dire la combustion à même la peau d’une armoise sur des points très précis et ceci contre les maladies froides(vent et phlegme) --paracentèse Et dans les thérapeutiques violentes nous trouvons : --la petite chirurgie : incision, extraction etc. Une particularité, les remèdes opiacés étaient inconnus des tibétains. 27Action répressive exercée par les six saveurs sur les trois humeurs F.Meyer Pharmacologie Les remèdes agissent sur 5 niveaux d’action : -Au niveau I chaque élément confère des propriétés thérapeutiques aux substances médicamenteuses. Par exemple pour agir sur le vent, l’apaiser, le stimuler, le stabiliser on recherchera des substances lourdes, stables, émoussées, douces, onctueuses, sèches donc qualités de l’élément Terre dominant. Pour agir sur la bile et le phlegme au contraire les qualités de l’élément Vent comme légèreté, froideur, âpreté, sécheresse seront recherchées dans les drogues où il prédomine. Et ainsi les drogues aux éléments Feu et Vent seront plutôt émétiques, évacuant vers le haut alors que les drogues Terre et Eau seront plutôt purgatives, évacuant vers le bas. Figure 28 églantier Ladakh 1995 action répressive sur les 3 humeurs 29 les 8 potentialités,leur détermination par les saveurs et leur Au niveau II, les 6 saveurs de base, chacune correspondant à 2 éléments dominants - (ex : saveur acide avec feu et terre, saveur astringente avec vent et terre) des drogues ingérées ont aussi une action sur le déséquilibre des humeurs. On peut espérer corriger à la baisse le vent avec les saveurs sucrées, acides, salées et piquantes ; la bile avec les saveurs sucrées, amères et astringentes ; le phlegme avec saveurs acides, salées et piquantes. - Au niveau III, les saveurs post digestives (saveur, acide, amer) peuvent modifier l’effet d’une drogue .Des drogues de saveur piquante, amère ou astringente auront une saveur post- digestive amère alors que les drogues acides seront acides et les drogues sucrées ou salées seront sucrées. - Au niveau IV, les 8 potentialités constituées de couples d’opposés Lourd/léger Chaud/froid Onctueux/âpre Emoussé/acéré Seraient capables d’action sur les 3 humeurs : le lourd et l’onctueux baissent le vent ; le froid et l’émoussé baissent la bile et le léger,l’âpre, le chaud et l’acéré baissent le phlegme. -Au dernier niveau d’action on pense que la combinaison de drogues dans les préparations galéniques a des effets supérieurs à ceux de la simple addition des éléments qui la composent. Donc une pharmacologie à 5 niveaux où chacun domine ceux qu’il précède. Cette théorie bien sûr tout en prévoyant une certaine non concordance entre des effets de drogues et leurs saveurs, offre Figure 30 Réserve précieuse Bhoutan 1994 une certaine souplesse au praticien. La nécessaire association de plusieurs drogues dans une préparation galénique se justifie par le retour à l’équilibre des 3 humeurs : en diminuant ou en augmentant une humeur en déséquilibre on doit préserver l’équilibre des 2 autres humeurs, dynamique fort complexe à mettre en œuvre. Par exemple : il faut toujours associer de la manne de bambou au camphre réputé comme fébrifuge puissant de façon à combattre l’âpreté excessive du camphre qui paradoxalement attise le pneuma et donc augmente la fièvre ! F.Meyer rappelle que la construction théorique qui embrasse la physiopathologie humorale et la pharmacologie repose fondamentalement sur le modèle de la crue des fluides qu’il s’agit de faire rentrer à nouveau dans leur lit ou de drainer vers l’extérieur. Cette théorie a dû être élargie de façon non rationnellement argumentée pour rendre compte de la diversité des usages comme éloigner les mauvais sorts,attribués à certaines pierres qu’il suffit de porter sur soi. Figure 31 enfant d'Amdo protégé par des pierres 1996 Devenir Les plantes sont menacées et sont pourtant nécessaires à la santé de la vaste majorité de la population surtout dans les zones rurales non biomédicalisée . Figure 32Kanji Ladakh 1995 Mais les routes sont tracées, trouées rendant accessible la majorité du territoire et elles modifient ainsi les systèmes d’échanges traditionnels, apportent de nouvelles techniques de soins, de nouveaux médicaments,de nouvelles maladies, des touristes et ceux qui gravitent autour. Cela perturbe la situation de plusieurs façons : -Une déforestation massive orchestrée au Tibet par le gouvernement chinois a provoqué déjà des disparitions de certaines espèces. -Le réchauffement de la planète modifie la végétation en altitude. -Des engins motorisés sillonnent les prairies les abîmant, -Des équipages des randonneurs de plus en plus nombreux (mules, yaks) Figure 33 yak Sikkim 2006 broutent les pâturages des troupeaux nomades autochtones créant un manque de fourrage pour les locaux, et aussi en plantes médicinales, il faudra donc se déplacer plus loin pour trouver ses remèdes ; -Les patients découvrant les médicaments de la biomédecine ont des envies de guérison « rapide », ils peuvent délaisser la médecine traditionnelle et négliger leur alimentation et leur rythme de vie, demander la forme pilule semblable dans la biomédecine alors que les pilules n’arrivent traditionnellement que dans un moment précis de l’évolution de la maladie. Il se produit une certaine standardisation des consultations avec raccourcissement de la durée et centrage sur le symptôme somatique délaissant le psychologique, l’alimentation et le comportement. Figure 34Dispensaire est bhoutanais 1994 -Des cueilleurs professionnels de gros laboratoires de médicaments tibétains (TMAI entre autres) épuisent la nature ; - parfois certains amchis mal formés cueillent sans penser au renouvellement de la plante -Pour Elisabeth Dodinet, les matières médicales chinoises, tibétaines et ayurvédiques ont beaucoup de similitude depuis la rédaction du Quadruple Traité ; La médecine chinoise et la médecine ayurvédique étant en constante progression dans le monde, engouement local et occidental, les cueillettes s’intensifient et les prix montent. Ceci est effectué sans respect pour la propriété intellectuelle des autochtones passant par des réseaux incontrôlés et incontrôlables sans se soucier d’un développement durable pour les locaux et profitant essentiellement aux circuits des intermédiaires étrangers (indiens, chinois, occidentaux) et de plus -L’internet permet une large diffusion de médicaments « tibétains »activant les fantasmes de soins du toit du monde ! conclusion Certaines plantes ont disparues. A taux de prélèvement constant on assistera à un épuisement des réserves naturelles à un horizon de 10 à 20 ans et même pour certaines 3 à 4 ans ! Une liste de plantes menacées du nord-ouest himalayen a été crée à l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles IUCN. Un travail de répertorisation est entrepris par des ONG comme Jardins du Monde. Jean-Pierre Nicolas son créateur ainsi que son équipe ont pour mission d’inventorier les plantes traditionnellement utilisées par les tradipraticiens et leurs pathologies associées au Tibet comme dans d’autres pays.Ils se rendent sur place, travaillent avec la population ,retrouvent les savoirs avant leur disparition,les rapportent pour par la suite les décortiquer par les moyens scientifiques plus modernes. Le tout dans le plus grand respect sur la priorité qu’ont les populations locales sur leurs propres ressources. Travail urgent en ces temps de mondialisation. Ces chercheurs veulent améliorer les soins aux locaux en créant des jardins de simples de façon à les éduquer à la reconnaissance des principales plantes utiles et ils créent aussi de mini-labo –préparatoires où sont fabriqués dans les règles sirops,mélanges etc .Le prix modique de ces préparations les rendent accessibles à tous .Jardins du monde tient compte des potentialités locales et travaille vraiment avec la population, valorise les ressources naturelles patrimoniales propres à chaque culture sans idées préconçues. Ce travail rejoint les préconisations de l’OMS sur la préservation de la biodiversité et la mise en valeur de ces pharmacopées en faveur des pays concernés. Des mesures de conservation des espèces comme la mise en culture, dans les écoles l’éducation des enfants aux savoirs sur les plantes médicinales, la sensibilisation de la population locale, l’information du consommateur occidental responsable seraient à prendre. Déjà des Ladakhis revendiquent leurs droits de propriété intellectuelle en imposant un contrôle draconien à tous les étudiants de la flore locale. Car se pose le problème du piratage du vivant et des savoirs populaires s’y rattachant. Dans cette mondialisation du marché de la santé, dans ce contexte à références symboliques différentes, Que vont devenir le savoir amchi, sa pratique ? Que va –t-il rester comme espèces médicinales ? . Figure 34 Claudie Bourry Sikkim 2006 Bibliographie Tom Dummer « Médecine tibétaine et thérapies holistiques ». Edition Guy Trédaniel 01/1998 Lama Thoubten Zopa Rinpoché « Pratique du Bouddha de la médecine ». Edition Vajra Yogini 07/1999 Lung Tok Choktang « La médecine tibétaine et les préparations de médicaments ». SAMSARA12/2003 Aline Mercan « La médecine contemporaine en Chine ». Institut Européen d’Ecologie 04/2006 Tenzin Choedrak » Introduction à la médecine tibétaine ». Edition Dangles 08/1996 Fernand Meyer Gso-ba rig-pa »,le système médical tibétain » .Presses du CNRS 09/1988 Fernand Meyer »La rationalité théorique de la médecine tibétaine ». IEE 04/2006 Fernand Meyer . »Himalayas ». Edition Autrement 02/1988 Jean Paul Ribes « Tibet l’envers du décor ». Edition Olizane 1993 Chris Riddell « Bouddhisme pour les ours » .Edition Claire Lumière 2002 Dr Dolkar Khangkar « Médecin du toit du monde » .Edition du Rocher 01/1997 Laurent Pordié « Des sources du savoir aux médicaments du futur » .Edition IRD 09/2002 Laurent Pordié « Panser le monde, penser les médecines ». Edition Karthala 03/05 Elisabeth Dodinet « Les plantes de l’Himalaya ». Edition IEE 04/2006 Jean Pierre Nicolas Aline Mercan » Approche ethnobotanique d’une pharmacopée tibétaine ». IEE 04/2006 Bernadette Poisson « Sages guérisseurs du tiers monde ». Edition cosmogone 10/02 Alexandra David-Neel « Magie d’amour et magie noire ». Presses pocket 01/93 Tsewang J.Tsarong “Tibetan medicinal plants” india Jean Marie Pelt « C’est vert et ça marche » Ed Fayard 2007 Références internet : http://medecinetibet.org http://padma.ch Photos : 3 Hélène.Bamberger 10,12,27,29Fernand.Meyer 16 Chriss.Ridell 6,9,13,19,26,34Karl.Bourry Les autres Claudie.Bourry
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