Longueur de la pince et des talons

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Longueur de la pince et des talons
Longueur de la pince et des talons
25/11/06
Pete Ramey
Copyright 2006
Cet article a été écrit pour fournir plus de clarté au précédent article, "Inverser la
descente distale de P3". Merci de lire celui-ci d'abord.
Si vous avez lu mes travaux avant, vous savez combien je me garde des "toujours et jamais",
ce sont les chevaux qui m'ont appris ça. Dans cet article vous allez pourtant rencontrer ces
mots à de nombreuses reprises. Sachez que je ne les utilise pas à la légère.
On a appris à la plupart des professionnels du soin des sabots à les parer selon certains
paramètres basés sur la longueur de la pince et la hauteur des talons. L'éventail des objectifs
varie d'une méthode à l'autre, mais la plupart prônent des longueurs de pince comprises entre
7,5 et 9cm et des hauteurs de talon allant de presque zéro à 5cm ou plus. Le problème avec les
théories de parage qui appliquent des longueurs de sabot spécifiques basées sur des mesures
prises depuis la couronne jusqu'au sol c'est qu'elles ne prennent pas en compte le fait que la
couronne est hautement dynamique et facilement déplaçable. Un excès de pression sur les
parois peut assez facilement la déplacer vers le haut. C'est le dernier endroit à partir duquel
prendre des mesures! Je vais essayer de rendre votre cerveau capable de voir au delà de la
couronne et de la paroi : tous ceux qui se soucient des sabots des chevaux ont besoin de voir
d'abord les structures internes.
La paroi n'a jamais été prévue pour supporter seule le poids du cheval. La sole, la fourchette
et les barres sont supposées travailler de concert avec la paroi pour absorber l'énergie d'impact
du cheval. Il est courant, cependant, chez les maréchaux traditionnels, de forcer la paroi à
supporter anormalement tout le fardeau du soutien. Au fil des années, ces charges anormales
sur la paroi poussent la couronne vers une position plus haute (par rapport à la troisième
phalange). Autrement dit, le cheval tout entier s'enfonce à travers la boîte cornée.
Traditionnellement, on interprète ceci seulement comme un événement associé à une fourbure
sévère, mais c'est en fait un phénomène très courant à divers degrés chez les sabots de
chevaux domestiques que l'on croit parfaitement sains. Ils vivent souvent avec ça pendant des
années avant que ça les rattrape et que ça leur provoque de sérieuses boiteries.
En pince, ce type de dégât est facilement visible sur une radio si un marqueur de pince est
placé avec précision à la frange des poils de la couronne (voir le précédent article "Inverser la
descente distale de P3"). La couronne et le bord supérieur de la troisième phalange doivent
être quasiment à niveau l'un par rapport à l'autre. Le fondement de l'arrière du pied est
composé de cartilage plutôt que d'os, donc il ne se voit pas sur les radios, ce qui le rend plus
difficile à interpréter. Quand les gens discutent sur la 'bonne' hauteur des talons ou longueur
de la pince sans considérer où se situe actuellement cette couronne si mobile, ils passent à
côté d'un point hyper important. Les soles sont couramment amincies à des niveaux
dangereux par des tentatives pour atteindre certaines longueurs de pince. Il est également
courant que la sole à l'arrière du pied soit dangereusement amincie pour atteindre certaines
hauteurs de talons.
Dépouille de cheval féral, fourni par Cheryl Henderson. Merci!
Tous les praticiens du soin du sabot devraient faire un maximum de dissections de
cadavres. C'est la meilleure façon de développer une compréhension des structures
internes. Ici j'ai enlevé la 'peau', que sont précisément la paroi, la sole, et la fourchette.
Photo de gauche : la ligne bleue représente la troisième phalange, la verte les cartilages
latéraux. Ces deux "fondations" sont recouvertes par une fine couche (5mm) de tissus
vivants. Il est très important de comprendre la forme des structures internes : un cheval
doit toujours avoir au moins 12-13mm de sole et de fourchette densément compactées les
recouvrant.
Chaque situation est différente, mais tous les chevaux ont besoin de sole suffisamment
épaisse et densément compactée sous la troisième phalange et les cartilages latéraux. Ce doit
être la priorité numéro 1 en toutes circonstances. Une fois ceci accompli, si la longueur des
talons et de la pince est "trop grande" ça veut dire que la couronne a été poussée au fil du
temps vers une position anormalement haute par un excès de pression sur la paroi. Prodiguer
suffisamment de mouvement, un bon régime alimentaire et un bon parage permettra petit à
petit à la couronne de rejoindre sa position naturelle, raccourcissant ainsi la longueur de la
paroi. Le revers de la médaille est que si vous amincissez d'abord la sole pour obtenir la
'bonne' longueur de paroi, le cheval va petit à petit travailler à remplacer le blindage perdu et
la longueur 'excédentaire' que vous avez enlevée reviendra indéfiniment, empirant souvent.
Comment faire? Premièrement, oubliez la longueur de la paroi (en pince, en talons, en
quartiers... partout). La priorité absolue est de s'assurer qu'il y a suffisamment (mais pas trop)
de sole sous la troisième phalange et les cartilages latéraux. Sur le terrain, il y a au moins
deux façons précises pour juger de l'épaisseur de la sole. Premièrement et avant tout : le
compactage de la sole. Les chevaux pied nus qui se déplacent correctement tendent à
compacter leurs propres soles de façon très uniforme sur une épaisseur de 12 à 16mm, et cette
callosité ne doit pas être touchée avec les outils. Cherchez ce plan de sole calleuse et vous
trouverez qu'il est presque toujours parallèle aux structures internes. Des exceptions peuvent
arriver quand le cheval a eu sa sole amincie par le précédent pareur, ou quand le cheval ne se
déplace pas correctement. Un exemple courant est celui du cheval qui pose ses pieds en
commençant par la pince à cause de talons douloureux. La sole en pince sera presque toujours
plus amincie par l'usure et la troisième phalange sera presque toujours menée vers une
position très basse dans la boîte cornée. Les chevaux avec des défauts d'aplomb sont
également susceptibles d'user la sole d'un côté jusqu'à une fine épaisseur, mais c'est très rare.
Il peut aussi en être autrement : les chevaux ferrés et les chevaux pied nus sédentaires peuvent
avoir de fausses soles ou couches d'ancienne pousse, qui doivent généralement être retirées.
Pour se sortir de ces cas d'exception, le plan B c'est d'estimer la profondeur de sole en utilisant
les lacunes latérales (à la jonction fourchette/sole). Leur point le plus profond le long des
côtés de toute la fourchette est constamment à environ 11mm de la troisième phalange et des
cartilages latéraux, donc elles fournissent un excellent repère. Plus l'épaisseur de sole est
grande au niveau du périmètre externe adjacent à la ligne blanche, plus les lacunes latérales
seront soulevées du sol. Dans un sabot sain ayant une épaisseur de sole suffisante, la sole
adjacente à la ligne blanche doit soulever les lacunes latérales du sol d'environ 19mm à
l'avant, et autour de 25mm à l'arrière du pied le long des barres (cette hauteur supplémentaire
à l'arrière du pied permet l'expansion et permet au moment de la charge maximale de l'impact
d'avoir des lacunes latérales parallèles au sol). Les lacunes latérales permettent une évaluation
très précise de l'épaisseur de la sole à l'avant du pied, car la troisième phalange est rigide,
alors que la flexion des cartilages latéraux rend plus délicate l'évaluation à l'arrière du pied.
Par exemple, dans un sabot avec des talons contractés les cartilages latéraux vont se bomber
en un dôme plus haut. Ca peut vouloir dire qu'une hauteur de lacunes latérales de 38mm est
nécessaire pour fournir suffisamment d'épaisseur de sole le long de la ligne blanche. Donc le
meilleur guide à l'arrière du pied est le plan de la callosité de la sole, la profondeur des
lacunes latérales ajoutant un complément d'information. Pour l'avant du pied, c'est la
profondeur des lacunes latérales qui est le guide le plus précis, avec le plan de la callosité de
la sole fournissant l'information complémentaire (Lire les précédents articles : "Comprendre
la sole" et "Un pied pour toutes les saisons" pour plus de clarté).
Donc en utilisant ces informations pour apprécier l'épaisseur de sole couvrant les structures
internes, vous pouvez déterminer si la couronne est déplacée vers une position anormalement
haute ou non. Si la couronne est dans une bonne position et qu'il y a suffisamment d'épaisseur
de sole, la longueur de la pince doit tomber entre 7,5 et 9cm et la hauteur des talons doit être
autour de 2,5cm chez la plupart des chevaux. Plus c'est court mieux c'est, vraiment. Si la paroi
est plus longue, la couronne est décalée verticalement, et/ou la pince est écartée de la
troisième phalange, et/ou les talons sont contractés (rehaussant la voûte des cartilages
latéraux). Dans aucun de ces cas il n'est bon, même vaguement, d'amincir la sole pour obtenir
des longueurs de parois "correctes". Ca serait pire que le mal. La longueur de la paroi (en
talon ou en pince) est la dernière chose à utiliser pour évaluer ou agir, et pourtant trop souvent
les gens se jètent dessus au détriment de la sole. Pourquoi? Parce qu'il y a des centaines de
livres différents qui nous disent de le faire!
Si on réalise à quel point la couronne est en réalité dynamique, il devient attristant de
penser combien de décisions stupides sont traditionnellement prise à partir de la mesure
de la longueur des parois. Ici, je déplace la couronne de presque 2,5cm avec une légère
pression du pouce.
Ces mêmes informations et perception des structures internes vont vous aider pour les
problèmes d'équilibre médian et latéral les plus difficiles. Comprenez avant tout que personne
n'est capable d'équilibrer un pied. C'est tout simplement impossible. Montrez moi un pied
'parfaitement' équilibré, j'emmènerai le cheval faire un tour et nous pourrons observer les
talons heurter le sol de façon désunie. Alors qu'est-ce qu'un équilibre correct des talons ? Un
équilibre correct des talons c'est avoir exactement la même quantité de sole recouvrant les
cartilages latéraux de chaque côté du pied, et c'est avoir de chaque côté la même quantité de
paroi dépassant le plan de cette sole (Lire le précédent article "La hauteur des talons : le
facteur décisif").
Le cheval a besoin que ses deux talons touchent le sol simultanément aussi souvent que
possible, mais les différents terrains, le type de mouvement/travail que le cheval fait, et la
rectitude de ses membres font que dans la réalité chaque impact est un peu différent. La
flexion naturelle (la torsion) des cartilages latéraux fait qu'ils s'adaptent au sol et s'en
accommodent facilement, mais pour s'aider un peu plus ils font aussi une chose étonnante : les
cartilages latéraux d'un sabot donné ajustent de façon semi permanente leur position au repos
afin d'être adaptés aux impacts les plus courants de ce sabot. Un sabot qui frappe
habituellement le sol de façon légèrement courbée à cause d'un problème d'aplomb ou d'un
problème corporel ajustera ses cartilages latéraux en conséquence. Aussi, un cheval
parfaitement d'aplomb peut faire ce genre d'ajustements en raison de son travail le plus
fréquent. Par exemple au trot, un cheval doit toucher le sol avec ces membres postérieurs
'sous lui' (comme un funambule). Les chevaux qui travaillent habituellement au trot (chevaux
d'endurance, trotteurs...) développeront des cartilages latéraux ayant une position plus basse
côté intérieur (ou du point de vue du pareur : le sabot apparaîtra plus long du côté intérieur)
afin que les deux talons touchent le sol en même temps pendant ce mouvement. C'est une
bonne chose, et le pareur doit la permettre et l'adopter.
Si le pareur/maréchal ne prend pas en considération le mouvement du cheval et essaye de
combattre cette adaptation en forçant le pied à être équilibré lorsque le cheval est immobile au
carré, l' "excès de paroi" résultant (du point de vue du cheval) fera petit à petit remonter la
couronne vers le haut. Encore une fois, ceci est très courant, et encore une fois l'équilibre de la
couronne doit être la dernière chose à évaluer, c'est juste un reflet des soins donnés par le
passé. J'ai vu beaucoup de chevaux avec d'épouvantables couronnes déplacées/déséquilibrées,
mais je n'ai jamais vu une situation qui demande qu'un cartilage latéral soit recouvert de
plus de sole que de l'autre côté du même pied.
Donc, on en revient toujours au même point quand on essaye de résoudre les problèmes
d'équilibre des talons : utilisez le plan de la sole calleuse et la profondeur des lacunes latérales
pour être sûr d'avoir la même quantité de sole de chaque côté et ne faites rien de plus que
surveiller la hauteur de la frange des poils de la couronne en talon par rapport au sol. La
distance de la frange des poils au sol va s'égaliser avec le temps si on permet au cheval
d'établir l'équilibre de ses talons en fonction de ses mouvements et de la position de ses
cartilages latéraux (ceci peut être accéléré en faisant un mustang roll/biseau plus agressif (plus
fort) du côté où la couronne est plus haute).
Tous les chevaux et tous les sabots sont différents. Je rencontre toujours de nouvelles
situations qui me laissent perplexe tous les jours, il n'y a donc pas moyen de prendre du recul
et d'écrire sur chaque éventuelle situation que vous pourriez rencontrer dans la réalité. Je peux
juste vous dire que plus vous apprendrez à voir les structures internes "à travers" la paroi, plus
vous serez bon dans la résolution de tous les problèmes de sabots. La meilleure façon d'y
arriver est de faire autant de dissections de sabots que possible. N'enterrez jamais aucun sabot,
vous passeriez à côté d'une occasion de vous améliorer dans les soins que vous prodiguez aux
chevaux dont vous vous occupez.
Il y a d'innombrables facteurs qui affectent la longueur de la pince et la hauteur des
talons. Des cartilages latéraux et des coussinets plantaires sensibles et sous-développés
peuvent créer le besoin d'avoir des talons plus hauts, au même titre que les problèmes de
ligaments, tendons, articulations ou muscles. Des parois évasées en pince ou allongées
peuvent perturber de façon significative les mesures. Et la liste n'est pas finie.
Malgré toutes les questions que nous nous posons tous les jours, il y a au moins une
chose fiable : il n'est tout simplement jamais souhaitable d'amincir la sole au delà de
leur épaisseur naturelle. La photo de gauche montre la sole naturellement épaisse et
uniforme d'un cheval en bonne santé. Les trois autres (avec les lignes rouges) montrent
les erreurs très fréquentes que je vois tous les jours. Comment est-il encore possible
qu'un professionnel puisse faire ça? Une vaste majorité de professionnels ont été formés
à mettre leur priorité absolue dans les longueurs et les angles des talons et de la pince,
sacrifiant ainsi l'épaisseur de la sole. Beaucoup de pareurs naturels vont tailler dans ou
proche du chorion pour essayer de raccourcir la paroi en talon. Beaucoup de maréchaux
vont régulièrement ôter trop de cette sole indispensable en pince, pour essayer de
raccourcir la paroi en pince ou redresser l'angle. J'espère que cet article rendra tout ceci
moins courant.
Gravez ces images dans votre cerveau et chaque fois que
vous verrez une sole en train d'être parée, demandez-vous
toujours laquelle de ces quatre images est la plus proche
du résultat final.