n°1.2013 - Philty Prod

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n°1.2013 - Philty Prod
RAPPORT DE SYNTHESE
Enquête nationale
février 2013
LA GESTION PATRIMONIALE DES COLLECTIVITES
LOCALES: UNE ANALYSE EMPIRIQUE DES OUTILS DE
GESTION ET DES MODES D’ORGANISATION ACTUELS
Yoann QUEYROI
Doctorant CIFRE-CRAPS en sciences de gestion
Université de Pau et des Pays de l’Adour (CREG) / Ville de Pau
[email protected]
David CARASSUS
Maître de conférences en sciences de gestion / habilité à diriger des
recherches
Université de Pau et des Pays de l’Adour (IAE/CREG)
[email protected]
Réalisé avec le soutien de la Ville de Pau, la Communauté
d’Agglomération Pau Pyrénées, et l’Association Nationale de la
Recherche et de la Technologie
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
SOMMAIRE
Synthèse globale ......................................................................................................................... 2
Introduction ................................................................................................................................ 6
Partie 1 – Un besoin important de développement des outils de pilotage de la gestion du
patrimoine des collectivités locales ......................................................................................... 15
1.1 Des outils de gestion et de pilotage aux caractéristiques intrinsèques plutôt
restreintes… ..................................................................................................................... 18
1.2 De fortes disparités dans les finalités couvertes par l’instrumentation de gestion .. 25
1.3 La temporalité et la finalité des outils de la gestion patrimoniale en partie influencées
par la nature des collectivités et la superficie immobilière .............................................. 29
Partie 2 – Des modalités organisationnelles peu lisibles et fragmentées de la gestion
patrimoniale publique locale ................................................................................................... 36
2.1 L’hétérogénéité des spécificités du système organisationnel de la gestion du
patrimoine…. ................................................................................................................... 37
2.2 Une approche organisationnelle instable de la fonction patrimoniale, entre modalités
organiques et mécanistes .................................................................................................. 47
2.3 Des modes d’organisation liés aux types de collectivités locales et à la dimension du parc
immobilier ........................................................................................................................ 55
Conclusion – Des perspectives d’évolutions autour de problématiques instrumentales et
organisationnelles ....................................................................................................................... 62
Bibliographie .............................................................................................................................. 66
1
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
SYNTHESE GLOBALE
Pour les acteurs publics en général et les collectivités locales en particulier, la gestion du
patrimoine immobilier est devenue un intérêt de préoccupation de plus en plus sensible, du fait
de ses enjeux croissants dans un environnement changeant. En conséquence, les collectivités
cherchent à faire évoluer leurs pratiques en matière de gestion patrimoniale. Pour autant, si
beaucoup d’organisations publiques se sont penchées sur la gestion de leurs ressources
immobilières, la traduction d’une gestion performante est bien souvent délicate. En effet, la
gestion patrimoniale constitue un domaine complexe, multidimensionnel et multidisciplinaire,
face auquel les collectivités locales se trouvent bien souvent démunies.
A ce titre, dans le cadre d’une recherche doctorale, nous cherchons ici à caractériser les
pratiques publiques locales en matière de gestion patrimoniale, tant sur le plan des outils
utilisés, que sur le plan des modes d’organisation déployés par les collectivités. Le présent
rapport résulte ainsi de l’analyse d’un premier questionnaire quantitatif, diffusé à l’échelle
nationale. Cette enquête nous a permis de recueillir près de 200 réponses d’acteurs publics
locaux (élus ou cadres territoriaux). Les objectifs de notre étude consistent par conséquent à
analyser le pilotage de la gestion patrimoniale publique locale, traduit par des adaptations
instrumentales et organisationnelles. La question qui structure notre rapport est alors la
suivante: comment caractériser les outils et les modes d’organisation de la gestion
patrimoniale publique locale ?
Pour répondre à cette question principale, nous nous appuyons notamment sur la typologie
anglo-saxonne du Corporate Real Estate Management, qui regroupe les activités liées à
l’immobilier dans trois grandes fonctions de gestion patrimoniale (NAPPI-CHOULET, 2007).
Il s’agit du Facility Management (exploitation de parc), du Property Management
(administration de biens), et de l’Asset Management (gestion d’actifs immobiliers).
Au regard des résultats, nous proposons une analyse fondée tout d’abord sur la nécessité du
développement des instruments de gestion et de pilotage dédiés au patrimoine, puis sur
l’adaptation des modalités organisationnelles de la gestion des ressources immobilières.
•
Un besoin important de développement des outils de la gestion patrimoniale des
collectivités locales
Les analyses que nous avons menées nous permettent d’abord d’observer que, de manière
générale, les outils destinés à la gestion patrimoniale ne sont que peu développés au sein du
secteur public. De ce point de vue, les collectivités locales font généralement état d’un manque
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
évident d’instruments et d’indicateurs de gestion et de pilotage à tous les niveaux de
l’organisation. Parallèlement à cette carence globale en outils dédiés au patrimoine, les
instruments existants et mis en œuvre par les institutions locales restent souvent focalisés sur
une logique temporelle annuelle, ces derniers n’abordant que peu les dimensions temporelles
de long terme et de court terme. De la sorte, la vision pluriannuelle sur les ressources
patrimoniales n’est que très peu développée. Les outils infra-annuels lié au patrimoine font
également plutôt défaut, ceci obligeant les acteurs publics à prendre des décisions au cas par
cas, en se fondant sur des informations qui, la plupart du temps, ne sont pas le fruit de
l’instrumentation de gestion.
Par ailleurs, les différentes actions et décisions découlant de la mobilisation des outils semblent
relever des niveaux administratifs et opérationnels des institutions publiques. Ainsi, les acteurs
politiques paraissent plutôt mis à l’écart de l’instrumentation de gestion du patrimoine
immobilier. De ce fait, la position des élus et la prise de décision politique sur le patrimoine
apparaît fréquemment manquer de mise en perspective et de cohérence d’ensemble.
En outre, par l’intermédiaire de la typologie du Corporate Real Estate Management, nous
avons pu déterminer la couverture, par les outils existants, de chacune des sous-fonctions de la
gestion patrimoniale. Si le Property Management et le Facility Management regroupent des
activités qui sont plutôt bien prises en charge par les outils de gestion et de pilotage utilisés
dans le secteur public local, il n’en est pas de même pour l’Asset Management. En effet, sur
cette dernière catégorie, les collectivités semblent considérablement démunies en outils.
Pour finir notre analyse sur les outils, nous avons effectué des comparaisons sur les spécificités
de ces derniers en fonction des caractéristiques des répondants. Premièrement, la temporalité
des outils de la gestion patrimoniale paraît en partie influencée par le type de collectivité locale
ainsi que la dimension du parc immobilier. Dans ce sens, si le niveau intercommunal semble
largement sous doté en instruments de gestion, les autres types de collectivités sont
globalement dans une situation similaire. Par ailleurs, plus le parc patrimonial s’agrandit, en
terme de superficie à gérer, plus la présence d’outils de gestion de court terme et de long terme
est avérée. Il semble deuxièmement que la nature des collectivités locales et la superficie de
bâtiments aient une certaine influence sur les finalités immobilières couvertes par les outils. A
ce titre, l’activité de planification immobilière, constitutive de l’Asset Management, se révèle
plus prise en charge dans les Départements que dans les autres niveaux d’institutions. Enfin, la
gestion d’actifs immobiliers (AM) est davantage assurée par les outils de gestion et de pilotage
au fur et à mesure que la superficie du parc patrimonial augmente. Cette relation est inversée
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
concernant la mise en œuvre du suivi des opérations d’investissements et gros travaux
(Property Management), qui est plus importante lorsque la superficie de patrimoine est faible.
•
Des modalités organisationnelles peu lisibles et fragmentées de la fonction patrimoniale
En matière d’organisation liée à la fonction patrimoniale des collectivités, nous avons procédé
en deux étapes. Nous avons premièrement pu observer les particularités du système
organisationnel sous tendant cette fonction. En conséquence, les responsabilités et les missions
liées au patrimoine immobilier paraissent considérablement éparpillées au sein des
organisations. De ce fait, c’est un grand nombre d’acteurs, répartis dans plusieurs directions,
qui sont directement concernés par les questions de gestion patrimoniale, possédant souvent
des intérêts discordants. Nous avons ainsi pu mettre en évidence le fait que le secteur public
local rencontre d’importantes difficultés dans la réalisation de toutes les sous-fonctions
relevant de la gestion patrimoniale. Dès lors, les collectivités locales ne parviennent que très
peu à maîtriser le rôle de tous les acteurs associés au patrimoine, et se retrouvent avec une
fonction patrimoniale ne répondant à aucune logique d’ensemble dans son système
organisationnel.
Dans un deuxième temps, notre étude s’est orientée vers la description de l’approche
organisationnelle de la gestion patrimoniale. Dans cette voie, les résultats de notre enquête font
apparaître des différences importantes entre les domaines d’activités immobilières. Ainsi, les
activités relevant du Property Management apparaissent essentiellement régies par une
approche mécaniste de cette sous-fonction, caractérisée par l’existence de procédures et de
fonctionnement rigides, tandis que l’Asset et le Facility Management sont plutôt concernés par
une approche organique, caractérisée par une plus grande souplesse de fonctionnement (peu de
procédures, peu de règles, des relations informelles entre les acteurs, etc.). De surcroît, nous
avons observé une très faible maîtrise de la part des institutions publiques en ce qui concerne
les processus informationnels et décisionnels en matière de patrimoine immobilier.
Par ailleurs, nous caractérisons les modes d’organisation lié au patrimoine en fonction des
variables indépendantes propres aux collectivités interrogées : nature des collectivités locales et
nombre de m2 de bâti à gérer. Ainsi, il existe d’abord une relation entre le système
organisationnel et les spécificités des collectivités. Dans ce sens, le mode d’organisation
dévolué de la fonction patrimoine paraît largement mis en œuvre au sein des Régions, alors que
les autres collectivités locales sont beaucoup plus nuancées dans son application. A côté de
cela, le mode d’organisation délégué est plus mis en œuvre dans des collectivités locales qui
ont une superficie importante de bâtiments à gérer. Ensuite, nous avons fait émergé l’influence
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
des deux variables indépendantes sur l’approche organisationnelle de la gestion du patrimoine.
Nos analyses démontrent alors que le domaine du Property Management est compris dans une
approche plutôt mécaniste pour les Régions, les Départements et les Communes, et à l’inverse,
dans une approche organique pour les intercommunalités. Dans le domaine du Facility
Management, les Communes font plutôt preuve d’une approche organique, tout comme les
EPCI, alors que les Régions et les Département sont encore une fois dans une démarche
mécaniste. Au demeurant, toutes les activités de la gestion patrimoniale (Asset, Property et
Facility Management) paraissent davantage être mises en œuvre dans une approche mécaniste
au fur et à mesure que la superficie patrimoniale croît.
***
Finalement, cette étude permet de dégager des grandes tendances, certes partielles, mais d’une
certaine ampleur, permettant d’apprécier le fonctionnement actuel de la gestion patrimoniale
publique locale, tant au niveau des outils de gestion et de pilotage actuels, qu’au niveau des
modes d’organisation mis en place par les institutions publiques. Cette étape constitue un
préalable essentiel dans un questionnement plus prescriptif, sur les évolutions futures de la
gestion patrimoniale publique locale.
5
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
INTRODUCTION
Depuis quelques années les collectivités locales doivent faire face à un environnement en
évolution, se trouvant ainsi confrontées à des changements de nature politiques,
organisationnels, financiers, démocratiques ou encore culturels. C’est dans ce contexte en
mutation, que les cadres, outils et modes traditionnels de la gestion publique connaissent des
changements importants. En outre, les collectivités locales se sont orientées de manière accrue
vers la prise en compte et la maîtrise de leurs ressources endogènes, qui semblent revêtir une
importance cruciale dans la croissance et le bon fonctionnement des organisations. Le
patrimoine immobilier présente alors toutes les caractéristiques d’une ressource endogène, au
même titre que les ressources humaines, financières ou informationnelles ; tout en étant la
thématique la moins analysée et la moins maîtrisée par les organisations publiques locales, bien
que les intérêts financiers et politiques soient majeurs.
Ainsi, nombre de collectivités locales se lancent dans l’optimisation de la gestion de leur
patrimoine, qui peut leur permettre de dégager des marges de manœuvre financières
importantes. Toutefois, les perspectives d’économies ne doivent pas représenter à elles seules
le moteur de cette prise de conscience. Porteur de multiples problématiques, le patrimoine
immobilier doit nécessairement s’adapter à la volonté de réduction des coûts, mais aussi à
l’augmentation exponentielle des exigences des usagers, en matière de sécurité, de qualité, et
d’environnement, ou encore être le support d’une offre de service public en pleine mutation.
L’objectif est bien là, gérer de manière performante le parc immobilier, élément indispensable
et pourtant bien trop souvent négligé.
La notion de patrimoine immobilier s’est constituée au cours du temps afin de répondre à un
besoin de plus en plus pressant. Comme
l’indiquent BONETTO et SAUCE (2006), le
patrimoine est composé originellement « de l’ensemble des constructions et des ouvrages
nécessaires à la réalisation d’une activité. Il comprend indistinctement les immeubles bâtis, les
propriétés foncières et les immeubles locatifs ». La définition de la gestion de patrimoine
immobilier semble s’être progressivement enrichie avec l’émergence de nouveaux enjeux,
autour de la prévision, de l’adaptation et de la fourniture des moyens immobiliers dont ont
besoin des activités, dans les meilleures conditions de sécurité, d’usage, de coût global, de
confort, en se plaçant dans la perspective du développement durable (TAILLANDIER, 2009).
De manière globale, le patrimoine immobilier possède des propriétés intrinsèques qui rendent
son appréhension très délicate. Ces spécificités résultent d’abord de sa nature particulière. En
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
effet sa dimension temporelle implique simultanément des opérations de court terme
(maintenance courante) et de long terme (constructions neuves). De plus, le patrimoine
immobilier étant physiquement localisé et défini, sa configuration spatiale est un paramètre qui
conditionne directement l’organisation de son pilotage et de sa gestion. Enfin, de part sa
dimension technique, la gestion immobilière requiert un grand nombre de compétences et de
connaissances dans des domaines variés tel que la technique, les sciences juridiques,
économiques, de gestion, ou encore environnementales. Il en découle ainsi une complexité
particulière qui n’est pas étrangère à la difficulté de mettre en œuvre une gestion immobilière
globale et cohérente. Une des propriétés fondamentales du patrimoine repose sur son inertie
quantitative et qualitative à court terme. De ce fait, le pilotage de la gestion immobilière doit
nécessairement s’inscrire dans une vision stratégique permettant d’adopter une gestion
proactive du patrimoine. A l’inverse, une gestion réactive est le moyen le plus sûr d’être
structurellement en décalage par rapport aux besoins de l’organisation, avec une incidence
négative sur ses performances. Ces caractéristiques se traduisent par une gestion complexe
(KEENEY, 1982 ; TAILLANDIER, 2009), en raison de la multiplicité des objectifs, nombreux
et parfois contradictoires, de la complexité des choix patrimoniaux, car sur le plan stratégique
comme opérationnel, l’analyse des opportunités et des risques est à la fois multicritères et
pluridisciplinaires, et, enfin, en raison de la dimension structurante du patrimoine. Celui-ci
présente d’une part une forte inertie ; de sorte que les décisions qui affectent la rénovation, la
démolition, la construction, ou bien l’exploitation d’un bâtiment ont un impact qui dépasse
bien souvent la décennie. D’autre part, la modification du patrimoine affecte l’ensemble des
parties prenantes, ayant ainsi un impact sur les usagers ou les utilisateurs extérieurs, mais aussi
sur les activités environnantes. Ces éléments de complexité contribuent à fonder la situation
des institutions publiques face à leur patrimoine immobilier.
Dans ce contexte, la gestion du patrimoine immobilier des collectivités locales est un sujet de
préoccupation de plus en plus prégnant au sein du secteur public. Pourtant, même s’il est
possible d’observer certaines initiatives des organisations publiques en terme d’amélioration de
gestion et de pilotage de la gestion patrimoniale, celles-ci restent bien souvent partielles et peu
structurées, sans s’interroger à la fois sur les outils et sur la gouvernance associée à la maîtrise
des ressources immobilières dans leur ensemble. Le présent rapport vise en conséquence à
donner une caractérisation des pratiques publiques locales en la matière.
7
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
DEROULEMENT DE L’ENQUETE
Le présent rapport vise à dresser un panorama des pratiques des collectivités locales françaises
en matière de gestion de leur patrimoine immobilier. Il est issu d’une enquête quantitative
nationale diffusée en ligne auprès des collectivités locales françaises (communes,
départements, régions, et établissement publics de coopération intercommunale). Le
questionnaire a été envoyé entre avril et septembre 2012 aux acteurs politiques et administratifs
en lien direct avec les problématiques patrimoniales. Nous avons pu recueillir les observations
exploitables de plus de 190 répondants. Par ailleurs, cette étude constitue la partie quantitative
d’une recherche qui inclut également une enquête qualitative auprès de 5 collectivités locales
(1 région, 1 département et 3 communes).
QUELQUES ELEMENTS SUR LA POPULATION DES REPONDANTS
La population globale analysée est de 192 personnes. Les collectivités locales sont toutes
représentées, avec 88 communes, 58 intercommunalités, 41 départements et 5 régions.
Figure 1 : Répartition de la population étudiée
De plus, pour chaque collectivité répondante, nous avons pu spécifier leur population en
milliers d’habitants. Parmi les 88 communes répondantes, 59 possèdent moins de 50.000
habitants, et 29 ont de 50.000 à 100.000 habitants ou plus de 100.000 habitants. En ce qui
concerne les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), sur les 58
répondants que nous avons pu réunir, la majorité sont de taille inférieur à 50.000 habitants.
Alors que 23% des EPCI répondants possèdent plus de 100.000 habitants. Les départements
qui nous ont répondu possèdent pour 60% d’entre eux de 500.000 à 1 million d’habitants et
plus. Et ils sont 16 parmi les 41 répondants à connaître une population inférieure à 500.000
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Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
habitants. Enfin, les régions représentées dans notre échantillon sont de taille supérieure à 3
millions d’habitants pour 4 sur 5 d’entre elles.
Figure 2 : Tableaux de répartition des répondants par nature et par taille
Taille&des&communes&en&milliers&d’habitants&
<10.000
Pourcentage
valide
25
28,4
10.000<>50.000
34
38,6
50.000<>100.000
11
12,5
>100.000
18
20,5
Total
88
100,0
Taille&des&intercommunalités&en&milliers&
d’habitants&
Effectifs
Valide
Valide
<50.000
38
67,9
50.000<>100.000
5
8,9
100.000<>200.000
9
16,1
>200.000
4
7,1
56
100,0
Total
Taille&des&départements&en&milliers&d’habitants&
Effectifs
Valide <300.000
Pourcentage
valide
6
14,6
Pourcentage
valide
Effectifs
Taille&des&régions&en&milliers&d’habitants&
Effectifs
Valide 2.000.000<>3.000.000
Pourcentage
valide
1
20,0
300.000<>500.000
10
24,4
3.000.000<>4.000.000
2
40,0
500.000<>1.000.000
13
31,7
>4.000.000
2
40,0
>1.000.000
12
29,3
Total
5
100,0
Total
41
100,0
De surcroît, nous avons pu identifier quelques unes des spécificités du patrimoine des
collectivités que nous avons interrogées. Ainsi, même s’il apparaît mal connu, souvent par les
collectivités elles-mêmes, le patrimoine immobilier est décrit comme pléthorique, dispersé et
hétérogène. 60% des collectivités locales répondantes à notre enquête déclarent posséder plus
de 20% de bâtiments nécessitant des travaux dans leur parc patrimonial. Aussi, une large
majorité de collectivités possèdent moins de 60% de bâtiments en bon état sur le total de leur
parc immobilier.
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Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Figure 3 : Répartition du pourcentage de patrimoine nécessitant des travaux par types de
collectivités locales
Tableau&croisé&Type&de&collectivité&locale&*&Patrimoine&nécessitant&des&travaux&
Type
collectivité
locale
Total
Effectif
% compris dans Type
collectivité
Effectif
EPCI
% compris dans Type
collectivité
Effectif
Département % compris dans Type
Collectivité
Effectif
Région
% compris dans Type
collectivité
Effectif
% compris dans Type
collectivité
Commune
0-20%
32
38,1%
Patrimoine nécessitant travaux
20-40%
40-60%
60-80%
28
9
9
33,3%
10,7%
10,7%
Total
80-100%
6
7,1%
84
100,0%
26
52,0%
15
30,0%
7
14,0%
1
2,0%
1
2,0%
50
100,0%
16
43,2%
11
29,7%
7
18,9%
2
5,4%
1
2,7%
37
100,0%
1
33,3%
1
33,3%
0
0,0%
0
0,0%
1
33,3%
3
100,0%
75
43,1%
55
31,6%
23
13,2%
12
6,9%
9
5,2%
174
100,0%
Figure 4 : Pourcentage de patrimoine en bon état en fonction du type de collectivités locales
Tableau&croisé&Type&de&collectivité&locale&*&Patrimoine&en&bon&état&
0-20%
Type
collectivité
locale
Total
Effectif
% compris dans Type
collectivité
Effectif
EPCI
% compris dans Type
collectivité
Effectif
Département % compris dans Type
collectivité
Effectif
Région
% compris dans Type
collectivité
Effectif
% compris dans Type
collectivité
Commune
4
4,6%
Patrimoine en bon état
20-40%
40-60%
60-80%
20
21
29
23,0%
24,1%
33,3%
Total
80-100%
13
14,9%
87
100,0%
9
16,4%
10
18,2%
18
32,7%
8
14,5%
10
18,2%
55
100,0%
0
0,0%
10
25,0%
14
35,0%
12
30,0%
4
10,0%
40
100,0%
0
0,0%
0
0,0%
2
40,0%
1
20,0%
2
40,0%
5
100,0%
13
7,0%
40
21,4%
55
29,4%
50
26,7%
29
15,5%
187
100,0%
En terme d’importance du parc patrimonial public local, les collectivités interrogées possèdent
globalement pour la moitié d’entre elles, plus de 100.000 m2 de bâti à gérer. Ce chiffre est
beaucoup plus important pour les régions et départements, qui sont 75% et 67% à disposer de
plus de 500.000 m2 à gérer ; alors que les communes et les intercommunalités sont 82% et
92% à assurer la gestion de moins de 500.000 m2 de bâtiments.
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 5 : Nature des collectivités et dimension du parc patrimonial
Cette enquête a fait l’objet d’une diffusion par courriel à de nombreuses collectivités locales,
que ce soit directement auprès des acteurs politiques et administratifs en lien avec les
problématiques patrimoniales, ou que ce soit indirectement, par transmission en interne aux
personnes concernées. De la sorte, nous avons pu récolter les réponses de différentes catégories
d’agents au sein des institutions publiques (Cf. figure 6). Les directeurs généraux des services
et les directeur techniques ont été relativement nombreux à répondre à notre questionnaire. Ils
représentent chacun 22% des répondants. Les directeurs du patrimoine sont aussi logiquement
bien représentés, avec 18% du total des répondants. Mais il faut ajouter à ce chiffre le
pourcentage de la catégorie « autre répondants ». En effet, si l’on regarde dans le détail,
derrière les 31% de répondants « autre », il s’agit pour la plupart d’agents en lien direct avec
une direction du patrimoine ou de l’immobilier, ainsi que de quelques agents des services
techniques. Au demeurant, avec une représentation de 5% du total, les directeurs financiers ont
été quelques uns à nous répondre, dans la mesure où ces acteurs sont en lien direct avec les
questions patrimoniales. Enfin, nous n’avons pu recueillir que peu de réponses d’acteurs
politiques, les élus ne représentant qu’une très faible part des répondants. En outre, les
quelques politiques répondants sont tous des élus en charge de la gestion immobilière ou des
bâtiments.
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 6 : Fonctions des différents répondants
Par ailleurs, comme en atteste la figure 7, nous avons cherché à évaluer la perception des
enjeux patrimoniaux par les acteurs de la gestion patrimoniale publique locale. De cette
manière, pour une large majorité de collectivités locales, la rationalisation des locaux apparaît
comme indispensable. Les enjeux liés à l’amélioration de la connaissance et le développement
de la vision stratégique sont aussi considérés comme indispensables par une majorité
d’organisations publiques locales. A l’inverse, le développement de la maintenance est l’enjeu
qui semble récolter le moins d’importance aux yeux des institutions publiques.
Figure 7 : Degré d’importance des différents enjeux de gestion patrimoniale
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
OBJECTIFS DE L’ETUDE ET PROBLEMATIQUE
Paradoxalement, malgré son importance et la complexité qui lui est inhérente, les méthodes de
la gestion patrimoniale publique restent peu étudiées. L’intérêt de notre sujet d’étude repose en
conséquence sur une analyse de la gestion patrimoniale, dans l’environnement local. Cette
étude couvre le périmètre à la fois instrumental et organisationnel. En effet, pour faire face à
des enjeux économiques, sociaux, environnementaux, mais aussi liés à la sécurité des
personnes, il semble impératif que, parallèlement aux instruments, les collectivités locales
s’interrogent sur leur gouvernance associée à une organisation efficace des services en charge
de la gestion immobilière. Dans ce sens, cette problématique semble se trouver face à trois
défis, celui de la correspondance du patrimoine mis à disposition (en quantité et en qualité)
avec les besoins réels des institutions, l’émergence d’un pilotage politique et stratégique de la
fonction, et enfin, le défi de la recherche de visibilité et de cohérence dans les équipes et les
actions relatives au patrimoine. Les objectifs de notre étude consistent par conséquent à
analyser le pilotage de la gestion patrimoniale publique locale, traduit par des adaptations
instrumentales et organisationnelles. La question qui structure le présent rapport est alors la
suivante: comment caractériser les outils et les modes d’organisation de la gestion
patrimoniale publique locale ?
Pour répondre à cette question principale, nous nous appuierons, tout d’abord, sur la typologie
anglo-saxonne du Corporate Real Estate Management, qui recouvre trois grandes fonctions de
la gestion patrimoniale (NAPPI-CHOULET, 2007). Il s’agit du Facility Management
(l’exploitation de parc), qui représente l’activité d’allocation des ressources immobilières afin
de garantir l’adéquation entre les conditions immobilières et les activités qui s’y déroulent. Le
Property Management (l’administration de biens) concerne pour sa part les opérations
administratives et juridiques liées à la propriété, à la location et à la maîtrise d’ouvrage des
constructions ou des gros travaux. Le rôle de l’administrateur de biens est aussi de fournir à
l’utilisateur un bâtiment viable du point de vue technique et règlementaire. Enfin, l’Asset
Management (la gestion d’actifs immobiliers) s’intéresse plus précisément à la gestion
financière et stratégique des actifs. Ensuite, il sera également fait référence au champ
spécifique des outils de gestion et de pilotage, ainsi que celui des propriétés de l’organisation et
de la gouvernance. Sur la base de ces fondements, nous tâcherons dans un premier temps
d’évaluer, les caractéristiques instrumentales du pilotage de la gestion patrimoniale. Nous
étudierons de ce fait la portée des différents outils de gestion du patrimoine employés
actuellement par les collectivités locales (Partie 1). Dans un second temps, nous évoquerons
les spécificités des modalités d’organisation de la fonction patrimoniale des organisations
13
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
publiques locales. Nous proposerons de ce fait une analyse d’un premier axe, le système
organisationnel, puis sur un second axe spécifique à l’approche organisationnelle (Partie 2).
14
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
PARTIE 1 – UN BESOIN IMPORTANT DE DEVELOPPEMENT DES OUTILS
DE PILOTAGE DE LA GESTION DU PATRIMOINE DES COLLECTIVITES
LOCALES
La gestion du patrimoine immobilier est aujourd’hui marquée par une grande diversité d’outils
hétérogènes, que le pilotage de la fonction immobilière doit nécessairement organiser de
manière cohérente pour être efficace. Dans l’objectif de présenter le taux d’utilisation des
grands types d’instruments dédiés à la gestion patrimoniale, nous avons repris ici notre
question sur la présence et l’éventuelle nécessité de différents outils ou type d’outils de gestion
et de pilotage.
De cette manière, d’après la figure 8, nous observons de façon globale une instrumentation de
gestion liée au patrimoine assez dépourvue en outils de gestion et de pilotage. Effectivement,
les pourcentages d’existence de chacun des instruments que nous proposons sont relativement
faibles. D’ailleurs, si la plupart des collectivités locales possèdent des Plans Pluriannuels
d’Investissements (80,7%), et des outils de gestion comptable, financière et fiscale (84,2%), ce
n’est pas le cas pour les schémas directeurs, qui sont mis en œuvre dans seulement 26,6%
d’institutions, ni pour les outils de gestion des plans (GED) et les outils de suivi règlementaire,
globalement absents dans plus d’une collectivité sur deux.
Figure 8 : Types d’outils mis en oeuvre dans les collectivités
Dans votre collectivité, les outils de gestion patrimoniale
Si non, caractérisez le besoin :
suivants sont-ils mis en œuvre ?
Oui
Non
Inopportun
Facultatif
Nécessaire
Indispensable
- Des Plans pluriannuels d'investissements
80,7%
19,3%
22,2%
25%
13,9%
38,9%
- Des Plans pluriannuels de Travaux et de
maintenance
56,4%
43,6%
5,6%
6,9%
56,9%
30,6%
- Des schémas directeurs
26,6%
73,4%
10,4%
42,4%
30,4%
16,8%
64%
36%
6,2%
26,2%
52,3%
15,4%
- Des outils de gestion comptable financière
et fiscale
- Des outils de suivi règlementaire
84,2%
15,8%
3,6%
25%
60,7%
10,7%
47,3%
52,7%
3,2%
30,5%
45,4%
18,9%
- Des outils de suivi de gestion énergétique
60%
40%
0%
17,8%
57,5%
24,7%
- Des outils de gestion des plans, GED
43,5%
56,5%
5,1%
38,8%
38,8%
17,3%
- Des outils de suivi de la maintenance
49,5%
50,5%
0%
12,5%
59,1%
28,4%
- Des outils de suivi des contrats (DSP,
entretien, assurances, baux)
15
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Par ailleurs, nous avons pu évaluer l’ordonnancement donné par les organisations publiques en
terme d’efforts et d’investissements sur différentes catégories d’instruments. Ainsi, nous avons
relevé une large avance pour les outils de suivi et de connaissance du patrimoine (maintenance
courante, plans, inventaires, contrôles, etc.). Ce type d’outils se classe en première position
dans la hiérarchie pour 60% des collectivités locales. Ensuite, si les outils de prévision et de
programmation (PPI, PPT, schémas directeurs) sont classés en première position par 26% des
institutions, ils semblent prendre la deuxième place dans l’ordre d’importance, en étant classés
seconds dans 38% des cas. Enfin, les outils de gestion administrative, juridique, comptable,
financière et fiscale occupent la dernière position du classement pour une large majorité de
répondants (53%). Cette hiérarchie, reprise ci-dessous dans la figure 9, paraît pouvoir
démontrer que les collectivités locales sont loin de maîtriser les outils de connaissance de leur
patrimoine ; niveau pourtant élémentaire dans l’approche instrumentale de la gestion
patrimoniale.
Figure 9 : Quelle catégorie d’instruments de la gestion patrimoniale mérite-t-elle le plus
d’efforts et d’investissement ?
Outre ces considérations empiriques, nous poursuivons l’ambition d’analyser les outils de la
gestion du patrimoine dans un cadre englobant, nous permettant notamment d’intégrer la
gestion patrimoniale dans la stratégie globale de l’institution. Ainsi, les instruments de gestion
s’inscrivent dans une démarche de mesure de la performance. Or, pour apprécier la
performance organisationnelle, il semble nécessaire, non pas de la considérer comme un ou
plusieurs concepts, mais comme un construit, en tant que « résultat d’un processus de
causalité,…relative à un contexte choisi en fonction de la stratégie » (LEBAS, 1995). Dans ce
16
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
cadre, la performance en matière de management peut être définie de manière générale comme
« la réalisation des objectifs opérationnels » (BOURGUIGNON, 1995). La performance est
alors « multidimensionnelle dès lors que les objectifs sont multiples…et subjective puisqu’elle
est le produit de l’opération par nature subjective, qui consiste à rapprocher une réalité d’un
souhait, à constater le degré de réussite d’une intention » (BOURGUIGNON, 1995). Elle ne
se comprend aussi « que de façon dynamique dans le long terme » (LEBAS, 1995), les
conséquences de l’action se situant dans le temps.
En conséquence, la performance de la fonction patrimoniale est mesurée non plus seulement
par l’utilisation optimale des ressources affectées dans une optique influencée par le passé,
mais aussi par l’aptitude, présente et à venir à créer et fournir des services aux utilisateurs en
exploitant des actifs tant matériels qu’immatériels du patrimoine. La performance patrimoniale
doit donc aussi prendre en compte les effets/impacts des politiques publiques liées. Il en
découle une définition pluridimensionnelle de la performance basée sur un triptyque : moyens
prévus/utilisés (financiers, humains, organisationnels), réalisations (quantité et qualité de
service public), et effets/impacts (dimension politico-environnementale) (CARASSUS,
GARDEY et al., 2011).
Aussi, dans l’objectif de permettre à la fonction patrimoniale de s’intégrer pleinement à la
stratégie de l’institution, et de contribuer ainsi à l’amélioration de la performance globale de
celle-ci, cette étude se propose d’analyser les outils selon différents axes, dans un cadre
conceptuel nous permettant de définir les instruments de gestion et leur articulation dans un
système global de management.
Les outils de la gestion du patrimoine apparaissent ainsi comme le résultat d’une conjonction
entre un besoin (un métier), une contrainte (l’organisation) et un objet (la nature du patrimoine
immobilier). En conséquence, nous avons retenu trois axes de différenciation permettant de les
situer facilement au sein de l’organisation de la fonction patrimoniale. Le premier de nos axes
concerne le niveau d’utilisation ou d’action de l’instrument de gestion. Cette dimension
comporte trois modalités : stratégique, administrative et opérationnelle. Les outils de gestion du
patrimoine s’inscrivant dans un système global, il est en effet possible de distinguer trois
niveaux de contrôle dans une organisation : le niveau stratégique, de gestion, et opérationnel
(ANTHONY, 1965). Le niveau stratégique concerne le pilotage de la fonction patrimoniale, la
cohérence avec la stratégie globale de l’institution étant assurée par ailleurs. Le niveau
administratif inclut les activités de nature administrative ayant pour objectif de répondre aux
obligations légales qui s'imposent aux propriétaires, mais également les obligations
17
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
conventionnelles pouvant résulter des contrats d'assurance, des obligations environnementales
et réglementaires applicables aux ouvrages et aux activités qui s’y déroulent. Enfin, au niveau
opérationnel, on trouvera l’ensemble des processus techniques indispensables à l’utilisation des
locaux.
Le deuxième axe est représenté par l’horizon temporel des opérations immobilières sur
lesquelles porte l’outil. Comme nous l’avons rappelé, le patrimoine immobilier concerne aussi
bien des activités quotidiennes que des projets à très long terme. Nous proposons ici de prendre
en considération trois modalités, en distinguant les instruments de gestion à portée infraannuelle, annuelle et pluriannuelle.
Enfin, un troisième axe nous est donné par la finalité managériale couverte par les outils de
gestion. De la sorte, il s’agit d’évaluer la portée et l’objectif que permet d’atteindre
l’instrument, en reprenant la typologie des activités de la gestion patrimoniale que nous avons
précédemment exposée (typologie du Corporate Real Estate Management). Nous identifions
donc trois occurrences au niveau de cet axe, en distinguant la gestion d’actifs immobiliers
(Asset Management), l’administration de biens (Property Management) et l’exploitation de
parc (Facility Management).
Cette première partie porte donc sur l’existence d’outils de gestion et de pilotage dédiés au
patrimoine immobilier, à travers l’analyse de l’instrumentation de gestion sur plusieurs
dimensions. Tout d’abord, nous nous attacherons à décrire les caractéristiques intrinsèques des
outils de la gestion patrimoniale (Section 1.1). Nous serons ainsi amenés à analyser la
temporalité couverte par les outils, puis les niveaux de décisions impactés par leur utilisation.
Dans un second temps, il sera question d’aborder la finalité managériale de l’instrumentation
de gestion, à travers la nature des outils ainsi que les logiques immobilières qu’ils sous-tendent
(Section 1.2).
1.1 Des outils de gestion et de pilotage aux caractéristiques intrinsèques plutôt
restreintes
De part nos deux premiers axes de caractérisation, le niveau d’utilisation et d’action ainsi que
la temporalité couverte par les outils, il nous est possible de mettre en exergue les deux
premières spécificités fondatrices de l’instrumentation de gestion du patrimoine immobilier.
Ces deux caractéristiques apparaissent ainsi comme fondatrices de la nature des outils de
gestion et de pilotage. Dans cette voie, nous avons cherché à définir dans leur globalité, les
attributs des outils dédiés au patrimoine immobilier.
18
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Nous nous attacherons en premier lieu à analyser les dimensions temporelles des instruments
de gestion ; nous verrons de la sorte que les outils de la gestion patrimoniale des collectivités
locales semblent plutôt déficients sur les modalités temporelles de long terme, mais aussi de
court terme (1.1.1). Puis, dans un second temps, à travers l’étude du niveau d’utilisation des
outils au sein de l’organisation, il nous sera possible d’évaluer la portée des actions et des
décisions patrimoniales remplies par les outils de la gestion du patrimoine (1.1.2).
1.1.1 Des temporalités court-termistes et long-termistes plutôt déficientes des outils de
gestion du patrimoine
La temporalité des outils de la gestion du patrimoine constitue notre premier critère d’analyse.
Le patrimoine immobilier est aussi bien concerné par des activités journalières que par des
opérations de long terme. Or, de ce point de vue, les outils de gestion patrimoniale
actuellement mis en œuvre au sein des collectivités locales françaises semblent globalement
plutôt destinés à une vision de moyen terme sur les ressources immobilières (Cf. figure 10). En
effet, 65% des institutions que nous avons interrogées déclarent posséder des outils de gestion
du patrimoine annuels, alors que les modalités temporelles infra-annuelles et pluriannuelles
sont beaucoup moins bien appréhendées par l’instrumentation de gestion. De cette façon, ce ne
sont que 55% des outils de gestion patrimoniale qui sont destinés à la programmation et à une
vision à long terme sur les ressources immobilières, et seulement 51% des instruments de
gestion qui concernent une temporalité de court terme.
Figure 10 : Temporalité des outils de gestion du patrimoine existants
19
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Ainsi, les instruments de planification et de prévisions immobilières sont absents dans
beaucoup de collectivités répondantes. Pourtant, à travers la vision des risques et des
opportunités que ces outils apportent aux institutions, ils concentrent la majeure partie des
enjeux de la gestion patrimoniale. Par ailleurs, si les outils long-termistes ne sont employés
dans la gestion du patrimoine de seulement 55% des collectivités locales, nous avons de
surcroît constaté de très fortes disparités entre les types d’instruments de gestion. Dans ce sens,
près de 81% des collectivités locales déclarent posséder un Plan Pluriannuel d’Investissement,
tandis qu’elles sont 73% à ne pas employer de schéma directeur immobilier, et 44% n’ont pas
recours à un Plan Pluriannuel de Travaux. Globalement, d’après la figure 11, ce sont 6
collectivités sur 10 qui jugent le développement des outils de long terme nécessaire ou
indispensable.
Figure 11 : Importance du développement des outils de prévision
Les outils court-termistes sont eux aussi plutôt déficients dans la gestion du patrimoine public
local, et ces derniers connaissent également certaines différences selon leur type. Si 60% des
collectivités locales mettent en œuvre des outils destinés au suivi de la gestion énergétique,
elles ne sont en revanche que 43% à utiliser des outils de gestion des plans, et 49% à posséder
des instruments de gestion et de suivi de la maintenance quotidienne. Aussi, 67% des
collectivités locales jugent le développement des instruments infra-annuels nécessaire ou
indispensable au sein de leur organisation. Ce type particulier d’outil apparaît tout aussi
important, dans la mesure où il semble supporter toutes les actions quotidiennes qui peuvent
être entreprises sur le patrimoine. Ainsi, ces instruments cumulent un rôle de remontée
d’informations de gestion, indispensable pour la mise en œuvre de programmation, de
planification et de réflexion de long terme sur l’immobilier, mais ils sont également chargés de
20
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
traduire de manière opérationnelle la stratégie et la politique immobilière définie par
l’institution. Selon la figure 12, ce sont 74% des collectivités interrogées qui jugent le
développement de cette catégorie d’outil de gestion du patrimoine nécessaire ou indispensable.
Figure 12 : Importance du développement des instruments infra-annuels
Pour finir, les outils annuels de moyen terme forment la famille la mieux représentée au sein de
l’instrumentation de gestion spécifique aux ressources immobilières. Parmi eux, les outils de
suivi des contrats (entretien, assurances, baux, etc.) sont employés dans 64% des collectivités
répondantes, et les outils de la gestion comptable financière et fiscale du patrimoine sont
utilisés par plus de 84% des institutions. En revanche, le pourcentage de collectivités ayant mis
en œuvre des instruments de suivi règlementaire sur l’immobilier n’est que de 47%.
Force est de constater qu’à l’heure actuelle, la gestion patrimoniale publique locale se trouve
en général plutôt démunie en outils de gestion et de pilotage de long-termistes, mais aussi
court-termistes. Ce constat met en lumière le manque de vision à longue échéance des
collectivités locales sur l’évolution de leurs ressources patrimoniales. De même, les décisions
journalières affectant le patrimoine immobilier semblent trop souvent prises en dehors de
l’utilisation de tout outil de gestion. De la sorte, des activités techniques quotidiennes telles que
le suivi de la maintenance, ou la gestion de l’énergie et des fluides pâtissent du faible
développement d’outils qui leur seraient destinés.
1.1.2 Un niveau d’action et d’utilisation des outils centrés sur les acteurs opérationnels
et administratifs
La seconde caractéristique constitutive des dimensions intrinsèques de l’instrumentation de
gestion semble être déterminée par les niveaux d’utilisation et d’action patrimoniale engendrés
21
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
par les outils. De cette façon, nous avons cherché à caractériser les outils de gestion en fonction
des acteurs de la fonction patrimoniale et de leurs responsabilités respectives (Cf. figure 13).
Dès lors, il semble que les utilisateurs les plus importants d’outils dédiés à la gestion du
patrimoine, soient le ou les services directement en charge du patrimoine. Dans ce sens, ces
derniers représentent 25% des utilisateurs d’outils pluriannuels destinés au patrimoine
immobilier. Ces mêmes acteurs incarnent 37% de l’usage d’outils annuels plutôt de moyen
terme, et 54% pour les outils de court terme infra-annuels. Derrière les agents directement en
charge du patrimoine, les outils de la gestion patrimoniale paraissent également être utilisés de
manière relativement importante par la direction générale des institutions que nous avons
interrogées. En effet, 26% des directions générales des collectivités utilisent des outils
pluriannuels sur l’immobilier ; 23% de ces mêmes acteurs mobilisent des outils annuels, et
seulement 11% utilisent des outils infra-annuels de gestion patrimoniale.
A côté de ces principaux acteurs au centre de la mise en œuvre des instruments de gestion du
patrimoine, d’autres types d’agents semblent aussi de manière plus marginale mobiliser ces
mêmes outils. De cette façon, les directions ou services opérationnels, en charge des différentes
thématiques de la politique publique, sont 18% à mettre en œuvre des outils de court-terme sur
le patrimoine, 14% à utiliser des outils annuels, et 15% à exploiter les outils de prévision
patrimoniale. De même, les autres services supports, tels que les ressources humaines ou les
finances semblent eux aussi être des utilisateurs d’outils de gestion dédiés à l’immobilier, mais
de façon secondaire. S’ils sont 20% à utiliser des outils de moyen terme, ils ne sont que 14% à
mobiliser des outils de long terme, et 12% à exploiter des instruments infra-annuels.
Par ailleurs, nous avons également pu dégager l’utilisation des outils de la gestion du
patrimoine par les élus. Nous constatons une forte variation concernant le type d’outils
mobilisé par ces acteurs. Ils ne sont tout d’abord que 20% à exploiter des outils de gestion
pluriannuels sur le patrimoine immobilier, alors que ce type d’instruments semble leur être
dédié à un niveau stratégique de politique immobilière. De plus, les élus ne sont que 6% à
mobiliser des outils annuels, et 5% à utiliser des outils de court terme.
En conséquence, tous ces éléments nous aident à caractériser les niveaux d’actions
patrimoniales engendrées par les outils des collectivités locales. Ces derniers apparaissent
destinés principalement à des acteurs administratifs et opérationnels dans la mesure où ce sont
les agents en charge du patrimoine qui utilisent principalement les différents instruments dédiés
à l’immobilier. Les actions patrimoniales qui en découlent s’en trouvent elles aussi marquées
par une logique administrative et opérationnelle de gestion.
22
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 13 : Utilisation des outils de gestion du patrimoine par les différents acteurs de
l’organisation
En outre, la figure 14 retrace le positionnement des collectivités sur la nécessité du
développement des outils de la gestion patrimoniale pour chacun des différents acteurs. Ainsi,
près de 70% d’entre elles évaluent le besoin d’instruments pour les agents de la fonction
patrimoniale (agents directement en charge du patrimoine) comme étant indispensable. Arrive
ensuite le besoin d’outils pour la direction générale, qui est jugé indispensable (34%) ou
nécessaire (54%) par un très large pourcentage des institutions. Dans le même temps, le
développement d’outils de gestion du patrimoine à destination des acteurs politiques est évalué
comme plutôt facultatif par plus de 41% des collectivités répondantes. En conséquence, bien
que les agents des services directement en charge du patrimoine (fonction patrimoine)
paraissent constituer les acteurs au centre de l’utilisation des outils de gestion patrimoniale
actuellement mis en œuvre, près de 7 collectivités sur 10 déclarent le développement d’outils à
destination de ce type d’acteur comme indispensable. Globalement, il semblerait ainsi que la
gestion patrimoniale des collectivités locales pâtisse d’un manque évident d’outils de gestion et
de pilotage.
23
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 14 : Caractérisation du besoin d’instrumentation de chaque acteurs
Enfin, les résultats de l’enquête tendent à le démontrer, l’instrumentation de gestion
actuellement mise en œuvre par les collectivités locales semble globalement répondre à une
logique administrative et opérationnelle du pilotage et de la gestion des ressources
immobilières. De ce fait, les outils paraissent essentiellement destinés à des spécialistes, en se
focalisant sur des points précis des aspects immobiliers. Dans ce sens, l’instrumentation permet
aux agents de terrain de gérer les actions patrimoniales, en étant plutôt adapté à leurs
contraintes « métiers ». Toutefois, même si cette dimension semble être couverte par
l’utilisation des outils, elle n’en demeure pas moins insatisfaisante. Effectivement, nous avons
constaté précédemment une insuffisance d’outils de court-terme, permettant de gérer le
patrimoine sur des actions infra-annuelles.
De surcroît, les acteurs politiques et stratégiques semblent plutôt démunis d’instruments dédiés
au pilotage et à la gestion du patrimoine immobilier. Dans ces conditions, ces derniers ne
disposent pas de la vision globale sur le parc immobilier de la collectivité, ni de prévision sur
l’évolution de ces ressources et leur adaptation aux besoins du service public local. Comme
notre étude le démontre, les responsables publics locaux n’ont bien souvent pas à leur
disposition d’instruments, leur permettant de dégager une politique et une stratégie
immobilière.
A côté de ces dimensions intrinsèques propres aux outils de gestion et de pilotage, nous avons
également identifié des dimensions spécifiques à la gestion patrimoniale. Ces dernières vont
nous permettre de caractériser les outils actuellement utilisés par les collectivités locales selon
leur finalité managériale.
24
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
1.2 De fortes disparités dans les finalités couvertes par l’instrumentation de gestion
Une fois les outils de la gestion patrimoniale publique locale analysés sous l’angle de leur
temporalité et sur le niveau d’action et d’utilisation qu’ils engendrent, il nous faut caractériser
la dernière dimension relative à leurs finalités managériales. Pour ce faire, nous nous
appuierons sur la typologie anglo-saxonne du Corporate Real Estate Management,
qui
délimite trois grandes catégories d’activités (Asset Management, Property Management,
Facility Management1). A côté de ces trois fonctions principales, nous trouvons aussi des
activités supports transverses, telles que la gestion de l’information, la gestion des moyens et la
gestion économique et comptable. C’est pourquoi, dans l’objectif de caractériser les outils par
rapport à ce modèle, nous tenterons d’expliquer en deux temps les spécificités de
l’instrumentation de la gestion, par rapport au cadre global tout d’abord, entre activités
transverses et activités principales ; puis en fonction des trois grandes familles d’activités par la
suite.
En conséquence, nous étudierons premièrement la nature particulière des outils de gestion et de
pilotage employés par les collectivités locales dans la gestion de leurs ressources immobilières
(1.2.1). Ensuite, nous pourrons tenter de décrire les logiques immobilières sous tendues par les
instruments mis en œuvre dans les institutions publiques locales (1.2.2).
1.2.1 La nature spécifique des outils de la gestion du patrimoine
La gestion patrimoniale est à la fois un domaine multidimensionnel et pluridisciplinaire. Il
découle directement de ces caractéristiques une complexité qui explique en grande partie les
difficultés dans la mise en œuvre et le déploiement d’outils dédiés au patrimoine. De plus, les
différentes activités liées à l’immobilier ne sont que difficilement identifiées par le secteur
public en général. Ce dernier doit relever le défi de la mise en cohérence des activités, des
actions et des décisions dans des domaines très variés, et aux finalités parfois contradictoires.
Au regard de ces éléments, nous avons cherché à vérifier de manière globale la nature des
outils de la gestion du patrimoine en questionnant les collectivités sur les caractéristiques
particulières de leur instrumentation (Cf. figure 15). De la sorte, nous pouvons constater des
réponses très variées. En premier lieu, il nous faut relever le faible pourcentage de collectivités
« pas du tout d’accord » et « tout à fait d’accord » avec les affirmations que nous proposions.
Ces faibles pourcentages aux extrémités semblent pouvoir signifier une absence de maitrise des
outils de gestion et de pilotage développés par les institutions publiques en matière de gestion
1
Cf. introduction du présent rapport.
25
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
des ressources patrimoniales. En effet, les collectivités paraissent plus subir leur
instrumentation de gestion qu’elle ne l’ont pensé et voulu, en réponse à leurs besoins et aux
spécificités de l’organisation de leur fonction patrimoine.
Au demeurant, l’affirmation « les outils sont utilisés par les services, directions
opérationnelles (sport, éducation, culture, etc.) », correspondant à des outils de nature
décentralisée, est celle qui récolte le plus important pourcentage de désaccord (49% des
interrogés ne sont pas d’accord ou pas du tout d’accord). A l’inverse, plus de 60% des
organisations publiques locales déclarent posséder des outils de gestion patrimoniale plutôt
centralisés, spécifiques à la direction, au service et agents directement en charge du patrimoine
immobilier.
En revanche, aucune des autres affirmations proposées ne se démarque véritablement. Ainsi,
72% les collectivités locales possèdent des instruments acquis ou mis en œuvre pour plusieurs
acteurs de l’organisation, mais elles sont aussi 66% à inscrire leurs outils pour les besoins
spécifiques d’un agent ou d’un groupe d’agents. De même, 63% des répondants semblent
disposer d’outils de gestion et de pilotage transversaux et partagés au sein de l’organisation,
tandis qu’à l’opposé ils sont 60% à déclarer assurer la gestion patrimoniale avec des outils
métiers, réservés à certaines activités ou compétences en particulier. Ces résultats, issus de la
répartition des outils de la gestion patrimoniale au sein de l’organisation, sont à mettre
directement en relation avec nos analyses sur les modes d’organisation liés à la fonction
patrimoniale dans les collectivités locales, en deuxième partie de ce rapport.
Figure 15 : Nature des instruments de la gestion patrimoniale
26
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Dès lors, une fois la nature des outils de gestion et de pilotage du patrimoine appréhendée, il
nous faut désormais étudier de manière approfondie les finalités managériales qu’ils permettent
de couvrir. Cet axe de caractérisation constitue le dernier d’une analyse des outils de la gestion
patrimoniale, donnée par leur temporalité, leur niveau d’action et d’utilisation, et leur
dimension managériale immobilière.
1.2.2
Des
finalités
managériales
immobilières
partiellement
remplies
par
l’instrumentation de gestion
Cette dernière dimension, propre à la logique managériale couverte par les outils de la gestion
patrimoniale, nous amène à analyser, par l’intermédiaire de la figure 16, l’instrumentation dans
le cadre du triptyque gestion d’actifs immobilier (Asset Management), administration de biens
(Property Management), et exploitation de parc (Facility Management). Dans ce sens, nous
avons cherché à comprendre comment les outils de la gestion patrimoniale s’inscrivaient dans
ce modèle, en questionnant d’abord les collectivités sur la mise en oeuvre de chacun de ces
groupes d’activités. Ainsi, l’analyse de nos résultats fait émerger une large réalisation du
Property Management, et dans une moindre mesure du Facility Management. En effet, 73%
des collectivités paraissent posséder des instruments couvrant l’administration de biens, et 63%
affirment détenir des outils mettant en œuvre l’exploitation de parc. En revanche, la gestion
d’actifs immobiliers ne semble pas assurée pour 59% des institutions publiques locales.
Figure 16 : Finalités des outils de la gestion du patrimoine
27
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Ces résultats tendent à démontrer que l’instrumentation de la gestion patrimoniale des
collectivités locales paraît prendre en partie la mesure des activités classiques, telles que
l’allocation des ressources immobilières et l’adéquation entre les conditions immobilières et les
activités qui s’y déroulent ; ou encore, les opérations administratives et juridiques liées à la
propriété à la location et à la maîtrise d’ouvrage des constructions ou des gros travaux, et la
fourniture à l’utilisateur d’un bâtiment viable du point de vue technique et règlementaire.
Néanmoins, si les collectivités nous ont répondu en large majorité détenir des instruments leur
permettant de couvrir ces activités, ces propos sont à nuancer dans la mesure où une enquête
quantitative comme celle que nous avons mené ne permet pas d’affiner les observations. Même
si le Property et le Facility Management sont les catégories les plus couvertes par les outils de
gestion et de pilotage, il reste bien des champs et des sous-fonctions de ces propres domaines
que les collectivités locales ne semblent pas maîtriser en totalité. Comme nous le confirment
les répondants sur le besoin de développement des outils de la gestion du patrimoine (Cf. figure
17), ils sont 92% à juger qu’il est nécessaire ou indispensable de faire évoluer les outils de
gestion et de pilotage vers une meilleure prise en compte du Facility Management (FM), et ce
chiffre est de 79% en ce qui concerne le Property Management (PM). Ces données sont alors
révélatrices d’une certaine défaillance de l’instrumentation en matière de gestion patrimoniale,
et ce même dans les domaines où les collectivités sont normalement dotées de certains outils.
Figure 17 : Nécessité de la mise en œuvre des groupes d’activités de gestion patrimoniale par
les outils
28
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Quant à la fonction de gestion d’actifs immobiliers (AM), regroupant les activités de gestion
stratégiques et financières des actifs, elle est plutôt très mal couverte par les instruments
propres à la gestion patrimoniale. Ce résultat semble alors en partie lié au manque d’outils
stratégiques à destination des élus, ainsi qu’au manque de vision à long terme sur les ressources
patrimoniales. De surcroît, si les collectivités ressentent un besoin de développement de
l’instrumentation spécifique à cette catégorie d’activité (69% évaluent cette évolution envers
l’Asset Management nécessaire ou indispensable), en terme d’importance, elle arrive loin
derrière les deux autres familles d’activités. Pourtant, ce type d’instruments permettrait aux
collectivités locales de développer une véritable politique et stratégie immobilière, traduite
dans des schémas directeurs, des plans pluriannuels d’investissements et de travaux, des
stratégies de cessions/acquisitions sur dix années pour des budgets de plusieurs millions
d’euros.
Enfin, eu égard à la faible structuration des outils de gestion dans le modèle d’activités propre à
la gestion patrimoniale, les collectivités font face à des difficultés importantes. Globalement,
les outils sont nombreux et épars, et ils ne sont bien souvent pas partagés entre les différents
acteurs concernés par la gestion de l’immobilier. Cette situation nuit à la cohérence d’ensemble
et à l’émergence d’un pilotage global des problématiques patrimoniales. De plus, les
informations immobilières, pourtant communes au trois fonctions du Corporate Real Estate
Management, se trouvent dispersées dans plusieurs outils, qui ne permettent pas de les mettre
en relation.
Dans une dernière sous partie, nous proposons de centrer notre analyse des outils de la gestion
patrimoniale, sur la détermination des relations entre les caractéristiques instrumentales et les
variables indépendantes. Ainsi nous obtiendrons une caractérisation avec plus de finesse.
1.3 La temporalité et la finalité des outils de la gestion patrimoniale en partie
influencées par la nature des collectivités et la superficie immobilière
Dans notre enquête, nous avons pu dégager des variables indépendantes propres aux
collectivités interrogées, que sont la nature des collectivités locales, et le nombre de m2 de bâti
à gérer. Il est en conséquence pertinent que notre étude se propose d’analyser les outils de la
gestion du patrimoine en fonction de ces deux variables, et d’en déterminer l’influence. Pour ce
faire, nous avons effectué des analyses bivariées, en étudiant la relation entre nos variables
indépendantes, les niveaux de collectivités ou la dimension de leur parc patrimonial, et nos
variables dépendantes, les caractéristiques de l’instrumentation de gestion.
29
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
C’est pourquoi, il sera premièrement question de différencier la temporalité des instruments de
la gestion patrimoniale, tant en fonction du niveau des institutions publiques que des
caractéristiques de leur patrimoine (1.3.1). Puis nous examinerons ensuite l’influence de ces
deux dernières variables sur les finalités immobilières couvertes par les outils (1.3.2).
1.3.1 La temporalité des outils de gestion du patrimoine en partie influencée par le type
de collectivité et la dimension du parc immobilier
Tout d’abord, il nous est possible de mettre en évidence les différences entre les types
d’institutions publiques et la mise en œuvre des outils de gestion et de pilotage dédiés au
patrimoine. Dans cette voie, nous pouvons relever dans la figure 18 une distinction entre les
Départements, qui semblent posséder en très grande majorité un Plan Pluriannuel de travaux
(71%), et les Régions ou les intercommunalités, qui sont beaucoup moins nombreuses à avoir
développé cet instrument. De plus, par l’intermédiaire du test du Khi-deux, il nous est possible
d’affirmer qu’il existe bien statistiquement un lien significatif entre le type de collectivité et la
présence d’un Plan Pluriannuel de travaux. De même, nous avons dégagé un lien significatif
entre les niveaux d’institutions et la présence de schéma directeur immobilier. Dès lors, il
apparaît que 80% des Régions possèdent cet outil, alors que seulement 11% des
intercommunalités, 29% des Communes, et 38% des Départements déclarent utiliser un
schéma directeur immobilier.
Figure 18 : Existence d’outils de long terme et nature des collectivités locales
Outre ces deux types d’outils de long terme, nous avons pu ensuite distinguer la présence
d’outils de court terme dans les différents niveaux d’institutions publiques (Cf. figure 19).
Dans ce sens, nous avons relevé un lien entre les types de collectivités et l’existence
d’instrument de suivi de la gestion énergétique, d’outil de gestion des plans, et d’outil de
gestion de la maintenance. De ce point de vue, les Communes paraissent davantage posséder
30
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
des outils de suivi énergétique que les autres organisations publiques (71%). Par contre, en ce
qui concerne les outils de gestion des plans, ce sont les Régions qui sont les mieux dotées, avec
8 régions sur 10 qui possèdent un tel instrument. A l’opposé, il semble que les
intercommunalités représentent le niveau d’institutions le plus en manque face à ces types
d’instruments. En revanche, elles sont une majorité à mettre en œuvre des outils de gestion de
la maintenance ; tout comme les Communes. Tandis que les Départements et les Régions sont
dépassés sur ce point avec seulement 41% et 40% d’entre eux qui mentionnent l’existence de
ce dernier instrument.
Figure 19 : Existence d’outils de court terme et nature des collectivités locales
Au travers de cette comparaison entre collectivités locales, nous avons pu mettre en évidence la
situation des institutions face à la temporalité des outils de la gestion du patrimoine. Hormis le
niveau intercommunal, qui semble largement sous doté en instruments de gestion ; les trois
autres niveaux de collectivités paraissent globalement dans une situation quasi identique. En
effet, même si la Région semble largement en avance sur la mise en œuvre de schéma
directeur, elle est également en retard au regard du Plan Pluriannuel de Travaux, à l’inverse du
Département. Tout en étant proches des deux niveaux de collectivités précédents, les
Communes sont pour leur part un peu en dessous en matière d’outils pluriannuels, mais
devancent souvent les autres types de collectivités locales sur les outils court-termistes.
Dans un deuxième temps, nous avons aussi regardé le lien qui pouvait exister entre les
caractéristiques du parc patrimonial des collectivités et la mise en œuvre des outils de gestion
et de pilotage (Cf. figure 20 et 21). Il semble alors que ce lien soit significatif entre le nombre
de m2 de bâti à gérer et la présence d’un Plan Pluriannuel d’Investissement, d’un schéma
directeur, d’outil de suivi de la gestion énergétique, et d’outil de gestion des plans. Ce lien
démontre que plus le parc patrimonial s’agrandit, en terme de superficie à gérer, plus la
31
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
présence d’outils de gestion est avérée ; que ce soit des outils pluriannuels ou des outils de
court terme. Effectivement, 67% des collectivités gèrent moins de 100.000 m2 de bâti
possèdent un PPI, contre 93% des institutions qui disposent d’un parc compris entre 100.000
m2 et 500.000 m2, et 97% des organisations publiques gérant une superficie totale de plus de
500.000 m2. Dans le même sens, si l’existence de schéma directeur immobilier est plutôt
marginale dans les collectivité locales, ceci est largement accentué en fonction du nombre de
m2 de leur parc immobilier. Celles qui ont un parc inférieur à 100.000 m2 sont 14% à mettre
en œuvre un schéma directeur, alors qu’elles sont 47% à posséder cet outil lorsqu’elles
disposent de plus de 500.000 m2 à gérer. En ce qui concerne les outils de gestion des plans,
cette différence est également remarquable. Tandis que 34% des institutions qui ont moins de
100.000 m2 de bâti ont ce type d’instrument, elles sont près de 66% à détenir ce même outil
lorsqu’elles ont plus de 500.000 m2 de patrimoine immobilier.
Figure 20 : Existence d’instruments pluriannuels et dimension du parc patrimonial
Figure 21 : Existence d’outil de court terme et dimension du parc patrimonial
32
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
1.3.2 L’influence des caractéristiques inhérentes des répondants sur
les finalités
immobilières des outils de gestion et de pilotage
Outre la temporalité, il est tout aussi intéressant de considérer une deuxième dimension
spécifique aux instruments de gestion : la finalité immobilière. Si nous avons déjà analysé les
des outils de la gestion patrimoniale de ce point de vue (Cf. sous section 1.2.2), nous proposons
ici de tenter de déterminer les spécificités de cette variable au vue de l’influence du type de
collectivité locale, ainsi que de la dimension du parc immobilier.
Premièrement, une seule relation effective ressort de notre analyse statistique. Il s’agit de la
mise en œuvre d’une planification immobilière (activité relevant de l’Asset Management) par
niveaux d’institutions publiques locales. De ce fait, il semble que le type de collectivité ait une
influence significative sur la mise en œuvre de cette activité de gestion d’actifs immobiliers. A
ce titre, d’après la figure 22 ce sont les Départements qui paraissent le mieux placés par rapport
à la présence d’outils supportant une planification des actions immobilières ; ils sont 63% à
mettre en œuvre de tels instruments. Par contre, les intercommunalités et les Communes ne
sont que 33% et 37% à déclarer posséder des outils leur permettant de planifier la gestion
patrimoniale.
Figure 22 : Mise en œuvre de l’Asset Management en fonction de la nature de la collectivité
Ensuite, comme précédemment il nous ait possible de mettre en avant les relations entre la
surface de bâtiments des collectivités et la mise en œuvre des finalités immobilières par
l’instrumentation de gestion. A ce titre, nous avons observé un lien significatif entre les outils
qui permettent de couvrir la gestion stratégique immobilière, relevant de l’Asset Management,
et le nombre de m2 de bâti à gérer. Les instruments des collectivités qui ne possèdent moins de
100.000 m2 de bâtiments ne supportent cette activité d’Asset Management que dans 31% des
33
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
cas ; alors que les outils des collectivités ayant plus de 500.000 m2 de bâti assurent la gestion
stratégique immobilière dans 55% des cas. Dans le même sens, la planification immobilière est
mise en œuvre dans 34% des institutions qui possèdent un parc patrimonial de faible superficie,
tandis que cette activité est remplie dans 60% des organisations qui ont une superficie
importante de bâtiments à gérer. De ce fait, la gestion d’actifs immobiliers (AM) est davantage
assurée par les outils de gestion et de pilotage au fur et à mesure que la superficie du parc
patrimonial augmente (Cf. figure 23). En revanche, nous obtenons un résultat opposé quant à la
mise en œuvre du suivi des opérations d’investissements et des gros travaux. Il est en effet
statistiquement possible d’observer sur la figure 24, que plus le parc patrimonial croît en terme
de superficie, moins cette activité est supportée par les outils de la gestion du patrimoine.
Figure 23 : Mise en œuvre de l’Asset Management et dimension du parc patrimonial
Figure 24 : Mise en œuvre du Property Management et dimension du parc patrimonial
34
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
***
Au final, cette première partie permet de caractériser dans les grandes lignes les outils de
gestion et de pilotage dédiés au patrimoine immobilier. Ainsi, l’instrumentation de la gestion
patrimoniale publique locale semble plutôt être moyen-termiste, centrée sur les actions
opérationnelles et administratives, ne couvrant ainsi qu’une partie des dimensions et des
finalités immobilières.
De plus, nous avons cherché à effectuer des comparaisons sur les spécificités des outils en
fonction des caractéristiques propres aux répondants. Tout d’abord, la temporalité des outils de
la gestion patrimoniale paraît en partie influencée par le type de collectivité locale ainsi que la
dimension du parc immobilier. Dans ce sens, si le niveau intercommunal semble largement
sous doté en instruments de gestion, les autres types de collectivités sont globalement dans une
situation similaire. Par ailleurs, plus le parc patrimonial s’agrandit, en terme de superficie à
gérer, plus des outils de gestion de court terme et de long terme se révèlent utilisés par les
collectivités.
Dans un second temps, il semble que la nature des collectivités locales et la superficie de
bâtiments aient une certaine influence sur les finalités immobilières couvertes par les outils. A
ce titre, l’activité de planification immobilière, constitutive de l’Asset Management, se révèle
plus prise en charge dans les Départements que dans les autres niveaux d’institutions. Enfin, la
gestion d’actifs immobiliers (AM) est davantage assurée par les outils de gestion et de pilotage
au fur et à mesure que la superficie du parc patrimonial augmente. Cette relation est inversée
concernant la mise en œuvre du suivi des opérations d’investissements et gros travaux (relevant
du Property Management).
Toutefois, si l’étude des outils de la gestion du patrimoine est essentielle, l’organisation de la
fonction patrimoniale doit aussi faire l’objet d’une analyse particulière. C’est pourquoi, à
travers un cadre théorique, nous proposons en seconde partie de ce rapport, une étude sur les
modes d’organisation mis en place dans le secteur public local, afin de répondre aux enjeux
sous-tendus par les ressources immobilières.
35
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
PARTIE 2 – DES MODALITES ORGANISATIONNELLES PEU LISIBLES ET
FRAGMENTEES DE LA GESTION PATRIMONIALE PUBLIQUE LOCALE
Au cours de cette seconde partie, nous allons focaliser notre étude sur les éléments propres aux
modalités organisationnelles. Une organisation peut en premier lieu être définie à travers les
éléments de la structure qui la concrétise. Une structure regroupe l’ensemble des activités et
des relations déterminant formellement les missions et les fonctions que chaque unité de
l’organisation doit accomplir, ainsi que les modes de collaboration entre ces unités. Pour
identifier les caractéristiques d’une organisation, des concepts tels que l’organigramme, le
découpage en directions, services, la hiérarchie, les activités ou les tâches sont utilisés. Il est
également possible de définir une organisation par rapport aux paramètres qui marquent de
façon régulière son fonctionnement (selon sa complexité, son degré de formalisation ou de
centralisation). Enfin, une organisation se définit par sa raison d’être, c’est à dire par rapport
aux services qu’elle rend (coordination des activités, contrôle des résultats, standardisation des
comportements).
En conséquence, une organisation est un système structuré, constituant un élément essentiel
pour assurer un fonctionnement optimal. Ce dernier représente l’ensemble des dispositifs par
lesquels l’institution répartit, organise, coordonne et contrôle ses activités. Ainsi, l’organisation
demande une structuration « physique », mais aussi une structuration technique de sa
production et des aspects humains liés aux relations de l’homme au travail. Afin de faire
émerger des modes de structuration de la fonction patrimoniale dans le domaine public local,
nous avons fait le choix de partir de la théorie des modes d’organisation (MINTZBERG, 1989 ;
FAYOL, 1918 ; FELDMANN et MARCH, 1991), ainsi que de la théorie sur la décentralisation
organisationnelle publique (RONDINELLI et al., 1983 ; BOSSERT, 1998 ; VRANGBAECK,
2004).
En outre, dans l’objectif de pousser la réflexion sur la caractérisation des modes d’organisation
liés à la gestion du patrimoine immobilier, nous nous appuierons sur des fondements
théoriques et conceptuels. Dans cette voie, l’appréhension de l’organisation de la gestion
patrimoniale publique sera envisagée à travers un cadre de référence combinant les modalités
du système organisationnel et de l’approche organisationnelle. Dans cette voie, la fonction
patrimoniale semble premièrement pouvoir être caractérisée en référence à un premier axe,
d’un système centralisé à localisé. La première modalité prend en compte la gestion des
paramètres interne de l’organisation à un niveau central, alors que la seconde renvoie pour sa
part à une dépendance vis à vis des unités, et se centre sur la gestion des paramètres de
36
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
l’organisation à un niveau local. Ce sont ensuite les modalités de l’approche organisationnelle
qui serviront de support à notre analyse. Ainsi, un deuxième axe sera utilisé pour placer les
modes d’organisation de la fonction patrimoniale publique, de modalités organisationnelles
mécanistes à organiques. L’approche mécaniste implique une structure organisationnelle
rigide, avec pour seul but la recherche d’efficacité technique et économique, comportant des
procédures formalisées, et une structure hiérarchique dominante. Dans cette approche, les
modes d’organisation se matérialisent plutôt par des structures classiques avec une séparation
des différentes fonctions ; par des modes de coordination par standardisation ou supervision ;
par des décisions et des informations verticales et contrôlées, ainsi que par une autorité
formelle. A l’opposé, l’approche dite organique se caractérise elle, par des tâches moins
définies, une communication transversale, une prise en compte des parties prenantes
secondaires, ou encore une certaine valorisation individuelle. Dans cette optique, les structures
sont plus souples, avec des ajustements possibles et une prise en compte importante des
besoins et des motivations des agents. Les décisions et informations sont davantage
horizontales et les procédures plus souples ; les mécanismes de coordination se font par
ajustement mutuel. Selon BURNS et STALKER (1961), « la structure mécaniste est adaptée
aux environnements stables, qui se caractérisent en particulier par une standardisation des
procédures, une centralisation du système de décision autour d’une hiérarchie. La structure
organique, quant à elle, est adaptée aux environnements plus turbulents et aux évolutions
incertaines. Cette structure organisationnelle flexible et adaptative s’appuie sur une faible
spécialisation et standardisation du travail. Le processus de décision y est décentralisé, les
modes de coordination s’effectuant le plus souvent par ajustement mutuels ».
Dès lors, la caractérisation des modes d’organisation de la fonction patrimoniale des
collectivités locales sera envisagée à travers ce modèle de référence. Il sera donc question
premièrement de décrire le système organisationnel lié à la gestion des ressources immobilières
(section 2.1). Nous verrons alors que ce dernier est marqué par une certaine hétérogénéité.
Puis, dans un second temps, notre étude sera consacrée à l’approche organisationnelle, avec la
mise en évidence d’une certaine instabilité dans l’organisation (section 2.2).
2.1 L’hétérogénéité des spécificités du système organisationnel de la gestion du
patrimoine
Dans cette section, nous étudions le système organisationnel de la fonction patrimoine sur une
dimension possédant deux modalités : de centralisé à localisé. Ces deux extrêmes ne
constituant pas forcément une situation idéale pour les institutions publiques. En effet, un
37
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
système localisé de manière trop importante entraîne une séparation des considérations
patrimoniales avec le sommet stratégique et politique de l’institution. Ce mode peut alors nuire
à la formulation d’une politique patrimoniale à part entière, et à l’émergence d’objectifs
stratégiques. De surcroît, la transversalité et le lien entre les différentes décisions et actions
entreprises sur l’immobilier s’en trouvent distendus. A l’inverse, une centralisation à l’excès de
la gestion du patrimoine coupe le pilotage immobilier de sa base, et engendre de fait un
éloignement avec les considérations pratiques des usagers/utilisateurs des équipements. Un tel
système semble pouvoir être la source d’importants déficits dans la qualité du service public
produit. C’est pourquoi, il nous semble qu’un ancrage de la gestion patrimoniale au sommet
politique et stratégique de l’institution est primordial, tout en structurant le traitement des
problématiques patrimoniales au plus près des besoins du service public et de ses usagers.
Au cours de notre analyse, nous avons à mettre en évidence en premier lieu, la structuration de
la fonction patrimoniale des institutions publiques locales. Celle-ci se trouve particulièrement
caractérisée par une très faible articulation entre toutes les activités liées à la gestion des
ressources immobilières. Les responsabilités en matière de gestion de patrimoine se trouvent
notamment considérablement éparpillées au sein de l’organisation, entre différents acteurs ou
groupes d’acteurs (2.1.1). De la même manière, il sera question dans un second temps de
relever les spécificités des processus décisionnels et informationnels liés au patrimoine. Dans
ce domaine encore une fois, il semble que les collectivités locales soient loin d’une mise en
cohérence dans la production et l’utilisation des informations patrimoniales (2.1.2).
2.1.1 La faiblesse de la structuration de la fonction patrimoniale des collectivités locales :
un éparpillement des responsabilités entre niveaux central et local
Les institutions publiques locales rencontrent bien souvent des difficultés à répartir les activités
liées à la gestion du patrimoine immobilier. Ceci s’explique en grande partie par la nature
même de cette ressource, qui fait intervenir des métiers parfois nouveaux dans le secteur
public, ainsi que des domaines de compétences variés que les collectivités ne maitrisent pas
traditionnellement. Il est de ce fait particulièrement fréquent de retrouver des responsabilités
sur une partie des activités immobilières dans plusieurs points de l’organigramme. Bien
souvent ce sont plusieurs directions ou services, dans plusieurs secteurs de l’organisation qui
ont à assurer directement des activités liées à l’immobilier. S’ajoute à cela la position des
directions thématiques « métiers », responsables de la mise en œuvre de politiques publiques
(éducation, sports, culture, etc.), qui se voient également confier certaines tâches relevant de la
gestion patrimoniale. Effectivement, du fait de leur position d’utilisateurs de bâtiments, celles-
38
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
ci se voient confier des responsabilités, plus ou moins floues et définies, sans forcément avoir
les moyens de les assurer. Pour autant, ce type d’acteurs particulier doit trouver sa place dans la
gestion patrimoniale de l’institution concernée, autant dans la prise de décision lorsqu’ils sont
impactés, que dans la circulation des différentes informations sur le patrimoine.
C’est pourquoi, au cours de notre enquête, nous avons cherché à savoir comment se
caractérisait la répartition des responsabilités patrimoniales, de manière globale tout d’abord.
Nous avons donc proposé différentes affirmations aux répondants, correspondant toutes à
différents modes d’organisation que nous avions dégagés (Cf. figure 25). De cette façon, plus
de 77% des collectivités sont d’accord ou tout à fait d’accord pour affirmer que leur gestion
patrimoniale repose sur une organisation centrale ou une direction en charge du patrimoine.
Cette affirmation tend à correspondre à un mode d’organisation centralisé. Néanmoins, il
semble que nous ne puissions pas conclure hâtivement à ce type de raccourci.
Figure 25 : Caractérisation du système de la fonction patrimoniale
En effet, si une grande majorité d’institutions paraissent disposer d’une seule direction en
charge du patrimoine, les responsabilités qui lui sont confiées peuvent n’être que partielles.
Dans ce sens, 63% des répondants manifestent un désaccord sur le fait que les directions
« métiers » exécutent les directives immobilières provenant d’un service patrimoine. Par
contre, 48% des interrogés se déclarent plutôt ou tout à fait d’accord pour dire qu’il existe une
39
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
immixtion forte des directions « métiers » dans la gestion patrimoniale de leur institution. Pour
près de 48% des collectivités, il semble même que les directions opérationnelles soient
responsables et autonomes sur les équipements concernant directement leur activité.
Ces résultats tendent donc à démontrer que globalement, aucun mode d’organisation ne se
dégage vraiment concernant la gestion du patrimoine immobilier public local. De la sorte, dans
un deuxième temps, nous avons cherché à décrire le fonctionnement de la fonction
patrimoniale dans chacune des catégories d’activités immobilières présentées dans notre
typologie de référence (Corporate Real Estate Management). De cette manière, par
l’intermédiaire de la figure 26, nous avons regardé de plus près la mise en œuvre de l’Asset, du
Property et du Facility Management par les différents niveaux de l’organisation. Ainsi, la
réalisation des activités de gestion d’actifs immobiliers (AM) se fait pratiquement pour moitié
dans les niveaux politiques de l’institution, et pour une autre moitié aux niveaux administratifs.
Il semble que les collectivités n’aient que très peu recours à l’extérieur dans la réalisation des
activités relevant de ce domaine. Au sein des acteurs politiques, ce sont principalement le
Maire ou le Président (17%) et l’élu en charge du patrimoine (16%) qui semblent supporter les
activités d’Asset Management. Si les autres élus, en charge des activités supports (finances,
RH) ou les élus en charge des politiques publiques paraissent moins sollicités sur ces questions,
ils représentent quand même chacun 7% et 8% dans la réalisation de ce domaine d’activité. De
plus, parmi les niveaux administratifs, la direction générale est l’acteur le plus influent sur
l’Asset Management (près de 22%) ; puis vient ensuite la direction ou le service en charge du
patrimoine (16%). Les autres acteurs administratifs, directions supports, ou directions
« métiers » interviennent plutôt faiblement dans la réalisation de cette catégorie. Enfin, le
niveau extérieur semble très peu influencer la mise en œuvre de ce groupe d’activités puisque
les entreprises, les autres collectivités ou établissements publics, et les utilisateurs ne pèsent
respectivement que 1%, 2%, et 1% dans la gestion stratégique et la planification immobilière.
Par ailleurs, le Property Management regroupe les opérations administratives et juridiques liées
à la propriété, à la location et à la maîtrise d’ouvrage des constructions ou des gros travaux,
ainsi que l’activité de fournir à l’utilisateur un bâtiment viable du point de vue technique et
règlementaire. Ce domaine n’est mis en œuvre que pour 28% au niveau politique, et 3% au
niveau extérieur de la collectivité. En revanche, le niveau administratif pèse 69% dans la mise
en œuvre de l’administration de bien (PM). Au sein des acteurs politiques, les élus en charge
des autres fonctions supports sont ceux qui paraissent les plus influents (9%). Nous pouvons
supposer que les élus en charge des finances interviennent beaucoup sur ce domaine qui
concerne entre autres, la gestion financière et fiscale des bâtiments. La direction générale est
40
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
encore une fois plutôt fortement concernée par ces activités (22%). Au demeurant, la direction
en charge du patrimoine joue également un rôle primordial dans le Property management,
puisqu’elle représente un poids de plus de 18% dans la réalisation de ce domaine d’activité.
Enfin, le Facility Management représente de manière globale l’activité d’allocation des
ressources patrimoniales afin de garantir l’adéquation entre les conditions immobilières et les
activités qui s’y déroulent. Parmi les trois catégories, l’exploitation de parc est celle qui est la
moins mise en œuvre au niveau politique (avec un poids de seulement 19% pour ce niveau).
Elle semble en revanche bien assurée par les acteurs administratifs, dans la mesure où ces
derniers prennent part à hauteur de 65% à ces activités, et dans une moindre mesure par le
niveau extérieur de la collectivité, à hauteur de près de 16%. L’élu patrimoine est l’acteur
politique le plus influent dans le Facility Management (8%). Parmi les acteurs administratifs, la
direction ou le service en charge du patrimoine se démarque nettement puisqu’il représente une
part de 28% dans la réalisation de la gestion de l’usage, de la maintenance, de l’énergie et des
fluides. Nous trouvons ensuite les directions métiers, opérationnelles qui prennent part de
manière notable à cette fonction (13%).
Figure 26 : Mise en œuvre des différentes activités de la gestion patrimoniale au sein de
l’organisation
Acteurs / activités immobilières
Maire, Président
Elu patrimoine
Autres élus en charge des activités
supports
Elus en charge des activités de
politiques publiques
Direction générale
Gestion stratégique et
planification
immobilière
(AM)
63,25%
16,75%
53,85%
Directions opérationnelles
Entreprises
Autres collectivités, établissements
publics
Utilisateurs
Total
23,63%
34,88%
45,74%
48,54%
30,10%
39,19%
22,01%
17,31%
13,55%
56,73%
20,25%
25,96% 100%
10,31%
37,42%
9,59%
13,16%
42,33% 100%
13,17%
71,05% 100%
15,79%
0,94%
39,29%
1,75%
40,00% 100%
27,86%
18,55%
0,80%
20,46% 100%
32,05%
18,40%
5,26%
21,36% 100%
4,20%
40,35%
27,95%
5,74%
19,38% 100%
4,77%
4,87%
21,69%
22,53% 100%
7,82%
9,28%
7,97%
8,43% 100%
2,67%
6,76%
7,18%
Gestion de l’usage, de la
maintenance, de
Total
l’énergie et des fluides
(FM)
28,31%
7,39%
15,63%
Service, direction et agents
directement en charge du patrimoine 16,27%
Autres services, direction supports
Gestion administrative,
juridique, financière et
fiscale et opérations
d’investissement (PM)
5,15%
32,14% 100%
28,57%
1,26%
10,34%
1,72%
10,34%
79,31% 100%
0,96%
0,94%
8,78%
100%
100%
100%
41
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Dans un troisième temps, il peut être intéressant d’analyser la part des différents domaines de
la gestion patrimoniale dans les responsabilités de chaque type d’acteur. De cette façon, il
semble que les acteurs politiques interviennent bien plus sur l’Asset Management que sur le
Facility, et dans une moindre mesure le Property Management. Concernant les acteurs
administratifs, la situation est plus contrastée. Si la gestion d’actifs immobiliers (39%) et
l’administration de biens (40%) représentent une part quasiment égale dans la responsabilité de
la direction générale, l’exploitation de parc (FM) semble beaucoup moins assurée par cet acteur
(20%). A l’opposé, la direction ou le service en charge du patrimoine des collectivités paraît se
voir confier de manière très importante des responsabilités d’exploitation de parc (40%), et un
peu moins les activités de Property Management (32%). En revanche, l’Asset management ne
représente qu’une faible part de l’activité de ces acteurs (28%). A côté de cela, les autres
directions supports (finances, RH, etc.) ont principalement des responsabilités dans la mise en
œuvre de l’administration de bien (PM). Les directions opérationnelles sont pour leur part
surtout impliquées dans l’exploitation de parc (42%) ainsi que dans le Property Management
(37%). Pour ce qui concerne les partenaires externes des collectivités, les utilisateurs et les
entreprises voient leur implication dans la gestion patrimoniale se traduire essentiellement dans
le Facility Management ; alors que les collectivités locales semblent utiliser de façon
quasiment égale le recours à d’autres institutions publiques dans les trois catégories d’activités
de la gestion immobilière.
Finalement, une caractéristique principale émerge de l’analyse de ces résultats, il s’agit du
nombre important d’acteurs concernés par la gestion patrimoniale dans les collectivités locales.
En effet, même si certains acteurs paraissent prendre plus d’importance que d’autres,
notamment eu égard à l’émergence au cours de ces dernières années de directions dédiées aux
problématiques immobilières, force est de constater que leurs prérogatives restent encore
restreintes. De surcroît, les organisations publiques semblent rencontrer des difficultés à
répartir les activités liées à la gestion patrimoniale. Cette analyse semble être expliquée par une
méconnaissance du périmètre, des fonctions et des sous-fonctions que recouvre la gestion du
patrimoine immobilier. C’est pourquoi, comme le montre la répartition des responsabilités
entre les acteurs, il est très fréquent de retrouver plusieurs services ou directions qui ont en
charge une partie des activités immobilières dans plusieurs points de l’organigramme d’une
organisation publique. Cette caractéristique est aussi marquée par le rôle fluctuant des
différents acteurs de l’organisation, en fonction de chaque domaine de la gestion immobilière.
En outre, le rôle des directions « métiers », utilisatrices de bâtiments en tant que supports de
leurs activités de service public, paraît plutôt mal défini dans de nombreuses institutions. Si ces
42
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
acteurs particuliers sont associés à la gestion du patrimoine, aucun champ de responsabilité
clair ne semble se dégager. Ces remarques sont également renforcées par l’analyse des flux
informationnels liés à la gestion patrimoniale. Ces derniers font état de l’éclatement des
responsabilités immobilières au sein des organisations, tout en faisant également naître de
nouveaux éléments de description ; qui font l’objet de la sous section suivante.
2.1.2 Une production et une utilisation des informations immobilières centrées aux
niveaux intermédiaires administratifs de l’organisation
En tant que fonction très transversale, la gestion patrimoniale implique une pléiade d’acteurs.
De ce fait, un grand nombre de compétences et de connaissances sont mobilisées dans des
domaines très variés, tels que la technique, les sciences juridiques, économiques, de gestion, ou
encore environnementales. Il en découle conséquemment des pertes d’informations
importantes, des doublons, un manque de communication et un travail très souvent cloisonné,
limitant la vision globale et l’efficacité. D’ailleurs, nous pouvons constater un éparpillement
des informations patrimoniales au sein du système organisationnel. Pratiquement tous les
acteurs de l’organisation sont concernés par ce type d’informations, qu’ils soient du niveau
politique global (Maire/Président), en lien direct (élu patrimoine) ou indirect (élus thématiques)
avec les ressources patrimoniales ; du niveau administratif central (direction générale), ou de
niveaux administratifs intermédiaires et opérationnels. Il semble que les acteurs de niveau
extérieur à l’organisation aient un rôle plus important à jouer dans le domaine du Facility
Management.
De plus, d’après la figure 27, les deux plus importants contributeurs et utilisateurs de
l’information propre à la gestion patrimoniale semblent être premièrement la direction
générale, qui représente une part de 22% dans l’utilisation des données liées à l’Asset
Management ; 21% pour les informations de gestion administrative, juridique, financière et
fiscale, et les opérations d’investissement ; et enfin 18% pour les informations liées au Facility
Management. D’autre part, la direction en charge du patrimoine apparaît elle aussi logiquement
comme un acteur principalement concerné par l’utilisation des données de gestion du
patrimoine ; 13% pour la gestion d’actifs immobiliers (AM), 17% dans l’administration de
biens (PM) et plus de 24% dans l’exploitation de parc (FM). Si le niveau politique semble pour
sa part jouer un rôle relativement marquant sur l’utilisation des informations d’Asset
Management, ce type d’acteur est beaucoup moins concerné par les informations liées aux
deux autres domaines de la gestion immobilière. Il faut toutefois noter que si des acteurs
principaux semblent se dégager dans la prise d’initiatives concernant les ressources
43
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
immobilières, leur influence reste faiblement marquée. En effet, il semble qu’elle soit le fruit
de l’action d’une multitude d’acteurs, aux influences variées.
Figure 27 : Utilisation de l’information patrimoniale au sein des organisations publiques
locales
Acteurs / activités immobilières
Maire, Président
Elu patrimoine
Autres élus en charge des activités
supports
Elus en charge des activités de politiques
publiques
Direction générale
Service, direction et agents directement en
charge du patrimoine
Autres services, direction supports
Services, directions opérationnelles
Entreprises
Autres collectivités, établissements publics
Utilisateurs
Total
Gestion
stratégique et
planification
immobilière (AM)
Gestion administrative,
juridique, financière et
fiscale et opérations
d’investissement (PM)
53,10%
19,83%
50,25%
7,58%
28,14%
9,30%
35,29%
8,93%
41,83%
41,44%
5,94%
26,82%
18,24%
16,94%
24,39%
21,60%
9,84%
44,00% 100%
34,40%
7,14%
5,56%
11,27%
33,33%
1,00%
33,33%
1,16%
29,81% 100%
50,93%
13,62%
0,17%
39,40% 100%
33,77%
19,25%
4,46%
25,43% 100%
36,86%
21,43%
5,12%
26,13% 100%
32,43%
37,71%
13,39%
22,88% 100%
7,17%
5,98%
21,82%
21,61% 100%
8,81%
10,63%
7,60%
16,37% 100%
30,53%
11,46%
16,53%
Gestion de l’usage,
de la maintenance,
total
de l’énergie et des
fluides (FM)
61,11% 100%
2,25%
38,10%
1,33%
20,69%
28,57% 100%
1,23%
24,14%
55,17% 100%
0,99%
1,16%
3,28%
100%
100%
100%
Finalement, bien que ne répondant à aucun modèle et s’adaptant à des situations diverses, le
système organisationnel de la gestion patrimoniale des collectivités locales paraît néanmoins
marqué par certaines caractéristiques récurrentes. A ce titre, nous avons mis en évidence la
faiblesse de sa structuration tout d’abord. Effectivement, il semble difficile pour les
collectivités d’identifier au sein de leur organisation, des responsabilités et des missions
clairement définies en terme de gestion du patrimoine immobilier. De même, les organisations
publiques paraissent globalement méconnaître les fonctions que recouvre la gestion
immobilière. Pourtant, au même titre que la gestion des ressources humaines ou la gestion
financière, la gestion des ressources patrimoniales doit répondre à une logique d’organisation
et de répartition de toutes les activités et tâches qu’elle recoupe. Ce manque d’identification et
de logique est particulièrement dommageable, et constitue la première entrave vers une
organisation efficace des équipes et des actions sur le patrimoine immobilier. Au demeurant,
44
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
nous avons relevé un éclatement conséquent des activités et des tâches entre une pluralité
d’individus, que ce soit des acteurs du niveau central de l’organisation, telle que la direction
générale, l’élu en charge du patrimoine ou le Maire/Président ; ou que ce soit des acteurs d’un
niveau plus localisé, comme les directions opérationnelles « métiers » ou les élus thématiques.
Enfin, nous avons tenté de mettre en exergue les logiques sous tendues au cœur des flux
d’informations liés au patrimoine. Ainsi, ces derniers paraissent essentiellement cantonnés aux
niveaux administratifs et opérationnels des organisations publiques. Même si le niveau
politique est davantage associé aux informations découlant du domaine de la gestion d’actifs
(AM), ces acteurs semblent néanmoins en carence d’informations et de données propres à la
gestion patrimoniale. De surcroît, il n’y a que peu de mise en cohérence globale dans les
processus informationnels et décisionnels de la gestion immobilière, et le rôle des acteurs au
centre de ces processus n’est pas forcément bien identifié.
Dans la perspective d’entrevoir les évolutions que les collectivités locales peuvent envisager
pour palier aux écueils que nous avons mis en évidence, nous leurs avons demandé de se
positionner sur des mesures de développement du système organisationnel de leur gestion
patrimoniale (Cf. figure 28). De cette manière, parmi six propositions renvoyant à des grandes
lignes directrices organisationnelles, les répondants devaient nous dire s’ils voyaient un intérêt
à adopter ces différentes suggestions dans leurs collectivités respectives. De la sorte, c’est la
proposition relative à davantage de centralisation au sein de l’organisation de la fonction
patrimoniale qui regroupe le plus d’avis favorables. Plus de 67% des collectivités locales
pensent qu’un renforcement du rôle de l’organisation centrale et/ou d’une direction/service en
charge du patrimoine serait adapté à une optimisation du fonctionnement de la gestion
patrimoniale de leur institution. De même, elles sont près de 64% à accueillir favorablement un
développement de la mutualisation de la gestion et des moyens pour la fonction patrimoniale.
A l’opposé, les institutions publiques locales paraissent largement opposées à des mesures
visant à accroître la décentralisation de la gestion du patrimoine. A ce titre, 84% d’entres elles
déclarent l’accroissement de l’autonomie des directions opérationnelles « métiers », sur les
bâtiments qui concernent leur activité, comme étant une proposition inadaptée à une
optimisation de l’organisation de la fonction patrimoine. De plus, ce sont également 84% des
répondants qui réservent un accueil défavorable à un transfert plus important de la gestion
administrative du patrimoine aux directions opérationnelles.
Parmi toutes les suggestions que les interrogés avaient à leur disposition, nous avons regroupé
la part que représente chacun de nos modes d’organisation dans l’ensemble des
transformations. Ainsi, au sein des développements à mettre en œuvre, les modes centralisés et
45
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
mutualisés représentent les deux propositions les plus influentes, alors que le mode externalisé,
avec un recours plus fréquent à des prestataires extérieurs, est celui qui est le moins envisagé
par les collectivités locales. Enfin, les trois modes décentralisés, avec des degrés de
décentralisation plus ou moins poussés (RONDINELLI, 1983), ne recueillent que peu
d’importance dans les évolutions organisationnelles de la gestion du patrimoine.
Figure 28 : Vers quelles évolutions du système organisationnel de la gestion du patrimoine ?
Au total, le système organisationnel de la gestion du patrimoine des collectivités se trouve
caractérisé par un manque d’homogénéité important, entre les domaines d’activités de la
gestion immobilière. Cependant, dans l’analyse que nous faisons des modes d’organisation, il
nous faut aussi étudier les relations entres les acteurs. De cette façon, le mode de
fonctionnement sera examiné, non plus sur un axe systémique global, mais sur une dimension
davantage processuelle. C’est pourquoi, dans la seconde section de cette partie 2, nous
tenterons de caractériser l’approche organisationnelle de la fonction patrimoniale.
46
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
2.2 Une approche organisationnelle instable de la fonction patrimoniale, entre modalités
organiques et mécanistes
Comme nous l’avons mentionné précédemment, cette dimension s’évalue à travers deux
occurrences : mécaniste et organique. Or toutes deux présentent des avantages et des
inconvénients. En tant qu’approche organique, l’organisation de la gestion patrimoniale se
trouve enfermée dans une structure non définie, avec des fonctionnements reposant sur des
relations informelles, et un processus de décision ajustable. Il paraît conséquemment évident
que des évolutions doivent intervenir, afin d’intégrer de la cohésion dans un système trop
flexible. Toutefois, une approche trop mécaniste n’est pas non plus à préconiser. Cette
dernière, impliquant une structure organisationnelle rigide avec pour seul but la recherche
d’efficacité/efficience, présente également des inconvénients majeurs. Cette forme d’approche
déconnecte notamment l’organisation des préoccupations et des besoins des parties prenantes
secondaires, dans notre cas, des utilisateurs/occupants des infrastructures. Un fonctionnement
trop rigide entraîne aussi des pertes importantes de qualité et de délais dans les actions
engagées par la fonction patrimoniale. En conséquence, il nous semble opportun d’envisager
un juste milieu entre des processus mécanistes et organiques, vers une approche proportionnée
et équilibrée de l’organisation.
La seconde phase de notre diagnostic s’attache de cette manière à mettre en évidence les
spécificités de l’approche organisationnelle de la gestion patrimoniale publique locale. Dans
cet objectif, nous commencerons par décrire les modes de coordination qui peuvent exister
entre les acteurs de la gestion patrimoniale d’une organisation publique (2.1.1). Nous verrons
alors que la coordination du travail et des missions propres à chacun est considérablement
complexifiée, dans un domaine où de multiples considérations sont en jeu. Puis, dans un
second temps, il sera question de l’adaptation des processus informationnels et décisionnels
aux enjeux de la gestion des ressources patrimoniales (2.2.2). En la matière, les collectivités
locales paraissent en effet peu satisfaites de leur propre fonctionnement.
2.2.1 Des modes de coordination divergents dans l’approche de la fonction patrimoine
La gestion patrimoniale des collectivités locales se traduit dans l’ensemble, par des modes de
coordination variables. C’est aussi le cas si l’on observe les cas spécifiques des différents
domaines de la gestion immobilière. Si d’après la figure 29, le Property et le Facility
Management sont en majorité concernés par un fonctionnement avec une structure hiérarchique
47
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
rigide, sous la forme d’un service ou d’une direction, c’est moins le cas pour l’Asset
Management, pour lequel les collectivités s’organisent en mode projet dans 47% des cas.
Figure 29 : Une structure mécaniste ou organique des activités de gestion du patrimoine ?
Même si tous les domaines d’activités de la gestion patrimoniale s’intègrent plutôt dans un
fonctionnement hiérarchique, que l’on peut inscrire dans d’une approche mécaniste, la gestion
d’actifs immobiliers semble se démarquer quelque peu des autres domaines. C’est
effectivement, la catégorie la plus sujette à un fonctionnement hiérarchique classique,
s’inscrivant alors davantage dans une approche organique.
De plus, la communication au sein des différentes activités de la gestion patrimoniale doit
également être évaluée (Cf. figure 30). Cette dernière peut relever de relations formelles, ou à
l’inverse de relations informelles entre les acteurs. Il semble alors qu’il y ait une différence
importante entre le Property Management d’une part, et l’Asset et le Facility Management
d’autre part. Effectivement, 65% des organisations publiques déclarent que la communication
pour les activités relevant de l’administration de biens (PM) sont plutôt régies par des relations
formelles, donc mécanistes. Tandis que 58% et 57% des institutions déclarent que la gestion
d’actifs immobiliers (AM) et l’exploitation de parc (FM) font l’objet d’une communication
globalement informelle.
48
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 30 : Le type de communication prédominant au sein des groupes d’activités de la
gestion du patrimoine ?
Comme toutes les autres fonctions, la gestion patrimoniale fait l’objet de procédés et de règles
qui régissent le fonctionnement de cette activité. Ces procédés peuvent alors être inscrits dans
une approche mécaniste, lorsqu’ils sont traduits par des règles contraignantes et immuables
(des procédures), ou bien ils peuvent s’ancrer dans une approche organique, en s’exprimant au
travers de règles plutôt souples et ajustables pour les différents agents œuvrant sur le
patrimoine. Dès lors, nous avons encore une fois pu dégager des caractéristiques différentes
entre l’Asset et le Facility Management d’une part, et le Property Management d’autre part.
Ainsi, d’après la figure 31, les opérations administratives et juridiques liées à la propriété, à la
location et à la maîtrise d’ouvrage des constructions ou des gros travaux, ou encore les activités
liées à la fourniture à l’utilisateur d’un bâtiment viable du point de vue technique et
règlementaire (PM), semblent plutôt être régies par des règles contraignantes et immuables
(des procédures) en référence à une approche mécaniste, pour plus de 53% des collectivités
locales. A l’inverse, la gestion stratégique et financière des actifs immobiliers (AM) correspond
à des procédés organiques, fonctionnant avec des règles plutôt souples et ajustables dans 80%
des collectivités ; et pour 75% des institutions, ce mode de fonctionnement parait orienter les
activités d’allocation des ressources immobilières et la garantie de l’adéquation entre les
conditions patrimoniales et les activités qui s’y déroulent (FM).
49
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 31 : Le type de procédés régissant chacune des trois sous-fonctions de la gestion du
patrimoine
Enfin, nous avons observé à travers la figure 32 la répartition du travail lié à la gestion
patrimoniale au sein des différents domaines d’activités constitutifs de cette fonction. Pour ce
faire, nous avons encore une fois fait la distinction entre une répartition du travail par la
réalisation de missions ou d’opérations par les agents, dans une approche mécaniste, ou bien
par la mise en œuvre de contrats d’objectifs au sein des services de la collectivité,
correspondant à une approche organique. Or dans ce cadre, nos résultats font état de statut quo
entre les différentes sous-fonctions de la gestion du immobilière. Ainsi, toutes trois s’inscrivent
plutôt dans une réalisation du travail par des missions et des opérations dévolues aux agents en
charge du patrimoine. Ce sont 87% des collectivités qui s’inscrivent dans ce cas de figure pour
le Property Management, près de 83% pour l’Asset Management, et 72% pour le Facility
Management. De surcroît, l’importante mise en tension des ressources immobilières, associée à
l’éparpillement des actions des services en charge de la gestion du patrimoine, empêche bien
souvent la définition d’objectifs et de missions claires pour les agents de la fonction
patrimoniale. D’ailleurs, il n’existe que rarement dans les collectivités locales une stratégie
immobilière d’ensemble. Les services ne bénéficient conséquemment pas de traduction des
orientations politiques et stratégiques patrimoniales en objectifs opérationnels clairs.
50
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 32 : Modalités de réalisation du travail au sein des activités de la fonction patrimoniale
Globalement, la gestion patrimoniale des collectivités locales peut s’apprécier en fonction des
modes de coordination, traduisant l’approche de la fonction immobilière par l’organisation.
Dans notre cas d’étude, nous avons tenté de distinguer deux grands types d’approches
organisationnelles : une plutôt mécaniste, induisant une structure organisationnelle rigide, avec
pour seul but la recherche d’efficacité technique et économique, comportant des procédures
formalisées, et une structure hiérarchique dominante ; et une approche plutôt organique, se
matérialisant par plus de flexibilité, une structure avec des ajustements possibles, une prise en
compte importante des besoins et des motivations des agents, ainsi que des décisions et
informations davantage horizontales et des procédures plus souples. Suite à l’analyse des
réponses que nous avons collectées, il semble que l’on puisse différencier la sous-fonction de
l’administration de biens (PM), qui se traduit en large majorité par une approche mécaniste, des
deux autres, gestion d’actifs (AM) et exploitation de parc (FM), qui induisent une approche
marquée par un fonctionnement organique. Cette différence paraît trouver une explication dans
la nature même des activités à réaliser par les services des collectivités locales. En effet, le
domaine du Property Management recouvre une fonction traditionnellement assurée par les
institutions. Il s’agit globalement des obligations du propriétaire qui incombent à la collectivité.
En revanche, il semble que l’Asset Management représente un panel d’activités « nouvelles »
que le secteur public ne met pas en œuvre traditionnellement. Ainsi ces objectifs et activités
sont moins structurés, voire pas forcément identifiés au sein des organisations. Les tâches qui
en découlent sont en conséquence marquées par des modes de coordination souples et variables
en fonction des projets notamment. Pour ce qui est du Facility Management, même si cette
51
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
sous-fonction est habituellement identifiée et mise en œuvre par les institutions publiques, elle
paraît également faire preuve d’une grande diversité de traitement selon les situations, ainsi que
d’un éparpillement important des responsabilités au sein des organisations. C’est
principalement dans ce domaine particulier de la gestion immobilière que l’on relève
l’implication la plus importante du niveau extérieur (entreprises, autres collectivités,
utilisateurs du patrimoine) des organisations publiques (Cf. 2.1.1). Ces éléments font donc état
de la grande diversité des acteurs impliqués dans cette sous-fonction de la gestion immobilière.
Tout ceci explique alors en grande partie la situation de l’exploitation de parc (FM) dans les
collectivités locales, qui fait l’objet d’une approche organique, pratiquement au même titre que
l’Asset Management, mais pour des raisons à priori différentes.
A côté de cette première dimension d’analyse de l’approche organisationnelle de la fonction
patrimoniale, selon la répartition du travail au sein de l’organisation, et les modes de
coordination entres agents, il convient également d’étudier de manière approfondie les
processus informationnels et décisionnels au cœur du fonctionnement et des relations entre les
acteurs.
2.2.2 Des processus informationnels et décisionnels liés au patrimoine peu maîtrisés
Dans notre modèle d’analyse des modes d’organisation appliqués à la gestion patrimoniale
publique locale, une deuxième variable tend à influencer directement l’approche
organisationnelle. Effectivement, outre les modes de coordination entre acteurs, les modalités
des processus informationnels et décisionnels sont également révélatrices des modes de
fonctionnement de la gestion du patrimoine. C’est pourquoi, nous avons cherché à déterminer
l’adaptation des informations et des décisions en matière de gestion du patrimoine immobilier.
Nous avons déjà observé dans nos précédents résultats l’éparpillement des informations liées à
l’immobilier, ainsi que l’éclatement de la prise de décision patrimoniale. Ces caractéristiques,
découlant de l’intervention de multiples acteurs sur les problématiques immobilières,
entraînent une approche organisationnelle de la fonction patrimoniale qui se trouve face à une
difficulté importante d’organisation et de création de lien entre les domaines immobiliers.
Ainsi la mise en cohérence des activités et des actions patrimoniales dans le temps et dans
l’espace constitue le principal défi des organisations publiques. Or, une majorité d’institutions
(51%) déclarent que les informations et décisions ne sont plutôt pas adaptées à l’Asset
Management. Ces dernières conviennent en revanche mieux aux domaines du Property et du
Facility Management pour 77% et 58% des collectivités interrogées (Cf. figure 33).
52
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 33 : Adéquation des informations et des décisions dans les différents groupes
d’activités de gestion patrimoniale
De plus, même si les modalités informationnelles et décisionnelles de la gestion du patrimoine
semblent adaptées dans deux des trois domaines de la gestion immobilière, les organisations
publiques ne sont pas pour autant satisfaites des flux d’informations et de la prise de décision
concernant le patrimoine immobilier. D’après la figure 34, il semble effectivement que, de
manière globale, les informations et décisions immobilières nécessitent largement d’être
développées, afin d’engendrer un fonctionnement optimal de la fonction patrimoniale publique
locale, aussi bien dans le domaine de la gestion d’actifs immobilier (AM), que dans
l’administration de biens (PM) et l’exploitation de parc (FM). Dans ce sens, les répondants à
notre enquête se sont positionnés en très grande partie pour un développement nécessaire ou
indispensable des informations et des décisions dans les trois sous-fonctions de la gestion
patrimoniale. Il faut toutefois noter que l’Asset Management se démarque quelque peu des
autres domaines, en étant la catégorie pour laquelle nous avons le taux le plus important de
réponses concernant un développement inopportun ou facultatif des flux informationnels et
décisionnels.
53
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 34 : Importance de l’évolution des informations et des décisions en matière de gestion
du patrimoine
Ces dernières analyses montrent bien la difficulté que rencontrent les collectivités pour
parvenir à maîtriser leurs informations patrimoniales, afin d’alimenter et d’orienter les prises
de décisions immobilières. Parmi toutes les fonctions supports d’une organisation, de part la
diversité des acteurs impliqués dans les problématiques immobilières, la fonction patrimoniale
est sans doute celle qui doit le plus faire preuve d’organisation et de création de lien entre les
différentes missions et objectifs de gestion, parfois contradictoires. Les relations entre les
acteurs de compétences et de sensibilités différentes ne sont pas toujours naturelles. De la sorte,
en complément de la répartition des responsabilités et des missions patrimoniales, la
collectivité doit aussi élaborer une approche organisationnelle en cohérence avec la structure
du système.
Par ailleurs, dans un objectif prescriptif, notre questionnaire avait vocation à interroger les
collectivités sur les mesures à mettre en œuvre dans le but d’améliorer l’approche
organisationnelle de la gestion du patrimoine. Pour ce faire, comme le résume la figure 35,
nous avons demandé aux institutions de se positionner en fonction de neuf propositions,
correspondant chacune à une approche mécaniste ou organique. Ainsi, deux propositions se
démarquent ; « le déploiement d’une culture d’objectifs » et « un meilleur cadrage des
missions et des opérations à réaliser » arrivent en tête des mesures à mettre en œuvre pour
développer l’approche organisationnelle de la gestion patrimoniale. Ces deux propositions
représentent chacune un poids de 17% parmi les transformations à envisager. Arrive ensuite la
54
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
mesure liée à un développement du mode projet ; qui représente une part de 16% dans les
évolutions proposées. Ces trois mesures se démarquent donc légèrement ; tandis que deux
affirmations semblent un peu moins être plébiscitées par les collectivités locales. Il s’agit de
« l’accroissement de la flexibilité des procédures », et de « plus de souplesse dans les relations
entre acteurs de la gestion patrimoniale », qui constituent respectivement une part de 5% et de
6% dans les transformations à mener en matière de gestion du patrimoine.
Figure 35 : Vers quelles évolutions de l’approche organisationnelle de la fonction
patrimoniale ?
Dans une dernière sous partie, nous proposons encore une fois, de recentrer notre analyse de
l’organisation de la fonction patrimoine, sur la détermination des relations entre les
caractéristiques organisationnelles et les variables indépendantes. De cette manière, le
positionnement des collectivités locales sera étudié avec davantage de précision.
2.3 Des modes d’organisation liés aux types de collectivités locales et à la dimension du
parc immobilier
Comme dans la première partie de ce rapport, nous proposons de dresser une caractérisation
des modes d’organisation lié au patrimoine en fonction des variables indépendantes propres
55
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
aux collectivités interrogées : nature des collectivités locales et nombre de m2 de bâti à gérer.
Par l’intermédiaire d’analyses bivariées, nous étudions la relation entre nos variables
indépendantes, les niveaux de collectivités ou la dimension de leur parc patrimonial, et nos
variables dépendantes, les caractéristiques de l’organisation de la fonction patrimoniale.
Pour ce faire, nous identifierons d’abord les spécificités du système (2.3.1). Ensuite, nous
tenterons de faire émerger l’influence de nos deux variables indépendantes sur l’approche
organisationnelles de la gestion du patrimoine (2.3.2).
2.3.1 Une relation nuancée entre le système organisationnel, et les types de collectivités
locales
Premièrement, nous avons tenté de mettre en exergue l’influence probable du type
d’institutions publiques sur les grands modes d’organisation de la fonction patrimoniale que
nous avions dégagés (Cf 2.1.1). De cette manière, le test du Khi-deux nous permet de faire
émerger un seul lien significatif. Il nous ait conséquemment possible de caractériser le mode
d’organisation dévolué en fonction du niveau de l’organisation publique (Cf. figure 36). Les
Régions semblent alors beaucoup plus utiliser ce mode d’organisation, reposant sur des
directions opérationnelles « métiers » responsables et autonomes sur leur périmètre de
patrimoine, que toutes les autres collectivités locales. Elles sont 100% à déclarer être d’accord
ou tout à fait d’accord avec la présence de ce mode d’organisation dans leur système ; contre
seulement 46% des Communes, 39% des intercommunalités et 41% des Départements qui
semblent donner des pouvoirs larges aux directions « métiers » en terme de gestion de
patrimoine.
Figure 36 : Mode d’organisation dévolué et types de collectivités locales
56
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Deuxièmement, la relation entre les modes d’organisation de la gestion du patrimoine et le
dimensionnement du parc patrimonial doit aussi être approfondie. Comme précédemment, le
test du Khi-deux ne fait émerger qu’une seule relation significative du point de vue de notre
enquête ; elle concerne le nombre de m2 de bâti et le mode d’organisation délégué de la
fonction patrimoniale. De ce point de vue, les collectivités qui disposent d’un parc immobilier
important en terme de superficie paraissent davantage utiliser ce mode d’organisation que les
institutions ayant un parc patrimonial inférieur à 100.000 m2, ou compris entre 100.000 et
500.000 m2 (Cf. figure 37). Dans 52% et 62% des cas, ces dernières ne sont effectivement pas
d’accord avec l’affirmation de la présence d’une organisation reposant sur des directions
opérationnelles exécutant les directives immobilières.
D’ailleurs, plus de 18% des institutions possédant un parc immobilier d’une superficie
relativement faible ne sont même pas du tout d’accord pour affirmer que ce mode
d’organisation existe au sein de leur institution. Pour les collectivités ayant un parc de plus de
500.000 m2, les modalités d’un mode d’organisation délégué de la gestion patrimoniale
semblent bien plus fréquemment mises en œuvre. 53% d’entre elles identifient ce mode de
fonctionnement au sein de leur fonction patrimoine.
Figure 37 : Mode d’organisation délégué et types de collectivités locales
57
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
2.3.2 L’influence des variables indépendantes sur l’approche organisationnelle de la
gestion du patrimoine
Pour déterminer l’influence des niveaux de collectivités locales et de la superficie du bâti à
gérer sur l’approche organisationnelle de la gestion patrimoniale, nous avons distingué le
fonctionnement en terme d’Asset, de Property et de Facility Management. Statistiquement, il
nous ait ainsi d’abord possible de dégager une relation entre la gestion administrative,
juridique, financière, fiscale, les opérations d’investissements (PM), et le type de collectivité.
De cette manière, l’approche organisationnelle de la fonction patrimoniale semble en majorité
régie par des relations informelles dans les intercommunalités (Cf. figure 38). En revanche,
dans 60% des Régions, 65% des Communes et 89% des Départements, la communication au
sein du Property Management se fait plutôt de façon formelle, dans le respect de procédés.
Cette situation paraît plutôt logique pour une activité qui relève des obligations du propriétaire
et qui est traditionnellement assurée par les collectivités. En outre, la spécificité des
intercommunalités peut provenir de la faible ancienneté de ce type d’institution.
Figure 38 : Type de communication au sein de la sous fonction Property Management et
natures des collectivités locales
De même, il est statistiquement possible d’étudier la relation entre le type de communication
au sein des activités de Facility Management et la nature des institutions publiques. Dans ce
sens, la figure 39 démontre une légère différence entre les Départements et les Régions d’une
part, plutôt concernés par des relations formelles entre les acteurs sur les tâches relevant de
l’exploitation de parc ; et d’autre part les Communes et les intercommunalités qui connaissent
en majorité une communication plutôt informelle au sujet de la gestion de l’usage, de la
maintenance, de l’énergie et des fluides.
58
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Figure 39 : Type de communication au sein de la sous fonction Facility Management et
natures des collectivités locales
Ensuite, une relation significative apparaît entre le type de communication prédominant au sein
de la sous-fonction Property Management, et la dimension du parc patrimonial. De cette
manière, plus les collectivités locales ont une superficie importante de bâtiments à gérer, plus
la communication liée aux activités de gestion administrative, juridique, financière et fiscale, et
aux opérations de gros travaux semble répondre à des modalités formelles, donc mécanistes.
Effectivement, d’après la figure 40, 49% des institutions possédant moins de 100.000 m2 de
bâti connaissent une communication reposant plutôt sur des relations informelles (organique)
pour les activités précédemment citées. Tandis qu’elles sont 22% et 16% à être dans ce cas de
figure lorsque le parc immobilier est compris d’une superficie plus importante.
Figure 40 : Type de communication au sein du Property Management et superficie
patrimoniale
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
Enfin, nous avons relevé les relations entre les superficies de bâtiments à gérer et les procédés
régissant l’Administration de biens (PM) et l’exploitation de parc (FM). De cette façon, nous
observons une même relation, remarquable dans les figures 41 et 42. Au fur et à mesure que la
dimension du parc immobilier augmente, les collectivités locales paraissent davantage
fonctionner avec des relations contraignantes et immuables (des procédures). C’est donc le cas
en matière de Property Management, où 41% des institutions qui ont moins de 100.000 m2 à
gérer connaissent des procédés mécanistes, alors qu’elles sont 70% dans ce cas de figure
lorsqu’elles ont plus de 500.000 m2 de bâti. Dans le même sens, en matière de Facility
Management, les collectivités possédant une faible superficie de bâtiments sont 18% à
fonctionner avec des relations contraignantes et immuables, tandis qu’elles sont 38% à être
dans cette situation quand elles doivent gérer un parc patrimonial de grande superficie.
Figure 41 : Types de procédés régissant le Property Management et superficie patrimoniale
Figure 42 : Types de procédés régissant le Facility Management et dimension du parc
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
***
En définitive, l’approche organisationnelle de la gestion patrimoniale publique locale paraît
marquée par des modalités plutôt organiques pour la gestion d’actifs immobiliers (AM), et dans
une moindre mesure pour l’exploitation de parc (FM). Par contre, l’administration de biens
(PM) se matérialise bien plus par des modalités mécanistes. En outre, l’approche
organisationnelle d’ensemble de la fonction patrimoine ne semble pas permettre de répondre
aux enjeux immobiliers actuels. Dans ce cadre, les modes de coordination (tâches, règles et
procédés) et les processus informationnels et décisionnels ne se révèlent pas à la hauteur des
missions d’une gestion patrimoniale totalement maîtrisée. De part son positionnement, son
éclatement au sein des organisations, ainsi que l’absence récurrente de cohérence entre les
différentes actions, la gestion du patrimoine immobilier n’a bien souvent pas les moyens de se
positionner en tant que fonction support des activités « métiers » et du service public local ; au
même titre que les ressources humaines, financières ou informationnelles.
Par ailleurs, nous dressons dans cette seconde partie une caractérisation des modes
d’organisation lié au patrimoine en fonction des variables indépendantes propres aux
collectivités interrogées : nature des collectivités locales et nombre de m2 de bâti à gérer.
Ainsi, une relation se dessine tout d’abord entre le système organisationnel et les spécificités
des collectivités. Dans ce sens, un mode d’organisation dévolué de la fonction patrimoine
paraît largement mis en œuvre au sein des Régions, alors que les autres collectivités locales
sont beaucoup plus nuancées dans son application. A côté de cela, le mode d’organisation
délégué est plus mis en œuvre dans des collectivités qui ont une superficie de bâtiments à gérer
importante.
Enfin, nous avons fait émergé l’influence de ces deux variables indépendantes sur l’approche
organisationnelle de la gestion du patrimoine. De cette façon, nos analyses démontrent que le
domaine du Property Management est compris dans une approche plutôt mécaniste pour les
Régions, les Départements et les Communes, et à l’inverse, dans une approche organique pour
les intercommunalités. Dans le domaine du Facility Management, les Communes font plutôt
preuve d’une approche organique, tout comme les EPCI, alors que les Régions et les
Département sont encore une fois dans une démarche mécaniste. Au demeurant, toutes les
activités de la gestion patrimoniale (Asset, Property et Facility Management) paraissent
davantage être mises en œuvre dans une approche mécaniste au fur et à mesure que la
superficie patrimoniale croît.
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Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
CONCLUSION – DES PERSPECTIVES D’EVOLUTIONS AUTOUR DE
PROBLEMATIQUES INSTRUMENTALES ET ORGANISATIONNELLES
Ce rapport a pour objectif de reprendre les principaux résultats de l’enquête menée auprès de
192
collectivités
locales
françaises,
Communes,
Etablissements
de
Coopération
Intercommunale, Départements, et Régions, au cours du printemps/été 2012. Il s’appuie sur
une analyse des statistiques descriptives des réponses obtenues à un questionnaire, portant sur
les outils de pilotage et de gestion du patrimoine immobilier, ainsi que sur les modes
d’organisation déployés par les institutions publiques pour gérer leurs ressources immobilières.
Les traitements statistiques que nous avons effectués nous permettent d’abord de penser que,
de manière générale, les outils destinés à la gestion patrimoniale ne sont que peu développés au
sein du secteur public. De ce point de vue, les collectivités locales font généralement état d’un
manque évident d’instruments et d’indicateurs de gestion à tous les niveaux de l’organisation.
Parallèlement à cette carence globale en outils dédiés au patrimoine, les instruments existants
et mis en œuvre par les institutions restent souvent cantonnés dans une logique temporelle
annuelle de gestion, ces derniers n’abordant que peu les dimensions temporelles de long terme
et de court terme. De la sorte, la vision pluriannuelle sur les ressources patrimoniales n’est que
très peu développée, et les outils infra-annuels liés au patrimoine font également plutôt défaut.
Ces pratiques semblent obliger les acteurs publics à prendre des décisions au cas par cas, en se
basant sur des informations non consolidées qui, pour la plupart du temps, ne sont pas le
produit de l’instrumentation de gestion.
Par ailleurs, les différentes actions et décisions découlant de l’utilisation des outils semblent
relever des niveaux administratifs et opérationnels des institutions publiques. Ainsi, les niveaux
politiques paraissent plutôt mis à l’écart de l’instrumentation de gestion du patrimoine
immobilier. De ce fait, la position des élus et la prise de décision politique sur le patrimoine
s’apparente couramment à une série de mesures cloisonnées, sans cohérence d’ensemble, et
sans mise en perspective des différentes problématiques.
En outre, par l’intermédiaire de la typologie anglo-saxonne du Corporate Real Estate
Management, nous nous sommes appuyés sur trois catégories, regroupant un large panel des
activités directement liées à la gestion patrimoniale. Nous avons alors pu déterminer la
couverture de chacune de ces sous-fonctions de la gestion patrimoniale, par les outils existants.
Si le Property Management et le Facility Management regroupent des activités qui sont plutôt
bien prises en charge par les outils de gestion et de pilotage utilisés dans le secteur public local,
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
il n’en est pas de même pour l’Asset Management. En effet, sur cette dernière catégorie, les
collectivités semblent considérablement démunies en instruments de gestion et de pilotage.
Pour terminer notre analyse sur les outils, nous avons effectué des comparaisons sur les
spécificités de ces derniers en fonction des caractéristiques des collectivités. Premièrement, la
temporalité des outils de la gestion patrimoniale paraît en partie influencée par le type de
collectivité locale ainsi que la dimension du parc immobilier. Dans ce sens, si le niveau
intercommunal semble largement sous doté en instruments de gestion, les autres types de
collectivités sont globalement dans une situation similaire. Par ailleurs, plus le parc patrimonial
s’agrandit, en terme de superficie à gérer, plus la présence d’outils de gestion de court terme et
de long terme est avérée. Il semble deuxièmement que la nature des collectivités locales et la
superficie de bâtiments aient une certaine influence sur les finalités immobilières couvertes par
les outils. A ce titre, l’activité de planification immobilière, constitutive de l’Asset
Management, se révèle plus prise en charge dans les Départements que dans les autres niveaux
d’institutions. Enfin, la gestion d’actifs immobiliers (AM) est davantage assurée par les outils
de gestion et de pilotage au fur et à mesure que la superficie du parc patrimonial augmente.
Cette relation est inversée concernant la mise en œuvre du suivi des opérations
d’investissements et gros travaux (Property Management), qui est plus importante lorsque la
superficie de patrimoine est faible.
En matière d’organisation liée à la fonction patrimoniale des collectivités, nous avons procédé
en deux étapes pour effectuer notre analyse. Nous avons premièrement pu observer les
particularités du système organisationnel sous tendant cette fonction. Ainsi, les responsabilités
et les missions liées au patrimoine immobilier paraissent considérablement éparpillées au sein
des organisations. De ce fait, c’est un grand nombre d’acteurs, répartis dans plusieurs
directions, qui sont directement concernés par les questions de gestion patrimoniale. Ils ont
tous un rôle particulier à jouer envers les ressources immobilières, et possèdent même parfois
des intérêts discordants. Nous avons ainsi pu mettre en exergue le fait que le secteur public
local rencontre d’importantes difficultés dans la mise en évidence et la réalisation de toutes les
sous-fonctions relevant de la gestion patrimoniale. Dès lors, les collectivités locales ne
parviennent que très peu à maîtriser le rôle de tous les acteurs associés au patrimoine, et se
retrouvent avec une fonction patrimoniale ne répondant à aucune logique dans son système
organisationnel.
Dans un deuxième temps, notre étude s’est orientée vers la description de l’approche
organisationnelle de la gestion patrimoniale. Dans cette voie, les résultats de notre enquête font
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QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
apparaître des différences importantes entre les domaines de la gestion immobilière. Ainsi, les
activités relevant du Property Management apparaissent essentiellement régies par une
approche mécaniste de cette sous-fonction, tandis que l’Asset et le Facility Management sont
plutôt concernés par une approche organique, caractérisée par une plus grande souplesse de
fonctionnement (peu de procédures, peu de règles, des relations informelles entre les acteurs,
etc.). De surcroît, nous avons observé une très faible maîtrise de la part des institutions
publiques concernant leurs processus informationnels et décisionnels en matière de patrimoine
immobilier.
En outre, nous proposons une caractérisation des modes d’organisation lié au patrimoine en
fonction des variables indépendantes propres aux répondants : nature des collectivités locales et
nombre de m2 de bâti à gérer. Dans ce sens, il existe d’abord une relation entre le système
organisationnel et les spécificités des collectivités. Ainsi, le mode d’organisation dévolué de la
fonction patrimoine est largement mis en œuvre au sein des Régions, alors que les autres
collectivités locales paraissent beaucoup plus nuancées dans son application. A côté de cela, le
mode d’organisation délégué est plus mis en œuvre dans des collectivités locales qui ont une
superficie importante de bâtiments à gérer. Nous avons également fait émergé l’influence des
deux variables indépendantes sur l’approche organisationnelle de la gestion du patrimoine. Nos
analyses démontrent alors que le domaine du Property Management est compris dans une
approche plutôt mécaniste pour les Régions, les Départements et les Communes, et à l’inverse,
dans une approche organique pour les intercommunalités. Dans le domaine du Facility
Management, les Communes font plutôt preuve d’une approche organique, tout comme les
EPCI, alors que les Régions et les Département sont encore une fois dans une démarche
mécaniste. Au demeurant, toutes les activités de la gestion patrimoniale (Asset, Property et
Facility Management) paraissent davantage être mises en œuvre dans une approche mécaniste
au fur et à mesure que la superficie patrimoniale croît.
A partir de cet état des lieux, il est possible d’entrevoir des évolutions à apporter à la fonction
patrimoniale des collectivités locales. Si, en terme d’instruments de gestion il est envisageable
d’opérer des transformations globales, ce n’est pas forcément le cas au sujet des modalités
organisationnelles. A ce titre, il faut rappeler qu’il serait illusoire, ou infondé, de penser qu’il
se dégage un modèle universel d’organisation de la fonction patrimoniale publique locale.
C’est pourquoi, il paraît plus réaliste et opportun de considérer que pour chaque collectivité, ou
type de collectivité, il existe un modèle adapté, tiré d’une introspection organisationnelle au
regard non seulement de son positionnement actuel dans notre cadre d’analyse, mais aussi de
celui envisagé ou souhaitable compte tenu des spécificités clés de l’institution ; c’est à dire sa
64
QUEYROI Y. et CARASSUS D. (2013)
Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
taille, sa stratégie ou son environnement.
Les analyses des résultats présentées ici nous permettent de dessiner un panorama des pratiques
des collectivités locales en matière de gestion du patrimoine immobilier. Par le biais de
statistiques descriptives, il nous a été possible de déterminer un certain nombre de
caractéristiques dominantes dans la gestion patrimoniale. Ces dernières restent néanmoins
globales, et méritent des études statistiques plus poussées, combinées à une méthodologie
qualitative complémentaire, nous permettant d’étudier les pratiques des collectivités avec
davantage de précision.
D’ores et déjà, cette étude permet de mettre en évidence des grandes tendances, certes
partielles, mais d’une certaine ampleur, permettant d’apprécier le fonctionnement actuel de la
gestion patrimoniale, tant au niveau des outils de gestion et de pilotage déployés, qu’au niveau
des modes d’organisation mis en place par les institutions publiques. Cette étape constitue un
préalable essentiel dans un questionnement plus prescriptif, sur les évolutions futures de la
gestion patrimoniale publique locale.
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Analyse empirique de la gestion patrimoniale publique locale
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