Brochure « Artisans et Artisanes de demain »
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Brochure « Artisans et Artisanes de demain »
ARTISANS ET ARTISANES DE DEMAIN ARTISANAT 1/2014 ÉDITION SPÉCIALE SWISSSKILLS BERNE 2014 TABLE DES MATIÈRES 2 Artisanat 1/2014 IMPRESSUM IMPRESSUM 2 ÉDITORIAL 3 MIRIAM 4 Artisane du bois CFC, orientation tournage sur bois CHRISTIAN Artisan du bois CFC, orientation boissellerie 6 JO ELIO Tonnelier CFC 8 CLAUDIA Vannière créatrice CFC 10 PRISKA Sculptrice sur bois CFC 12 MARIELuthière 14 JACOB Facteur d’instruments de musique CFC, orientation facture de pianos 16 Copyright : Union suisse des arts et métiers usam KILIAN Facteur d’instruments de musique CFC, orientation réparation d’instruments à vent 18 Direction du projet : Christine Davatz et Daniela Christen PAVEL Facteur d’instruments de musique CFC, orientation facture d’orgues 20 Édition : Daniela Christen et Adrian Knüsel PHILIPP Sculpteur sur pierre CFC 22 Textes : Marianne Grossenbacher, Patrick Lucca et Corinne Remund CÉLIA Créatrice de tissu CFC 24 Photographies : André Albrecht, www.fotografie-albrecht.ch JANINE Créatrice de vêtements CFC, domaine spécifique vêtements en fourrure 26 ERICK Artisan du cuir et du textile CFC, orientation maroquinerie 28 MAURO Artisan du cuir et du textile CFC, orientation véhicules et technique 30 Impression : Paul Büetiger AG (Biberist) REBECCA Artisane du cuir et du textile CFC, orientation sport équestre 32 Traduction : Jean-François Cuennet et Nadine Cuennet Perbellini RETO Maréchal-ferrant CFC 34 JOSHUA Bijoutier CFC 36 LAURA Graveuse CFC 38 GILLES Armurier CFC 40 JANA Technologue en textile CFC, orientation production et technologie des câbles 42 CEDRIC Mécatronicien de remontées mécaniques CFC 44 Éditeurs : Union suisse des arts et métiers usam CH-3001 Berne Centre de cours Ballenberg CH-3858 Hofstetten Graphisme : Margret Omlin (Stans) Mise en page : Thomas Küng (Lucerne) Relecture : Jean-François Cuennet Une force sur qui compter. Nous sommes le partenaire du Centre de cours Ballenberg. Avec le même amour pour l’artisanat et la qualité. Photo: Nina Mann, Zürich sonnes qui les exercent. En lisant avec L’ARTISANAT EST PROMIS À UN BEL AVENIR l’artisanat et le façonnent, avec le soutien de leurs formateurs expérimentés. L’entrepreneur que je suis a de quoi se attention cette publication, et en prenant C’est non sans fierté que nous vous Nous tenons à remercier tous ceux et réjouir : 2014 est en effet l’année de la for- connaissance de ces vingt et une histoires présentons le premier numéro en français celles qui ont apporté leur pierre à cette mation professionnelle, et tout laisse croire fascinantes, qui sortent parfois de l’ordi- de notre revue « Artisanat », fruit d’une publication : Marianne Grossenbacher, que cette échéance apportera bien plus naire, le lecteur sera amené à remettre en collaboration intense mise sur rail par Patrick Lucca et Corinne Remund pour que de belles phrases et des tournées de question ce qu’il croyait savoir du système plusieurs acteurs. Ce numéro est consa- les textes, André Albrecht pour les magni- poignées de main. Les SwissSkills Berne de formation duale, mais aussi de l’ arti- cré aux métiers à faibles effectifs, dont il fiques photos, Thomas Küng pour la mise 2014, les premiers championnats suisses sanat traditionnel, et de leur importance était clair, dès les premiers préparatifs des en page, ainsi que Christine Davatz de des métiers, qui auront lieu en septembre, sociale, économique et culturelle. SwissSkills Berne 2014, qu’ils auraient l’usam et Daniela Christen qui ont dirigé ce eux aussi voix au chapitre, avec un espace projet de documentation. Nous exprimons consacré à leurs démonstrations. aussi notre gratitude aux apprenti-e-s et en seront sans aucun doute le moment C’est notamment en suivant un ap- le plus marquant. Je m’associe à la joie prentissage que nos jeunes se frottent à de cette manifestation spectaculaire orga- des valeurs telles que le courage, la créa- En 2013, l’Office fédéral de la culture à leurs formateurs et formatrices pour le nisée dans la capitale, mais pour moi, il tivité, l’autodiscipline, la tolérance et la (OFC) a confié au Centre de cours Bal- temps et l’énergie qu’ils y ont consacrés, est tout aussi important de ne pas oublier fierté pour se les approprier. La formation lenberg le soin de publier et de compléter ainsi qu’à l’Office fédéral de la culture l’artisanat traditionnel. C’est pourquoi je professionnelle est indispensable en cela la base de données des artisanats tradi- (OFC), qui soutient cette publication. soutiens de tout cœur le projet « L’avenir qu’elle est un facteur déterminant pour tionnels. Il était donc tout naturel que Je ne saurais conclure sans témoigner de l’artisanat traditionnel », que l’usam l’avenir et la prospérité de notre pays. notre centre, par le truchement de l’Union ma reconnaissance envers les représen- a lancé avec l’Institut fédéral des hautes suisse des arts et métiers, entre en contact tant-e-s des associations qui défendent études en formation professionnelle EHB avec les représentants des petits métiers les intérêts de leur métier sans compter IFFP IUFFP, le Musée suisse de l’habitat lors d’une journée de l’Institut EHB IFFP leurs heures et luttent inlassablement afin rural Ballenberg, le Centre de cours Bal- IUFFP, dans l’optique d’instaurer une col- que ces professions perdurent et que des lenberg et les organisations profession- laboration durable. jeunes puissent continuer à s’y former. nelles intéressées. Près de 220 apprentissages sont proposés actuellement en Suisse, qui mènent Jean-François Rime, conseiller national La revue que vous avez entre les mains Nous vous souhaitons plein succès Président de l’Union suisse des arts et vous présente des jeunes qui ont embrassé aux SwissSkills Berne 2014, les premiers métiers usam une profession artisanale. Faire ce choix à Championnats suisses des métiers ! à autant de métiers. Beaucoup d’entre notre époque, c’est faire preuve d’indépen- Bonne lecture ! eux offrent les meilleures perspectives qui dance et d’assurance : découvrez, dans les soient, et sont par conséquent très recher- pages qui suivent, les réflexions et les es- chés. Il existe pourtant aussi de nom- poirs de vingt et un futurs professionnels. breuses autres professions qui peuvent Pour valoriser l’intelligence artisanale, paraître moins « cool » au premier abord, il faut des jeunes qui croient à l’avenir de Adrian Knüsel Directeur du Centre de cours Ballenberg Artisanat 1/2014 mais qui apportent énormément aux per- 3 DES HISTOIRES EN MARGE DU SPECTACLE U ne odeur de sciure fraîche parfume l’atelier de tournage UN SOLIDE SAVOIR-FAIRE Dans cette activité, la capacité de se La formation ne se limite pas aux ex- poussière de bois qui flotte dans l’air recouvre d’une pellicule représenter les choses dans l’espace et la périences pratiques, puisqu’elle comprend la machine à moulurer, la raboteuse et la fraiseuse. Les innom- dextérité sont tout aussi importantes que un enseignement théorique à l’école pro- brables chablons et modèles de barreaux accrochés au plafond l’habileté manuelle. « Je dispose d’un plan fessionnelle de Brienz : « Nous y acquérons confirment qu’on y travaille bien le bois massif. Une petite femme en deux dimensions, à partir duquel je dois le savoir technique qui nous différenciera robuste est au tour. Totalement concentrée, le geste précis et pouvoir imaginer l’objet fini. Cela exige d’ex- du bricoleur et pouvons aussi échanger souple, elle rabote au millimètre près les bords d’une pièce qui cellentes capacités non seulement de repré- avec des apprentis qui suivent des filières tourne, faisant voler les copeaux. « C’est une tâche qui exige de sentation spatiale, mais aussi de visuali- proches de la nôtre, ce qui est très enri- la patience et de la concentration. Je dois tourner 150 pièces de sation », souligne l’apprentie zurichoise. La chissant ». Miriam trouve par ailleurs les finition – des rosettes – pour la main courante d’un escalier : un difficulté principale réside dans le fait de cours interentreprises tout aussi intéres- bon exercice pour se faire la main », explique Miriam Foster. reproduire de ses mains les formes que l’on sants. Elle y apprend des techniques de a en tête. « Il nous faut apprivoiser le bois. travail peu ordinaires et y acquiert un Au début, nous devons déployer des trésors solide savoir-faire. LE BOIS, UNE MATIÈRE VIVANTE Avec le bois, Miriam est dans son élément : « J’ai déjà fait un de patience et nous exercer inlassablement apprentissage de menuiserie, ce qui m’a permis de commencer pour acquérir le mouvement du tournage. directement en deuxième année comme apprentie artisane du C’est à nous de l’apprendre, de l’expérimen- bois ». Contrairement à la menuiserie, où elle a beaucoup eu ter et de le sonder. On commence par pro- Son formateur, Ruedi König, est très affaire à des dérivés du bois, le tournage lui permet de toucher duire beaucoup de bois de chauffe, mais content de cette apprentie motivée. « Tant au bois massif, un matériau vivant. « Façonner de mes mains et dès qu’on a la main, là c’est génial », s’ex- que des jeunes apprennent le métier avec être proche du matériau utilisé est très important pour moi. En clame en riant la jeune artisane du bois, qui autant de passion, la profession d’artisan tant que tourneuse, je dois savoir prendre le bois, le sentir, le ajoute : « Ces mouvements rotatifs typiques du bois ne risque pas de disparaître. Les jauger pour pouvoir ensuite le travailler. Je dois mettre tous mes ont quelque chose de méditatif ». femmes notamment s’y intéressent beau- captivant », explique cette passionnée de 27 ans. ARTISANE DU BOIS CFC, ORIENTATION TOURNAGE SUR BOIS – La production de pièces uniques ou de produits en série à partir du bois massif requiert dextérité, patience, persévérance et polyvalence, car les artisans sur bois produisent une vaste gamme d’articles, allant des pieds de lit pour le voisin au matériel pour l’industrie médicale chinoise. MIRIAM : UNE PROFESSION QUI A DE L’AVENIR coup ». Quant à Miriam, elle estime que sens à l’écoute du bois, c’est ce qui rend ce travail si spécial et si 4 Artisanat 1/2014 LE SENS DU BOIS sur bois Bietenholz + Müller GmbH, à Wil (SG). La fine POUVOIR EXPRIMER SA CRÉATIVITÉ travailler le bois massif s’inscrit bien dans la tendance actuelle au développement Miriam voit son métier comme une durable et au retour à la nature, mais activité variée et passionnante, qui amène que ce mouvement devrait encore gagner toujours de nouveaux défis. « Tout ce qui en importance auprès du grand public. est fabriqué en bois massif est conçu, pla- « Ce serait vraiment génial que notre beau nifié et produit chez nous, que ce soient métier soit mieux connu. Mon frère, par des séries pour l’industrie ou des pièces exemple, ne savait pas quel métier j’ap- sur mesure pour des particuliers. » Copeau prends ici : il faudrait encore mieux infor- après copeau, la pièce brute prend peu à mer les gens ». peu sa forme définitive : pied de table ou de chaise, barreaux d’escalier, colonnes et autres éléments d’aménagement intérieur, coupes, saladiers, assiettes, manches d’outils, objets d’art et tant d’autres choses encore. C’est lors des travaux libres que l’aspect artisanal et artistique de ce métier ressort le plus : « Là, je peux laisser ma créativité s’exprimer et réaliser mes idées », s’enthousiasme l’apprentie. ” JE METS TOUS MES SENS À L’ÉCOUTE DU BOIS. Pour Miriam Foster, travailler en contact direct avec le bois est très important. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Très bon sens des volumes - Bonne représentation spatiale - Don pour le dessin - Précision DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) - Cours interentreprises maturité professionnelle pour les apprentis ayant de 5 bonnes notes Artisanat 1/2014 sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la Avec l’aide de Ruedi König, son formateur, Miriam Foster apprend aussi des techniques peu courantes : « Il nous faut apprivoiser le bois. » 6 Artisanat 1/2014 L SEUL APPRENTI EN SUISSE e visiteur qui pénètre dans l’échoppe du boisselier Werner lieu de formation me convient aussi très Stauffacher dans le village saint-gallois d’Ennetbühl, niché « La boissellerie n’est plus beaucoup bien », poursuit-il, avant d’avouer son pen- au cœur du Toggenbourg, découvre une oasis épargnée par l’agi- pratiquée », regrette Werner Stauffacher, chant pour le bois, un matériau chaleu- tation, le stress et la hâte. Le rythme de la journée y est marqué qui, avec sa femme Jolanda, dirige l’en- reux et vivant, agréable au toucher. « Il faut par le travail artisanal et par son rapport étroit avec la nature, les treprise familiale depuis une trentaine apprivoiser ce matériau. Ainsi, lorsque je animaux, l’agriculture et le patrimoine séculaire des fromagers et d’années. Voilà quatre lustres que son der- fabrique un bracelet en bois, je dois choisir des montagnards. Sculptés avec une infinie patience et un amour nier apprenti achevait sa formation dans un rondin qui ne se brisera pas quand je le passionné du détail, les objets employés dans les exploitations leur entreprise. Autant dire que l’arrivée cintrerai. Il faut aussi acquérir une certaine laitières évoquent un mode resté intact. Seaux à traire, barattes, de Christian Fust fait souffler un vent de dextérité pour évider le bois », explique l’ap- moules à beurre, seillons à petit-lait, jattes à écrémer, dites renouveau bienvenu sur l’atelier de bois- prenti de première année. La sculpture, aussi émines, porte-voix pour la prière du soir, seillons à fro- sellerie, l’une des quatre dernières entre- travail raffiné s’il en est, fait aussi partie de mage, chaises à traire ou bottaculs, cacolets ou hottes à fromage, prises formatrices de Suisse. C’est sur les son métier. « Je peux donner libre cours à cercles à fromage : ces ustensiles aux décorations illustrant la tra- conseils de son grand-père que le jeune ma créativité lorsque je sculpte et orne les dition encore bien vivante de l’inalpe et de la désalpe restent très homme de 16 ans, habitant Dreien dans objets d’inscriptions et de motifs symboli- présents dans les maisons rurales. Le boisselier produit toutefois le canton de Saint-Gall, a embrassé cette sant des éléments naturels ». aussi des objets d’ornementation : porte-parapluies, assiettes à profession artisanale. « Il m’a recommandé La formation théorique complète l’ap- fromage et à viande, bacs à fleurs, stations météorologiques ou de choisir un métier unique et peu cou- prentissage en entreprise : à l’école pro- encore coffrets à bijoux. rant. Puisque j’aime travailler le bois de fessionnelle de Brienz, Christian peut non mes mains et que mon père connaissait seulement approfondir ses connaissances mon maître d’apprentissage, j’ai pu faire de base et mieux maîtriser certaines opéra- un stage de découverte », se rappelle Chris- tions qui sortent de l’ordinaire, mais aussi tian, qui ajoute avoir beaucoup apprécié le échanger avec des camarades de filières travail du bois massif. « J’ai tout de suite apparentées : artisan du bois orientation flashé : travailler au ciseau ou au tour, tout tournage sur bois, sculpteur sur bois, en minutie, tout en précision, c’est exac- vannier créateur et tonnelier. « Je me pro- tement ce qu’il me faut. C’est un métier cure ainsi une bonne vue d’ensemble des super, à la fin, on a un magnifique objet en diverses professions de l’artisanat du bois ». CHRISTIAN : ” A LA FIN, ON A UN MAGNIFIQUE OBJET EN MAIN. Respect des coutumes : Christian Fust avec le maître-boisselier Werner Stauffacher. ARTISAN DU BOIS CFC, ORIENTATION BOISSELLERIE – La boissellerie est un métier artisanal ancestral, étroitement lié aux us et coutumes des fromagers. Après une longue parenthèse, elle compte de nouveau un apprenti en Suisse. main », conclut-il. UN CRÉNEAU PORTEUR UN MÉTIER INDISSOCIABLE DE LA TRADITION FROMAGÈRE satisfaction de pouvoir à nouveau trans- Werner Stauffacher ne cache pas sa « Les boisseliers produisent des objets mettre l’art de la boissellerie à un jeune d’usage quotidien dans les fromageries. homme. « Il nous faut des jeunes qui Pour ce faire, nous utilisons des essences suivent une formation, car nous pourrons indigènes, comme l’érable et l’épicéa », ainsi transmettre à la prochaine généra- explique Christian. Le terme de boisselier tion tant notre savoir-faire que cet élément vient de « boisseau », nom générique donné du patrimoine culturel suisse. C’est la aux mesures de céréales, que l’on fabri- seule façon d’éviter que notre métier dis- quait avec l’aubier, la partie blanchâtre du paraisse », explique-t-il, persuadé que la bois. L’apprenti précise que son travail est boissellerie restera toujours un créneau non seulement passionnant et varié, mais porteur. « Grâce aux objets inusables que qu’il est aussi étroitement lié aux traditions nous produisons et aux traditions qu’ils encore bien vivantes qui entourent la fabri- véhiculent, qui fascinent tout le monde, du cation du fromage. Dans l’atelier Stauffa- paysan au conseiller fédéral, nous aurons cher, il se sent à l’aise entre l’établi, le tour toujours des clients », conclut ce maître- et les copeaux de bois. « Côté humain, ce boisselier passionné. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Bon coup d’œil - Très bon sens des volumes - Force physique - Don pour le dessin DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant 7 de bonnes notes Artisanat 1/2014 maturité professionnelle Travail créatif et minutieux au ciseau : Christian Fust est dans son élément quand il orne les objets de motifs symbolisant des éléments naturels. JO ELIO : un vieux est à chaque fois une expérience spéciale : « Pour détruire un vieux tonneau pourri de 3000 litres, nous devons faire preuve de rapidité, d’intelligence et de pru- JE FRÔLE PARFOIS L’EXPÉRIENCE MYSTIQUE. TONNELIER CFC – La tonnellerie est une activité qui requiert dextérité et résistance physique. Cette profession, encore exercée dans quelques ateliers en Suisse, forme de nouveau un apprenti après une longue interruption. Artisanat 1/2014 ” par un cercle de métal ou par une structure en bois qui éclate ». La formation théorique donnée à l’école de sculpture de Brienz fait partie de la formation, qui dure trois ans. Notre apprenti préfère toutefois travailler exercer cette activité, il faut être habile de de ses mains à la tonnellerie ou rendre ses mains, avoir une bonne pensée logique visite à des clients. « En tant que tonne- et une certaine dose de patience et de per- lier, on parcourt le pays, c’est un avantage sévérance. « Nous devons être capables de appréciable », expose avec enthousiasme le travailler dur tout en étant précis au milli- futur professionnel. Parmi les autres as- mètre près », explique le jeune homme. Le pects agréables du métier, il cite le fait de travail, varié, le fascine : « Au début, on n’a se familiariser avec la vinification. « Je suis pas vraiment la main pour les gestes et très content d’en apprendre plus sur les pour le bois, qui est une matière vivante. techniques vinicoles, car cela m’ouvre des a tonnellerie est plus qu’un métier, c’est une tradition qui Mais ça vient en s’exerçant. On apprend perspectives très intéressantes. Je pourrai fait partie du patrimoine suisse. J’aimerais contribuer à assez rapidement à doser notre force en par exemple travailler dans un domaine préserver cet héritage et à le faire connaître », déclare Jo Elio fonction du matériau, l’objectif étant d’évi- vinicole n’importe où dans le monde. » Wiesner. Depuis août dernier, ce Lucernois de 16 ans apprend ter les irrégularités. » Le jeune Lucernois un métier séculaire dans la tonnellerie Suppiger, à Küssnacht am accomplit diverses tâches et participe Rigi (SZ). « Je suis le septième apprenti tonnelier à être formé ici pleinement aux activités quotidiennes de ces 30 dernières années », explique-t-il. Il y est en de très bonnes la tonnellerie, que ce soit pour des pro- Les tonnelleries ne cessent de perdre mains. Son patron, Roland Suppiger, représente la quatrième ductions en série comme le cintrage puis du terrain en Suisse, puisqu’il n’y en a génération de sa famille à la tête de cette entreprise tradition- la mise en rose des merrains (planches plus que cinq. N’empêche, Jo Elio et son nelle, la seule d’ailleurs à proposer des places d’apprentissage fendues), ou pour des travaux de finition chef ne craignent pas que leur métier dis- en Suisse. Avec ses compétences de formateur et d’expert aux comme la cuisson des barriques sur le bra- paraisse. Ils soulignent toutefois que leur examens, Roland Suppiger fait un chef brillant et passionné, qui séro. « Il y a toujours une grande demande branche doit mieux se faire connaître. a l’amour du détail ; son enthousiasme déteint sur son apprenti. pour les conteneurs en bois. Nous les « Nous devons faire en sorte que les gens « C’est un patron super : il est modeste, compréhensif, et a les fabriquons en chêne, de diverses conte- sachent ce que nous faisons, réalisent que pieds bien sur terre. En plus, c’est un maître dans sa spécialité. nances, qui vont de 10 à 17 000 litres : ce métier traditionnel est vivant en Suisse Nous pratiquons notre artisanat avec vision et innovation, ce qui des barriques pour vignerons, boucheries, et qu’il offre encore des places d’appren- nous amène aussi des mandats qui sortent de l’ordinaire. J’ai cidreries et distilleries, mais aussi des bai- tissage. » énormément à apprendre ici », souligne Jo Elio. Après deux jours gnoires, des piscines et des bassins pour le de stage-découverte, il savait déjà qu’il ferait de la tonnellerie secteur du bien-être, sans compter divers son métier. articles cadeaux. » TRAVAILLER COMME AU BON VIEUX TEMPS TRAVAILLER DANS LE MONDE ENTIER L 8 dence si nous ne voulons pas être meurtri Jo Elio est à l’aise entre fendeuse, scieuse, doloire, chasse, rabot, dégauchisseuse, enclume, bois fraîchement usiné et co- Jo Elio aime particulièrement se dépla- peaux. « Je frôle parfois l’expérience mystique. C’est impression- cer en Valais ou dans le Jura pour y rendre nant d’apprendre l’un des plus anciens métiers du monde, qui n’a visite à des clients. Installer un nouveau pas beaucoup changé depuis l’époque de mon grand-père. » Pour tonneau chez un vigneron ou en éliminer DES AMBASSADEURS DE LEUR BRANCHE Jo Elio Wiesner doit être capable de travailler dur tout en étant précis au millimètre près. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Bonne représentation spatiale - Très bonne santé et force physique - Sens du travail précis et bien fait - Sensibilité à l’hygiène DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant Artisanat 1/2014 d’apprentissage) 9 de bonnes notes Jo Elio a déjà pu se faire une bonne idée d’ensemble de la tonnellerie durant sa première année d’apprentissage, son formateur, Roland Suppiger, le guidant pas à pas. Il est aussi aidé par Stefan Sodota, un menuisier qualifié qui fait un deuxième apprentissage en tant que tonnelier. C laudia Maag a fait un apprentissage de peintre dans les son travail de fin d’apprentissage : elle a social ou ergothérapie. « Un apprentissage années 1990, avant de travailler quelques années dans ce créé pour cette occasion un panier pliable de vannière créatrice peut aussi être une même domaine. Sa passion pour les abeilles a amené cette femme pour vélo en osier décortiqué, avec sacoche passerelle vers d’autres formations, dans originaire de la campagne zurichoise à découvrir, lors d’un cours assortie en bandes de cuir tressées. des domaines comme le design de meuble, d’apiculture, des photographies de vieilles ruches artistiquement l’architecture d’intérieur ou encore l’hor- UN MÉTIER, DE NOMBREUX DOMAINES tressées. C’est ainsi qu’elle s’est intéressée à l’art aussi créatif que varié de la vannerie. 10 Artisanat 1/2014 TROIS LIEUX D’APPRENTISSAGE ticulture. Ce CFC ouvre un nombre étonnamment élevé de portes. » Claudia termine cet été ses trois ans A ce propos, il faut tout de même d’apprentissage. Avec quels plans pour la dire que très peu de jeunes suivent un En se renseignent auprès de l’IGK SCHWEIZ, la communauté suite ? « Il y a en fait toutes sortes de pos- apprentissage de vannier ou vannière. Il d’intérêts de la vannerie suisse-alémanique, Claudia a constaté sibilités. Se mettre à son compte n’en est n’y a notamment pas eu de remise de CFC que trois institutions proposent des places d’apprentissage dans qu’une parmi tant d’autres, et qui requiert en 2012 et 2013. Cette année toutefois, cette profession : les foyers pour aveugles de Bâle et de Horw d’ailleurs une bonne dose de courage, Claudia n’est pas la seule dans sa volée, (LU) ainsi que le home atelier de Wangen bei Dübendorf (ZH). d’énergie et quelques réserves financières. » car deux autres personnes se présenteront La chance lui a souri : après un stage-découverte probant, elle a En ce moment, il n’y a pas de poste de aux examens finaux. été prise comme apprentie à Wangen, le lieu le plus facilement travail à disposition chez des vanniers atteignable pour elle. créateurs indépendants, car ceux-ci tra- LE TRAVAIL SUR MESURE, UNE VALEUR SÛRE Le home atelier de Wangen, qui était à l’origine, en 1928, un vaillent en général seuls. Les ateliers pour foyer pour aveugles, offre aujourd’hui un lieu de vie avec prise handicapés, comme celui de Wangen dans La vannerie a le vent en poupe, sur- en charge pour 35 personnes et 41 postes de travail protégés. lequel Claudia a fait son apprentissage, tout en raison de l’engouement pour les Il abrite un atelier de vannerie et de cannage, mais aussi une sont une autre possibilité. Il serait aussi matériaux naturels tels que l’osier, le jonc, brosserie, et compte même un atelier « travail industriel ». L’atelier envisageable de suivre un perfectionne- le rotin et diverses ficelles. Les antiqui- de vannerie ne fait pas que des réparations : on y confectionne ment professionnel en accompagnement tés ne sont pas en reste, et connaissent des objets sur mesure. Des corbeilles bien sûr, mais aussi des en ce moment une renaissance. Les pro- paravents ou des articles décoratifs. « Cette vaste gamme permet Claudia, bientôt quarante ans, ne tarit duits bon marché en provenance de l’Est d’acquérir une formation étendue », précise Claudia, avant d’ajou- pas d’éloges pour son deuxième métier : de l’Europe et de la Chine rendent tou- ter qu’elle a trouvé en Fred Hunger, qui dirige cet atelier depuis « J’ai très vite constaté que la vannerie tefois la vie dure aux artisans d’ici. Mais des années, un formateur des plus compétents. offrait des possibilités infinies, que ce Claudia ne se laisse pas décourager : « Le soit dans les formes, les matériaux ou les client qui désire un objet spécial, fait sur techniques. C’est un artisanat propice à mesure dans les règles de l’art et qui plus la nouveauté, qui me laisse toute latitude est solide s’adressera à un artisan. » La pour développer mon propre style. J’appré- future vannière est en outre persuadée que cie beaucoup d’apprendre un métier si an- son métier ne va pas disparaître. « Il y aura cien, dont la variété me fascine tout autant toujours des gens qui se passionneront que le fait de travailler des produits natu- pour cet artisanat varié et exigeant. » VANNIÈRE CRÉATRICE CFC – Les hommes tressent paniers, nattes et cages depuis plus de 10 000 ans. Ce métier artisanal traditionnel, très créatif, a gardé tout son intérêt. rels comme l’osier. » Claudia a pu utiliser ses connaissances et son expérience pour CLAUDIA : ” CETTE FORMATION PEUT OUVRIR BIEN DES PORTES. Pour Claudia Maag, c’est la variété des formes, des matériaux et des techniques qui est fascinante dans sa deuxième formation. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire terminée - Habileté manuelle - Goût du travail avec des matériaux naturels - Créativité - Précision et minutie DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant 11 de bonnes notes Artisanat 1/2014 - Cours interentreprises Le centre de vannerie du home-atelier de Wangen ne fait pas que des réparations : on y confectionne aussi des objets sur mesure. Le maître d’apprentissage Fred Hunger prête aide et assistance à son apprentie, qui déborde de créativité. SCULPTRICE SUR BOIS CFC – Sculpter sur bois, c’est réaliser la fusion de l’idée, de la matière et de la technique pour créer une œuvre d’art. Habileté manuelle, créativité, patience et minutie, telles sont les qualités requises pour ce métier artisanal par ailleurs toujours plus prisé des femmes. bonne dose de patience, de persévérance tissage d’ébéniste. « C’était tout naturel que et d’audace », explique Priska Bieri. Bien je me consacre moi aussi à ce matériau si qu’elle n’en soit qu’à la première de ses vivant », conclut-elle d’un clignement d’œil. quatre années de formation, l’apprentie de 16 ans n’en a pas moins déjà acquis une UNE GRIFFE UNIQUE certaine maîtrise et manie avec assurance « Cette profession artisanale très va- gouge, couteau à sculpter, râpe, lime et ra- riée me permet de donner libre cours à cloir. Pour exercer cette profession, estime- ma créativité, de m’épanouir et de vivre t-elle, il faut avant tout être capable de pleinement ma passion pour le bois », se visualiser le modèle à représenter, de tra- félicite l’apprentie, qui consacre quatre à vailler rapidement et proprement et de se cinq heures par jour à la sculpture. C’est représenter les objets en trois dimensions. bel et bien un métier varié qu’elle pratique 12 Artisanat 1/2014 au quotidien dans l’atelier de sculpture de PRISKA : IMPOSSIBLE D’AVOIR LA MAIN SÛRE SANS UNE BONNE DOSE DE PATIENCE, DE PERSÉVÉRANCE ET D’AUDACE. ” L a menue jeune femme se penche sur UN MATÉRIAU VIVANT la famille Huggler à Brienz, vieux de plus l’établi où est fixée une pièce de bois « Je ne peux pas encore reproduire de cent ans, puisqu’elle y apprend aussi à dans laquelle on devine l’ébauche d’un mon modèle aussi bien que je le voudrais, dessiner, à faire des croquis, à fabriquer âne. À l’aide d’un maillet, elle frappe le mais c’est en sculptant que l’on devient des modèles, à vernir et à teinter les sur- manche d’un ciseau. Plus le travail avance, sculpteur. » Priska reste d’ailleurs encore faces, sans oublier la sculpture à la tron- plus les traits deviennent visibles et plus souvent bouche bée lorsqu’elle contemple çonneuse. Priska est toujours aussi fasci- les ciseaux utilisés sont fins. D’un geste les œuvres de ses collègues. « Je veux à née de voir un objet surgir d’un morceau à la fois énergique et mesuré, elle pousse tout prix atteindre ce degré de perfection », de bois. « Chaque pièce a une histoire, que le ciseau de la paume de la main : copeau s’enthousiasme la jeune fille de l’Oberland l’on peut lire. » Du premier croquis au pro- après copeau, elle donne au morceau de bernois, qui avait toujours voulu embras- duit final, les opérations sont nombreuses bois la forme souhaitée. « J’en apprends ser une profession alliant travail manuel et et pas toujours faciles. beaucoup sur l’anatomie des animaux, la créativité artistique. Elle est d’ailleurs is- « Nous ne pouvons pas toujours réali- structure du bois et l’art. Dans ce métier, sue d’une famille « Dubois », son père étant ser le projet sur papier comme le client le impossible d’avoir la main sûre sans une menuisier et son frère faisant un appren- voudrait. Souvent, il faut commencer par étudier minutieusement comment concré- métiers artistiques et les jeunes ne savent apprentissage d’ébéniste afin d’être bien tiser cette idée. À cette fin, nous réalisons pas forcément qu’il est possible d’y faire un formée et de pouvoir combiner les deux un modèle de l’objet puis une ébauche, en apprentissage », regrette la future sculp- professions. » tenant compte, bien entendu, de la meil- trice, avant de préciser : « Il faudrait sensi- leure position », explique la jeune femme. biliser davantage les jeunes à cet artisanat « Parfois, il faut simplement tâtonner avant d’art, pour cela il faudrait toutefois que de trouver une solution pratique. C’est là le métier de sculpteur figure aussi sous que réside tout l’intérêt de la démarche, la rubrique «Artisanat» au centre d’orien- aussi importante que le but en soi. » Les tation professionnelle ». Puisque de nom- sculpteurs optent d’habitude pour le tilleul breux sculpteurs sont des indépendants, et le chêne, deux essences faciles à travail- les emplois ne sont guère nombreux. ler. « J’en apprends énormément sur les Priska Bieri ne se fait pas du mauvais sang techniques de sculpture, chaque artisan pour autant, car elle a déjà des projets ayant une griffe unique. » pour l’avenir : « Je veux faire ensuite un 13 Artisanat 1/2014 Priska Bieri recherche à la fois la perfection et une griffe unique, un atout que son formateur Markus Flück juge lui aussi indispensable. SCULPTER POUR LE MONDE ENTIER Les commandes sont aussi variées CAPACITÉS NÉCESSAIRES DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Créativité et capacité à se - Quatre ans de formation initiale que l’est le travail proprement dit : « Nous représenter les formes et sculptons des objets pour des particuliers les proportions - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz et des touristes des quatre coins du globe, - Don de l’observation dans le canton de Berne de la Chine à l’Amérique, sans oublier les - Facilité pour le dessin (4 blocs de 2 semaines par pouvoirs publics, qui nous passent aussi - Bonne condition physique commande », signale Priska en ajoutant - Aptitude à travailler de que les meubles, les reliefs, les inscriptions et les objets de décoration sculptés restent façon indépendante année d’apprentissage) - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité très prisés, puisque l’engouement pour cet professionnelle pour les artisanat ne faiblit pas. « Notre profession apprentis ayant de bonnes est toujours plus souvent classée parmi les notes LUTHIÈRE – Le centre de formation de Brienz n’est pas étranger à la qualité des instruments à cordes en Suisse. Cet « atelier de maître » situé dans l’Oberland bernois est vraiment unique en son genre. MARIE : différent, car chaque luthier s’y prend à sa peintres ou les sculpteurs, comme Titien manière ». Cette menue jeune femme aime et Bernini. Aujourd’hui encore, nous sui- maintenant aussi les cours hebdomadaires vons dans les grandes lignes ce modèle de – obligatoires – de violon, et les heures de formation. » L’enseignement extrêmement théorie (qui représentent à peu près 20 % condensé qui y est donné et la très forte de l’apprentissage). Seule ombre au tab- motivation des élèves expliquent certaine- leau : son allemand. « Certes, j’ai déjà beau- ment aussi la réputation dont jouit tant coup appris, notamment grâce à mes colo- en Suisse qu’à l’étranger cette institution cataires, deux collègues avec lesquelles je fondée en 1944. partage un appartement au village. Mais je dois encore progresser. » Marie n’a pas AVEC BEAUCOUP DE LA VOLONTÉ, ON PEUT TOUT APPRENDRE. 14 Artisanat 1/2014 M ” UNE BRANCHE D’AVENIR L’école n’enseigne évidemment pas que la fabrication de violons. Elle aborde tous les instruments à cordes tels que violes, violoncelles et contrebasses. De plus, la fabrication d’instruments neufs étant en arie Rossier doit sa vocation au plus pur hasard : si elle le choix : il n’y a pas d’école de ce genre en perte de vitesse, elle accorde toujours plus n’avait pas assisté à une conférence d’Amnon Weinstein Suisse romande. Il est par contre possible d’attention à l’entretien, à la réparation et lors du Festival international de musique Sion Valais, en 2011, de faire la formation pratique dans une à la restauration ; à Brienz, des modules elle serait certainement à l’Université en train d’acquérir des entreprise privée romande – par exemple de perfectionnement professionnel sont crédits pour un bachelor. Les explications du fameux luthier is- un atelier – et de suivre la théorie à Brienz. proposés dans ces domaines aux person- raélien sur les violons des camps de concentration et des ghettos l’ont tant fascinée qu’elle a préféré la formation de luthière aux études. Les perspectives étaient pourtant plutôt mauvaises pour nes externes à l’établissement. La gestion PAS UN MÉTIER : UNE VOCATION des relations avec les clients est un autre domaine qui gagne en importance, avec la cette maturiste qui n’avait jamais joué de violon, mais (seulement) Les jeunes qui fréquentent cette école vente et la location. Hans Rudolf Hösli est de la flûte à bec. Les places d’apprentissage classiques sont très de luthiers à plein temps, installée dans un confiant : « Pour autant que notre branche rares et l’autre voie, l’école de luthiers de Brienz, est connue pour chalet de Brienz tout en recoins, ne sont s’adapte à l’évolution des besoins de ses ses conditions d’admission particulièrement strictes. Les can- pas des apprentis comme les autres. Pour clients, nous n’avons pas de souci à nous didats y sont passés sous la loupe durant deux jours, et même s’en convaincre, il suffit de jeter un coup faire pour gagner notre vie ». leurs compétences sociales sont testées. Mais cette Valaisanne de d’œil le soir ou le week-end dans l’atelier : Un optimisme que partage son appren- Grône a réussi. « J’ai la tête dure. Quand j’ai un projet en tête, je il n’est pas rare que plusieurs élèves s’y tie, Marie Rossier, qui mise tout sur ce mé- tiens à le réaliser », affirme la jeune femme de 20 ans qui, après affairent encore. « Nos apprentis mettent tier et aimerait, « un jour, dans longtemps », une année et demie d’apprentissage, ne regrette en rien son choix énormément de cœur à l’ouvrage », souligne avoir son propre petit atelier. Et, pourquoi professionnel. « J’exerce le métier de mes rêves, il me permet de Hans Rudolf Hösli, qui dirige l’institution pas, ajoute-t-elle en souriant d’un air en- m’épanouir et de relever des défis ». depuis de nombreuses années, « ils voient tendu, devenir capable de fabriquer un vi- leur métier plutôt comme une vocation ». Il olon au son si exceptionnel qu’on parlerait est vrai que la lutherie, qui se trouve à la plus tard d’un « vrai Rossieri ... » CHAQUE VIOLON A SA PROPRE SONORITÉ Pour Marie Rossier, il ne fait aucun doute qu’on peut tout croisée de la physique, de la musique, de apprendre, pour peu qu’on déploie des trésors de volonté et l’artisanat et de l’art, fascine. L’enseignant d’autodiscipline. Elle qui n’est pas spécialement douée pour les considère en outre que l’école attire les activités manuelles, il lui arrive de devoir se donner plus de jeunes notamment par son mode de fon- peine et se concentrer davantage que ses camarades, mais elle ctionnement unique. « Autrefois, faire un ne se décourage pas pour autant. Travailler le bois lui plaît énor- apprentissage dans un atelier de maître mément, la cerise sur le gâteau étant de ne pas fabriquer des était la règle. Ce n’était pas seulement le objets usuels, mais des instruments de musique : « Un violon, ça cas chez les meilleurs luthiers, comme n’a rien à voir avec une armoire ! Chaque violon produit un son Stradivarius et Amati, mais aussi chez les La formation initiale à l’école des luthiers comble Marie Rossier de bonheur : elle a trouvé le métier de ses rêves. CAPACITÉS NÉCESSAIRES –Habileté manuelle –Précision –Bonne représentation spatiale –Oreille musicale –Patience et persévérance –Bonnes manières, entregent DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Quatre ans de formation initiale à l’école de luthiers de Brienz ou dans un atelier -Culture générale à l’école professionnelle de la région -Branches professionnelles en cours blocs à Brienz - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les professionnels -Possibilité de se présenter à un 15 examen de maîtrise Artisanat 1/2014 apprentis ayant de bonnes notes -Enseignement musical par des Dans ce métier, la consécration arrive après des années d’efforts et d’apprentissage. Hans Rudolf Hösli, chef de l’atelier, est à cheval sur la qualité. U ne surprise attend le visiteur qui découvre le grand atelier du secteur du piano en Suisse, comprend par exemple une table d’harmonie : « C’est d’Hug Musique à Bülach, dans le canton de Zurich : les em- non seulement des magasins, mais aussi un travail dont on voit le résultat. » Les ployés qui l’accueillent s’expriment pour la plupart en allemand sept ateliers dans toute la Suisse. « Oui, facteurs de pianos doivent savoir ajuster standard de bon aloi. Quand on lui en demande la raison, Rainer nous avons en quelque sorte le monopole et régler le mécanisme, réaliser de menus Matz, le chef d’atelier et maître d’apprentissage originaire de Kiel, de la formation des facteurs de pianos », travaux d’ébénisterie et, bien entendu, dans le nord de l’Allemagne, répond sans ambages : « La Suisse confirme Rainer Matz. « Non que nous accorder l’instrument, la facette la plus ne forme pas suffisamment de facteurs de pianos pour couvrir en soyons fiers : c’est dommage qu’il n’y connue de leur travail. ses besoins. » Avec son importante industrie du piano, l’Alle- ait pas plus de places d’apprentissage. magne forme en revanche à tour de bras et les spécialistes qui Chaque année, nous devons refuser plu- n’y trouvent pas d’emploi se tournent volontiers vers la Suisse. sieurs candidatures. » JACOB : LE FEU SACRÉ Profession à part entière autrefois, l’accordage de piano est désormais un volet – important au demeurant – de la formation du facteur de pianos. « Notre but serait de pouvoir envoyer un apprenti de 16 Artisanat 1/2014 J’AVAIS TOUJOURS VOULU FAIRE QUELQUE CHOSE QUI SORTE DE L’ORDINAIRE. FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION FACTURE DE PIANOS – Les pianos restent l’instrument de musique par excellence des foyers suisses, où ils charment non seulement l’ouïe, mais aussi la vue. Seuls des spécia listes bien formés sont à même de comprendre la complexité de leurs « entrailles ». ” L’HABILETÉ PRIME LE SENS MUSICAL quatrième année seul chez le client pour y accorder un instrument », explique Rainer Matz, « mais cela dépend de ce que l’on Formateur chevronné, Rainer Matz peut exiger de lui ». En effet, l’accordage est décrit les critères que doit remplir le futur une activité pénible, tant pour la position apprenti : « Plutôt que le bulletin scolaire, qu’il faut adopter que pour l’écoute et la nous regardons le comportement du jeune concentration qu’il demande. pendant le stage de découverte. » Il ajoute Le facteur de pianos qui, après bien que l’atout principal est l’habileté ma- des années – au moins dix selon Rainer nuelle, suivie de l’ouïe et du sens musical. Matz – maîtrise les aspects mécaniques Pour le profane, le piano n’est et acoustiques du métier et parvient au qu’un instrument pourvu d’un clavier. sommet de son art peut être promu tech- Dans ce contexte, Jacob Ullrich, apprenti facteur de pia- Et Jacob ne faisait pas exception : « Pour nicien de concert et côtoyer les grands nos en deuxième année, revient automatiquement à sa langue moi, le piano se résumait à un meuble et solistes. Quand on demande à Jacob s’il maternelle, l’allemand standard, même s’il est parfaitement à j’ignorais tout de son intérieur », se sou- aimerait s’occuper un jour d’un pianiste l’aise en dialecte. Ce fils d’un professeur de musique de Dresde, vient-il, quelque peu embarrassé. C’est cet de renommée mondiale, il ne se montre établi en Suisse avec sa famille depuis 2004, a en effet suivi la « intérieur » qu’il allait bientôt découvrir : un guère enthousiaste : « Une seule fois, peut- moitié de sa scolarité à Engelberg. C’est là aussi qu’il est entré mécanisme d’une précision tout horlogère, être, pour gagner en expérience, mais je au collège, mais il s’est vite aperçu que ce n’était pas sa voie. Sa qui exige du professionnel une patience, crois que le travail en atelier est bien plus quête d’une formation plus conforme à ses vœux s’est achevée une adresse et une concentration infinies. beau. » Son maître d’apprentissage n’ignore le jour où un facteur de pianos est venu réviser un instrument « Quand je m’échinais des heures sur un toutefois pas, lui, le rôle que peut jouer devant sa classe. « J’ai parlé avec lui et trouvé sa profession inté- instrument sans parvenir à rien amélio- le « feu sacré ». Et Jacob est déjà en train ressante. J’avais toujours voulu faire quelque chose qui sorte de rer, je me sentais frustré », admet-il pour d’acquérir ce « feu sacré », sans en avoir l’ordinaire », se rappelle l’apprenti âgé maintenant de 21 ans. Il résumer ses difficultés initiales. Il ajoute pleinement conscience : « Récemment, j’ai a commencé à se renseigner et à faire des stages de découverte, que le plaisir augmente au fur et à mesure pu livrer et installer tout seul un piano à avant de commencer son apprentissage chez Hug Musique à que l’on maîtrise mieux le sujet et qu’il queue en ville de Berne. Une expérience Bülach. Comptant 340 employés, cette entreprise, le numéro un ressent une joie sans mélange en réparant planante. » PEU DE PLACES D’APPRENTISSAGE CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Jouer d’un instrument (le piano, si possible) - Bonne condition physique, ouïe impeccable - Goût pour la précision - Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux semaines au Centre de formation d’Arenenberg (TG) - Une demi-journée générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes - Examen de maîtrise à l’école professionnelle de facteurs d’instruments de musique de Ludwigsburg (en Allemagne) Jacob Ullrich s’occupe du mécanisme interne très perfectionné des pianos. Mieux il maîtrise le sujet, plus le travail lui plaît. Les facteurs de pianos doivent savoir ajuster et régler le mécanisme, réaliser de menus travaux d’ébénisterie et accorder l’instrument. 17 professionnelle (branches Artisanat 1/2014 par semaine à l’école K par fréquenter le collège, à Genève, mais La réparation d’instruments à vent, l’une des cinq orien- n’y était pas vraiment heureux. Jusqu’à ce tations proposées aux facteurs d’instruments de musique, com- que René Hagmann vienne présenter son porte deux spécialisations, celle des instruments à vent en bois métier lors d’un cours de musique. « Ça a Plusieurs fois par année, Kilian Théve- et celle des instruments à vent en métal. Né dans une famille de été la révélation. J’ai tout de suite su que je noz se rend pour quelques jours ou même musiciens, Kilian a commencé à jouer du basson à l’âge de neuf voulais devenir réparateur d’instruments quelques semaines de l’autre côté du pays, ans. « Je n’ai pas pu commencer avant à cause des dents de lait », de musique ». Après deux brefs stages chez à Salenstein, sur le lac de Constance. C’est dit-il en riant pour souligner son enthousiasme pour cet instru- Servette Music SA, il était si emballé qu’il a là que se trouve Arenenberg, le seul centre ment plutôt rare. Rien d’étonnant donc à ce que ce Genevois ait téléphoné plusieurs fois à son futur maître d’apprentissage de Suisse pour les fac- fait des instruments à vent en bois son métier. d’apprentissage pour savoir s’il pouvait teurs d’instruments de musique, et son commencer. « Je l’ai laissé un peu mijoter, internat. Des jours ou des semaines que car la motivation est essentielle », avoue Kilian apprécie, car ils lui donnent l’occa- l’intéressé en souriant d’un air entendu. sion de rencontrer ses rares collègues – DES PROFESSIONNELS RECHERCHÉS René Hagmann, patron et formateur de Kilian, se félicite de ce choix. Car l’entreprise Servette Music SA, à Genève, qui a une ils sont quatre à cinq par année à choisir cette filière – et d’échanger avec eux. René collaborateurs, tous initiés à certains instruments en particulier. HABILETÉ MANUELLE ET SENS DE L’OBSERVATION « Ce sont des spécialistes dans des domaines déjà très spéciali- Motivé, Kilian Thévenoz l’est bel et lieux, puisqu’il est l’un des enseignants du sés », relève René Hagmann pour résumer ce métier très exigeant. bien, quand il arrive le matin à son poste centre. Une chose encore que Kilian appré- Le hautbois et le basson, justement, comptent parmi les instru- de travail. Il soude, colle, huile, monte des cie : ses années de collège le dispensent ments à vent en bois les plus rares et les plus délicats. Il faut clés, remplace des clapets et des ressorts, de l’enseignement des branches générales dire qu’un basson peut coûter entre 6000 et 50 000 francs, et un fabrique des pièces, découpe et polit, avant qu’il aurait dû suivre à Genève. hautbois tout de même entre 2500 et 10 000 francs. Le patron de d’ajuster finement la mécanique. « J’ai dé- Artisanat 1/2014 longue tradition derrière elle, emploie dans ses ateliers douze 18 UN CENTRE DE FORMATION PROCHE DU LAC DE CONSTANCE ilian Thévenoz a choisi un métier vraiment très spécialisé. Kilian estime qu’il n’y a en Suisse que trois ou quatre magasins spécialisés capables de restaurer ces instruments. KILIAN : NOUS SOMMES DES SPÉCIALISTES ÈS SPÉCIALISATION. ” FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION RÉPARATION D’INSTRUMENTS À VENT – Que fait-on lorsqu’une des clés de son saxophone se casse ou que son hautbois d’époque, de grande valeur, s’est fendu ? On se rend chez un superspécialiste, le réparateur d’instruments à vent. couvert beaucoup de choses, notamment Par conséquent, les clients des ateliers en mécanique », constate l’apprenti, qui de Servette Music SA accourent non seu- estime ne pas avoir été particulièrement lement des quatre coins de la Suisse, mais doué de ses mains auparavant. aussi de l’étranger, de France, de Belgique, René Hagmann a vu dans Kilian un ma- d’Italie et même de Finlande pour leur nuel qui s’ignore et, plus important encore, confier leur instrument. Le maître d’ap- un jeune doté d’un bon sens de l’observa- prentissage de Kilian en est convaincu : tion. Pour « soigner » un instrument, il faut « Nous aurons toujours besoin de spécia- en effet la plupart du temps commencer listes comme lui. » par établir un diagnostic – souvent pour de nouveaux instruments aussi – avant de FAIRE DE LA MUSIQUE SON MÉTIER l’adapter aux vœux du musicien et d’optimiser le système de clés. Ce n’est pas sans Un avis que partage notre futur spé- fierté que le jeune homme parle d’une cla- cialiste, heureux comme un poisson dans rinette basse neuve dont il a pu faire seul l’eau dans son travail, et qui n’y trouve le diagnostic. Mais ce qu’il préfère, ce sont pas même un seul aspect négatif. « Faire les révisions totales, qui peuvent prendre de la musique, c’est un luxe. Et si l’on entre deux et trois jours. « C’est une grande peut en vivre, c’est vraiment l’idéal », s’en- satisfaction lorsque l’instrument est à nou- thousiasme Kilian Thévenoz. À vingt ans, il veau comme neuf, et que l’on voit le résul- n’est en qu’à la deuxième de ses quatre an- tat de son travail ». nées d’apprentissages, car il lui a fallu faire quelques détours pour trouver son bonheur professionnel. Kilian avait commencé Hagmann est lui aussi un habitué des CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Précision et minutie - Mains calmes, excellente motricité fine - Sens de la musique et oreille musicale - Savoir jouer d’un instrument à vent - Etre prêt à apprendre à jouer d’autres instruments à vent - Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux (TG) - Une demi-journée par semaine à l’école professionnelle (branches générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes Kilian Thévenoz, passionné de basson, a tout pour devenir un « spécialiste ès spécialisation. » René Hagmann, formateur et patron de Kilian, se réjouit des progrès de son apprenti, qui estime « ne pas avoir été particulièrement doué de ses mains auparavant. » 19 formation d’Arenenberg Artisanat 1/2014 semaines au Centre de I l est très rare que des apprentis suisses soient envoyés en pièces », estime ce futur professionnel. Ac- ment qu’un rôle secondaire, même s’il est mission à l’étranger, et ceux qui peuvent s’en vanter font sou- tuellement en troisième année d’appren- souhaité que le futur professionnel ap- vent l’objet de reportages dans les médias. Pour Pavel Jezdik, par tissage, Pavel peut déjà réaliser seul de prenne à jouer d’un instrument. Le maître contre, travailler à l’étranger fait tout simplement partie de son nombreuses tâches. Il n’en est pas moins d’apprentissage, Franz Höller, précise à ce métier. Durant sa deuxième année d’apprentissage déjà, il avait toujours impressionné de voir à quel point sujet : « Il est plus important d’avoir un bon séjourné cinq semaines à Taiwan pour y terminer le montage le fonctionnement de l’équipe Mathis est coup d’œil que l’oreille très musicale, mais d’un grand orgue d’église. Depuis, cet apprenti âgé actuellement bien rodé. Cette fine collaboration est par être familiarisé avec la musique facilite le de 19 ans ne s’est plus arrêté : pour 2014, six semaines sont ailleurs indispensable pour fabriquer un travail ». Pavel, violoniste passionné depuis prévues à Brünn, en Moravie. Il n’y sera pas vraiment dépaysé, orgue. Les instruments, qui peuvent mesu- des années, remplit sans aucun doute lui dont la famille a des racines tchèques. rer jusqu’à neuf mètres de haut, sont en- cette dernière condition. Rien d’étonnant tièrement montés à Näfels, buffet compris, donc qu’il souhaite continuer dans cette puis transportés en pièces détachées. Une voie une fois son apprentissage terminé et L’entreprise dans laquelle Pavel fait son apprentissage, Mathis fois l’orgue arrivé à destination, l’équipe compte bien s’intéresser aux formations Orgelbau SA, est depuis des années à la pointe sur le marché mon- procède au montage final, une tâche de continues proposées par l’entreprise dans dial, ce qui explique les fréquents voyages à l’étranger. Depuis sa longue haleine, et à son accordage. Une le domaine de l’intonation et de la restau- fondation en 1960 à Näfels, dans le canton de Glaris, cette firme étape que Pavel apprécie particulièrement : ration. familiale a poursuivi une stratégie gagnante. « Nous avons depuis « C’est vraiment cool de travailler dans une Pavel n’a pas de souci à se faire pour toujours misé sur les valeurs propres à la fabrication d’orgues entreprise de niveau mondial. Les séjours son avenir professionnel, comme l’explique baroques : un travail artisanal de première qualité allié à un son à l’étranger sont la cerise sur le gâteau ». Franz Höller : « Il est vrai que l’on fabrique optimal », explique Franz Höller. Quant à son collègue, Pascal Sei- Il ne faut pas moins de 10 000 heures de moins de nouveaux orgues, car les églises ler, il voit un autre atout : la capacité d’adaptation de cette petite travail pour fabriquer un orgue de taille et la musique d’orgue n’ont pas vraiment structure, qui emploie une vingtaine de personnes, dont quatre moyenne (destiné à une église de village, le vent en poupe actuellement, mais les apprentis en règle générale. Hermann Mathis, l’actuel propriétaire, par exemple). Le montage final – accor- orgues doivent faire l’objet d’un entretien y a d’ailleurs été apprenti lui aussi, dans les années 1970. dage non compris – requiert à lui seul une régulier pour fonctionner correctement, « Les orgues Mathis sont conçus et pro- équipe de trois personnes pendant près et d’une rénovation de fond en comble duits entièrement chez nous, à Näfels », de six semaines. L’entreprise de Nä fels tous les vingt ans environ. Et en ce qui souligne Franz Höller. « Nous élaborons a fabriqué près de 400 orgues depuis sa concerne les restaurations et l’entretien, des projets personnalisés, disposons d’une création et restauré de nombreux instru- les facteurs et factrices d’orgues suisses grande réserve de bois débité, séché natu- ments historiques, ce qui fait d’elle l’un sont tout aussi à la pointe que pour la rellement et de toute première qualité (la des grands fabricants d’orgues de Suisse. fabrication d’instruments neufs ». 20 Artisanat 1/2014 D’APPRENTI À PATRON L’apprenti Pavel Jezdik découvre le monde international de la manufacture d’orgues : les voyages font simplement « partie du métier. » PAVEL : C’EST VRAIMENT COOL DE TRAVAILLER DANS UNE ENTREPRISE DE NIVEAU MONDIAL. ” FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION FACTURE D’ORGUE – Dans de nombreux domaines, les entreprises artisanales suisses font très bonne figure. Les facteurs d’orgues, eux, jouent carrément dans la cour des champions. plupart du temps de l’épicéa), coulons les tuyaux d’orgue (cette opération délicate constitue une orientation d’apprentissage YEUX ET OREILLES À CONTRIBUTION en soi), procédons à l’intonation et accor- Les facteurs d’orgues et les factrices dons l’instrument. Chaque orgue est une d’orgues – pas si rares elles non plus – pièce unique », affirme Pascal Seiler, « et suivent leur formation théorique lors de à part quelques éléments électroniques, cours blocs de plusieurs jours dans le nous fabriquons toutes les pièces sur me- centre de formation professionnel d’Are- sure, chez nous ». nenberg, à Salenstein, dans le canton On comprend donc que Pavel Jezdik de Thurgovie. Les branches enseignées doive suivre un enseignement très diver- abordent, outre la mécanique et la sifié, qui va de la menuiserie classique au connaissance des outils et des matériaux, travail du cuir et des métaux. « Ce métier également les techniques d’usinage, le est incroyablement varié. La seule rou- dessin industriel, l’acoustique, la connais- tine que nous connaissions, à la rigueur, sance des instruments et des styles. Les c’est de préparer des réserves de petites capacités musicales ne jouent étonnam- CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Habileté manuelle -Capacité à se représenter les objets en trois dimensions -Talent pour le dessin -Sens esthétique -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux semaines au Centre de formation d’Arenenberg (TG) - Une demi-journée par semaine à l’école professionnelle (branches générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine ayant de bonnes notes - Examen de maîtrise à l’école professionnelle de facteurs d’instruments de musique de Ludwigsburg (en Allemagne) Pavel Jezdik doit suivre un enseignement très diversifié, qui va de la menuiserie classique au travail du cuir et des métaux. Son répondant, Pascal Seiler, se charge de faire de cet apprenti de 19 ans un membre de l’équipe parmi les autres. 21 professionnelle pour les apprentis Artisanat 1/2014 - Possibilité d’obtenir la maturité Q uand on lui demande s’il deviendra artiste une fois son proportion de filles parmi la dizaine d’ap- apprentissage terminé, Philipp Lüthi reste muet, mais on prentis par an que compte la profession sent ce souhait très fort chez lui. En effet, il suffit de demander avait beaucoup augmenté il y a une dizaine à ce jeune Soleurois quelle est sa pierre préférée pour voir son d’années, atteignant un tiers des recrues, visage s’illuminer en parlant des nombreux avantages et de la elle est de nouveau en recul. vivacité du calcaire, une pierre de sa région, le Jura, qu’il com- LA RESTAURATION, UN NOUVEAU CŒUR DE MÉTIER pare à la froide élégance et à la stérilité rebutante du marbre italien. L’apprenti montre aussi fièrement l’une de ses premières œuvres, une petite sculpture représentant un corbeau noir à l’air Son maître dit de Philipp qu’il est sage et tranquille. Philipp, 18 ans, est cependant suffisamment doué, très mûr pour son âge, autonome réaliste pour apprécier à leur juste valeur les avantages d’un et fonceur. « Quelle que soit la voie qu’il apprentissage. « Il est aussi possible d’acquérir les gestes de base, choisira, il gagnera bien sa vie dans notre à l’école de sculpture de Müllheim, dans le canton de Thurgovie, métier, d’autant plus qu’il a suffisament ou dans une haute école spécialisée, mais suivre une formation confiance en lui-même ». Hans Peter Zuber initiale donne de l’assurance ». Philipp accepte par conséquent voit un grand potentiel dans la rénovation sans rechigner les aspects moins plaisants de sa formation : « Je de bâtiments anciens. « Il suffit de regarder n’adore pas les pierres tombales et n’aime pas non plus toutes autour de soi pour voir à quel point les bâ- les rénovations, mais elles font partie du métier ». timents d’importance historique tombent en décrépitude. On ne pourra pas remettre 22 Artisanat 1/2014 TOUJOURS MOINS DE PIERRES TOMBALES à l’infini les restaurations nécessaires, car Son formateur, Hans Peter Zuber, en est convaincu : il faut la pierre ne pardonne pas, et encore moins absolument se diversifier pour avoir un avenir dans la branche. Si le calcaire du Jura, qu’on trouve beaucoup l’on pouvait autrefois vivre confortablement de la sculpture pour chez nous, et qui est une pierre délicate. » cimetières, qui pouvait représenter jusqu’à 80 % des commandes, de bâtiments et la fabrication de fontaines, Même si restaurer un bâtiment ne si- on s’estime aujourd’hui heureux si ce pourcentage atteint 40 %. qui complètent le travail traditionnel de la gnifie pas simplement empiler des blocs « Ces derniers temps, les mœurs funéraires ont énormément pierre brute (taille, fraisage, ponçage), y de pierre, cette activité rapproche le métier changé, et les pierres tombales traditionnelles sont moins deman- prennent toujours plus d’importance. Sans de sculpteur de pierre de celui du mar- dées. On préfère se faire des sépultures familiales ou répandre oublier la spécialité du chef, la création de brier, qui travaille en général selon des simplement les cendres du défunt dans la nature », constate Hans robinets artistiques en bronze pour déco- indications précises et ne peut pas faire Peter Zuber. Cette micro-entreprise, sise à Luterbach, près de So- rer les fontaines. « Survivre en ne faisant preuve de grande créativité. Hans Peter leure, et qui compte un patron, un apprenti et un auxiliaire tem- que travailler la pierre devient de plus en Zuber est formel : l’apprenti qui arrive avec poraire, s’est adaptée à cette évolution inexorable : la rénovation plus difficile, et les choses ne vont pas des prétentions artistiques doit quelque s’améliorer ». peu revoir sa copie. Quant à Philipp Lüthi, SCULPTEUR SUR PIERRE CFC – De nombreux métiers artisanaux ont un lien évident avec l’art. La sculpture sur pierre, où la créativité joue un rôle très important, en est un bon exemple. PHILIPP : Il y a 21 ans, lorsqu’une jeune femme il sait déjà qu’une fois son apprentissage de 23 ans l’a supplié de la prendre comme terminé, il fera une formation dans le do- apprentie, Hans Peter Zuber n’a pas maine de la restauration. Mais d’ici là, il pu se dérober : « L’expérience a été très lui est permis de rêver un peu. C’est en concluante, car je transmets volontiers tous cas ce que montrent les nombreux mes connaissances et j’aime le contact dessins et esquisses qu’il a réalisés en vue avec les jeunes ». Il faut d’ailleurs souligner du 1er championnat suisse des métiers, que la sculpture sur pierre convient tout le SwissSkills Berne 2014. Le nu féminin aussi bien aux femmes qu’aux hommes, prévu pour cette occasion promet de faire car les machines y remplacent en bonne date ... partie la force physique. Toutefois, si la ” FAIRE UN APPRENTISSAGE DONNE PLUS D’ASSURANCE. CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Habileté manuelle -Don artistique et créativité -Capacité de se représenter les objets en trois dimensions -Un dos sain -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises d’une à deux semaines par année d’apprentissage -Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de 23 bonnes notes Artisanat 1/2014 maturité professionnelle Si les sculpteurs se consacraient auparavant surtout à la « sculpture pour cimetières », d’autres créneaux, comme la construction de fontaines, ne cessent de gagner aujourd’hui en importance. Pour cette raison, le formateur, Hans Peter Zuber, privilégie la polyvalence. Philipp Lüthi ne le déçoit pas, son point fort étant les figures. CÉLIA : ” débouchés. Elle se voit comme la « gardienne » d’un métier artisanal, le tissage, « le plus beau métier du monde ». PAYER LE PRIX UN JOUR, JE ME TROUVERAI UN CRÉNEAU. Les clients du Filambule sont surtout des personnes qui savent apprécier à sa juste valeur un travail artisanal de précision et des matériaux de haute qualité, produits dans le respect de l’environne- 24 Artisanat 1/2014 CRÉATRICE DE TISSU CFC – Créer des ESPRIT LOGIQUE EXIGÉ tissus est un métier des plus complexes. Mais le tissage – ou la création de Pour l’exercer, il faut aimer la technique et tissu, pour utiliser l’expression actuelle, les activités manuelles, très bien connaître plus précise – n’est pas aussi simple qu’il les matériaux, avoir un goût sûr pour y paraît, et Célia s’en aperçoit rapidement. « Le travail lui-même, mais aussi l’esthétique et même posséder le sens des la formation théorique, est très complexe affaires ! À ment. Danièle Mussard cite en riant un proverbe qui veut qu’un tisserand nu soit un tisserand heureux : le tisserand est nu parce qu’il a vendu ses produits, et qu’il ne peut se permettre de se les acheter. Quiconque prend en main, par exemple, une écharpe merveilleusement caressante, de mohair, d’angora et de soie, aux superbes et parfois ardu ». Et la patronne, Danièle tons gris chatoyants, trouvera raison- Mussard, de renchérir : « Oh oui, et il faut nable de payer 200 francs pour un tel chef 26 ans, Célia Lutangu n’est pas vraiment l’apprentie typique avoir l’esprit logique. Un créateur de tissu d’oeuvre artisanal. de deuxième année. Elle ne détonne pourtant pas parmi les doit bien savoir calculer ». Concrètement, il Dans une propriété en Bourgogne, le Célia Lutangu aime aussi concevoir et créateurs de tissus, chez lesquels c’est plutôt la règle que l’excep- s’agit d’élaborer un projet sur papier ou à Filambule a une sorte de filiale où plu- produire des articles sur commande : des tion de trouver sa voie seulement au deuxième apprentissage. l’ordinateur, de déterminer les matériaux sieurs cours créatifs ont lieu en été. « Si rideaux, des tissus, des nappes, ou même et les structures de tissage et de faire un l’on ne travaille pas dans un atelier protégé une étole. La jeune femme ne craint pas de échantillon afin de tester la qualité. Il faut où le tissage est enseigné, ou pour l’indus- ne pas gagner sa vie plus tard : « Un jour, je Danièle Mussard, formatrice à l’Atelier Filambule, à Lau- aussi calculer les coûts du matériel, pré- trie ou pour un couturier, on ne peut pas trouverai un créneau qui me conviendra ». sanne, n’y trouve rien à redire, bien au contraire. « Tous mes parer celui-ci et régler le métier à tisser, ce vivre de la vente de produits tissés main », Elle a déjà des plans précis pour l’avenir apprentis arrivent en ayant déjà au moins commencé une autre qui peut prendre plusieurs jours. Ce n’est reconnaît sans détour Danièle Mussard. proche, une fois qu’elle aura son CFC en formation et eu une première expérience professionnelle. Dans qu’ensuite qu’on commence à tisser. Ce n’est donc pas un hasard si cette éner- poche : elle a déniché une place de sta- gique femme d’affaires s’est créé d’autres giaire à Berlin. UN BAGAGE APPRÉCIÉ notre métier, c’est un avantage d’avoir des connaissances dans une activité apparentée ». PLUSIEURS POINTS D’APPUI Un bagage professionnel, voilà qui ne manque vraiment pas Le tissage proprement dit est ce qui à Célia. Après sa scolarité obligatoire, cette fille d’une Suissesse plaît le plus à Célia. « C’est répétitif, c’est et d’un Angolais, qui a grandi à Morges, a commencé par faire vrai, mais j’aime ce geste. Je pourrais un diplôme sur deux ans de Couture/Modélisme/Stylisme dans passer mes journées à tisser tranquille- une école privée à Lausanne. Elle a ensuite enchaîné avec des ment ». Ce qui n’est pas vraiment possible stages de plusieurs mois à Paris et Bruxelles dans le domaine du au Filambule, car l’entreprise de Danièle design textile, tout en travaillant comme styliste et même gérante Mussard n’est pas seulement un lieu de dans des boutiques. « Mais cette voie ne me satisfaisait plus production, mais aussi une école d’art tex- véritablement », raconte-t-elle. « Pendant tout ce temps, j’étais à tile et une galerie. Des cours pour débu- la recherche d’un métier qui me plaise vraiment, et j’ai fini par tants et avancés y sont donnés plusieurs trouver : le tissage ». Une bourse de places d’apprentissage lui fois par semaine, et l’apprentie y assiste. permet de décrocher son poste actuel à l’Atelier Filambule et de « Lorsqu’on y enseigne quelque chose que trouver sa voie : « Parmi toutes les activités que j’ai faites jusqu’à je ne connais pas encore, j’apprends au maintenant, le tissage est de loin celle qui me plaît le plus ». même titre que les autres », explique-t-elle. Le tissage, une activité complexe, procure beaucoup de joie à Célia Lutangu. Sa formatrice, Danièle Mussard, qui se voit comme la « gardienne » d’un métier artisanal, ne néglige pas pour autant l’aspect économique. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Don pour le dessin, créativité - Sens logique, bonnes capacités de calcul - Capacité de se représenter les objets en trois dimensions - Goût pour la technique - Sens des couleurs et des formes - Patience et persévérance - Capacité d’écoute des clients DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Trois leçons par semaine à l’école professionnelle (branches générales) - Trois cours blocs de deux Maria, dans le Val Müstair - Un cours interentreprises d’une semaine par an - Canton du Tessin: CSIA (Centro scolastico per le industrie artistiche), Lugano, www.csia.ch « Je pourrais passer mes journées à tisser tranquillement », admet volontiers Célia Lutangu. 25 professionnelle de Santa Artisanat 1/2014 semaines par an à l’école L es anciennes amours peuvent parfois, contre toute attente, rant, et que la peau de mouton réchauffe. » le lancement de cette ligne, les peaux des se réveiller », constate Janine Räber, en jetant un regard L’apprentie trouve par ailleurs tout à fait quelque 30 000 renards que les chasseurs autocritique, mais bienveillant, sur son parcours professionnel. passionnant de chercher la bonne com- abattent chaque année étaient éliminées Cette jeune femme de 25 ans a commencé par suivre une forma- binaison de morceaux de fourrures pour comme des ordures. tion de couturière en fourrures et par travailler quelque temps qu’épaisseur, couleur, taille et longueur dans ce domaine. Elle a ensuite changé d’orientation et fait un de poil forment un tout harmonieux. Le apprentissage de commerce « classique ». « Peu à peu, je me suis travail lui plaît, quel que soit le vêtement rendu compte que j’étais à l’étroit dans un bureau et que je ne à prendre en main, ou les pièces à conce- Avec le temps, Thomas Aus der Au es- pouvais pas y donner libre cours à mon imagination. La liberté voir, coudre et réparer. « J’ai une préférence time avoir la peau dure. Mais il s’étonne de création, le goût pour l’élégance et la mode, le travail artisa- pour les vestes pour jeunes femmes, mais toujours de voir toutes les contre-vérités nal avec de beaux matériaux naturels me manquaient », affirme j’aime aussi faire des manteaux, des cha- publiées dans les médias. « Notre société la Schwytzoise pour expliquer ce deuxième changement de cap. peaux ou des bordures. » L’idéal pour la accepte que l’on élève des animaux si on Et comme elle voulait améliorer son bagage professionnel, elle future pelletière est de pouvoir dévelop- le fait dans des conditions respectueuses s’est lancée dans un autre apprentissage, celui de « créatrice de per son idée avec le client : « Nous sommes de l’espèce. La chasse et l’élevage d’ani- vêtements, orientation vêtements en fourrure », un néologisme tous très différents les uns des autres, et maux en fourrure rentrent tout à fait dans derrière lequel se cache le très ancien métier de pelletier. Et grâce devrions choisir la fourrure en fonction de ce cadre, tout comme la liberté de porter à sa formation de couturière, elle ne fait que deux des trois ans notre personnalité. Et je trouve qu’il ne de la fourrure si on le souhaite », souligne que dure l’apprentissage. faudrait pas utiliser de la fourrure comme l’entrepreneur. Il s’engage d’ailleurs en doublure. » faveur d’un contrôle strict des élevages, à 26 Artisanat 1/2014 SELON L’ENVIE ET L’HUMEUR DES ANIMAUX DE RENTE COMME LES AUTRES Rendre la fourrure invisible en en fai- l’image de ce qui se fait actuellement dans Janine, une amie de la nature, n’exprime pas en paroles sa sant une doublure, pour ne pas subir les chaque exploitation agricole et chaque éle- passion pour les fourrures, mais on sent la joie que lui procure le foudres de ses détracteurs, souvent agres- vage de volaille. Autre problème : seule une travail avec ce matériau. « Il arrive souvent que je puisse choisir sifs ? Blessée dans son orgueil, Janine moi-même les peaux à utiliser pour fabriquer un vêtement. Je Räber monte au créneau : « Je respecte maux. Il a ainsi joué un rôle déterminant dans des commerces spécialisés. Les clients me laisse alors guider par mes envies et par mon humeur : il me ceux qui, pour des raisons de principe, dans la décision des membres de l’Associa- devraient par conséquent y regarder à deux faut être bien lunée pour le renard et ses longs poils parfois gê- sont contre le fait de porter et de fabri- tion professionnelle suisse des fourreurs fois avant d’acheter des articles importés nants, tandis que le vison et l’astrakan ont plutôt un effet rassu- quer des vêtements en fourrure. Mais je Swissfur d’introduire, en 1996, la déclara- dans des boutiques, des centres commer- n’accepte pas que toute une branche soit tion systématique des fourrures (alors que ciaux ou même sur Internet. harcelée sur la base de fausses informa- la loi qui la rend obligatoire n’est entrée en Cet homme de 57 ans, qui compte parmi tions. C’est d’une bassesse incroyable que vigueur qu’au 1er mars 2014 !) Il est aussi les rares formateurs de Suisse, croit à l’ave- d’accuser la pelleterie suisse de mauvais l’un des initiateurs de la collection de mode nir de la pelleterie dans notre pays : « Il y a traitements sur des animaux. » « SwissRedFox », qui prouve que le renard toujours de la demande pour des créations roux suisse convient parfaitement à la fa- personnalisées plutôt que des productions brication d’articles haut de gamme. Avant en série, et il ne faut pas oublier le service JANINE : ” JE POURRAIS MÊME ENTRER À L’ÉCOLE DE DESIGN. CRÉATRICE DE VÊTEMENTS CFC, DOMAINE SPÉCIFIQUE VÊTEMENTS EN FOURRURE – La pelleterie, l’un des plus anciens métiers du monde, essuie aujourd’hui les critiques des défenseurs des animaux. Elle ne baisse pas les bras pour autant. LES PEAUX DE RENARD NE SONT PAS DES DÉCHETS petite partie des fourrures sont vendues à la clientèle et les réparations. Le potentiel est là, et nous avons besoin de bons professionnels. » Thomas Aus der Au précise que la branche offre de nombreuses possibilités de perfectionnement et de travail à Thomas Aus der Au, le formateur de l’étranger. Son apprentie, Janine, entrevoit Janine, lutte depuis longtemps contre les toutes sortes de possibilités : « Si je veux, préjugés et le manque d’information. Pro- après avoir passé l’examen de maîtrise, je priétaire d’une entreprise familiale tradi- peux même entrer à l’école de design. Mais tionnelle qui compte trois employés à Zu- je pourrais aussi ouvrir mon propre atelier, rich-Wiedikon, il est un précurseur dans sa travailler à temps partiel ou gagner ma vie branche en matière de protection des ani- en réalisant des mandats à domicile. » CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Goût pour la mode -Sens des formes et des couleurs -Habileté manuelle -Talent pour le dessin -Patience et persévérance -Aimer le contact humain DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Trois ans de formation initiale -Un jour par semaine à l’école professionnelle -Cours interentreprises de plusieurs jours sur des sujets spécifiques -Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant 27 de bonnes notes Artisanat 1/2014 maturité professionnelle Janine Räber trouve passionnant de chercher la bonne combinaison de morceaux de fourrures. Thomas Aus der Au lutte depuis longtemps contre les critiques injustifiées et défend la cause des animaux. Janine Räber partage son opinion et estime que l’utilisation de peaux de renard indigènes est une solution convaincante. ARTISAN DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION MAROQUINERIE – Un métier dans lequel il faut, pour réussir, avoir atteint un équilibre entre sens de la mode et maturité artistique. ERICK : UN ENRICHISSEMENT capitale, comprend aussi une boutique. Il deuxième année d’apprentissage et ne re- offre surtout des sacs à main pour dames. grette pas un instant son nouveau départ. Il s’agit là exclusivement de modèles haut « Je vis de manière beaucoup plus intense de gamme conçus et réalisés sur place, maintenant, ma formation est très enri- dont le design peut tout à fait, de l’avis chissante. J’aime pouvoir voir le résultat d’experts de la mode, rivaliser avec les concret du travail de mes mains. » Parmi marques mondiales. On n’y travaille par ses amis, l’étonnement du début a cédé principe que des cuirs de bœuf ayant subi la place à un certain respect. « Il y a aussi un tannage végétal, non toxique. Le cuir des gens pour lesquels ce changement est de crocodile et celui de serpent sont abso- MA VIE A GAGNÉ EN INTENSITÉ. 28 Artisanat 1/2014 B Münstergasse, une rue historique de la Erick Guillard en est maintenant à sa ” lument bannis, comme la sous-traitance d’étapes de production à l’étranger. L’accent est mis sur le service à la clientèle, ce que les « grands » de la branche ne font erne a connu quelques changements d’orientation profes- une sorte de déchéance, mais je ne le vois pas vraiment. « Nous nous sommes trouvé sionnelle spectaculaires ces dernières années. Il y a eu ce pas du tout comme cela. Pour moi, l’impor- un créneau dont le potentiel nous permet tenancier de plus de 50 ans, chouchou des milieux branchés, qui tant est d’être en paix avec moi-même. Je de bien vivre depuis bientôt dix ans. Nous a abandonné le bar pour un apprentissage de techno-imprimeur, préfère mon train de vie actuel, modeste, à ne misons pas sur le luxe, mais sur la ou encore ce rédacteur en chef d’un quotidien en vue qui a quitté mes anciennes ambitions. » L’ancien dan- qualité », souligne la maroquinière. Qui son équipe pour réaliser le rêve de sa vie : être chauffeur de bus. seur dit aussi que penser à ses apparitions ajoute que leur équipe de cinq personnes Si la reconversion d’Erick Guillard n’a pas autant fait parler « malheureusement nombreuses » dans des a du pain sur la planche et qu’il est impor- d’elle, elle n’en est pas moins surprenante. Danseur étoile du opérettes ou comme figurant dans des opé- tant pour elles de pouvoir compter sur les Théâtre de la Ville de Berne, il s’est lancé dans un apprentissage ras le fait maintenant plutôt frémir que apprentis. de maroquinerie et fabrique maintenant sacs, serviettes, étuis et rêver. portemonnaies. Pour Erick Guillard, la question du Ce Bernois d’adoption attribue une retour dans le monde de la danse ne se bonne partie de sa satisfaction au poste pose plus. Après son apprentissage, il en- qu’il occupe dans un petit atelier de la visage de rester à temps partiel au moins Ce n’est pas par hasard si après 23 ans de scène, Erick vieille ville. Il aime la philosophie des deux durant une certaine période à l’atelier de Guillard a troqué ses chaussons de danse contre l’alêne et les propriétaires, Fiona Losinger et Ursula la Münstergasse, parce qu’il estime avoir aiguilles. Après qu’un accident et une blessure à la hanche ont Häni, parce qu’elles accordent beaucoup encore beaucoup à apprendre, surtout mis fin plus tôt que prévu à sa carrière de danseur, en 2011, d’importance à la créativité. « Presque en technique de travail et en design. Il on le voyait déjà rester dans le milieu de la danse en devenant chaque mandat est en fait pour moi un n’exclut pas de se mettre un jour à son chorégraphe et pédagogue. Ce Français d’origine, qui a étudié projet que je peux gérer de manière auto- compte : « Pour ouvrir son propre atelier, il la danse classique à Paris et à La Rochelle, et a, entre autres, nome, du choix du matériel à la dernière faut investir dans les 30 000 francs, ce qui fait partie durant huit ans du Ballet national de Nancy sous la finition. » n’est pas exorbitant. Mais il faudrait que UN CHANGEMENT RADICAL direction de Pierre Lacotte, a contre toute attente décidé de faire table rase du passé et d’entamer un apprentissage : « Je voulais toutes les conditions soient réunies. » UN RÔLE AU SEIN DE L’ÉQUIPE recommencer à zéro, mener une existence totalement nouvelle, Les patronnes sont extrêmement satis- hors des projecteurs et des énormes pressions de la danse. J’ai faites de leur surprenante « recrue ». « Erick opté pour un métier dont je savais qu’il me conviendrait. » Cet est une bonne personne, il est doué et maî- apprenti de 41 ans ne s’est pas lancé dans un monde totalement trise déjà bien le métier. Il est rare qu’un inconnu pour lui : il avait eu l’occasion d’observer des heures apprenti sache fabriquer un sac de A à Z durant le travail du cuir dans les ateliers du Théâtre de la Ville à la fin de sa première année. Il convient de Berne, dont il était un habitué. parfaitement à notre petite équipe », se félicite Ursula Häni. Le local, situé à la Erick Guillard a troqué la scène contre l’atelier de maroquinerie : « Ma formation est très enrichissante. » CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Sens de la mode -Goût pour les formes et les couleurs -Don pour le dessin -Habileté manuelle -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Trois ans de formation initiale -Un jour par semaine à l’école professionnelle -Cours interentreprises de plusieurs jours -Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de 29 Artisanat 1/2014 bonnes notes Erick Guillard s’épanouit au sein de l’équipe créative de la vieille ville de Berne : sa formatrice, Ursula Häni, est extrêmement satisfaite de cette surprenante « recrue ». C’ n’en ont qu’une vague idée, de sorte que ture de sport de luxe », avoue sans détours Mauro Lima- je peux faire des propositions et les réa- Son formateur, Leo Schuler, se félicite cher. Bien qu’il ne soit qu’en deuxième année, cet apprenti de 17 liser ». Une autonomie qu’il apprécie à sa des plans de son protégé, qu’il n’hésite pas ans s’est déjà familiarisé avec les principales tâches du métier, juste valeur, car il est rare qu’un apprenti à qualifier de « véritable aubaine pour notre car son entreprise formatrice – l’atelier de cuir Schuler d’Einsie- se voie confier ce genre de responsabili- entreprise ». Âgé de 48 ans, ce garnisseur deln – compte parmi les plus polyvalentes de la branche. Travaux tés. Il y a tout de même certaines limites, en carrosserie et sellier qualifié, titulaire de sellerie classiques sur meubles, capitonnages pour l’automo- puisqu’il n’a pas eu le droit d’intervenir d’une maîtrise dans la première de ces pro- bile et le nautisme, restauration de la capote d’une voiture : la dans la restauration d’une superbe Mase- fessions, est persuadé que les perspectives gamme de ses savoir-faire est vaste. Cette entreprise dynamique rati Zagato. Néanmoins, ses compétences « sont très bonnes pour les gens motivés, et est aussi présente dans un autre secteur important, celui des suffisent aujourd’hui déjà pour capitonner le resteront ». Grâce à la polyvalence exigée coussins de positionnement pour tables d’opération, qu’elle livre les portes d’une Porsche. « Tout est dans au quotidien, il est toujours possible de dans toute la Suisse. Une diversité que Mauro apprécie : « Je ne la précision, les dimensions doivent être prospecter des créneaux. Il ajoute que son m’ennuie jamais, presque toutes les commandes sont des pièces respectées au millimètre près, autant dire atelier fondé il y a 20 ans a toujours eu un uniques. En outre, nous ne travaillons pas seulement le cuir, que la concentration doit être totale ». carnet de commandes bien garni et qu’il mais aussi d’autres matériaux comme le textile et le métal, et cela Alors qu’il n’obtenait que des notes s’est refusé à une éventuelle expansion. moyennes à l’école secondaire, Mauro « Avec cinq employés à plein temps et trois estime que les exigences scolaires de sa à temps partiel, je garde la maîtrise de filière sont tout à fait dans ses cordes, mon entreprise. En outre, la question de la Pour ce Schwytzois domicilié dans les environs, dans le vil- d’autant plus que l’ambiance est bonne au succession n’est pas réglée, car mes deux lage de Schindellegi, la grande latitude que lui laissent de nom- centre professionnel de Zofingue (Argovie). filles ne se battront pas pour la société ». breuses commandes est un autre avantage de ce métier : « Cer- « Je suis content d’avoir assisté à une jour- Leo Schuler souligne l’importance de tains clients savent parfaitement ce qu’ils veulent, mais d’autres née de découverte chez Schuler, suivant donner à la relève une formation qui soit à MAURO : en cela les conseils de mes parents. C’est la fois moderne et pratique. C’est la seule tout à fait le métier qu’il me fallait, avec façon de s’assurer un avenir, estime ce mes capacités, ma quête de créativité et professionnel, qui a joué un rôle important ma façon d’être », conclut un Mauro satis- dans les activités de la CI LETEX (Com- fait. Il n’est donc guère étonnant que son munauté d’intérêts du cuir et du textile). avenir professionnel soit tout tracé dans sa « Notre métier représente une partie non tête : « Une fois que j’aurai quelques années négligeable du secteur PME et ne peut pas d’expérience dans la branche, je voudrais simplement disparaître. Actuellement, il passer l’examen professionnel supérieur, est aussi un important fournisseur de pro- pour un jour fonder mon entreprise ». duits de pointe, comme des filtres spéciaux très souvent d’ailleurs ». Artisanat 1/2014 LIBERTÉ, CRÉATIVITÉ, RESPONSABILITÉ 30 UN MÉTIER D’AVENIR est assez excitant de participer à la restauration d’une voi- PRESQUE TOUTES LES COMMANDES SONT DES PIÈCES UNIQUES. ARTISAN DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION VÉHICULES ET TECHNIQUE – Bâche pour bateau, remise à neuf du capitonnage d’une voiture d’époque, siège de moto sur mesure et bien d’autres articles encore : l’artisan du cuir ayant choisi l’orientation Véhicules et technique pratique assurément un métier varié. ” ou des entoilages ». UN MÉTIER QUI SE FÉMINISE Les experts estiment que la relève est assurée pour le moment, car la profession compte une quarantaine d’apprentis. C’est surtout aux jeunes filles que l’on doit ce chiffre élevé, elles qui sont toujours plus nombreuses à se lancer dans ce métier. Et cette tendance reste à la hausse. Ce que Mauro Limacher apprécie le plus dans sa profession : les contacts avec la clientèle et la variété des activités. La gamme des commandes va en effet de la remise en état d’une voiture d’époque aux travaux de sellerie classiques sur meubles. CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Habileté manuelle -Sens des formes et des couleurs -Dons de dessinateur -Agilité physique -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Trois ans de formation initiale -Un jour par semaine à l’école professionnelle -Cours interentreprises de plusieurs jours -Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les 31 Artisanat 1/2014 apprentis ayant de bonnes notes Mauro Limacher fait son apprentissage chez Leo Schuler, l’un des maîtres d’apprentissage les plus connus de sa branche. Ce formateur est convaincu qu’il ne faut pas laisser disparaître son métier, qui représente une partie non négligeable du secteur PME. ARTISANE DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION SPORT ÉQUESTRE – L’équitation est un sport toujours plus pratiqué en Suisse, et les artisans du cuir et du textile savent exploiter les nouvelles perspectives que leur offre cet engouement pour le cheval. vières, ces courroies qui retiennent l’étrier, en passant par les attaches de selles. Il lui arrive aussi de produire des ceintures Le patron et formateur de Rebecca, et de faire des réparations. Si elle aime Urban Truniger, se félicite des progrès sentir l’odeur du cuir et le travailler de ses accomplis par son apprentie : « Elle aime mains, elle sait aussi apprécier l’aide des son travail et notre sellerie », explique ce appareils, par exemple la pareuse, qui l’af- Thurgovien lui-même cavalier et conduc- fine : « Les machines ont l’avantage d’être teur d’attelage passionné. Des huit per- REBECCA : ” R sonnes qui composent son équipe de Bürg- très précises, ce à quoi je ne parviens pas Artisanat 1/2014 JE NE ME VOIS PAS ASSISE DEVANT UN ORDINATEUR. 32 LES FEMMES ONT LE VENT EN POUPE len, toutes sont des femmes (EquiNomic a aussi une petite succursale en Allemagne pour sa clientèle européenne). « Autrefois, la sellerie était un métier presque exclusivement masculin. Les garçons n’ont maintenant plus grand intérêt pour les professions artisanales, tandis que les filles arrivent à notre métier à travers l’équitation. » Urban Truniger est par ailleurs per- ebecca Ammann aime les chevaux, cela ne fait pas l’ombre encore toujours. » Rebecca s’occupe aussi suadé que sa branche – une cinquantaine d’un doute. « Je fais de l’équitation depuis que je sais mar- volontiers des clients, d’autant plus que d’entreprises sur l’ensemble du territoire cher », mentionne cette jeune femme de 18 ans pour expliquer sa les discussions tournent en général autour suisse – ne doit pas craindre pour son ave- passion. Elle raconte aussi avoir participé à son premier tournoi des chevaux et de l’équitation. Quant à nir : « Nous n’allons pas manquer de tra- à l’âge de huit ans. Si elle préférait le saut à l’époque, elle s’est l’enseignement de l’école professionnelle, vail. L’équitation est de plus en plus pra- ensuite mise au Concours complet, ou Military, une discipline qui lui transmet, en plus des branches tiquée, de nouvelles disciplines naissent, bien plus diversifiée, qui consiste en trois épreuves : le dressage, générales, tout un savoir sur le travail du comme le western et le trail. Les cavaliers le cross et le saut d’obstacle. « Je ne suis pas mauvaise, mais pour cuir et des textiles, il ne lui cause pas de ne rechignent pas à la dépense, car il est percer il faut avoir un très bon cheval, ce que je ne peux pas me problème particulier. Elle juge en outre inutile d’avoir un bon cheval si le matériel permettre », explique cette Zurichoise. « Mais j’ai tout de même très intéressants les cours blocs qui sont n’est pas à la hauteur. » beaucoup de plaisir à monter. » donnés en Autriche, dans le Vorarlberg Rebecca n’a pas de projets bien dé- (des cours qui, pour les Romands, ont lieu terminés pour l’avenir. Elle n’y pense pas à Vevey). vraiment. Pour le moment, elle se verrait UN GOÛT POUR LE TRAVAIL MANUEL Avec ses bons résultats scolaires, Rebecca a pu choisir libre- Une fois son apprentissage terminé, bien continuer à travailler chez Urban ment son apprentissage. Elle savait qu’elle opterait pour un lorsqu’elle aura acquis suffisamment d’ex- Truniger après son apprentissage puis, métier artisanal, si possible en lien avec l’équitation. « De plus, périence, elle pourra fabriquer une selle un jour, envisager de se perfectionner et je n’aime ni les ordinateurs ni les bureaux, je préfère travailler de A à Z. La relation avec les clients devien- de se présenter à un examen professionnel de mes mains. » Ses parents étant de fidèles clients de la sellerie dra alors centrale dans son activité. Une supérieur. « D’autres perspectives s’offri- EquiNomic, à Bürglen, dans le canton de Thurgovie, elle y a fait selle de cheval est en effet toujours faite ront peut-être à moi, qui sait ? Mais ça doit un stage de découverte. Une semaine après, sa décision était sur mesure, car elle est conçue en fonc- avoir un rapport avec les chevaux. » prise : elle deviendrait sellière (ou, pour utiliser la dénomination tion de l’anatomie de la personne qui va actuelle, « artisane du cuir et du textile CFC, orientation sport l’utiliser. Monter avec une selle mal ajustée équestre »). Elle fait maintenant plus d’une heure et demie de peut générer de mauvaises postures et des train par jour pour réaliser ce rêve. Autour d’elle, on trouve d’ail- problèmes de dos. C’est là le grand atout leurs son choix professionnel « très cool », la plupart du temps à des selliers : leurs produits coûtent au vrai dire sans savoir en quoi il consiste exactement. maximum 20 % de plus que ceux faits en En tant qu’apprentie de deuxième année, Rebecca peut déjà fabriquer seule toutes sortes d’articles, du harnais aux étri- série, une différence de prix qui se justifie totalement aux yeux des experts. Passionnée de chevaux, Rebecca Ammann a trouvé le métier de ses rêves, dont l’un des attraits, et non des moindres, est de pouvoir discuter chevaux et équitation avec les clients. CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Facilité en calcul et en géométrie -Habileté manuelle -Facilité de contact -Goût pour les formes et les couleurs -Don pour le dessin -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Trois ans de formation initiale -Un jour par semaine à l’école professionnelle -Cours interentreprises de plusieurs jours -Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant 33 de bonnes notes Artisanat 1/2014 maturité professionnelle En deuxième année, Rebecca peut déjà fabriquer seule de nombreux articles. Son formateur, Urban Truniger, se félicite des progrès qu’elle accomplit. RETO : PEUR, JAMAIS, MAIS DU RESPECT, TOUJOURS. ” MARÉCHAL-FERRANT CFC – Travailler avec des animaux éveille tout un monde d’émotions, aussi de nombreux jeunes s’intéressent-ils au ferrage du cheval et d’autres équidés. Sans soupçonner qu’il s’agit là d’un métier très exigeant. 34 Artisanat 1/2014 R DU TRAVAIL EN ABONDANCE four à gaz et à le battre sur l’enclume afin de lui donner la bonne forme. Finalement, À l’heure de choisir un métier, Reto Eg- le fer est ajusté et cloué, dernière étape genberger n’a jamais eu l’ombre d’un doute : d’un travail qui dure une heure. il allait simplement suivre les traces de son L’entreprise qu’Urs Teuscher, 50 ans, père, exploitant d’un atelier de maréchal- possède à Wiesendangen près de Winter- ferrant à Amriswil (TG). « J’apprécie la com- thur compte deux employés et deux ap- binaison du ferrage des chevaux et de la ser- prentis. Elle réalise aussi des travaux de rurerie », explique le jeune homme. Quand serrurerie, de sorte que les personnes en on lui demande s’il n’a jamais eu peur des formation peuvent également s’y exercer. chevaux, il répond, reprenant la devise de « Ferrer est une opération pénible, qui exige son maître d’apprentissage : « Peur, jamais, beaucoup de force et de savoir-faire. On mais du respect, toujours ». Les chevaux ou travaille le dos courbé, ce qui est éreintant. les ânes ne sont pas agités, voire agressifs, Aussi la forge et la serrurerie apportent- pour rien. Dans la plupart des cas, ils le elles un changement bienvenu ». Autant sont pour une raison concrète, comme une dire qu’Urs Teuscher n’est pas « 100 % sa- douleur ou de mauvaises expériences faites tisfait » de certains volets de la réforme qui, chez le maréchal-ferrant. eto Eggenberger, actuellement en troisième année d’appren- en 2008, a supprimé l’apprentissage com- Reto sait parfaitement ce qu’il fera une tissage, a longtemps dû se contenter du rôle d’auxiliaire : biné forgeron-maréchal-ferrant et introduit fois son CFC en poche : après un séjour pas tenir les jambes des quadrupèdes. En Suisse, la tradition veut en la spécialisation sur le ferrage des che- trop long à l’étranger, il aimerait rejoindre effet que l’on ferre les chevaux avec un aide. C’est ce qu’on appelle vaux. Il admet toutefois, par souci d’hon- l’entreprise de son père. Et il ne man- « ferrer à la française », alors que le reste du monde préfère « ferrer nêteté, que cette spécialisation comporte quera pas de travail, puisque le nombre à l’anglaise », le maréchal-ferrant travaillant seul. aussi des avantages indéniables. « Les d’ongulés ne cesse de croître depuis des personnes sortant de la nouvelle filière simple « ressemeleur » : grâce à sa solide années. Les statistiques recensent ainsi connaissent bien mieux le ferrage, tant en formation, il seconde le vétérinaire en dia- 110 000 chevaux, poneys, ânes et autres théorie qu’en pratique », constate-t-il avant gnostiquant en temps voulu les malfor- mulets en Suisse. Et chacune de ces bêtes Une solide expérience est nécessaire pour poser un fer. « On ne de rappeler qu’il n’y a pas si longtemps – mations, les maladies et les blessures des a besoin de quatre nouvelles « chaussures » peut pas mesurer le sabot, il faut avoir le coup d’œil pour en dé- jusqu’en 2004 – on ferrait des sabots morts membres et des sabots. En choisissant le toutes les six à huit semaines. terminer la forme : c’est un apprentissage dans les règles de l’art », lors des examens de fin d’apprentissage, et bon fer – et en le posant dans les règles de Un rêve trotte dans la tête de l’apprenti : explique Urs Teuscher, le formateur de Reto. Le maréchal-ferrant pas des chevaux vivants. l’art – ou encore en optant pour un chaus- participer à des concours professionnels son ou une ferrure spéciale, le profession- en Suisse et à l’étranger. Rien d’étonnant nel garantit le bien-être de l’animal. Les si l’on sait que les Confédérés trustent les chevaux portent en effet ces « chaussures » meilleures positions dans presque toutes 24 heures sur 24 ». les joutes. UN APPRENTISSAGE DANS LES RÈGLES DE L’ART commence par observer l’animal en mouvement. Ensuite, il ôte le vieux fer et pare le pied en enlevant la repousse pour redonner SECONDER LE VÉTÉRINAIRE au sabot sa forme d’origine. La prochaine opération consiste à Urs Teuscher est formel : « Le maré- choisir le fer qui convient, à le porter au rouge dans le foyer ou le chal-ferrant d’aujourd’hui est plus qu’un CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire achevée - Goût pour le travail avec des chevaux et sur le métal - Habileté manuelle - Force et bonne condition physique - Empathie - Goût pour le contact avec la clientèle DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de bonnes notes - Maréchal-ferrant qualifié - Examen professionnel 35 supérieur Artisanat 1/2014 maturité professionnelle Reto Eggenberger tire parti des vastes connaissances d’Urs Teuscher, son maître d’apprentissage. Le maréchalferrant doit non seulement maîtriser le ferrage, mais aussi connaître l’anatomie et les maladies des pieds des chevaux. J oshua Ritler, qui termine sa troisième année d’apprentissage, suite. « Quand on travaille avec des métaux maintenant convaincu d’avoir fait le bon parle en connaissance de cause : « Le métier de bijoutier précieux, on peut au moins les refondre », choix : « Cette combinaison de créativité et est vraiment manuel. Au début, on se perce, on se coupe et on explique Joshua. « Les pierres par contre de technique est parfaite pour moi ». se lime les doigts. C’est normal ! », dit-il dans un haussement sont très délicates, coûtent facilement des d’épaules. Une réalité bonne à savoir pour les nombreux jeunes milliers de francs, et une fois qu’elles sont qui s’imaginent pouvoir exercer leur créativité et leur sens artis- abîmées, il n’y a plus rien à faire ». tique en devenant bijoutier. 36 Artisanat 1/2014 DES ANNÉES DE PATIENCE L’INFORMATIQUE COMME AUXILIAIRE Le jeune Bernois a aussi dû accepter de Joshua voit dans la technique une pos- s’exercer pendant près de deux ans avant sibilité d’avenir pour sa profession, tout en d’être capable de fabriquer de A à Z un soulignant que cette opinion n’engage que Sa formatrice, Claudia Neuburger, détentrice d’un diplôme bijou relativement simple. « Il faut peut-être lui : « Je pense que les programmes CNC et fédéral de maître bijoutière, experte aux examens et enseignante une dizaine d’années d’expérience pour tout CAO et les imprimantes 3D gagneront en à l’Ecole d’art visuel de Berne, renchérit : « On se fait beaucoup maîtriser comme on le souhaiterait. Avant importance dans notre branche également. d’illusions sur ce métier, le romantisme nous fait y voir une cela, il faut accepter ses propres limites, Les bijoutiers devront s’y mettre ». Dans source de réalisation de soi et de créativité, mais ces aspects même si l’on sait que le résultat pourrait quelques années, on fera peut-être les pro- sont secondaires. C’est un métier avant tout technique, qui exige être meilleur », poursuit-il avec une matu- jets de bijou d’abord à l’ordinateur et seu- beaucoup de patience, de persévérance et d’huile de coude ». rité étonnante. Il dit ne pas être frustré pour lement la réalisation à la main. « Chaque La patience, justement : Joshua, 19 ans, n’en avait pas parti- autant : « C’est plutôt le perfectionniste en bijoutier doit décider quelle voie emprun- culièrement. « En fait, je ne suis pas patient de nature, mais dès moi qui souffre, mais je ne suis de loin pas ter : traditionnelle, moderne ou artistique ». que je suis à mon poste de travail, tout change », explique-t-il. Ce le seul bijoutier dans ce cas ». Joshua voit son avenir dans le style mo- qui ne l’empêche pas d’entrer dans de grandes colères lorsqu’il Ce que Joshua préfère, c’est pouvoir derne, et les techniques 3D l’attirent par- abîme un bijou presque fini, sur lequel il vient de travailler durant créer une pièce aussi parfaite que possible ticulièrement. Il ne pense pas pour autant des heures ou même des jours, simplement parce qu’il n’a pas sans devoir faire de compromis sur le ma- faire une maturité professionnelle, lui pris le temps de faire les choses tranquillement : « Dans ces cas, tériel et la durée d’élaboration – pour un qui était déjà content d’avoir terminé sa on ne peut s’en vouloir qu’à soi-même ». client évidemment disposé à en payer le scolarité obligatoire. Il envisage plutôt de prix. se perfectionner à l’école d’orfèvrerie de ACCEPTER SES PROPRES LIMITES Pour rendre la formation financièrement supportable pour les entreprises, les apprentis ne s’exercent que sur du laiton des mois durant. Mais des malheurs peuvent aussi arriver par la Pforzheim, en Allemagne. DIVERSITÉ DES GESTES ET DES MATÉRIAUX La clientèle de l’orfèvrerie de Claudia Neuburger, Punctum Aureum, dans la BIJOUTIER CFC – Le métier créatif de rêve par excellence ? Peut-être, mais aussi un métier exigeant beaucoup de persévérance et énormément de patience, en plus d’une grande habileté manuelle. Ce n’est qu’à ces conditions qu’esthétique et créativité sont au rendez-vous. vieille ville de Berne, étant en grande partie féminine, mais très variée, le travail l’est aussi : outre les pièces à créer, il y a les bijoux à réparer et ceux à modifier. C’est cette diversité que Joshua apprécie particulièrement dans son métier, en plus de la La formatrice Claudia Neuburger veille à ce que Joshua Ritler apprenne toutes les techniques de base. L’informatique jouera toutefois un rôle croissant à l’avenir. gamme presque infinie de matériaux, de pierres, et de possibilités de les utiliser. Au départ très attiré par le graphisme, il est JOSHUA : ” C’EST VRAIMENT UN MÉTIER MANUEL. Joshua Ritler doit acquérir non seulement beaucoup de savoirfaire, mais aussi une bonne dose de patience : « L’orfèvrerie est un métier technique, qui exige beaucoup de persévérance et d’huile de coude. » CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle, bonne motricité fine - Goût pour la technique - Créativité, goût esthétique - Capacité de se représenter les objets en trois dimensions - Bonne vision (le port de lunettes n’est pas un problème) - Patience, minutie et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Un cours interentreprises par an fin de formation) - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes - Perfectionnement : examen professionnel fédéral supérieur EPS de maître bijoutier, école supérieure (en design de produit, p.ex.) 37 d’apprentissage à 2 semaines en Artisanat 1/2014 (qui va de 7 semaines en début GRAVEUSE CFC – Peu de professions ont été autant transformées par l’informatique que la gravure, ce qui n’empêche ce métier artisanal très ancien d’avoir conservé ses racines. Artisanat 1/2014 sonnel, d’autant plus que notre métier vée en Suisse il y a dix ans, Laura s’y sent convient bien aux femmes. Nous devrions parfaitement intégrée. davantage nous adresser à elles. » Ce gra- Beat Heidersberger, son formateur, veur de 47 ans, qui a passé sa maîtrise en dirige un petit atelier fondé en 1995. Il y Allemagne, juge « certainement suffisant » occupe, derrière le Musée d’art du can- le niveau des formations proposées en ton d’Argovie, un auxiliaire à temps plein, Suisse. Il trouve certes logique qu’elles ne un à temps partiel et une apprentie. Au produisent pas de nouvel Albrecht Dürer, moment de la création de l’atelier, le mé- mais estime que les jeunes y reçoivent une LAURA : ” I tier de graveur était sur le point d’être bonne base. « Ensuite, chacun peut se spé- totalement transformé par les avancées cialiser s’il le désire. On peut s’assurer un technologiques et les nouveaux domaines bel avenir avec cette activité, même en fai- de travail. « Les graveuses laser, CNC, et sant des gravures classiques. » qu’elle a fait comme photographe professionnelle, une filière qui claires pour des raisons de traçabilité. Les s’était révélé être une impasse pour elle (ce à quoi la photographie implants dentaires, sur lesquels un code numérique n’était pas étrangère). Elle a découvert la gravure lors est gravé, en sont un bon exemple. Les d’un cours préparatoire, et ça a été le coup de foudre. « Je me suis prescriptions de sécurité obligent aussi les immédiatement rendu compte que presque tout me plaisait dans fabricants de câblages et de prises de cou- la gravure », se souvient la jeune Colombienne. rant destinés aux grandes infrastructures pantographes ont mis sens dessus des- Laura partage cet optimisme. Elle veut sous notre petit monde plutôt tranquille. rester fidèle au métier de ses rêves, même De nouveaux domaines se sont aussi si le temps béni des tables de gravure à ouverts au graveur. La gravure classique l’ancienne, des binoculaires et des loupes sur coupes et channes en étain est de- à serre-tête est en grande partie révolu. venue secondaire, laissant la place à de « Pour moi, l’important est que la créativité nouvelles activités, surtout pour l’indus- ne soit pas muselée et que la variété ne l faut parfois faire plusieurs essais pour trouver la bonne voie, trie. De nombreux produits, en particulier disparaisse pas sous une production de estime Laura. Cette jeune femme de 23 ans, en dernière année dans le domaine de la technique médicale, masse privée d’âme. » d’apprentissage, dit avoir déjà oublié depuis longtemps le stage doivent maintenant indiquer des origines LA DEUXIÈME FOIS A ÉTÉ LA BONNE. 38 (« géniale de simplicité et d’élégance »). Arri- tels que les aréoports à marquer leurs pro- HABILETÉ MANUELLE ET TECHNIQUE duits. Ce que Laura apprécie le plus dans son métier, c’est la combinaison entre le travail manuel créatif et le recours à la technique moderne (ordinateurs, appareils lasers et machines à graver 3D S’ADRESSER DAVANTAGE AUX JEUNES FEMMES notamment). « Les appareils exécutent maintenant la plupart des Ce maître d’apprentissage dévoué travaux en série, et nous disposons donc de bien plus de temps (« ce métier si beau et si ancien ne doit pour la création ». Cette activité artistique, justement, reste bien pas disparaître ») ne regrette pas le passé, présente, car on grave encore des objets et des bijoux (motifs même s’il n’apprécie pas plus que tant décoratifs, ex libris, paraphes et logos). Il arrive souvent que l’on de devoir sans cesse faire de nouveaux recoure à des outillages de frappe (poinçons), à des moules ou à investissements. A son avis, les avantages des pochoirs originaux. « La plupart du temps, nous travaillons l’emportent néanmoins. « Un graveur a en fonction des vœux des clients, ce qui nous donne souvent une maintenant en général plus de débouchés grande liberté. L’idéal, c’est quand nous pouvons développer un qu’autrefois ». Ce natif de Bâle espère par projet avec le commanditaire », souligne la jeune femme dans le conséquent qu’il y aura à nouveau plus dialecte argovien le plus pur. Ce n’est certainement pas tout à de places d’apprentissage sur le marché. fait un hasard si sa police de caractères préférée est l’Helvetica « Ce serait dommage de manquer de per- CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Scolarité obligatoire achevée -Bonnes aptitudes pour le dessin et le calcul -Habileté manuelle et sens de la technique -Goût pour le travail sur ordinateur -Autonomie DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Quatre ans de formation initiale -Un jour par semaine à l’école professionnelle -Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes -Modules de formation continue 39 Allemagne seulement) Artisanat 1/2014 -Examen de maîtrise (possible en Laura se réjouit que les appareils exécutent les travaux en série, ce qui laisse bien plus de temps pour la création. Beat Heidersberger, son patron et formateur, veille à ce qu’elle apprenne à fond les diverses techniques. J qu’il suit à Lenzburg, en Argovie, ne lui ces connaissances et de cette expérience dans un avenir semblent plus si redoutables. Il n’a d’ail- Grâce à sa diversité, l’armurerie n’a proche », explique Gilles Dufaux. L’apprenti de 19 ans doit en effet leurs pas le choix : il n’y a pas d’école spé- pas à craindre les crises. Il n’en reste pas être à la hauteur des attentes : dans quelques années, il entrera cialisée en Suisse romande. moins que, ces dernières années, le recru- au service de l’entreprise familiale de Granges-Paccot, reprenant tement de la relève n’a pas fonctionné à UN FORMATEUR QUI A LE GOÛT DE LA NOUVEAUTÉ le flambeau de son père Pierre-Alain qui partira à la retraite. Une décision importante que le jeune homme assume avec plaisir : « Ce Artisanat 1/2014 la perfection. Comme l’armée souffre elle aussi d’une pénurie de spécialistes, une métier me plaît, j’aime beaucoup tirer et l’ambiance au sein de Si les connaissances que Gilles doit nouvelle formation combinée, proposée l’équipe est super », avoue ce tireur au pistolet (10 et 25 mètres), acquérir sont si vastes, c’est notamment dès cet été, a été créée pour combler les qui fait déjà partie des cadres de la relève suisse. parce que Daniel Wyss est son maître lacunes. Les apprentis pourront se former formateur. Dans la branche, forte d’une tant dans les entreprises dirigées par un centaine d’entreprises, cet entrepreneur maître-armurier que dans les ateliers mi- L’initiation de Gilles Dufaux au monde de l’armurerie a été de Berthoud (Berne) a une réputation de litaires de Meiringen. L’inventeur Daniel minutieusement planifiée : il a commencé par suivre une forma- perfectionniste et de passionné. Ses inven- Wyss ne pouvait pas manquer de fêter tion de mécanicien de production avant de s’embarquer dans tions et ses produits fabriqués sur mesure cette nouveauté en y ajoutant la sienne : il un apprentissage supplémentaire d’armurier d’une durée de l’ont d’ailleurs rendu célèbre au-delà des formera pour la première fois une femme. deux ans. Le programme des cours est impressionnant : travail frontières suisses. La dernière création « Je ne vois aucune raison de réserver l’ar- du métal et du bois, optique, balistique, électrotechnique, sys- sortie du cerveau de Daniel Wyss, qui ne murerie aux hommes. » tèmes de commande, anglais technique et même service client (en chasse pourtant pas, est un engin pour Les préjugés et les attaques ne sont magasin ou dans la salle de tir de 100 m de l’entreprise). Sans donner le coup de grâce au gibier qui, rien de nouveau pour Daniel Wyss, et compter les nombreuses connaissances spécialisées qu’il faut grâce à son calibre inférieur, n’endom- Gilles Dufaux en sait aussi long sur le acquérir pour réaliser des réparations. Le Fribourgeois prend mage pas la chair. Il place également haut sujet. « Nous ne pourrons pas convertir les cette réalité avec philosophie : « Je rempilerai peut-être pour une la barre dans le domaine sportif : pour le fervents opposants à la chasse, mais nous année supplémentaire, car le programme légendaire pistolet SIG 210, il a conçu espérons parvenir à une sorte d’armistice, des cours est aussi vaste qu’exigeant. » Ce son « système petit-calibre modèle Wyss », car nous respectons leur position. » Il es- qui ne l’empêche pas de prendre goût au dont la réputation n’est plus à faire dans time que le débat avec ceux qui veulent travail, surtout à ses aspects manuels. les milieux spécialisés et dont il fabrique interdire par principe toutes les armes à « On parvient tout à coup à des résultats chaque année une cinquantaine d’exem- feu est plus difficile. « Il faut qu’ils com- concrets. Par exemple, réaliser une crosse plaires. Pour les projets compliqués, Da- prennent que ce n’est pas le fusil ou le pis- en bois sans faire d’erreur, c’est gratifiant. » niel Wyss s’appuie sur un collaborateur tolet qui pose problème, mais la personne Il ajoute qu’il ne cesse de faire des progrès répondant au nom d’ordinateur, chargé de qui a le doigt sur la détente. » en allemand, de sorte que les cours blocs transformer ses idées en images en trois UN ENSEIGNEMENT EXIGEANT 40 RECRUTER DAVANTAGE e veux apprendre le plus possible, car j’aurai besoin de GILLES : IL N’Y A PAS DE PLACE POUR LES DINGUES DES ARMES DANS CE MÉTIER. ” ARMURIER CFC – Le tir est une passion et une nécessité en Suisse, avec notre armée de milice. Et les soldats ne sont pas les seuls à demander des armes de qualité équipées dans les règles de l’art : les tireurs sportifs et les nombreux chasseurs en recherchent aussi. dimensions. Les prototypes sont fabriqués dans son atelier, qui emploie un armurier et deux apprentis. « Une démarche de longue haleine », reconnaît le patron. « Mais vraiment passionnante », réplique Gilles. Ce dernier n’apprécie par ailleurs guère qu’on lui demande s’il est fasciné par les armes à feu. « Dans ce métier, il n’y a pas de place pour les dingues des armes, il est certes idéal pour vivre une passion contrôlée, mais pas pour s’adonner à des excès. » Gilles Dufaux sait maintenant que l’armurerie est une profession très complexe, où la technique l’emporte sur le tir. CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Goût pour la technique et habileté manuelle - Précision dans le travail - Grand sens des responsabilités - Calme et assurance dans les gestes DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Quatre ans de formation initiale -Un jour à un jour et demi par semaine à l’école professionnelle (avec les polymécaniciens) -Cours blocs spécialisés à Lenzburg (de 8 à 10 jours d’apprentissage) -Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant 41 de bonnes notes Artisanat 1/2014 en 3e et 4e année Le jeune Fribourgeois peut s’estimer heureux de faire son apprentissage à Berthoud chez Daniel Wyss, considéré par ses collègues comme le grand passionné de la branche. TECHNOLOGUE EN TEXTILE CFC, ORIENTATION PRODUCTION ET TECHNOLOGIE DES CÂBLES – Comptant parmi les plus anciens métiers au monde, la fabrication de cordes n’a rien perdu de sa fascination, en dépit des progrès techniques qui l’ont totalement transformée. hésité à postuler lorsqu’elle a vu l’offre tiale. « Les apprentis font ensuite les meil- d’emploi dans la presse. Aujourd’hui, la leurs employés, ils connaissent l’entreprise profession porte le titre de « technologue presque mieux que leurs chefs. J’aimerais en textile CFC, orientation Production et garder chez nous le plus grand nombre technologie des câbles », mais, lorsque sa possible d’anciens apprentis ». Il ajoute que formatrice, Daniela Studer, a commencé la souplesse et l’ouverture des jeunes sont son apprentissage en 2001, elle n’était en- des éléments précieux, car le quotidien de core que « cordière ». Tant l’apprentie que la l’entreprise a évolué parfois très vite et son maîtresse d’apprentissage sont d’authen- cœur de métier d’autrefois, la production JANA : tiques « pionnières », car elles sont les deux de cordes, est relégué à un deuxième plan. premières femmes à avoir voulu faire cette « Qui aurait pensé que, en à peine trois formation en Suisse. L’épouse du patron ans, les filets anti-chutes pour le bâtiment exceptée, Daniela a même été la première représenteraient 30 % de notre chiffre d’af- femme dans les effectifs autrefois 100 % faires, et que nous ne nous bornerions pas à les produire, mais en assumerions aussi DANS UN BUREAU, JE SERAIS TOTALEMENT PERDUE. 42 Artisanat 1/2014 Q ” la location et l’entretien ? Et qui aurait cru que nous allions acquérir assez de compétences dans les places de jeu pour que des personnalités nous en commandent pour uand elle guide le visiteur dans les dédales de la fabrique masculins de Berger, alors que la parité leur progéniture et que nous réalisions de câbles Berger de Laupersdorf, Jana donne l’impression est maintenant atteinte. « La direction s’est de belles commandes à l’exportation ? » Il de faire le tour du propriétaire – alors qu’elle est une apprentie de vite aperçue que les femmes font preuve se félicite que le courage de diversifier la 17 ans seulement –, tant elle s’identifie à « son » entreprise et met de la même dextérité dans cette branche production et la recherche constante de du cœur à l’ouvrage. Tour à tour, elle loue les qualités du polypro- et qu’elles rivalisent ainsi parfaitement pylène (« meilleur que le chanvre, léger, imperméable et flottable »), avec leurs collègues masculins », explique de tresser des câbles extrêmement longs. avons actuellement un assortiment ten- détaille les avantages des fibres naturelles que sont le sisal, le Daniela qui, à 29 ans, dirige le départe- Toutefois, c’est à la réalisation de com- dance qui s’adresse à une vaste clientèle. jute et le coton, et précise non sans fierté que les musiciens du ment Confection. Des propos confirmés mandes de grande envergure que va sa Nos produits sont souvent des pièces carnaval de Bâle attachent leurs tambours avec des cordes spé- par Jana : « Ici, les femmes sont considé- préférence. « Pouvoir exécuter toute seule uniques, pour lesquelles nous pouvons ciales « labellisées Berger ». Et elle mentionne comme si de rien rées à l’égal des hommes, nous tirons tous une commande, comme la livraison d’une demander un prix intéressant », précise le n’était que des cowboys amateurs suisses ne jurent que par les à la même corde, dans la même direction ». corde d’alpage, me remplit de satisfaction. patron, avant de conclure : « Notre branche Peu importe que, le soir, mes doigts soient a de l’avenir, à condition qu’elle évolue et engourdis à force de faire des nœuds », que nous laissions «libre cours» à notre déclare Jana d’un ton qui trahit sa fierté. relève ». À cet égard, il attend beaucoup de lassos de Laupersdorf. « Les cordes doivent être tendres : les fibres artificielles ne conviennent pas et nous optons pour le chanvre ». Jana paie de sa personne : elle est dévouée corps et âme à HAUTE TECHNOLOGIE À ZOFINGUE créneaux aient porté leurs fruits : « Nous son métier. Et elle a la chance de travailler dans une entreprise La future professionnelle accorde Cette Soleuroise aime aussi bien les cours la nouvelle formation de deux ans sanc- qui, à l’ère de la mondialisation et des progrès techniques vertigi- autant d’importance à l’ambiance de tra- théoriques, qui lui prennent un ou deux tionnée par une attestation de formation neux, continue à fonctionner « à l’ancienne » : les patrons mettent vail qu’à la diversité de ses tâches quo- jours par semaine en début d’apprentis- professionnelle (AFP), qui sera proposée la main à la pâte plutôt que dans la caisse, les 20 membres du tidiennes. « Dans un bureau, je serais sage. Quant aux cours interentreprises, pour la première fois en 2015. personnel travaillent dans une ambiance sereine et familiale totalement perdue, j’ai besoin de travail- dont certains ont lieu à Münchberg, en Ba- À 17 ans, Jana Nützi ne songe pas par- et les employé-e-s peuvent s’épanouir en suivant des cours de ler avec mes mains et d’être en contact vière, ils constituent pour elle un moment ticulièrement à ce qu’elle fera après son perfectionnement. direct avec les produits que je fabrique ». fort de l’apprentissage. apprentissage. Elle pense d’abord rester Elle estime être une apprentie privilé- DES FEMMES ET DES HOMMES À ÉGALITÉ giée, car elle est affectée tant à la produc- fidèle à son métier et à la fabrique Berger. L’INCONTOURNABLE FORMATION Apprentie de deuxième année, Jana Nützi vient de Neuendorf, tion mécanisée qu’à la confection. Jana un autre village du canton de Soleure où l’entreprise avait son est fascinée en particulier par l’usine de Oswald Berger, qui dirige l’entreprise siège avant de s’établir à Laupersdorf. Elle connaissait la fabrique Zofingue, où la société Berger a une cor- avec son frère Simon, est un ardent défen- pour y avoir travaillé pendant les vacances et elle n’a donc guère derie de 130 mètres de long, qui permet seur de la formation professionnelle ini- « Le perfectionnement professionnel vient de lui-même dans une profession comme la mienne, où il y aura toujours des nouveautés ». CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Scolarité obligatoire achevée -Habileté manuelle et sens technique -Précision dans le travail -Patience et persévérance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Trois ans de formation initiale -1,5 jour par semaine (au plus) à l’école professionnelle -Un jour de cours spécifiques par mois -Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle 43 de bonnes notes Artisanat 1/2014 pour les apprentis ayant Vivre sur une corde raide : Jana Nützi n’a pas besoin de filet de secours pour sa formation. Deux femmes méritant le titre de « pionnière » dans la fabrication de cordes : Jana Nützi et sa formatrice Daniela Studer ont été les premières apprenties de la branche. I l n’est pas nécessaire d’être un funambule, mais les personnes car elles sont capables de s’adapter à la aux aspects non techniques des remontées sujettes au vertige ne seraient assurément pas dans leur élé- situation, même en cas de grand vent ou mécaniques, et surtout au contact avec la de chute de neige. clientèle : vente de billets, renseignements ment », prévient Cedric Aellig. Ce Bernois âgé de 20 ans se hâte de démentir l’image héroïque de garçons intrépides sautant de Cedric suit actuellement sa deuxième et accompagnement des trajets. « Cette for- pylône en pylône tels des Tarzans des Alpes. « Selon le travail, formation. Après un apprentissage de fer- mation plus courte convient aussi comme nous passons de 60 à 80 % de notre temps à l’air libre, contrôlant blantier « tout à fait satisfaisant », il a vu à deuxième formation pour les personnes qui les pylônes parfois perchés très haut et les galets qui s’y trouvent. la télévision un reportage sur la nouvelle préfèrent travailler à temps partiel », pré- La plupart du temps, nous ne nous livrons pas à des parties d’es- formation initiale dans le domaine des cise Nägeli avec conviction, avant d’ajouter calade, mais y avons accès à partir de la nacelle de transport de remontées mécaniques et a tout de suite qu’elle constitue également une mesure marchandises. Nous sommes correctement assurés et travaillons été conquis. Les remontées mécaniques importante en vue d’améliorer le service toujours à deux ». Un peu avare de ses mots, cet apprenti habitant de Meiringen l’ont reçu les bras ouverts. fourni aux hôtes des stations. « L’image de la vallée de la Kander signale que ces activités ont surtout lieu en Avec son premier apprentissage technique la branche des transports à câble n’est mai et en novembre, durant les révisions usuelles. « Les urgences en poche, il ne lui faut que trois ans au malheureusement pas des meilleures. Ces sont réellement une exception, car le soin apporté à l’entretien lieu de quatre pour « payer les galons » de deux formations pourraient corriger le tir, les réduit au minimum ». sa formation, dont les principales matières parce qu’elles garantissent le profession- sont les techniques de transport à câble, nalisme requis », espère Nägeli. 44 Artisanat 1/2014 LA SÉCURITÉ D’ABORD la mécanique, l’hydraulique et l’électricité. DE BONNES PERSPECTIVES Le travail peut toutefois être très délicat, surtout en cas de La formation théorique est dispensée lors tempête, une situation qui n’est pas rare dans les remontées mé- de semaines de cours-blocs qui ont lieu Cedric Aellig sait parfaitement que la caniques de la région de Meiringen-Halsiberg où Cedric fait son à Sion pour les Romands et au centre de fin de l’apprentissage n’est que le « début apprentissage, car le foehn y souffle souvent en violentes rafales. formation des Remontées mécaniques de d’un perfectionnement professionnel qui « Il incombe au technicien responsable de décider si les remontées Suisse à Meiringen pour les Alémaniques. ne finira jamais ». En effet, les titulaires du mécaniques peuvent fonctionner. Là aussi, c’est la sécurité des personnes qui est prioritaire », souligne Stefan Nägeli, 35 ans et formateur de Cedric. Ce sous-chef d’exploitation de la société des CFC ont l’embarras du choix parmi une L’ATTRAIT DE LA FORMATION AVEC ATTESTATION vaste gamme de cours au centre de formation de Meiringen (pour les services de remontées mécaniques estime que « des accidents ne peuvent La formation duale de spécialiste des pistes et de sauvetage, p.ex.) et peuvent se produire que si des erreurs ont été commises au préalable ». remontées mécaniques, sanctionnée par opter pour le titre de spécialiste des ins- Et les personnes bien formées font en général moins d’erreurs, un certificat fédéral de capacité, est un tallations de transport à câble (examen apprentissage récent, puisqu’il ne date que professionnel avec brevet fédéral) et de de 2006. Quelques femmes, pas beaucoup manager de remontées mécaniques (exa- à vrai dire, figurent aussi parmi les ap- men professionnel supérieur). Stefan Nä- prentis. Stefan Nägeli est convaincu que geli juge les débouchés très bons : « Plus la part des femmes va encore augmenter de 1700 entreprises suisses de remontées un peu, même « si ce métier est fait pour mécaniques s’intéressent aux diplômés. des femmes entreprenantes, mais pas pour Des perspectives intéressantes existent des dames ». Les personnes qui n’appré- aussi à l’étranger, surtout aux États-Unis cient pas vraiment le contact rude avec la et au Canada. La pénurie de mécatroni- nature peuvent opter pour la filière d’em- ciens est à peu près universelle, car ils ployé-e de remontées mécaniques AFP qui sont aussi très appréciés des fabricants de dure deux ans et donne droit à l’attestation transport à câble ». Autant dire qu’il sou- fédérale de formation professionnelle. Ce haite que Cedric reste à Meiringen : « La métier accorde davantage d’importance relève que nous formons nous est particu- MÉCATRONICIEN DE REMONTÉES MÉCANIQUES CFC – Que serait la Suisse touristique sans remontées mécaniques ? Et sans les spécialistes qualifiés qui en garantissent la sécurité et accueillent cha leureusement les usagers ? CEDRIC : LES GENS BIEN FORMÉS FONT MOINS D’ERREURS. lièrement chère ». Pour l’instant, le jeune ” La sécurité est toujours prioritaire dans les travaux d’entretien. Cedric Aellig ne peut toutefois se dérober à quelques exercices de haute voltige. homme préfère ne pas se prononcer. « En tout cas, je n’irai pas en Corée du Nord », promet-il en souriant. CAPACITÉS NÉCESSAIRES -Scolarité obligatoire achevée (au moins niveau intermédiaire) -Bon niveau en mathématiques et en physique -Sens technique -Forme physique et résistance DÉROULEMENT DE LA FORMATION -Quatre ans de formation initiale -Cours-bloc à Sion -Plusieurs cours inter entreprises par année -Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de bonnes notes -Formation continue 45 supérieure Artisanat 1/2014 maturité professionnelle Les mécatroniciens ont de bons débouchés en Suisse et à l’étranger : ces spécialistes sont demandés partout. LE MUSÉE DE L’HABITAT RURAL, HAUT LIEU DE LA TRANSMISSION DU SAVOIRFAIRE ARTISANAL « Tirer les leçons du passé, comprendre le présent, préparer le futur », telle est l’une des idées maîtresses de la nouvelle stratégie du Musée de l’habitat rural Ballenberg, où depuis bien des années, des artisans font revivre dans leurs ateliers une trentaine de métiers artisanaux pratiquement disparus. Cette vocation a atteint son point culminant en 2013, avec un thème annuel – « Vivre et découvrir l’artisanat ! » – qui a permis aux visiteurs de mettre la main à la pâte. La même année, le Musée et le Centre de cours ont aussi porté le Centre de compétences de l’artisanat 46 Artisanat 1/2014 Séance de lancement à Aarberg : en janvier 2014, les apprentis établissent des plans concrets pour les SwissSkills Berne 2014. PASSER DE SAVOIR À SAVOIRFAIRE : LES TRADITIONS ARTISANALES À L’HONNEUR AU CENTRE DE COURS BALLENBERG traditionnel sur les fonds baptismaux, concrétisant leur passion pour l’artisanat, y compris dans ses modalités contemporaines, puisque le thème de l’année 2014 données constituée à l’occasion de l’étude en suscitant l’intérêt pour l’artisanat et s’intitule « L’artisanat – aujourd’hui ». A qui a été réalisée sur l’artisanat tradition- la satisfaction qu’il procure. Conscients cette occasion, le Musée Ballenberg ne se nel. Nous développerons et compléterons que l’artisanat est aussi une attitude, nous contente pas de transmettre un savoir- cette base jusqu’en 2015. L’Office fédéral avons, en collaboration avec l’Union suisse faire artisanal dans ses expositions, ses de la culture apporte aussi son soutien à des arts et métiers (usam), l’Institut fédéral démonstrations de métiers ancestraux et Depuis 1996, le Centre de cours Bal- d’autres projets de divulgation de l’artisa- des hautes études en formation profession- ses activités participatives, mais invite lenberg a organisé 2500 cours, transmet- nat traditionnel : mentionnons les cours nelle EHB IFFP IUFFP, le Musée de l’habi- aussi de jeunes professionnels à y présen- tant la passion de l’artisanat à plus de intergénérationnels qui invitent grands et tat rural Ballenberg et les organisations ter leur art. Du 23 au 29 juin, le Musée de 25 000 personnes. En plus de ces forma- petits à « mettre la main à la pâte », mais professionnelles (Communauté d’intérêts l’habitat rural Ballenberg accueille ainsi tions, qui se tiennent dans le bâtiment aussi les colloques pour les artisans et ar- des facteurs d’instruments de musique des apprentis des métiers à faibles effec- construit à cette fin ou dans le Musée de tisanes souhaitant développer leurs com- CIFIM, Interessengemeinschaft Korbflech- tifs qui représenteront leur profession lors l’habitat rural attenant, il mène à bien de pétences pédagogiques. terei IGK, Interessengemeinschaft Kunst des SwissSkills Berne 2014. Personne ne nombreux autres projets de médiation Par ailleurs, le Centre de cours remet handwerk Holz IGKH, Verband Schweizer l’ignore, l’enthousiasme est contagieux et culturelle et de documentation dans le tous les deux ans le « Prix Jumelles », en Bildhauer- und Steinmetzmeister VSBS), ces futurs pros sauront transmettre leur cadre du Centre de compétences de l’arti- collaboration avec la Fondation Jumelles, œuvré à plusieurs projets en vue de la passion de l’artisanat aux visiteurs. Qui sanat traditionnel. qui récompense l’artisanat de qualité et les célébration des SwissSkills Berne 14. La sait si l’une ou l’autre des têtes blondes qui La Suisse a ratifié en 2008 la Conven- compétences en matière de transmission publication Artisanat est l’un de ces pro- les admireront n’épousera pas plus tard tion pour la sauvegarde du patrimoine du savoir-faire. En outre, nous sommes jets et c’est non sans fierté que nous vous une profession artisanale ? culturel immatériel de l’UNESCO conclue chargés de fournir informations et conseils la présentons. Vingt et un portraits de per- en 2003, dont sont issues les listes des à toute personne intéressée à l’examen pro- sonnes en formation, tous bien différents traditions vivantes. L’artisanat tradition- fessionnel supérieur d’artisan/e en conser- les uns des autres, vous montreront que nel y occupe une place de choix. Sur vation des monuments historiques BF. l’artisanat est promis à un bel avenir. mandat de l’Office fédéral de la culture, Nous voulons inciter au changement nous avons repris et publié la base de et donner de nouvelles perspectives, tout Daniela Christen, responsable du Centre de compétences de l’artisanat traditionnel Beatrice Tobler, responsable de l’exposition et de la collection du Musée de l’habitat rural de Suisse Ballenberg Artisan/e du bois CFC, orientations - tournage sur bois -boissellerie Tonnelier/ère CFC Vannier créateur/vannière créatrice CFC Sculpteur/Sculptrice sur bois CFC IG KunstHandwerk Holz Untersteckholzstr. 40 4900 Langenthal 062 923 14 52 [email protected] www.kunsthandwerk-holz.ch Luthier/Luthière École suisse de lutherie de Brienz Oberdorfstrasse 94 3855 Brienz 033 951 18 61 [email protected] www.geigenbauschule.ch Facteur/factrice d‘instruments de musique CFC, orientations - Facture d’instruments à vent - Réparation d‘instruments à vent - Facture de pianos - Facture d‘orgues - Facture de tuyaux d‘orgues Communauté d’intérêts des facteurs d’instruments de musique CIFIM c/o Elin Office AG Amthausgasse 3 3011 Berne 031 313 20 00 [email protected] www.igmib.ch Créateur/Créatrice de tissu CFC Union pour le tissage artisanal UTA Müseggstrasse 10 8915 Hausen am Albis [email protected] www.igw-uta.ch Créateur/Créatrice de vêtements CFC, domaine spécifique vêtements en fourrure SwissFur – Association professionnelle suisse de la fourrure Dr. Markus Hugentobler Kapellenstrasse 14, Case postale 5236 3001 Berne 031 390 99 00 [email protected] www.swissfur.ch Artisan/e du cuir et du textile CFC, orientations - véhicules et technique -maroquinerie - sport équestre IG LETEX Case postale 6252 Dagmersellen 062 756 49 43 [email protected] www.ig-letex.ch Maréchal/e-ferrant/e CFC Union Suisse du Métal Centre de formation Chräjeninsel 2 3270 Aarberg 032 391 99 44 [email protected] www.smu.ch Bijoutier/ère CFC Association Suisse des magasins spécialisés en Horlogerie et Bijouterie ASHB Schmiedenplatz 5, Case postale 258 3000 Berne 7 031 329 20 72 [email protected] www.detail.ch Les organisations suivantes ont parrainé le projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » pour un montant d’au moins CHF 500 (état au 15.03.14) : Graveur/euse CFC Union Suisse des Graveurs 8000 Zurich [email protected] www.graveurverband.ch - Seilerei Berger GmbH, 4712 Laupersdorf - KWO Kraftwerke Oberhasli AG, 3862 Innertkirchen - BodenSchweiz Verband Bodenbelagsfachgeschäfte, 5036 Oberentfelden - Jakob AG, 3555 Trubschachen - Meister & Cie AG, 3415 Hasle-Rüegsau - TVS Textilverband Schweiz, 8022 Zürich - Geflechtfabrik Tressa AG, 5612 Villmergen - Gebr. Thomann AG, 4253 Liesberg - Altmann Casting AG, 2563 Ipsach Armurier/ière CFC Association Suisse des Armuriers et Négociants spécialisés en armes Rütschelengasse 7 3400 Berthoud 034 422 12 20 [email protected] www.sbv-asa.ch Technologue en textile CFC, orientation production et technologie des câbles FTS Fédération Textile Suisse Fürstenlandstrasse 142 Case postale 352 9014 Saint-Gall 071 274 90 90 [email protected] www.swisstextiles.ch Mécatronicien/ne de remontées mécaniques CFC Employé/e de remontées mécaniques AFP Centre de formation RMS Zeughausstrasse 19 3860 Meiringen 033 972 40 00 [email protected] www.remontees-mecaniques.ch - Artsupport GmbH, 8153 Rümlang - Eichenberger AG, 5734 Reinach Les organisations suivantes ont soutenu le projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » en versant une contribution d’au moins CHF 500 (état au 15.03.14) : - Standortmarketing und Regionalentwicklung Region Haslital Brienz, Gemeinden: Brienz, Brienzwiler, Guttannen, Hasliberg, Hofstetten, Innertkirchen, Meiringen, Schattenhalb, Schwanden, Oberried - Mügeli Metalltechnik AG, 2575 Täuffelen L’équipe du projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » comprenait les personnes suivantes : - Walter Leist (président CIFIM) : direction du projet - Pepito Zwahlen (représentant IGK et IGKH) : coordination de l’exposition SwissSkills - Eliane Spycher (directrice CIFIM) : administration du projet - Monika Brandenberg Schmid (représentante VSBS) : finances - Christine Davatz (vice-directrice usam) : lancement du projet/ assistance - Hans-Heini Winterberger (responsable de projet EHB IFFP IUFFP) : suivi/animation des séances - Daniela Christen (Centre de compétences de l’artisanat traditionnel) : documentation/séances à Ballenberg Artisanat 1/2014 Aimeriez-vous en savoir plus sur l’un d’eux ? Vous trouverez des informations complémentaires à l’adresse www.orientation.ch ou directement auprès des institutions suivantes : Sculpteur/sculptrice sur pierre CFC Verband Schweizer Bildhauer- und Steinmetzmeister VSBS Birkenweg 38, 3123 Belp 031 819 08 20 [email protected] www.vsbs.ch 47 CES MÉTIERS VOUS INTÉRESSENT ? Berne 2014 1er championnat suisse des métiers 17 – 21.09.2014 SWISSSKILLS BERNE 2014 Les SwissSkills Berne 2014, les premiers championnats suisses des métiers, se tiendront du 17 au 21 septembre 2014 à Berne. 48 Artisanat 1/2014 Lors de ces championnats, 80 métiers seront en compétition et 60 autres se présenteront sous d’autres formes. Les « métiers à faibles effectifs » seront de la partie : il s’agit de professions variées, novatrices et attirantes, qui comptent moins de 80 apprentis, toutes années confondues. Ces petits métiers transmettent et préservent un grand savoirfaire, indispensable aux arts et métiers suisses et à la diversité culturelle de notre pays. Les associations professionnelles, l’Union suisse des arts et métiers usam, l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle EHB IFFP IUFFP, le Musée de l’habitat rural Ballenberg et le Centre de cours Ballenberg veulent les soutenir et faire connaître les nombreuses possibilités de formation proposées. Souhaitez-vous en savoir plus sur ces métiers ? Venez nous rendre visite lors des SwissSkills Berne 2014, dans la halle 1.1, à BERNEXPO. Nous nous ferons un plaisir de vous recevoir. LE PROJET « L’AVENIR DE L’ARTISANAT TRADITIONNEL » EST SOUTENU PAR Heures d’ouverture Jeudi 18 sept. 2014 Vendredi 19 sept. 2014 Samedi 20 sept. 2014 Dimanche 21 sept. 2014 9 – 18 9 – 18 9 – 18 9 – 17 heures heures heures heures