COUR DE CASSATION R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

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COUR DE CASSATION R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2011
Rejet
Mme FAVRE, président
Arrêt n° 92 F-D
Pourvoi n° V 09-17.120
REPUBLIQUE FRANCAISE
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Cytyc
Corporation, société de droit américain, dont le siège est 250 Campus
Drive Marlborough, MA 01752, Massachussets 01719 (Etats-Unis),
contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2009 par la cour d'appel de Douai
(chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant à la société Labonord,
société anonyme, dont le siège est zone industrielle de Templemars,
place Gutenberg, 59175 Templemars,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois
moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
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LA COUR, en l'audience publique du 11 janvier 2011, où
étaient présents : Mme Favre, président, Mme Pezard, conseiller
rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pezard, conseiller, les observations
de Me Bertrand, avocat de la société Cytyc Corporation, de la
SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Labonord, et après
en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2009), que la
société Cytyc Corporation (la société Cytyc), de droit américain, a
développé un test automatisé pour la détection du cancer du col de
l'utérus, dénommé “Thinprep” ; qu'elle est titulaire de deux marques
“Cytyc” et “Thinprep” et d'un brevet européen délivré le 8 octobre 1997,
sous le numéro EP 0 511 430 et intitulé “solution pour la préservation de
cellules” ; que la société Labonord utilise sous la dénomination “Turbitec”
un procédé concurrent pour tester le même cancer et un produit
“Easyfix” ; qu'estimant que ce produit contrefaisait le brevet EP 0 511 430
et que la documentation précisant que la référence indiquant qu'Easyfix
était “pour Cytyc Thinprep” contrefaisait les marques “Cytyc” et “Thinprep”,
la société Cytyc a assigné la société Labonord en contrefaçon de brevet
et de marques, et en concurrence déloyale ; que cette société a demandé
à titre reconventionnel la nullité du brevet EP 0 511 430 ; qu'avant-dire
droit sur le brevet, la cour d'appel a ordonné une expertise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Cytyc fait grief à l'arrêt de donner
pour mission à l'expert qu'il a désigné de “dire si un agent mucolytique est
un agent antiagglutinant et inversement, dire si un agent anti-agglutinant
est nécessairement chélatant, dire si la méthylcystéine est un agent
chélatant, dire si un agent chélatant du groupe constitué par l'acide Edta
et ses sels a des propriétés particulières, donner son avis sur les
propriétés de ces différents agents par rapport à l'objectif de l'invention en
cause qui est de fournir une solution de conservation in vitro à
température ambiante et de fixage des cellules mammifères en vue d'une
analyse cytologique ou histologique ultérieure, dire à son avis si ces
différents agents sont substituables, complémentaires ou non”, alors,
selon le moyen, que le juge ne peut charger l'expert de se prononcer sur
une question de droit ; que la cour d'appel, invitée à statuer sur la
nouveauté et le caractère inventif des revendications 1 à 6 du brevet
portant sur une solution destinée à conserver in vitro des cellules
contenant un agent anti-agglutinant, ne pouvait donner mission à l'expert
de dire si l'agent mucolytique de la solution invoquée à titre d'antériorité
comme étant destructrice de la nouveauté et du caractère inventif du
brevet était un agent anti-agglutinant ou était substituable à l'agent antiagglutinant revendiqué par le brevet sans violer l'article 232 du code de
procédure civile ;
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Mais attendu qu'en commettant un expert chargé de lui
donner son avis sur les propriétés des différents éléments de la solution
destinée à conserver in vitro des cellules contenant un agent antiagglutinant et objet du litige, la cour d'appel a seulement confié à un
technicien des investigations techniques ayant trait à des questions de fait
dont elle se réservait de tirer les conséquences juridiques ; que le moyen
n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Cytyc fait encore grief à l'arrêt de la
débouter de son action en contrefaçon de ses marques “Cytyc” et
“Thinprep” contre la société Labonord, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à celui qui entend utiliser la marque d'un
tiers comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit
en tant qu'accessoire de prouver que ce produit est certainement et
effectivement compatible avec le produit légitimement revêtu de la
marque ; qu'en décidant que le flacon d'Easyfix vendu par la société
Labonord constituait un consommable indispensable au fonctionnement
de la machine d'analyse cytologique Thinprep de la société Cytyc et donc
un accessoire de cette machine au motif que le fabricant d'un accessoire
n'est pas tenu de faire valider la compatibilité de celui-ci avec le produit
principal, quand il appartenait positivement à la société Labonord de
prouver que son produit était compatible avec le test de dépistage du
cancer de la société Cytyc, laquelle contestait une telle compatibilité, la
cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 713-6 b du
code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à
l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire pour indiquer la
destination d'un produit, notamment en tant qu'accessoire ou pièce
détachée, c'est à la condition que cette référence ait un caractère
nécessaire ; que cette référence est nécessaire lorsque l'usage de la
marque constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une
information compréhensible et complète sur cette destination afin de
préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce
produit ; que pour considérer que l'utilisation des marques “Cytyc” et
“Thinprep” était nécessaire pour permettre à un professionnel de l'analyse
médicale de sélectionner les flacons contenant la solution chimique
(dénommée Easyfix) destinés par la société Labonord au dispositif de
préparation de frottis de dépistage concurrent afin de les adapter au
processeur Thinprep, la cour d'appel a retenu que la documentation de la
société Labonord présentait différents types de flacons (de volumes, de
dimensions et de remplissage différents) et que le manuel de l'utilisateur
du système Thinprep prévoyait uniquement le remplissage du flacon
(20 ml), les spécifications tenant au volume du flacon et à ses dimensions
n'étant pas fournies ; qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer sur le fait
que, ainsi que le faisait valoir la société Cytyc, tous les flacons d'Easyfix
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de la société Labonord destinés à être adaptés à des systèmes de
dépistage concurrents avaient tous le même volume (60 ml) et les mêmes
dimensions (35x70 mm) de sorte que, quand bien même les spécifications
autres que le volume de remplissage du flacon adaptable au système
Thinprep n'étaient pas connues, un professionnel de l'analyse médicale
n'avait aucun doute sur le choix du flacon d'Easyfix qu'il devait adapter au
système Thinprep et que la référence aux marques “Cytyc” et “Thinprep”
n'était pas nécessaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base
légale au regard de l'article L. 713-6 b du code de la propriété
intellectuelle ;
3°/ que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la
société Cytyc faisait valoir que, même en admettant que l'utilisation de ses
marques ait constitué une référence nécessaire pour indiquer la
destination du produit de la société Labonord cette utilisation portait
atteinte à ses droits et qu'elle pouvait en demander l'interdiction en
application de l'article L. 713-6, alinéa 2, du code de la propriété
intellectuelle ; qu'en rejetant l'action en contrefaçon pour la raison qu'il
n'existait aucun risque de confusion dans l'origine des produits en cause,
une telle confusion dans l'origine n'ayant pas été invoquée, la cour d'appel
a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions,
en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le titulaire de l'enregistrement de marque est en droit
de demander que l'utilisation de sa marque, même en tant que référence
nécessaire pour indiquer la destination d'un produit, soit limitée ou
interdite lorsqu'elle porte atteinte à ses droits ; qu'en s'abstenant de
rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré l'absence de toute
fiabilité des résultats obtenus par l'analyse opérée au moyen de
l'association de la solution Easyfix de la société Labonord et des autres
éléments du test Thinprep de la société Cytyc et malgré le risque de
parvenir à des résultats faussés, l'utilisation de la mention “Easyfix pour
Cytyc Thinprep” n'était pas de nature à accréditer dans le public l'idée que
la solution Easyfix avait, au contraire, été spécialement conçue pour être
adaptée au test Thinprep de la société Cytyc, aux droits de laquelle une
atteinte était portée en raison de ce risque, la cour d'appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article L. 713-6, dernier
alinéa, du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ qu'enfin, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la
société Labonord n'a pas contesté que la société Cytyc n'acceptait de
vendre de façon séparé les éléments de son “kit” qu'aux très grands
laboratoires, dont la société Cytyc soutenait qu'elle pouvait s'assurer qu'ils
n'étaient pas susceptibles de méconnaître le protocole de son test pour
des raisons financières ; qu'en écartant le moyen selon lequel la mention
“Easyfix pour Cytyc Thinprep” était propre à inciter les laboratoires à
méconnaître ce protocole, notamment en réutilisant les filtres Thinprep
prévus à usage unique, pour la raison que la société Cytyc acceptait ellemême la division de ses produits, la preuve n'étant pas rapportée que
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cette pratique n'avait lieu qu'en faveur des très grands laboratoires, la
cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces
conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté qu'aux
termes des publications produites par la société Labonord le milieu pour
cytologie monocouche Easyfix pour la recherche d'HPV a été validé, la
cour d'appel a pu en déduire sans inverser la charge de la preuve que les
flacons vendus par cette société constituaient des consommables
indispensables au fonctionnement de la machine d'analyse cytologique et
donc des accessoires de celle-ci ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient qu'aux termes
de la documentation sur les flacons Labonord, il existe différents types
de flacons, de volumes, de dimensions et de remplissage différents et
que si le manuel de l'utilisateur de système Thinprep précise le
remplissage du flacon 20 ml, les autres paramètres ne sont pas fournis ;
que de ces constatations, dont elle a déduit que, même pour un
professionnel de l'analyse médicale, la référence aux marques des
matériels auxquels les flacons sont destinés était nécessaire pour
sélectionner les accessoires compatibles avec les machines d'analyse
cytologique, la cour d'appel, qui a ainsi écarté l'argumentation de la
société Cytyc selon laquelle les flacons Easyfix destinés à être adaptés à
des systèmes de dépistage concurrents avaient tous le même volume et
les mêmes dimensions, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en dernier lieu, que l'arrêt retient que lorsque la
société Labonord faisait la promotion de ses flacons avec pour certaines
références la désignation “Easyfix-20ml-pour Cytic Thinprep-60ml” (taille
du flacon), la mention Easyfix était apparente et la marque et la
dénomination Labonord figuraient seules et en des termes lisibles sur les
étiquettes d'identification des flacons ; qu'il relève que l'emploi de la
marque Thinprep de Cytyc visait le nom de la machine de diagnostic de
Cytyc et non les flacons que cette société commercialise sous la marque
“Presevcyt” ; qu'il relève encore que la société Cytyc ne démontrait pas
qu'elle proposait seulement aux grands laboratoires des ventes de
consommables dissociés et non en kits complets et qu'elle ne pouvait en
conséquence reprocher à la société Labonord de vendre des flacons préremplis d'une solution comme étant “pour Cytyc Thinprep” ; que de ces
constatations, dont elle a déduit l'absence de risque de confusion, la cour
d'appel, sans méconnaître les termes du litige et après avoir procédé à la
recherche prétendument omise, a pu déduire que l'utilisation des marques
de la société Cytyc comme référence nécessaire ne constituait pas de la
part de la société Labonord un comportement déloyal portant atteinte à
ses intérêts légitimes et non conforme aux usages honnêtes en matière
commerciale ou industrielle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
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Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Cytyc fait enfin grief à l'arrêt de la
débouter de son action en concurrence déloyale contre la société
Labonord, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation qui sera prononcée sur le premier
moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir jugé que
l'utilisation de la dénomination Cytyc en tant que marque était justifiée
comme référence nécessaire pour indiquer la destination du produit de la
société Labornord, entraînera par voie de conséquence la cassation de
l'arrêt en ce qu'il écarte la concurrence déloyale tenant à la reproduction
du nom commercial et de la dénomination sociale Cytyc, cette
reproduction étant par suite dépourvue de toute justification, en
application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°/ que la cassation qui sera prononcée sur le premier
moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir méconnu que
l'utilisation de la mention “Easyfix pour Cytyc Thinprep” tendait à répandre
dans le public l'idée erronée que le produit Easyfix de la société Labornord
avait spécialement conçu pour être adapté au test Thinprep en violation
des intérêts de la société Cytyc, entraînera par voie de conséquence la
cassation de l'arrêt en ce qu'il écarte la concurrence déloyale à raison de
l'accomplissement d'actes tendant à jeter le discrédit sur la société Cytyc
et ses produits, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
3°/ que la cassation qui sera prononcée sur le premier
moyen, qui reproche à la cour d'appel d'avoir écarté la contrefaçon des
marques “Cytyc” et “Thinprep” à l'occasion de la commercialisation du
produit Eastfix de la société Labonord, entraînera par voie de
conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il écarte l'action en
concurrence déloyale et en parasitisme à raison de la commercialisation
du même produit à un prix inférieur, au motif que la pratique des prix
inférieurs n'est pas “en soi” fautive, en application de l'article 625 du code
de procédure civile ;
4°/ que la société Cytyc faisait valoir que le produit Easyfix
était présenté sur le site internet de la société Labonord comme “Easyfix
pour Cytyc Thinprep” et, sur la ligne immédiatement inférieure, “Easyfix
pour Turbitec”, c'est-à-dire son propre test, et que cette présentation était
accompagnée d'une échelle de prix conçue pour faire apparaître non
seulement que le flacon d'Easyfix présenté comme étant adapté au test
de la société Cytyc était vendu à un prix inférieur à celui du “kit” de
consommables de la société Cytyc mais aussi que les flacons de solution
d'Easyfix destinés au test Turbitec de la société Labornord étaient vendus
à un prix encore inférieur ; qu'en se bornant à énoncer que cette
présentation était justifiée par “le souci de désigner le flacon Labornord
compatible avec la machine de telle société” sans s'expliquer sur le
reproche précisément adressé à la société Labonord de placer son produit
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dans le sillage de la notoriété du test de la société Cytyc en jouant
doublement sur la différence de prix, la cour d'appel a privé sa décision de
toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le deuxième moyen ayant
été rejeté, les trois premières branches sont inopérantes ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la
pratique des prix inférieurs n'était pas en soi fautive et que les faits
allégués par la société Cytyc étaient insuffisants pour caractériser une
faute imputable à la société Labonord, la cour d'appel a légalement justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses trois premières
branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cytyc Corporation aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à
payer à la société Labonord la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en
son audience publique du huit février deux mille onze.
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MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la
société Cytyc Corporation.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR donné pour mission à l'expert qu'il
a désigné de « dire si un agent mucolytique est un agent anti-agglutinant
et inversement, dire si un agent anti-agglutinant est nécessairement
chélatant, dire si la méthylcystéine est un agent chélatant, dire si un agent
chélatant du groupe constitué par l'acide EDTA et ses sels a des
propriétés particulières, donner son avis sur les propriétés de ces
différents agents par rapport à l'objectif de l'invention en cause qui est de
fournir une solution de conservation in vitro à température ambiante et de
fixage des cellules mammifères en vue d'une analyse cytologique ou
histologique ultérieure, dire à son avis si ces différents agents sont
substituables, complémentaires ou non » ;
AUX MOTIFS QUE sur la nullité des revendications 1 à 6 du brevet
litigieux, elles ont trait à une solution destinée à conserver in vitro des
cellules de mammifères à température ambiante pendant une durée
déterminée, en vue d'une analyse cytologique ou histologique ultérieure ;
que la revendication 1 b/ vise un agent anti-agglutinant ; que la société
LABONORD cite notamment des antériorités décrivant une solution pour
fixer et conserver les cellules contenant un agent mucolytique ; que la
société CYTYC soutient qu'un agent mucolytique n'empêche pas la
réagrégation des cellules dispersées et n'est donc pas un agent
agglutinant ; que la société LABONORD soutient que si l'agent antiagglutinant est un agent chélatant (revendication 3 du brevet), la
méthylcystéine, agent mucolytique utilisé dans l'antériorité D5) est un
agent chélatant et donc un agent anti-agglutinant ; qu'au regard de ces
divergences, la cour d'appel estime nécessaire d'avoir recours à une
expertise technique (arrêt attaqué p. 5, al. 11 à 15) ;
ALORS QUE le juge ne peut charger l'expert de se prononcer sur une
question de droit ; que la cour d'appel, invitée à statuer sur la nouveauté
et le caractère inventif des revendications 1 à 6 du brevet portant sur une
solution destinée à conserver in vitro des cellules contenant un agent antiagglutinant, ne pouvait donner mission à l'expert de dire si l'agent
mucolytique de la solution invoquée à titre d'antériorité comme étant
destructrice de la nouveauté et du caractère inventif du brevet était un
agent anti-agglutinant ou était substituable à l'agent anti-agglutinant
revendiqué par le brevet sans violer l'article 232 du Code de Procédure
civile.
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DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté la
société CYTYC CORPORATION de son action en contrefaçon de ses
marques CYTYC et THINPREP contre la société LABONORD ;
AUX MOTIFS QUE la société CYTYC est propriétaire de la marque
verbale française CYTYC déposée le 2 juin 1993 et enregistrée sous le
numéro 93470317 en classes 1 à 9 pour désigner notamment : « Produits
chimiques utilisés pour la science y compris solutions chimiques liquides
pour utilisation cytologique y compris utilisation dans la collection, la
conservation, la préparation, la transformation, la coloration et l'examen
des cellules, particules cellulaires et autres échantillons biologiquesappareils scientifiques, électriques et électroniques » ; « Matériel de
laboratoire chimique pour utilisation cytologique, y compris utilisation dans
la préparation de spécimens, transformation et examen de spécimens...
conteneurs pour spécimens biologiques » ; qu'elle est également
propriétaire de la marque THINPREP déposée le 9 mars 1993 et
enregistrée sous le numéro 93 458 616 en classe 9 pour désigner
notamment : « Matériel de laboratoire et appareil y compris appareil de
laboratoire pour utilisation en laboratoire de cytologie... » ; que la société
CYTYC a mis au point un test de dépistage automatisé baptisé
THINPREP censé révolutionner la technique de préparation automatique
des frottis de dépistage du cancer du col de l'utérus ; que la société
CYTYC livre à l'anatomo-cytopathologiste équipé d'un processeur
THINPREP des kits comportant trois éléments consommables à usage
unique : - un flacon pré-rempli d'une solution aux propriétés fixatrices et
conservatrices adaptée aux processeurs THINPREP, - un filtre cylindrique
à usage unique adapté aux processeurs THINPREP, - une lame prétraitée THINPREP ; que la société LABONORD commercialise un test de
dépistage manuel dénommé « TURBITEC » qui utilise une solution pour
la préservation des cellules baptisée «ESAYFIX » ; qu'il ressort du procèsverbal de constat d'huissier du 19 mars 2004 que la société LABONORD
fait la promotion par l'intermédiaire de son site internet de flacons
LABONORD prêts à l'emploi en plateau filmé avec pour certaines
références la désignation « ESAYFIX -20m1 — pour CYTYC THINPREP
— 60 ml » (taille du flacon) ; que les mêmes constatations ont été
réalisées sur les plaquettes commerciales et les factures de LABONORD
suivant procès-verbal de constat de Maître CHARLOT du 5 mars 2004 ;
que la société LABONORD reproduit les marques CYTYC et THINPREP
pour désigner des produits visés dans l'enregistrement de la marque
CYTYC et de la marque THINPREP ; que la société LABONORD soutient
que cette référence aux marques THINPREP et CYTYC est nécessaire
pour indiquer la destination du produit EASYFIX et que l'utilisation de ces
marques est donc légitime ; que la société LABONORD propose à la
vente des flacons conteneurs contenant la solution chimique EASYFIX
compatible avec les tests de ses concurrents ; qu'il convient d'observer
qu'aux termes des publications produites par la société LABONORD le
milieu pour cytologie « mono-couche » EASYFIX pour la recherche d'HPV
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a été validé ; que les flacons vendus par LABONORD constituent des
consommables indispensables au fonctionnement de la machine
d'analyse cytologique et donc des accessoires de celle-ci ; que le fabricant
d'un accessoire n'est pas tenu de faire valider la compatibilité de celui-ci
avec le produit principal ; que selon la documentation sur les flacons
LABONORD (jointe au procès-verbal de constat du 5 mars 2004), il existe
différents types de flacons : volumes, dimensions, remplissage différents ;
que si le manuel de l'utilisateur de système THINPREP précise le
remplissage du flacon 20 ml, les autres paramètres ne sont pas fournis ;
qu'en conséquence même pour un professionnel de l'analyse médicale, la
référence aux marques des matériels auxquels les flacons sont destinés
est nécessaire pour sélectionner les accessoires compatibles avec les
machines d'analyse cytologique ; que les marques THINPREP et CYTYC
sont ainsi utilisées pour caractériser le conditionnement des
consommables proposés par la société LABONORD ; que cet emploi est
conforme aux stipulations de l'article L. 713-6 b) du code de la propriété
intellectuelle ; que la mention ESAYFIX de la société LABONORD est bien
apparente dans la documentation saisie ; que la marque et la
dénomination LABONORD apparaissent seules et en des termes bien
apparents sur les étiquettes d'identification des flacons ; que le risque de
confusion est donc écarté, d'autant plus que l'emploi de la marque
THINPREP de CYTYC vise le nom de la machine de diagnostic de
CYTYC et non les flacons de CYTYC que cette société commercialise
sous la marque « PRESERVCYT » ; qu'en conséquence les anatomocytopathologistes ne peuvent être trompés sur la nature et la provenance
de la solution dont le flacon est pré-rempli ; que d'autre part à l'égard des
génécologues et de leurs patientes, il ne peut y avoir tromperie puisque
les flacons pré-remplis remis aux praticiens par les laboratoires ne
comportent sur leur étiquette aucune référence à THINPREP ; que par
ailleurs la solution « ESAYFIX » comme la solution « Preservcyt » sont
uniquement des conservateurs qui ne jouent pas de rôle dans le
processus d'analyse du matériel ; qu'il n'est donc pas démontré que
l'emploi du consommable EASYFIX puisse être à l'origine d'un
dysfonctionnement du processeur THINPREP ; qu'enfin la société CYTYC
reproche à la société LABONORD d'inciter les utilisateurs à ne pas
respecter les prescriptions de CYTYC, notamment en réutilisant les filtres
THINPREP qui sont prévus à usage unique, d'où une sécurité dans les
résultats des tests qui n'est plus assurée ; que toutefois si la société
CYTYC vend des kits complets soit un flacon pré-rempli, un filtre, une
lame pré-traitée, elle propose également des flacons ainsi que des filtres
vendus séparément ; que la société CYTYC soutient les proposer aux
seuls très grands laboratoires où les conditions d'emploi qu'elle préconise
seraient respectées ; mais qu'elle ne peut en justifier ; qu'en conséquence
la société CYTYC ne démontre pas que l'utilisation de la marque comme
référence nécessaire constitue de la part de la société LABONORD un
comportement déloyal portant atteinte à ses intérêts légitimes et n'est pas
conforme aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle
(arrêt attaqué pp. 6-7-8) ;
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ALORS, d'une part, QU'il appartient à celui qui entend utiliser la marque
d'un tiers comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un
produit en tant qu'accessoire de prouver que ce produit est certainement
et effectivement compatible avec le produit légitimement revêtu de la
marque ; qu'en décidant que le flacon d'EASYFIX vendu par la société
LABONORD
constituait
un
consommable
indispensable
au
fonctionnement de la machine d'analyse cytologique THINPREP de la
société CYTYC et donc un accessoire de cette machine au motif que le
fabricant d'un accessoire n'est pas tenu de faire valider la compatibilité de
celui-ci avec le produit principal, quand il appartenait positivement à la
société LABONORD de prouver que son produit était compatible avec le
test de dépistage du cancer de la société CYTYC, laquelle contestait une
telle compatibilité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé
l'article L. 713-6 b du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, QUE si l'enregistrement d'une marque ne fait pas
obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire pour indiquer
la destination d'un produit, notamment en tant qu'accessoire ou pièce
détachée, c'est à la condition que cette référence ait un caractère
nécessaire ; que cette référence est nécessaire lorsque l'usage de la
marque constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une
information compréhensible et complète sur cette destination afin de
préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce
produit ; que pour considérer que l'utilisation des marques CYTYC et
THINPREP était nécessaire pour permettre à un professionnel de
l'analyse médicale de sélectionner les flacons contenant la solution
chimique (dénommée EASYFIX) destinés par la société LABONORD au
dispositif de préparation de frottis de dépistage concurrent afin de les
adapter au processeur THINPREP, la cour d'appel a retenu que la
documentation de la société LABONORD présentait différents types de
flacons (de volumes, de dimensions et de remplissage différents) et que le
manuel de l'utilisateur du système THINPREP prévoyait uniquement le
remplissage du flacon (20 ml), les spécifications tenant au volume du
flacon et à ses dimensions n'étant pas fournies ; qu'en statuant de la sorte
sans s'expliquer sur le fait que, ainsi que le faisait valoir la société
CYTYC, tous les flacons d'EASYFIX de la société LABONORD destinés à
être adaptés à des systèmes de dépistage concurrents avaient tous le
même volume (60 ml) et les mêmes dimensions (35x70 mm) de sorte que,
quand bien même les spécifications autres que le volume de remplissage
du flacon adaptable au système THINPREP n'étaient pas connues, un
professionnel de l'analyse médicale n'avait aucun doute sur le choix du
flacon d'EASYFIX qu'il devait adapter au système THINPREP et que la
référence aux marques CYTYC et THINPREP n'était pas nécessaire, la
cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de
l'article L. 713-6 b du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de troisième part, QUE dans ses conclusions devant la cour
d'appel, la société CYTYC faisait valoir que, même en admettant que
l'utilisation de ses marques ait constitué une référence nécessaire pour
12
indiquer la destination du produit de la société LABONORD, cette
utilisation portait atteinte à ses droits et qu'elle pouvait en demander
l'interdiction en application de l'article L. 713-6 alinéa 2 du Code de la
Propriété Intellectuelle (conclusions du 6 mai 2008 p. 39 et s.) ; qu'en
rejetant l'action en contrefaçon pour la raison qu'il n'existait aucun risque
de confusion dans l'origine des produits en cause, une telle confusion
dans l'origine n'ayant pas été invoquée, la cour d'appel a méconnu les
termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions, en violation de
l'article 4 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de quatrième part, QUE le titulaire de l'enregistrement de marque
est en droit de demander que l'utilisation de sa marque, même en tant que
référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit, soit limitée
ou interdite lorsqu'elle porte atteinte à ses droits ; qu'en s'abstenant de
rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré l'absence de toute
fiabilité des résultats obtenus par l'analyse opérée au moyen de
l'association de la solution EASYFIX de la société LABONORD et des
autres éléments du test THINPREP de la société CYTYC et malgré le
risque de parvenir à des résultats faussés, l'utilisation de la mention
« EASYFIX pour CYTYC THINPREP » n'était pas de nature à accréditer
dans le public l'idée que la solution EASYFIX avait, au contraire, été
spécialement conçue pour être adaptée au test THINPREP de la société
CYTYC, aux droits de laquelle une atteinte était portée en raison de ce
risque, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard
de l'article L. 713-6 dernier alinéa du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions devant la cour d'appel, la
société LABONORD n'a pas contesté que la société CYTYC n'acceptait
de vendre de façon séparé les éléments de son « kit » qu'aux très grands
laboratoires (conclusions signifiées le 15 septembre 2008 p. 55), dont la
société CYTYC soutenait qu'elle pouvait s'assurer qu'ils n'étaient pas
susceptibles de méconnaître le protocole de son test pour des raisons
financières ; qu'en écartant le moyen selon lequel la mention « EASYFIX
pour CYTYC THINPREP » était propre à inciter les laboratoires à
méconnaître ce protocole, notamment en réutilisant les filtres THINPREP
prévus à usage unique, pour la raison que la société CYTYC acceptait
elle-même la division de ses produits, la preuve n'étant pas rapportée que
cette pratique n'avait lieu qu'en faveur des très grands laboratoires, la
cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces
conclusions en violation de l'article 4 du Code de Procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté la
société CYTYC CORPORATION de son action en concurrence déloyale
contre la société LABONORD ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'emploi du nom commercial CYTYC, il résulte des
développements précédents qu'il est utilisé par la société LABONORD au
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même titre que la marque CYTYC comme information sur la compatibilité
des caractéristiques du conditionnement de ses accessoires et la machine
de la société CYTYC et que cette référence est faite dans de telles
conditions que tout risque de confusion est écarté ; que sur les actes qui
selon la société CYTYC jettent le discrédit sur elle et ses produits, il
résulte des développements précédents que la société LABONORD dont
la solution EASYFIX a été validée pour la recherche d'HPV n'avait pas à
faire homologuer la compatibilité de l'accessoire qu'est son flacon prêt à
l'emploi avec le produit principal qu'est le processeur THINPREP ; que le
fait de vendre le flacon de solution EASYFIX indépendamment du filtre
THINPREP n'est pas contraire à la pratique de la société CYTYC ellemême ; qu'il n'y a pas tromperie des gynécologues et de leurs patientes ;
que sur les actes de parasitisme, la société CYTYC reproche à la société
LABONORD d'avoir présenté sur son site internet son flacon prêt à
l'emploi successivement EASYFIX 20 ml pour CYTYC THINPREP 60 ml
et EASYFIX 15 ml pour TURBITEC, et de proposer un prix inférieur pour
les flacons EASYFIX pour TURBITEC par rapport au prix des flacons
EASYFIX pour THINPREP CYTYC et au prix des kits de consommables
fournis par la société CYTYC ; que toutefois la pratique des prix inférieurs
n'est pas en soi fautive, et la présentation est justifiée par le souci de
désigner le flacon LABONORD compatible avec la machine de telle
société ; qu'en conséquence les faits allégués par la société CYTYC sont
insuffisants pour caractériser une faute imputable à la société
LABONORD ; (arrêt attaqué pp. 8-9) ;
ALORS, d'une part, QUE la cassation qui sera prononcée sur le premier
moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir jugé que
l'utilisation de la dénomination CYTYC en tant que marque était justifiée
comme référence nécessaire pour indiquer la destination du produit de la
société LABONORD, entraînera par voie de conséquence la cassation de
l'arrêt en ce qu'il écarte la concurrence déloyale tenant à la reproduction
du nom commercial et de la dénomination sociale CYTYC, cette
reproduction étant par suite dépourvue de toute justification, en
application de l'article 625 du Code de Procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QUE la cassation qui sera prononcée sur le premier
moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir méconnu que
l'utilisation de la mention «EASYFIX pour CYTYC THINPREP » tendait à
répandre dans le public l'idée erronée que le produit EASYFIX de la
société LABONORD avait été spécialement conçu pour être adapté au
test THINPREP en violation des intérêts de la société CYTYC, entraînera
par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il écarte la
concurrence déloyale à raison de l'accomplissement d'actes tendant à
jeter le discrédit sur la société CYTYC et ses produits, en application de
l'article 625 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE la cassation qui sera prononcée sur le
premier moyen, qui reproche à la cour d'appel d'avoir écarté la
contrefaçon des marques CYTYC et THINPREP à l'occasion de la
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commercialisation du produit EASYFIX de la société LABONORD,
entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il
écarte l'action en concurrence déloyale et en parasitisme à raison de la
commercialisation du même produit à un prix inférieur, au motif que la
pratique des prix inférieurs n'est pas « en soi » fautive, en application de
l'article 625 du Code de Procédure civile ;
ALORS, enfin, QUE la société CYTYC faisait valoir que le produit
EASYFIX était présenté sur le site internet de la société LABONORD
comme «EASYFIX pour CYTYC THINPREP » et, sur la ligne
immédiatement inférieure, « EASYFIX pour TURBITEC », c'est-à-dire son
propre test, et que cette présentation était accompagnée d'une échelle de
prix conçue pour faire apparaître non seulement que le flacon d'EASYFIX
présenté comme étant adapté au test de la société CYTYC était vendu à
un prix inférieur à celui du « kit » de consommables de la société CYTYC
mais aussi que les flacons de solution d'EASYFIX destinés au test
TURBITEC de la société LABONORD étaient vendus à un prix encore
inférieur ; qu'en se bornant à énoncer que cette présentation était justifiée
par « le souci de désigner le flacon LABONORD compatible avec la
machine de telle société » sans s'expliquer sur le reproche précisément
adressé à la société LABONORD de placer son produit dans le sillage de
la notoriété du test de la société CYTYC en jouant doublement sur la
différence de prix, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale
au regard de l'article 1382 du Code civil.