la mort de cléopâtre - Orchestre Philharmonique Royal de Liège
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la mort de cléopâtre - Orchestre Philharmonique Royal de Liège
LA MORT DE CLÉOPÂTRE 1 € JEUDI 15 MAI 2014 – 20H BERLIOZ, Le Carnaval romain, ouverture op. 9 (1844) w env. 10’ BERLIOZ, La Mort de Cléopâtre, scène lyrique pour soprano et orchestre (1829) w env. 22’ 2. Méditation : Largo misterioso Ruxandra Donose, mezzo-soprano PAUSE PROKOFIEV, Roméo et Juliette, suite pour orchestre (1935-1936) (extraits) w env. 30’ 1. Les Montaigus et les Capulets (II, 1) 2. Danse des jeunes filles antillaises (II, 6) 3. Jeux de masques (I, 5) 4. Roméo sur la tombe de Juliette (II, 7) 5. Juliette jeune fille (II, 2) 6. La mort de Juliette (III, 6) 7. La mort de Tybalt (I, 7) Jolente De Maeyer, concertmeister Orchestre Philharmonique Royal de Liège Christian Arming, direction JEUDI 15 MAI 2014 LA MORT DE CLÉOPÂTRE [PROGRAMME 27] 1. Allegro vivace con impeto T roisième des quatre cantates écrites par Berlioz pour le Prix de Rome, La Mort de Cléopâtre (1829) dépeint les tourments de la plus célèbre reine d’Égypte qui se laisse piquer par un serpent pour rejoindre Antoine dans la mort. Après Berlioz, Tchaikovski et d’autres, Prokofiev succombe à son tour au charme de Roméo et Juliette (Shakespeare). Achevé en 1935, son ballet suit fidèlement l’histoire tragique des amants de Vérone, prisonniers de la haine que se vouent leurs familles. Alessandro Turchi, La mort de Cléopâtre, 1640, Musée du Louvre. BERLIOZ LE CARNAVAL ROMAIN (1844) DEUX PARTIES. Après l’échec de son opéra Benvenuto Cellini (1838), épousant de manière plus ou moins fidèle la biographie du célèbre sculpteur italien de la Renaissance, Hector Berlioz (1803-1869) conçoit en 1844 une ouverture au second acte qu’il intitule Le Carnaval romain. Ce tableau, qui remporte un fier succès dès sa création, le 3 février 1844 à la Salle Herz à Paris, s’articule en deux parties principales : un Andante sostenuto reposant sur le duo de l’Acte I entre Cellini et Térésa (« Ô Térésa, vous que j’aime plus que ma vie »), puis un Allegro vivace annonçant le grand chœur du Carnaval romain (« Venez, venez, peuple de Rome… Ah ! Sonnez trompettes… »). Comme dans les ouvertures des Francs-Juges, de Benvenuto Cellini, et du Corsaire, Berlioz fait revenir la mélodie de l’Andante dans l’Allegro qui suit. Dans le premier, le chant d’amour est confié au cor anglais. Dans le second, la liesse 2 du carnaval est traduite par un saltarello, une danse hispano-italienne caractérisée par un rythme ternaire animé et des mouvements de sautillement. TÉMOIGNAGE. Dans ses Mémoires, Berlioz rapporte comment le chef d’orchestre François-Antoine Habeneck (1781-1849) ne parvint jamais à prendre le tempo du saltarello, lors de la création de l’opéra : « Quand nous vînmes aux répétitions d’orchestre, les musiciens, voyant l’air renfrogné d’Habeneck, se tinrent à mon égard dans la plus froide réserve. Ils faisaient leur devoir cependant. Habeneck remplissait mal le sien. Il ne put jamais parvenir à prendre la vive allure du saltarello dansé et chanté sur la place Colonne au milieu du second acte. Les danseurs ne pouvant s’accommoder de son mouvement traînant, venaient se plaindre à moi et je lui répétais : ‘Plus vite ! plus vite ! animez donc !’ Habeneck, irrité, frappait son pupitre et cassait son archet. Enfin, après l’avoir vu se livrer à quatre ou cinq accès de colère semblables, je finis par lui dire avec un sang-froid qui l’exaspéra : Mon Dieu, monsieur, vous casseriez cinquante archets que cela n’empêcherait pas votre mouvement d’être de moitié trop lent. Il s’agit d’un saltarello. Ce jour-là Habeneck s’arrêta, et se tournant vers l’orchestre: Puisque je n’ai pas le bonheur de contenter M. Berlioz, dit-il, nous en resterons là pour aujourd’hui, vous pouvez vous retirer. Et la répétition finit ainsi 1. Quelques années après [le 3 février 1844], quand j’eus écrit l’ouverture du Carnaval romain, dont l’Allegro a pour thème ce même saltarello qu’il n’a jamais pu faire marcher, Habeneck se trouvait dans le foyer de la salle de Herz le soir du concert où devait être entendue pour la première fois cette ouverture. Il avait appris qu’à la répétition du matin, le service de la garde nationale m’ayant enlevé une partie de mes musiciens, nous avions répété sans instruments à vent. Bon ! s’était-il dit, il va y avoir ce soir quelque catastrophe dans son concert, il faut aller voir cela ! En arrivant à l’orchestre, en effet, tous les artistes chargés de la partie des instruments à vent m’entourèrent effrayés à l’idée de jouer devant le public une ouverture qui leur était entièrement inconnue. N’ayez pas peur, leur dis-je, les parties sont correctes, vous êtes tous des gens de talent, regardez mon bâton le plus souvent possible, comptez bien vos pauses et cela marchera. Il n’y eut pas une seule faute. Je lançai l’Allegro dans le mouvement tourbillonnant des danseurs transtévérins; le public cria bis; nous recommençâmes l’ouverture; elle fut encore mieux rendue la seconde fois; et en rentrant au foyer où se trouvait Habeneck un peu désappointé, je lui jetai en passant ces quatre mots : Voilà ce que c’est ! auxquels il n’eut garde de répondre. Je n’ai jamais senti plus vivement que dans cette occasion le bonheur de diriger moimême l’exécution de ma musique; mon plaisir redoublait en songeant à ce qu’Habeneck m’avait fait endurer. Pauvres compositeurs ! Sachez vous conduire, et vous bien conduire! (avec ou sans calembour) car le plus dangereux de vos interprètes, c’est le chef d’orchestre, ne l’oubliez pas. » (Berlioz, Mémoires, chapitre 48) 1Je ne pouvais conduire moi-même les répétitions de Cellini. En France dans les théâtres, les auteurs n’ont pas le droit de diriger leurs propres ouvrages. 3 BERLIOZ LA MORT DE CLÉOPÂTRE (1829) Après avoir déjà tenté deux fois sa chance, Berlioz compose en juillet 1829 La Mort de Cléopâtre, une cantate censée lui procurer enfin la consécration suprême, le Grand Prix de Rome de composition. Choqué par le modernisme et la fulgurance de la partition, le jury décide cette année-là de n’octroyer aucun prix… PROBLÈMES PÉCUNIAIRES. À l’âge de 17 ans, Hector Berlioz (1803-1869) se rend à Paris pour étudier la médecine, conformément aux vœux de son père. Mais écœuré par les cours d’anatomie et passionné par l’orchestre et les représentations d’opéra, il décide d’entrer au Conservatoire de Paris où il étudie la composition avec Jean-François Lesueur et Antoine Reicha. Venu tardivement à la musique, contraint de lutter plusieurs années contre la volonté paternelle, Berlioz n’est toujours pas en mesure, à l’âge de 25 ans, d’assurer seul sa subsistance. Seule une victoire au Prix de Rome de composition le tirerait d’embarras. Le concours impose de rester enfermé trois semaines durant le mois de juillet afin de composer une cantate sur un poème spécialement écrit pour la circonstance. En 1827, Berlioz présente La Mort d’Orphée, jugée inexécutable par… le pianiste chargé d’en présenter la réduction au jury. En 1828, sa cantate Herminie remporte un Second Prix. La coutume voulant que le titulaire du Second Prix obtienne le Premier Prix l’année suivante, Berlioz se prépare à prendre davantage de libertés : « Puisque ces messieurs sont décidés d’avance à me donner le Premier Prix, je ne vois pas pourquoi je m’astreindrais, comme l’année dernière à écrire dans leur style et dans leur sens, au lieu de me laisser aller à mon sentiment propre et au style qui m’est naturel. » ÉCRIRE PLATEMENT. Le poème de 1829, issu de la plume de Pierre-Ange Vieillard de Boismartin, retrace les derniers moments de Cléopâtre, contrainte au suicide après la mort d’Antoine. Ce sujet dut enflammer l’imaginaire de Berlioz qui tira parti du caractère tragique de l’histoire pour donner libre cours à son inspiration. La similitude était frappante avec 4 Roméo et Juliette, récit shakespearien dans lequel Juliette absorbe le poison dans le tombeau des Capulet. Mais les membres du jury, de tendance conservatrice, furent effarés par les harmonies audacieuses, les rythmes non conventionnels de la partition. Aussi fut-il décidé cette année-là de n’octroyer aucun prix. Ce n’est qu’en 1830, quelques mois avant de composer la Symphonie fantastique, que Berlioz remporta enfin le Grand Prix de Rome avec La Mort de Sardanapale, cantate dans laquelle il abdiqua tout désir d’originalité pour se conformer à la ligne exigée par le jury. Auber lui avait d’ailleurs déclaré : « Vous fuyez les lieux communs ; mais vous n’avez pas à redouter de faire jamais de platitudes. Ainsi le meilleur conseil que je puisse vous donner, c’est de chercher à écrire platement, et quand vous aurez fait quelque chose qui vous paraîtra horriblement plat, ce sera justement ce qu’il faut. » TRUFFÉE D’AUDACES. Dans La Mort de Cléopâtre, point de platitudes… Dès l’introduction orchestrale Allegro vivace con impeto, tourbillonnant au gré des pensées agitées de Cléopâtre, le ton est donné. Après une brève accalmie, un récitatif puissant commence sur les mots « C’en est donc fait ! », relatant la bataille d’Actium et le déshonneur de la défaite. S’ensuit un épisode orchestral désolé Lento cantabile, prélude à un air commençant par les mots « Ah ! Qu’ils sont loin ces jours… » dans lequel la reine d’Égypte se remémore avec amertume les hauts faits de son règne, désormais révolu. Berlioz reprendra cette mélodie dans des œuvres ultérieures comme l’opéra Benvenuto Cellini (1838) ou l’ouverture du Carnaval romain (1844). Après ces épanchements nostalgiques, un énorme sentiment de culpabilité semble étreindre le récitatif « Au comble des revers, qu’aurais-je encore à craindre ? ». Responsable de la défaite égyptienne, abandonnée de tous, Cléopâtre se résout à se donner la mort : « Il n’en est plus pour moi que l’éternelle nuit ! ». SOMMET DE L’ŒUVRE. Dans la Méditation notée Largo misterioso — le sommet de l’œuvre — Cléopâtre s’adresse à ses ancêtres les pharaons auprès desquels elle aspire à reposer, malgré son indignité. Dans le contexte musical des années 1820, l’écriture de Berlioz y apparaît d’une audace extrême, pour ne pas dire outrecuidante… Pendant de longs instants, il est impossible à l’oreille d’imaginer la suite logique des harmonies. C’est évidemment à dessein que Berlioz traduit le désarroi de Cléopâtre par un cheminement qui ressemble fort à une traversée de sables mouvants. Persécutée par le remords, Cléopâtre retrouve quelque force avant de songer à s’infliger la morsure d’un serpent venimeux : « Un vil reptile est mon recours ». Un cri strident de l’orchestre puis un ultime récitatif — glacial ! — décrivent la lente agonie de Cléopâtre sombrant petit à petit dans le néant. Une description aussi réaliste de la mort est sans précédent dans l’histoire de la musique et l’on comprend que cette œuvre atypique ait heurté les jurés de 1829. NAUFRAGE DE L’EXÉCUTION. Comme à l’accoutumée, le jugement se fit en deux fois. Déposée le 23 juillet, la cantate fut présentée à la section de musique une semaine plus tard par Mme Dabadie, de l’Opéra, accompagnée par le pianiste Stephen de La Madelaine. Pour la seconde exécution, qui devait avoir lieu devant un jury élargi aux peintres, sculpteurs et architectes, Mme Dabadie se fit remplacer tardivement par sa sœur, « élève du Conservatoire, qui, disposant de quelques heures seulement pour apprendre une partition terriblement exigeante, ne put rien en tirer. La pièce n’avait aucune chance. Berlioz n’avait plus qu’à s’asseoir et à écouter le massacre. » (David Cairns) ÉRIC MAIRLOT Dans ses Mémoires et sa Correspondance, Berlioz rapporte le dialogue savoureux qu’il eut avec le compositeur Boieldieu, au lendemain du jugement : - « Mon cher enfant, vous aviez le prix dans la main, vous l’avez jeté à terre. - J’ai pourtant fait de mon mieux, monsieur, je vous l’atteste. - C’est justement ce que nous vous reprochons. Nous comptions vous donner le prix, nous pensions que vous seriez plus sage que l’année dernière, et voilà qu’au contraire vous avez été cent fois plus loin en sens inverse. J’étais venu avec la ferme conviction que vous l’auriez ; mais quand j’ai entendu votre ouvrage !… Comment voulez-vous que je donne le prix à une chose dont je n’ai pas d’idée ? Je ne puis juger que ce que je comprends. Je ne comprends la moitié de Beethoven, et vous voulez aller plus loin que Beethoven ! Comment voulez-vous que je comprenne ? Vous vous jouez des difficultés de l’harmonie en prodiguant les modulations ; et moi qui n’ai pas fait d’études harmoniques, qui n’ai aucune expérience de cette partie de l’art ! C’est peut-être de ma faute. Je n’aime que la musique qui me berce. - Mais, monsieur, si vous voulez que j’écrive de la musique douce, il ne faut pas nous donner un sujet comme Cléopâtre : une reine désespérée qui se fait mordre par un aspic et meurt dans les convulsions ! - Oh ! mon ami, on peut toujours mettre de la grâce dans tout ; mais je suis bien loin de dire que votre ouvrage soit mauvais ; je dis seulement que je ne le comprends pas encore, il faudrait que je l’entendisse plusieurs fois avec l’orchestre. - M’y suis-je refusé ? - D’ailleurs, en voyant toutes ces formes bizarres, cette haine pour tout ce qui est connu, je ne pouvais m’empêcher de dire à mes collègues de l’Institut qu’un jeune homme qui a de pareilles idées, et qui écrit ainsi, doit nous mépriser du fond de son cœur. Vous êtes 5 La mort de Cléopâtre, Domenico Maria Muratori (1661-1744), Louvre. un volcanisé. Et toutes les organisations ne sont pas de cette trempe. Il ne faut pas écrire pour soi. Quelle nécessité d’aller, dans votre invocation aux Pharaons, employer dans l’accompagnement ce rythme qu’on n’a jamais entendu nulle part ? Mme Dabadie est une excellente musicienne, et pourtant on voyait que, pour ne pas se tromper, elle avait besoin de tout son talent et toute son attention. [Boieldieu fait référence à l’exécution préliminaire du 30.] Rois, encore au sein des ténèbres, Vous me fuiriez avec horreur, Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ? Ai-je pour l’accuser, ai-je le droit de la vertu ? - Ma foi, j’ignorais aussi, je l’avoue, que la musique fût destinée à être exécutée sans talent et sans attention. Par moi nos Dieux ont fui d’Alexandrie. D’Isis le culte est détruit. Grands Pharaons, nobles Lagides, Vous me fuiriez avec horreur ! Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ? Ai-je pour l’accuser, ai-je le droit de la vertu ? Grands Pharaons, nobles Lagides, Verrez-vous entrer sans courroux, Pour dormir dans vos pyramides, Une reine indigne de vous ? Non, j’ai d’un époux déshonoré la vie. Sa cendre est sous mes yeux, son ombre me poursuit. C’est par moi qu’aux Romains l’Égypte est asservie. Par moi nos Dieux ont fui les murs d’Alexandrie, Et d’Isis le culte est détruit. Osiris proscrit ma couronne. À Typhon je livre mes jours, Contre l’horreur qui m’environne. Un vil reptile est mon recours. - Bien, bien, vous ne resterez jamais court, je le sais. Mais profitez de cette leçon pour l’année prochaine. En attendant, venez chez moi, faites-moi ce plaisir, nous causerons. Je veux vous étudier. » (rapporté par David Cairns) CLÉOPÂTRE naît à Alexandrie en 69 av. J.C. Elle règne d’abord dès l’âge de 18 ans avec son frère avant d’être chassée du trône puis rétablie par César, qui en fait bientôt sa maîtresse. Avec l’aide des Romains, elle tente de restaurer la suprématie de l’Égypte des Lagides en Méditerranée. À la mort de César, elle rencontre Antoine, qui l’épouse et lui donne plusieurs enfants. Leur politique d’expansion menaçant l’hégémonie romaine, Octave les défait à la bataille d’Actium. Après le suicide d’Antoine, Cléopâtre tente d’obtenir la clémence d’Octave, mais devant son inflexibilité, elle se donne la mort à l’âge de 39 ans en se faisant mordre par un serpent venimeux dissimulé dans une coupe de fruits. LA MORT DE CLÉOPÂTRE, SCÈNE LYRIQUE Texte: Pierre-Ange Vieillard de Boismartin Récitatif C’en est donc fait ! Ma honte est assurée. Veuve d’Antoine et veuve de César, Au pouvoir d’Octave livrée, Je n’ai pu captiver son farouche regard. J’étais vaincue, et suis déshonorée. En vain, pour ranimer l’éclat de mes attraits, J’ai profané le deuil d’un funeste veuvage ; En vain, en vain, de l’art épuisant les secrets, J’ai caché sous des fleurs les fers de l’esclavage ; Rien n’a pu du vainqueur désarmer les décrets. À ses pieds j’ai traîné mes grandeurs opprimées Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus, Et la fille des Ptolémée, A subi l’affront des refus. [Air] Ah ! qu’ils sont loin ces jours, tourment de ma mémoire Où sur le sein des mers, comparable à Vénus, D’Antoine et de César réfléchissant la gloire, 6 J’apparus triomphante aux rives du Cydnus ! Actium m’a livrée au vainqueur qui me brave ; Mon sceptre mes trésors ont passé dans ses mains ; Ma beauté me restait et les mépris d’Octave, Pour me vaincre ont fait plus que le fer des Romains. Ah ! qu’ils sont loin ces jours, tourment de ma mémoire, Où sur le sein des mers comparable à Vénus, D’Antoine et de César réfléchissant la gloire, J’apparus triomphante aux rives du Cydnus ! En vain de l’art épuisant les secrets, J’ai caché sous des fleurs les fers de l’esclavage, Rien n’a pu du vainqueur désarmer les décrets, Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus. J’ai subi l’affront des refus. Moi ! qui du sein des mers, comparable à Vénus, M’élançais triomphante aux rives du Cydnus ! [Récitatif] Au comble des revers qu’aurais-je encore à craindre ? Reine coupable, que dis-tu ? Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ? Ai-je pour l’excuser les droits de la vertu? J’ai d’un époux déshonoré la vie. C’est pour moi qu’aux Romains l’Égypte est asservie, Et que d’Isis l’ancien culte est détruit. Quel asile chercher ! Sans parents, sans patrie, Il n’en est plus pour moi que l’éternelle nuit ! Méditation Grands Pharaons, nobles Lagides, Verrez-vous entrer sans courroux, Pour dormir dans vos pyramides, Une reine indigne de vous ? Non! …non, de vos demeures funèbres, Je profanerais la splendeur. Récitatif Dieux du Nil, vous m’avez trahie ! Octave m’attend à son char. Cléopâtre en quittant la vie, Redevient digne de César ! MUSIC FACTORY NUITS BLANCHES MERCREDI 11 JUIN 2014 – 18H30 IT GRATULES POUR S DE MOIN NS 26 A Œuvres de GRIEG, VIVALDI, VERDI, GLAZOUNOV, HONEGGER, BEETHOVEN … MOUSSORGSKY, Une Nuit sur le Mont chauve Orchestre Philharmonique Royal de Liège | Fayçal Karoui, direction et présentation wLa chaleur, la féerie de l’été vues par Vivaldi, les nuits blanches de Saint-Pétersbourg, les feux de la Saint-Jean, avec Moussorgski, Grieg, etc. Une Fête de la Musique avant l’heure ! 7 PROKOFIEV ROMÉO ET JULIETTE (1935-1936, 1946) pour en tirer deux suites pour orchestre (il en écrira une troisième en 1946), puis dix pièces pour piano. Il agence tout autrement les scènes du ballet, pour donner aux œuvres qui en dérivent une personnalité, une progression et une couleur tout à fait singulières. Les grands thèmes musicaux du ballet se trouvent ainsi redistribués et comme réinventés. Pour ce concert et la tournée de l’OPRL en Europe centrale en mai 2014, Christian Arming a choisi sept pièces issues des trois Suites. 1.LES MONTAIGUS ET LES CAPULETS (II, 1) TROIS SUITES D’ORCHESTRE. Été 1935 : Serge Prokofiev (1891-1953) s’est définitivement réinstallé en Union soviétique. Commence ce que l’on appellera sa « période soviétique ». Roméo et Juliette est le premier grand ballet de cette période. Il lui a été commandé par le Kirov en 1934 et Prokofiev le compose en cet été 1935. Le style de Prokofiev a sensiblement évolué et le long ballet en trois actes qu’il soumet au Kirov ne donne pas satisfaction. Les danseurs considèrent même que les rythmes choisis par Prokofiev sont « indansables ». C’est hors d’Union soviétique, à Brno, que le ballet sera créé, en 1938, et c’est en 1940 qu’il fera son entrée au Kirov. Le matériau musical de Roméo et Juliette était si riche que Prokofiev ne put se résoudre, devant le refus du Kirov, à laisser lettre morte ce travail. Aussi reprit-il sa partition en 1936 8 La Deuxième Suite se concentre sur les personnages. Il est naturel qu’elle s’ouvre sur la haine séculaire qui scelle la tragédie de Roméo et Juliette : tableau en musique de deux familles ennemies correspondant à la « Danse des chevaliers » dans le ballet. La pièce s’ouvre sur un thème menaçant bientôt remplacé par la marche martiale et arrogante qui figure ces aristocrates enfermés dans leur rivalité, avec des unissons tenus de violon induisant une extrême tension. Surgit au cœur de cette haine le thème vaporeux de la danse de Juliette, avec ses flûtes aux arabesques presque lascives. Il est enseveli par le retour aux accents initiaux qui sonne comme la musique du destin. 2.DANSE DES JEUNES FILLES ANTILLAISES (II, 6) – Le ballet requiert « Des filles avec des lys » ; c’est une danse modérée et gracieuse, dont la musique traduit l’exotisme sensuel. 3.JEUX DE MASQUES (I, 5) – Brève scène quelque peu énigmatique, dans laquelle Roméo et Juliette sont masqués. 4.ROMÉO SUR LA TOMBE DE JULIETTE (II, 7) Cette fois, d’étranges dissonances viennent troubler la phrase et le pathos n’est plus suggéré, mais instillé par une tension insoutenable que fabriquent à la fois le brasier des cordes et les vastes clameurs des cuivres. Quelques souvenirs (la danse de Juliette) viennent trouer cette noirceur, mais le long crescendo jusqu’à la mort de Juliette n’en est pas réellement entravé : Prokofiev invente là littéralement une « marche au supplice » défaisant tout répit possible, avec ses montées déchirantes. La toute dernière partie de cette section décrit la mort de Juliette avec une grande économie de moyens : l’orchestre est comme étal, neutralisé par le deuil et tout s’achève sur un fil sonore, comme un ultime soupir. 5.JULIETTE JEUNE FILLE (II, 2) – Les flûtes là encore (avec cette fois des clarinettes) viennent souligner poétiquement l’innocence et la douceur de Juliette. La grâce des pizzicati (notes détachées) ajoute l’espièglerie à la douceur, au gré d’une musique délibérément ludique et enfantine. La phrase qui commande la deuxième section installe un autre visage de Juliette, parfaitement romantique cette fois, pétri de rêverie et de langueur. Juliette, on s’en souvient, est âgée chez Shakespeare d’une quinzaine d’années. 6.LA MORT DE JULIETTE (III, 6) – Ultime pièce de la Troisième Suite, cette marche funèbre, nourrie des sonorités profonde des cors, tuba et contrebasson, s’éteint progressivement sur des lignes calmes des instruments à vent. 7.LA MORT DE TYBALT (I, 7) – La Première Suite reprend les passages les plus illustratifs du ballet, à l’exception de sa septième section, La Mort de Tybalt. Dans cette dernière partie de la Première Suite, Prokofiev concentre le combat de Tybalt et de Mercutio, le combat de Tybalt et Roméo, et enfin la mort de Tybalt. Un début presque innocent subit une exaspération graduelle. Les cuivres se font envahissants et implacables : cette mort est aussi un finale fracassant pour la Première Suite. SYLVAIN FORT CHRISTIAN ARMING DIRECTION NÉ EN 1971 À VIENNE, Christian Arming a grandi à Hambourg. Disciple de Leopold Hager, il collabore étroitement avec Seiji Ozawa à Tanglewood et Tokyo. En 1995, à 24 ans, il est le plus jeune chef nommé à la tête de l’Orchestre Philharmonique Janácek d’Ostrava (1995-2002). De 2001 à 2004, il est Directeur musical de l’Orchestre Symphonique de Lucerne, et de 2003 à 2013, du New Japan Philharmonic de Tokyo, où il succède à Seiji Ozawa. Christian Arming a dirigé plus de 50 orchestres dans le monde. Il est également très demandé à l’opéra. En 2011, il a pris ses fonctions de Directeur musical de l’OPRL. À Liège, il met l’accent sur le répertoire d’Europe centrale, profite de la tradition que cultive l’OPRL dans le domaine de la musique contemporaine, transmet sa connaissance de la musique slave (tchèque en particulier), et enrichit le répertoire français cher à l’Orchestre. Il a enregistré des œuvres de Brahms, Beethoven, Mahler, Janácek, Schmidt et Escaich. Ses premiers enregistrements avec l’OPRL, consacrés à Franck (2012, Fuga Libera), Saint-Saëns (2013, Zig-Zag Territoires) et Gouvy (2014, Palazzetto Bru Zane) ont suscité de très belles critiques. « La 4e de Brahms donne amplement l’occasion à Arming de démontrer ses capacités quant à la conception d’une grande arche symphonique. » (Aachener Zeitung, 26/11/2013) 9 ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ROYAL DE LIÈGE RUXANDRA DONOSE MEZZO-SOPRANO NÉE À BUCAREST, Ruxandra Donose a étudié le chant et le piano à l’Université nationale de musique de Bucarest. Après avoir remporté le Second Prix du Concours ARD de Munich en 1990, elle devient membre de l’Opéra de Vienne en 1992. À partir de ce moment, sa carrière internationale progresse rapidement. Elle chante dans les opéras du monde entier, de San Francisco à Tokyo… sous la baguette de chefs mythiques tels que Claudio Abbado, Sergiu Celibidache, Seiji Ozawa, Zubin Mehta, Colin Davis, Charles Dutoit, Christoph von Dohnányi, Mariss Jansons, Vladimir Jurowski et Pierre Boulez. En 2013/2014, elle chante notamment dans le Requiem de Verdi (Prague), le Requiem de Mozart (Écosse), les Gurrelieder de Schoenberg (Mexico), Le Chant de la terre de Mahler (Portland) et La Mort de Cléopâtre de Berlioz (avec l’Orchestre Philharmonia de Londres et Edward Gardner, et en tournée avec l’OPRL et Christian Arming). Elle a enregistré entre autres Ständchen de Schubert (Philips), le Stabat Mater de Dvorák (avec Giuseppe Sinopoli, DGG), Le Chant de la terre de Mahler (Naxos), la Messe en si de Bach (avec Sergiu Celibidache), la 9e Symphonie de Beethoven (Naxos), Les Noces de Figaro de Mozart (Arte Nova), Cendrillon de Rossini (DVD, Opus Arte), Il Farnace de Vivaldi (EMI/Virgin)… Elle chante pour la première fois avec l’OPRL. 10 SOUTENU PAR la Fédération WallonieBruxelles (avec le concours de la Loterie Nationale), la Ville de Liège, la Province de Liège, l’OPRL se produit à Liège, dans le cadre prestigieux de la Salle Philharmonique, dans toute la Belgique et à l’étranger. Après des chefs comme Fernand Quinet, Paul Strauss, Pierre Bartholomée ou Louis Langrée qui ont forgé l’identité de l’Orchestre, au carrefour des influences germanique et latine, Christian Arming, directeur musical depuis septembre 2011, pousse les feux de l’excellence et élargit les horizons de l’OPRL. La saison 2013/2014 est placée sous le signe de l’Orient (à l’Est du Danube), évoqué par Mozart, Grétry, RimskiKorsakov, Nielsen, R. Strauss, Khatchaturian, Bartók, et les créations de Claude Ledoux, Fazil Say, Tan Dun et Fujikura. Cette saison, l’OPRL propose plusieurs temps forts : l’intégrale de la musique de chambre de Poulenc (décembre 2013) et le Festival Les Orientales (février 2014). En mai 2014, l’OPRL et Christian Arming s’envolent pour une tournée en Europe centrale. www.oprl.be 3 CD SAINT-SAËNS. « Un OPRL vraiment royal, car Christian Arming sait se tenir à sa place, servir les solistes, se montrer précis, léger et raffiné, une réalisation idéale. » (Jacques Bonnaure, 4 étoiles de Classica, février 2014). 11 SALLE PHILHARMONIQUE PROCHAINS CONCERTS SAMEDI 17 MAI 2014 – 16H JEUDI 5 JUIN 2014 – 20H PIANO 5 ÉTOILES BENJAMIN GROSVENOR À TRAVERS SONS RÂGA SÛTRA MENDELSSOHN, Andante & Rondo Capriccioso SCHUBERT, Impromptu op. 90 n° 3 SCHUMANN, Humoresque MOMPOU, Trois paysages MEDTNER, Deux Contes de fée op. 51 n° 3 et op. 14 n° 2 « Marche du Paladin » RAVEL, Valses nobles et sentimentales GOUNOD/LISZT, Valse de Faust Benjamin Grosvenor, piano MERCREDI 21 MAI 2014 – 12H30 MUSIQUE À MIDI BRAHMS ALLA ZINGARESE [GRATUIT] BRAHMS, Sonate pour violon et piano n° 1 BRAHMS, Quatuor pour piano et cordes n° 1 op. 25 Alma Quiroga & Jean-Gabriel Raelet, violon Yano Polis, alto | Dina Meunier, violoncelle Julie Noiret & Darina Vasileva, piano En partenariat avec le Conservatoire Royal de Liège Avec le soutien des Amis de l’Orchestre DIMANCHE 25 MAI 2014 – 16H HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE FROIDEBISE, Berceuse MESSIAEN, Diptyque FROIDEBISE, Diptyque PÉRIER, Tombeau de Pierre Froidebise JONGEN, Prière MALEINGREAU, Toccata FROIDEBISE, Sonatine TOURNEMIRE, Fresque symphonique sacrée n° 2 Carolyn Shuster-Fournier, orgue Dans le cadre de la Fête de l’Orgue DIMANCHE 1er JUIN 2014 – 19H CE SOIR, ON IMPROVISE ! Improvisations sur des thèmes proposés par le public. Bernhard Leonardy, orgue Dans le cadre de la Fête de l’Orgue 12 Ashok Pathak sitar | Khaled Ben Yahia, oud Sandip Bhattacharya, tablâ MERCREDI 11 JUIN 2014 – 18H30 MUSIC FACTORY NUITS BLANCHES Œuvres de GRIEG, VIVALDI, VERDI, GLAZOUNOV, HONEGGER, BEETHOVEN… MOUSSORGSKY, Une Nuit sur le Mont chauve OPRL | Fayçal Karoui, direction et présentation SAMEDI 21 JUIN 2014 – 20H FÊTE DE LA MUSIQUE [GRATUIT] Musiques orientales et musique de films de JARRE, KETELBEY, STRAUSS, ZIMMER, TAKEMITSU, VERDI, WILLIAMS, SAINT-SAËNS, KHATCHATURIAN… OPRL | Christian Arming, direction À ÉCOUTER BERLIOZ, LE CARNAVAL ROMAIN wOrchestre Symphonique de Londres, dir. C. Davis (PHILIPS) BERLIOZ, LA MORT DE CLÉOPÂTRE wB. Uria-Monzon, Orchestre National de Lille, dir. Jean-Claude Casadesus (Harmonia Mundi) wV. Gens, Orchestre de l’Opéra National de Lyon, dir. Louis Langrée (Virgin) PROKOFIEV, ROMÉO ET JULIETTE, BALLET INTÉGRAL wOrchestre de Cleveland, dir. Lorin Maazel (DECCA) PROKOFIEV, ROMÉO ET JULIETTE, SUITES D’ORCHESTRE wOrchestre Symphonique de Londres, dir. Valery Gergiev (LSO) wRoyal Scottish National Orchestra, dir. Neeme Järvi (CHANDOS)