la mort de cléopâtre - Orchestre Philharmonique Royal de Liège

Transcription

la mort de cléopâtre - Orchestre Philharmonique Royal de Liège
LA MORT
DE CLÉOPÂTRE
1 €
JEUDI 15 MAI 2014 – 20H
BERLIOZ,
Le Carnaval romain, ouverture op. 9 (1844) w env. 10’
BERLIOZ, La Mort de Cléopâtre,
scène lyrique pour soprano et orchestre (1829) w env. 22’
2. Méditation : Largo misterioso
Ruxandra Donose, mezzo-soprano
PAUSE
PROKOFIEV,
Roméo et Juliette, suite pour orchestre (1935-1936) (extraits) w env. 30’
1. Les Montaigus et les Capulets (II, 1)
2. Danse des jeunes filles antillaises (II, 6)
3. Jeux de masques (I, 5)
4. Roméo sur la tombe de Juliette (II, 7)
5. Juliette jeune fille (II, 2)
6. La mort de Juliette (III, 6)
7. La mort de Tybalt (I, 7)
Jolente De Maeyer, concertmeister
Orchestre Philharmonique Royal de Liège
Christian Arming, direction
JEUDI 15 MAI 2014 LA MORT DE CLÉOPÂTRE [PROGRAMME 27]
1. Allegro vivace con impeto
T
roisième des quatre cantates
écrites par Berlioz pour
le Prix de Rome, La Mort
de Cléopâtre (1829) dépeint les
tourments de la plus célèbre reine
d’Égypte qui se laisse piquer par un
serpent pour rejoindre Antoine dans
la mort. Après Berlioz, Tchaikovski
et d’autres, Prokofiev succombe à
son tour au charme de Roméo et
Juliette (Shakespeare). Achevé en
1935, son ballet suit fidèlement
l’histoire tragique des amants de
Vérone, prisonniers de la haine que
se vouent leurs familles.
Alessandro Turchi, La mort de Cléopâtre, 1640, Musée du Louvre.
BERLIOZ LE CARNAVAL ROMAIN (1844)
DEUX PARTIES. Après l’échec de son opéra
Benvenuto Cellini (1838), épousant de manière
plus ou moins fidèle la biographie du célèbre
sculpteur italien de la Renaissance, Hector
Berlioz (1803-1869) conçoit en 1844 une
ouverture au second acte qu’il intitule Le
Carnaval romain. Ce tableau, qui remporte un
fier succès dès sa création, le 3 février 1844 à
la Salle Herz à Paris, s’articule en deux parties
principales : un Andante sostenuto reposant
sur le duo de l’Acte I entre Cellini et Térésa
(« Ô Térésa, vous que j’aime plus que ma vie »),
puis un Allegro vivace annonçant le grand
chœur du Carnaval romain (« Venez, venez,
peuple de Rome… Ah ! Sonnez trompettes… »).
Comme dans les ouvertures des Francs-Juges,
de Benvenuto Cellini, et du Corsaire, Berlioz fait
revenir la mélodie de l’Andante dans l’Allegro
qui suit. Dans le premier, le chant d’amour est
confié au cor anglais. Dans le second, la liesse
2
du carnaval est traduite par un saltarello, une
danse hispano-italienne caractérisée par un
rythme ternaire animé et des mouvements de
sautillement.
TÉMOIGNAGE. Dans ses Mémoires, Berlioz
rapporte comment le chef d’orchestre
François-Antoine Habeneck (1781-1849) ne
parvint jamais à prendre le tempo du saltarello,
lors de la création de l’opéra :
« Quand nous vînmes aux répétitions
d’orchestre, les musiciens, voyant l’air
renfrogné d’Habeneck, se tinrent à mon égard
dans la plus froide réserve. Ils faisaient leur
devoir cependant. Habeneck remplissait mal
le sien. Il ne put jamais parvenir à prendre la
vive allure du saltarello dansé et chanté sur
la place Colonne au milieu du second acte.
Les danseurs ne pouvant s’accommoder de
son mouvement traînant, venaient se plaindre
à moi et je lui répétais : ‘Plus vite ! plus vite !
animez donc !’ Habeneck, irrité, frappait son
pupitre et cassait son archet. Enfin, après
l’avoir vu se livrer à quatre ou cinq accès de
colère semblables, je finis par lui dire avec un
sang-froid qui l’exaspéra :
Mon Dieu, monsieur, vous casseriez cinquante
archets que cela n’empêcherait pas votre
mouvement d’être de moitié trop lent. Il s’agit
d’un saltarello.
Ce jour-là Habeneck s’arrêta, et se tournant
vers l’orchestre:
Puisque je n’ai pas le bonheur de contenter
M. Berlioz, dit-il, nous en resterons là pour
aujourd’hui, vous pouvez vous retirer.
Et la répétition finit ainsi 1.
Quelques années après [le 3 février 1844],
quand j’eus écrit l’ouverture du Carnaval
romain, dont l’Allegro a pour thème ce même
saltarello qu’il n’a jamais pu faire marcher,
Habeneck se trouvait dans le foyer de la
salle de Herz le soir du concert où devait
être entendue pour la première fois cette
ouverture. Il avait appris qu’à la répétition
du matin, le service de la garde nationale
m’ayant enlevé une partie de mes musiciens,
nous avions répété sans instruments à vent.
Bon ! s’était-il dit, il va y avoir ce soir quelque
catastrophe dans son concert, il faut aller
voir cela ! En arrivant à l’orchestre, en effet,
tous les artistes chargés de la partie des
instruments à vent m’entourèrent effrayés à
l’idée de jouer devant le public une ouverture
qui leur était entièrement inconnue.
N’ayez pas peur, leur dis-je, les parties sont
correctes, vous êtes tous des gens de talent,
regardez mon bâton le plus souvent possible,
comptez bien vos pauses et cela marchera.
Il n’y eut pas une seule faute. Je lançai
l’Allegro dans le mouvement tourbillonnant
des danseurs transtévérins; le public cria bis;
nous recommençâmes l’ouverture; elle fut
encore mieux rendue la seconde fois; et en
rentrant au foyer où se trouvait Habeneck un
peu désappointé, je lui jetai en passant ces
quatre mots : Voilà ce que c’est ! auxquels il
n’eut garde de répondre.
Je n’ai jamais senti plus vivement que dans
cette occasion le bonheur de diriger moimême l’exécution de ma musique; mon plaisir
redoublait en songeant à ce qu’Habeneck
m’avait fait endurer.
Pauvres compositeurs ! Sachez vous
conduire, et vous bien conduire! (avec ou
sans calembour) car le plus dangereux de
vos interprètes, c’est le chef d’orchestre, ne
l’oubliez pas. »
(Berlioz, Mémoires, chapitre 48)
1Je ne pouvais conduire moi-même les répétitions de Cellini. En France dans les théâtres, les auteurs n’ont pas le droit de diriger leurs
propres ouvrages.
3
BERLIOZ LA MORT DE CLÉOPÂTRE (1829)
Après avoir déjà tenté deux fois sa chance, Berlioz compose en juillet 1829 La Mort de
Cléopâtre, une cantate censée lui procurer enfin la consécration suprême, le Grand Prix de
Rome de composition. Choqué par le modernisme et la fulgurance de la partition, le jury
décide cette année-là de n’octroyer aucun prix…
PROBLÈMES PÉCUNIAIRES. À l’âge de 17 ans,
Hector Berlioz (1803-1869) se rend à Paris
pour étudier la médecine, conformément aux
vœux de son père. Mais écœuré par les cours
d’anatomie et passionné par l’orchestre et
les représentations d’opéra, il décide d’entrer
au Conservatoire de Paris où il étudie la
composition avec Jean-François Lesueur
et Antoine Reicha. Venu tardivement à la
musique, contraint de lutter plusieurs années
contre la volonté paternelle, Berlioz n’est
toujours pas en mesure, à l’âge de 25 ans,
d’assurer seul sa subsistance. Seule une
victoire au Prix de Rome de composition
le tirerait d’embarras. Le concours impose
de rester enfermé trois semaines durant le
mois de juillet afin de composer une cantate
sur un poème spécialement écrit pour la
circonstance. En 1827, Berlioz présente La
Mort d’Orphée, jugée inexécutable par… le
pianiste chargé d’en présenter la réduction au
jury. En 1828, sa cantate Herminie remporte
un Second Prix. La coutume voulant que le
titulaire du Second Prix obtienne le Premier
Prix l’année suivante, Berlioz se prépare à
prendre davantage de libertés : « Puisque
ces messieurs sont décidés d’avance à me
donner le Premier Prix, je ne vois pas pourquoi
je m’astreindrais, comme l’année dernière à
écrire dans leur style et dans leur sens, au lieu
de me laisser aller à mon sentiment propre et
au style qui m’est naturel. »
ÉCRIRE PLATEMENT. Le poème de 1829, issu
de la plume de Pierre-Ange Vieillard de
Boismartin, retrace les derniers moments de
Cléopâtre, contrainte au suicide après la mort
d’Antoine. Ce sujet dut enflammer l’imaginaire
de Berlioz qui tira parti du caractère tragique
de l’histoire pour donner libre cours à son
inspiration. La similitude était frappante avec
4
Roméo et Juliette, récit shakespearien dans
lequel Juliette absorbe le poison dans le
tombeau des Capulet. Mais les membres du
jury, de tendance conservatrice, furent effarés
par les harmonies audacieuses, les rythmes
non conventionnels de la partition. Aussi fut-il
décidé cette année-là de n’octroyer aucun
prix. Ce n’est qu’en 1830, quelques mois
avant de composer la Symphonie fantastique,
que Berlioz remporta enfin le Grand Prix de
Rome avec La Mort de Sardanapale, cantate
dans laquelle il abdiqua tout désir d’originalité
pour se conformer à la ligne exigée par le jury.
Auber lui avait d’ailleurs déclaré : « Vous fuyez
les lieux communs ; mais vous n’avez pas à
redouter de faire jamais de platitudes. Ainsi
le meilleur conseil que je puisse vous donner,
c’est de chercher à écrire platement, et
quand vous aurez fait quelque chose qui vous
paraîtra horriblement plat, ce sera justement
ce qu’il faut. »
TRUFFÉE D’AUDACES. Dans La Mort de
Cléopâtre, point de platitudes… Dès
l’introduction orchestrale Allegro vivace con
impeto, tourbillonnant au gré des pensées
agitées de Cléopâtre, le ton est donné. Après
une brève accalmie, un récitatif puissant
commence sur les mots « C’en est donc fait ! »,
relatant la bataille d’Actium et le déshonneur
de la défaite. S’ensuit un épisode orchestral
désolé Lento cantabile, prélude à un air
commençant par les mots « Ah ! Qu’ils sont
loin ces jours… » dans lequel la reine d’Égypte
se remémore avec amertume les hauts faits
de son règne, désormais révolu. Berlioz
reprendra cette mélodie dans des œuvres
ultérieures comme l’opéra Benvenuto Cellini
(1838) ou l’ouverture du Carnaval romain
(1844). Après ces épanchements nostalgiques,
un énorme sentiment de culpabilité semble
étreindre le récitatif « Au comble des revers,
qu’aurais-je encore à craindre ? ». Responsable
de la défaite égyptienne, abandonnée de tous,
Cléopâtre se résout à se donner la mort : « Il
n’en est plus pour moi que l’éternelle nuit ! ».
SOMMET DE L’ŒUVRE. Dans la Méditation
notée Largo misterioso — le sommet de
l’œuvre — Cléopâtre s’adresse à ses ancêtres
les pharaons auprès desquels elle aspire
à reposer, malgré son indignité. Dans le
contexte musical des années 1820, l’écriture
de Berlioz y apparaît d’une audace extrême,
pour ne pas dire outrecuidante… Pendant
de longs instants, il est impossible à l’oreille
d’imaginer la suite logique des harmonies.
C’est évidemment à dessein que Berlioz
traduit le désarroi de Cléopâtre par un
cheminement qui ressemble fort à une
traversée de sables mouvants. Persécutée par
le remords, Cléopâtre retrouve quelque force
avant de songer à s’infliger la morsure d’un
serpent venimeux : « Un vil reptile est mon
recours ». Un cri strident de l’orchestre puis un
ultime récitatif — glacial ! — décrivent la lente
agonie de Cléopâtre sombrant petit à petit
dans le néant. Une description aussi réaliste
de la mort est sans précédent dans l’histoire
de la musique et l’on comprend que cette
œuvre atypique ait heurté les jurés de 1829.
NAUFRAGE DE L’EXÉCUTION. Comme à
l’accoutumée, le jugement se fit en deux fois.
Déposée le 23 juillet, la cantate fut présentée
à la section de musique une semaine plus tard
par Mme Dabadie, de l’Opéra, accompagnée
par le pianiste Stephen de La Madelaine.
Pour la seconde exécution, qui devait avoir
lieu devant un jury élargi aux peintres,
sculpteurs et architectes, Mme Dabadie
se fit remplacer tardivement par sa sœur,
« élève du Conservatoire, qui, disposant de
quelques heures seulement pour apprendre
une partition terriblement exigeante, ne put
rien en tirer. La pièce n’avait aucune chance.
Berlioz n’avait plus qu’à s’asseoir et à écouter
le massacre. » (David Cairns)
ÉRIC MAIRLOT
Dans ses Mémoires et sa Correspondance,
Berlioz rapporte le dialogue savoureux
qu’il eut avec le compositeur Boieldieu, au
lendemain du jugement :
- « Mon cher enfant, vous aviez le prix dans la
main, vous l’avez jeté à terre.
- J’ai pourtant fait de mon mieux, monsieur, je
vous l’atteste.
- C’est justement ce que nous vous reprochons.
Nous comptions vous donner le prix, nous
pensions que vous seriez plus sage que l’année
dernière, et voilà qu’au contraire vous avez été
cent fois plus loin en sens inverse. J’étais venu
avec la ferme conviction que vous l’auriez ; mais
quand j’ai entendu votre ouvrage !… Comment
voulez-vous que je donne le prix à une chose
dont je n’ai pas d’idée ? Je ne puis juger que ce
que je comprends. Je ne comprends la moitié
de Beethoven, et vous voulez aller plus loin
que Beethoven ! Comment voulez-vous que je
comprenne ? Vous vous jouez des difficultés de
l’harmonie en prodiguant les modulations ; et
moi qui n’ai pas fait d’études harmoniques, qui
n’ai aucune expérience de cette partie de l’art !
C’est peut-être de ma faute. Je n’aime que la
musique qui me berce.
- Mais, monsieur, si vous voulez que j’écrive de
la musique douce, il ne faut pas nous donner un
sujet comme Cléopâtre : une reine désespérée
qui se fait mordre par un aspic et meurt dans les
convulsions !
- Oh ! mon ami, on peut toujours mettre de
la grâce dans tout ; mais je suis bien loin de
dire que votre ouvrage soit mauvais ; je dis
seulement que je ne le comprends pas encore,
il faudrait que je l’entendisse plusieurs fois avec
l’orchestre.
- M’y suis-je refusé ?
- D’ailleurs, en voyant toutes ces formes
bizarres, cette haine pour tout ce qui est
connu, je ne pouvais m’empêcher de dire à
mes collègues de l’Institut qu’un jeune homme
qui a de pareilles idées, et qui écrit ainsi, doit
nous mépriser du fond de son cœur. Vous êtes
5
La mort de Cléopâtre, Domenico Maria Muratori (1661-1744), Louvre.
un volcanisé. Et toutes les organisations ne sont pas de cette trempe. Il ne faut pas écrire pour soi.
Quelle nécessité d’aller, dans votre invocation aux Pharaons, employer dans l’accompagnement ce
rythme qu’on n’a jamais entendu nulle part ? Mme Dabadie est une excellente musicienne, et pourtant
on voyait que, pour ne pas se tromper, elle avait besoin de tout son talent et toute son attention.
[Boieldieu fait référence à l’exécution préliminaire du 30.]
Rois, encore au sein des ténèbres,
Vous me fuiriez avec horreur,
Du destin qui m’accable est-ce à moi de me
plaindre ?
Ai-je pour l’accuser, ai-je le droit de la vertu ?
- Ma foi, j’ignorais aussi, je l’avoue, que la musique fût destinée à être exécutée sans talent et sans
attention.
Par moi nos Dieux ont fui d’Alexandrie.
D’Isis le culte est détruit.
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Vous me fuiriez avec horreur !
Du destin qui m’accable est-ce à moi de me
plaindre ?
Ai-je pour l’accuser, ai-je le droit de la vertu ?
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous ?
Non, j’ai d’un époux déshonoré la vie.
Sa cendre est sous mes yeux, son ombre me
poursuit.
C’est par moi qu’aux Romains l’Égypte est
asservie.
Par moi nos Dieux ont fui les murs
d’Alexandrie,
Et d’Isis le culte est détruit.
Osiris proscrit ma couronne.
À Typhon je livre mes jours,
Contre l’horreur qui m’environne.
Un vil reptile est mon recours.
- Bien, bien, vous ne resterez jamais court, je le sais. Mais profitez de cette leçon pour l’année
prochaine. En attendant, venez chez moi, faites-moi ce plaisir, nous causerons. Je veux vous étudier. »
(rapporté par David Cairns)
CLÉOPÂTRE naît à Alexandrie en 69 av. J.C. Elle règne d’abord dès l’âge de 18 ans avec son
frère avant d’être chassée du trône puis rétablie par César, qui en fait bientôt sa maîtresse.
Avec l’aide des Romains, elle tente de restaurer la suprématie de l’Égypte des Lagides en
Méditerranée. À la mort de César, elle rencontre Antoine, qui l’épouse et lui donne plusieurs
enfants. Leur politique d’expansion menaçant l’hégémonie romaine, Octave les défait à la
bataille d’Actium. Après le suicide d’Antoine, Cléopâtre tente d’obtenir la clémence d’Octave,
mais devant son inflexibilité, elle se donne la mort à l’âge de 39 ans en se faisant mordre par
un serpent venimeux dissimulé dans une coupe de fruits.
LA MORT DE CLÉOPÂTRE, SCÈNE LYRIQUE
Texte: Pierre-Ange Vieillard de Boismartin
Récitatif
C’en est donc fait ! Ma honte est assurée.
Veuve d’Antoine et veuve de César,
Au pouvoir d’Octave livrée,
Je n’ai pu captiver son farouche regard.
J’étais vaincue, et suis déshonorée.
En vain, pour ranimer l’éclat de mes attraits,
J’ai profané le deuil d’un funeste veuvage ;
En vain, en vain, de l’art épuisant les secrets,
J’ai caché sous des fleurs les fers de l’esclavage ;
Rien n’a pu du vainqueur désarmer les décrets.
À ses pieds j’ai traîné mes grandeurs opprimées
Mes pleurs même ont coulé sur ses mains
répandus,
Et la fille des Ptolémée,
A subi l’affront des refus.
[Air]
Ah ! qu’ils sont loin ces jours, tourment de ma
mémoire
Où sur le sein des mers, comparable à Vénus,
D’Antoine et de César réfléchissant la gloire,
6
J’apparus triomphante aux rives du Cydnus !
Actium m’a livrée au vainqueur qui me brave ;
Mon sceptre mes trésors ont passé dans ses
mains ;
Ma beauté me restait et les mépris d’Octave,
Pour me vaincre ont fait plus que le fer des
Romains.
Ah ! qu’ils sont loin ces jours, tourment de ma
mémoire,
Où sur le sein des mers comparable à Vénus,
D’Antoine et de César réfléchissant la gloire,
J’apparus triomphante aux rives du Cydnus !
En vain de l’art épuisant les secrets,
J’ai caché sous des fleurs les fers de l’esclavage,
Rien n’a pu du vainqueur désarmer les décrets,
Mes pleurs même ont coulé sur ses mains
répandus.
J’ai subi l’affront des refus.
Moi ! qui du sein des mers, comparable à Vénus,
M’élançais triomphante aux rives du Cydnus !
[Récitatif]
Au comble des revers qu’aurais-je encore à
craindre ?
Reine coupable, que dis-tu ?
Du destin qui m’accable est-ce à moi de me
plaindre ?
Ai-je pour l’excuser les droits de la vertu?
J’ai d’un époux déshonoré la vie.
C’est pour moi qu’aux Romains l’Égypte est
asservie,
Et que d’Isis l’ancien culte est détruit.
Quel asile chercher ! Sans parents, sans patrie,
Il n’en est plus pour moi que l’éternelle nuit !
Méditation
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous ?
Non! …non, de vos demeures funèbres,
Je profanerais la splendeur.
Récitatif
Dieux du Nil, vous m’avez trahie !
Octave m’attend à son char.
Cléopâtre en quittant la vie,
Redevient digne de César !
MUSIC FACTORY NUITS BLANCHES
MERCREDI 11 JUIN 2014 – 18H30
IT
GRATULES
POUR S DE
MOIN NS
26 A
Œuvres de GRIEG, VIVALDI, VERDI, GLAZOUNOV, HONEGGER, BEETHOVEN …
MOUSSORGSKY, Une Nuit sur le Mont chauve
Orchestre Philharmonique Royal de Liège | Fayçal Karoui, direction et présentation
wLa chaleur, la féerie de l’été vues par Vivaldi, les nuits blanches de Saint-Pétersbourg, les feux
de la Saint-Jean, avec Moussorgski, Grieg, etc. Une Fête de la Musique avant l’heure !
7
PROKOFIEV ROMÉO ET JULIETTE (1935-1936, 1946)
pour en tirer deux suites pour orchestre (il en
écrira une troisième en 1946), puis dix pièces
pour piano. Il agence tout autrement les
scènes du ballet, pour donner aux œuvres qui
en dérivent une personnalité, une progression
et une couleur tout à fait singulières. Les
grands thèmes musicaux du ballet se trouvent
ainsi redistribués et comme réinventés. Pour
ce concert et la tournée de l’OPRL en Europe
centrale en mai 2014, Christian Arming a
choisi sept pièces issues des trois Suites.
1.LES MONTAIGUS ET LES CAPULETS (II, 1)
TROIS SUITES D’ORCHESTRE. Été 1935 : Serge
Prokofiev (1891-1953) s’est définitivement
réinstallé en Union soviétique. Commence ce
que l’on appellera sa « période soviétique ».
Roméo et Juliette est le premier grand ballet
de cette période. Il lui a été commandé par
le Kirov en 1934 et Prokofiev le compose
en cet été 1935. Le style de Prokofiev a
sensiblement évolué et le long ballet en trois
actes qu’il soumet au Kirov ne donne pas
satisfaction. Les danseurs considèrent même
que les rythmes choisis par Prokofiev sont
« indansables ». C’est hors d’Union soviétique,
à Brno, que le ballet sera créé, en 1938, et
c’est en 1940 qu’il fera son entrée au Kirov. Le
matériau musical de Roméo et Juliette était
si riche que Prokofiev ne put se résoudre,
devant le refus du Kirov, à laisser lettre morte
ce travail. Aussi reprit-il sa partition en 1936
8
La Deuxième Suite se concentre sur
les personnages. Il est naturel qu’elle
s’ouvre sur la haine séculaire qui
scelle la tragédie de Roméo et Juliette :
tableau en musique de deux familles
ennemies correspondant à la « Danse des
chevaliers » dans le ballet. La pièce s’ouvre
sur un thème menaçant bientôt remplacé
par la marche martiale et arrogante qui
figure ces aristocrates enfermés dans leur
rivalité, avec des unissons tenus de violon
induisant une extrême tension. Surgit au
cœur de cette haine le thème vaporeux
de la danse de Juliette, avec ses flûtes
aux arabesques presque lascives. Il est
enseveli par le retour aux accents initiaux
qui sonne comme la musique du destin.
2.DANSE DES JEUNES FILLES ANTILLAISES
(II, 6) – Le ballet requiert « Des filles
avec des lys » ; c’est une danse modérée
et gracieuse, dont la musique traduit
l’exotisme sensuel.
3.JEUX DE MASQUES (I, 5) – Brève scène
quelque peu énigmatique, dans laquelle
Roméo et Juliette sont masqués.
4.ROMÉO SUR LA TOMBE DE JULIETTE (II, 7)
Cette fois, d’étranges dissonances
viennent troubler la phrase et le pathos
n’est plus suggéré, mais instillé par une
tension insoutenable que fabriquent à la
fois le brasier des cordes et les vastes
clameurs des cuivres. Quelques souvenirs
(la danse de Juliette) viennent trouer cette
noirceur, mais le long crescendo jusqu’à
la mort de Juliette n’en est pas réellement
entravé : Prokofiev invente là littéralement
une « marche au supplice » défaisant
tout répit possible, avec ses montées
déchirantes. La toute dernière partie de
cette section décrit la mort de Juliette
avec une grande économie de moyens :
l’orchestre est comme étal, neutralisé par
le deuil et tout s’achève sur un fil sonore,
comme un ultime soupir.
5.JULIETTE JEUNE FILLE (II, 2) – Les flûtes
là encore (avec cette fois des clarinettes)
viennent souligner poétiquement
l’innocence et la douceur de Juliette.
La grâce des pizzicati (notes détachées)
ajoute l’espièglerie à la douceur, au gré
d’une musique délibérément ludique et
enfantine. La phrase qui commande la
deuxième section installe un autre visage
de Juliette, parfaitement romantique
cette fois, pétri de rêverie et de langueur.
Juliette, on s’en souvient, est âgée chez
Shakespeare d’une quinzaine d’années.
6.LA MORT DE JULIETTE (III, 6) – Ultime
pièce de la Troisième Suite, cette marche
funèbre, nourrie des sonorités profonde
des cors, tuba et contrebasson, s’éteint
progressivement sur des lignes calmes
des instruments à vent.
7.LA MORT DE TYBALT (I, 7) – La Première
Suite reprend les passages les plus
illustratifs du ballet, à l’exception de sa
septième section, La Mort de Tybalt. Dans
cette dernière partie de la Première Suite,
Prokofiev concentre le combat de Tybalt et
de Mercutio, le combat de Tybalt et Roméo,
et enfin la mort de Tybalt. Un début
presque innocent subit une exaspération
graduelle. Les cuivres se font envahissants
et implacables : cette mort est aussi un
finale fracassant pour la Première Suite.
SYLVAIN FORT
CHRISTIAN
ARMING
DIRECTION
NÉ EN 1971 À VIENNE, Christian Arming a
grandi à Hambourg. Disciple de Leopold
Hager, il collabore étroitement avec Seiji
Ozawa à Tanglewood et Tokyo. En 1995, à
24 ans, il est le plus jeune chef nommé à la
tête de l’Orchestre Philharmonique Janácek
d’Ostrava (1995-2002). De 2001 à 2004, il est
Directeur musical de l’Orchestre Symphonique
de Lucerne, et de 2003 à 2013, du New Japan
Philharmonic de Tokyo, où il succède à Seiji
Ozawa. Christian Arming a dirigé plus de 50
orchestres dans le monde. Il est également
très demandé à l’opéra. En 2011, il a pris ses
fonctions de Directeur musical de l’OPRL.
À Liège, il met l’accent sur le répertoire
d’Europe centrale, profite de la tradition que
cultive l’OPRL dans le domaine de la musique
contemporaine, transmet sa connaissance
de la musique slave (tchèque en particulier),
et enrichit le répertoire français cher à
l’Orchestre. Il a enregistré des œuvres de
Brahms, Beethoven, Mahler, Janácek, Schmidt
et Escaich. Ses premiers enregistrements
avec l’OPRL, consacrés à Franck (2012,
Fuga Libera), Saint-Saëns (2013, Zig-Zag
Territoires) et Gouvy (2014, Palazzetto Bru
Zane) ont suscité de très belles critiques.
« La 4e de Brahms donne amplement
l’occasion à Arming de démontrer ses
capacités quant à la conception d’une grande
arche symphonique. »
(Aachener Zeitung, 26/11/2013)
9
ORCHESTRE
PHILHARMONIQUE
ROYAL DE LIÈGE
RUXANDRA DONOSE
MEZZO-SOPRANO
NÉE À BUCAREST, Ruxandra Donose a étudié
le chant et le piano à l’Université nationale de
musique de Bucarest. Après avoir remporté
le Second Prix du Concours ARD de Munich
en 1990, elle devient membre de l’Opéra de
Vienne en 1992. À partir de ce moment, sa
carrière internationale progresse rapidement.
Elle chante dans les opéras du monde entier,
de San Francisco à Tokyo… sous la baguette
de chefs mythiques tels que Claudio Abbado,
Sergiu Celibidache, Seiji Ozawa, Zubin Mehta,
Colin Davis, Charles Dutoit, Christoph von
Dohnányi, Mariss Jansons, Vladimir Jurowski
et Pierre Boulez. En 2013/2014, elle chante
notamment dans le Requiem de Verdi
(Prague), le Requiem de Mozart (Écosse),
les Gurrelieder de Schoenberg (Mexico),
Le Chant de la terre de Mahler (Portland)
et La Mort de Cléopâtre de Berlioz (avec
l’Orchestre Philharmonia de Londres et
Edward Gardner, et en tournée avec l’OPRL
et Christian Arming). Elle a enregistré entre
autres Ständchen de Schubert (Philips),
le Stabat Mater de Dvorák (avec Giuseppe
Sinopoli, DGG), Le Chant de la terre de Mahler
(Naxos), la Messe en si de Bach (avec Sergiu
Celibidache), la 9e Symphonie de Beethoven
(Naxos), Les Noces de Figaro de Mozart (Arte
Nova), Cendrillon de Rossini (DVD, Opus Arte),
Il Farnace de Vivaldi (EMI/Virgin)… Elle chante
pour la première fois avec l’OPRL.
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SOUTENU PAR la Fédération WallonieBruxelles (avec le concours de la Loterie
Nationale), la Ville de Liège, la Province de
Liège, l’OPRL se produit à Liège, dans le cadre
prestigieux de la Salle Philharmonique, dans
toute la Belgique et à l’étranger. Après des
chefs comme Fernand Quinet, Paul Strauss,
Pierre Bartholomée ou Louis Langrée qui ont
forgé l’identité de l’Orchestre, au carrefour des
influences germanique et latine, Christian
Arming, directeur musical depuis septembre
2011, pousse les feux de l’excellence et élargit
les horizons de l’OPRL. La saison 2013/2014
est placée sous le signe de l’Orient (à l’Est du
Danube), évoqué par Mozart, Grétry, RimskiKorsakov, Nielsen, R. Strauss, Khatchaturian,
Bartók, et les créations de Claude Ledoux, Fazil
Say, Tan Dun et Fujikura. Cette saison, l’OPRL
propose plusieurs temps forts : l’intégrale de
la musique de chambre de Poulenc (décembre
2013) et le Festival Les Orientales (février
2014). En mai 2014, l’OPRL et Christian Arming
s’envolent pour une tournée en Europe
centrale. www.oprl.be
3 CD SAINT-SAËNS. « Un OPRL vraiment royal,
car Christian Arming sait se tenir à sa place,
servir les solistes, se montrer précis, léger
et raffiné, une réalisation idéale. » (Jacques
Bonnaure, 4 étoiles de Classica, février 2014).
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SALLE PHILHARMONIQUE
PROCHAINS CONCERTS
SAMEDI 17 MAI 2014 – 16H
JEUDI 5 JUIN 2014 – 20H
PIANO 5 ÉTOILES
BENJAMIN GROSVENOR
À TRAVERS SONS RÂGA SÛTRA
MENDELSSOHN, Andante & Rondo Capriccioso
SCHUBERT, Impromptu op. 90 n° 3
SCHUMANN, Humoresque
MOMPOU, Trois paysages
MEDTNER, Deux Contes de fée op. 51 n° 3
et op. 14 n° 2 « Marche du Paladin »
RAVEL, Valses nobles et sentimentales
GOUNOD/LISZT, Valse de Faust
Benjamin Grosvenor, piano
MERCREDI 21 MAI 2014 – 12H30
MUSIQUE À MIDI
BRAHMS ALLA ZINGARESE [GRATUIT]
BRAHMS, Sonate pour violon et piano n° 1
BRAHMS, Quatuor pour piano et cordes n° 1 op. 25
Alma Quiroga & Jean-Gabriel Raelet, violon
Yano Polis, alto | Dina Meunier, violoncelle
Julie Noiret & Darina Vasileva, piano
En partenariat avec le Conservatoire
Royal de Liège
Avec le soutien des Amis de l’Orchestre
DIMANCHE 25 MAI 2014 – 16H
HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE
FROIDEBISE, Berceuse
MESSIAEN, Diptyque
FROIDEBISE, Diptyque
PÉRIER, Tombeau de Pierre Froidebise
JONGEN, Prière
MALEINGREAU, Toccata
FROIDEBISE, Sonatine
TOURNEMIRE, Fresque symphonique sacrée n° 2
Carolyn Shuster-Fournier, orgue
Dans le cadre de la Fête de l’Orgue
DIMANCHE 1er JUIN 2014 – 19H
CE SOIR, ON IMPROVISE !
Improvisations sur des thèmes
proposés par le public.
Bernhard Leonardy, orgue
Dans le cadre de la Fête de l’Orgue
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Ashok Pathak sitar | Khaled Ben Yahia, oud
Sandip Bhattacharya, tablâ
MERCREDI 11 JUIN 2014 – 18H30
MUSIC FACTORY
NUITS BLANCHES
Œuvres de GRIEG, VIVALDI, VERDI, GLAZOUNOV,
HONEGGER, BEETHOVEN…
MOUSSORGSKY, Une Nuit sur le Mont chauve
OPRL | Fayçal Karoui, direction et présentation
SAMEDI 21 JUIN 2014 – 20H
FÊTE DE LA MUSIQUE [GRATUIT]
Musiques orientales et musique de films de
JARRE, KETELBEY, STRAUSS, ZIMMER,
TAKEMITSU, VERDI, WILLIAMS, SAINT-SAËNS,
KHATCHATURIAN…
OPRL | Christian Arming, direction
À ÉCOUTER
BERLIOZ, LE CARNAVAL ROMAIN
wOrchestre Symphonique de Londres,
dir. C. Davis (PHILIPS)
BERLIOZ, LA MORT DE CLÉOPÂTRE
wB. Uria-Monzon, Orchestre National
de Lille, dir. Jean-Claude Casadesus
(Harmonia Mundi)
wV. Gens, Orchestre de l’Opéra National de
Lyon, dir. Louis Langrée (Virgin)
PROKOFIEV, ROMÉO ET JULIETTE,
BALLET INTÉGRAL
wOrchestre de Cleveland,
dir. Lorin Maazel (DECCA)
PROKOFIEV, ROMÉO ET JULIETTE,
SUITES D’ORCHESTRE
wOrchestre Symphonique de Londres,
dir. Valery Gergiev (LSO)
wRoyal Scottish National Orchestra,
dir. Neeme Järvi (CHANDOS)